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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Macmillan, pionnier d’une détente improbable face à de Gaulle, gardien de la fermeté occidentale L’enlisement des échanges franco-britanniques sur l’Alliance La cristallisation du conflit franco-britannique sur l’Europe Conclusion Notes de bas de page

    Le schisme franco-britannique

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    Table des matières

    Chapitre III. De Gaulle et Macmillan dans la guerre froide résurgente : entre blocage et confrontation (novembre 1958-été 1960)

    p. 129-192

    Texte intégral Macmillan, pionnier d’une détente improbable face à de Gaulle, gardien de la fermeté occidentale Faire entendre sa voix dans le face-à-face des deux superpuissances : solo britannique et concert à « Trois plus Un » La thèse britannique de l’hypocrisie française Le malentendu de Bad-Kreuznach La divergence franco-britannique : un pur désaccord tactique ? La question allemande au cœur de la divergence franco-britannique Un rapport différent à la guerre froide Défiance mutuelle et lutte d’influence auprès des tiers L’enlisement des échanges franco-britanniques sur l’Alliance L’échec du tripartisme « géographique » Nouvelles alarmes de Gladwyn Jebb L’ouverture d’Eisenhower : l’offre de Rambouillet L’ultime test : bis repetita non placent Le tabou de la coopération nucléaire La cristallisation du conflit franco-britannique sur l’Europe Une dernière chance pour la « Grande Europe » ? Premières consultations politiques à Six La crise de la politique européenne du Royaume-Uni La deuxième mort de la Grande Europe Conclusion Notes de bas de page

    Texte intégral

    1Après les éclats de décembre 1958, les rapports franco-britanniques entrèrent dans une phase de décantation : au niveau européen et transatlantique, on oscilla entre blocage et confrontation à fleurets mouchetés. En revanche, une dimension nouvelle du différend stratégique entre les deux pays apparut au plan Est-Ouest. La seconde crise de Berlin1, déclenchée le 27 novembre 1958 par l’ultimatum de Khrouchtchev exigeant des puissances occidentales une modification du statut de Berlin-Ouest, domina bientôt les échanges diplomatiques entre puissances euro-atlantiques, jusqu’à l’été 1960 où elle connut une accalmie. Cette crise, l’une des plus dangereuses de la guerre froide, révéla une divergence radicale d’analyse entre de Gaulle et Macmillan sur Berlin, sur la question allemande et plus largement sur la guerre froide. Ainsi, au différend fondamental à propos de l’articulation euro-atlantique, s’ajouta bientôt une divergence de conception concernant l’affrontement bipolaire.

    2On adoptera donc successivement trois focales différentes pour examiner le jeu franco-britannique des années 1959-1960 : Est-Ouest, puis Ouest-Ouest, puis ouest-européenne. L’impact, souvent sous-estimé mais décisif, de la crise de Berlin sur les rapports franco-britanniques et sur la position relative des deux pays sur l’échiquier diplomatique euro-atlantique, sera réévalué à la hausse : en effet, la politique adoptée par Macmillan sur la crise de Berlin contribua selon nous à le discréditer de manière décisive aux yeux de De Gaulle, en tant qu’allié indépendant pour la construction d’une « Europe européenne ».

    Macmillan, pionnier d’une détente improbable face à de Gaulle, gardien de la fermeté occidentale

    3La relance de l’affaire berlinoise par l’URSS eut lieu en deux temps. Le 10 novembre 1958, Khrouchtchev réclama l’évacuation par les troupes occidentales de Berlin-Ouest. Le 27 novembre, la demande devint ultimatum : si aucune solution négociée n’était trouvée dans un délai de six mois avec les trois puissances occupantes occidentales (États-Unis, Royaume-Uni, France), l’URSS signerait alors un traité de paix séparée avec la RDA, lui transférant ipso facto le contrôle du transit entre la RFA et Berlin-Ouest. Dès lors, le spectre d’un retour au blocus de 1948-1949 vint hanter à nouveau les chancelleries, aggravé du risque lancinant de conflagration nucléaire, car l’Ouest confronté à un blocus n’aurait eu d’autre issue pour défendre Berlin-Ouest que le recours à l’arme nucléaire.

    4À travers Berlin-Ouest, c’est l’ensemble du dossier de la question allemande que Khrouchtchev avait rouvert. Aussi est-ce difficile de distinguer, dans la manœuvre soviétique, les objectifs qu’on pourrait qualifier de défensifs – éliminer les activités subversives occidentales basées à Berlin-Ouest, espionnage ou propagande ; stabiliser l’État est-allemand ; empêcher de voir resurgir une Allemagne de l’Ouest militairement puissante, disposant des armes nucléaires américaines entreposées sur son territoire suite au plan présenté à l’OTAN par Eisenhower en décembre 1957 –, et les ambitions offensives, bien plus dangereuses pour l’Ouest. En effet, un accord selon les lignes définies par Khrouchtchev aurait signifié un renoncement complet par les Occidentaux à leurs droits sur Berlin-Ouest, hérités des arrangements de 1945. Un tel recul de l’Ouest aurait laissé présager un affaiblissement progressif des liens de Berlin-Ouest avec l’Occident, jusqu’à une possible incorporation dans la RDA. Ensuite, il s’agissait pour Khrouchtchev d’obtenir une reconnaissance par les puissances occidentales de la légitimité de la RDA, et donc de la division de l’Allemagne en deux États, en repoussant du même coup l’objectif de la réunification, maintenu jusque-là par le camp occidental. Enfin, il est clair qu’à travers Berlin-Ouest, position indéfendable par des moyens militaires conventionnels et véritable talon d’Achille géopolitique du camp occidental, Khrouchtchev avait à l’esprit un objectif politico-stratégique allant bien au-delà de Berlin-Ouest ou même de la RDA : il s’agissait de mettre à l’épreuve la cohésion du camp occidental et d’affaiblir les liens stratégiques entre la RFA et ses alliés occidentaux (principalement américains), en poussant le plus possible dans le sens d’une neutralisation de l’Allemagne. Autrement dit, derrière Berlin, l’enjeu n’était rien moins que l’ancrage occidental de la RFA (la « Westbindung »), pièce centrale du dispositif de défense de l’OTAN en Centre-Europe et de l’équilibre géopolitique entre l’Est et l’Ouest.

    5Naturellement, la crise de Berlin a longtemps été analysée dans une perspective soviéto-américaine2, avant que l’on ne redécouvre à quel point les confrontations à propos de l’avenir de Berlin et de l’Allemagne avaient eu lieu tout autant à l’intérieur de chaque alliance qu’au niveau Est-Ouest3. Toutefois, cette multilatéralisation de l’histoire de la crise de Berlin a laissé de côté la dimension franco-britannique4. Or, la crise de Berlin constitua bel et bien le second sujet clef, après la ZLE, qui contribua à ancrer une logique de dépréciation réciproque entre de Gaulle et Macmillan, et à enclencher ce que nous appelons un « schisme politico-stratégique » entre Londres et Paris.

    6Dans la perspective franco-britannique qui est la nôtre, on peut distinguer trois phases dans le déroulement de la crise : entre novembre 1958 et avril 1959, les deux pays adoptèrent des postures diamétralement opposées, de Gaulle affichant sa solidarité avec Adenauer, tandis que Macmillan se posait en médiateur et pionnier de la détente Est-Ouest, en prenant unilatéralement l’initiative d’organiser un « voyage de découverte » à Moscou en février-mars 1959. Puis il y eut une phase d’accalmie et de négociation multilatérale, d’avril jusqu’à l’automne 1959, dominée par la conférence ministérielle de Genève puis la rencontre de Camp David entre Khrouchtchev et Eisenhower ; la diplomatie britannique se plaça à l’avant-garde d’une politique de concessions à l’URSS et sembla remporter des points à Genève, tout en étant finalement écartée du dialogue américano-soviétique qui s’ébaucha à Camp David ; quant à de Gaulle, il se déclara mécontent, tant de l’érosion des positions occidentales à Genève, que de la démarche d’Eisenhower qui avait accepté une rencontre avec Khrouchtchev en laissant de côté les Européens. Enfin, de l’automne 1959 à l’été 1960, les diplomaties occidentales s’affairèrent à préparer le sommet à Quatre de Paris, qui avorta du fait de l’incident de l’avion U2 ; la France sembla reprendre la main, tandis que l’échec du sommet fut vécu par Macmillan comme une grave déconvenue personnelle.

    7Il va nous falloir comprendre pourquoi, à chacune des étapes de la crise de Berlin, France et Grande-Bretagne se retrouvèrent à contretemps. L’opposition des postures britannique et française tout au long de la crise correspondait-elle à un réel désaccord politico-stratégique ? ou bien la solidarité affichée par de Gaulle vis-à-vis d’Adenauer n’était-elle qu’une mise en scène fallacieuse, cachant une politique en réalité bien proche de la ligne britannique de conciliation ? Il est d’autant plus important de répondre à cette question que cette dernière vision de la politique française fait écho à la perception qu’en eurent Macmillan et plusieurs diplomates britanniques, mais aussi à la tendance observable dans l’historiographie de langue anglaise à minimiser la réalité de la divergence franco-britannique5.

    Faire entendre sa voix dans le face-à-face des deux superpuissances : solo britannique et concert à « Trois plus Un »

    8D’emblée, la réponse de Londres aux manœuvres soviétiques se distingua de celle de ses alliés : à la mi-novembre, dans le mémorandum 8113, le Foreign Office expliquait qu’à moins de négocier avec les Soviétiques un échange entre reconnaissance formelle de la RDA et maintien de la présence occidentale à Berlin, la seule alternative en cas de nouveau blocus était la guerre avec l’URSS6. Cette analyse s’écartait de la politique occidentale officiellement agréée, en ce qu’elle paraissait admettre le principe de la division entre les deux Allemagne, et du même coup renoncer à l’objectif de la réunification. Face à la colère des Allemands, Londres dut battre en retraite. Selwyn Lloyd minimisa l’importance du mémorandum 81137. Ce dernier avait pourtant bien reçu l’approbation de Macmillan8, et il reflétait une réalité qui de bout en bout influencerait en profondeur sa politique à propos de Berlin : sa méfiance à l’égard de l’Allemagne, héritée des deux guerres mondiales9, et sa crainte à l’égard de la réunification, susceptible de lui assurer une position dominante en Europe10. Cette crainte, qu’il partageait avec l’URSS de Khrouchtchev, contribuait à lui faire envisager sans défaveur une négociation avec ce dernier, qui aurait pour effet de consolider le statu quo européen et la division allemande.

    9La France fut dès le début à la fois plus prudente et plus ferme. Lors de la rencontre de Bad-Kreuznach du 26 novembre, la veille de l’ultimatum de Khrouchtchev, de Gaulle répondit aux alarmes du chancelier Adenauer et de son ministre des Affaires étrangères von Brentano, en observant que « le mieux est de laisser les Russes engager leur action diplomatique, sans s’agiter et avoir l’air d’imaginer des choses qui, peut-être, n’arriveront pas. […] il faut donner l’impression de la tranquillité et de la sérénité11 ». D’une part, de Gaulle assura Adenauer de son soutien « sans réserve » en cas de crise avérée ; d’autre part, il se voulut rassurant, précisant qu’il ne croyait pas qu’existait « un très grand danger que les Russes poussent les choses à bout » car ils n’en avaient ni « les moyens ni même l’intention12 ».

    10Solidarité stratégique de principe avec les Allemands tempérée d’une forte retenue dans l’évaluation des risques, accent mis sur l’élément psychologique de la crise et sur l’impression donnée par l’Occident à l’adversaire russe, tout cela définissait une forme d’attentisme tactique qui contrastait avec la tendance britannique à la prise d’initiative unilatérale et à l’accommodement. La différence entre les réactions immédiates des Français et des Britanniques préfigurait celle des méthodes diplomatiques bientôt déployées pour faire entendre sa voix dans le face-à-face des deux superpuissances, États-Unis et URSS.

    11Conformément aux procédés typiques de la special relationship, les Britanniques cherchèrent à susciter un dialogue anglo-américain spécifique à propos de Berlin, grâce à un travail d’influence en amont à Washington. Il s’agissait de détecter ce qu’ils appelaient les éléments « constructifs », c’est-à-dire les signes de souplesse dans le positionnement américain, et de faire émerger, de l’intérieur, une politique plus conciliante. Corollairement à ce dialogue privilégié avec les Américains, Macmillan chercha aussi à établir un canal de discussion direct avec Khrouchtchev dont la concrétisation la plus éclatante fut le « voyage de découverte » de février-mars 1959, dont il prit l’initiative unilatéralement, avertissant à l’avance les seuls Américains13. À l’avant-garde de la détente avec Moscou, Macmillan cherchait donc à rejouer la partition de « l’honnête courtier » entre Américains et Soviétiques. Marqué par le souvenir des grands sommets à Trois de la Seconde Guerre mondiale (Téhéran, Yalta, Potsdam) et par une prédilection toute personnelle pour la « summitry14 » – c’est-à-dire le fait de négocier au niveau suprême en court-circuitant les appareils diplomatiques –, Macmillan se persuada qu’un accommodement sur Berlin était possible à condition de négocier directement avec Khrouchtchev : non seulement ce dernier détenait une autorité absolue en matière de politique étrangère, mais il désirait sincèrement, d’après Macmillan, un règlement négocié de la crise. Dès lors, tout le travail diplomatique de Macmillan consista à entretenir avec Moscou « un processus de négociation permanente », « un courant de conversation conduisant, de report en report, une affaire jusqu’au point de maturation15 », y compris, et peut-être surtout lorsque Khrouchtchev haussait le ton. « Aller au sommet » devint pour Macmillan une sorte de panacée. Deux arrière-pensées s’ajoutaient pour motiver l’activisme diplomatique de Macmillan en faveur du dialogue Est-Ouest : d’abord, l’opinion publique britannique y était nettement favorable16, et ce facteur eut une importance considérable en 1959, année où avaient lieu des élections générales en Grande-Bretagne, au départ mal engagées pour les conservateurs ; Macmillan estimait par ailleurs qu’une détente avec l’Est faciliterait la poursuite du retrait de la BAOR, qui grevait les finances publiques britanniques, inutilement selon lui17. On voit donc l’importance primordiale qu’avait pour Macmillan son action au plan Est-Ouest : cela resta vrai jusqu’à l’échec du sommet de Paris, en mai 1960.

    12Ce qui frappe en revanche chez de Gaulle, c’est qu’il se garda bien de faire de la crise de Berlin sa priorité durant les années 1959-1960 et qu’il n’eut de cesse d’exprimer ses réserves quant aux résultats à escompter des discussions engagées par différents canaux avec Moscou18. Il accorda en revanche au jeu intra-occidental une importance primordiale et chercha à ériger la crise de Berlin en exemple illustrant la justesse de ses propositions tripartites19. Le cas de Berlin révélait en effet la nécessité d’un véritable Concert à Trois, qui permette de réagir adéquatement aux crises internationales suscitées par l’URSS. En outre, loin d’être le signal d’une mise à l’écart de la RFA, le tripartisme tel qu’il fut mis en œuvre à propos de Berlin fut en réalité une concertation à « Trois plus Un », s’articulant d’emblée à une étroite concertation franco-allemande20. L’objectif était bien de faire émerger un Occident qui ne se réduise pas au monde « anglo-saxon » et prenne dûment en compte les intérêts des Continentaux. Au fond, de Gaulle évaluait avec plus de réalisme les moyens d’action de son pays dans cette affaire : il était parfaitement conscient que la France était désormais une puissance moyenne et que l’instrument de puissance essentiel de l’Occident résidait dans l’immense arsenal nucléaire de l’Amérique21. La valorisation du multilatéralisme sous la forme du Concert à Trois plus Un résultait donc d’une évaluation sans doute plus lucide des réalités stratégiques de 1959.

    13D’une part négociation à tout prix, summitry et initiatives solitaires en faveur de la détente avec le rêve sous-jacent de faire revivre le rôle de Troisième Grand pour le Royaume-Uni entre Américains et Soviétiques, d’autre part double concertation en formats franco-anglo-américain et franco-allemand pour consolider l’unité et la fermeté de l’Occident, on voit à quel point les postures et tactiques de De Gaulle et Macmillan étaient en complet contretemps face à la guerre froide résurgente.

    La thèse britannique de l’hypocrisie française

    14Pourtant, Macmillan ne crut jamais à la sincérité du jeu diplomatique français à propos de Berlin. Il écrit en effet dans son journal, en mars 195922 :

    « Les Français sont en réalité entièrement d’accord avec nous sur le problème allemand. Mais ils essaient de faire croire que nous sommes faibles et défaitistes, et qu’eux sont pour la “fermeté”. Le but de tout cela est d’impressionner le chancelier Adenauer, et de garder son soutien en faveur de leur attitude protectionniste en ce qui concerne les problèmes économiques européens. »

    15Trois facteurs favorisèrent l’émergence de cette thèse britannique d’une hypocrisie française.

    16Tout d’abord, durant les premiers mois de la crise, les Français furent tout aussi réticents que les Britanniques face aux vastes manœuvres terrestres planifiées par les Américains pour briser un éventuel blocus23. Du point de vue de Londres, il y avait là une preuve de l’incohérence française, entre la fermeté du discours et les actes, bien plus retenus. Macmillan y vit de la part de la France une attitude irresponsable de « bluff », une forme de « bellicisme » rhétorique, qui pouvait faire glisser l’Ouest vers une guerre non voulue24.

    17Or, après décembre 1958, les points de vue français et britannique concernant les aspects militaires de la réponse occidentale aux initiatives soviétiques divergèrent de plus en plus. En effet, pour élaborer collectivement les mesures à prendre en cas de blocage des accès à Berlin-Ouest, un groupe de planification militaire tripartite franco-anglo-américain fut mis en place, appelé Live Oak, dès le 4 avril 195925. Alors que Macmillan n’eut de cesse de dénoncer le caractère irréaliste et dangereux des plans issus de Live Oak26, les Français virent dans ce mécanisme tripartite une garantie d’efficacité militaire et de crédibilité. En cas de crise, il serait plus facile selon eux, en vue d’une action rapide et résolue, de se mettre d’accord à trois plutôt qu’à quinze au sein de l’OTAN27. Aussi, lorsqu’il fut question de transférer à l’OTAN la tâche d’élaboration des plans d’urgence pour Berlin, les Français défendirent avec obstination le maintien de Live Oak en tant qu’entité distincte28. Pour ce qui est de la contribution effective des Français sur place, pour la défense conventionnelle de l’Allemagne et de Berlin-Ouest, elle demeura plutôt faible en regard de celles des deux alliés anglais et américain, mais cette faiblesse était dans une large mesure la conséquence non intentionnelle de la guerre d’Algérie et s’atténua à partir de 1961. C’est pourquoi, en dépit de réactions initiales similaires, Paris et Londres n’adoptèrent pas une stratégie militaire identique pour faire face à la crise de Berlin, contrairement à ce que crut Macmillan.

    18Le deuxième facteur, et selon nous un des nœuds du malentendu politico-stratégique entre de Gaulle et Macmillan, est lié au problème de la réunification allemande. En effet, Macmillan ne prit jamais au sérieux la distinction gaullienne entre d’une part, le caractère impossible à court terme de la réunification allemande, et d’autre part, la nécessité absolue d’en maintenir vivante « l’idée » pour le long terme29. Au contraire, la conviction profonde de Macmillan était que la division allemande arrangeait tout le monde, y compris de Gaulle, et que la politique française reposait donc sur un double jeu : de Gaulle était selon lui défavorable à la réunification allemande, comme il l’était lui-même, mais il ne le disait pas et maintenait la fiction de la réunification uniquement pour s’attirer les faveurs d’Adenauer30. Par-delà les apparences, les intérêts stratégiques profonds de la France vis-à-vis de l’Allemagne étaient en réalité semblables à ceux de la Grande-Bretagne, d’après Macmillan : empêcher la résurgence d’une Allemagne forte et réunifiée, capable de s’engager dans une politique indépendante de bascule entre l’Est et l’Ouest. Resurgissait ainsi avec force le complexe de Rapallo31 chez le Premier ministre britannique et c’est ce qui fondait son idée qu’au fond, de Gaulle ne pouvait qu’être d’accord avec lui.

    Le malentendu de Bad-Kreuznach

    19Enfin, dès le début de la crise s’établit dans l’esprit de Macmillan une connexion étroite entre Berlin et la question européenne. En effet, la dispute entre Britanniques et Français à propos de l’avenir de la construction européenne atteignit, on l’a vu, son intensité maximale au moment même où la crise de Berlin éclata. Or, la réunion franco-allemande de Bad-Kreuznach, les 26 et 27 novembre 1958, aboutit à deux résultats simultanés : de Gaulle proclama une solidarité sans faille avec Adenauer concernant Berlin et il obtint son soutien pour entériner la fin des négociations sur la ZLE. Non seulement Macmillan en conçut une vive méfiance à l’égard de l’entente entre Adenauer et de Gaulle – qu’il évoqua souvent à l’aide du jeu de mots « the unholy Alliance32 » –, mais il en conclut que Bad-Kreuznach avait consisté en un échange de bons procédés entre l’Allemagne et la France au détriment de la Grande-Bretagne : « Les Français avaient décidé de soudoyer [to bribe en anglais] les Allemands pour obtenir leur aide économique, en soutenant Adenauer dans sa politique immobiliste sur l’Allemagne, Berlin, etc.33. » D’après Macmillan, si de Gaulle avait adopté une politique de fermeté à propos de Berlin, c’était uniquement pour s’assurer du soutien des Allemands pour la mise en œuvre du Marché commun et l’abandon de la ZLE proposée par Londres34.

    20Cette interprétation tout à fait particulière de la rencontre de Bad-Kreuznach a exercé une assez forte influence dans l’historiographie anglophone35. Or, un tel lien entre l’affaire européenne et la crise de Berlin ne nous paraît pas du tout correspondre à la réalité des échanges de Bad-Kreuznach36. Rappelons que les réflexions de Wormser qui menèrent à la prise de décision française de mettre fin aux négociations sur la ZLE dès que possible eurent lieu en octobre et au début novembre 1958, c’est-à-dire avant même que la crise de Berlin ne se nouât. L’accord franco-allemand sur la primauté du Marché commun et l’abandon de la ZLE fut déterminé par des facteurs spécifiquement européens, et s’il y eut chantage de la part de De Gaulle, il résida dans le fait de mettre dans la balance l’engagement de la France en faveur du traité de Rome, non le facteur berlinois. Au cours des mois suivants, la diplomatie française le confirmerait en refusant toute espèce de liaison entre le problème des relations de la Grande-Bretagne avec la CEE et la crise de Berlin37.

    21L’interprétation de Macmillan révèle donc une nouvelle fois sa tendance à projeter son propre modus operandi sur celui du dirigeant français. En effet, Macmillan eut immédiatement la tentation d’utiliser l’enjeu berlinois pour faire pression sur Adenauer et obtenir de lui des concessions sur la question commerciale et européenne. Si les diplomates du Foreign Office parvinrent un temps à retenir Macmillan de s’engager sur cette voie38, ce dernier ne put s’empêcher d’évoquer avec Adenauer, lors d’échanges fort tendus en mars puis novembre 1959, le lien qui existait du point de vue britannique, entre Berlin et la question européenne39. Étant donné l’issue négative du débat entre ZLE et CEE, dont Adenauer était largement tenu pour responsable, comment pouvait-on demander aux Britanniques de mourir pour Berlin40 ?

    22La France et la Grande-Bretagne se positionnèrent donc immédiatement de manière très différente vis-à-vis de la RFA d’Adenauer à propos de Berlin : la différence fut immédiatement notée par le chancelier à Bad-Kreuznach, qui confia à de Gaulle : « Le comportement du Quai d’Orsay a[vait] été parfait. Celui des États-Unis, après certaines hésitations, l’a été aussi. Quant à la Grande-Bretagne, les choses ont été moins heureuses41. » De Gaulle ne fut pas sans comprendre quel avantage décisif constituait la confiance qu’il avait ainsi établie avec Adenauer, par contraste avec la défiance de ce dernier envers l’Angleterre de Macmillan. Toutefois, cet avantage diplomatique n’était pas le résultat d’un marchandage, liant Berlin et ZLE. Il n’y eut pas échange de bons procédés ni « linkage » à Bad-Kreuznach, car sur chacun des enjeux pris séparément, Berlin et ZLE, existait une réelle solidarité des intérêts nationaux allemand et français. Macmillan commit là-dessus une erreur majeure d’interprétation dont il ne se départit jamais vraiment : surestimant le machiavélisme gaullien, il ne crut pas à la réalité de la convergence stratégique franco-allemande sur laquelle se fondait pourtant la fermeté gaullienne face aux menaces proférées par Moscou. Il resta persuadé de bout en bout que les Français « vend[aient] leur âme aux Allemands » pour exclure les Britanniques d’Europe et tenter de la dominer42.

    La divergence franco-britannique : un pur désaccord tactique ?

    23Reprenons donc point par point le problème en examinant tout d’abord le désaccord franco-britannique au plan tactique. Face à la « négociation permanente » prônée par les Britanniques, de Gaulle affirma progressivement sa préférence pour un tempo lent dans la préparation et la conduite des échanges avec les Soviétiques43. Cette différence d’approche entre les deux dirigeants résultait de leur analyse divergente des dangers potentiels de la crise.

    24Pour de Gaulle, il s’agissait d’une partie de poker : par ses menaces, Khrouchtchev cherchait à diviser les Occidentaux et à leur extorquer des concessions politiques, mais il n’avait en aucun cas l’intention d’aller jusqu’à la guerre thermonucléaire44. L’absence de doute du dirigeant français à cet égard est frappante45. La crise ne pouvait devenir réellement dangereuse que si les Occidentaux hésitaient : « Si Khrouchtchev dit “ce sera la guerre”, il faut dire la même chose que lui. C’est le meilleur moyen d’empêcher la guerre », déclare-t-il à Dulles46. Il s’agissait, dans une affaire qui était « essentiellement une question de volonté politique », selon les mots de Couve de Murville, d’« introduire dans l’esprit [des Russes] un doute sur l’efficacité de leurs menaces47 ». On comprend du coup pourquoi de Gaulle pouvait se montrer au même moment rassurant avec les Allemands ou les Britanniques sur les risques de guerre, peu élevés selon lui, tout en affichant face aux Soviétiques le plus grand pessimisme et une détermination sans faille. Ainsi, au moment même où se terminait la visite de Macmillan en URSS, de Gaulle lança à l’ambassadeur soviétique Vinogradov « un avertissement très net » :

    « Que le gouvernement soviétique, a-t-il dit, se méfie, car la Russie est surarmée. Les États-Unis le sont aussi. Si la tension monte, alors nous pouvons, à l’occasion d’un incident et compte tenu des possibilités immédiates des armes modernes, être précipités dans la destruction, même si M. Khrouchtchev ne le veut pas et qu’Eisenhower ne le veut pas non plus. Dans ce cas, a répété le Général, nous mourrons tous, mais vous aussi48. »

    25La conclusion que de Gaulle tira de cette conversation était claire : « À l’évocation du péril de guerre […] la réaction de son interlocuteur avait été significative du désir des Russes de ne pas pousser les choses jusqu’au bout. » Cela n’impliquait pas que de Gaulle refusât toute négociation avec Moscou, mais il souhaitait au préalable le retrait des menaces soviétiques. En un mot, de Gaulle jouait à fond le jeu de la dissuasion pour éviter l’effritement des positions occidentales49.

    26Le diagnostic de Macmillan était tout à fait différent. Opérant à maintes reprises l’analogie avec l’été 1914, où une guerre terrible s’était déclenchée selon lui sans que personne ne l’ait voulu50, il avait la hantise que l’on en arrivât, par assauts successifs de fermeté, à enfermer Khrouchtchev dans une situation où il ne pourrait plus reculer, tandis que l’Ouest serait confronté au choix impossible entre la guerre nucléaire et la capitulation51. On discerne là une croyance fermement ancrée des Britanniques en la détermination totale de Khrouchtchev de régler d’une manière ou d’une autre la question de Berlin-Ouest, mais aussi en sa bonne foi et son souhait de négocier avec l’Ouest un nouveau statut satisfaisant pour la ville. Il existait selon Macmillan à la fois un terrain d’entente possible avec Moscou52 et un réel danger de guerre53.

    Fig. 4. – Caricature de Michael Cummings à propos de la seconde crise de Berlin, publiée le 15 juin 1959.

    Image

    De gauche à droite, sur le missile à gauche, le président américain Eisenhower, le président français de Gaulle, le chancelier allemand Adenauer et le Premier ministre britannique Macmillan ; sur le missile à droite, le dirigeant soviétique Khrouchtchev et son ministre des Affaires étrangères Gromyko. De Gaulle et Khrouchtchev expliquent tous deux en même temps : « Nous pouvons continuer à y aller ! L’autre côté ne prendra certainement pas le risque d’une collision nucléaire ! »

    © Cummings. Daily Express, no 18367, Londres.

    27Un point particulier de la discussion qui opposa Debré et Couve de Murville à Macmillan et Lloyd en avril 1959 permet d’approfondir l’analyse du différend tactique franco-britannique54. Fallait-il ou non inclure, dans le plan occidental qui serait proposé aux Soviétiques en début de négociation, l’idée des élections libres et démocratiques pan-allemandes comme préalable à la réunification ? C’était une thèse traditionnelle des Occidentaux. Couve de Murville indiqua qu’il fallait mentionner les élections libres au début, en distinguant deux étapes dans toute négociation avec les Soviétiques : la phase initiale pendant laquelle « chaque camp présente ses positions de principe en sachant très bien qu’elles ne seront pas acceptées par l’autre » et « lorsque l’impasse aura été constatée, la phase de réalisme ». Les Britanniques tenaient la phase initiale pour dangereusement provocatrice car elle pouvait mettre en péril toute la négociation. Il fallait en venir sans préalable à la « phase de réalisme ». Pour Debré au contraire, la proclamation initiale des principes était absolument cruciale : elle permettait d’une part à l’Ouest d’affirmer solennellement qu’il ne renonçait nullement à l’objectif de la réunification dans un cadre démocratique, et d’autre part de délimiter un cadre de négociation. Ce que l’Ouest accepterait de négocier ne serait qu’un modus vivendi concernant les problèmes pratiques posés par l’enclave occidentale de Berlin-Ouest, et non un accord définitif sur la question allemande, impossible tant que subsisterait le désaccord de principe entre l’Est et l’Ouest.

    La question allemande au cœur de la divergence franco-britannique

    28En réalité, on voit se dessiner au cœur de la mésentente tactique entre Macmillan et de Gaulle un différend bien plus fondamental sur la question allemande et plus largement, sur le rapport à entretenir avec la guerre froide. Une phrase sibylline qu’on trouve dans un télégramme français du 11 mars 1959 résume parfaitement le paradoxe des divergences franco-britanniques à propos de Berlin : sur la question allemande, « le statu quo, pour être maintenu, ne devait pas être reconnu55 ». Pour les Français, maintenir le statu quo, c’était éviter tout ce qui pouvait fragiliser l’ancrage à l’Ouest de la RFA, tout ce qui pouvait la pousser vers Moscou ; en revanche, ne pas reconnaître le statu quo, c’était éviter toute formalisation juridique de la division de l’Allemagne. La diplomatie française ne refusait certes pas d’admettre que la réunification était impossible dans l’immédiat. Pour autant, alors que les Britanniques se fondaient sur ce constat factuel pour proposer des mesures qui contribuaient à entériner la division allemande, comme le souhaitaient les Soviétiques, les Français au contraire jugeaient d’une importance cruciale de proclamer haut et fort le refus des Occidentaux de reconnaître l’existence des deux Allemagne56. D’après de Gaulle, l’abandon par l’Ouest de la perspective de la réunification pouvait avoir des conséquences extrêmement néfastes, en provoquant à terme un changement radical d’attitude du peuple allemand : découragé par une détente Est-Ouest qui se ferait uniquement à ses dépens, le peuple allemand finirait par se détourner de l’Alliance atlantique. Resurgirait alors le risque d’une Allemagne neutraliste, tentée par une négociation directe avec les Soviétiques, ce qui pouvait aboutir à une réunification qui se ferait selon des termes définis par Moscou.

