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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Quand Vichy favorise l’intervention de l’État dans la formation professionnelle L’enseignement technique, envers et contre tous Luc au secours de Bonnard La promotion de trop ? Notes de bas de page

    Hippolyte Luc

    Ce livre est recensé par

    • Marc Suteau, Revue française de pédagogie, mis en ligne le 25 juin 2024. URL : https://journals.openedition.org/rfp/13572 ; DOI : https://doi.org/10.4000/11w0h
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    Table des matières

    Chapitre IX. 1942-1944 : prisonnier de son œuvre jusqu’à la déraison ?

    p. 159-180

    Texte intégral Quand Vichy favorise l’intervention de l’État dans la formation professionnelle L’enseignement technique, envers et contre tous Luc au secours de Bonnard La promotion de trop ? Notes de bas de page

    Texte intégral

    1Malgré un nouveau ministre que sa soumission au nazisme conduira jusqu’à Sigmaringen, malgré l’occupation de la zone sud et la fin de la chimère pétainiste, malgré la rafle du Vel d’Hiv et l’évidence de la persécution des Juifs, Hippolyte Luc conserve son poste après le départ de Jérôme Carcopino et son remplacement par Abel Bonnard le 18 avril 1942. C’est que, à nouveau, la politique de Vichy lui offre, de manière assez inattendue, de nouvelles perspectives pour le développement de l’enseignement technique. Mais à confondre son propre destin avec celui de son administration, à user sans limite de son habileté de diplomate, il n’a pas vu, ou pas voulu voir, à quel point les compromissions que ce choix lui imposait allaient affecter sa réputation, et sans doute aussi son propre équilibre psychologique. Une faute sanctionnée par un effacement de l’histoire, tragique pour celui qui toute sa vie avait attendu la reconnaissance de la République, et l’aurait à l’évidence méritée s’il avait su se retirer à temps.

    Quand Vichy favorise l’intervention de l’État dans la formation professionnelle

    2Pour comprendre ce qui a poussé Luc à conserver son poste sous la tutelle d’Abel Bonnard, il faut s’attarder un peu plus sur la politique de Vichy en matière de formation professionnelle des jeunes. En effet, non seulement Luc a pu voir dans l’action du gouvernement en faveur des centres de formation professionnelle la possibilité de développer le degré élémentaire de l’enseignement technique public auquel il aspirait, mais le pouvoir pétainiste a aussi produit un travail législatif qui a renforcé le contrôle de l’État sur la certification des qualifications ouvrières et les diplômes professionnels, dans la suite des initiatives antérieures, y compris celles du Front populaire. Cette politique, et surtout les conditions de son application, ont offert à Luc une nouvelle opportunité de poursuivre l’œuvre entamée sous le régime précédent.

    3La paradoxale continuité entre Vichy et la IIIe République dans le domaine de la formation professionnelle tient pour l’essentiel au projet de restauration des corporations, un des piliers de la Révolution nationale portée par Pétain. L’utopie corporatiste d’une association du capital et du travail était a priori pensée pour abolir, entre autres, les acquis du Front populaire : son premier objectif était de lutter contre l’idéologie de la lutte des classes en supprimant les syndicats ouvriers et en construisant une solidarité verticale entre employeurs et salariés au sein des corporations reconstituées.

    4Mais le projet corporatiste s’inscrivait aussi dans une autre perspective, celle de « donner une place plus large au travail manuel dont la valeur éducative était méconnue » par opposition à une « pseudo culture livresque », pour reprendre les termes de Pétain lui-même dans son message aux écoliers de France du 13 octobre 1941. Outre l’urgence de former des jeunes dans le contexte de pénurie de main-d’œuvre liée à la guerre, cette volonté de réhabiliter le travail manuel traduisait une vision traditionnaliste et conservatrice de la société française, opposée au développement de l’instruction publique républicaine (la « pseudo culture livresque »). Abel Bonnard avait été un des principaux promoteurs avant-guerre de cette conception aristocratique et ultra-élitiste de l’éducation, notamment dans un livre de 1926 intitulé Éloge de l’ignorance. Réactivant l’hostilité à l’instruction du peuple de la fraction la plus conservatrice de la bourgeoisie du xixe siècle, il y fustigeait l’ambition républicaine d’instruction publique qu’il accusait de favoriser « surtout la médiocrité […] dans un esprit de haine sourde de toute supériorité ». Autrement dit, l’éducation « livresque » devait être réservée à une élite méritante, et ne revenait au peuple qu’une éducation utilitaire correspondant à sa place et à sa fonction dans la société. Une idéologie anti-républicaine, résolument opposée au projet de démocratisation émancipatrice de l’instruction, porté notamment par les Compagnons de l’université nouvelle, et donc a priori radicalement incompatible avec les convictions de Luc.

    5Cependant, pour réhabiliter le travail manuel dans une logique corporatiste, il fallait aussi revaloriser le statut des ouvriers et des artisans. C’est ce que fait la Charte du travail promulguée le 4 octobre 1941 par le ministre du travail René Belin, ancien dirigeant de la CGT, rallié à Vichy par anti-communisme. L’article 2 du titre 1 de la Charte stipule ainsi que « les personnes participant à une activité professionnelle […] possèdent la propriété d’une qualification professionnelle correspondant à leurs aptitudes, qui donne aux salariés, en échange du travail correspondant, le droit au salaire et avantages attachés à cette qualification, conformément aux règlements de la profession ». Outre un salaire minimum1, la Charte voulait donc imposer aux patrons de proportionner rigoureusement les salaires de leurs salariés à une échelle de qualifications définie hors de leur contrôle et reconnue dans le Code du travail indépendamment de la hiérarchie interne des entreprises. C’est-à-dire exactement ce que le Front populaire avait cherché à imposer à travers l’obligation faite aux employeurs de négocier les conditions de travail et de salaires dans le cadre des conventions collectives de chaque branche professionnelle. On se souvient qu’à l’époque, Luc avait immédiatement considéré ce nouvel aspect de la législation du travail comme le moyen d’améliorer la reconnaissance des diplômes délivrés par l’enseignement technique. Ainsi, deux idéologies profondément contradictoires, l’une répondant aux revendications syndicales, l’autre au contraire visant à les annihiler, aboutissaient à des décisions politiques équivalentes.

    6Or cette paradoxale équivalence ne s’arrêtait pas là puisque la Charte n’a pas non plus remis en cause la définition de la qualification ouvrière telle que l’avaient établie les mêmes conventions collectives, qui définissaient l’ouvrier qualifié comme celui qui maîtrisait « un métier dont l’apprentissage peut être sanctionné par un CAP ». Dans la suite de la Charte, pour en garantir l’application et par crainte de l’opposition d’une partie du patronat, Vichy a donc produit des lois et des règlements pour obliger les entreprises à participer à l’effort de formation professionnelle des jeunes tout en renforçant le rôle de l’État dans la certification des qualifications. Il s’agissait notamment de s’appuyer sur le diplôme de base de la qualification ouvrière, le CAP2.

    L’enseignement technique, envers et contre tous

    7Convaincu que sa mission – assurer la pérennité et le développement de l’enseignement technique – transcendait les réalités politiques du moment, Luc saisit les orientations du régime comme autant d’opportunités lui permettant de poursuivre la politique engagée par la direction de l’Enseignement technique depuis la fin des années 1920 et amplifiée avec le Front populaire. Plusieurs textes promulgués entre 1941 et 1943 s’inscrivent dans cette continuité. C’est ainsi que la loi du 18 août 1941 modifie la loi Astier sur plusieurs points dans le sens d’un renforcement du pouvoir des préfets. Ces derniers sont désormais « seuls juges de l’utilité des demandes3 » de création de diplômes et ne sont plus tenus de choisir les membres des jurys parmi les employeurs et les salariés des commissions locales. Par ailleurs, on se souvient qu’au moment du Front populaire Luc avait engagé le corps d’inspection dans un vaste travail d’homogénéisation des programmes et règlements d’examens dont l’objectif était d’aboutir à la rédaction d’un règlement national applicable à l’ensemble du territoire national. C’est chose faite en décembre 19434 pour tous les CAP industriels. Bernard Charlot et Madeleine Figeat soulignent ainsi le paradoxe de Vichy, qui, au nom d’une idéologie radicalement opposée, a assuré en ce domaine la continuité entre le Front populaire et la Libération : « Le CAP joue désormais un rôle important dans la définition de la qualification et dans la reconnaissance de l’ouvrier professionnel, écrivent-ils. Ce rôle, que nous avions vu s’esquisser dès 1936, s’accentue en 1943 et s’affirmera encore davantage après la Libération5. »

    8Plus largement, un changement capital s’accomplit par la loi du 4 août 1942 complétée par celle du 4 octobre 1943 : l’État a désormais le monopole de la délivrance de tous les diplômes professionnels. C’est l’aboutissement du combat engagé par Luc depuis les années 1930. On se souvient qu’entre 1935 et 1938 les tentatives pour interdire aux écoles privées de délivrer des diplômes avaient échoué face à l’opposition de puissants groupes de pression bénéficiant d’une écoute bienveillante au Sénat6. Dans les conditions politiques nouvelles du régime de Vichy, la loi du 4 août 19427 reprend l’essentiel des idées de Luc. Son article 1er stipule que « les écoles privées d’enseignement technique industriel et commercial ne peuvent décerner aucun diplôme, soit à titre gratuit, soit à titre onéreux ». Elle déclenche aussitôt la riposte du Comité national de l’Enseignement libre qui, le 15 septembre 1942, adresse au ministre un rapport dans lequel il considère que la loi « établit pour l’enseignement professionnel un régime d’exception contraire au principe de la liberté de l’enseignement8 ». Mais l’offensive la plus vigoureuse contre Luc est conduite par Frédéric Ozil, fondateur et directeur de l’École universelle, important et influent établissement privé d’enseignement par correspondance existant depuis 1907. Dans une longue lettre personnellement adressée à Abel Bonnard, Ozil considère « comme un devoir envers le pays » d’attirer l’attention du ministre sur « l’attitude constante de l’Administration de l’Enseignement technique et particulièrement sur celle de son Directeur général Monsieur LUC9 ». Sa lettre est accompagnée d’un véritable réquisitoire de treize pages qui pointe les dispositions jugées « exorbitantes du droit commun » d’un texte accusé d’être « intentionnellement obscur ». Luc y est désigné comme l’instigateur de « manœuvres tortueuses10 » qui visent à profiter des circonstances nées de la défaite de 1940 pour faire aboutir un projet, décrit comme un complot conçu de longue date. Ce faisant, il rend un hommage bien involontaire à l’action persévérante du directeur de l’Enseignement technique :

    « Les lacunes et les obscurités que présente la loi du 4 août 1942 pourraient faire supposer qu’il s’agit d’un texte rédigé hâtivement par un fonctionnaire peu au courant de la question et pour faire face à une nécessité urgente.
    Il n’en est rien.
    Bien loin d’être un texte improvisé, cette loi est l’aboutissement de toute une série de tentatives dont la première remonte au mois de septembre 1935 ; elle est le terme d’une longue route jalonnée par toute une série de projets et avant-projets dont aucun, jusqu’à présent, n’avait pu aboutir par suite évidemment d’un vice fondamental.[…]
    L’Administration attendit patiemment le moment de donner force de loi à un texte susceptible de la satisfaire.
    Ce moment favorable naquit, hélas ! de nos désastres. Le texte en question est la loi du 4 août 1942. »

    9À l’issue d’un argumentaire juridique complexe et habilement construit, Ozil s’efforce de démontrer que toute la stratégie d’Hippolyte Luc ne vise, en réalité, qu’à créer « un injustifiable monopole » au profit de l’École des Travaux publics dont la filiale – L’École chez soi – est une concurrente de L’École universelle. Pour conclure et appuyer sa démonstration, F. Ozil ne manque pas de rappeler que Léon Eyrolles, fondateur de L’École chez soi et directeur de L’École des travaux publics, « a toujours entretenu les relations amicales les plus étroites avec certaines personnalités de l’Enseignement technique », qu’il dirige également la Librairie de l’enseignement technique, laquelle publie les ouvrages « d’un grand nombre de fonctionnaires dépendant de la direction générale de l’Enseignement technique » et édite les textes officiels ainsi que « les programmes de nombreux concours et examens » de cette même direction. Bref, à ses yeux, la collusion est clairement établie entre une entreprise particulière – celle de Léon Eyrolles – et le directeur général de l’Enseignement technique.

    10Nous ignorons comment furent reçues ces accusations dans l’entourage du ministre. Mais, à la même époque, un rapport anonyme du 4e bureau de la DET recommande la prudence en signalant que la loi « va faire disparaître des traditions déjà anciennes et toucher à des intérêts privés11 », ce qui ajoute aux difficultés de sa mise en œuvre. De fait, celle-ci supposait d’accomplir un gros travail d’investigation afin de mieux appréhender la réalité des formations de tous degrés dispensées dans les écoles privées. Les mises en garde n’empêchent pas Luc de lancer, à partir de novembre 194212, une grande enquête auprès de toutes les écoles privées afin de connaître la durée de leurs études, la dénomination des sections, les programmes des matières enseignées, les règlements d’examens, la liste du personnel enseignant, les débouchés professionnels auxquels peuvent prétendre les élèves. Par ailleurs, la loi d’août 1942 comportait un point faible : elle laissait la possibilité à des particuliers, à des associations ou à des groupes n’ayant ouvert aucun établissement d’enseignement, d’organiser des examens et de délivrer des diplômes. Cette lacune est comblée par la loi du 4 octobre 1943 qui étend et précise le champ d’application de celle d’août 1942 : dorénavant, « les écoles publiques et privées d’enseignement technique, industriel et commercial, les écoles par correspondance, les cours professionnels, les sociétés, les syndicats et groupements professionnels » ne pourront plus délivrer de diplômes professionnels « sanctionnant une préparation à l’exercice d’une profession industrielle, commerciale ou artisanale13 ». À la fin de l’année 1943, Luc a atteint son objectif : les diplômes produits et garantis par l’État servent désormais de références standardisées des qualifications professionnelles prises en compte dans les conventions collectives. Preuve, s’il en fallait, de la pertinence de cette stratégie : à la Libération, la loi du 4 octobre 1943 sera validée comme « Loi de la République ».