    29Aussi de Gaulle manifesta-t-il, tout au long de la crise, son souci de l’état de l’opinion publique ouest-allemande57, qu’il expliqua ainsi à Macmillan : « Si l’opinion allemande sentait qu’elle ne tire rien de son alliance avec nous, je ne suis pas sûr de son évolution. Nous aurions alors Moscou sur le Rhin, ce qui serait extrêmement grave58. » Par ces paroles frappantes, de Gaulle se référait à la situation qui émergerait si par désespoir, la RFA se détournait de l’Ouest et négociait avec Moscou un accord de type neutralisation contre réunification. Autrement dit, de Gaulle était convaincu qu’en cette affaire, les intérêts stratégiques fondamentaux de la France et de l’Allemagne étaient inséparables. La reconnaissance du statu quo de la division, au travers d’une négociation mal engagée sur le statut de Berlin-Ouest, pouvait bouleverser l’équilibre général des forces entre l’Est et l’Ouest en poussant les Allemands de l’Ouest dans les bras des Russes. D’où l’importance des positions de principe parfaitement rigides que l’Ouest devait exprimer en début de négociation, afin de faire « sentir [aux Allemands] qu’ils [avaient] leur chance avec l’Ouest », comme le dit Debré59. Dans la conception française de la crise, Berlin-Ouest avait une valeur symbolique et ne pouvait totalement être détaché de la question allemande dans son ensemble. Il fallait du coup refuser tout ce qui pouvait faire croire à une acceptation par l’Occident de la perte de Berlin-Ouest. Une fois admis le désaccord fondamental au niveau des principes entre l’Ouest et l’Est, une fois proclamé le refus par l’Ouest de toute reconnaissance du statu quo de la division allemande (et européenne), on pouvait entamer une négociation beaucoup moins risquée, limitée à la résolution des « problèmes pratiques qui préoccup[aient] les Soviétiques » à Berlin-Ouest (activités occidentales de propagande et d’espionnage, problème des réfugiés)60. Circonscrire ainsi la négociation permettait de s’assurer que les Soviétiques renoncent à se servir de Berlin-Ouest comme d’un levier pour remettre en cause l’ancrage occidental de la RFA.

    30Les propos étonnants tenus par Macmillan lors d’une entrevue avec Dulles, le 4 février 1959, révèlent un état d’esprit bien différent61 : d’après lui, à moyen terme, c’est-à-dire après Adenauer, on pouvait craindre une évolution de l’Allemagne vers un « nouvel accord Ribbentrop/Molotov » ou une forme de neutralisme. Il fallait anticiper une telle évolution, selon lui inéluctable, en cherchant à négocier directement avec les Russes pour « obtenir le plus grand avantage maintenant en échange de la neutralisation allemande, plutôt que de risquer la neutralisation allemande plus tard, quand nous ne pourrions plus marchander une contrepartie ». Macmillan mentionna l’idée d’obtenir la libéralisation de la Pologne, de la Tchécoslovaquie et de la Hongrie, en échange de concessions au point de vue russe sur l’Allemagne. En définitive, la vision exposée ce jour-là par Macmillan prenait acte du caractère inévitable de la neutralisation allemande ; dès lors, il devenait envisageable d’établir une entente avec les Soviétiques à propos de l’Allemagne pour la maintenir sous contrôle, y compris si cela impliquait un statut juridique discriminatoire à l’égard de la RFA. On voit ici la distance considérable qui séparait de Gaulle et Macmillan quant à la question allemande.

    Un rapport différent à la guerre froide

    31Derrière l’incompréhension entre les deux dirigeants à propos de la crise de Berlin, il y avait bel et bien deux manières diamétralement opposées de se positionner par rapport à l’ordre international bipolaire qu’imposait la guerre froide. En effet, ce qui apparaît dans l’attitude de De Gaulle dès 1959-1960 est le caractère révisionniste de sa politique étrangère62. À l’inverse de la vision de Macmillan d’un de Gaulle rigide et aligné par opportunisme sur « l’immobilisme » d’Adenauer à propos de Berlin, une lecture plus attentive permet de mettre en évidence les premiers linéaments d’une politique bien plus subversive vis-à-vis de l’ordre bipolaire : il s’agissait déjà pour le chef d’État français d’établir peu à peu les conditions de possibilité d’un dépassement de la logique des blocs, permettant à terme la réunification de l’Allemagne et du continent européen dans son ensemble.

    32De Gaulle envoya dès l’époque de la seconde crise de Berlin les premiers signaux de cette autre façon de pratiquer la « détente » Est-Ouest, qui deviendrait l’axe majeur de sa diplomatie durant les années 1964-1967. Ce fut le cas en particulier lorsque de Gaulle accueillit en France Khrouchtchev en mars 1960, en vue de préparer le sommet à Quatre63. L’originalité de l’exposé que de Gaulle fit à Khrouchtchev réside dans la manière dont il réconciliait deux exigences considérées habituellement comme incompatibles, à savoir le souci de sécurité russe vis-à-vis de l’Allemagne et l’aspiration allemande à l’unité64. L’élément crucial qui permettait de dépasser la contradiction était l’entente entre la France et la RFA. De Gaulle expliqua en effet que cette alliance franco-allemande, loin de constituer une menace pour la sécurité de l’URSS, contribuait à la garantir : une RFA étroitement liée à la France se trouvait de facto empêchée de revenir à ses anciens démons hégémoniques, la France n’ayant aucun intérêt à ce que l’Allemagne redevienne agressive. De Gaulle s’efforçait aussi de rassurer Khrouchtchev quant à l’inexistence d’un quelconque revanchisme ouest-allemand, faisant le portrait d’une Allemagne « abattue », qui « avait perdu pour longtemps, sinon pour toujours, de réelles ambitions politiques » et qui connaissait « un sort […] peu enviable ». Mais de Gaulle allait plus loin : non seulement l’entente franco-allemande, matérialisée par le Marché commun, était gage de sécurité pour les Soviétiques, mais elle rendait aussi possible un nouvel équilibre des forces en Europe, dans lequel peu à peu, l’Europe occidentale devenant plus forte et plus indépendante à l’égard des États-Unis grâce à la solidarité franco-allemande, « la France n’aurait plus besoin de l’Amérique » et l’OTAN deviendrait moins nécessaire. « Par contre, expliquait de Gaulle, si l’Allemagne, telle qu’elle est, quittait l’Occident, nous, Français, nous sentirions aussitôt menacés. Plus l’Allemagne s’écarterait de l’Occident, plus la France serait obligée de s’attacher aux États-Unis », ce dont elle n’avait pas le désir. Autrement dit, une RFA ancrée clairement à l’Ouest à travers son alliance avec la France, était dans l’intérêt de Moscou : cela pouvait contribuer à l’émergence d’un pôle de puissance ouest-européen autonome et « assez solide pour pouvoir [un jour] s’entendre avec l’Europe orientale sans, nécessairement, passer par les États-Unis d’Amérique ». L’objectif de long terme d’un tel règlement était « un jour […] de créer ensemble une seule Europe », ouvrant la voie à une solution définitive de la question allemande.

    33De Gaulle cherchait déjà en 1960 à engager l’Europe sur la trajectoire d’une dé-bipolarisation, ce qui supposait en premier lieu d’éviter de poursuivre l’institutionnalisation de l’ordre bipolaire en Europe sous la forme d’une reconnaissance juridique de la division de l’Allemagne65. D’où la distinction absolument cruciale dans la posture gaullienne entre une politique de court terme, d’accommodement pratique avec le fait de la division, sans reconnaissance de jure, et une politique de long terme, fondamentalement dynamique, qui devait permettre d’établir les conditions de possibilité d’une réunification, à la fois allemande et pan-européenne. Le discours de De Gaulle, tenu tant vis-à-vis d’Adenauer66 que de Khrouchtchev, visait à désamorcer les craintes réciproques entre Russes et Allemands et à consolider le principe de la solidarité entre France et RFA en le faisant accepter par Moscou : tout cela faisait partie de cette exigence de long terme du dépassement de la logique bipolaire.

    34Le paradoxe est que la souplesse britannique et le désir manifesté par Macmillan de négocier sans préalables avec Khrouchtchev relevaient au fond d’une approche nettement plus conservatrice quant à la bipolarité de l’ordre international. À cet égard, une note, étonnante par sa franchise, de Norman Brook, un proche de Macmillan au poste de Cabinet Secretary (l’équivalent du secrétaire général du gouvernement) révèle les arrière-pensées britanniques à propos de la question allemande67. Brook part du constat que l’établissement de la parité stratégique entre les deux blocs rend une guerre hautement improbable en Europe. Il en déduit qu’il faudra à terme renoncer à l’utilisation de la menace nucléaire comme instrument politique et parvenir à un modus vivendi avec les Soviétiques, permettant l’établissement d’une coexistence, même compétitive, entre les deux blocs – l’idée de mettre réellement fin à la guerre froide est quant à elle repoussée au très long terme (cinquante ans, dit Brook). Entre-temps, il faut se résoudre à admettre le fait de la bipolarité et se mettre d’accord avec les Soviétiques sur la base de la préservation du statu quo. Brook proposait le marchandage suivant avec Moscou : si nous « arrêtions de faire pression en faveur de la réunification allemande (qui en fait n’est pas dans notre intérêt), [les Soviétiques] pourraient bien être d’accord pour régler la question de Berlin-Ouest ». Cet arrangement, sans doute, n’empêcherait pas à terme l’absorption de Berlin-Ouest au sein de la RDA, mais il permettrait à l’Ouest de « s’extirp[er] d’une position intenable sans humiliation ». En d’autres termes, cette vision, radicalement différente de la politique française, se fondait sur le renoncement complet à l’objectif de la réunification, même pour le long terme :

    « Combien de temps encore allons-nous permettre que la paix du monde soit mise en péril par le refus du docteur Adenauer d’admettre les faits ? Pour nous-mêmes, les Américains, les Russes et s’ils étaient honnêtes, les Français, il serait plus sûr que l’Allemagne reste divisée. Pour combien de temps encore allons-nous faire semblant, uniquement pour plaire au docteur Adenauer, de souhaiter la réunification de l’Allemagne ? », s’interrogeait Brook.

    35D’après lui, la diplomatie britannique devait viser à surmonter l’opposition d’Adenauer et de De Gaulle, en favorisant les évolutions américaines vers la ligne de conciliation britannique.

    36Fondamentalement les Britanniques acceptaient la bipolarité qui avait pour avantage de maintenir la division de l’Allemagne. La diplomatie de Macmillan, fondée sur l’idée de cultiver un rapport privilégié avec l’Amérique, tout en effectuant un travail de médiation auprès des Soviétiques, avait pour présupposé fondamental qu’il fallait s’accommoder de la bipolarité. Les Britanniques ne considéraient pas leur diplomatie comme pouvant être réellement un instrument permettant de contribuer à un dépassement de la guerre froide. Il s’agissait juste de la stabiliser, de la rendre moins dangereuse en favorisant des accommodements ponctuels entre Américains et Soviétiques. La « détente » à la Macmillan était donc dénuée de toute visée « révisionniste ». Tant en termes d’objectif que d’ambition, la divergence était fondamentale entre les conceptions britannique et française du rôle de leur diplomatie face à la guerre froide et à l’ordre bipolaire.

    Défiance mutuelle et lutte d’influence auprès des tiers

    37Il fut impossible dans ces conditions d’établir une compréhension mutuelle minimale entre Français et Britanniques sur la crise de Berlin. Sans surprise, les deux dirigeants s’engagèrent dans une logique de dépréciation réciproque sans retour. Ainsi, peu après qu’il eut appris la décision de la France de retirer sa flotte méditerranéenne du commandement de l’OTAN (mars 1959), Macmillan éclata en reproches véhéments auprès d’un membre du cabinet de l’Élysée. Sur Berlin, « tout son propos tendait à démontrer que nous faisions du bellicisme en laissant aux autres le poids de faire la guerre68 ». Quant à de Gaulle, c’est sur le ton d’une ironie détachée qu’il parla désormais de l’attitude de Macmillan à propos de Berlin : faisant allusion au coup de colère de Macmillan que l’on vient d’évoquer, il dit « avec un sourire qu’il doutait de la nécessité de discuter même entre nous de la question d’envoyer nos femmes et nos enfants outre-mer [Macmillan avait mentionné le Canada], où d’ailleurs, ils ne seraient de nos jours pas beaucoup plus en sécurité que chez eux69 ». Plus tard, après le sommet avorté de mai 1960, de Gaulle accentuerait la sévérité de son jugement en parlant à propos du comportement de Macmillan à Paris de « “munichisme” larmoyant70 ». Bluff irresponsable et dangereux d’une part, défaitisme et apaisement de l’autre, on voit à quel point la crise de Berlin porta atteinte à l’estime interpersonnelle que pouvaient se porter au départ de Gaulle et Macmillan.

    38Sur fond de défiance mutuelle au sommet, s’exacerba alors la lutte d’influence franco-britannique auprès des tiers, à Washington surtout, mais aussi à Bonn. Pour renforcer son influence auprès des Américains, de Gaulle s’appuya constamment sur l’entente avec Adenauer : une concertation franco-allemande à haut niveau fut ainsi organisée systématiquement avant chaque phase de négociation avec les Soviétiques ou entre Occidentaux : à Marly, les 3-4 mars 1959 puis à Bonn, le 6 mai avant les réunions ministérielles de Genève ; les 1er et 2 décembre 1959 avant le sommet occidental de Rambouillet ; enfin, le 14 mai 1960, au tout début du sommet de Paris avec Khrouchtchev71. Le Quai d’Orsay s’efforça aussi d’utiliser un second vecteur d’influence : les premières réunions de consultations politiques européennes, entre les Six, au niveau ministériel, fruit d’une initiative franco-italienne de juin 195972. L’un des objectifs explicites des Français était, « au cas où les pays anglo-saxons donneraient des signes de faiblesse vis-à-vis de l’URSS », d’élaborer une position commune des Européens sur la question allemande73. Ce nouveau forum, utilisé comme une caisse de résonance pour la politique franco-allemande de fermeté vis-à-vis de Moscou, devait permettre de convaincre les autres partenaires européens que dans l’affaire de Berlin, l’avenir de l’Europe dans son ensemble était en jeu et qu’il fallait contrecarrer les hésitations britanniques et américaines74.

    39Alors que la France jouait la carte « continentale », la Grande-Bretagne continua de s’appuyer avant toutes choses sur sa « relation spéciale » avec Washington : en parallèle de la négociation entre Occidentaux à Trois plus Un, un canal secret de concertation « anglo-saxonne » fut maintenu, en marge de la conférence de Genève, entre Herter et Lloyd, ou encore à l’automne 1959, pour retravailler et assouplir les positions occidentales formulées à la fin de la conférence de Genève le 28 juillet 195975. Les résultats en furent toutefois médiocres pour Macmillan. Outre que cette attitude ne permettait pas de combler la distance qui séparait le Premier ministre britannique de ses alliés « continentaux », on peut aussi douter de l’influence effective exercée par Macmillan sur la position de Washington à cette époque. Ainsi, lorsqu’Eisenhower prit la décision à la fin juillet 1959 d’organiser une rencontre avec Khrouchtchev, Macmillan ne fut ni consulté, ni inclus à la table des négociations, et il en fut très mécontent76. Cet épisode suscita d’ailleurs chez Macmillan un premier moment de prise de conscience des limites de son influence à Washington et de la nécessité d’un rééquilibrage de sa politique étrangère vers l’Europe.

    40Face à l’alternative franco-britannique, quelle fut l’attitude de Washington ? Celle-ci fut loin d’être monolithique et la prise de décision washingtonienne ne resta pas, on l’a vu, imperméable aux influences de Londres. Eisenhower était convaincu qu’une position occidentale entièrement négative n’était pas tenable ; il s’inquiétait en outre de la viabilité économique de Berlin-Ouest ; aussi la position américaine s’assouplit-elle à partir du printemps 1959, après la mort de Dulles et son remplacement par Christian Herter, beaucoup plus ouvert que son prédécesseur aux idées britanniques. En aucun cas Eisenhower ne répudia donc dans le traitement de la crise de Berlin les instruments de la « relation spéciale », quand bien même les différences entre Washington et Londres étaient importantes ; lorsqu’on tient compte du fait qu’il relança aussi plusieurs fois le tripartisme franco-anglo-américain, en lien avec l’affaire berlinoise (en septembre et surtout décembre 1959 ; puis après l’échec du sommet de Paris, en mai 1960)77, on doit en conclure que le président américain chercha à se positionner en arbitre des Européens et qu’il maintint à cette fin deux fers au feu, en ne se coupant diplomatiquement ni du fidèle second britannique, ni du duo franco-allemand dont il appréciait la solidité.

    41Dans ce jeu diplomatique complexe qui contribua à exacerber la rivalité entre Français et Britanniques, la France marqua bientôt des points entre les conférences ministérielles de Genève de l’été 1959 et l’échec du sommet de Paris en mai 1960. Ainsi, après que de Gaulle eut réussi à l’automne 1959 à ralentir le calendrier des préparatifs du sommet, on observa lors du sommet occidental de Rambouillet en décembre 1959, réunissant les Quatre (Adenauer, de Gaulle, Eisenhower et Macmillan), un retour d’Eisenhower à une position de plus grande fermeté78. Le président américain tint d’ailleurs à assurer de Gaulle, en aparté, que la position de Washington était distincte de celle de Londres : « L’Angleterre a dit qu’elle ne ferait pas la guerre pour Berlin. Je dirai au chancelier que, en ce qui nous concerne, nous ne faisons une guerre que lorsqu’il s’agit de défendre des principes. Or, Berlin symbolise un tel principe79. » Tout ceci permit à de Gaulle de rassurer Adenauer quant à l’attitude des Anglo-Saxons, qu’il avait trouvés « plus fermes qu’il ne le pensait80 ». Le sommet occidental de Rambouillet marqua donc un retour à une posture de l’Ouest plus résolue. Quant à Macmillan, s’il consentit à cette évolution, c’était qu’il avait conscience de son isolement par rapport aux trois autres ; de Gaulle avait clairement emporté la bataille diplomatique et contrebalancé l’influence britannique.

    42Jusqu’au sommet lui-même de mai 1960, les diplomaties française et britannique furent à contretemps. Par contraste avec l’attitude « particulièrement fuyante et ambiguë » des Britanniques81, surtout soucieux de ne plus se mettre en avant afin d’éviter le soupçon d’être le maillon faible au sein du front occidental, les Français se montrèrent fort actifs dans la définition d’une stratégie alternative de détente, visant à marginaliser le problème posé par Berlin82. En cohérence avec les propos tenus à Rambouillet, de Gaulle et Couve de Murville déclarèrent de tous côtés (devant Macmillan, Khrouchtchev, Eisenhower, les Six et Herter83) qu’il convenait de laisser de côté Berlin, question sur laquelle on ne pourrait se mettre d’accord, et qu’il fallait plutôt viser à concrétiser la détente en trouvant d’autres sujets de négociation plus faciles, permettant de faire le test de la volonté de détente de Khrouchtchev. Les Français proposèrent diverses entreprises conjointes ayant toutes en commun de favoriser une dynamique de dé-bipolarisation des relations internationales (désarmement nucléaire, projets communs d’aide en faveur des pays sous-développés, non-immixtion). Sans surprise, la rencontre entre Macmillan et de Gaulle de mars 1960 tourna à nouveau au dialogue de sourds lorsqu’ils évoquèrent les rapports Est-Ouest84. Finalement, lorsqu’en mai 1960, l’incident de l’U2 fut utilisé comme prétexte par Khrouchtchev pour faire avorter le sommet de Paris, là encore, Macmillan et de Gaulle adoptèrent des attitudes opposées. Le premier chercha à sauver la négociation jusqu’à la dernière minute, allant jusqu’à affirmer que son échec était « le plus terrible choc qu’éprouvait son pays depuis la dernière guerre85 ». Le second impressionna les Américains par son soutien indéfectible aux États-Unis, mis en cause par Khrouchtchev du fait de l’incident de l’U286.

    43Il faut donc prendre au sérieux le différend franco-britannique sur la question allemande et sur les rapports Est-Ouest, révélé par la seconde crise de Berlin-Ouest. Le contraste des tactiques est permanent de novembre 1958 jusqu’à l’été 1960, et correspond indéniablement à une différence fondamentale de conception stratégique sur le système lui-même des relations internationales. Le rapport à la guerre froide de De Gaulle et de Macmillan était tout simplement différent. Depuis ce qu’on pourrait appeler le « malentendu de Bad-Kreuznach », Macmillan refusa d’admettre la portée de la solidarité stratégique qui liait de Gaulle et Adenauer dans l’affaire berlinoise87, solidarité « continentale » qui le gênait à la fois dans ses visées de médiation Est-Ouest et dans sa conception de l’unité européenne ; il ne comprit pas ce que le dirigeant français cherchait à réaliser, à savoir une détente qui ne sacrifierait pas les intérêts de sécurité fondamentaux des Allemands, et avec eux, des Européens du continent dans leur ensemble. La visée dynamique, révisionniste de la politique étrangère de De Gaulle au plan Est-Ouest, d’ores et déjà bien présente en 1959-1960, échappa à Macmillan, qui resta de bout en bout persuadé de l’existence d’un double discours français et de la réalité d’une hostilité irrémédiable de De Gaulle à toute perspective de réunification allemande.

    44Peu à peu de Gaulle parvint donc à imprimer sa marque dans la manière dont la politique de l’Occident était formulée. S’il est vrai que les politiques française et américaine furent parallèles durant la période 1958-196088, il faut toutefois souligner que ce parallélisme fut le résultat d’un processus éminemment complexe qui mit sans cesse aux prises Français et Allemands de l’Ouest d’un côté et Britanniques de l’autre. Dans ce jeu à quatre, la diplomatie gaullienne a bel et bien agi comme un contrepoids efficace en 1959-1960 face au travail de la diplomatie britannique en faveur des concessions à Moscou. Une estime particulière existait entre Eisenhower et de Gaulle, qui permit à ce dernier de peser spécifiquement au plan franco-américain en faveur de la fermeté. Au plan du triangle franco-anglo-allemand, la période de la deuxième crise de Berlin fut aussi décisive pour la consolidation de l’entente stratégique entre de Gaulle et Adenauer, par rapport à laquelle Macmillan ne pourrait plus ensuite rattraper le terrain perdu. Fondée sur une analyse plus lucide de la stratégie de Khrouchtchev dans l’affaire berlinoise et sur le danger qu’elle représentait pour la cohésion occidentale, la compréhension qu’eut de Gaulle de la crise lui permit d’accroître sa marge de manœuvre sur les plans transatlantique et européen, tandis que la diplomatie pratiquée par Macmillan l’affaiblit considérablement. Aussi l’échec du sommet de Paris fut-il vécu par ce dernier comme une tragédie personnelle ; par contraste, cet événement vint confirmer les doutes de De Gaulle quant à la volonté réelle de Khrouchtchev de parvenir à des compromis avec l’Ouest.

    45Enfin, pour ce qui est de l’avenir de la relation entre Londres et Paris, la crise de Berlin eut un impact fortement négatif : pour de Gaulle, à l’évidence, Macmillan n’intégrait pas les intérêts stratégiques de l’Europe continentale dans sa démarche de détente avec l’Est. Indéniablement, comme de Gaulle le lui dit abruptement en mars 1959, Macmillan était « très pressé de négocier » et avait « pour cela des raisons que nous [les Français ? les Européens du continent ?] n’av[i]ons pas89 ». Il est maintenant nécessaire de mesurer l’impact de la crise de Berlin sur les échanges stratégiques entre Londres et Paris.

    L’enlisement des échanges franco-britanniques sur l’Alliance

    46La proposition de De Gaulle d’établir un tripartisme franco-anglo-américain à la tête de l’Alliance occidentale avait suscité en 1958 malentendus, hésitations et embarras, chez les dirigeants et diplomates britanniques. La période 1959-1960 vit cette tendance s’approfondir : Londres ne parvint pas à définir une ligne cohérente et stable, à travers les différents avatars que connut le tripartisme jusqu’à l’été 1960. Mis au défi par de Gaulle de faire un choix clair entre alignement atlantique et indépendance, Macmillan éluda constamment et oscilla sans choisir entre Washington et Paris, tiraillé entre la volonté de préserver sa « relation spéciale » avec l’administration Eisenhower, et le souhait de se rapprocher de la France de De Gaulle, qui émergea durant l’été 1959. Les profondes hésitations de Macmillan sur la place de la Grande-Bretagne entre Paris et Washington, et au sein du camp occidental en général, rejaillirent sur l’ensemble des dossiers stratégiques franco-britanniques, qu’il s’agisse de l’OTAN et du tripartisme, de la question d’une coopération nucléaire, ou encore de la gestion des crises hors du théâtre européen (en Afrique et en Asie)90.

    47La crise de Berlin joua alors comme un facteur aggravant pour l’état de la relation stratégique bilatérale : si elle donna lieu à la seule mise en œuvre effective d’une forme de tripartisme, elle fit aussi évoluer les rapports au sein du triangle Paris-Londres-Washington au détriment de Macmillan. En effet, jusqu’à la fin de l’administration Eisenhower, la crise de Berlin fut un puissant facteur de convergence franco-américaine. Les Américains eurent d’autant plus besoin de se rapprocher de la France dans cette affaire pour légitimer leur politique de fermeté que Macmillan opta pour des initiatives unilatérales en faveur de la négociation avec Moscou, au risque de rompre l’unité du front occidental. Ainsi, la crise de Berlin limita d’autant plus les tensions franco-américaines que s’accroissait la différence de Londres par rapport au reste de ses alliés. De Gaulle comprit très vite que la crise de Berlin tendait à accroître sa marge de manœuvre dans le jeu intra-occidental : elle lui permettait de faire la preuve de la solidarité de la France avec le camp occidental autrement que par une orthodoxie otanienne qu’il refusait. Dans ce jeu qui mêlait crise berlinoise, OTAN et tripartisme, Français et Britanniques campaient donc sur des positions symétriquement opposées : de Gaulle démontrait sa loyauté occidentale en prônant sur Berlin la fermeté et une concertation approfondie entre Alliés, tout en prenant les premières mesures de retrait des structures militaires intégrées – le 6 mars 1959 fut annoncé le retrait de la flotte française de Méditerranée en dehors de la chaîne de commandement intégrée, suivi en mai 1959 du refus d’accepter que des stocks d’armes nucléaires contrôlés par les Américains soient entreposés sur le territoire national91 – ; Macmillan faisait l’inverse, affichant d’une part sa volonté de négocier avec Moscou sur Berlin et d’autre part, sa fidélité à l’OTAN. Le retrait hors de l’OTAN de la flotte française de Méditerranée provoqua même un accès de colère de Macmillan, qui accusa la France de vouloir « détruire l’Alliance92 ».

    L’échec du tripartisme « géographique »

    48Dans un tel contexte, on ne peut guère s’étonner de l’implication minimale des diplomates britanniques dans la première forme de tripartisme qui fut concédée du bout des lèvres par Dulles au tournant des années 1958-1959 et prit la forme de deux sessions de consultations confidentielles entre hauts fonctionnaires, organisées à Washington sur l’Extrême-Orient, les 5 et 7 février 1959, puis sur l’Afrique, du 16 au 21 avril 195993. Ce que l’on ignore trop souvent, toutefois, c’est que le trialogue se poursuivit bien au-delà de cette première tentative de mise en œuvre décevante et qu’il y eut plusieurs relances du tripartisme jusqu’en 1961. Le tripartisme acquit même à Londres, dans l’esprit de Macmillan tout du moins, une importance sans cesse croissante à partir de l’été 1959.

    49Sur l’Extrême-Orient, la réserve de l’ambassadeur britannique Harold Caccia fut totale, dans un débat qui mit aux prises essentiellement Français et Américains. En effet, l’ambassadeur Alphand concentra ses questions sur les grandes options stratégiques américaines concernant le problème posé par les îlots côtiers, Quemoy et Matsu, dans le détroit de Formose. Or, des divergences assez fortes existaient entre Britanniques et Américains là-dessus ; aussi Caccia se tint-il en retrait d’une conversation qui selon toute vraisemblance le gênait profondément94. Dans la perspective du Foreign Office, le tripartisme ne pouvait être qu’un facteur perturbateur du discret travail d’influence réalisé auprès du département d’État. À l’Élysée, le bilan tiré de cette première session tripartite fut assez négatif : les échanges politiques franco-anglo-américains constituaient certes une première depuis Suez mais n’avaient pas permis d’esquisser « les grandes lignes d’une politique concertée ». En outre, la « répugnance manifestée par les Américains à l’ouverture de conversations militaires » condamnait « les discussions, en ce qui concerne la guerre nucléaire, à la stérilité95 ».

    50C’est avec le désir de « tenter l’épreuve jusqu’au bout » que la deuxième session consacrée à l’Afrique fut préparée du côté français96. À la demande de l’Élysée, l’accent fut porté sur la dimension militaire et stratégique97. L’objectif était de « parvenir à arrêter une position commune des trois Occidentaux en face de chaque situation possible, en poussant aussi loin que possible l’établissement des plans correspondants ». La préparation par la France des discussions à trois sur l’Afrique comprit en outre une dimension franco-britannique importante, davantage d’ailleurs à l’initiative du Premier ministre Michel Debré que de De Gaulle. Deux jours avant l’ouverture des consultations de Washington, Debré proposa à Londres un véritable partenariat de long terme en Afrique visant à dégager conjointement une « politique d’ensemble98 ». La réaction du ministre britannique aux Colonies, Lennox-Boyd, fut des plus réservées : ne risquait-on pas de « donner l’impression que la France et l’Angleterre cherchaient à maintenir leur tutelle en Afrique » ? Une nouvelle procédure de consultations bilatérales fut certes agréée mais il ne faisait déjà guère de doute que le projet n’aurait que des résultats modestes.

    51D’ailleurs, les discussions à trois sur l’Afrique commencèrent fort mal sur le plan franco-britannique : Caccia procéda à une mise en cause systématique de la légitimité même de l’exercice qui allait avoir lieu, en soulignant notamment le risque de duplication avec l’OTAN. Alphand en conclut que les Américains étaient plus ouverts que les Britanniques aux suggestions françaises pour l’Afrique. Plus fondamentalement, lorsqu’une coopération à trois en matière de défense fut proposée par les Français le dernier jour, les représentants américain et britannique indiquèrent qu’ils n’étaient pas en mesure de prendre de décision99. L’Élysée constata alors « l’impasse » : les Britanniques et les Américains avaient uniquement cherché, en acceptant les discussions « géographiques » sur l’Extrême-Orient et sur l’Afrique, à « masquer [la] dérobade » initiale de Dulles – en janvier 1959, il avait exclu toute discussion tripartite de stratégie et de planification100. En aucun cas, on n’avait progressé vers « l’idée que la décision de l’emploi des armes atomiques rel[evait] des trois gouvernements101 ».

    52Force est de constater au printemps 1959 que les gouvernements français et britannique paraissaient n’être d’accord sur rien, chacun des deux pays constituant pour l’autre une sorte de contre-exemple stratégique : le manque d’enthousiasme britannique pour le tripartisme était patent, alors que le contentieux sur la ZLE et le désaccord à propos de Berlin pesaient de tout leur poids.

    Nouvelles alarmes de Gladwyn Jebb

    53Aussi l’ambassadeur Jebb s’alarma-t-il en juin 1959 de l’état de la relation stratégique franco-britannique et déplora que « l’on n’ait pas du tout tenté de discuter avec [de Gaulle] sur la substance de son plan et qu’on se soit efforcé de manière évidente de se débarrasser de lui en organisant des discussions sur des questions mineures102 ». Il plaida pour une initiative forte de la part de Londres en faveur de concessions anglo-américaines à de Gaulle. À l’issue d’une audience avec ce dernier103, il comprit que le cœur de l’ambition gaullienne n’était pas la réforme de l’OTAN, mais bien la prise de décision en matière d’emploi des armes nucléaires. Sans aller jusqu’à affirmer l’existence d’un droit de veto absolu de chaque membre vis-à-vis de l’emploi de l’arme nucléaire par les deux autres104, de Gaulle voulait qu’au sein de l’organe tripartite, les décisions fussent prises autant que possible à l’unanimité, ou en tout cas que le plus grand effort fût fait pour parvenir à un accord. Il s’agissait au fond d’organiser une entente stratégique réelle entre les trois nations concernées et de « définir [ensemble] les circonstances précises qui mèneraient à une guerre atomique ». Aux yeux de Jebb, cette demande d’un tripartisme « nucléaire » n’était pas « déraisonnable105 ».

    54Cette prise de position ne manqua pas de susciter d’intenses débats au Foreign Office, où Jebb se retrouva très isolé face aux gardiens du temple atlantiste. Ainsi, l’autre diplomate britannique en poste à Paris (auprès de l’OTAN), Frank Roberts, dénia toute légitimité aux revendications du mémorandum et conseilla de se tenir éloigné d’une controverse avant tout franco-américaine106. Aussi, Lloyd, lorsqu’il rencontra son homologue américain Herter le 15 juillet, renonça-t-il à intervenir, même à demi-mot, en faveur de concessions aux idées françaises tripartites107.

    55Les débats britanniques de l’été 1959 sur la France et l’OTAN n’en restent pas moins d’un grand intérêt car ils révèlent la précarité du statut nucléaire britannique. En effet, le niveau élevé auquel de Gaulle plaçait ses revendications tripartites mettait en évidence, par contraste, les limites de la coopération nucléaire entre Londres et Washington. Ainsi, dans un projet de télégramme destiné à l’ambassade de Washington, lit-on la phrase suivante :

    « Si le Général savait à quel point sont vagues nos propres arrangements avec les Américains, et si on pouvait lui faire comprendre l’impossibilité, pour nous comme pour les Français, d’obtenir la forme de planification précise à laquelle il paraît s’attendre, alors peut-être qu’il se satisferait en effet que les Américains veuillent bien lui donner la même assurance informelle que celle qu’ils nous ont donnée108. »

    56La différenciation opérée entre l’engagement bilatéral informel dont les Britanniques se contentent en matière de consultation nucléaire109 et la planification exhaustive réclamée par de Gaulle est frappante (et lucide !) ; en revanche, les Britanniques s’illusionnaient sur la possibilité de persuader de Gaulle de rabattre ses ambitions au niveau accepté par Londres.