    11L’obstination de Luc, et ce que l’on peut considérer comme son succès si l’on occulte le contexte politique dans lequel il l’obtient, incitent à rapprocher ici son cas de celui de Louis Hautecœur14, professeur à l’école du Louvre et fondateur du musée d’Art moderne en 1937, qui a accepté en juillet 1940 d’être nommé directeur général des beaux-arts au ministère de l’Instruction publique. Si les opinions politiques d’Hautecœur avant la défaite étaient moins nettement affirmées que celles de Luc et s’il s’est déclaré explicitement maréchaliste, il est toutefois, comme Luc, porteur d’une vision de la politique du patrimoine et va profiter de l’autorité de Vichy pour la mettre en œuvre, tout en restant à l’écart d’un engagement en faveur de la politique de collaboration. Il réussit ainsi à faire promulguer plusieurs lois sur la conservation du patrimoine, la réglementation des fouilles archéologiques, la protection des paysages et les conditions d’accès à la profession d’architecte dont la nécessité était reconnue depuis longtemps et qui seront conservées après la guerre. À la différence de Luc à qui fut notifié verbalement, par le chef de cabinet du ministre Bonnard, l’ordre de ne plus reparaître au ministère, Hautecœur sera, lui, mis à la retraite d’office par Vichy en 1944. Mais les deux hommes seront tous deux soumis à une enquête à la Libération, blanchis et finalement réintégrés dans l’administration. Et, comme Luc en attente du titre d’inspecteur général, Hautecœur estimait ne pas avoir obtenu avant-guerre la reconnaissance qu’il pensait mériter. Il est également intéressant d’associer à l’itinéraire de Louis Hautecœur pendant l’Occupation celui du célèbre pianiste Alfred Cortot15. Fondateur de l’École normale de musique en 1919, Cortot est sollicité par Hautecœur dès 1940 pour protéger financièrement et promouvoir les artistes français. Cette démarche s’inscrit ensuite incontestablement dans la logique de propagande de la Révolution nationale, mais aux yeux de Cortot, elle constitue surtout la suite d’un effort de modernisation et de rationalisation de la formation et du statut des musiciens pour lesquels il avait agi et milité tout au long des années vingt et trente. Comme Luc et Hautecœur, Cortot sera jugé et sanctionné à la Libération, mais finalement totalement blanchi au bout d’un an, notamment en raison de nombreux témoignages de musiciens juifs qu’il avait protégés grâce à ses fonctions. Le parallèle entre toutes ces trajectoires rappelle à quel point l’autoritarisme de Vichy associé à la combinaison de visions politiques divergentes voire conflictuelles a ouvert à des hommes tels que Luc, Hautecœur ou Cortot, de surprenants espaces de liberté d’action qu’ils ont investis pour poursuivre leurs projets d’avant-guerre auxquels ils accordaient finalement plus d’importance que la lutte contre l’occupant. Le reste de l’itinéraire de Luc va s’inscrire pleinement dans la même logique.

    12En effet, son implication dans l’élaboration du dispositif réglementaire et législatif concernant les diplômes, n’est pas dissociable du combat incessant qu’il mène pour défendre l’enseignement technique et imposer la place qu’il estime devoir légitimement lui revenir dans la formation professionnelle de la jeunesse. Son combat prend toute sa signification après la réorganisation du secrétariat d’État à l’Éducation nationale en janvier 1942. La direction de l’Enseignement technique reste attachée à l’Instruction publique tandis que le service du Travail des Jeunes passe au secrétariat à la Jeunesse. Or, en l’absence de textes précis, l’orientation professionnelle et l’apprentissage sont revendiqués par les deux administrations. Il s’ensuit un conflit de pouvoir entre Hippolyte Luc et le secrétaire d’État à la Jeunesse, Georges Lamirand.

    13Dès janvier 1942, avant même l’arrivée de Bonnard au ministère, Luc justifie déjà, dans une note à propos des centres de formation professionnelle, l’action de son administration avec des arguments de compétence qu’il va répéter inlassablement pendant les deux années suivantes : « La direction de l’Enseignement technique s’est préoccupée […] de favoriser leur développement en s’attachant plus particulièrement à l’enseignement professionnel qu’ils étaient susceptibles de délivrer. » Dans la même note, il n’hésite pas à produire un tableau comparatif de l’action de sa propre direction et de celle du secrétariat à la Jeunesse dans lequel il dénonce l’incurie des centres gérés directement par cette administration accusée de n’avoir sur l’orientation et sur l’apprentissage que « des ambitions sans traditions, sans crédits réguliers, sans moyens d’action ». Preuve de la fermeté et de la constance de ses convictions, Luc utilise des arguments qui sont en totale cohérence avec les conceptions qu’il défend depuis le début des années 1930. C’est ainsi qu’il dénonce l’incompétence du secrétariat à la Jeunesse en matière d’orientation car, écrit-il, « il est incapable d’assurer cette liaison de l’éducation et de l’orientation qui est la condition de leur succès commun16 ». De la même manière c’est au nom de la nécessaire complémentarité entre employeurs et enseignement technique qu’il reproche à la Jeunesse de conseiller « aux professions de se libérer des pouvoirs publics dans l’organisation de la formation professionnelle ». Et c’est sur le sujet, capital à ses yeux, de la qualification ouvrière, qu’il prononce la condamnation la plus implacable : « Ces élèves [ceux des centres gérés par le secrétariat à la Jeunesse] ne reçoivent qu’une formation professionnelle de courte durée et une instruction technique insuffisante. Ils ne peuvent devenir des ouvriers qualifiés, mais seulement des manœuvres spécialisés. Cette constatation a été faite par tous les techniciens et professionnels qui ont étudié sérieusement le fonctionnement des centres et qui ont pu juger de leurs résultats17. » Sa conclusion est sans appel :

    « La Jeunesse ne peut être chargée ni de l’orientation professionnelle, ni du préapprentissage, ni de l’apprentissage. Elle ne le pourrait sans péril pour l’avenir des jeunes, ni pour l’économie française. Ses représentants déclarent d’ordinaire que la politique les intéresse plus que le métier. L’un d’eux a dit : “Je sais que je m’occupe de ce qui ne me regarde pas, mais on n’a que les droits qu’on prend.”
    L’Enseignement technique a organisé en France l’éducation et l’orientation professionnelle, non seulement pour ses écoles et par ses écoles, mais pour tous les apprentis et par des œuvres qui leur sont consacrées.
    En décidant de lui confier ces attributions, on répond à la fois au fait et au droit, on revient à l’ordre, on assure le progrès18. »

    14À la vigueur des arguments de Luc répondent les menaces de ses adversaires qui en disent long sur le climat de violence dans lequel se déroulent ces affrontements. En témoigne une note manuscrite, anonyme, jointe à une lettre d’Hubert Lagardelle19 à Abel Bonnard du 14 août 1942. Ce document relate les propos échangés au cours d’une réunion entre Hippolyte Luc et Georges Lamirand : « M. Lamirand s’élève contre le texte de M. Luc, confiant au Technique l’apprentissage et l’Orientation. Seule une loi, entre l’Éducation nationale, le Travail, la Production industrielle, peut, dit-il, trancher le débat. Cette loi, prétend-il est en préparation au Travail. M. Luc n’en sait rien parce qu’il est détesté au Travail et à la Production industrielle. M. Lamirand prend à partie M. Luc [illisible] il déclare que si M. Luc veut la guerre, lui ne se laissera pas faire et en appellera au Maréchal20. »

    15Visiblement, Hippolyte Luc ne manque pas d’ennemis. C’est ainsi qu’un « Rapport général sur l’Enseignement technique » de plus de quarante pages, adressé au ministre Abel Bonnard et émanant d’« Anciens élèves des Arts et Métiers », s’ouvre par le préambule suivant : « L’Enseignement Technique est un grand corps sans âme. Il n’a jamais su créer une doctrine d’enseignement. Son enseignement est un complet échec. Messieurs LUC et BONNAFOUS cherchent à faire croire qu’ils sont indispensables. Non seulement ils sont incapables de créer la doctrine d’enseignement nécessaire. Ils ne savent même pas que cette doctrine est nécessaire. Il est temps que leur bluff soit démasqué. Il est temps que ces naufrageurs de l’Enseignement soient rejetés des postes où ils ont commis trop de méfaits21. » Et pourtant, malgré les allégations malveillantes, voire les calomnies, dont il est l’objet, Luc poursuit imperturbablement ce qu’il considère être sa mission.

    16C’est dans la même logique et avec le même acharnement, qu’il se bat sur un autre terrain, celui de l’orientation professionnelle. Depuis 1922, on l’a vu, la direction de l’Enseignement technique avait la tutelle des offices d’orientation professionnelle, et depuis 1928 celle de l’Institut national d’orientation professionnelle (INOP) chargé de la formation des conseillers d’orientation. On a vu également que Luc partageait avec les pionniers de ce nouveau champ d’activité, Henri Piéron, Julien Fontègne ou Henri Laugier, une conception « rationaliste et positiviste22 » de la fiabilité des tests psychotechniques pour déterminer l’avenir professionnel des jeunes. La guerre ne lui fait pas abandonner ce terrain. En mars 1939 il donne une conférence au musée pédagogique dans laquelle il plaide en faveur d’une orientation ajustée aux besoins de l’économie : « Quelque soin que nous prenions à respecter les goûts, les aptitudes, nous sommes contraints de fléchir la nature de l’enfant dans un certain sens, puisque le problème des débouchés se pose impérieusement pour nous. L’enfant devant vivre dans un milieu donné, il faut lui permettre de subsister dans ce milieu23. »

    17Pour les dirigeants du secrétariat à la Jeunesse, l’orientation professionnelle a évidemment été immédiatement perçue comme un enjeu essentiel. Comme l’enseignement technique, « l’INOP est l’objet d’attaques violentes de la part de la presse collaborationniste qui le dénonce comme un foyer de francs-maçons » écrit Jérôme Martin24. Le secrétariat convoite assez logiquement cette institution qui lui aurait permis de maîtriser un dispositif complet de contrôle de la jeunesse populaire, de la sortie de l’école jusqu’à l’entrée dans la vie active. Comme pour les centres de formation professionnelle, Luc doit donc défendre les prérogatives de son administration. Henri Piéron, fondateur et directeur de l’INOP, en témoigne : « M. H. Luc, qui est resté à la tête de l’enseignement technique, ne cesse de lutter pour garder le contrôle de l’orientation professionnelle. Pour ne pas briser, il doit toutefois accepter des solutions diverses de caractère transitoire, n’entraînant encore rien d’irrémédiable25. » Parmi ces mesures, la première avait été celle du transfert de l’INOP sous la tutelle du CNAM en janvier 1941. Piéron a l’impression à cette occasion « de se faire Hara-Kiri » parce qu’il doit « renoncer à l’indépendance de l’institut », devenu l’INETOP. Mais il reconnaît aussi que c’est dans son « intérêt » parce que l’INETOP échappe ainsi à la tutelle directe du secrétariat à la Jeunesse. Piéron laisse supposer que cette manœuvre a été le résultat de l’habileté de Luc. Ce dernier est aussi à l’origine, avec Julien Fontègne, de la création, également en 1941, d’un nouveau centre de formation de conseillers d’orientation à Caen, dont sortira, dans la première promotion, le futur sociologue Pierre Naville.

    18Mais le témoignage de Piéron montre surtout que Luc a continué à agir en faveur du développement de l’orientation professionnelle sous la tutelle de Bonnard. C’est à Luc en effet que Piéron attribue ce qu’il appelle « une victoire un peu inattendue » : le 27 janvier 1944 un décret instaure un « diplôme d’État de conseiller d’orientation ». Autrement dit Luc obtient que la profession de conseiller d’orientation se normalise sous le contrôle de l’État, dans la même logique que pour les diplômes de l’enseignement technique ou les centres de formation professionnelle. Jusqu’au bout, il a en fait saisi toutes les occasions que lui offraient les intentions confuses et souvent contradictoires des promoteurs de la Révolution nationale pour continuer à construire pierre par pierre l’édifice d’un enseignement technique « méthodique et complet » dont il avait fait l’objectif ultime qu’il voulait servir. C’est ce dont témoigne celui qui a été son adjoint de 1942 à 1944, Fernand Legay, qui dit l’avoir alors « vu journellement » parce que son bureau était « à côté du sien26 ». Mais à ce stade du parcours de Luc sous l’Occupation, il nous faut aussi comprendre pourquoi Abel Bonnard, que le même Legay décrit comme un « ministre méprisable parmi les plus méprisables […] atrabilaire, vaniteux comme un paon, peureux comme un lièvre27 », a conservé à ses côtés un homme qui incarnait tout ce qu’il haïssait et combattait avec acharnement. D’autant que Legay ajoute : « M. Luc en souffrit, comme nous tous. »

    Luc au secours de Bonnard

    19Le soutien que Bonnard accorde à Luc, alors qu’à la différence de Carcopino rien ne peut rapprocher les deux hommes, est en fait la conséquence de l’incurie du secrétariat à la Jeunesse et des vives dissensions internes propres au pouvoir vichyssois, que Luc a su utiliser à son profit.