    57C’est là tout le paradoxe du statut nucléaire des Britanniques. Dans une fiche du Foreign Office récapitulant les procédures agréées avec les Américains sur la consultation en matière de décision d’emploi des armes nucléaires (concernant le partage du renseignement, la communication sécurisée, la prise de décision conjointe d’emploi)110, on lit que ces arrangements « ajoutent beaucoup à la valeur de l’engagement personnel d’Eisenhower » de consulter Londres mais qu’il est

    « hautement improbable que les Américains soient prêts à envisager d’associer les Français avec aucune d’entre elles. C’est pourquoi nous ne devrions pas prendre le risque de mettre en péril ces arrangements qui sont d’une grande valeur pour nous en suggérant que les Français puissent y être associés ».

    58N’y a-t-il pas ici contradiction entre, d’un côté, l’idée d’une promesse américaine de consultation informelle dont il faudrait que de Gaulle se contentât, et de l’autre, ces procédures qui concrétisaient l’engagement pris de personne à personne par le président américain depuis 1953, et qui ne pouvaient absolument pas être élargies à la France ? On voit à quel point la construction anglo-américaine en matière de prise de décision nucléaire était fragile. Tel un château de cartes, aucun élément ne pouvait être ajouté ou retiré sans que l’édifice entier ne risquât de s’écrouler. C’est pourquoi les demandes françaises représentaient un risque réel pour la « relation spéciale » nucléaire. On voit aussi qu’en acceptant de se plier aux contradictions de ce « système » imparfait, les Britanniques se condamnaient eux-mêmes à une ligne peu franche vis-à-vis de la France : utilisant l’imperfection de la relation nucléaire anglo-américaine comme argument pour convaincre de Gaulle d’en rabattre111, ils ne pouvaient pourtant pas lui révéler l’ensemble des procédures par lesquelles ils avaient cherché à matérialiser petit à petit la promesse présidentielle de consultation préalable. La transparence avec la France était donc structurellement impossible et on ne peut s’empêcher de conclure à la légitimité des soupçons nourris par de Gaulle vis-à-vis de l’allié britannique.

    L’ouverture d’Eisenhower : l’offre de Rambouillet

    59Les idées hétérodoxes de Jebb furent finalement écartées. Le gouvernement britannique se laissa dériver vers une position de spectateur d’un dialogue stratégique franco-américain qui fut mené directement par les deux présidents Eisenhower et de Gaulle et qui acquit à l’automne 1959 une prépondérance nouvelle.

    60Lors du sommet franco-américain de septembre, Eisenhower fit en effet plusieurs gestes en direction de De Gaulle112 : exprimant le regret de ne pouvoir aider la France davantage au plan nucléaire à cause de la loi McMahon, il proposa pour relancer le système des consultations tripartites à Washington de créer des comités ad hoc sur n’importe quel sujet113 ; il donna, comme aux Britanniques, une garantie de consultation préalable avant l’emploi des armes nucléaires, dans la mesure où les circonstances le permettraient, et proposa la mise en place d’une ligne téléphonique directe d’urgence114. Deux points d’achoppement majeurs n’étaient toutefois pas surmontés : Eisenhower se refusait à toute remise en cause de l’intégration militaire au sein de l’OTAN et surtout, la question, précisément formulée par de Gaulle, d’une participation en bonne et due forme de la France à la prise de décision nucléaire restait en suspens. Les deux hommes étaient certes parvenus à établir un lien de confiance interpersonnelle solide, mais les tensions resurgirent bien vite entre les deux pays lorsque de Gaulle rendit publique sa critique de l’OTAN, en novembre 1959115. Au cœur du discours gaullien s’imposait le constat d’un risque de découplage stratégique entre l’Amérique et l’Europe. Du fait de l’équilibre de la terreur qui émergeait entre Américains et Soviétiques, se profilait le danger d’une guerre nucléaire limitée à l’Europe, dans laquelle les deux superpuissances s’épargneraient mutuellement. Il s’ensuivit un échange de lettres vigoureux entre les deux présidents116, qui montre que de Gaulle tenait au fond Eisenhower à l’écart de ce soupçon de désolidarisation vis-à-vis de l’Europe, qui avait tant heurté le président américain. Le Général prenait toutefois soin de justifier son argument en l’appliquant à l’avenir : rien n’assurait que les successeurs d’Eisenhower soient aussi déterminés que lui à maintenir la stratégie de représailles massives, et en tant que dirigeant de la France, de Gaulle devait se préparer à cette éventualité117.

    61Le contraste entre ce dialogue franco-américain, sans concessions mais riche et dynamique, et l’inefficacité des échanges franco-britanniques est flagrant. Tâchant de reprendre langue avec de Gaulle après la victoire électorale des Tories en octobre 1959, Macmillan envoya Lloyd en visite les 11 et 12 novembre pour une véritable opération de charme118, qui consista surtout à éviter les sujets difficiles (remise en cause de l’intégration otanienne, tripartisme, question nucléaire), pour se concentrer sur les quelques points résiduels de convergence, passant donc sous silence l’essentiel ! En fait, après l’ambassadeur Jebb, ce fut le président américain lui-même qui, à la grande surprise des Britanniques, prit l’initiative par deux fois, en décembre 1959 et mai 1960, de rouvrir le débat sur le tripartisme, et conduisit par conséquent Macmillan à y accorder de plus en plus d’attention.

    62En effet, lors du sommet occidental de Rambouillet, en décembre 1959, Eisenhower, de Gaulle et Macmillan, auxquels s’ajouta lors de certaines sessions Adenauer, se rencontrèrent pour évoquer la crise berlinoise et la question allemande119. Ce sommet aurait pu représenter une avancée décisive des conceptions tripartites du Général, à un double niveau. Ce fut tout d’abord la première fois que les présidents américain et français ainsi que le Premier ministre britannique eurent l’occasion de se réunir à trois et discutèrent directement du mémorandum de septembre 1958120. Un tripartisme au sommet émergeait donc de facto121, même si le prétexte officiel qui servait de couverture vis-à-vis des autres alliés était la crise berlinoise. Mais il y a plus : le président Eisenhower sembla, de sa propre initiative et sans sollicitation première de De Gaulle, accorder ce qu’il avait refusé jusque-là, à savoir « un mécanisme “clandestin” » tripartite, où chaque pays serait représenté par trois fonctionnaires de haut niveau, un diplomate, un économiste et un militaire, siégeant à Londres.

    Fig. 5. – Photographie prise à la fin du sommet des quatre puissances occidentales réunies à Paris, en décembre 1959, pour se concerter sur l’affaire berlinoise.

    Image

    De gauche à droite : Macmillan, Eisenhower, de Gaulle et Adenauer.

    © TopFoto/United Archives.

    63On peut supposer que la fermeté du Général à propos de la crise de Berlin suscitée par Khrouchtchev, sa conduite habile de la négociation à trois et à quatre à Rambouillet, ainsi que la parfaite solidarité franco-allemande impressionnèrent Eisenhower et le convainquirent d’aller au-delà de ce qu’il avait concédé jusque-là pour se rapprocher de la France de De Gaulle. Toujours est-il que l’offre de Rambouillet aurait pu permettre une réelle avancée. Macmillan en eut conscience et y répondit favorablement : il crut en effet être tiré d’embarras, espérant désormais pouvoir « restaurer [les] vieilles relations [des Britanniques] avec les Français, sans déloyauté envers les Américains122 ». À nouveau, il songeait à lier questions stratégiques et transatlantiques d’une part, questions européennes et économiques d’autre part, pour engager avec de Gaulle un grand marchandage et régler ses problèmes européens :

    « Mon objectif maintenant doit être de soutenir de Gaulle sur le front politique et son désir de rejoindre le rang des Grandes Puissances, et de l’encourager à obtenir les fruits de son fameux mémorandum, etc. En retour, il doit me donner l’arrangement pratique le plus accommodant qu’il puisse sur le front économique123. »

    64Le malentendu franco-britannique concernant l’articulation euro-atlantique resurgissait donc plus profond que jamais, car le tripartisme dont rêvait Macmillan, qui revenait à garder ouvertes toutes les options, et celui de De Gaulle, étaient radicalement différents. Pourtant, par-delà ces arrière-pensées qui séparaient les trois protagonistes de la réunion du 20 décembre 1959, on peut considérer a posteriori que l’offre de Rambouillet constitua le degré de convergence maximale entre la France et ses partenaires anglo-américains dans le débat à propos du tripartisme124.

    65Le problème est qu’elle ne se concrétisa jamais. L’accord réalisé au sommet entre les trois chefs d’État et de gouvernement fut rapidement vidé de tout contenu, par une opération assez extraordinaire de « rétropédalage » (« backpedalling » selon l’expression de Macmillan), orchestrée par le secrétaire d’État américain Herter, avec la bienveillance des diplomates du Foreign Office125. En effet, le premier cercle des diplomates britanniques, parfaitement conscients de la contradiction qui existait entre la « relation spéciale » et le tripartisme réclamé par de Gaulle – ils étaient en cela bien plus lucides que Macmillan – s’était alarmé tout de suite des concessions d’Eisenhower126. Citons ici trois des questions rédigées par les diplomates britanniques à destination des Américains, révélatrices de ce qui les inquiétait le plus dans l’offre de Rambouillet :

    « v. En général, les nouvelles discussions tripartites ne remplaceront pas les discussions confidentielles anglo-américaines. Est-ce bien […] compris ?
    vi. Quel est le point de vue américain sur le fait de partager des secrets nucléaires avec les Français ? La coopération anglo-américaine dans ce domaine est très intime et fructueuse. Les Américains veulent-ils, et peuvent-ils y intégrer les Français et si c’est le cas, dans quelle mesure ? Nous souhaiterions des discussions préalables avec les Américains à ce propos.
    vii. La stratégie nucléaire actuelle est très bien coordonnée entre les Américains et nous-mêmes. Cela pourrait encore s’améliorer à l’issue des conversations politico-militaires actuelles. La revendication française d’une participation à la stratégie nucléaire n’est pas techniquement solide. A-t-on l’intention de les y intégrer ? Si tel est le cas, quand et dans quelle mesure ? »

    66Les Britanniques avertirent Herter et ne furent guère déçus de sa réaction : après être tombé des nues en apprenant l’étendue des concessions du président, le secrétaire d’État américain en prit aussitôt le contrepied et organisa la dilution de l’offre de Rambouillet127.

    67Face à cette manœuvre, l’action de Macmillan qui s’était pourtant enthousiasmé après Rambouillet, fut des plus velléitaires. Inquiet des rumeurs de reculade américaine, il insista : son « honneur personnel était engagé » et « il serait funeste pour nos relations avec de Gaulle que les Américains essaient de rétropédaler ; et ce serait encore pire s’ils déniaient la vérité de ce que le président avait dit128 ». Or, c’est exactement ce que fit quelques semaines plus tard Herter, lorsqu’il alla jusqu’à prétendre, contre toute évidence, que l’offre de Rambouillet n’avait pas été une initiative d’Eisenhower, mais de De Gaulle129 !

    68Aucune initiative britannique ferme ne fut prise pour contrer la manœuvre de dilution, bien au contraire. Les dirigeants du Foreign Office130 parvinrent habilement à organiser la passivité britannique, de manière à laisser à Herter la plus grande marge de manœuvre possible. On fit en sorte que Macmillan ne se mêlât pas trop du suivi de la question tripartite, en dépit de son intérêt croissant pour ce format de consultations131, et on tira profit de sa tournée de six semaines en Afrique en janvier-février 1960132. Quant à Jebb, qu’on savait partisan de longue date du tripartisme, il fut délibérément tenu à l’écart133. Ainsi, en dépit de Macmillan, la « montagne » de l’offre de Rambouillet accoucha d’une « souris134 » : des dîners tripartites au niveau ministériel, en marge des nombreuses rencontres internationales qui réunissaient les trois pays dans le monde entier. Cela ne permit nullement de tirer le dialogue stratégique franco-britannique de l’ornière dans laquelle il était tombé dès la fin 1958. Dès mars 1960, de Gaulle exprima clairement sa déception au Premier ministre britannique135.

    69Macmillan échoua donc à imposer ses choix sur le tripartisme, face au cercle des dirigeants du Foreign Office. Convaincu de l’intérêt du tripartisme pour la Grande-Bretagne, dans l’idée qu’il pourrait servir de vecteur pour un grand marchandage euro-atlantique avec de Gaulle, il ne franchit néanmoins jamais le pas de tracer une voie britannique autonome, quand bien même son atlantisme initial commençait à se teinter d’une volonté réelle de réorientation stratégique vers la France. Au cours de cet épisode du « rétropédalage » de l’hiver 1959-1960, peut-être que des directives plus fermes de la part de Macmillan, un dialogue bilatéral plus courageux avec les Français, des interventions plus claires au niveau d’Eisenhower, auraient pu empêcher le triomphe de la ligne du refus du tripartisme, portée par une coalition atlantiste transnationale, constituée de diplomates américains et britanniques, qui contournaient au moins partiellement leurs autorités politiques. Cet épisode constitue en tout état de cause une nouvelle preuve de la solidité des liens spéciaux entre États-Unis et Grande-Bretagne, qui ne se limitaient pas à la proximité au sommet, mais étaient aussi fondés sur la capacité à coopérer informellement entre diplomates de part et d’autre de l’Atlantique, y compris pour orienter dans le sens voulu l’action de leur autorité politique respective.

    L’ultime test : bis repetita non placent

    70Un épisode très similaire eut lieu entre mai et août 1960 qui fut pour de Gaulle la dernière tentative réelle de mise en œuvre du mémorandum, l’ultime test, avant le passage à une deuxième phase de sa politique étrangère, beaucoup plus centrée sur l’affirmation de l’autonomie politico-stratégique européenne. Plusieurs phénomènes remarqués durant l’épisode du « rétropédalage » anglo-américain se répétèrent en s’amplifiant.

    71Il s’agit tout d’abord de l’impulsion initiale qui vint à nouveau d’Eisenhower136, impressionné par la fermeté de De Gaulle face à Khrouchtchev, quand celui-ci fit échouer le sommet organisé à Paris, après l’incident de l’avion U2. Une fois encore d’ailleurs, l’affaire berlinoise fut le facteur déclencheur de la relance du tripartisme.

    72Ensuite, on observe une implication personnelle de De Gaulle qui radicalisa la logique du test et plaça d’emblée la barre très haut en insistant sur la méthode par une déclaration frappante : « En fait, la réalité mondiale de l’Occident est ici. Elle est autour de cette table. Elle est l’accord des trois chefs d’État ou de gouvernement. C’est cela qu’il faudrait organiser. Le reste, alors, viendrait de soi137. » Par la suite, il réclama un tripartisme stratégique, avec des rencontres entre ministres de la Défense et chefs d’état-major138, ainsi qu’un nouveau sommet tripartite139 : à ce propos, il pria Macmillan de soutenir cette demande auprès du président américain et d’organiser la rencontre aux Bermudes – lieu « atlantique » par excellence, d’autant plus qu’il était devenu le symbole du renouveau de l’entente stratégique et nucléaire anglo-américaine après Suez, depuis le sommet de mars 1957 qui s’y était tenu. De Gaulle entendait visiblement montrer qu’il fallait dépasser symboliquement la logique purement « anglo-saxonne » qui avait prévalu en 1957-1958 et constituer le véritable « Occident », par adjonction de la France, puissance authentiquement européenne (c’est-à-dire continentale et autonome).

    73Macmillan s’engagea lui aussi personnellement dans le débat tripartite à un degré sans précédent, dès le 25 mai 1960. Il envoya aux présidents français et américain un mémorandum sur la « machinerie de consultation tripartite140 » où il se montrait partisan d’un tripartisme politique discret, appuyé sur un secrétariat informel constitué d’un conseiller de rang élevé au sein de chaque ministère des Affaires étrangères141.

    74Là encore, les diplomates du Foreign Office jouèrent un rôle moteur dans la dilution du nouvel élan tripartite. Fait mal connu des historiens, les réactions initiales d’Eisenhower face aux demandes impérieuses formulées par de Gaulle avaient en effet été plutôt positives. Ainsi, le 30 juin, Eisenhower indiquait à Macmillan être d’accord pour organiser à Washington des consultations militaires tripartites et ajoutait :

    « Ce ne sera sans doute pas l’organe de planification stratégique à l’échelon mondial, comprenant la question de l’usage des armes nucléaires [que de Gaulle] paraît souhaiter. Mais c’est clairement un pas en avant dans le domaine des consultations militaires qui pourrait finalement renforcer notre alliance142. »

    75Pour bloquer les concessions envisagées par Eisenhower, les diplomates du Foreign Office prirent le 19 juillet une initiative très forte143. Sans consulter le Premier ministre, ils avertirent leurs homologues américains que si l’on n’était pas vraiment prêt à discuter de stratégie globale et nucléaire avec la France ou à l’aider au niveau de son programme atomique, alors il était dangereux d’être si conciliants avec de Gaulle. Le projet de lettre d’Eisenhower à de Gaulle fut par conséquent modifié de manière substantielle en tenant compte des objections britanniques. Ainsi la ligne définie par le cercle étroit des dirigeants du Foreign Office finissait-elle encore par l’emporter sur les velléités conciliatrices de Macmillan144.

    76Certes, trois réunions tripartites au niveau des ministres des Affaires étrangères eurent lieu, en juin, septembre puis décembre 1960145 ; l’idée du secrétariat informel de Macmillan fut aussi mise en œuvre, avec la nomination des diplomates Merchant pour les États-Unis, Hoyer-Millar pour le Royaume-Uni et Lucet pour la France ; et la préparation de la réunion de septembre fut particulièrement soignée, du côté britannique notamment146. Mais tout ce travail consacré aux consultations politiques n’était en fait que diversion. L’enjeu central, qui s’était joué entre de Gaulle et Eisenhower, avec un rôle marginal de Macmillan147, concernait le tripartisme stratégique et les sommets à trois réguliers ; or, les deux propositions avaient bel et bien été refusées par les Américains148. De Gaulle prit alors définitivement son parti de l’échec du tripartisme et en tira publiquement les conséquences, le 5 septembre 1960, lors d’une conférence de presse qui marqua un tournant149.

    Le tabou de la coopération nucléaire

    77Quant à la perspective d’une coopération franco-britannique pour la fabrication conjointe d’armes nucléaires, elle s’avéra encore plus insaisissable que l’idée tripartite, en dépit de certaines circonstances favorables qui s’étaient présentées à l’automne 1959.

    78Côté britannique, on l’a dit, l’idée d’un marchandage euro-atlantique avec de Gaulle avait commencé à germer tôt dans l’esprit de Macmillan. Pour surmonter le blocage européen et résoudre le problème des rapports économiques entre les Six et la Grande-Bretagne, non seulement il songeait à utiliser la proximité de la Grande-Bretagne avec les États-Unis pour établir une forme de tripartisme150, mais il se persuada également qu’une aide britannique au programme nucléaire français pourrait représenter l’atout décisif pour obtenir la bienveillance de De Gaulle151. Autrement dit, à l’échange « euro-tripartite », Macmillan adjoignait désormais des idées « euro-nucléaires », qui, il faut le souligner, allaient à l’encontre de la politique effectivement mise en œuvre depuis le début par son gouvernement, qui privilégiait la « relation spéciale » (rappelons que depuis mars 1957, les Britanniques étaient liés par un accord secret aux États-Unis, selon lequel aucun des deux pays ne devait contribuer à l’émergence d’une quatrième puissance nucléaire)152. Même si Macmillan restait encore assez discret sur ses idées « euro-nucléaires », le Foreign Office ainsi que le ministère de la Défense s’en alarmèrent, à un moment où des discussions de défense de haut niveau reprenaient avec les Américains, et où il s’agissait du coup d’éviter toute interférence153.

    79Côté français, l’époque de la première explosion d’une bombe atomique de fabrication française (13 février 1960) correspondit à une nouvelle offensive diplomatique, en direction des Américains et des Britanniques, pour obtenir une aide technologique, notamment en matière de missiles IRBM. Le volet américain de l’entreprise échoua, ceci est bien connu154, et de Gaulle perdit sans doute à ce moment-là l’espoir d’établir une coopération nucléaire avec les Américains dans des conditions acceptables155. Pour être moins connu et d’une importance moindre, le volet britannique de la diplomatie nucléaire française de 1960 n’en apporte pas moins un éclairage complémentaire. En effet, l’élément remarquable de l’épisode est que de Gaulle, ayant constaté le refus américain, prit personnellement l’initiative d’aborder directement le sujet avec Macmillan, lors de la rencontre de Rambouillet en mars 1960156 : c’est à ce moment-là sans doute qu’il procéda le plus nettement à une ouverture en direction de Macmillan pour établir une coopération nucléaire franco-britannique.

    80Toutefois, en dépit des velléités « francophiles » de Macmillan et des manifestations explicites d’intérêt de la part de De Gaulle, la rencontre de Rambouillet ne permit aucun progrès ni aucune clarification, bien au contraire. Le flou des archives à propos des sujets nucléaires est tout à fait étonnant : sous prétexte de rendre l’échange le plus informel possible, les deux hommes s’entretinrent en tête-à-tête, sans interprète, et en français. Cela ne fut pas sans provoquer maintes incompréhensions linguistiques. Le résultat est que l’on dispose de quatre versions différentes des entretiens, en partie contradictoires157. Il est toutefois vraisemblable qu’il y eut bel et bien de la part de De Gaulle une ouverture à l’idée d’un partenariat franco-britannique pour « l’étape suivante » du programme nucléaire français, à savoir la construction des vecteurs. La réaction de Macmillan fut pour le moins ambiguë : favorable sur le principe, il mentionna toutefois comme un obstacle les liens qui existaient entre la Grande-Bretagne et les États-Unis, qui rendaient « difficile de faire le départ entre les connaissances que ses savants ont acquises par eux-mêmes et celles qu’ils ont obtenues par l’aide des Américains ». Et Macmillan de rebondir en conseillant aux Français de suivre la méthode britannique et de « monnayer [leur] adhésion [au futur traité d’interruption des essais nucléaires] contre une aide technique américaine158 ». Sur cette partie de la conversation, Macmillan présente d’ailleurs les choses de manière différente159 :

    « Aussi délicatement que possible, j’ai placé dans son esprit l’idée que nous pourrions être en mesure de l’aider, avec l’accord des Américains, explicite ou tacite. Il a semblé très intéressé. Voulait-il avoir le contrôle complet [de ses armes nucléaires] ? Ou envisageait-il un contrôle OTAN, UEO, ou encore franco-britannique ? [Il m’a dit qu’il] réfléchirait sur ce point. La première solution était impossible. L’Allemagne serait le problème, pour ce qui est de la deuxième solution. La troisième avait des avantages. »

    81Même si on ne peut être entièrement sûr de ce qui fut dit à Rambouillet en mars 1960, les deux dirigeants souhaitèrent visiblement cacher à leurs propres diplomates jusqu’à quel point ils s’étaient avancés dans la direction d’un partenariat franco-britannique en matière nucléaire. Sans doute cela tenait-il chez Macmillan à la volonté de dissimuler à Whitehall sa tendance à s’écarter de la politique strictement atlantiste de ses services : cette tendance s’affirmerait durant les années suivantes, Macmillan s’engageant de plus en plus dans la poursuite de la chimère d’un marchandage euro-nucléaire. Quant à la divergence du côté français entre la version la plus confidentielle, dans laquelle de Gaulle a l’initiative de l’ouverture, et la version diffusée, où il semble repousser une ouverture de Macmillan, elle révèle la conclusion effective que de Gaulle tira de l’entretien. L’ouverture faite par de Gaulle constituait un nouveau test des intentions de Macmillan et seul le résultat de ce test, négatif encore une fois, devait être diffusé : la voie franco-britannique était bel et bien une impasse en matière nucléaire et il convenait de rester sceptique face aux vagues allusions de Londres à une coopération franco-britannique.

    82À Rambouillet, les deux hommes en restèrent donc encore une fois au stade de la « reconnaissance160 ». Par un phénomène typique de l’alchimie franco-britannique, la logique de rivalité l’emportait et empêchait que ne s’installe le niveau minimal de confiance mutuelle qui aurait permis de sortir des sondages d’intention. Une différence de taille séparait toutefois de Gaulle et Macmillan : tandis que ce dernier se complaisait dans une ambiguïté qui laissait l’affaire de la coopération nucléaire franco-britannique sans conclusion, de Gaulle recherchait à l’inverse une clarification. Quelques semaines après Rambouillet, lors d’un dîner réunissant le ministre de la Défense britannique Watkinson et son collègue Messmer161, ce dernier chercha à tirer au clair les possibilités de coopération nucléaire bilatérale en matière de missiles. Watkinson prit une position bien plus claire que Macmillan en n’entretenant « aucun espoir de projet franco-britannique ». La clarification alla même plus loin, puisqu’il semblerait que les services français firent semblant de mal comprendre les propos de Watkinson et transmirent aux Britanniques un compte rendu du dîner du 30 mars qui faisait déclarer à ce dernier qu’il serait plus facile pour les Britanniques de collaborer avec la France sur la production de têtes nucléaires que sur le vecteur. Frank Roberts fut chargé de corriger immédiatement ce malentendu, en révélant la position parfaitement négative du gouvernement britannique : ni sur les têtes nucléaires ni sur les vecteurs, il n’y avait de raison d’être optimistes, étant donné que le projet de missile britannique Blue Streak devait lui-même beaucoup aux recherches américaines162.

    83Ainsi, malgré l’ambiguïté étudiée de Macmillan, la réponse britannique aux différentes ouvertures françaises de 1960 demeurait un refus poli. Le développement conjoint d’un missile balistique n’intéressait que peu le gouvernement britannique au plan technologique, et constituait même pour lui un sujet d’embarras au niveau politique car il risquait d’interagir négativement avec les échanges qui reprenaient de plus bel au même moment, sur le même sujet (les missiles), entre Londres et Washington. Aussi la discussion nucléaire avec Paris restait-elle dans une large mesure un tabou pour Londres. 1960 n’en fut pas moins pour de Gaulle le moment où il tira certaines conclusions quant à la coopération nucléaire avec Londres : celle-ci demeurait une chimère, dont le progrès vers l’indépendance nationale ne devait pas dépendre. À cet égard, la quasi-coïncidence chronologique entre les deux décisions contradictoires prises de part et d’autre de la Manche quant à la production nationale d’un missile balistique symbolise à quel point, dès 1960, les deux gouvernements étaient engagés sur des trajectoires nucléaires divergentes. En effet, Londres décidait en février-mars 1960 de renoncer au missile Blue Streak et de négocier avec les États-Unis un accord pour acquérir en guise de remplacement le missile américain Skybolt163. Ce choix revenait à accepter de dépendre des Américains pour l’acquisition du vecteur du « deterrent » britannique et à opter pour une « vision beaucoup plus modeste de l’indépendance [nucléaire] que celle qui avait existé juste après la débâcle de Suez164 ». De Gaulle quant à lui affirmait dès le 15 avril 1960 l’absolue priorité du projet français de missile par rapport aux alternatives otaniennes que les Américains faisaient miroiter à travers l’offre Gates du 1er avril165. La dissociation des logiques nucléaires française et britannique était totale à la mi-1960, au-delà des faux-semblants de la conversation de Rambouillet166.

    84Les années 1959-1960 correspondent donc au niveau stratégique à un véritable enlisement des rapports franco-britanniques, ce que traduit bien l’évolution cyclique et répétitive du dossier du tripartisme, malgré l’engagement croissant mais improductif de Macmillan. Sur la question du nucléaire militaire, les options prises en 1957 par Macmillan se refermaient progressivement sur lui comme un piège pour ce qui concernait sa relation avec la France gaullienne.

    85Au moment de l’échec du sommet de Paris en mai 1960, le redressement de la France au plan international est déjà bien entamé tandis que Macmillan apparaît fragilisé. Les atermoiements de Macmillan culminèrent d’ailleurs durant l’été 1960 en une véritable crise de confiance, dont la cause immédiate fut justement l’échec du sommet de Paris, qui avait révélé selon lui un dramatique affaiblissement de l’influence britannique :

    « Je ne l’avais jamais vu si déprimé, témoigne Philip de Zulueta. […] Au-delà de tout l’effort qu’il y avait personnellement investi, ce fut pour lui le moment où il prit soudain conscience que la Grande-Bretagne ne comptait plus du tout ; il n’avait pas pu faire bouger Ike [Eisenhower] pour qu’il fasse un geste envers Khrouchtchev, et de Gaulle n’était tout simplement pas intéressé. Je crois que cela a représenté un vrai tournant dans sa vie167. »

    86Plus que la question Est-Ouest, c’était l’évolution défavorable du jeu euro-atlantique qui était à l’origine du désarroi de Macmillan. Le problème central du Premier ministre résidait dans l’incapacité à dépasser le dilemme que posaient avec une acuité toujours plus forte les exigences contradictoires des relations avec Paris et avec Washington. De Gaulle avait bien résumé la situation en mars 1960, à Rambouillet, en déclarant que « le Royaume-Uni ne souhaitait toujours pas choisir entre une participation à l’Europe et la connexion spéciale avec les États-Unis168 ». Une telle déclaration marquait une évolution chez de Gaulle, quant à la question de l’européanité de la Grande-Bretagne. À la fin de l’année 1958, le Général semblait encore laisser au Royaume-Uni le bénéfice du doute. Mais après avoir testé à maintes reprises l’orientation politico-stratégique profonde de la Grande-Bretagne, le Général avait selon toute probabilité balayé ses dernières hésitations. L’attitude de Macmillan restait ambivalente, manœuvrière ; le Royaume-Uni n’était pas prêt à faire le « choix » de l’Europe au plan politico-stratégique.

    La cristallisation du conflit franco-britannique sur l’Europe

    87Après avoir étudié l’impact de la crise de Berlin sur les relations entre la France et la Grande-Bretagne, puis l’enlisement de leur dialogue stratégique, il convient de concentrer notre regard sur l’échelon ouest-européen. Les années 1959-1960 constituèrent une période charnière, entre l’échec de la ZLE et la première candidature britannique à l’adhésion à la CEE169. C’est le moment où furent tirées les conséquences internationales de l’émergence de la CEE, aboutissant à une recomposition des ensembles économiques européens et transatlantiques. Le débat fut alors intense entre les acteurs de la zone euro-atlantique pour déterminer quel serait l’échelon auquel la libéralisation des échanges commerciaux devrait être négociée. Fallait-il privilégier un niveau mondial, au GATT ? un niveau régional, couvrant l’ensemble de l’Europe de l’Ouest, au sein de l’OECE, comme le projet britannique de ZLE le suggérait ? et quelle place réserver aux deux zones préférentielles existantes, à savoir la CEE, dont la France défendait l’autonomie en matière de politique commerciale, et le Commonwealth britannique, zone commerciale préférentielle dont le déclin paraissait inéluctable, en parallèle de la décolonisation ? C’est dans ce contexte que le différend franco-britannique sur l’unité économique de l’Europe qui s’était fait jour durant l’automne 1958 se cristallisa en une divergence politique profonde entre les deux pays.

    88Alors que la confrontation entre Paris et Londres à propos de la ZLE avait eu pour origine principale une divergence d’intérêts économiques, en 1959-1960, le différend franco-britannique sur l’Europe changea peu à peu de nature. Deux facteurs essentiels de ce processus ont déjà été mis en évidence : tout d’abord, l’absence de solidarité stratégique de Macmillan vis-à-vis de la RFA d’Adenauer, révélée par l’affaire de Berlin, fut interprétée par de Gaulle comme révélatrice du caractère obstinément insulaire de la politique étrangère britannique ; ensuite, ses fluctuations en matière de tripartisme ou de nucléaire militaire, et plus largement son suivisme vis-à-vis des États-Unis dans les matières stratégiques, confirmaient les intuitions pessimistes du président français sur l’identité stratégique profonde de la Grande-Bretagne. À cela s’ajouta une politique européenne hésitante, comme nous allons le voir : le Royaume-Uni donnait l’impression de ne pas se résoudre au fait irréversible de l’existence de la CEE et de multiplier les manœuvres pour la subvertir.

    89La « tragédie européenne » de Macmillan nous paraît s’être nouée à ce moment-là, en amont donc de la première candidature britannique, lancée en juillet 1961. En effet, le gouvernement britannique, surpris par l’échec de la ZLE, ne prit conscience que lentement de son impuissance à faire bouger les lignes vis-à-vis d’une CEE en plein essor. Face aux sacrifices économiques qu’impliquait une association avec les Six, sans parler d’une adhésion pleine et entière à la CEE – réforme de l’agriculture britannique, relâchement des liens avec le Commonwealth –, Macmillan restait persuadé que son pays, du fait de son statut stratégique privilégié, était en position de contourner la difficulté économique par une voie plus haute, celle de la grande diplomatie. Il s’agissait en fait d’user vis-à-vis de la France et de la RFA des instruments les plus traditionnels de la politique de puissance, pour les persuader (ou les contraindre) d’adopter une attitude plus conciliante sur l’enjeu économique européen. Le problème est que jamais Macmillan ne se donna réellement les moyens positifs d’emprunter cette voie « politique » : il eût fallu en effet pour cela faire d’importantes concessions à de Gaulle et du même mouvement, remettre en cause les choix fondamentaux effectués dès 1957 en faveur de la primauté du rapport stratégique avec l’Amérique. Restait donc une attitude à la fois réactive et agressive vis-à-vis de l’Europe, de la RFA et de la France, qui fut un facteur majeur de la politisation et de l’approfondissement du différend européen avec la France.