    20Dès son arrivée au ministère, Bonnard est en effet, au sein même du gouvernement, en butte à l’hostilité d’un groupe qui cherche à profiter de l’autorité dictatoriale du nouveau pouvoir pour planifier les réformes que ses membres jugent indispensables à la modernisation du pays et qu’ils n’avaient pas réussi à imposer avant-guerre. Parfois issus du groupe des jeunes polytechniciens de « X crise28 », ces « technocrates » comme on les appellera plus tard, sont particulièrement influents au sein du nouveau ministère de la Production industrielle, dirigé à partir de 1942 par un des leurs, Jean Bichelonne. Comme ses deux prédécesseurs Pierre Pucheux et François Lehideux, Bichelonne est à la fois proche des milieux industriels et partisan de l’intervention modernisatrice de l’État. Il est donc favorable au développement planifié de la formation professionnelle des jeunes pour rationaliser la formation de la main-d’œuvre qualifiée, dans une logique d’action proche de celle de Luc. Mais il s’oppose à la large ambition éducative et sociale de ce dernier, et considère que la formation professionnelle doit s’en tenir à une réponse rapide, limitée aux seules exigences à court terme des entreprises. Rapidité alors d’autant plus impérieuse pour Bichelonne qu’il doit répondre aux nouvelles exigences de l’Allemagne qui, à partir de 1942, a besoin de soumettre l’industrie française à l’effort de guerre plus durement que dans les deux premières années d’Occupation. Il cherche donc à déléguer au maximum la formation aux entreprises, mais sous le contrôle de son ministère. En janvier 1942, un article du Temps intitulé « Culture professionnelle29 » peut se lire comme l’annonce de cette offensive de Bichelonne. Tout en rendant hommage à « l’enseignement technique, toujours dirigé avec compétence par M. Luc, qui a fait ses preuves », l’article prône en effet une forte décentralisation de la gestion des écoles de l’enseignement technique en demandant de « laisser la plus large autonomie aux établissements » à travers de nouvelles compétences attribuées à leurs conseils d’administration et des liens renforcés avec « les représentants des groupements industriels, commerciaux et agricoles locaux ». Or ces groupements étaient sous la tutelle du ministère de la Production industrielle.

    21L’affrontement entre les deux administrations, l’Éducation nationale et le ministère de la Production industrielle, est dur, et il a laissé des traces dans les archives, notamment grâce à l’existence d’une Commission interministérielle pour l’études des problèmes de l’apprentissage qui a siégé de 1942 à 1944. La cohabitation des représentants des deux ministères au sein de cette commission donne lieu à la rédaction de notes qui circulent dans les cabinets des ministres et qui témoignent de l’intensité des antagonismes. On y voit les « technocrates » stigmatiser l’amateurisme du secrétariat à la Jeunesse, le gaspillage des crédits accordés, et critiquer simultanément « l’esprit et les méthodes de l’enseignement technique » qui « ne conviennent plus aux nécessités actuelles » et sont jugés « trop scolaires ». En réponse à ces attaques, et sous l’égide de Bonnard, les représentants du secrétariat à la Jeunesse répliquent sur le terrain idéologique en dénonçant « les patrons réactionnaires [qui] n’envisagent que le rendement » et qui sont « hostiles à la formule éducative du travail des jeunes ». Rappelons ici que pour l’idéologue Bonnard, la politique d’encadrement de la jeunesse populaire que le secrétariat à la Jeunesse est censé conduire constitue un enjeu majeur de la Révolution nationale à laquelle il adhère presque fanatiquement, et a autant d’importance à ses yeux que le reste de son activité ministérielle. On comprend dès lors que ce conflit interne offre à Luc le champ d’action idéal pour son habileté manœuvrière.

    22Certes, comme son adjoint Legay, Luc n’éprouve que mépris pour Bonnard et ce qu’il incarne. Mépris partagé par d’autres collaborateurs de Luc, comme en témoignent les suites d’une altercation qui oppose en 1942 la directrice de l’école technique privée Rachel, rue Quinault à Paris, au commissaire général au travail des jeunes, et qui mérite qu’on s’y arrête un instant. Ce commissaire est venu inspecter le centre de formation professionnelle annexé à l’école et reproche à la directrice de n’avoir pas encore mis en place « d’activités jeunesse » dans le centre. Dans son rapport, il écrit : « Nous pétrissons la jeunesse, nous la malaxons, et c’est seulement ensuite que nous nous attachons à lui donner un métier. » La directrice écrit alors à l’inspection de l’enseignement technique pour se plaindre de ce rapport, et dans la note qu’il transmet à Luc, l’inspecteur général Bonnafous n’hésite pas à ajouter une remarque manuscrite ouvertement ironique : « Il me plairait de voir le résultat obtenu par le malaxage et le pétrissage de la jeunesse30. » Au-delà de l’anecdote, l’incident est doublement révélateur. D’une part parce que si l’inspecteur général rédige cette note à l’intention de Luc, c’est évidemment qu’il est persuadé que ce dernier partage son hostilité à l’idéologie de son ministre et du secrétariat à la Jeunesse. Et d’autre part parce qu’il faut savoir que l’école Rachel était financée par la fondation Léonard Rosenthal, dont le frère et la sœur ont été victimes des persécutions nazies, Rosenthal ayant lui-même dû fuir aux États-Unis. Or l’école a fonctionné avec son centre annexé jusqu’à la fin de la guerre, sans difficulté particulière, ce qui peut s’interpréter comme le résultat d’une protection efficace de l’enseignement technique, même si l’école Rachel ne se revendiquait pas comme exclusivement israélite31. En tout état de cause, tout indique donc que Luc ne cache pas son hostilité à Bonnard et n’entretient avec lui aucune complicité.

    23Pourtant on a vu qu’il n’hésite pas à revendiquer auprès de lui une continuité de l’action de son administration avec les régimes précédents. Argument a priori surprenant vis-à-vis d’un ministre dont Luc connaît et craint la haine à l’égard de la IIIe République. En fait, Luc s’appuie implicitement sur l’autonomie de l’enseignement technique dont il a été un farouche défenseur, y compris on l’a vu, contre le ministre de l’Éducation nationale du Front populaire Jean Zay. Cette autonomie revendiquée le met en quelque sorte à l’abri d’être soupçonné d’une trop grande proximité avec les défenseurs d’un système scolaire démocratique et unifié, dont il avait pourtant été proche lors de ses relations avec les Compagnons de l’université nouvelle. Il peut dès lors s’attacher à démontrer à Bonnard qu’en matière de formation et d’orientation professionnelle, sa direction est la seule administration compétente pour résister aux attaques du ministère de la Production industrielle contre le secrétariat à la Jeunesse. D’autant que dans beaucoup d’entreprises il bénéficie du soutien des anciens élèves des écoles nationales professionnelles et des écoles d’arts et métiers qui occupent souvent des postes d’ingénieurs. C’est ce dont témoignera en 1955 l’industriel Louis Goulhot, président de l’association des anciens élèves des écoles nationales professionnelles et vice-président de l’AFDET. Il rend hommage dans la revue Technique, Arts, Sciences à « Hippolyte Luc, dont je fus souvent le compagnon de route dans les diverses régions de France, dont je reste fidèle et fervent admirateur ». Autrement dit, certains acteurs du monde de l’entreprise, notamment des petits entrepreneurs sous-traitants des grandes entreprises ou des diplômés de l’enseignement technique ayant accédé à des postes d’encadrement, sont sans doute plus confiants dans l’action de Luc, qu’ils connaissent et qui les connaît, que dans celle des diplômés des grandes écoles dont ils peuvent parfois avoir éprouvé le mépris ou la condescendance. On a vu au chapitre précédent que c’est en priorité à la direction de l’Enseignement technique qu’ils s’adressent lorsqu’ils se plaignent de l’incompétence des formateurs du secrétariat à la Jeunesse.

    24En outre, si Luc peut se poser en garant du soutien d’une partie du patronat pour maintenir la tutelle des centres à l’Éducation nationale, il peut aussi se prévaloir de l’appui silencieux mais décisif du public qui les fréquente. Les rapports d’inspection ou de dirigeants de centres qui remontent à partir de 1942 au secrétariat à la Jeunesse sont unanimes à constater que la fidélité des élèves des centres ne tient qu’à la qualité de la formation professionnelle délivrée : « Il est à remarquer que les jeunes comme les parents sont surtout attirés par la formation professionnelle, promesse de gains dans l’avenir », « un grand nombre d’équipières ne sont venues au centre que pour avoir une formation spéciale », « L’attention portée au problème professionnel [est] indispensable si l’on veut maintenir l’effectif des centres32 ». Réalité qui oblige l’inspecteur général du secrétariat à la Jeunesse à encourager dès 1942 « le développement des centres dans le sens d’une véritable formation professionnelle ».

    25En outre, en même temps qu’il peut ainsi revendiquer la qualité de la formation des écoles techniques et le soutien d’une partie des employeurs pour aider Bonnard à résister aux ambitions de ses adversaires de la Production industrielle, Luc n’hésite pas non plus à jouer implicitement sur les mots pour opposer aux discours patronaux centrés sur la seule efficacité professionnelle l’ambition éducative de l’enseignement technique qui peut superficiellement s’entendre dans un sens favorable à l’idéologie du secrétariat à la Jeunesse. Quand il avait signé en août 1941 avec Carcopino une circulaire sur « la formation morale dans le travail des jeunes » il était déjà dans ce double jeu sémantique : « L’apprentissage est le moyen le plus efficace pour lutter contre le chômage […] Mais l’apprentissage n’a sa pleine valeur que sous la forme d’une éducation complète, à la fois professionnelle, physique, morale, civique, humaine. » Il est évident que lorsque l’on lit ces lignes, que l’on connaît les écrits antérieurs de Luc et ses opinions politiques, on ne peut pas croire que l’éducation morale, civique et humaine à laquelle il pense soit la même que celle à laquelle souscrit Carcopino, et encore moins Abel Bonnard. Mais le vocabulaire est assez flou pour que les deux parties y trouvent leur compte.

    26Concurrent du secrétariat à la Jeunesse au sein du ministère de l’Éducation nationale, Luc devient à l’inverse un allié précieux contre les prétentions du ministère de la Production industrielle. C’est finalement parce que le soutien de l’enseignement technique assure une garantie de sérieux aux centres de formation professionnelle que Bonnard peut prétendre les conserver au sein de son ministère contre l’offensive des « patrons réactionnaires », et sauver ce qui reste de l’action de son secrétariat à la Jeunesse. Il l’avoue implicitement dans une note qu’il adresse à Laval en mai 1944 pour défendre le maintien de la tutelle de centres au secrétariat à la Jeunesse contre leur transfert au ministère de la Production industrielle :

    « Il convient de laisser les centres de jeunes travailleurs au commissariat général à la jeunesse33 […] là seulement les centres ont toute leur signification, là seulement il est manifeste que les jeunes apprentis qu’ils rassemblent ne sont pas seulement préparés à gagner leur vie, mais qu’on les rend dignes de vivre : on ne pourrait mettre ces centres ailleurs sans que la même idée devint au moins douteuse ; il ne s’agirait plus que de pétrir de la main-d’œuvre au lieu de modeler des hommes, et ainsi s’éteindrait une des quelques promesses qui peuvent encore donner foi dans la révolution qu’on n’a pas encore faite […] si l’on ôtait maintenant au commissariat général à la jeunesse ces centres qui y vivent et y prospèrent […] c’est la base même du commissariat qui manquerait, ce qui marquerait une défaite de plus pour la Révolution nationale34. »

    27Il termine sur une remarque désespérée, ce qui en mai 1944 et de son point de vue se comprend, en décrivant les centres comme « une des rares petites flammes qui luisent dans la confusion et l’obscurité de notre état actuel ».

    28Abel Bonnard n’a en définitive pas eu d’autre choix que de tolérer Luc pour sauver sa politique du naufrage. Et le Luc que Carcopino, on s’en souvient, avait décrit comme un homme « tout en souplesse », « enveloppant » et manipulant « les inflexions de la subtilité » s’est saisi de la faiblesse de son ministre pour poursuivre ses propres objectifs.

    29Mais ce faisant, il a pris le risque de laisser croire à une proximité aussi forte que celle, sans doute plus réelle, qu’il avait eue avec Carcopino, et qui ne pouvait que lui nuire à la Libération. C’est notamment ce dont témoigne une note confidentielle d’un des membres du cabinet de Bonnard, rédigée au moment où les adversaires du ministre commençaient à manœuvrer pour lui retirer la tutelle des centres de formation professionnelle. Cet épisode est particulièrement significatif. D’abord parce qu’en illustrant les manœuvres de basse politique, caractéristiques du régime de Vichy, il permet de percevoir la tension extrême dans laquelle Luc a vécu une période où il devait travailler en camouflant ses propres opinions dans un environnement singulièrement malveillant ; ensuite parce qu’on comprend à quel point son obstination à rester à un poste de collaboration directe avec un ministre pouvait être facilement comprise comme une proximité personnelle qui pouvait laisser croire à une proximité politique.

    30La note dont il est question n’est pas datée, mais probablement rédigée fin 1942 ou début 1943. L’auteur relate un entretien qu’il a eu avec « M. de Chambrun », le gendre de Pierre Laval, qui lui fait comprendre que l’entourage du président du conseil envisage de soustraire le Secrétariat à la Jeunesse à l’autorité de Bonnard pour le rattacher directement à la présidence du conseil. Cet avertissement alerte d’autant plus le conseiller de Bonnard qu’il a eu accès à d’autres informations qui montrent qu’une opération de déstabilisation du ministre est en cours et qu’elle implique Luc :

    « La Présidence du Conseil ferait procéder actuellement par le service des renseignements généraux à une enquête d’ensemble sur l’état d’esprit de la jeunesse en France et sur l’état d’esprit du corps enseignant. […] Ces enquêtes sont entreprises dans le but de montrer que l’état d’esprit de la jeunesse et du corps enseignant a singulièrement empiré sur l’année dernière et que la Présidence du Conseil chercherait à rejeter la faute de cette tension des esprits sur la politique poursuivie par M. le Ministre de l’Éducation nationale […] On a ajouté, mais ceci me parait beaucoup plus romanesque […] que l’on s’est inquiété dans les milieux de la Présidence du Conseil de l’amitié que M. Abel Bonnard aurait pour M. Luc. M. Luc ferait une politique souterraine en accord avec des éléments officiels ou officieux de l’ancienne CGT. Ces éléments, et la chose paraît plus que probable, disposeraient de sommes d’argent considérables qui leur seraient fournies par la propagande gaulliste. M. Luc serait par-là relié à la propagande générale gaulliste. M. Abel Bonnard ayant de bonnes relations avec M. Luc, on chercherait par là à jeter le trouble sur la sincérité des convictions politiques de M. Bonnard35. »

    31Il s’agit sans doute d’accusations aussi fausses que délibérément orchestrées. Y sont associés habilement des soupçons plausibles et des insinuations malveillantes sur la vie privée de Bonnard : en évoquant « l’amitié » qu’il aurait eu pour Luc, amitié très peu crédible sur le plan politique, on peut supposer que ses détracteurs cherchaient à rappeler son homosexualité, certes de notoriété publique, mais qui dans le contexte de l’époque pouvait servir à alimenter des doutes sur sa fiabilité. On comprend à quel point une telle rumeur peut avoir laissé des traces dans le petit milieu politique parisien au sein duquel se jouera le jugement de Luc à la Libération.