    90Dans ce jeu complexe aux acteurs multiples (au-delà du duo franco-britannique, on vit intervenir États-Unis, RFA, Italie, Belgique, Pays-Bas ainsi que la Commission de la CEE), la France et la Grande-Bretagne échouèrent là encore à nouer un échange bilatéral consistant : malgré plusieurs phases de tension aiguë sur la scène européenne (été 1959 ou mars 1960), la grande explication sur l’Europe n’eut pas lieu et les affrontements se firent à fleurets mouchetés.

    Une dernière chance pour la « Grande Europe » ?

    91Après l’échec de la ZLE en décembre 1958, la diplomatie française s’opposa avec la plus grande fermeté à une reprise de la négociation au sein de l’OECE. Mais Paris ne s’en tint pas à une attitude purement négative et s’engagea dans un jeu tactique subtil vis-à-vis des Britanniques, visant à minimiser les répercussions de l’altercation de la fin 1958. Dès la mi-janvier 1959, la diplomatie française proposa à Londres un dialogue bilatéral sur les questions économiques européennes170. L’ambition proclamée n’était pas seulement de parvenir à un modus vivendi sur le commerce bilatéral et la question technique des quotas171, mais aussi de dégager une solution de long terme qui préservât un échelon OECE au sein de l’architecture de négociation commerciale du monde occidental, c’est-à-dire un rôle pour « la communauté des Dix-sept qui est celle de l’Europe restée libre, de l’Europe de l’OTAN », selon les mots de Wormser. Reprenant là une idée formulée par Couve de Murville dès novembre 1958172, Wormser expliqua que deux conditions politiques devaient être réunies pour cette solution à trois étages (CEE, OECE, GATT) : elle devait d’une part être portée en commun politiquement par la France et la Grande-Bretagne, c’est-à-dire par les Six et les Onze ; elle devait d’autre part être acceptée par les Américains, ce qui impliquait là encore un accord politique robuste entre les Dix-sept pour convaincre les États-Unis de faire entorse aux principes du GATT et accepter un échelon préférentiel au niveau de la « Grande Europe ».

    92Le cœur de la proposition de Wormser revenait à confier à l’OECE une compétence tarifaire résiduelle : l’abaissement douanier à Dix-sept aurait lieu dans un premier temps sans traité, « sur la base de la simple réciprocité » entre les Six et les Onze, avant qu’intervienne l’harmonisation des législations tarifaires. Ce que Wormser passait sous silence, c’est que ce simple accord de procédure entre les Dix-sept avait pour avantage, du point de vue français, de ne pas empiéter sur l’autonomie commerciale des Six et même de placer de facto la CEE au centre de la libéralisation des échanges ouest-européens : selon les mots de Couve de Murville, « par des décisions successives, prises souvent au vu de ce que les Six seront appelés à faire entre eux, cette organisation parvien[drait] à débarrasser les Dix-sept de leurs tarifs ou d’une forte proportion de ceux-ci en quinze ans, tout comme l’OECE est parvenue en dix ans, à éliminer les restrictions quantitatives173 ». Il s’agissait donc d’établir, à la faveur d’une entente politico-économique préalable entre Paris et Londres, condition de possibilité d’un accord entre les Six et les Onze, une Europe en cercles concentriques, avec les Six en son cœur… Tout en préservant les acquis de 1958 (autonomie commerciale de la CEE, droit des Six à exercer une discrimination à l’égard des pays tiers), ce geste habile permettait à la France de paraître vouloir sortir par le haut du différend avec le Royaume-Uni en prenant l’initiative d’une proposition ambitieuse, visant le maintien d’une OECE consistante.

    93Comment cette proposition fut-elle accueillie par les Britanniques ? Macmillan fut d’abord tenté de politiser le débat européen en usant agressivement des instruments de puissance vis-à-vis des Continentaux. Le 9 décembre 1958, il jugea intelligente l’idée de son ambassadeur en poste à Rome de lier l’enjeu européen et la question berlinoise174. Juste après la confrontation du 15 décembre, il chargea Lloyd de solliciter auprès de Dulles l’appui américain pour faire pression sur les Allemands, qui pourraient à leur tour faire céder les Français175. Plusieurs échanges avec de Zulueta révèlent un état d’esprit fondamentalement négatif176 : d’après le conseiller, la Grande-Bretagne avait à choisir entre deux solutions, soit briser le Marché commun, soit le « dissoudre », seconde option pour laquelle Macmillan exprimait sa préférence ! La solidité de l’entente franco-allemande était observée comme un fait regrettable dont on espérait voir rapidement la fin. Pour autant, il semblerait que de Zulueta ait été conscient de l’inefficacité des cartes « politiques » qui restaient dans le jeu britannique :

    « Si nous tentons de jouer la carte du retrait d’Allemagne et peut-être d’une politique indépendante sur des questions telles que Berlin », écrit-il, « nous alarmerons sans aucun doute les Allemands, mais probablement pas les Français ; si nous alarmons suffisamment les Allemands, peut-être pourrions-nous les pousser à faire tellement pression sur la France que le Marché commun s’effondrera ou sera largement dilué, mais il est peu probable que nous obtenions la zone de libre-échange ». Et de toute façon, « si Adenauer avait à choisir entre le retrait de nos troupes (mais pas celles des Américains) et briser le Marché commun, on ne peut pas être certain de ce qu’il choisirait ».

    94Au vu de la diplomatie personnelle qui fut celle de Macmillan durant l’hiver 1959, on ne peut s’empêcher de penser qu’il ne renonça pas à l’idée d’user de ces cartes politiques, celles dont il pensait disposer au sein du « grand jeu » Est-Ouest pour imposer ses vues au sein du « petit jeu » ouest-européen.

    95En fait, Macmillan n’apporta guère de réponse dynamique au défi que représentait la réaffirmation de l’influence française en Europe. Après avoir tenté en vain de maintenir ouverte la discussion à l’OECE sur le principe de la non-discrimination intra-européenne, Londres dut constater son isolement et fut forcé de participer à la négociation d’arrangements commerciaux bilatéraux, notamment avec la France, permettant d’atteindre un modus vivendi entre la CEE et les États européens qui n’en faisaient pas partie177. En revanche, l’autre dimension de l’offre de Wormser, à savoir le grand accord politico-économique européen, pré-négocié entre Paris et Londres et permettant de maintenir une compétence tarifaire résiduelle à l’échelle de l’OECE, fut laissée de côté. Pour les Britanniques, s’engager dans une telle conversation, c’était tirer prématurément les conséquences définitives de l’avènement du Marché commun. Au contraire, le modus vivendi qu’ils acceptaient de négocier avec la France ne devait en aucun cas préjuger de la solution finale du problème de la structure politico-économique ouest-européenne. Il s’agissait donc bien de maintenir la possibilité d’en revenir à la ZLE, quand les circonstances seraient plus propices178. Le désaccord sur l’architecture politico-économique au sein de l’aire euro-atlantique reflétait donc une profonde rivalité entre les deux pays et Macmillan espérait toujours pouvoir défaire ce qui avait été fait à l’automne 1958.

    96C’est à la lumière de cette orientation fondamentale que doit se comprendre l’engagement de Londres en mai 1959, après de fortes hésitations et sans enthousiasme, dans la constitution de la « petite ZLE », appelée l’Association européenne de libre-échange (AELE)179. Imposée par l’impuissance britannique à faire bouger les lignes autrement dans le jeu européen, l’AELE émergea d’emblée comme une solution par défaut180. Si le discours officiel britannique soulignait l’intérêt économique du projet en lui-même, l’objectif premier était bien de constituer « un pont », pour faciliter la négociation à venir avec les Six, visant à établir le libre-échange dans toute l’Europe181. Autrement dit, l’édification de l’AELE était pour les Britanniques un nouveau moyen de maintenir ouvert le débat sur la grande ZLE et de rassembler leurs forces en vue d’une négociation avec la CEE. Poser le « problème des Six et des Sept » (par référence aux sept membres de l’AELE) allait être le nouvel avatar de la contestation britannique de l’existence et des principes de la communauté des Six.

    97En privilégiant les canaux d’influence indirects (Washington, Bonn) ou la constitution d’un contre-ensemble, l’AELE, comme véhicule d’une future négociation pan-européenne, les Britanniques refusèrent clairement d’engager directement avec la France le débat fondamental à propos de l’architecture politico-économique de l’Europe de l’Ouest. La course à la lenteur qui s’engagea en 1959 entre Français et Britanniques fit que la proposition de Wormser d’une architecture politico-économique à trois étages (GATT, OECE, CEE), avec une OECE dotée d’une compétence tarifaire résiduelle, resta lettre morte. Avec l’offre de Wormser de janvier 1959, ce fut la dernière fois que les Français se montrèrent ouverts, du moins en apparence, à une solution qui préservât l’existence d’un échelon couvrant l’ensemble de l’Europe de l’Ouest. Sans doute l’architecture proposée était-elle favorable aux intérêts français, grâce à la préservation de l’autonomie commerciale de la CEE. Mais la proposition était aussi indéniablement un moyen de faire une place à la Grande Europe et à une entente politico-économique entre Paris et Londres, en complément de la solidarité entre les Six. L’avortement de ce dialogue constitua aux yeux des Français Couve de Murville et Wormser182 (et peut-être de Gaulle ?) un nouveau signe indiquant que la voie franco-britannique n’offrait décidément plus à court et moyen termes de solution pertinente aux problèmes économiques européens.

    Premières consultations politiques à Six

    98C’est dans ce contexte de brouille franco-britannique qu’intervint à la fin juin 1959, à l’occasion de la visite de De Gaulle en Italie, la première tentative d’édifier une entente politique entre les Six. L’initiative franco-italienne donna lieu à une réaction violemment hostile des Britanniques, puis à des manœuvres plus subtiles, autour de l’idée d’une relance de l’UEO (qui, rappelons-le, comprenait les six membres de la CEE et la Grande-Bretagne). Cet épisode avant-coureur de l’histoire du plan Fouchet d’Union politique européenne a été peu étudié183, alors qu’il provoqua durant l’été 1959 un nouveau pic de tension sur la scène européenne et contribua à révéler le ressort essentiellement politique de l’affrontement des conceptions européennes de la France et de la Grande-Bretagne.

    99De Gaulle avait évoqué à plusieurs reprises depuis son retour au pouvoir la nécessité de renforcer le triangle des « trois puissances de l’Europe continentale, la RFA, l’Italie et la France184 ». En juin 1959, dans le contexte de la crise de Berlin, alors que la conférence ministérielle quadripartite de Genève allait bientôt commencer, le Général se fit plus précis : « Il n’y a pas de raison d’abandonner la direction de l’Europe continentale aux Anglo-Saxons, et notamment aux Américains185. » Une réalité spécifiquement européenne devait « se manifester », afin de renforcer le camp de la fermeté face à Khrouchtchev186. L’entente avec Adenauer était déjà solide et il s’agissait maintenant d’y associer les Italiens, afin de mieux faire contrepoids aux influences britanniques187 – dès mars 1959, de Gaulle avait d’ailleurs proposé aux Italiens de publier un communiqué commun à trois sur le problème allemand. Lors de sa visite à Rome en juin 1959, de Gaulle mit en avant deux propositions concrètes : d’une part établir des consultations politiques régulières à Six au niveau des ministres des Affaires étrangères, d’autre part créer un secrétariat permanent installé à Paris.

    100Si l’accueil réservé aux idées françaises à Rome (et à Bonn) fut d’abord enthousiaste, il se tempéra bien vite de multiples hésitations, dont la principale origine fut « le désir de ne pas irriter inutilement l’Angleterre188 ». En effet, au grand dam de Paris, Rome consulta immédiatement les autres partenaires européens ainsi que la Grande-Bretagne189. L’initiative, une fois éventée, suscita de multiples remous. Les Pays-Bas furent d’emblée opposés et alarmèrent les Britanniques sur les risques du plan franco-italien, susceptible d’aboutir selon eux à une séparation entre les Six et le Royaume-Uni, ainsi qu’à la création d’un groupe des Six à l’intérieur même de l’OTAN, « qui aurait tendance à adopter une ligne anti-anglo-saxonne190 ». Quant au ministre belge Wigny, il répétait à l’envi qu’il ne fallait en aucun cas donner l’impression de vouloir isoler la Grande-Bretagne ou « contrebalancer, par une sorte de directoire continental européen, l’action anglo-saxonne sur l’OTAN191 ».

    101Il n’en fallut pas plus pour que le dossier remonte jusqu’à Macmillan192 et que Londres finisse par exprimer une position parfaitement intransigeante, dans une note écrite remise à titre officieux au Quai d’Orsay le 31 juillet193. Le gouvernement britannique s’y déclarait hostile aux consultations entre les Six, susceptibles de constituer un nouvel élément de division entre puissances atlantiques. C’était l’OTAN qui constituait le « seul cadre approprié pour la discussion de questions politiques entre pays européens ». La tension atteignit son point maximal en septembre 1959, mais le différend franco-britannique sur les consultations politiques à Six ne dégénéra pas en une nouvelle confrontation ouverte et finit même par s’atténuer, sous l’effet conjugué d’un double réajustement des positions respectives de Paris et de Londres.

    102Côté français, les indécisions italiennes, les ambivalences allemandes194, l’opposition larvée des Belges et l’hostilité néerlandaise semblent avoir convaincu le Général de temporiser. Le rapport des forces européen n’apparaissait guère favorable à une politisation de l’Europe des Six sous impulsion française. Côté britannique, la ligne dure adoptée durant l’été s’était considérablement assouplie à l’automne. Informé des résistances qu’avait rencontrées l’initiative franco-italienne et qui en atténuaient donc la nocivité de son point de vue, le gouvernement britannique estima possible de lâcher du lest sur ce sujet à peu de frais. Il fit ainsi savoir qu’il n’était pas défavorable aux consultations à Six, pourvu qu’elles s’accompagnent d’une revitalisation de l’UEO195. En novembre, les deux gouvernements se trouvèrent d’accord pour relancer les activités politiques de l’UEO, en parallèle des discussions à Six196. En réalité, cette relance ne correspondait à aucune appétence britannique de développer ce forum dont Londres craignait qu’il pût porter ombrage à l’OTAN197. La carte UEO n’était utilisée que pour « décourager les Six d’aller trop loin dans leurs discussions politiques198 ».

    103S’il y eut finalement des réunions à Six en 1960, c’est que Londres avait choisi de s’y rallier au prix d’une modeste relance de l’UEO, tolérée par Paris. En fait, tant Londres que Paris avaient décidé de ne pas faire des consultations politiques entre les Six un nouveau conflit majeur, Londres par volonté d’aplanir le terrain pour un rapprochement avec de Gaulle, Paris par souhait de concentrer ses efforts sur la consolidation de la CEE. Le terrain de confrontation entre les visions britannique et française de l’Europe demeura donc principalement politico-économique, le terrain politico-stratégique ayant été neutralisé pour un temps, par consentement mutuel pourrait-on dire. L’épisode avait toutefois été instructif d’un point de vue français, quant à l’état d’esprit réel du gouvernement britannique vis-à-vis des Six au plan politique.

    La crise de la politique européenne du Royaume-Uni

    104Paradoxalement, la victoire électorale triomphale des conservateurs en Grande-Bretagne, le 8 octobre 1959, après une campagne où l’enjeu européen ne fut que peu abordé, marqua le début d’une phase d’incertitude au sommet de l’État quant à la politique qu’il convenait d’adopter vis-à-vis de la CEE. L’Europe était devenue, selon Macmillan, le problème « le plus important […] pour l’avenir économique et politique de ce pays199 ». La pensée du Premier ministre était loin d’être immobile et les options envisagées étonnent par leur radicalité, confinant parfois à l’irréalisme. Macmillan devait toutefois créer un consensus au sein du gouvernement, dans les ministères (le Foreign Office et le Trésor), ainsi que dans le parti conservateur, et son instinct était de maintenir l’ensemble des options ouvertes et de fuir les choix drastiques. Aussi vit-on coexister jusqu’à l’automne 1960 plusieurs options contradictoires, entre lesquelles Macmillan ne trancha pas. Pourquoi la décision de changer de politique européenne fut-elle plusieurs fois repoussée et si difficile à prendre ?

    105Lors de la première tentative de réajustement européen, à l’automne 1959, la démarche du Premier ministre fut fondamentalement politique et diplomatique, plutôt qu’économique. Macmillan ne songeait certes plus à briser le Marché commun, mais il gardait une vision traditionnelle de l’enjeu européen, usant volontiers d’un registre martial qui assimilait la CEE à une menace, érigeait l’AELE en première « ligne de défense », évoquait une « guerre économique » intra-européenne imminente, ou plaçait Napoléon en guise de référence historique liminaire : « C’est la première fois depuis l’ère napoléonienne [disait-il], que les puissances continentales majeures sont unies en un groupement économique positif », ce qui pourrait « avoir comme effet de nous exclure200 ». Pour faire face à « l’alliance franco-allemande […] au cœur du Marché commun », Macmillan proposait une tactique différenciée vis-à-vis de Paris et de Bonn. Il fallait « faire pression » sur les Allemands (« bully »), en position de faiblesse et divisés entre partisans d’Adenauer et d’Erhard, afin de les pousser à adopter une attitude plus conciliante envers la Grande-Bretagne et les Sept. En revanche, il faudrait « amadouer » de Gaulle (« coax »), en position de force, par des concessions politiques et stratégiques et le tirer vers une coopération franco-britannique renouvelée. Il s’agissait donc, pour éviter l’exclusion de la Grande-Bretagne du jeu européen, de dissocier l’axe Paris-Bonn.

    106C’est ce qui fut mis en application, lors du voyage de Lloyd à Paris, les 11 et 12 novembre 1959, où le Britannique multiplia les témoignages de bonnes intentions vis-à-vis de la France et de l’Europe201, et lors de la visite d’Adenauer à Londres, du 17 au 19 novembre, dont le chancelier revint furieux, se plaignant d’avoir été soumis aux « foudres politiques » de Macmillan202. À l’inverse de ce qui avait été fait à Paris où les divergences économiques avaient été passées sous silence, la question de l’accord des Six et des Sept pour former une grande ZLE fut abordée frontalement avec Adenauer. Bonn fut soumis à un quasi-ultimatum : Macmillan aurait ainsi indiqué que passé un délai de deux ans, en l’absence d’un règlement satisfaisant des questions économiques européennes, Londres en tirerait toutes les conséquences, évoquant à nouveau un possible retrait des troupes britanniques sur le continent (la BAOR) !

    107À travers cette première tentative d’ajustement européen, Macmillan visait aussi à maximiser son influence au plan intérieur, en rassemblant son gouvernement et ses administrations autour d’une certaine ligne de conduite. L’effort culmina lors d’une réunion aux Chequers, le 29 novembre (après la reprise des contacts avec la France et la RFA), où furent conviés deux de ses principaux ministres, le secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Lloyd et le chancelier de l’Échiquier, Heathcoat Amory, et trois hauts fonctionnaires influents de Whitehall : Norman Brook, Cabinet Secretary, Roger Makins, du Trésor et président de l’EQ Committee (Comité directeur sur la question européenne) et Frederick Hoyer-Millar, du Foreign Office, auxquels s’ajoutaient deux membres de son cabinet personnel, Tim Bligh et Philip de Zulueta.

    108La préparation de la réunion et le débat du 29 novembre traduisent la confusion qui régnait alors dans les esprits concernant l’Europe. Le Foreign Office avait d’emblée rejeté l’idée d’un marchandage bilatéral avec la France, fondé sur un échange entre concessions européennes de la France et contreparties politico-stratégiques de la Grande-Bretagne, et avait proposé une voie essentiellement économique pour régler le problème européen203. Que l’on aille vers une négociation entre la CEE et l’AELE ou une relation formalisée entre les Six et le Royaume-Uni – l’adhésion pleine et entière à la CEE restait alors a priori exclue –, il fallait se préparer dans tous les cas à devoir faire d’importantes concessions économiques aux Six, et en particulier à la France204. À l’inverse, Frederick Bishop, proche collaborateur de Macmillan205, avait conseillé une approche conservatrice au plan économique (consolidation des Sept et accord CEE-AELE), mais révolutionnaire au plan politico-stratégique206 : prenant acte de la tendance des Américains à se retirer d’Europe militairement, il proposait une restructuration complète de la politique de défense britannique autour du théâtre européen, au détriment de l’outre-mer laissé aux États-Unis. Bishop admettait l’idée gaulliste d’une Europe stratégiquement plus autonome vis-à-vis de l’Amérique, et prônait par conséquent une réorientation européenne empruntant la voie politico-stratégique et franco-britannique. Il présentait à cet égard le partage des moyens de la dissuasion nucléaire avec la France comme le geste qui aurait sans doute le plus grand impact au plan européen.

    109Le 29 novembre, Macmillan sembla pencher en faveur de cette seconde solution207. Il évoqua superficiellement l’aspect économique de la question européenne, notant qu’une architecture politico-économique à trois étages (GATT, Six plus Sept, CEE) demeurait l’objectif visé, sans préciser les moyens d’y parvenir. Puis il en vint à son idée d’un changement radical de posture stratégique au plan euro-atlantique, comprenant :

    • une réduction drastique du dispositif militaire intégré de l’OTAN et la fin de l’UEO ;

    • un accord stratégique avec la France comprenant une aide nucléaire ;

    • l’acceptation du plan de De Gaulle consistant à établir à la tête du monde libre un triumvirat franco-anglo-américain (sans porter préjudice à la proximité anglo-américaine) ;

    • en retour, de Gaulle devrait faire des concessions au plan européen et accepter une coopération satisfaisante entre les Six et les Sept.

    110Le plan de Macmillan se heurta à une levée de boucliers unanime. Lloyd et Heathcoat Amory résumèrent la tonalité très atlantiste des échanges en concluant que les « rapports avec les États-Unis étaient plus importants que toute autre relation ». Le débat du 29 novembre s’acheva donc dans l’indécision208. L’évolution espérée de la politique étrangère britannique envers l’Europe, qu’elle fût politique, économique ou les deux, n’eut pas lieu, la voie économique n’étant pas sérieusement considérée par le Premier ministre, tandis que la voie politique franco-britannique effrayait Whitehall, de par l’ampleur de la restructuration du système euro-atlantique qu’elle supposait.

    111Sans surprise, dans les mois qui suivirent, la diplomatie européenne du gouvernement britannique fut erratique et prise à contre-pied, dans un contexte où s’affirmaient la cohésion et la légitimité internationale de la CEE. À défaut d’alternative, les diplomates britanniques continuaient en effet de travailler à ouvrir une négociation à Six plus Sept, que les circonstances rendaient pourtant toujours plus éloignée. Quant à Macmillan, alarmé par l’accélération de la mise en œuvre du traité de Rome, il s’engagea au printemps 1960 dans une nouvelle bataille d’arrière-garde, tentant en vain de dissuader de Gaulle et retombant à Washington dans des accès d’agressivité anti-CEE parfaitement contre-productifs.

    112Pourtant, le débat évoluait au sein de Whitehall, où avait émergé un groupe de hauts fonctionnaires – parmi lesquels Frank Lee au Trésor, Frederick Bishop ou encore le diplomate Paul Gore-Booth – persuadés qu’un changement complet de stratégie vis-à-vis des Six était devenu inévitable. À l’issue de la réunion des Chequers, une étude des effets du Marché commun sur l’économie britannique fut confiée à Frank Lee, dont la conclusion était très nette209 : ou bien il fallait rejoindre la CEE, ou bien, si cela s’avérait politiquement impossible, il fallait parvenir à une « quasi-identification » avec le Marché commun grâce à un arrangement entre les Six et les Sept, dans lequel ces derniers accepteraient les caractéristiques économiques essentielles du Marché commun, sans toutefois en faire partie pleinement. Le 27 mai 1960, le rapport Lee fut soumis à l’EQ Committee et pour la première fois, une adhésion au traité de Rome fut discutée comme une possibilité sérieuse. Le rapport Lee n’en fut pas moins sévèrement critiqué par plusieurs ministres influents (Butler, Maudling, ou encore le ministre de l’Agriculture Hare), tandis que l’attitude de Macmillan resta ambiguë. Le 13 juillet, le gouvernement discuta d’un nouveau document émanant du comité Lee, qui « for[ça] les ministres à affronter franchement le coût de l’adhésion » à la CEE210. À nouveau pourtant, le débat fut confus, laissant apparaître un Macmillan hésitant, à la tête d’un gouvernement divisé. L’option d’une adhésion « sur la base de conditions particulières » commençait à séduire une partie du gouvernement, mais une majorité restait fermement opposée à une initiative immédiate envers les Six. Au grand dam des hauts fonctionnaires qui espéraient une décision rapide en faveur d’un rapprochement avec la CEE, les choix difficiles furent remis à plus tard et Maudling déclara publiquement que la politique britannique vis-à-vis de l’Europe n’avait pas changé.

    113En fait, tout au long de cette seconde tentative d’aggiornamento européen, Macmillan avait continué de nourrir l’espoir d’une solution « politique », fondée sur un grand marchandage avec de Gaulle. Lors des relances du tripartisme de décembre 1959 et mai 1960 initiées par Eisenhower, il avait cru pouvoir regagner de la marge de manœuvre en établissant explicitement un lien entre tripartisme et problème des Six et des Sept211. Or, celui-ci n’avait aucune pertinence, car fondamentalement, tant pour Eisenhower que pour de Gaulle, le tripartisme constituait un moyen de discuter des rapports stratégiques entre Américains et Européens, non une monnaie d’échange pour les questions économiques intra-européennes. Le linkage euro-tripartite servait visiblement ici d’échappatoire à Macmillan pour éviter de se confronter aux pénibles implications sur le plan de la politique intérieure et de l’économie d’un rapprochement avec la CEE.

    114À l’automne 1960, malgré un remaniement ministériel important effectué le 27 juillet 1960 et interprété à l’époque comme annonciateur d’un tournant en faveur de la CEE212, le Premier ministre n’avait pas encore accompli la tâche qu’il s’était fixée dès les lendemains de son triomphe électoral d’octobre 1959 : résoudre le problème des rapports entre la Grande-Bretagne et la CEE. S’imposait à lui de plus en plus clairement le constat des insuffisances de la ligne adoptée après décembre 1958 – rouvrir la négociation sur la grande ZLE sous la forme d’un accord entre les Six et les Sept – qui rencontrait l’opposition conjuguée des Américains et des Français213. Mais même s’il réfléchissait aux méthodes envisageables pour se rapprocher des Six et qu’il prenait les mesures nécessaires pour qu’une telle réflexion progressât à Whitehall (nomination de Frank Lee à la tête de l’EQ Committee en janvier 1960 ; remaniement ministériel du 27 juillet), il reculait encore devant les difficultés de politique intérieure, les obstacles bureaucratiques, les concessions économiques qu’un tel choix impliquait. Facteur aggravant de ces atermoiements, Macmillan ne se départit jamais vraiment de l’idée d’un deus ex machina « politique » permettant de contourner la difficulté économique : ne pourrait-on pas, par la voie de la grande diplomatie et de la summitry avec de Gaulle et Eisenhower, ou par les pressions exercées à l’encontre des Allemands, écarter la difficulté posée par les Six et parvenir à une solution plus conforme aux intérêts de la Grande-Bretagne, c’est-à-dire sans concessions majeures à propos du Commonwealth ou de l’agriculture britannique ? Macmillan n’acceptait pas les termes du jeu européen pour ce qu’ils étaient. Il fut constamment tenté d’élargir la problématique économique européenne vers le politico-stratégique et le mondial, où le jeu européen se retrouvait inclus dans un système plus vaste, impliquant notamment les Américains. Élément structurant du mode de pensée de Macmillan, ce tropisme contribue à expliquer pourquoi il eut toujours tendance à surestimer sa position dans le jeu intra-européen, et pourquoi la réorientation vers l’idée d’une appartenance en bonne et due forme à la CEE se fit toujours de manière réactive, sous la pression d’événements extérieurs. Les deux moments clefs où Macmillan chercha à faire évoluer la politique européenne de son gouvernement, octobre-novembre 1959, puis été 1960, intervinrent en réaction à des déconvenues subies au niveau des rapports Est-Ouest, dans la stratégie spécifique que Macmillan déployait pour résoudre la crise de Berlin et enclencher une détente entre Khrouchtchev et Eisenhower. Par deux fois, Macmillan fut frappé du peu d’influence qu’il réussit à exercer sur ce dernier. Élaborer une nouvelle approche de l’Europe revenait donc dans ce cadre à compenser la baisse de régime de l’alliance anglo-américaine. Toujours est-il que ces raisonnements « politiques » mirent le gouvernement britannique à la traîne des évolutions de l’architecture politico-économique de l’espace euro-atlantique, qui s’accélérèrent en 1960.

    La deuxième mort de la Grande Europe

    115À l’automne 1959, alors que le traité de Stockholm instituant l’AELE était signé après une courte négociation et que la Grande-Bretagne déclarait vouloir construire « un pont » entre les Six et les Sept, la France prenait des initiatives pour consolider la cohésion des Six et ôter tout intérêt à l’option de la Grande Europe. Dès septembre, Wormser proposait aux Allemands un paquet de mesures de libéralisation de la politique commerciale des Six vis-à-vis de l’ensemble des pays tiers, sans distinction entre les États européens non-membres de la CEE et le reste du monde214 ; à la mi-novembre, il proposait aux Six une « accélération » de la mise en œuvre du traité de Rome, comprenant une nouvelle étape du désarmement douanier entre les Six, ainsi que le début de la mise en œuvre du tarif extérieur commun215 ; enfin, en réponse aux manœuvres britanniques pour rouvrir une négociation sur la Grande Europe par le biais de l’AELE, les Français adoptèrent une tactique dilatoire, s’abritant derrière la méfiance américaine envers le projet d’une zone préférentielle à l’échelle de la Grande Europe216.

    116Les deux décisions majeures de l’année 1960, la transformation de l’OECE en un ensemble ouvert aux principales économies du monde libre, l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques)217, et « l’accélération », entérinèrent le triomphe d’une architecture économique du monde euro-atlantique à deux étages, GATT et CEE, et marquèrent une deuxième mort pour l’échelon intermédiaire, celui de la Grande Europe, que continuait de défendre la Grande-Bretagne. Cette évolution fut le fruit d’une convergence franco-américaine puissante, qui l’emporta sur les objections britanniques et les hésitations qui subsistaient parmi les Cinq.

    117La réforme de l’OECE fut avant tout le résultat d’une intervention vigoureuse des États-Unis, en proie à la dégradation de leur balance des paiements, dans le jeu des négociations commerciales intra-européennes, bloquées depuis décembre 1958 par l’antagonisme franco-britannique. Le second facteur fut que la France, avec l’appui d’Adenauer en RFA218, se prêta à cette intervention qui permettait de consolider la légitimité internationale de la CEE219. C’est lors de la tournée en Europe du sous-secrétaire d’État américain Dillon que tout se décida. Il rencontra d’abord les Britanniques, avec qui les discussions furent pour le moins rugueuses220. L’Américain réfuta point par point les inquiétudes des Britanniques vis-à-vis de la CEE. Face à Macmillan, le 9 décembre, il se déclara hostile à un arrangement commercial entre les Six et les Sept, et affirma, tranchant, « que les Sept n’avaient aucune importance politique mais étaient une organisation purement économique ». Dillon n’avait toutefois pas dévoilé son objectif ultime, qu’il exposa bien plus clairement à Couve de Murville221 : pour éviter un arrangement préférentiel ad hoc entre les Six et les Sept qui s’écarterait des règles fixées par le GATT, il voulait établir un comité restreint, en dehors de l’OECE, pour réformer celle-ci de fond en comble et en « extirper les tendances hostiles aux Six ». Couve de Murville n’eut qu’à enfoncer le clou : il ne croyait pas au renoncement sincère des Britanniques à leurs objections politiques à l’encontre des Six ; c’est pourquoi il convenait de réformer l’OECE le plus rapidement possible pour ne pas « laisser les problèmes entre les Six et les Sept se cristalliser et devenir aigus ». Et Dillon de conclure, lapidaire : « L’OECE est morte. »

    118Le fait que la convergence franco-américaine contre les thèses britanniques ait été si immédiate et profonde fut dissimulé aux Britanniques222. Certes, ces derniers comprirent que la transformation de l’OECE allait entraîner une diminution de leur influence en Europe223, mais ils ne perçurent pas à quel point « l’initiative américaine aboutir[ait] à ce que l’affaire de la grande ZLE se perde dans les sables », comme l’écrivit Couve de Murville224. Londres accepta la réforme et ne s’opposa guère à l’action américaine menée tambour battant. À la mi-janvier fut institué un comité des Quatre, réunissant l’Américain Randolph Burgess, le Britannique Paul Gore-Booth, représentant informel de l’AELE, le Français Bernard Clappier, représentant informel des Six, et enfin le Grec Xénophon Zolotas, pour les quelques pays de l’OECE qui n’étaient ni membres de la CEE ni de l’AELE. Les Quatre mirent au point les contours de la nouvelle organisation, qui devait naître officiellement en décembre 1960, l’OCDE225. Il est notable que ce comité des Quatre, si l’on met à part le représentant grec, constitua une forme de tripartisme franco-anglo-américain provisoire, cette fois-ci chargé du problème de l’architecture commerciale du monde euro-atlantique. Contrairement à l’espoir de Macmillan, cette expérience de tripartisme politico-économique fut loin de se solder en faveur des thèses britanniques, puisque l’OCDE émergea bel et bien comme un moyen d’éviter l’instauration d’un échelon de préférences tarifaires ouest-européen ; la convergence franco-américaine, élément catalyseur de la réforme de l’OECE, mit définitivement en échec l’idée de la grande ZLE et entérina la structure tarifaire euro-atlantique à deux étages226.