    La promotion de trop ?

    32On touche ici au cœur de ce qui, dans la démarche de Luc, nous paraît aujourd’hui difficilement compréhensible et oblige à revenir sur les hypothèses que nous avons déjà proposées pour essayer de saisir la complexité du personnage.

    33Il faut d’abord rappeler brièvement la nouvelle dimension que prend la collaboration avec l’Allemagne quand Laval revient au pouvoir en février 1942. L’éviction de Darlan et le retour de Laval à la présidence du conseil sont imposés par les Allemands à Pétain, qui a tenté de s’y opposer et a même un temps envisagé de se retirer. Luc était trop près du pouvoir pour ignorer ces faits, qui n’ont pu que heurter les convictions patriotiques qu’il n’a jamais cessé de revendiquer haut et fort, et qu’il avait encore proclamées dans ses articles de L’Information universitaire de 1939 en opposant les vertus du patriotisme français à « l’imagination animale » de l’impérialisme allemand. Mais le retour de Laval c’est aussi un renforcement de la collaboration avec l’Allemagne nazie qui dévoile la fiction d’un pétainisme protecteur et s’accompagne d’une participation active de la police française aux persécutions anti-juives. Quand Luc revient s’installer à Paris avec son administration mi-septembre 194236, la rafle du Vel d’Hiv a eu lieu moins de deux mois auparavant. Si la perception alors dominante des Juifs dans la société française a pu expliquer, on l’a dit, que la famille Tamet-Luc se soit éventuellement résignée aux discriminations anti-juives des deux premières années du gouvernement de Vichy, et même si la dimension génocidaire des persécutions n’est pas encore clairement perceptible au moment du Vel d’Hiv, il est impensable que l’humaniste Luc n’ait pas été révolté par ces persécutions et les déportations qui deviennent systématiques à partir de l’été 1942. Enfin, en restant le collaborateur direct de Bonnard, il sait qu’il va travailler avec un homme qui a maintes fois proclamé sa détestation de l’instruction du peuple, notamment telle que les Compagnons de l’université nouvelle l’avaient défendue. Or Luc est resté fidèle au projet des Compagnons. Il y fait encore référence dans un texte publié dans L’Information universitaire en décembre 1939, construit comme un dialogue imaginaire et intitulé « Compagnons ». Il y écrit qu’il pense « aux compagnons de 1918, ceux qui ont écrit l’Université Nouvelle, aux compagnons dont j’étais, dont les uns sont morts que je pleure, dont les autres sont restés vivants et dont l’image me hante ». Il termine son texte en affirmant que le développement de l’enseignement technique tel qu’il le défend serait « à n’en pas douter […] le vœu des compagnons37 ».

    34Alors pourquoi rester un haut fonctionnaire d’un gouvernement qui revendique désormais son adhésion au projet nazi, pourquoi rester un proche collaborateur de Bonnard, pourquoi accepter, comme l’a écrit Henri Piéron, « toutes les couleuvres qu’il lui fallait bien avaler38 », alors qu’il avait l’âge de prendre sa retraite ? Lui-même, lorsqu’on lui diagnostique un ulcère à l’estomac39 en avril 1944, décrit les tourments que cette situation lui a imposés et note dans son agenda : « Les images ont révélé un ulcère. J’ai assez souffert pour être ulcéré. Pourtant, je me serais contenté de l’être au moral40. »

    35Certes, nous l’avons répété tout au long de ces lignes, le sentiment d’avoir à accomplir une mission, de s’identifier à cette mission au point d’en faire l’œuvre de sa vie, répond assez largement à ces questions. Carcopino et Piéron se rejoignent de ce point de vue, l’un écrivant que Luc « n’était au fond possédé que par sa tâche » et l’autre qu’il se « maintenait […] pour assurer la défense de son œuvre ». On peut sans difficulté se satisfaire de ces explications pour les deux premières années du gouvernement de Vichy. Elles deviennent, en revanche, insuffisantes à elles seules pour comprendre la suite, et il convient d’envisager d’autres hypothèses, secondaires certes, mais que les faits nous imposent.

    36La première, la plus intime mais sans doute la moins décisive, touche à la vie de la famille Luc. Sa fille Anne-Marie, qui a eu 22 ans en janvier 1940, est mariée depuis fin 1938 avec Raymond Las Vergnas41, un universitaire de 15 ans son aîné, qui avait été brièvement un des chefs de cabinet adjoints de Jean Zay. Fait prisonnier à la toute fin des combats de 1940, il est toujours enfermé dans un camp en Allemagne lorsque Bonnard devient ministre en février 1942. La correspondance d’Anne-Marie dont nous disposons et que nous avons déjà citée montre que la famille Luc multiplie les efforts à la fois pour le faire libérer et pour lui trouver un poste à son retour. Hippolyte, dont on connaît l’attachement aux liens familiaux, est à l’évidence très investi dans ces efforts. Les lettres de sa fille en témoignent, même si elle reste nécessairement discrète dans une correspondance soumise à la censure. À plusieurs reprises néanmoins, Raymond Las Vergnas s’inquiète des résultats des démarches de son beau-père auprès de Carcopino et de Bonnard. Une seule fois dans cette correspondance, dans une lettre datée du 17 novembre 1942, Luc intervient directement : « Nous voici réunis tous les trois en face de votre image, comme vous nous verrez, j’en suis sûr, bientôt. Je travaille de toutes mes forces à hâter ce moment tant attendu42. » À ce stade de notre connaissance de la personnalité de Luc, on sait que s’il affirme consacrer « toutes ses forces » au retour de son gendre, c’est qu’il le fait, habilement sans doute, mais sans relâche. Les allusions à son action dans les échanges épistolaires entre sa fille et son gendre nous permettent de dire avec une quasi-certitude qu’outre les démarches directes auprès de ses deux ministres ou de leur entourage43, il a également sollicité les interventions de son homologue allemand Hermann Südhof, membre du parti nazi et directeur général de l’Enseignement technique en Allemagne. Il avait entretenu de bonnes relations avec lui avant la guerre, notamment à l’occasion des congrès internationaux de l’enseignement technique. Dans son livre, Carcopino évoque lui aussi le lien entre Südhof et Luc. Il y décrit une réunion qui se déroule le 15 novembre 1940, à l’hôtel Majestic, siège du haut commandement militaire allemand en France. Carcopino qui est alors directeur de l’École normale supérieure et recteur de Paris a été convoqué par les Allemands à la suite de la manifestation étudiante du 11 novembre 1940. Selon son témoignage, Südhof est présent et joue un rôle modérateur au cours de l’entretien avec le général SS Best chargé de mener la répression collective contre tous les étudiants parisiens. C’est à cette occasion que Südhof évoque Luc (absent de cette réunion) dès le début de la rencontre et dit toute la « considération » qu’il porte à celui « qu’il avait eu l’avantage de fréquenter en plusieurs congrès internationaux44 ».