    119Grâce à une conjoncture diplomatique et économique favorable, la diplomatie française put appuyer de toute son énergie la mise en œuvre accélérée du traité de Rome. Au sein du plan proposé par la Commission le 1er mars 1960227, largement inspiré des idées françaises, le point sensible sur lequel la controverse allait se développer, à la fois parmi les Six, avec les Sept et surtout avec le Royaume-Uni, était la mise en place du tarif extérieur commun (TEC), qui « constituait la véritable entrée en vigueur du traité de Rome228 ». En effet, les pays à bas tarifs (le Benelux et la RFA) allaient devoir relever leurs tarifs vis-à-vis des pays tiers, afin que pût s’opérer la convergence avec les pays de la CEE initialement protectionnistes (France et Italie). Ce relèvement affecterait inévitablement les exportations britanniques vers les quatre pays concernés. Le TEC devint donc un symbole politique et fut au cœur de la contre-offensive diplomatique engagée par les Britanniques en mars 1960. D’après Wormser, tant que les Six ne démontreraient pas leur détermination à rapprocher leurs tarifs nationaux, les tentatives de désintégration subsisteraient.

    120Confronté à la perspective de « l’accélération », Macmillan se fia de nouveau à sa diplomatie personnelle pour inverser le cours des événements. Le 13 mars 1960 à Rambouillet, il tenta par la douceur d’infléchir de Gaulle : tout en prétendant ne pas prendre l’affaire au tragique, il demandait que l’on n’allât pas trop vite229. De Gaulle se contenta d’une réponse vague. Deux jours après, un communiqué était publié à l’issue de la visite aux États-Unis d’Adenauer dans lequel les Américains marquaient nettement leur soutien à « l’accélération ». Dès lors, Macmillan paniqua : il alla à son tour à Washington et retomba, dès sa première entrevue avec Herter et Dillon le 28 mars, dans ses pires excès anti-européens230. Il chercha à dissuader les Américains de soutenir la CEE qui pouvait devenir une menace politique pour l’Ouest dans son ensemble. À l’appui de son propos, il multiplia les analogies historiques : l’Europe allait à nouveau être dominée par l’Allemagne, où l’on pouvait craindre une résurrection du nazisme ; l’opposition des Six et des Sept était semblable à la situation connue lors des deux guerres mondiales ou même à l’époque des guerres napoléoniennes, où la Grande-Bretagne avait dû s’allier à la Russie pour briser les ambitions françaises ! Ces propos furent mal reçus : les Américains ne changèrent pas d’avis et pire, il semblerait que Dillon organisa quelques jours plus tard la fuite des propos de Macmillan dans la presse, ce qui eut un effet désastreux en Europe231.

    121Le 13 mai 1960, les Six prenaient définitivement la décision de mettre en œuvre « l’accélération232 ». Deux mois auparavant, les Sept n’avaient pas réussi à se mettre d’accord sur des mesures de libéralisation équivalentes à celles que prévoyaient d’adopter les Six vis-à-vis des pays tiers. Finalement, l’AELE et le Royaume-Uni se retrouvaient sur la défensive en matière de libéralisation et l’ambassadeur Chauvel notait que « le tarif extérieur britannique [était] en passe de devenir le plus élevé de ceux des pays développés233 ».

    122L’année qui s’écoula de l’été 1959 à l’été 1960 fait donc bel et bien figure d’annus horribilis en ce qui concerne la politique européenne de la Grande-Bretagne : coup sur coup, la transformation de l’OECE, l’échec à rouvrir les négociations pour une grande ZLE et le « choc de l’accélération234 » marquèrent une deuxième mort de la Grande Europe et la victoire des conceptions françaises. Le rapport des forces semblait s’être inversé entre les deux pays dans le jeu européen. Ce fut aussi une annus horribilis du point de vue du dialogue franco-britannique sur l’Europe. Les manœuvres et coups tordus se multiplièrent sur ce terrain et la méfiance s’insinua en profondeur dans les rapports entre Londres et Paris. Quant aux rapports personnels entre Macmillan et de Gaulle, ils étaient à la fin de cette période fortement dégradés. Si de Gaulle minimisa constamment les difficultés économiques et commerciales dont se plaignait Macmillan, ce dernier et son ministre Lloyd par deux fois purent être observés par de Gaulle en flagrant délit de double langage vis-à-vis de la CEE, se montrant sereins en présence des Français, mais cherchant à faire pression sur Adenauer pour qu’il favorise un dialogue entre les Six et les Sept en novembre 1959, puis manifestant de vigoureux sentiments antifrançais et antiallemands lors du désastreux épisode de la fuite de Washington en mars 1960. Par deux fois, l’implication du Premier ministre dans des manœuvres visant à contourner et isoler la France était clairement apparue ; par deux fois, éclatait l’insincérité du discours favorable à l’Europe que les Britanniques s’efforçaient de tenir en présence de De Gaulle.

    123Mentionnons pour finir l’analyse quelque peu hétérodoxe d’un diplomate français, François Valéry235, qui eut l’audace de critiquer avec vigueur son propre gouvernement, en mettant en évidence une contradiction de la politique étrangère de la France concernant les rapports entre la Grande-Bretagne et la CEE. Il posait la question suivante :

    « Comment ne voit-on pas qu’en tout état de cause, les Britanniques ne peuvent pas accepter que le Marché commun se constitue entièrement en dehors d’eux ? Imagine-t-on la France se résignant à une union économique entre l’Allemagne, la Grande-Bretagne et les pays scandinaves ? Même si une part réduite du commerce britannique se fait avec le continent, l’enjeu politique est beaucoup trop grave pour que l’Angleterre puisse se résigner. »

    124Ainsi, selon Valéry, la politique française ne faisait pas de place à un règlement de la question britannique pourtant absolument nécessaire. Cela aboutissait à l’aporie suivante : si la CEE réussissait comme cela paraissait désormais plausible, que l’AELE en venait à se désintégrer et qu’un à un, ses États-membres étaient conduits à s’agréger aux Six, alors les Britanniques seraient forcés de négocier avec la CEE. Le rapprochement entre Britanniques et CEE qui s’ensuivrait ne mènerait-il pas alors à la dilution des virtualités politiques de la CEE ? D’après Valéry, une solution du type de la grande association européenne était préférable afin justement de préserver la finalité politique du Marché commun. Il critiquait donc l’intervention américaine pour rayer de la carte le régionalisme économique européen et la complicité de la France dans cette intervention. Cette hypothèse d’un point aveugle de la politique gaullienne sera un élément sur lequel nous serons amenés à revenir.

    Conclusion

    125Le bilan de la période 1959-1960 est sévère pour Macmillan par comparaison avec les succès de la diplomatie gaullienne ou même avec ceux qu’il avait lui-même remportés durant les dix-huit premiers mois de son gouvernement, en 1957-1958. Au plan des rapports entre la France et la Grande-Bretagne, il s’avère même désastreux. Un différend tactique opposa constamment Paris et Londres à propos de la seconde crise de Berlin, reflet d’une divergence fondamentale d’appréciation quant à la question allemande et au rapport à entretenir avec la guerre froide. Les relances successives du tripartisme donnèrent à Macmillan l’illusion qu’il pourrait se faufiler entre les gouttes, en conciliant sa proximité spécifique avec Eisenhower et une coopération renouvelée avec de Gaulle. En fait, la dissociation des trajectoires nucléaires des deux pays n’avait fait que s’approfondir, le dialogue stratégique franco-britannique s’évider et à l’inverse de ce qu’il eût fallu pour nouer une relation positive avec la France, le Foreign Office ne fut pas pour rien dans l’échec final du tripartisme en 1960. Aussi l’engagement personnel croissant de Macmillan pour se concilier les bonnes grâces de De Gaulle ne fut-il jamais en mesure d’inverser la dynamique de détérioration du rapport bilatéral. Enfin, le différend entre Londres et Paris sur l’Europe se cristallisa en un conflit politique et les victoires remportées par les thèses françaises traduisirent une inversion brutale du rapport des forces entre les deux États sur la scène européenne dès la fin de la décennie 1950.

    126On ne peut qu’être frappé par l’inefficacité du dialogue personnel entre de Gaulle et Macmillan : les sommets franco-britanniques échouèrent à dissiper les malentendus et à produire des compromis durables permettant une coopération aux échelons subalternes. À l’évidence, le goût prononcé des deux dirigeants pour ce qu’on appelait à Londres la summitry et les vastes tours d’horizon géopolitiques contribua à l’inconsistance du rapport bilatéral. C’est ce qu’en dit l’ambassadeur Jean Chauvel, avec l’ironie qui le caractérise : « À de très rares exceptions près, l’air des sommets devait, me sembla-t-il, demeurer raréfié, portant peu de substance. Cela s’entend, évidemment, des échanges avec les Anglais236. »

    127Un autre facteur permet d’expliquer l’échec du dialogue franco-britannique durant la période 1958-1960 : les ambassadeurs en poste à Londres et à Paris étaient tous deux assez éloignés de leur autorité politique, à la différence de Harold Caccia, en poste à Washington, que Macmillan connaissait bien depuis la Seconde Guerre mondiale, ou du côté français, de François Seydoux (à Bonn), Olivier Wormser (à la DAEF), ou encore Hervé Alphand (à Washington), qui eurent tous trois une relation de proximité avec le Général. Chauvel se plaint de n’avoir pu exercer pleinement son métier d’ambassadeur durant les années 1958-1961 du fait de la tendance de l’Élysée à le court-circuiter et de la montée en puissance de la diplomatie multilatérale : « Ces trois années furent les moins intéressantes de ma carrière », explique-t-il, désabusé237. Quant à Gladwyn Jebb, malgré son soutien précoce tant au tripartisme qu’à la CEE, et la lucidité de certaines de ses analyses sur la politique gaullienne, il fut au total peu écouté de Macmillan et considéré avec méfiance par le cercle dirigeant du Foreign Office.

    128Le contraste des styles diplomatiques entre les deux dirigeants, Macmillan et de Gaulle, joua enfin un rôle : alors que l’un était en quête du stratagème qui lui permettrait de concilier les contraires, s’ingéniait à brouiller les pistes par une ambiguïté savamment entretenue, et privilégiait la prudence et le fameux « pragmatisme » anglais en contournant les grands choix définitifs, l’autre affichait la couleur d’emblée avec une audace provocatrice (on pense ici au mémorandum), poursuivait ensuite avec l’obstination du logicien une entreprise de clarification des intentions stratégiques de ses partenaires américain et britannique ; son intransigeance s’accroissait à mesure de l’ambiguïté des réponses qu’on lui opposait, sa ligne se durcissait face aux hésitations. À l’évidence, au-delà de la divergence des visions portées par Londres et par Paris que nous avons mise en évidence, l’équation interpersonnelle du duo Macmillan-de Gaulle ne facilita guère la conciliation. À l’été 1960, un fossé s’était creusé entre les deux rives de la Manche. Confrontés à la réalité de la mésentente franco-britannique, Macmillan et de Gaulle eurent là encore des réactions fort différentes. Si Paris en prit « aussitôt son parti » d’après Chauvel238, ce ne fut pas le cas de Londres. Nous allons voir maintenant que les réajustements européens respectifs des diplomaties française et britannique à partir de l’été 1960 portaient la trace de cette dissymétrie fondamentale.

    Notes de bas de page

    1 Lors de la première crise de Berlin (juin 1948-mai 1949), l’URSS de Staline bloqua les accès terrestres aux secteurs de Berlin occupés par les armées américaine, britannique et française. Britanniques et Américains organisèrent un pont aérien qui permit de ravitailler Berlin-Ouest jusqu’à ce que le blocus soviétique fût levé.

    2 Soutou Georges-Henri, La guerre de cinquante ans : le conflit Est-Ouest 1943-1990, Paris, Fayard, 2001, p. 367-380 ; Wettig Gerhard, Chruschtschows Berlin-Krise 1958 bis 1963: Drohpolitik und Mauerbau, Munich, R. Oldenbourg, 2006 ; Zubok Vladislav, « Khrushchev and the Berlin Crisis (1958-1962) », Cold War International History Project, Working Paper no. 6, Washington, 1993.

    3 Sur les interactions entre RDA et URSS, Harrison Hope, Driving the Soviets up the Wall: Soviet-East German Relations, 1953-1961, Princeton, Princeton University Press, 2003 ; sur les interactions entre alliés occidentaux, Trachtenberg Marc, A Constructed Peace: The Making of the European Settlement, 1945-1963, Princeton, Princeton University Press, 1999, p. 251-282 et Gearson John et Schake Kori (dir.), The Berlin Wall Crisis: Perspectives on Cold War Alliances, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2002.

    4 À l’exception de l’article que nous avons publié, Gloriant Frédéric, « To Adapt to the Cold War Bipolar Order? Or to Challenge It? Macmillan and de Gaulle’s Rift in the Face of the Second Berlin Crisis », Cold War History, 18/4, 2018, p. 465-483, les politiques respectives des deux pays vis-à-vis de la crise de Berlin n’ont été étudiées que séparément. Sur la politique de Macmillan, il existe deux importantes monographies, d’ailleurs divergentes dans le jugement final qu’elles portent sur cette dernière : Gearson John, Harold Macmillan and the Berlin Wall Crisis, 1958-1962: The Limits of Interests and Force, Basingstoke, Macmillan, 1998 ; Newman Kitty, Macmillan, Khrushchev and the Berlin Crisis, 1958-1960, Londres, Routledge, 2007. Quant à la politique de De Gaulle, elle n’a encore fait l’objet d’aucune monographie : lire Buffet Cyril, « De Gaulle, the Bomb and Berlin: How to Use a Political Weapon », in John Gearson et Kori Schake (dir.), The Berlin Wall Crisis, op. cit., p. 73-95 ; Soutou Georges-Henri, « Paris als Nutznießer des erfolglosen Wiener Gipfels », in Stefan Karner (dir.), Der Wiener Gipfel 1961: Kennedy – Chruschtschow, Innsbruck, Studien-Verlag, 2011, p. 185-203 ; Vaïsse Maurice, La Grandeur : politique étrangère du général de Gaulle, 1958-1969, Paris, Fayard, 1998, p. 267-283.

    5 Entre autres exemples, Newman Kitty, op. cit. ou Trachtenberg Marc, op. cit.

    6 UKNA, PREM 11/2715, Lloyd à Caccia (Washington), 15 novembre 1958.

    7 FRUS, 1958-60, vol. VIII, no 49, p. 86-88, télégramme de Londres au département d’État, 19 novembre 1958 (conversations entre Lloyd et l’ambassadeur américain John Whitney).

    8 Si l’on en croit le diplomate britannique Bernard Ledwidge : voir Gearson John, « British Policy and the Berlin Wall Crisis 1958-1961 – Witness Seminar », Contemporary Record, 6, 1992, p. 107-177 (p. 129-130).

    9 Thorpe D. R., Supermac: The Life of Harold Macmillan, Londres, Chatto & Windus, 2010, p. 46-59. Blessé à cinq reprises, il participa aux batailles de Loos et de la Somme.

    10 Gearson John, Harold Macmillan and the Berlin Wall Crisis, op. cit., p. 2-5, 22-26, 136-137.

    11 DDF, 1958-II, no 370, entretiens franco-allemands de Bad-Kreuznach, 26 novembre.

    12 DDF, 1958-II, no 378, Seydoux (Bonn) à Joxe, 28 novembre (compte rendu de la réunion de Bad-Kreuznach).

    13 Gearson John, Harold Macmillan and the Berlin Wall Crisis, op. cit., p. 95-96 et 113.

    14 Voir Reynolds David, Summits: Six Meetings that shaped the Twentieth Century, Londres, Allen Lane, 2007 (en particulier p. 167-169). Le néologisme fut forgé par Churchill en 1950. Ce fut lui ainsi que ses successeurs qui cherchèrent avec le plus d’insistance à engager de cette manière la discussion avec l’URSS durant la décennie 1950.

    15 DDF, 1959-II, no 199, Chauvel à Couve de Murville, 22 octobre (entretien avec Lloyd).

    16 Gearson John, Harold Macmillan and the Berlin Wall Crisis, op. cit., p. 75-77 ; Horne Alistair, Macmillan: The Official Biography, vol. II, Londres, Macmillan, 1988, p. 231.

    17 UKNA, PREM 11/2987, note de Philip de Zulueta pour les discussions de Paris avec Eisenhower et de Gaulle, 14 décembre 1959.

    18 UKNA, PREM 11/2690, Young (chargé d’affaires à Paris) au FO, no 73, 27 février 1959 (message où de Gaulle fait part à Macmillan de son scepticisme quant aux résultats à attendre de sa visite à Moscou) ; FO 371/145617, entrevue avec G. Jebb, 25 avril 1959, §5 ; DDF, 1959-II, no 295, sommet occidental de Paris, 19-21 décembre, partie IX (tête-à-tête de Gaulle/Macmillan) ; DDF, 1960-I, no 35, 25-26 janvier, consultation des Six à Rome.

    19 AMAE, Pactes 1950-1960, carton 35, entretien entre de Gaulle et Dulles, à Matignon, 15 décembre 1958. Voir aussi la remarque d’Alphand, citant Berlin comme exemple de crise qu’il faudrait traiter selon une méthode tripartite, UKNA, PREM 11/3002, Hood (Washington) au FO, 4 décembre 1958, no 3302-3303 (première réunion exploratoire franco-anglo-américaine).

    20 Les deux réunions successives du 14 décembre 1958, d’abord à Trois, puis à Quatre, en sont un premier exemple, voir DDF, 1958-II, no 414-415.

    21 DG-LNC, p. 133-135, lettre à Eisenhower, 11 mars 1959 : « C’est vous, Américains, qui détenez actuellement les moyens les plus puissants – et de beaucoup ! – de la force occidentale. » On retrouve cette évaluation lucide des moyens limités de la France, puissance moyenne anciennement grande, face à Adenauer à Colombey, ou encore devant Khrouchtchev (DDF, 1960-I, no 146, partie I, entretien de Gaulle/Khrouchtchev, 23 mars).

    22 HMD, vol. II, p. 204, entrée du 9 mars 1959.

    23 Gearson John, Harold Macmillan and the Berlin Wall Crisis, op. cit., p. 48-54.

    24 AN, 5 AG 1, carton 684, note (non signée) de la Présidence pour le MAE, Paris, 16 mars 1959 (compte rendu d’une conversation houleuse entre Macmillan et un membre du cabinet de la Présidence).

    25 Sur Live Oak, lire Pedlow Gregory W., « Three Hats for Berlin: General Lauris Norstad and the Second Berlin Crisis, 1958-62 », in John Gearson et Kori Schake (dir.), The Berlin Wall Crisis: Perspectives on Cold War Alliances, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2002, p. 175-198.

    26 Gearson John, Harold Macmillan and the Berlin Wall Crisis, op. cit., p. 185-190.

    27 AMAE, SG, dossier Berlin, carton 83, note du service d’Europe centrale, « action sur l’autoroute de Berlin. Planification de l’emploi d’une division », de Carbonnel à Michel Debré, 15 juin 1961 ; général Olié (chef d’État-Major général de la défense nationale) à Debré, 16 juin 1961.

    28 AMAE, SG, dossier Berlin, carton 83, de Leusse (OTAN-Paris) à Lucet, 15 septembre 1961 (à propos des instructions au SACEUR Norstad).

    29 DG-LNC, p. 133-135, lettre à Eisenhower, 11 mars 1959.

    30 HMD, vol. II, p. 204-205, entrée du 10 mars 1959. Voir les tentatives répétées de Macmillan de sonder les intentions véritables de la France quant à la réunification allemande, au-delà de la position de principe formulée en présence d’Adenauer, UKNA, PREM 11/2991, discussion tripartite Eisenhower/Macmillan/de Gaulle (assisté de Debré), Rambouillet, 20 décembre 1959, et conversation à l’Élysée, Macmillan/de Gaulle, 21 décembre 1959.

    31 Rapallo est la ville où fut signé en avril 1922 un traité entre l’URSS et l’Allemagne de Weimar qui permit aux deux États de rompre leur isolement diplomatique. Sur le mythe de Rapallo et de la Schaukelpolitik allemande, lire Buffet Cyril, « Rapallo: Sirens and Phantoms », in Cyril Buffet et Beatrice Heuser (dir.), Haunted by History: Myths in International Relations, Providence, Berghahn Books, 1998, p. 235-258.

    32 Par exemple, UKNA, PREM 11/2532, Macmillan à Lloyd, 28 novembre 1958. On pourrait traduire par « alliance impie » cette expression qui est une référence antithétique à la Sainte-Alliance.

    33 UKNA, PREM 11/3002, exposé de Macmillan face à une délégation de l’organisation pro-européenne et fédéraliste Economic League for European Cooperation, 10 juin 1959.

    34 Frederick R. Hoyer-Millar, sous-secrétaire d’État permanent au FO, avait exactement la même analyse (UKNA, FO 371/145617, Hoyer-Millar à Lloyd, 25 mai 1959). Par contraste, l’ambassadeur Jebb tenta de faire comprendre que la « rigidité » française à propos de Berlin tenait à autre chose qu’à la « curieuse histoire d’amour entre le chancelier Adenauer et le général de Gaulle » (FO 371/145617, Jebb à Lloyd, 9 avril 1959).

    35 Bernard Ledwidge, diplomate britannique en poste à Berlin comme conseiller politique au moment de la crise, devenu ensuite historien, reprend à son compte cette interprétation dans Gearson John, « Witness Seminar », art. cité. Voir également Ellison James, Threatening Europe: Britain and the Creation of the European Community, 1955-58, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2000, p. 212-214 ; Newman Kitty, Macmillan, Khrushchev and the Berlin Crisis, op. cit., p. 43. Lire enfin Conze Eckart, Die gaullistische Herausforderung: Die deutsch-französischen Beziehungen in der amerikanischen Europapolitik 1958-1963, Munich, Oldenbourg, 1995, p. 79-87, qui reprend sans apporter de preuve la thèse du « quid pro quo » entre Berlin et ZLE dans le titre d’un sous-chapitre, tout en livrant ensuite une analyse de la politique française concernant Berlin plus nuancée que ne le laissait supposer ce titre. On peut trouver une analyse plus exacte de la rencontre de Bad-Kreuznach dans Giauque Jeffrey, Grand Designs, op. cit., p. 63-64 et 86-88.

    36 Le lien entre Berlin et ZLE n’apparaît explicitement nulle part dans les comptes rendus français (DDF, 1958-II, no 370 et 378), ni dans les archives allemandes que nous avons pu consulter (PA AA, B130, Bd. 8411A, Blankenhorn à l’Auswärtiges Amt, no 980, 12 novembre 1958 ; no 999 et 1002, 17 novembre ; no 1031, 24 novembre [respectivement entretiens avec Joxe, Couve de Murville et de Gaulle, pour préparer la réunion de Bad-Kreuznach]) ; en outre, l’accord de principe sur l’enjeu européen de Bad-Kreuznach s’opéra le matin, avant donc que la discussion n’aborde la question berlinoise dans l’après-midi ; enfin, les paroles du Général engageaient les Allemands à se montrer résolus mais aussi à faire preuve de retenue… il convenait d’attendre la note soviétique, de « voir venir ». Si le principe de la solidarité stratégique entre les deux pays riverains du Rhin était admis, de Gaulle exposa devant Adenauer une vision de l’avenir européen dans lequel il faudrait faire sa place à l’Est : « Il faut un accord, en Europe, groupant des éléments nouveaux (l’Est), qui nous rende indépendants des Américains. » En aucun cas donc, on ne peut voir là-dedans un alignement de la France sur l’attitude de la RFA, comme le soupçonna Macmillan.

    37 Voir la position de Debré, dans DDF, 1959-I, no 131, entretiens franco-allemands, 3-4 mars, partie II.

    38 Ellison James, Threatening Europe, op. cit., p. 213 (note 119).

    39 Contrairement à ce que suggère Ellison, le lien Berlin-ZLE ne fut donc pas passé sous silence par Macmillan devant le chancelier (voir UKNA, PREM 11/2676, réunions germano-britanniques des 12 et 13 mars 1959, doc. no 3 et PREM 11/2714, visite d’Adenauer au Royaume-Uni, 17-19 novembre 1959, doc. no 4 et 5).

    40 Ce raisonnement apparaît en fait sous la plume de Macmillan dès le 28 novembre 1958, le lendemain de l’ultimatum de Khrouchtchev et le surlendemain de la réunion de Bad-Kreuznach (HMD, vol. II, p. 172-173).

    41 DDF, 1958-II, no 370.

    42 AN, 5 AG 1, carton 684, note (non signée) de la Présidence pour le MAE, Paris, 16 mars 1959 (conversation entre Macmillan et un membre du cabinet de la Présidence).

    43 DG-LNC, p. 178-184, lettre à Macmillan, 20 octobre 1959, et lettres à Eisenhower, 20 et 26 octobre 1959.

    44 Tournoux Jean-Raymond, La tragédie du Général, Paris, Plon, 1967, p. 364-365.

    45 AMAE, SG, E&M, carton 6, f. 180-181, Chauvel à Couve de Murville (sur le compte rendu allemand de la rencontre de Bad-Kreuznach), 29 novembre 1958 ; UKNA, FO 371/145617, conversation Jebb/de Gaulle, Paris, 25 avril 1959 ; FO 371/163499, Rumbold à Shuckburgh, à propos d’une conversation entre de Gaulle et Eden, 2 juillet 1962 (« le Général dit que les Russes avaient l’air tranquilles et qu’il était frappé par “l’absence de sens guerrier” »).

    46 AMAE, Pactes 1950-1960, carton 35, entretien de Gaulle/Dulles, 15 décembre 1958.

    47 DDF, 1959-I, no 147, Couve de Murville à Seydoux (Bonn), 11 mars.

    48 DDF, 1959-I, no 120 et 136, 2 et 6 mars, entretiens de De Gaulle avec l’ambassadeur soviétique à Paris Sergueï Vinogradov.

    49 Gloriant Frédéric, art. cité, p. 472, n. 42-43.

    50 HMD, vol. II, p. 189-190, entrée du 4 février 1959 (discussion avec Dulles à Londres) ; FRUS, 1958-60, vol. VII-2, no 361, p. 845-847, conversation Eisenhower/Macmillan à Camp David, 20 mars 1959, 18 h 30-19 h 30.

    51 UKNA, FO 371/145616, « Visit of the Prime Minister and Foreign Secretary to Paris », doc. no 2 (réunion avec Debré et Couve de Murville), 9-10 mars 1959.

    52 Dans la réunion avec Debré à Matignon le 9 mars 1959 (AN, 5 AG 1, carton 684), Macmillan déclara : « Nous devons éviter de bluffer. Khrouchtchev est le seul homme avec lequel on puisse parler valablement. »

    53 Macmillan évoqua de manière répétée la nécessité d’« envoyer les enfants au Canada », dans l’espoir de faire comprendre à ses interlocuteurs (Adenauer ou de Gaulle) les dangers qu’impliquaient les préparatifs de guerre à propos de Berlin. Voir par exemple AN, 5 AG 1, carton 684, note de la Présidence pour le MAE, Paris, 16 mars 1959 (conversation entre Macmillan et un membre du cabinet de la Présidence).

    54 DDF, 1959-I, no 225, entretiens franco-britanniques de Londres des 13-14 avril, partie I.

    55 DDF, 1959-I, no 147, Couve de Murville à Seydoux (Bonn), 11 mars.

    56 DDF, 1959-I, no 174, audience accordée par le général de Gaulle à M. Segni (Premier ministre) et M. Pella (MAE), 20 mars : « [Pour] que l’Allemagne vive et qu’elle ne soit pas livrée au désespoir, […] il ne faut pas qu’elle se sente coupée en deux pour toujours. »

    57 C’est déjà le cas dans les jours qui précèdent l’entrevue de Bad-Kreuznach ; voir PA AA, B130, Bd. 8411A, Blankenhorn (Paris) à l’Auswärtiges Amt, no 1031, 24 novembre 1958 (audience avec de Gaulle).

    58 DDF, 1959-I, no 146, entretiens franco-britanniques de Paris des 9-10 mars, partie II (de Gaulle/Macmillan) ; c’est une idée que les Français répètent constamment, par exemple lors des consultations entre MAE des six pays membres de la CEE, à Rome, voir DDF, 1960-I, no 35, 25-26 janvier.

    59 DDF, 1959-I, no 225, entretiens franco-britanniques de Londres des 13-14 avril, partie I.

    60 Les Français étaient prêts à aller assez loin dans le sens d’une neutralisation politique de Berlin-Ouest, de facto, une fois le cadre de négociation bien délimité, et une fois reconnu le caractère non négociable du statut juridique quadripartite de Berlin (DDF, 1959-I, no 225, partie I ; UKNA, FO 371/145617, Jebb à Lloyd, compte rendu d’une conversation avec Laloy, 9 avril 1959).

    61 UKNA, PREM 11/2876, comptes rendus de la conversation du 4 février 1959, 21 h, Dulles/Macmillan. Cet entretien eut lieu deux jours après que Macmillan avait appris que les Soviétiques acceptaient sa proposition de rendre visite à Khrouchtchev en URSS (HMD, vol. II, p. 188, entrée du 2 février 1959).

    62 Sur le révisionnisme de la politique étrangère de De Gaulle, lire Bozo Frédéric, « France, “Gaullism”, and the Cold War », in Melvyn Leffler et Odd Westad (dir.), The Cambridge History of the Cold War, vol. II, Cambridge, Cambridge University Press, 2010, p. 158-178.

    63 DDF, 1960-I, no 146, entretiens de Gaulle/Khrouchtchev, 23 mars-2 avril, parties II, VI et VII.

    64 Sur les rapports franco-soviétiques, lire Gomart Thomas, Double détente : les relations franco-soviétiques de 1958 à 1964, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003.

    65 Devant Khrouchtchev, de Gaulle exprima on ne peut plus clairement son refus de reconnaître la RDA au même titre que la RFA. Par contraste avec la thèse soviétique des deux Allemagne, de Gaulle décrivit « l’existence de la République de Pankow » comme un « fait artificiel » qui ne résultait « pas de la volonté librement consentie des habitants ». C’est pourquoi il n’était pas question de consacrer ce « fait accompli » par un traité de paix ou d’accepter de considérer la division allemande « comme définitive » (DDF, 1960-I, no 146).

    66 Dès Bad-Kreuznach (DDF, 1958-II, no 370).

    67 UKNA, PREM 11/2687, f. 96 et suivants, note de Norman Brook, « East-West Relations », 20 août 1959.

    68 AN, 5 AG 1, carton 684, note (non signée) de la Présidence pour le MAE, Paris, 16 mars 1959. Voir aussi les propos de Lloyd devant von Brentano, UKNA, PREM 11/2676, réunions germano-britanniques des 12-13 mars 1959, doc. no 4.

    69 UKNA, FO 371/145617, entrevue avec l’ambassadeur Jebb, 25 avril 1959.

    70 Alphand Hervé, L’Étonnement d’être : journal 1939-1973, Paris, Fayard, 1977, p. 332-334, entrée du 21 mai 1960. L’ambassadeur Chauvel avait fait le premier ce rapprochement avec Chamberlain, peu flatteur pour Macmillan qui avait été hostile à l’apaisement à la fin des années 1930, AMAE, Europe – GB, carton 133, f. 147, télégramme de Chauvel à Couve de Murville, 2 avril 1959.

    71 DDF, 1959-I, no 131 et 270 ; DDF, 1959-II, no 262-263 ; DDF, 1960-I, no 221, partie I.

    72 Nous y revenons plus bas.

    73 DDF, 1959-II, no 5, note du directeur des Affaires politiques, Charles Lucet, 3 juillet (discussion entre Lucet, Jean Laloy, chargé des affaires d’Europe, et Malfatti, ministre conseiller à l’ambassade d’Italie à Paris, sur les consultations politiques à Six).

    74 Voir DDF, 1960-I, no 35 et 208, 25-26 janvier et 9 mai, 1re et 2e conférences de consultation politique des MAE des pays de la CEE (respectivement à Rome et à Luxembourg). Cette démarche européenne eut un certain succès, puisque l’on vit le MAE italien Pella souligner les dangers et ambiguïtés de la détente issue du sommet soviéto-américain de Camp David, ou encore le Hollandais Luns, pourtant fervent anglophile, déclarer qu’il fallait « souligner auprès de l’Angleterre le point de vue des alliés européens » et se dire « frappé par l’indifférence de l’opinion publique britannique devant les dangers qui la menacent » (janvier 1960).

    75 UKNA, PREM 11/2684, comptes rendus des rencontres anglo-américaines à Camp David, doc. no 3 et 5 (conversations des 21 et 22 mars 1959) ; sur ces concertations anglo-américaines secrètes, lire les analyses précises de Gearson John, Harold Macmillan and the Berlin Wall Crisis, op. cit., p. 120-121, 126-127.

    76 Ibid., p. 102-109.

    77 Voir la suite de ce chapitre.

    78 DDF, 1959-II, no 295, sommet occidental de Paris, 19-21 décembre, parties I (réunion des Quatre, Macmillan, de Gaulle, Eisenhower et Adenauer) et IV (réunion à Trois, les mêmes sans Adenauer).

    79 DDF, 1959-II, no 295, II, sommet occidental de Paris (entretien Eisenhower/de Gaulle).

    80 DDF, 1959-II, no 295, V, sommet occidental de Paris (entretien Adenauer/de Gaulle).

    81 DDF, 1960-I, no 132, Alphand à Couve de Murville, 25 mars (compte rendu du groupe de travail quadripartite de Washington sur l’Allemagne et Berlin).

    82 DDF, 1960-I, no 20, note du Quai d’Orsay, 16 janvier, « Problème de Berlin » (dernier paragraphe) et no 124, note du directeur politique (Lucet) pour le ministre, 22 mars (bilan des travaux du groupe de travail tripartite de Paris, sur les relations Est-Ouest).

    83 DDF, 1960-I, no 109 (Macmillan, 13 mars) ; 146, II (Khrouchtchev, 24 mars) ; 182, II (Eisenhower, 24 avril) ; 208, I (réunion des Six, 9 mai) ; 219 (Couve de Murville/Herter, 14 mai).

    84 DDF, 1960-I, no 109, entretiens franco-britanniques de Rambouillet (Macmillan/de Gaulle), 13 mars ; no 128, lettre de Chauvel à Couve de Murville, 24 mars.

    85 Sur le contraste entre les attitudes de De Gaulle et Macmillan, voir DDF, 1960-I, no 221, parties IV, V et VII.

    86 UKNA, PREM 11/2992, doc. no 28 dans les comptes rendus du sommet quadripartite de Paris de mai 1960, note de Macmillan sur une conversation avec Eisenhower, 18 mai, 16 h : le président américain a indiqué à quel point il avait été favorablement impressionné par l’attitude de De Gaulle ; voir aussi l’appréciation de Herter, FRUS, 1958-60, vol. IX, no 189, p. 497-498, Herter au département d’État, 18 mai 1960 : « Du fait du rôle joué par de Gaulle ces derniers jours, beaucoup considèrent ici que le prestige international de la France est plus haut qu’il ne l’a été depuis longtemps. »

    87 Nous suivons là-dessus le jugement formulé avec force par Gearson John, Harold Macmillan and the Berlin Wall Crisis, op. cit., p. 122-137.

    88 Trachtenberg Marc, A Constructed Peace, op. cit., p. 267. Voir les deux visites de Dulles en France, au début de la crise, où la convergence franco-américaine est notable : FRUS, 1958-60, vol. VII-2, no 81, p. 146-153, réunion Dulles/de Gaulle, 15 décembre 1958 ; DDF, 1959-I, no 74, entretien Couve de Murville/Dulles, 6 février.

    89 DDF, 1959-I, no 146, entretiens franco-britanniques de Paris des 9-10 mars, partie II (de Gaulle/Macmillan).

    90 Les échanges franco-britanniques sur les crises qui éclatèrent au Laos et au Congo à cette période ne sont pas traités dans cet ouvrage, car ils nous auraient conduit trop loin de notre perspective à dominante euro-atlantique. Pour une analyse d’un point de vue anglo-américain, voir Ashton Nigel, Kennedy, Macmillan, and the Cold War: The Irony of Interdependence, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2002, p. 28-47 et 109-126.

    91 Voir Bozo Frédéric, Deux stratégies pour l’Europe : de Gaulle, les États-Unis et l’Alliance atlantique, 1958-1969, Paris, Plon, 1996, p. 56-59.

    92 AN, 5 AG 1, carton 684, note de la Présidence pour le MAE, Paris, 16 mars 1959.

    93 AMAE, SG, E&M, carton 6B, f. 42-90, discussions tripartites (Extrême-Orient) ; f. 91-97 et 102-152 (Afrique).

    94 La Grande-Bretagne avait procédé à la reconnaissance de la Chine communiste dès 1950 ; par ailleurs, sur Quemoy et Matsu, Londres cherchait à exercer une influence modératrice sur Washington, insistant par exemple sur la distinction juridique entre Formose et les îlots côtiers, ou sur l’idée d’une réponse proportionnée et non automatiquement nucléaire en cas d’attaque, même contre Formose (AMAE, SG, E&M, carton 6B, f. 43-53, séance tripartite du 5 février 1959).

    95 AMAE, Pactes 1950-1960, carton 35, note pour le Général du 9 février 1959.

    96 AMAE, Pactes 1950-1960, carton 35, note de Boegner, 25 février 1959.

    97 AMAE, Pactes 1950-1960, carton 35, note pour le Général, 13 mars 1959 ; AMAE, SG, E&M, carton 8, f. 84-90, projets d’instructions au Général Gelée, représentant français au sein du Groupe permanent de l’OTAN, début avril 1959 ; DDF, 1959-I, no 198, directives du MAE pour les conversations de Washington, 31 mars.

    98 DDF, 1959-I, no 225, III, conversation Macmillan/Debré, Londres, 14 avril. Voir aussi DDF, 1959-I, no 146, IV, conversation Macmillan/Debré, 10 mars.

    99 AMAE, SG, E&M, carton 6B, f. 92-93 et f. 148-152, 1re et 5e séances de consultations tripartites sur l’Afrique, 16 et 21 avril 1959.

    100 AMAE, Pactes 1950-1960, carton 35, note de Boegner, 4 mai 1959. Voir aussi SG, E&M, carton 6B, f. 99-101, note de synthèse, Louis Joxe, 28 avril 1959.

    101 AMAE, Pactes 1950-1960, carton 35, note du service des Pactes, a. s. « Stratégie globale », 14 août 1959.

    102 UKNA, PREM 11/3002, Jebb au FO, no 200, 18 juin 1959 ; no 204, 21 juin 1959. Pour Jebb, les consultations tripartites qui avaient été acceptées jusqu’ici n’étaient qu’une « manœuvre dilatoire » (« a Fabian manœuvre »).

    103 DDF, 1959-I, no 368, note de la Présidence de la République, audience de l’ambassadeur de Grande-Bretagne, 22 juin ; UKNA, PREM 11/3002, Jebb au FO, 22 juin 1959, no 206-207, entrevue avec de Gaulle.

    104 Le discours de De Gaulle avait été plus radical sur ce point en janvier 1959 (DDF, 1959-I, no 49, rencontre avec le chef de l’opposition travailliste britannique, Hugh Gaitskell, 15 janvier) : « En matière de déclenchement de la guerre atomique, chacune des trois puissances devrait avoir un droit de veto absolu, sauf en cas d’attaque nucléaire sur son propre territoire. » À noter que sur l’OTAN également, de Gaulle avait durci sa ligne devant Gaitskell : « L’OTAN n’existe pas, c’est une illusion », avait-il déclaré.

    105 UKNA, PREM 11/3002, Jebb au FO, 22 juin 1959, no 207, analyse de l’entrevue avec de Gaulle.

    106 UKNA, PREM 11/3002, Roberts au FO, no 214, 19 juin 1959 ; no 225-226, 23 juin 1959.

    107 UKNA, PREM 11/3002, entretien Herter/Lloyd à Genève, 15 juillet 1959, sur la France et de Gaulle.

    108 UKNA, PREM 11/3002, premier projet de télégramme non envoyé, FO à Washington, début juillet 1959.

    109 Il s’agit d’un engagement « personnel », c’est-à-dire verbal et tout à fait confidentiel, que le président Eisenhower avait pris pour la première fois vis-à-vis du secrétaire d’État britannique Anthony Eden en 1953 (UKNA, PREM 11/3002, lettre de Rumbold [FO] à Hood [Washington], 9 juillet 1959).

    110 UKNA, PREM 11/3002, deuxième projet de télégramme non envoyé, FO à Washington, début juillet 1959.

    111 UKNA, PREM 11/3002, FO à Paris, no 1659, 25 juin 1959 (entretien Chauvel/Hoyer-Millar, 23 juin) : Hoyer-Millar affirma qu’il n’existait aucune « machinerie secrète [et] élaborée pour assurer la coopération anglo-américaine sur les questions stratégiques et politiques », ce qui n’était pas vrai, comme il le savait.

    112 DDF, 1959-II, no 108, entretiens franco-américains, Paris, 2-4 septembre.

    113 AMAE, SG, E&M, carton 6B, f. 154-156, Lucet à Couve de Murville, 22 septembre 1959, « Consultations interalliées au sujet des questions d’intérêt général politique et militaire ».

    114 UKNA, PREM 11/3002, lettre d’Eisenhower à Macmillan, 11 septembre 1959.

    115 Voir le discours à l’École militaire du 3 novembre 1959, et la conférence de presse du 10 novembre, dans DG-DM, vol. III, p. 125-144.

    116 Voir Bozo Frédéric, Deux stratégies pour l’Europe, op. cit., p. 53-54 (n. 37 et 38).

    117 DG-LNC, p. 187-188, lettre à Eisenhower, 24 novembre 1959.

    118 DDF, 1959-II, no 224, conversations franco-britanniques de Paris (visite de Lloyd), 11-12 novembre.

    119 DDF, 1959-II, no 295, conférence occidentale au sommet.

    120 Ibid., partie IV, réunion des Trois (de Gaulle, Eisenhower, Macmillan) à Rambouillet, 20 décembre.

    121 Macmillan fut frappé de le constater (HMD, vol. II, p. 262-264, entrées des 19-20 décembre 1959).

    122 UKNA, PREM 11/3002, Macmillan à Lloyd, M506/59, 22 décembre 1959 ; voir aussi PREM 11/2991, Macmillan à Heathcoat Amory (chancelier de l’Échiquier), 22 décembre 1959 : Macmillan se croit désormais « en bonne position pour exercer de fortes pressions » sur de Gaulle en ce qui concerne l’Europe.

    123 UKNA, PREM 11/3002, Macmillan à Lloyd, M506/59, 22 décembre 1959.

    124 UKNA, FCO 51/87, Tripartism and French policies towards the Atlantic Alliance 1957-1969, mémoire de R. M. Bone (West Europe – Joint Research Dept.), §45-46.

    125 Cet épisode est évoqué par Trachtenberg Marc, A Constructed Peace, op. cit., p. 242-244.

    126 UKNA, FO 371/152095, note sur la proposition de discussions tripartites, Patrick Dean pour Hoyer-Millar et Lloyd, avant leur entrevue avec Herter, 21 décembre 1959.

    127 UKNA, PREM 11/2987, réunion Herter/Lloyd, Paris, 21 décembre 1959 (c’est-à-dire le lendemain du jour où Eisenhower fit son offre).

    128 UKNA, PREM 11/3002, Macmillan à Lloyd, M506/59, 22 décembre 1959 ; FO 371/152095, Macmillan à Lloyd, M522/59, 24 décembre 1959.

    129 UKNA, FO 371/152095, lettres de Herter à Couve de Murville et à Lloyd, 3 février 1960. Les comptes rendus britannique et français concordent pourtant sur le fait que l’instigateur de l’offre de Rambouillet fut bel et bien Eisenhower ; en outre, Macmillan, interrogé à ce propos, répondit qu’il était formellement certain de l’exactitude du compte rendu de la réunion du 20 décembre rédigé par de Zulueta (UKNA, FO 371/152095, Macmillan à Lloyd, M522/59, 24 décembre 1959, §1).

    130 Parmi lesquels le sous-secrétaire d’État permanent, Frederick Hoyer-Millar ; Patrick Dean, Deputy Under-Secretary ; Anthony Rumbold, Assistant Under-Secretary.

    131 Macmillan fut dissuadé d’envoyer à de Gaulle une lettre, quelques jours après Rambouillet, où il souhaitait évoquer la suite à donner à l’offre d’Eisenhower (UKNA, PREM 11/2997, projet de lettre à de Gaulle, 29 décembre 1959).

    132 Ce long voyage en Afrique fut marqué par le fameux discours du « Wind of Change » que Macmillan prononça le 3 février 1960 à Cape Town, où il appelait à prendre en compte le mouvement irrésistible d’émancipation de l’Afrique et des populations noires.

    133 UKNA, FO 371/152095, lettres de Jebb à Hoyer-Millar et Lloyd, 22 et 28 décembre 1959 : Jebb demande à être tenu informé, en vain. Voir également UKNA, FO 371/152097, sous-dossier ZP 5/27 : la lettre de Jebb à Lloyd en date du 17 mars 1960 ne fut transmise à son destinataire qu’après le 30 mai.

    134 La métaphore apparaît sous la plume de Frank Roberts, UKNA, FO 371/152095, lettre à Hoyer-Millar, 13 janvier 1960, §6.

    135 UKNA, PREM 11/2998, « Points discutés avec le général de Gaulle à Rambouillet les 12-13 mars 1960 ».

    136 DDF, 1960-I, no 221, sommet de Paris, partie XI, réunion des Trois, 18 mai, 17 h.

    137 Ibid.

    138 DDF, 1960-I, no 263, lettre de De Gaulle à Macmillan et Eisenhower, 10 juin.

    139 DG-LNC, p. 259-261, lettres à Eisenhower et à Macmillan, 9 août 1960.

    140 DDF, 1960-I, no 236 ; UKNA, FO 371/152098, sous-dossiers ZP 5/40-41. Voir aussi la réunion Debré/Macmillan du 19 mai, où ce dernier manifesta son enthousiasme pour le renouveau du tripartisme (DDF, 1960-I, no 235).

    141 En fait, le Foreign Office avait veillé à ce que le texte reste « inoffensif » : c’est le mot employé par le diplomate britannique Tomkins à propos des consultations tripartites politiques, qu’il oppose aux consultations stratégiques, susceptibles quant à elles de faire imploser l’OTAN (UKNA, FO 371/152100, note de Tomkins, 23 juin 1960).

    142 UKNA, FO 371/152100, FO à Caccia, no 2962, contenant la lettre d’Eisenhower à Macmillan du 30 juin 1960. Dans deux projets successifs de réponse à de Gaulle, préparés par les services américains et diffusés aux Britanniques (UKNA, FO 371/152101, Caccia au FO, no 1328, 8 juillet 1960, entrevue avec Kohler ; Caccia au FO, no 1410-11, 18 juillet), les États-Unis semblaient prêts à utiliser les nouvelles conversations militaires tripartites pour compléter l’expérience d’avril 1959 des consultations sur l’Afrique, ou pour évoquer les difficultés qui subsistaient à l’OTAN entre les trois pays : flotte de Méditerranée, défense aérienne intégrée et force MRBM pour l’OTAN.

    143 UKNA, FO 371/152101, FO à Washington, no 3293, 19 juillet 1960.

    144 Macmillan chercha, bien tardivement, à atténuer l’effet négatif du message transmis par ses diplomates aux Américains par une missive à Eisenhower légèrement plus positive (UKNA, FO 371/152101, Macmillan à Eisenhower, 22 juillet 1960). Les diplomates tentèrent de le dissuader d’envoyer cette lettre, en vain cette fois.

    145 En marge respectivement de réunions de l’OTASE, de l’ONU et de l’OTAN (DDF, 1960-I, no 245 ; DDF, 1960-II, no 139 et 274).

    146 UKNA, FO 371/152102-105, sous-dossiers ZP 5/82, ZP 5/95, passim dans les cartons 152104 et 152105.

    147 UKNA, FO 371/152102, FO à Jebb, no 1590, 11 août 1960 (réponse provisoire de Macmillan à la lettre de De Gaulle du 9 août) ; note de Shuckburgh à Rumbold, 12 août 1960, sur les intentions du Premier ministre quant à l’idée d’un sommet à Trois en septembre ; voir enfin PREM 11/3780 (télégrammes du début septembre) : on voit Macmillan osciller de nouveau entre Paris et Washington et chercher à se présenter à de Gaulle comme favorable à l’idée du sommet, sans en avertir Eisenhower (Caccia au FO, no 1737, 2 septembre 1960).

    148 UKNA, FO 371/152102, Washington au FO, no 3535, 4 août 1960, lettre d’Eisenhower à de Gaulle du 2 août (en réponse à la lettre du 10 juin) ; FO 371/152103, FO à Washington, no 3861, 2 septembre 1960, lettre d’Eisenhower à de Gaulle.

    149 DG-DM, vol. III, p. 234-251, conférence de presse.

    150 UKNA, PREM 11/3002, Macmillan à Lloyd, M506/59, 22 décembre 1959 ; PREM 11/2998, Lloyd à Macmillan, 15 février 1960, « France ».

    151 UKNA, PREM 11/2987, note de De Zulueta à Macmillan, 8 décembre 1959. Lire là-dessus Kaiser Wolfram, « The Bomb and Europe: Britain, France and the EEC Entry Negotiations, 1961-1963 », Journal of European Integration History, 1/1, 1995, p. 65-85.

    152 UKNA, PREM 11/2986, rapport interne du Foreign Office, intitulé « l’avenir des relations anglo-américaines », diffusé le 5 janvier 1960, en particulier §16.

    153 UKNA, FO 371/152096, sous-dossier ZP 5/20, notes pour Lloyd, en vue de sa réunion avec Macmillan du 28 février 1960. Sur le sujet de la « France en tant que puissance nucléaire », les diplomates recommandaient de « ne pas évoquer le sujet étant donné que nous ne pouvons pas offrir à de Gaulle d’aide nucléaire militaire, à part de manière conjointe avec les Américains » ; ils conseillaient même à Macmillan d’éviter « d’agir comme un intermédiaire » (« a go-between »). Voir aussi l’avertissement du ministre de la Défense Harold Watkinson (UKNA, DEFE 13/138, lettre de Watkinson à Macmillan, 9 mars 1960), qui réfute un à un les arguments en faveur d’un marchandage euro-nucléaire.

    154 Bozo Frédéric, Deux stratégies pour l’Europe, op. cit., chap. ii.

    155 Alphand Hervé, L’Étonnement d’être, op. cit., p. 343, entrée du 21 décembre 1960.

    156 L’intérêt pour la coopération de défense avec les Britanniques s’était manifesté en fait dès janvier 1960 : le Comité directeur franco-britannique pour la coopération de défense en matière de recherche et développement fut relancé à cette époque, alors que sa dernière réunion avait eu lieu en décembre 1958 ; les Français avaient par ailleurs proposé fin janvier d’organiser une réunion exploratoire entre Watkinson et le général Lavaud, en présence de Chauvel, avant la visite du ministre des Armées Guillaumat à Londres (UKNA, DEFE 13/138, Playfair à Watkinson, 27 janvier 1960).

    157 Côté français : DDF, 1960-I, no 109, compte rendu complet, 13 mars et no 122, lettre de Paul Henry (Présidence) à Beaumarchais (cabinet du MAE), compte rendu complémentaire de la rencontre du 13 mars (une copie de ce document, en AN, 5 AG 1, carton 684, permet d’établir que Courcel en fut l’auteur). Côté britannique : UKNA, PREM 11/2998, « Points discutés avec le général de Gaulle à Rambouillet les 12-13 mars 1960 » ; HMD, vol. II, p. 277-280, entrée du 13 mars 1960. Il n’y a pas de verbatim britannique du fait de l’absence de tout interprète ou secrétaire au moment où le sujet nucléaire fut abordé à Rambouillet.

    158 DDF, 1960-I, no 122. Cette idée fut répétée par Macmillan, presque dans des termes identiques, lors de la visite d’État de De Gaulle, à Londres, un mois après (DDF, 1960-I, no 153, I, 5 avril).

    159 HMD, vol. II, p. 277-280, entrée du 13 mars 1960.

    160 C’est le mot employé par Macmillan, UKNA, PREM 11/2998, lettre à la Reine, 14 mars 1960. Noter la manière dont Macmillan se décerne à lui-même un satisfecit, estimant avoir « découvert beaucoup des intentions de De Gaulle sans [se] découvrir beaucoup [lui]-même ».

    161 UKNA, PREM 11/3713, Roberts au FO, no 113, 31 mars 1960, « force MRBM de l’OTAN », entretien Watkinson/Messmer du 30 mars.

    162 UKNA, DEFE 13/138, Playfair à Roberts (FO, en poste à l’OTAN), 8 avril 1960, à propos du compte rendu français des entretiens de Paris du 30 mars entre Watkinson et Messmer. Sur un seul point, les Britanniques laissèrent la porte ouverte : le Blue Streak, que Londres venait d’abandonner en tant que projet militaire, pourrait être converti en lanceur de satellites et constituer ainsi la base d’une coopération spatiale franco-britannique et européenne, à vocation strictement civile (UKNA, PREM 11/3713, Watkinson à Macmillan, 12 mai 1960, §10). Lire là-dessus Pagedas Constantine, « The Afterlife of Blue Streak: Britain’s American Answer to Europe », Journal of Strategic Studies, vol. 18, 1995, p. 1-24. Jusqu’au début de l’année 1961, les Français tentèrent d’ailleurs, par ce biais, d’entraîner les Britanniques dans une coopération qui s’étendrait aux applications militaires, sans succès.

    163 Baylis John, Ambiguity and Deterrence: British Nuclear Strategy : 1945-1964, Oxford, Clarendon Press, 1995, p. 279-298 ; Clark Ian, Nuclear Diplomacy and the Special Relationship, op. cit., p. 157-189 et 251-296.

    164 Baylis John, Ambiguity and Deterrence, op. cit., p. 288.

    165 DDF, 1960-I, no 190, note de la direction politique, « Suite à donner à la proposition de M. Gates », 29 avril.

    166 Quelques mois plus tard, alors qu’Alphand lui demandait s’il n’était pas possible d’envisager une coopération nucléaire avec Washington similaire à celle obtenue par Londres, de Gaulle répondit, cinglant : « Les Anglais ont payé un prix que la France ne peut accepter. Ils sont devenus satellites de l’Amérique, truffés d’armes dont ils n’ont pas le contrôle » (Alphand Hervé, L’Étonnement d’être, op. cit., p. 343, entrée du 21 décembre 1960).

    167 Cité par Horne Alistair, Macmillan, op. cit., p. 231. Voir aussi UKNA, PREM 11/2983, Macmillan à Bishop, note no 268/60, 31 juillet 1960.

    168 UKNA, PREM 11/2998, « Points discutés avec le général de Gaulle à Rambouillet les 12-13 mars 1960 ».

    169 Les spécialistes de la politique étrangère britannique ont beaucoup écrit sur la conversion progressive du gouvernement Macmillan à l’idée d’une candidature britannique à la CEE : Milward Alan, The United Kingdom and the European Community: I. The Rise and Fall of a National Strategy: 1945-1963, Londres, Whitehall History Pub., 2002, chap. 11, p. 310-351 ; Deighton Anne, « La Grande-Bretagne et la Communauté économique européenne (1958-1963) », Histoire, économie et société, 13, 1994, p. 113-130 ; Kaiser Wolfram, Using Europe, Abusing the Europeans: Britain and European Integration, 1945-63, Londres, Macmillan Press, 1996, p. 108-173. Côté français, la période 1959-1960 n’a pas suscité le même intérêt.

    170 DDF, 1959-I, no 34, échanges de vues franco-britanniques (Olivier Wormser, François Valéry/Paul Gore-Booth, Hugh Ellis Rees), 19 janvier.

    171 UKNA, PREM 11/2826, note sur la ZLE, 20 janvier 1959, compte rendu de la première réunion franco-britannique du 16 janvier (Olivier Wormser/Paul Gore-Booth).

    172 DDF, 1958-II, no 351, Couve de Murville à Louis Joxe, secrétaire général, 21 novembre.

    173 Ibid.

    174 UKNA, PREM 11/2826, Clarke (Rome) au FO, no 871, 9 décembre 1958, avec commentaire de Macmillan, 14 décembre.

    175 UKNA, PREM 11/2826, Macmillan à Lloyd, no 2921, 17 décembre 1958.

    176 UKNA, PREM 11/2826, analyse de De Zulueta à propos de l’entrevue de Gaulle/Lloyd du 17 décembre, 30 décembre 1958 ; PREM 11/2827, f. 170-5, de Zulueta à Macmillan, 4 mars 1959, en commentaire d’une note du même jour, « Closer Economic Association with Europe ».

    177 UKNA, FO 371/145616, fiche pour Macmillan en vue de la visite en France des 9-10 mars 1959, « Anglo-French quota negotiations » ; PREM 11/2701, rencontre Macmillan/Debré, Couve de Murville, Londres, 14 avril 1959 : Macmillan salue l’accord temporaire sur les quotas entre les deux pays.

    178 UKNA, PREM 11/2826, note de Gore-Booth à Hoyer-Millar, 21 janvier 1959.

    179 L’AELE comprenait sept pays membres : le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse, la Norvège, le Danemark, l’Autriche et le Portugal. Voir UKNA, PREM 11/2827, f. 130-2, réunion interministérielle du 6 mai 1959, sur l’association de commerce européenne ; télégramme circulaire du FO, no 196, 22 mai 1959.

    180 Voir UKNA, PREM 11/2827, de Zulueta à Macmillan, 4 mars 1959.

    181 UKNA, PREM 11/2827, télégramme circulaire du FO, no 196, 22 mai 1959.

    182 Sur l’attitude de Couve de Murville et de Wormser, voir UKNA, FO 371/145619, lettre de James Murray (Paris) à Hancock (FO), 27 août 1959, concernant un entretien avec le directeur de cabinet de Couve de Murville, Robert Gillet : selon ce dernier, jusqu’en mai, Couve de Murville avait régulièrement insisté sur la nécessité de trouver un moyen de résorber la rupture avec la Grande-Bretagne entraînée par la formation des Six ; depuis ce moment, qui correspond à la décision de former l’AELE, il avait « de plus en plus accepté les conseils négatifs que lui apportait Olivier Wormser ».

    183 L’exception est Vaïsse Maurice, « De Gaulle, l’Italie et le projet d’union politique européenne, 1958-1963 : chronique d’un échec annoncé », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 42, 1995, p. 658-669.

    184 DDF, 1958-II, no 108, entretiens franco-italiens de Gaulle/Fanfani, 7 août ; voir aussi no 200, audience avec Spaak, 24 septembre.

    185 DDF, 1959-I, no 371, conversation en tête-à-tête entre de Gaulle et le président Gronchi à Rome, 24 juin.

    186 Voir DDF, 1959-II, no 5, note du directeur des Affaires politiques, 3 juillet. Cet objectif fut d’ailleurs réaffirmé par de Gaulle le 4 septembre 1959, lorsqu’il reçut Segni et Pella (DDF, 1959-II, no 109, I).

    187 DDF, 1959-I, no 174, partie III, audience accordée par le général de Gaulle à M. Segni (Premier ministre) et M. Pella (MAE), 20 mars.

    188 DDF, 1959-II, no 46, Palewski (Rome) à Couve de Murville, 30 juillet.

    189 DDF, 1959-II, no 5, discussion franco-italienne entre Laloy, Lucet et Malfatti, 3 juillet ; no 46, télégramme de Palewski, 30 juillet ; no 112, télégramme circulaire de Couve de Murville, 5 septembre.

    190 UKNA, PREM 11/3002, FO à La Haye, no 395, 16 juillet 1959, « Political Consultations among the Six » (conversation entre l’ambassadeur néerlandais à Londres Bentinck et Hoyer-Millar, le 15 juillet). Voir aussi DDF, 1959-II, no 27 et 118.

    191 DDF, 1959-II, no 9 et 22 ; AMAE, Europe 1956-1960, carton 168, f. 30-33, Bousquet (Bruxelles) à Couve de Murville, 24 juillet 1959.

    192 UKNA, PREM 11/3002, de Zulueta à Macmillan, note du 17 juillet 1959.

    193 DDF, 1959-II, no 56, note de la direction d’Europe, « Position de la Grande-Bretagne sur les consultations politiques à Six », 6 août.

    194 AMAE, Europe 1956-1960, carton 168, f. 94, Seydoux (Bonn) à MAE, 10 septembre 1959 ; f. 102, Palewski (Rome) à MAE, 2 octobre 1959.

    195 DDF, 1959-II, no 196, Chauvel à Couve de Murville, 21 octobre, sur une déclaration britannique au Conseil de l’UEO sur le rôle futur de cette organisation, en parallèle des consultations politiques à Six.

    196 DDF, 1959-II, no 224, conversations franco-britanniques de Paris (visite de Lloyd), 11-12 novembre.

    197 Ni Lloyd ni de Zulueta ne croyaient à la relance de l’UEO (UKNA, PREM 11/2679, Lloyd à Macmillan, 25 novembre 1959, « Thoughts on the present situation » ; de Zulueta à Macmillan, 27 novembre 1959).

    198 UKNA, PREM 11/2679, réunion des Chequers du 29 novembre 1959 (f. 11-12).

    199 UKNA, PREM 11/2985, Macmillan à Lloyd, M484/59, « Europe », 11 décembre 1959.

    200 UKNA, PREM 11/2985, Macmillan à Lloyd, M381/59, 22 octobre 1959, « The organisation of Europe ».

    201 DDF, 1959-II, no 224, conversations franco-britanniques de Paris (visite de Lloyd), 11-12 novembre.

    202 UKNA, PREM 11/2714, rencontres germano-britanniques à Londres, 18-19 novembre 1959, doc. no 2 et 5, Lloyd/von Brentano et Adenauer/Macmillan. Le partage d’informations avec les Français, après la difficile visite d’Adenauer en Angleterre, fut intense : DDF, 1959-II, no 236, entretien Seydoux/Carstens, 20 novembre ; no 249, Seydoux/Adenauer, 25 novembre ; no 263, entretiens franco-allemands de Paris, 1er et 2 décembre.

    203 UKNA, PREM 11/2985, « UK Policy towards Western Europe: the Six and the Seven », SC(59)40, rapport de la Planning Section, 27 octobre 1959.

    204 D’après le Foreign Office, les trois exigences britanniques (l’exclusion du secteur agricole, le droit d’entrée libre des produits du Commonwealth et le refus d’une politique commerciale harmonisée) devraient être abandonnées, au moins partiellement.

    205 Principal Private Secretary (équivalent de chef de cabinet), auprès de Macmillan jusqu’à l’automne 1959, il est ensuite nommé Deputy Secretary to the Cabinet, sous l’autorité de Norman Brook.

    206 UKNA, PREM 11/2985, note de Bishop, « Thoughts on Policy Towards Western Europe », novembre 1959.

    207 UKNA, PREM 11/2679, réunion des Chequers du 29 novembre 1959.

    208 Voir UKNA, PREM 11/2985, messages de Macmillan à Lloyd, Heathcoat Amory (chancelier de l’Échiquier), Watkinson (Défense), 11 décembre 1959, qui montrent que l’Europe reste au cœur des interrogations de Macmillan, sans réponse satisfaisante, même après la réunion des Chequers.

    209 Sur l’importance historique du rapport Lee, lire Milward Alan, The United Kingdom and the European Community, op. cit., p. 319-335.

    210 Deighton Anne, « La Grande-Bretagne et la CEE », art. cité, p. 121-123. Voir UKNA, CAB 128/34/41, compte rendu synthétique de la réunion du 13 juillet 1960.

    211 Macmillan évoqua alors explicitement la question européenne comme sujet pertinent pour les Trois : DDF, 1959-II, no 295, conférence occidentale au sommet, partie IV, réunion de Gaulle/Eisenhower/Macmillan, Rambouillet, 20 décembre ; UKNA, PREM 11/2992, doc. no 28, rencontre Macmillan/Eisenhower, 18 mai 1960.

    212 Plusieurs personnalités favorables à une politique plus ambitieuse envers les Six furent placées à des postes clés : Edward Heath, Lord of Privy Seal, avec une responsabilité spécifique pour la politique européenne ; Duncan Sandys, secrétaire d’État pour le Commonwealth ; Christopher Soames, à l’agriculture ; Peter Thorneycroft, au ministère de l’Aviation. Macmillan gardait des proches aux ministères les plus importants : Home, au Foreign Office ; Lloyd, au Trésor, tandis que les personnalités les plus hostiles aux Six étaient éloignées des sujets européens.

    213 Dès décembre 1959, Macmillan confiait à Lloyd que la grande ZLE était selon lui hors d’atteinte (cité par Milward Alan, The United Kingdom and the European Community, op. cit., p. 319) ; quant à l’AELE, il la décrivait comme « une plante plutôt fragile » (UKNA, PREM 11/2985, Macmillan à Lloyd, M381/59, 22 octobre 1959, « The organisation of Europe »).

    214 Ces mesures consistaient en un abaissement des droits de douane de 10 % et une augmentation des contingents de 20 %, vis-à-vis de l’ensemble des pays faisant partie du GATT.

    215 Sur les négociations entre les Six en octobre-novembre 1959, voir DDF, 1959-II, no 137, 187, 239, 251.

    216 DDF, 1959-II, no 109, I, entretiens franco-italiens, 4 septembre ; no 137, Seydoux à Couve de Murville, entretien Wormser/van Scherpenberg, Müller-Armack, sur l’avenir de l’Europe, 18 septembre.

    217 Sur la transformation de l’OECE en OCDE, lire Giauque Jeffrey, Grand Designs, op. cit., p. 68-73 et 103-106 et Gerbet Pierre, La construction de l’Europe, Paris, Imprimerie nationale, 1999, p. 207-210.

    218 DDF, 1959-II, no 263, II, Adenauer/Debré, Couve de Murville, Matignon, 1er décembre ; voir aussi UKNA, PREM 11/2714, doc. no 5, Adenauer/Macmillan, Londres, 19 novembre 1959, §20.

    219 Cette convergence franco-américaine avait été préparée en amont par les Français (voir DDF, 1959-II, no 56, note sur la position britannique à propos des consultations politiques à Six, 6 août ; no 108, III, entretien de Gaulle/Eisenhower, 2 septembre).

    220 UKNA, PREM 11/2870, fiche du FO, 22 octobre 1959 ; fiche de De Zulueta à Macmillan, 7 décembre ; verbatim de la discussion Macmillan/Dillon, 9 décembre. Voir aussi DDF, 1959-II, no 274-275, Chauvel à Couve de Murville, 10-11 décembre, rapport sur la visite de Dillon à Londres.

    221 DDF, 1959-II, no 284, note de la DAEF, entretien Couve de Murville/Dillon, 13 décembre.

    222 La coordination avec les États-Unis se poursuivit début janvier 1960 (DDF, 1960-I, no 8, 12 et 14) : le département d’État confirma son objectif de « se débarrasser entièrement de l’OECE ancienne manière ».

    223 PREM 11/2986, rapport interne du FO, « l’avenir des relations anglo-américaines », 5 janvier 1960, §14.

    224 DDF, 1960-I, no 7, MAE à Gorse (représentant permanent auprès des Communautés), 5 janvier, instructions pour préparer la réunion à Paris du comité ad hoc des Treize, chargé d’initier la réforme de l’OECE.

    225 L’OCDE rassembla dès sa fondation, outre les pays d’Europe, les États-Unis et le Canada. Le Japon en devint membre en 1964. La dimension régionale ouest-européenne fut donc bel et bien effacée par la transformation institutionnelle de 1959-1960. En outre, à la différence de l’OECE qui avait joué un rôle majeur pour éliminer les contingentements quantitatifs et faciliter les paiements multilatéraux en Europe, l’OCDE devint pour l’essentiel un organisme international d’expertise économique, sans pouvoir décisionnel fort.

    226 DDF, 1960-I, no 22-23, télégrammes circulaires de Couve de Murville, 17 janvier (résultats de la réunion du comité des Treize des 12-13 janvier à Paris) : « La grande zone de libre-échange ne ressuscitera pas de sitôt », même si « le conflit tarifaire [intra-européen] continue ».

    227 DDF, 1960-I, no 171, note de la DAEF (Olivier Wormser), 15 avril, « Accélération du traité de Rome ». Le plan Hallstein du 1er mars proposait les mesures suivantes : l’élimination complète des contingents sur les produits industriels d’ici le 31 décembre 1961, entre les Six ; la réduction accélérée des droits de douane, 20 % au 1er juillet 1960, 20 % au 31 décembre 1961 ; l’élimination, erga omnes, des contingents sur les produits industriels, sous réserve de réciprocité ; un premier rapprochement des tarifs nationaux des Six vers le TEC, au 1er juillet 1960 au lieu du 31 décembre 1961, le TEC lui-même étant réduit de 20 %, moyennant une certaine réciprocité de la part des pays tiers industrialisés ; une impulsion nouvelle vers l’harmonisation des politiques en matière commerciale, sociale, agricole.

    228 DDF, 1960-I, no 71, note de Wormser à Couve de Murville, 15 février ; no 164, note de la DAEF (Valéry), « remarques sur les perspectives européennes », 11 avril.

    229 DDF, 1960-I, no 109, entretiens franco-britanniques de Rambouillet (Macmillan/de Gaulle), 13 mars.

    230 UKNA, CAB 21/3260, entretiens anglo-américains, à l’ambassade britannique, 28 mars 1960, 9 h 30 (Herter, Dillon/Macmillan). Le compte rendu britannique a été largement expurgé des déclarations les plus excessives de Macmillan ; le verbatim américain (FRUS, 1958-60, vol. VII-1, no 113) est un petit peu plus complet ; le verbatim en version intégrale a depuis été rendu disponible (voir Giauque Jeffrey, Grand Designs, op. cit., p. 253, n. 144).

    231 Lire l’enquête de Bange Oliver, The EEC Crisis of 1963: Kennedy, Macmillan, de Gaulle and Adenauer in Conflict, Londres, Macmillan Press, 2000, p. 13-16.

    232 DDF, 1960-I, no 218, télégramme circulaire de Couve de Murville, 14 mai (Conseil des ministres de la CEE du 13 mai).

    233 DDF, 1960-I, no 84, Chauvel à Couve de Murville, 22 février (analyse des raisons qui empêchent la Grande-Bretagne de s’associer ou d’adhérer au Marché commun).

    234 L’expression est de Chauvel (DDF, 1960-II, no 288, Chauvel à Couve de Murville, 22 décembre).

    235 DDF, 1960-I, no 164, note de la DAEF (Valéry), « remarques sur les perspectives européennes », 11 avril.

    236 Chauvel Jean, Commentaire, vol. III, De Berne à Paris : 1952-1962, Paris, Fayard, 1971, p. 256.

    237 Ibid., p. 272-275.

    238 Ibid.

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    1 Lors de la première crise de Berlin (juin 1948-mai 1949), l’URSS de Staline bloqua les accès terrestres aux secteurs de Berlin occupés par les armées américaine, britannique et française. Britanniques et Américains organisèrent un pont aérien qui permit de ravitailler Berlin-Ouest jusqu’à ce que le blocus soviétique fût levé.

    2 Soutou Georges-Henri, La guerre de cinquante ans : le conflit Est-Ouest 1943-1990, Paris, Fayard, 2001, p. 367-380 ; Wettig Gerhard, Chruschtschows Berlin-Krise 1958 bis 1963: Drohpolitik und Mauerbau, Munich, R. Oldenbourg, 2006 ; Zubok Vladislav, « Khrushchev and the Berlin Crisis (1958-1962) », Cold War International History Project, Working Paper no. 6, Washington, 1993.

    3 Sur les interactions entre RDA et URSS, Harrison Hope, Driving the Soviets up the Wall: Soviet-East German Relations, 1953-1961, Princeton, Princeton University Press, 2003 ; sur les interactions entre alliés occidentaux, Trachtenberg Marc, A Constructed Peace: The Making of the European Settlement, 1945-1963, Princeton, Princeton University Press, 1999, p. 251-282 et Gearson John et Schake Kori (dir.), The Berlin Wall Crisis: Perspectives on Cold War Alliances, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2002.

    4 À l’exception de l’article que nous avons publié, Gloriant Frédéric, « To Adapt to the Cold War Bipolar Order? Or to Challenge It? Macmillan and de Gaulle’s Rift in the Face of the Second Berlin Crisis », Cold War History, 18/4, 2018, p. 465-483, les politiques respectives des deux pays vis-à-vis de la crise de Berlin n’ont été étudiées que séparément. Sur la politique de Macmillan, il existe deux importantes monographies, d’ailleurs divergentes dans le jugement final qu’elles portent sur cette dernière : Gearson John, Harold Macmillan and the Berlin Wall Crisis, 1958-1962: The Limits of Interests and Force, Basingstoke, Macmillan, 1998 ; Newman Kitty, Macmillan, Khrushchev and the Berlin Crisis, 1958-1960, Londres, Routledge, 2007. Quant à la politique de De Gaulle, elle n’a encore fait l’objet d’aucune monographie : lire Buffet Cyril, « De Gaulle, the Bomb and Berlin: How to Use a Political Weapon », in John Gearson et Kori Schake (dir.), The Berlin Wall Crisis, op. cit., p. 73-95 ; Soutou Georges-Henri, « Paris als Nutznießer des erfolglosen Wiener Gipfels », in Stefan Karner (dir.), Der Wiener Gipfel 1961: Kennedy – Chruschtschow, Innsbruck, Studien-Verlag, 2011, p. 185-203 ; Vaïsse Maurice, La Grandeur : politique étrangère du général de Gaulle, 1958-1969, Paris, Fayard, 1998, p. 267-283.

    5 Entre autres exemples, Newman Kitty, op. cit. ou Trachtenberg Marc, op. cit.

    6 UKNA, PREM 11/2715, Lloyd à Caccia (Washington), 15 novembre 1958.

    7 FRUS, 1958-60, vol. VIII, no 49, p. 86-88, télégramme de Londres au département d’État, 19 novembre 1958 (conversations entre Lloyd et l’ambassadeur américain John Whitney).

    8 Si l’on en croit le diplomate britannique Bernard Ledwidge : voir Gearson John, « British Policy and the Berlin Wall Crisis 1958-1961 – Witness Seminar », Contemporary Record, 6, 1992, p. 107-177 (p. 129-130).

    9 Thorpe D. R., Supermac: The Life of Harold Macmillan, Londres, Chatto & Windus, 2010, p. 46-59. Blessé à cinq reprises, il participa aux batailles de Loos et de la Somme.

    10 Gearson John, Harold Macmillan and the Berlin Wall Crisis, op. cit., p. 2-5, 22-26, 136-137.

    11 DDF, 1958-II, no 370, entretiens franco-allemands de Bad-Kreuznach, 26 novembre.

    12 DDF, 1958-II, no 378, Seydoux (Bonn) à Joxe, 28 novembre (compte rendu de la réunion de Bad-Kreuznach).

    13 Gearson John, Harold Macmillan and the Berlin Wall Crisis, op. cit., p. 95-96 et 113.

    14 Voir Reynolds David, Summits: Six Meetings that shaped the Twentieth Century, Londres, Allen Lane, 2007 (en particulier p. 167-169). Le néologisme fut forgé par Churchill en 1950. Ce fut lui ainsi que ses successeurs qui cherchèrent avec le plus d’insistance à engager de cette manière la discussion avec l’URSS durant la décennie 1950.

    15 DDF, 1959-II, no 199, Chauvel à Couve de Murville, 22 octobre (entretien avec Lloyd).

    16 Gearson John, Harold Macmillan and the Berlin Wall Crisis, op. cit., p. 75-77 ; Horne Alistair, Macmillan: The Official Biography, vol. II, Londres, Macmillan, 1988, p. 231.

    17 UKNA, PREM 11/2987, note de Philip de Zulueta pour les discussions de Paris avec Eisenhower et de Gaulle, 14 décembre 1959.

    18 UKNA, PREM 11/2690, Young (chargé d’affaires à Paris) au FO, no 73, 27 février 1959 (message où de Gaulle fait part à Macmillan de son scepticisme quant aux résultats à attendre de sa visite à Moscou) ; FO 371/145617, entrevue avec G. Jebb, 25 avril 1959, §5 ; DDF, 1959-II, no 295, sommet occidental de Paris, 19-21 décembre, partie IX (tête-à-tête de Gaulle/Macmillan) ; DDF, 1960-I, no 35, 25-26 janvier, consultation des Six à Rome.

    19 AMAE, Pactes 1950-1960, carton 35, entretien entre de Gaulle et Dulles, à Matignon, 15 décembre 1958. Voir aussi la remarque d’Alphand, citant Berlin comme exemple de crise qu’il faudrait traiter selon une méthode tripartite, UKNA, PREM 11/3002, Hood (Washington) au FO, 4 décembre 1958, no 3302-3303 (première réunion exploratoire franco-anglo-américaine).

    20 Les deux réunions successives du 14 décembre 1958, d’abord à Trois, puis à Quatre, en sont un premier exemple, voir DDF, 1958-II, no 414-415.

    21 DG-LNC, p. 133-135, lettre à Eisenhower, 11 mars 1959 : « C’est vous, Américains, qui détenez actuellement les moyens les plus puissants – et de beaucoup ! – de la force occidentale. » On retrouve cette évaluation lucide des moyens limités de la France, puissance moyenne anciennement grande, face à Adenauer à Colombey, ou encore devant Khrouchtchev (DDF, 1960-I, no 146, partie I, entretien de Gaulle/Khrouchtchev, 23 mars).

    22 HMD, vol. II, p. 204, entrée du 9 mars 1959.

    23 Gearson John, Harold Macmillan and the Berlin Wall Crisis, op. cit., p. 48-54.

    24 AN, 5 AG 1, carton 684, note (non signée) de la Présidence pour le MAE, Paris, 16 mars 1959 (compte rendu d’une conversation houleuse entre Macmillan et un membre du cabinet de la Présidence).

    25 Sur Live Oak, lire Pedlow Gregory W., « Three Hats for Berlin: General Lauris Norstad and the Second Berlin Crisis, 1958-62 », in John Gearson et Kori Schake (dir.), The Berlin Wall Crisis: Perspectives on Cold War Alliances, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2002, p. 175-198.

    26 Gearson John, Harold Macmillan and the Berlin Wall Crisis, op. cit., p. 185-190.

    27 AMAE, SG, dossier Berlin, carton 83, note du service d’Europe centrale, « action sur l’autoroute de Berlin. Planification de l’emploi d’une division », de Carbonnel à Michel Debré, 15 juin 1961 ; général Olié (chef d’État-Major général de la défense nationale) à Debré, 16 juin 1961.

    28 AMAE, SG, dossier Berlin, carton 83, de Leusse (OTAN-Paris) à Lucet, 15 septembre 1961 (à propos des instructions au SACEUR Norstad).

    29 DG-LNC, p. 133-135, lettre à Eisenhower, 11 mars 1959.

    30 HMD, vol. II, p. 204-205, entrée du 10 mars 1959. Voir les tentatives répétées de Macmillan de sonder les intentions véritables de la France quant à la réunification allemande, au-delà de la position de principe formulée en présence d’Adenauer, UKNA, PREM 11/2991, discussion tripartite Eisenhower/Macmillan/de Gaulle (assisté de Debré), Rambouillet, 20 décembre 1959, et conversation à l’Élysée, Macmillan/de Gaulle, 21 décembre 1959.

    31 Rapallo est la ville où fut signé en avril 1922 un traité entre l’URSS et l’Allemagne de Weimar qui permit aux deux États de rompre leur isolement diplomatique. Sur le mythe de Rapallo et de la Schaukelpolitik allemande, lire Buffet Cyril, « Rapallo: Sirens and Phantoms », in Cyril Buffet et Beatrice Heuser (dir.), Haunted by History: Myths in International Relations, Providence, Berghahn Books, 1998, p. 235-258.

    32 Par exemple, UKNA, PREM 11/2532, Macmillan à Lloyd, 28 novembre 1958. On pourrait traduire par « alliance impie » cette expression qui est une référence antithétique à la Sainte-Alliance.

    33 UKNA, PREM 11/3002, exposé de Macmillan face à une délégation de l’organisation pro-européenne et fédéraliste Economic League for European Cooperation, 10 juin 1959.

    34 Frederick R. Hoyer-Millar, sous-secrétaire d’État permanent au FO, avait exactement la même analyse (UKNA, FO 371/145617, Hoyer-Millar à Lloyd, 25 mai 1959). Par contraste, l’ambassadeur Jebb tenta de faire comprendre que la « rigidité » française à propos de Berlin tenait à autre chose qu’à la « curieuse histoire d’amour entre le chancelier Adenauer et le général de Gaulle » (FO 371/145617, Jebb à Lloyd, 9 avril 1959).

    35 Bernard Ledwidge, diplomate britannique en poste à Berlin comme conseiller politique au moment de la crise, devenu ensuite historien, reprend à son compte cette interprétation dans Gearson John, « Witness Seminar », art. cité. Voir également Ellison James, Threatening Europe: Britain and the Creation of the European Community, 1955-58, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2000, p. 212-214 ; Newman Kitty, Macmillan, Khrushchev and the Berlin Crisis, op. cit., p. 43. Lire enfin Conze Eckart, Die gaullistische Herausforderung: Die deutsch-französischen Beziehungen in der amerikanischen Europapolitik 1958-1963, Munich, Oldenbourg, 1995, p. 79-87, qui reprend sans apporter de preuve la thèse du « quid pro quo » entre Berlin et ZLE dans le titre d’un sous-chapitre, tout en livrant ensuite une analyse de la politique française concernant Berlin plus nuancée que ne le laissait supposer ce titre. On peut trouver une analyse plus exacte de la rencontre de Bad-Kreuznach dans Giauque Jeffrey, Grand Designs, op. cit., p. 63-64 et 86-88.

    36 Le lien entre Berlin et ZLE n’apparaît explicitement nulle part dans les comptes rendus français (DDF, 1958-II, no 370 et 378), ni dans les archives allemandes que nous avons pu consulter (PA AA, B130, Bd. 8411A, Blankenhorn à l’Auswärtiges Amt, no 980, 12 novembre 1958 ; no 999 et 1002, 17 novembre ; no 1031, 24 novembre [respectivement entretiens avec Joxe, Couve de Murville et de Gaulle, pour préparer la réunion de Bad-Kreuznach]) ; en outre, l’accord de principe sur l’enjeu européen de Bad-Kreuznach s’opéra le matin, avant donc que la discussion n’aborde la question berlinoise dans l’après-midi ; enfin, les paroles du Général engageaient les Allemands à se montrer résolus mais aussi à faire preuve de retenue… il convenait d’attendre la note soviétique, de « voir venir ». Si le principe de la solidarité stratégique entre les deux pays riverains du Rhin était admis, de Gaulle exposa devant Adenauer une vision de l’avenir européen dans lequel il faudrait faire sa place à l’Est : « Il faut un accord, en Europe, groupant des éléments nouveaux (l’Est), qui nous rende indépendants des Américains. » En aucun cas donc, on ne peut voir là-dedans un alignement de la France sur l’attitude de la RFA, comme le soupçonna Macmillan.

    37 Voir la position de Debré, dans DDF, 1959-I, no 131, entretiens franco-allemands, 3-4 mars, partie II.

    38 Ellison James, Threatening Europe, op. cit., p. 213 (note 119).

    39 Contrairement à ce que suggère Ellison, le lien Berlin-ZLE ne fut donc pas passé sous silence par Macmillan devant le chancelier (voir UKNA, PREM 11/2676, réunions germano-britanniques des 12 et 13 mars 1959, doc. no 3 et PREM 11/2714, visite d’Adenauer au Royaume-Uni, 17-19 novembre 1959, doc. no 4 et 5).

    40 Ce raisonnement apparaît en fait sous la plume de Macmillan dès le 28 novembre 1958, le lendemain de l’ultimatum de Khrouchtchev et le surlendemain de la réunion de Bad-Kreuznach (HMD, vol. II, p. 172-173).

    41 DDF, 1958-II, no 370.

    42 AN, 5 AG 1, carton 684, note (non signée) de la Présidence pour le MAE, Paris, 16 mars 1959 (conversation entre Macmillan et un membre du cabinet de la Présidence).

    43 DG-LNC, p. 178-184, lettre à Macmillan, 20 octobre 1959, et lettres à Eisenhower, 20 et 26 octobre 1959.

    44 Tournoux Jean-Raymond, La tragédie du Général, Paris, Plon, 1967, p. 364-365.

    45 AMAE, SG, E&M, carton 6, f. 180-181, Chauvel à Couve de Murville (sur le compte rendu allemand de la rencontre de Bad-Kreuznach), 29 novembre 1958 ; UKNA, FO 371/145617, conversation Jebb/de Gaulle, Paris, 25 avril 1959 ; FO 371/163499, Rumbold à Shuckburgh, à propos d’une conversation entre de Gaulle et Eden, 2 juillet 1962 (« le Général dit que les Russes avaient l’air tranquilles et qu’il était frappé par “l’absence de sens guerrier” »).

    46 AMAE, Pactes 1950-1960, carton 35, entretien de Gaulle/Dulles, 15 décembre 1958.

    47 DDF, 1959-I, no 147, Couve de Murville à Seydoux (Bonn), 11 mars.

    48 DDF, 1959-I, no 120 et 136, 2 et 6 mars, entretiens de De Gaulle avec l’ambassadeur soviétique à Paris Sergueï Vinogradov.

    49 Gloriant Frédéric, art. cité, p. 472, n. 42-43.

    50 HMD, vol. II, p. 189-190, entrée du 4 février 1959 (discussion avec Dulles à Londres) ; FRUS, 1958-60, vol. VII-2, no 361, p. 845-847, conversation Eisenhower/Macmillan à Camp David, 20 mars 1959, 18 h 30-19 h 30.

    51 UKNA, FO 371/145616, « Visit of the Prime Minister and Foreign Secretary to Paris », doc. no 2 (réunion avec Debré et Couve de Murville), 9-10 mars 1959.

    52 Dans la réunion avec Debré à Matignon le 9 mars 1959 (AN, 5 AG 1, carton 684), Macmillan déclara : « Nous devons éviter de bluffer. Khrouchtchev est le seul homme avec lequel on puisse parler valablement. »

    53 Macmillan évoqua de manière répétée la nécessité d’« envoyer les enfants au Canada », dans l’espoir de faire comprendre à ses interlocuteurs (Adenauer ou de Gaulle) les dangers qu’impliquaient les préparatifs de guerre à propos de Berlin. Voir par exemple AN, 5 AG 1, carton 684, note de la Présidence pour le MAE, Paris, 16 mars 1959 (conversation entre Macmillan et un membre du cabinet de la Présidence).

    54 DDF, 1959-I, no 225, entretiens franco-britanniques de Londres des 13-14 avril, partie I.

    55 DDF, 1959-I, no 147, Couve de Murville à Seydoux (Bonn), 11 mars.

    56 DDF, 1959-I, no 174, audience accordée par le général de Gaulle à M. Segni (Premier ministre) et M. Pella (MAE), 20 mars : « [Pour] que l’Allemagne vive et qu’elle ne soit pas livrée au désespoir, […] il ne faut pas qu’elle se sente coupée en deux pour toujours. »

    57 C’est déjà le cas dans les jours qui précèdent l’entrevue de Bad-Kreuznach ; voir PA AA, B130, Bd. 8411A, Blankenhorn (Paris) à l’Auswärtiges Amt, no 1031, 24 novembre 1958 (audience avec de Gaulle).

    58 DDF, 1959-I, no 146, entretiens franco-britanniques de Paris des 9-10 mars, partie II (de Gaulle/Macmillan) ; c’est une idée que les Français répètent constamment, par exemple lors des consultations entre MAE des six pays membres de la CEE, à Rome, voir DDF, 1960-I, no 35, 25-26 janvier.

    59 DDF, 1959-I, no 225, entretiens franco-britanniques de Londres des 13-14 avril, partie I.

    60 Les Français étaient prêts à aller assez loin dans le sens d’une neutralisation politique de Berlin-Ouest, de facto, une fois le cadre de négociation bien délimité, et une fois reconnu le caractère non négociable du statut juridique quadripartite de Berlin (DDF, 1959-I, no 225, partie I ; UKNA, FO 371/145617, Jebb à Lloyd, compte rendu d’une conversation avec Laloy, 9 avril 1959).

    61 UKNA, PREM 11/2876, comptes rendus de la conversation du 4 février 1959, 21 h, Dulles/Macmillan. Cet entretien eut lieu deux jours après que Macmillan avait appris que les Soviétiques acceptaient sa proposition de rendre visite à Khrouchtchev en URSS (HMD, vol. II, p. 188, entrée du 2 février 1959).

    62 Sur le révisionnisme de la politique étrangère de De Gaulle, lire Bozo Frédéric, « France, “Gaullism”, and the Cold War », in Melvyn Leffler et Odd Westad (dir.), The Cambridge History of the Cold War, vol. II, Cambridge, Cambridge University Press, 2010, p. 158-178.

    63 DDF, 1960-I, no 146, entretiens de Gaulle/Khrouchtchev, 23 mars-2 avril, parties II, VI et VII.

    64 Sur les rapports franco-soviétiques, lire Gomart Thomas, Double détente : les relations franco-soviétiques de 1958 à 1964, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003.

    65 Devant Khrouchtchev, de Gaulle exprima on ne peut plus clairement son refus de reconnaître la RDA au même titre que la RFA. Par contraste avec la thèse soviétique des deux Allemagne, de Gaulle décrivit « l’existence de la République de Pankow » comme un « fait artificiel » qui ne résultait « pas de la volonté librement consentie des habitants ». C’est pourquoi il n’était pas question de consacrer ce « fait accompli » par un traité de paix ou d’accepter de considérer la division allemande « comme définitive » (DDF, 1960-I, no 146).

    66 Dès Bad-Kreuznach (DDF, 1958-II, no 370).

    67 UKNA, PREM 11/2687, f. 96 et suivants, note de Norman Brook, « East-West Relations », 20 août 1959.

    68 AN, 5 AG 1, carton 684, note (non signée) de la Présidence pour le MAE, Paris, 16 mars 1959. Voir aussi les propos de Lloyd devant von Brentano, UKNA, PREM 11/2676, réunions germano-britanniques des 12-13 mars 1959, doc. no 4.

    69 UKNA, FO 371/145617, entrevue avec l’ambassadeur Jebb, 25 avril 1959.

    70 Alphand Hervé, L’Étonnement d’être : journal 1939-1973, Paris, Fayard, 1977, p. 332-334, entrée du 21 mai 1960. L’ambassadeur Chauvel avait fait le premier ce rapprochement avec Chamberlain, peu flatteur pour Macmillan qui avait été hostile à l’apaisement à la fin des années 1930, AMAE, Europe – GB, carton 133, f. 147, télégramme de Chauvel à Couve de Murville, 2 avril 1959.

    71 DDF, 1959-I, no 131 et 270 ; DDF, 1959-II, no 262-263 ; DDF, 1960-I, no 221, partie I.

    72 Nous y revenons plus bas.

    73 DDF, 1959-II, no 5, note du directeur des Affaires politiques, Charles Lucet, 3 juillet (discussion entre Lucet, Jean Laloy, chargé des affaires d’Europe, et Malfatti, ministre conseiller à l’ambassade d’Italie à Paris, sur les consultations politiques à Six).

    74 Voir DDF, 1960-I, no 35 et 208, 25-26 janvier et 9 mai, 1re et 2e conférences de consultation politique des MAE des pays de la CEE (respectivement à Rome et à Luxembourg). Cette démarche européenne eut un certain succès, puisque l’on vit le MAE italien Pella souligner les dangers et ambiguïtés de la détente issue du sommet soviéto-américain de Camp David, ou encore le Hollandais Luns, pourtant fervent anglophile, déclarer qu’il fallait « souligner auprès de l’Angleterre le point de vue des alliés européens » et se dire « frappé par l’indifférence de l’opinion publique britannique devant les dangers qui la menacent » (janvier 1960).

    75 UKNA, PREM 11/2684, comptes rendus des rencontres anglo-américaines à Camp David, doc. no 3 et 5 (conversations des 21 et 22 mars 1959) ; sur ces concertations anglo-américaines secrètes, lire les analyses précises de Gearson John, Harold Macmillan and the Berlin Wall Crisis, op. cit., p. 120-121, 126-127.

    76 Ibid., p. 102-109.

    77 Voir la suite de ce chapitre.

    78 DDF, 1959-II, no 295, sommet occidental de Paris, 19-21 décembre, parties I (réunion des Quatre, Macmillan, de Gaulle, Eisenhower et Adenauer) et IV (réunion à Trois, les mêmes sans Adenauer).

    79 DDF, 1959-II, no 295, II, sommet occidental de Paris (entretien Eisenhower/de Gaulle).

    80 DDF, 1959-II, no 295, V, sommet occidental de Paris (entretien Adenauer/de Gaulle).

    81 DDF, 1960-I, no 132, Alphand à Couve de Murville, 25 mars (compte rendu du groupe de travail quadripartite de Washington sur l’Allemagne et Berlin).

    82 DDF, 1960-I, no 20, note du Quai d’Orsay, 16 janvier, « Problème de Berlin » (dernier paragraphe) et no 124, note du directeur politique (Lucet) pour le ministre, 22 mars (bilan des travaux du groupe de travail tripartite de Paris, sur les relations Est-Ouest).

    83 DDF, 1960-I, no 109 (Macmillan, 13 mars) ; 146, II (Khrouchtchev, 24 mars) ; 182, II (Eisenhower, 24 avril) ; 208, I (réunion des Six, 9 mai) ; 219 (Couve de Murville/Herter, 14 mai).

    84 DDF, 1960-I, no 109, entretiens franco-britanniques de Rambouillet (Macmillan/de Gaulle), 13 mars ; no 128, lettre de Chauvel à Couve de Murville, 24 mars.

    85 Sur le contraste entre les attitudes de De Gaulle et Macmillan, voir DDF, 1960-I, no 221, parties IV, V et VII.

    86 UKNA, PREM 11/2992, doc. no 28 dans les comptes rendus du sommet quadripartite de Paris de mai 1960, note de Macmillan sur une conversation avec Eisenhower, 18 mai, 16 h : le président américain a indiqué à quel point il avait été favorablement impressionné par l’attitude de De Gaulle ; voir aussi l’appréciation de Herter, FRUS, 1958-60, vol. IX, no 189, p. 497-498, Herter au département d’État, 18 mai 1960 : « Du fait du rôle joué par de Gaulle ces derniers jours, beaucoup considèrent ici que le prestige international de la France est plus haut qu’il ne l’a été depuis longtemps. »

    87 Nous suivons là-dessus le jugement formulé avec force par Gearson John, Harold Macmillan and the Berlin Wall Crisis, op. cit., p. 122-137.

    88 Trachtenberg Marc, A Constructed Peace, op. cit., p. 267. Voir les deux visites de Dulles en France, au début de la crise, où la convergence franco-américaine est notable : FRUS, 1958-60, vol. VII-2, no 81, p. 146-153, réunion Dulles/de Gaulle, 15 décembre 1958 ; DDF, 1959-I, no 74, entretien Couve de Murville/Dulles, 6 février.

    89 DDF, 1959-I, no 146, entretiens franco-britanniques de Paris des 9-10 mars, partie II (de Gaulle/Macmillan).

    90 Les échanges franco-britanniques sur les crises qui éclatèrent au Laos et au Congo à cette période ne sont pas traités dans cet ouvrage, car ils nous auraient conduit trop loin de notre perspective à dominante euro-atlantique. Pour une analyse d’un point de vue anglo-américain, voir Ashton Nigel, Kennedy, Macmillan, and the Cold War: The Irony of Interdependence, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2002, p. 28-47 et 109-126.

    91 Voir Bozo Frédéric, Deux stratégies pour l’Europe : de Gaulle, les États-Unis et l’Alliance atlantique, 1958-1969, Paris, Plon, 1996, p. 56-59.

    92 AN, 5 AG 1, carton 684, note de la Présidence pour le MAE, Paris, 16 mars 1959.

    93 AMAE, SG, E&M, carton 6B, f. 42-90, discussions tripartites (Extrême-Orient) ; f. 91-97 et 102-152 (Afrique).

    94 La Grande-Bretagne avait procédé à la reconnaissance de la Chine communiste dès 1950 ; par ailleurs, sur Quemoy et Matsu, Londres cherchait à exercer une influence modératrice sur Washington, insistant par exemple sur la distinction juridique entre Formose et les îlots côtiers, ou sur l’idée d’une réponse proportionnée et non automatiquement nucléaire en cas d’attaque, même contre Formose (AMAE, SG, E&M, carton 6B, f. 43-53, séance tripartite du 5 février 1959).

    95 AMAE, Pactes 1950-1960, carton 35, note pour le Général du 9 février 1959.

    96 AMAE, Pactes 1950-1960, carton 35, note de Boegner, 25 février 1959.

    97 AMAE, Pactes 1950-1960, carton 35, note pour le Général, 13 mars 1959 ; AMAE, SG, E&M, carton 8, f. 84-90, projets d’instructions au Général Gelée, représentant français au sein du Groupe permanent de l’OTAN, début avril 1959 ; DDF, 1959-I, no 198, directives du MAE pour les conversations de Washington, 31 mars.

    98 DDF, 1959-I, no 225, III, conversation Macmillan/Debré, Londres, 14 avril. Voir aussi DDF, 1959-I, no 146, IV, conversation Macmillan/Debré, 10 mars.

    99 AMAE, SG, E&M, carton 6B, f. 92-93 et f. 148-152, 1re et 5e séances de consultations tripartites sur l’Afrique, 16 et 21 avril 1959.

    100 AMAE, Pactes 1950-1960, carton 35, note de Boegner, 4 mai 1959. Voir aussi SG, E&M, carton 6B, f. 99-101, note de synthèse, Louis Joxe, 28 avril 1959.

    101 AMAE, Pactes 1950-1960, carton 35, note du service des Pactes, a. s. « Stratégie globale », 14 août 1959.

    102 UKNA, PREM 11/3002, Jebb au FO, no 200, 18 juin 1959 ; no 204, 21 juin 1959. Pour Jebb, les consultations tripartites qui avaient été acceptées jusqu’ici n’étaient qu’une « manœuvre dilatoire » (« a Fabian manœuvre »).

    103 DDF, 1959-I, no 368, note de la Présidence de la République, audience de l’ambassadeur de Grande-Bretagne, 22 juin ; UKNA, PREM 11/3002, Jebb au FO, 22 juin 1959, no 206-207, entrevue avec de Gaulle.

    104 Le discours de De Gaulle avait été plus radical sur ce point en janvier 1959 (DDF, 1959-I, no 49, rencontre avec le chef de l’opposition travailliste britannique, Hugh Gaitskell, 15 janvier) : « En matière de déclenchement de la guerre atomique, chacune des trois puissances devrait avoir un droit de veto absolu, sauf en cas d’attaque nucléaire sur son propre territoire. » À noter que sur l’OTAN également, de Gaulle avait durci sa ligne devant Gaitskell : « L’OTAN n’existe pas, c’est une illusion », avait-il déclaré.

    105 UKNA, PREM 11/3002, Jebb au FO, 22 juin 1959, no 207, analyse de l’entrevue avec de Gaulle.

    106 UKNA, PREM 11/3002, Roberts au FO, no 214, 19 juin 1959 ; no 225-226, 23 juin 1959.

    107 UKNA, PREM 11/3002, entretien Herter/Lloyd à Genève, 15 juillet 1959, sur la France et de Gaulle.

    108 UKNA, PREM 11/3002, premier projet de télégramme non envoyé, FO à Washington, début juillet 1959.

    109 Il s’agit d’un engagement « personnel », c’est-à-dire verbal et tout à fait confidentiel, que le président Eisenhower avait pris pour la première fois vis-à-vis du secrétaire d’État britannique Anthony Eden en 1953 (UKNA, PREM 11/3002, lettre de Rumbold [FO] à Hood [Washington], 9 juillet 1959).

    110 UKNA, PREM 11/3002, deuxième projet de télégramme non envoyé, FO à Washington, début juillet 1959.

    111 UKNA, PREM 11/3002, FO à Paris, no 1659, 25 juin 1959 (entretien Chauvel/Hoyer-Millar, 23 juin) : Hoyer-Millar affirma qu’il n’existait aucune « machinerie secrète [et] élaborée pour assurer la coopération anglo-américaine sur les questions stratégiques et politiques », ce qui n’était pas vrai, comme il le savait.

    112 DDF, 1959-II, no 108, entretiens franco-américains, Paris, 2-4 septembre.

    113 AMAE, SG, E&M, carton 6B, f. 154-156, Lucet à Couve de Murville, 22 septembre 1959, « Consultations interalliées au sujet des questions d’intérêt général politique et militaire ».

    114 UKNA, PREM 11/3002, lettre d’Eisenhower à Macmillan, 11 septembre 1959.

    115 Voir le discours à l’École militaire du 3 novembre 1959, et la conférence de presse du 10 novembre, dans DG-DM, vol. III, p. 125-144.

    116 Voir Bozo Frédéric, Deux stratégies pour l’Europe, op. cit., p. 53-54 (n. 37 et 38).

    117 DG-LNC, p. 187-188, lettre à Eisenhower, 24 novembre 1959.

    118 DDF, 1959-II, no 224, conversations franco-britanniques de Paris (visite de Lloyd), 11-12 novembre.

    119 DDF, 1959-II, no 295, conférence occidentale au sommet.

    120 Ibid., partie IV, réunion des Trois (de Gaulle, Eisenhower, Macmillan) à Rambouillet, 20 décembre.

    121 Macmillan fut frappé de le constater (HMD, vol. II, p. 262-264, entrées des 19-20 décembre 1959).

    122 UKNA, PREM 11/3002, Macmillan à Lloyd, M506/59, 22 décembre 1959 ; voir aussi PREM 11/2991, Macmillan à Heathcoat Amory (chancelier de l’Échiquier), 22 décembre 1959 : Macmillan se croit désormais « en bonne position pour exercer de fortes pressions » sur de Gaulle en ce qui concerne l’Europe.

    123 UKNA, PREM 11/3002, Macmillan à Lloyd, M506/59, 22 décembre 1959.

    124 UKNA, FCO 51/87, Tripartism and French policies towards the Atlantic Alliance 1957-1969, mémoire de R. M. Bone (West Europe – Joint Research Dept.), §45-46.

    125 Cet épisode est évoqué par Trachtenberg Marc, A Constructed Peace, op. cit., p. 242-244.

    126 UKNA, FO 371/152095, note sur la proposition de discussions tripartites, Patrick Dean pour Hoyer-Millar et Lloyd, avant leur entrevue avec Herter, 21 décembre 1959.

    127 UKNA, PREM 11/2987, réunion Herter/Lloyd, Paris, 21 décembre 1959 (c’est-à-dire le lendemain du jour où Eisenhower fit son offre).

    128 UKNA, PREM 11/3002, Macmillan à Lloyd, M506/59, 22 décembre 1959 ; FO 371/152095, Macmillan à Lloyd, M522/59, 24 décembre 1959.

    129 UKNA, FO 371/152095, lettres de Herter à Couve de Murville et à Lloyd, 3 février 1960. Les comptes rendus britannique et français concordent pourtant sur le fait que l’instigateur de l’offre de Rambouillet fut bel et bien Eisenhower ; en outre, Macmillan, interrogé à ce propos, répondit qu’il était formellement certain de l’exactitude du compte rendu de la réunion du 20 décembre rédigé par de Zulueta (UKNA, FO 371/152095, Macmillan à Lloyd, M522/59, 24 décembre 1959, §1).

    130 Parmi lesquels le sous-secrétaire d’État permanent, Frederick Hoyer-Millar ; Patrick Dean, Deputy Under-Secretary ; Anthony Rumbold, Assistant Under-Secretary.

    131 Macmillan fut dissuadé d’envoyer à de Gaulle une lettre, quelques jours après Rambouillet, où il souhaitait évoquer la suite à donner à l’offre d’Eisenhower (UKNA, PREM 11/2997, projet de lettre à de Gaulle, 29 décembre 1959).

    132 Ce long voyage en Afrique fut marqué par le fameux discours du « Wind of Change » que Macmillan prononça le 3 février 1960 à Cape Town, où il appelait à prendre en compte le mouvement irrésistible d’émancipation de l’Afrique et des populations noires.

    133 UKNA, FO 371/152095, lettres de Jebb à Hoyer-Millar et Lloyd, 22 et 28 décembre 1959 : Jebb demande à être tenu informé, en vain. Voir également UKNA, FO 371/152097, sous-dossier ZP 5/27 : la lettre de Jebb à Lloyd en date du 17 mars 1960 ne fut transmise à son destinataire qu’après le 30 mai.

    134 La métaphore apparaît sous la plume de Frank Roberts, UKNA, FO 371/152095, lettre à Hoyer-Millar, 13 janvier 1960, §6.

    135 UKNA, PREM 11/2998, « Points discutés avec le général de Gaulle à Rambouillet les 12-13 mars 1960 ».

    136 DDF, 1960-I, no 221, sommet de Paris, partie XI, réunion des Trois, 18 mai, 17 h.

    137 Ibid.

    138 DDF, 1960-I, no 263, lettre de De Gaulle à Macmillan et Eisenhower, 10 juin.

    139 DG-LNC, p. 259-261, lettres à Eisenhower et à Macmillan, 9 août 1960.

    140 DDF, 1960-I, no 236 ; UKNA, FO 371/152098, sous-dossiers ZP 5/40-41. Voir aussi la réunion Debré/Macmillan du 19 mai, où ce dernier manifesta son enthousiasme pour le renouveau du tripartisme (DDF, 1960-I, no 235).

    141 En fait, le Foreign Office avait veillé à ce que le texte reste « inoffensif » : c’est le mot employé par le diplomate britannique Tomkins à propos des consultations tripartites politiques, qu’il oppose aux consultations stratégiques, susceptibles quant à elles de faire imploser l’OTAN (UKNA, FO 371/152100, note de Tomkins, 23 juin 1960).

    142 UKNA, FO 371/152100, FO à Caccia, no 2962, contenant la lettre d’Eisenhower à Macmillan du 30 juin 1960. Dans deux projets successifs de réponse à de Gaulle, préparés par les services américains et diffusés aux Britanniques (UKNA, FO 371/152101, Caccia au FO, no 1328, 8 juillet 1960, entrevue avec Kohler ; Caccia au FO, no 1410-11, 18 juillet), les États-Unis semblaient prêts à utiliser les nouvelles conversations militaires tripartites pour compléter l’expérience d’avril 1959 des consultations sur l’Afrique, ou pour évoquer les difficultés qui subsistaient à l’OTAN entre les trois pays : flotte de Méditerranée, défense aérienne intégrée et force MRBM pour l’OTAN.

    143 UKNA, FO 371/152101, FO à Washington, no 3293, 19 juillet 1960.

    144 Macmillan chercha, bien tardivement, à atténuer l’effet négatif du message transmis par ses diplomates aux Américains par une missive à Eisenhower légèrement plus positive (UKNA, FO 371/152101, Macmillan à Eisenhower, 22 juillet 1960). Les diplomates tentèrent de le dissuader d’envoyer cette lettre, en vain cette fois.

    145 En marge respectivement de réunions de l’OTASE, de l’ONU et de l’OTAN (DDF, 1960-I, no 245 ; DDF, 1960-II, no 139 et 274).

    146 UKNA, FO 371/152102-105, sous-dossiers ZP 5/82, ZP 5/95, passim dans les cartons 152104 et 152105.

    147 UKNA, FO 371/152102, FO à Jebb, no 1590, 11 août 1960 (réponse provisoire de Macmillan à la lettre de De Gaulle du 9 août) ; note de Shuckburgh à Rumbold, 12 août 1960, sur les intentions du Premier ministre quant à l’idée d’un sommet à Trois en septembre ; voir enfin PREM 11/3780 (télégrammes du début septembre) : on voit Macmillan osciller de nouveau entre Paris et Washington et chercher à se présenter à de Gaulle comme favorable à l’idée du sommet, sans en avertir Eisenhower (Caccia au FO, no 1737, 2 septembre 1960).

    148 UKNA, FO 371/152102, Washington au FO, no 3535, 4 août 1960, lettre d’Eisenhower à de Gaulle du 2 août (en réponse à la lettre du 10 juin) ; FO 371/152103, FO à Washington, no 3861, 2 septembre 1960, lettre d’Eisenhower à de Gaulle.

    149 DG-DM, vol. III, p. 234-251, conférence de presse.

    150 UKNA, PREM 11/3002, Macmillan à Lloyd, M506/59, 22 décembre 1959 ; PREM 11/2998, Lloyd à Macmillan, 15 février 1960, « France ».

    151 UKNA, PREM 11/2987, note de De Zulueta à Macmillan, 8 décembre 1959. Lire là-dessus Kaiser Wolfram, « The Bomb and Europe: Britain, France and the EEC Entry Negotiations, 1961-1963 », Journal of European Integration History, 1/1, 1995, p. 65-85.

    152 UKNA, PREM 11/2986, rapport interne du Foreign Office, intitulé « l’avenir des relations anglo-américaines », diffusé le 5 janvier 1960, en particulier §16.

    153 UKNA, FO 371/152096, sous-dossier ZP 5/20, notes pour Lloyd, en vue de sa réunion avec Macmillan du 28 février 1960. Sur le sujet de la « France en tant que puissance nucléaire », les diplomates recommandaient de « ne pas évoquer le sujet étant donné que nous ne pouvons pas offrir à de Gaulle d’aide nucléaire militaire, à part de manière conjointe avec les Américains » ; ils conseillaient même à Macmillan d’éviter « d’agir comme un intermédiaire » (« a go-between »). Voir aussi l’avertissement du ministre de la Défense Harold Watkinson (UKNA, DEFE 13/138, lettre de Watkinson à Macmillan, 9 mars 1960), qui réfute un à un les arguments en faveur d’un marchandage euro-nucléaire.

    154 Bozo Frédéric, Deux stratégies pour l’Europe, op. cit., chap. ii.

    155 Alphand Hervé, L’Étonnement d’être, op. cit., p. 343, entrée du 21 décembre 1960.

    156 L’intérêt pour la coopération de défense avec les Britanniques s’était manifesté en fait dès janvier 1960 : le Comité directeur franco-britannique pour la coopération de défense en matière de recherche et développement fut relancé à cette époque, alors que sa dernière réunion avait eu lieu en décembre 1958 ; les Français avaient par ailleurs proposé fin janvier d’organiser une réunion exploratoire entre Watkinson et le général Lavaud, en présence de Chauvel, avant la visite du ministre des Armées Guillaumat à Londres (UKNA, DEFE 13/138, Playfair à Watkinson, 27 janvier 1960).

    157 Côté français : DDF, 1960-I, no 109, compte rendu complet, 13 mars et no 122, lettre de Paul Henry (Présidence) à Beaumarchais (cabinet du MAE), compte rendu complémentaire de la rencontre du 13 mars (une copie de ce document, en AN, 5 AG 1, carton 684, permet d’établir que Courcel en fut l’auteur). Côté britannique : UKNA, PREM 11/2998, « Points discutés avec le général de Gaulle à Rambouillet les 12-13 mars 1960 » ; HMD, vol. II, p. 277-280, entrée du 13 mars 1960. Il n’y a pas de verbatim britannique du fait de l’absence de tout interprète ou secrétaire au moment où le sujet nucléaire fut abordé à Rambouillet.

    158 DDF, 1960-I, no 122. Cette idée fut répétée par Macmillan, presque dans des termes identiques, lors de la visite d’État de De Gaulle, à Londres, un mois après (DDF, 1960-I, no 153, I, 5 avril).

    159 HMD, vol. II, p. 277-280, entrée du 13 mars 1960.

    160 C’est le mot employé par Macmillan, UKNA, PREM 11/2998, lettre à la Reine, 14 mars 1960. Noter la manière dont Macmillan se décerne à lui-même un satisfecit, estimant avoir « découvert beaucoup des intentions de De Gaulle sans [se] découvrir beaucoup [lui]-même ».

    161 UKNA, PREM 11/3713, Roberts au FO, no 113, 31 mars 1960, « force MRBM de l’OTAN », entretien Watkinson/Messmer du 30 mars.

    162 UKNA, DEFE 13/138, Playfair à Roberts (FO, en poste à l’OTAN), 8 avril 1960, à propos du compte rendu français des entretiens de Paris du 30 mars entre Watkinson et Messmer. Sur un seul point, les Britanniques laissèrent la porte ouverte : le Blue Streak, que Londres venait d’abandonner en tant que projet militaire, pourrait être converti en lanceur de satellites et constituer ainsi la base d’une coopération spatiale franco-britannique et européenne, à vocation strictement civile (UKNA, PREM 11/3713, Watkinson à Macmillan, 12 mai 1960, §10). Lire là-dessus Pagedas Constantine, « The Afterlife of Blue Streak: Britain’s American Answer to Europe », Journal of Strategic Studies, vol. 18, 1995, p. 1-24. Jusqu’au début de l’année 1961, les Français tentèrent d’ailleurs, par ce biais, d’entraîner les Britanniques dans une coopération qui s’étendrait aux applications militaires, sans succès.

    163 Baylis John, Ambiguity and Deterrence: British Nuclear Strategy : 1945-1964, Oxford, Clarendon Press, 1995, p. 279-298 ; Clark Ian, Nuclear Diplomacy and the Special Relationship, op. cit., p. 157-189 et 251-296.

    164 Baylis John, Ambiguity and Deterrence, op. cit., p. 288.

    165 DDF, 1960-I, no 190, note de la direction politique, « Suite à donner à la proposition de M. Gates », 29 avril.

    166 Quelques mois plus tard, alors qu’Alphand lui demandait s’il n’était pas possible d’envisager une coopération nucléaire avec Washington similaire à celle obtenue par Londres, de Gaulle répondit, cinglant : « Les Anglais ont payé un prix que la France ne peut accepter. Ils sont devenus satellites de l’Amérique, truffés d’armes dont ils n’ont pas le contrôle » (Alphand Hervé, L’Étonnement d’être, op. cit., p. 343, entrée du 21 décembre 1960).

    167 Cité par Horne Alistair, Macmillan, op. cit., p. 231. Voir aussi UKNA, PREM 11/2983, Macmillan à Bishop, note no 268/60, 31 juillet 1960.

    168 UKNA, PREM 11/2998, « Points discutés avec le général de Gaulle à Rambouillet les 12-13 mars 1960 ».

    169 Les spécialistes de la politique étrangère britannique ont beaucoup écrit sur la conversion progressive du gouvernement Macmillan à l’idée d’une candidature britannique à la CEE : Milward Alan, The United Kingdom and the European Community: I. The Rise and Fall of a National Strategy: 1945-1963, Londres, Whitehall History Pub., 2002, chap. 11, p. 310-351 ; Deighton Anne, « La Grande-Bretagne et la Communauté économique européenne (1958-1963) », Histoire, économie et société, 13, 1994, p. 113-130 ; Kaiser Wolfram, Using Europe, Abusing the Europeans: Britain and European Integration, 1945-63, Londres, Macmillan Press, 1996, p. 108-173. Côté français, la période 1959-1960 n’a pas suscité le même intérêt.

    170 DDF, 1959-I, no 34, échanges de vues franco-britanniques (Olivier Wormser, François Valéry/Paul Gore-Booth, Hugh Ellis Rees), 19 janvier.

    171 UKNA, PREM 11/2826, note sur la ZLE, 20 janvier 1959, compte rendu de la première réunion franco-britannique du 16 janvier (Olivier Wormser/Paul Gore-Booth).

    172 DDF, 1958-II, no 351, Couve de Murville à Louis Joxe, secrétaire général, 21 novembre.

    173 Ibid.

    174 UKNA, PREM 11/2826, Clarke (Rome) au FO, no 871, 9 décembre 1958, avec commentaire de Macmillan, 14 décembre.

    175 UKNA, PREM 11/2826, Macmillan à Lloyd, no 2921, 17 décembre 1958.

    176 UKNA, PREM 11/2826, analyse de De Zulueta à propos de l’entrevue de Gaulle/Lloyd du 17 décembre, 30 décembre 1958 ; PREM 11/2827, f. 170-5, de Zulueta à Macmillan, 4 mars 1959, en commentaire d’une note du même jour, « Closer Economic Association with Europe ».

    177 UKNA, FO 371/145616, fiche pour Macmillan en vue de la visite en France des 9-10 mars 1959, « Anglo-French quota negotiations » ; PREM 11/2701, rencontre Macmillan/Debré, Couve de Murville, Londres, 14 avril 1959 : Macmillan salue l’accord temporaire sur les quotas entre les deux pays.

    178 UKNA, PREM 11/2826, note de Gore-Booth à Hoyer-Millar, 21 janvier 1959.

    179 L’AELE comprenait sept pays membres : le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse, la Norvège, le Danemark, l’Autriche et le Portugal. Voir UKNA, PREM 11/2827, f. 130-2, réunion interministérielle du 6 mai 1959, sur l’association de commerce européenne ; télégramme circulaire du FO, no 196, 22 mai 1959.

    180 Voir UKNA, PREM 11/2827, de Zulueta à Macmillan, 4 mars 1959.

    181 UKNA, PREM 11/2827, télégramme circulaire du FO, no 196, 22 mai 1959.

    182 Sur l’attitude de Couve de Murville et de Wormser, voir UKNA, FO 371/145619, lettre de James Murray (Paris) à Hancock (FO), 27 août 1959, concernant un entretien avec le directeur de cabinet de Couve de Murville, Robert Gillet : selon ce dernier, jusqu’en mai, Couve de Murville avait régulièrement insisté sur la nécessité de trouver un moyen de résorber la rupture avec la Grande-Bretagne entraînée par la formation des Six ; depuis ce moment, qui correspond à la décision de former l’AELE, il avait « de plus en plus accepté les conseils négatifs que lui apportait Olivier Wormser ».

    183 L’exception est Vaïsse Maurice, « De Gaulle, l’Italie et le projet d’union politique européenne, 1958-1963 : chronique d’un échec annoncé », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 42, 1995, p. 658-669.

    184 DDF, 1958-II, no 108, entretiens franco-italiens de Gaulle/Fanfani, 7 août ; voir aussi no 200, audience avec Spaak, 24 septembre.

    185 DDF, 1959-I, no 371, conversation en tête-à-tête entre de Gaulle et le président Gronchi à Rome, 24 juin.

    186 Voir DDF, 1959-II, no 5, note du directeur des Affaires politiques, 3 juillet. Cet objectif fut d’ailleurs réaffirmé par de Gaulle le 4 septembre 1959, lorsqu’il reçut Segni et Pella (DDF, 1959-II, no 109, I).

    187 DDF, 1959-I, no 174, partie III, audience accordée par le général de Gaulle à M. Segni (Premier ministre) et M. Pella (MAE), 20 mars.

    188 DDF, 1959-II, no 46, Palewski (Rome) à Couve de Murville, 30 juillet.

    189 DDF, 1959-II, no 5, discussion franco-italienne entre Laloy, Lucet et Malfatti, 3 juillet ; no 46, télégramme de Palewski, 30 juillet ; no 112, télégramme circulaire de Couve de Murville, 5 septembre.

    190 UKNA, PREM 11/3002, FO à La Haye, no 395, 16 juillet 1959, « Political Consultations among the Six » (conversation entre l’ambassadeur néerlandais à Londres Bentinck et Hoyer-Millar, le 15 juillet). Voir aussi DDF, 1959-II, no 27 et 118.

    191 DDF, 1959-II, no 9 et 22 ; AMAE, Europe 1956-1960, carton 168, f. 30-33, Bousquet (Bruxelles) à Couve de Murville, 24 juillet 1959.

    192 UKNA, PREM 11/3002, de Zulueta à Macmillan, note du 17 juillet 1959.

    193 DDF, 1959-II, no 56, note de la direction d’Europe, « Position de la Grande-Bretagne sur les consultations politiques à Six », 6 août.

    194 AMAE, Europe 1956-1960, carton 168, f. 94, Seydoux (Bonn) à MAE, 10 septembre 1959 ; f. 102, Palewski (Rome) à MAE, 2 octobre 1959.

    195 DDF, 1959-II, no 196, Chauvel à Couve de Murville, 21 octobre, sur une déclaration britannique au Conseil de l’UEO sur le rôle futur de cette organisation, en parallèle des consultations politiques à Six.

    196 DDF, 1959-II, no 224, conversations franco-britanniques de Paris (visite de Lloyd), 11-12 novembre.

    197 Ni Lloyd ni de Zulueta ne croyaient à la relance de l’UEO (UKNA, PREM 11/2679, Lloyd à Macmillan, 25 novembre 1959, « Thoughts on the present situation » ; de Zulueta à Macmillan, 27 novembre 1959).

    198 UKNA, PREM 11/2679, réunion des Chequers du 29 novembre 1959 (f. 11-12).

    199 UKNA, PREM 11/2985, Macmillan à Lloyd, M484/59, « Europe », 11 décembre 1959.

    200 UKNA, PREM 11/2985, Macmillan à Lloyd, M381/59, 22 octobre 1959, « The organisation of Europe ».

    201 DDF, 1959-II, no 224, conversations franco-britanniques de Paris (visite de Lloyd), 11-12 novembre.

    202 UKNA, PREM 11/2714, rencontres germano-britanniques à Londres, 18-19 novembre 1959, doc. no 2 et 5, Lloyd/von Brentano et Adenauer/Macmillan. Le partage d’informations avec les Français, après la difficile visite d’Adenauer en Angleterre, fut intense : DDF, 1959-II, no 236, entretien Seydoux/Carstens, 20 novembre ; no 249, Seydoux/Adenauer, 25 novembre ; no 263, entretiens franco-allemands de Paris, 1er et 2 décembre.

    203 UKNA, PREM 11/2985, « UK Policy towards Western Europe: the Six and the Seven », SC(59)40, rapport de la Planning Section, 27 octobre 1959.

    204 D’après le Foreign Office, les trois exigences britanniques (l’exclusion du secteur agricole, le droit d’entrée libre des produits du Commonwealth et le refus d’une politique commerciale harmonisée) devraient être abandonnées, au moins partiellement.

    205 Principal Private Secretary (équivalent de chef de cabinet), auprès de Macmillan jusqu’à l’automne 1959, il est ensuite nommé Deputy Secretary to the Cabinet, sous l’autorité de Norman Brook.

    206 UKNA, PREM 11/2985, note de Bishop, « Thoughts on Policy Towards Western Europe », novembre 1959.

    207 UKNA, PREM 11/2679, réunion des Chequers du 29 novembre 1959.

    208 Voir UKNA, PREM 11/2985, messages de Macmillan à Lloyd, Heathcoat Amory (chancelier de l’Échiquier), Watkinson (Défense), 11 décembre 1959, qui montrent que l’Europe reste au cœur des interrogations de Macmillan, sans réponse satisfaisante, même après la réunion des Chequers.

    209 Sur l’importance historique du rapport Lee, lire Milward Alan, The United Kingdom and the European Community, op. cit., p. 319-335.

    210 Deighton Anne, « La Grande-Bretagne et la CEE », art. cité, p. 121-123. Voir UKNA, CAB 128/34/41, compte rendu synthétique de la réunion du 13 juillet 1960.

    211 Macmillan évoqua alors explicitement la question européenne comme sujet pertinent pour les Trois : DDF, 1959-II, no 295, conférence occidentale au sommet, partie IV, réunion de Gaulle/Eisenhower/Macmillan, Rambouillet, 20 décembre ; UKNA, PREM 11/2992, doc. no 28, rencontre Macmillan/Eisenhower, 18 mai 1960.

    212 Plusieurs personnalités favorables à une politique plus ambitieuse envers les Six furent placées à des postes clés : Edward Heath, Lord of Privy Seal, avec une responsabilité spécifique pour la politique européenne ; Duncan Sandys, secrétaire d’État pour le Commonwealth ; Christopher Soames, à l’agriculture ; Peter Thorneycroft, au ministère de l’Aviation. Macmillan gardait des proches aux ministères les plus importants : Home, au Foreign Office ; Lloyd, au Trésor, tandis que les personnalités les plus hostiles aux Six étaient éloignées des sujets européens.

    213 Dès décembre 1959, Macmillan confiait à Lloyd que la grande ZLE était selon lui hors d’atteinte (cité par Milward Alan, The United Kingdom and the European Community, op. cit., p. 319) ; quant à l’AELE, il la décrivait comme « une plante plutôt fragile » (UKNA, PREM 11/2985, Macmillan à Lloyd, M381/59, 22 octobre 1959, « The organisation of Europe »).

    214 Ces mesures consistaient en un abaissement des droits de douane de 10 % et une augmentation des contingents de 20 %, vis-à-vis de l’ensemble des pays faisant partie du GATT.

    215 Sur les négociations entre les Six en octobre-novembre 1959, voir DDF, 1959-II, no 137, 187, 239, 251.

    216 DDF, 1959-II, no 109, I, entretiens franco-italiens, 4 septembre ; no 137, Seydoux à Couve de Murville, entretien Wormser/van Scherpenberg, Müller-Armack, sur l’avenir de l’Europe, 18 septembre.

    217 Sur la transformation de l’OECE en OCDE, lire Giauque Jeffrey, Grand Designs, op. cit., p. 68-73 et 103-106 et Gerbet Pierre, La construction de l’Europe, Paris, Imprimerie nationale, 1999, p. 207-210.

    218 DDF, 1959-II, no 263, II, Adenauer/Debré, Couve de Murville, Matignon, 1er décembre ; voir aussi UKNA, PREM 11/2714, doc. no 5, Adenauer/Macmillan, Londres, 19 novembre 1959, §20.

    219 Cette convergence franco-américaine avait été préparée en amont par les Français (voir DDF, 1959-II, no 56, note sur la position britannique à propos des consultations politiques à Six, 6 août ; no 108, III, entretien de Gaulle/Eisenhower, 2 septembre).

    220 UKNA, PREM 11/2870, fiche du FO, 22 octobre 1959 ; fiche de De Zulueta à Macmillan, 7 décembre ; verbatim de la discussion Macmillan/Dillon, 9 décembre. Voir aussi DDF, 1959-II, no 274-275, Chauvel à Couve de Murville, 10-11 décembre, rapport sur la visite de Dillon à Londres.

    221 DDF, 1959-II, no 284, note de la DAEF, entretien Couve de Murville/Dillon, 13 décembre.

    222 La coordination avec les États-Unis se poursuivit début janvier 1960 (DDF, 1960-I, no 8, 12 et 14) : le département d’État confirma son objectif de « se débarrasser entièrement de l’OECE ancienne manière ».

    223 PREM 11/2986, rapport interne du FO, « l’avenir des relations anglo-américaines », 5 janvier 1960, §14.

    224 DDF, 1960-I, no 7, MAE à Gorse (représentant permanent auprès des Communautés), 5 janvier, instructions pour préparer la réunion à Paris du comité ad hoc des Treize, chargé d’initier la réforme de l’OECE.

    225 L’OCDE rassembla dès sa fondation, outre les pays d’Europe, les États-Unis et le Canada. Le Japon en devint membre en 1964. La dimension régionale ouest-européenne fut donc bel et bien effacée par la transformation institutionnelle de 1959-1960. En outre, à la différence de l’OECE qui avait joué un rôle majeur pour éliminer les contingentements quantitatifs et faciliter les paiements multilatéraux en Europe, l’OCDE devint pour l’essentiel un organisme international d’expertise économique, sans pouvoir décisionnel fort.

    226 DDF, 1960-I, no 22-23, télégrammes circulaires de Couve de Murville, 17 janvier (résultats de la réunion du comité des Treize des 12-13 janvier à Paris) : « La grande zone de libre-échange ne ressuscitera pas de sitôt », même si « le conflit tarifaire [intra-européen] continue ».

    227 DDF, 1960-I, no 171, note de la DAEF (Olivier Wormser), 15 avril, « Accélération du traité de Rome ». Le plan Hallstein du 1er mars proposait les mesures suivantes : l’élimination complète des contingents sur les produits industriels d’ici le 31 décembre 1961, entre les Six ; la réduction accélérée des droits de douane, 20 % au 1er juillet 1960, 20 % au 31 décembre 1961 ; l’élimination, erga omnes, des contingents sur les produits industriels, sous réserve de réciprocité ; un premier rapprochement des tarifs nationaux des Six vers le TEC, au 1er juillet 1960 au lieu du 31 décembre 1961, le TEC lui-même étant réduit de 20 %, moyennant une certaine réciprocité de la part des pays tiers industrialisés ; une impulsion nouvelle vers l’harmonisation des politiques en matière commerciale, sociale, agricole.

    228 DDF, 1960-I, no 71, note de Wormser à Couve de Murville, 15 février ; no 164, note de la DAEF (Valéry), « remarques sur les perspectives européennes », 11 avril.

    229 DDF, 1960-I, no 109, entretiens franco-britanniques de Rambouillet (Macmillan/de Gaulle), 13 mars.

    230 UKNA, CAB 21/3260, entretiens anglo-américains, à l’ambassade britannique, 28 mars 1960, 9 h 30 (Herter, Dillon/Macmillan). Le compte rendu britannique a été largement expurgé des déclarations les plus excessives de Macmillan ; le verbatim américain (FRUS, 1958-60, vol. VII-1, no 113) est un petit peu plus complet ; le verbatim en version intégrale a depuis été rendu disponible (voir Giauque Jeffrey, Grand Designs, op. cit., p. 253, n. 144).

    231 Lire l’enquête de Bange Oliver, The EEC Crisis of 1963: Kennedy, Macmillan, de Gaulle and Adenauer in Conflict, Londres, Macmillan Press, 2000, p. 13-16.

    232 DDF, 1960-I, no 218, télégramme circulaire de Couve de Murville, 14 mai (Conseil des ministres de la CEE du 13 mai).

    233 DDF, 1960-I, no 84, Chauvel à Couve de Murville, 22 février (analyse des raisons qui empêchent la Grande-Bretagne de s’associer ou d’adhérer au Marché commun).

    234 L’expression est de Chauvel (DDF, 1960-II, no 288, Chauvel à Couve de Murville, 22 décembre).

    235 DDF, 1960-I, no 164, note de la DAEF (Valéry), « remarques sur les perspectives européennes », 11 avril.

    236 Chauvel Jean, Commentaire, vol. III, De Berne à Paris : 1952-1962, Paris, Fayard, 1971, p. 256.

    237 Ibid., p. 272-275.

    238 Ibid.

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