    37Ce serait un non-sens de penser que Luc a conservé son poste au côté d’Abel Bonnard dans le seul espoir de pouvoir continuer à agir pour la libération de son gendre. Mais on ne peut pas écarter l’hypothèse que cet espoir ait pu peser dans sa décision de conserver sa fonction, peut-être comme une sorte de contrepoids à ses remords, comme une obligation affective qui justifie de rester. En tout état de cause, il ne semble pas que ses interventions aient été décisives puisque c’est seulement en mars 1943 que Raymond Las Vergnas rentrera en France, et principalement en raison de son mauvais état de santé45.

    38Mais une seconde motivation personnelle de Luc peut aussi être convoquée pour expliquer sa décision, une motivation dont on a déjà vu à plusieurs reprises qu’elle s’imposait souvent à lui, celle du besoin de reconnaissance. On se souvient par exemple combien il avait attaché de l’importance à son accession à la Légion d’honneur, et combien il avait été déçu de devoir attendre une année pour l’obtenir. Or il est indiscutable que c’est le gouvernement de Vichy qui lui a permis d’obtenir la reconnaissance ultime de sa carrière en termes de statut dans la fonction publique. Le 15 février 1942, alors que Jérôme Carcopino est encore ministre de l’Éducation nationale, Luc est nommé inspecteur général pour « assurer l’inspection des organisations professionnelles du travail des jeunes, avec rang et prérogative d’inspecteur général de l’Instruction Publique46 ». Belle promotion, très attendue, mais cette nomination n’est qu’une première étape de la reconnaissance à laquelle Hippolyte Luc aspire. En effet, le champ de compétence qui lui est assigné est limité au travail des jeunes, et ne recouvre donc pas l’ensemble de l’enseignement technique. C’est Abel Bonnard qui va lui accorder le titre qu’il attendait probablement depuis longtemps : le 27 février 1943 il est nommé inspecteur général de l’enseignement technique47. Une promotion qui le hissait enfin au même niveau de reconnaissance que son prédécesseur, Edmond Labbé. Edmond Labbé, qui jouissait d’un prestige considérable quand Luc l’avait rejoint en tant que directeur adjoint. Edmond Labbé, qui était devenu inspecteur général de l’enseignement technique dès 1908, à l’époque où la direction de l’Enseignement technique était sous la tutelle du ministère du Commerce. Nul doute que dans l’esprit de Luc, cette nomination consacrait non seulement sa carrière, mais aussi une sorte de revanche sur Labbé. On se souvient qu’il avait entretenu avec lui une relation qui n’était pas exempte de rivalité, et parfois de dépit. Luc avait souffert d’être pendant huit ans le subordonné d’un homme dont il poursuivait la politique, mais qui n’avait ni la puissance de travail de son adjoint, ni surtout sa capacité à penser le développement de l’enseignement technique dans un projet social et politique élaboré. Le 27 février 1943, il obtient enfin la reconnaissance de son égalité de prestige et de succès avec l’homme qui l’avait recruté.

    39Mais une telle promotion représente, à la date où elle est obtenue, le risque majeur d’être postérieurement comprise comme la récompense d’un acte d’allégeance au pouvoir en place. Presque au même moment, Albert Buisson, directeur de la très renommée école technique Diderot depuis 1941, refusait la même promotion au grade d’inspecteur général. L’auteur de sa notice nécrologique écrira en 1989 qu’il avait refusé « pour la raison qu’il est possible d’imaginer » et ajoutera qu’il avait été nommé inspecteur général en 1945 en « juste récompense de cette attitude courageuse48 ». La comparaison est cruelle pour Luc : Buisson a été, entre 1948 et 1960, un directeur de l’Enseignement technique relativement anonyme et sans grande envergure si on le compare à la carrière de Luc, et son refus d’une promotion n’est pas un acte d’un courage exceptionnel. Mais il lui vaut d’être promu au moment même où toute la vie de Luc va se réduire à l’obligation de rendre des comptes.

    40La décision de Luc de poursuivre sa collaboration avec un pouvoir qui incarnait ce qu’il avait combattu toute sa vie a peut-être été influencée par l’espoir de continuer à aider son gendre. Sans doute aussi, l’ambition d’obtenir un titre qui consacrait à ses yeux une sorte de victoire symbolique sur celui dont l’autorité l’avait parfois humilié a-t-elle pu constituer un argument inconscient qui l’a aidé à supporter les conséquences quotidiennement douloureuses de son choix. Mais ceux qui avaient travaillé avec lui avaient bien compris que c’est d’abord la volonté de poursuivre jusqu’au bout le développement d’un ordre d’enseignement auquel il s’était identifié au point d’en faire l’œuvre de sa vie qui a constitué le moteur premier de son obstination.

    41Une obstination dont on voit bien avec le recul de l’histoire combien elle était déraisonnable en comparaison des risques qu’elle impliquait pour la postérité d’un homme si attaché au service qu’il voulait rendre à la République. C’est ce que va montrer le dernier épisode de sa vie.

    Notes de bas de page

    1 Art.54 de la charte (extrait) : « Un salaire minimum vital est perçu par tous les salariés exerçant leur activité normale. »

    2 Certificat d’aptitude professionnelle. Pour plus de détails sur ce sujet, voir Brucy Guy, Histoire des diplômes de l’enseignement technique, Paris, Belin, 1998.

    3 Circulaire du 3 novembre 1941.

    4 Arrêté du 17 décembre 1943.

    5 Charlot Bernard et Figeat Madeleine, Histoire de la formation des ouvriers, 1789-1984, Paris, Minerve, 1985, p. 325.

    6 Voir supra, chapitre vi.

    7 Loi no 694 relative à la délivrance des diplômes professionnels, Journal officiel de l’État français, no 191, 10-11 août 1942, p. 2754.

    8 Lettre du 15 septembre 1942. Cabinet Abel Bonnard, AN F 652 AP 9.

    9 Lettre du 18 novembre 1942. Cabinet du ministre, AN F 17 13365. En majuscules dans le document original.

    10 « Résumé d’un rapport de M. Ozil, directeur de l’enseignement à l’École universelle sur l’administration de M. Luc », non daté. Cabinet du ministre, AN F 17 13365.

    11 AN F 17bis 11919.

    12 Circulaire no 42 du 10 novembre 1942.

    13 Loi no 530 du 4 octobre 1943 portant modification de la loi du 4 août 1942 relative à la délivrance des diplômes professionnels, Journal officiel de l’État français, no 266, 6 novembre 1943, p. 2857-2858.

    14 Poulain Catherine, « Louis Hautecœur et Vichy, pensée et action politique d’un historien de l’architecture », Livraison d’histoire de l’architecture, no 3, 2002.

    15 Yagil Limore, « Alfred Cortot, entre mémoire et oubli : le destin d’un grand pianiste », Guerres mondiales et conflits contemporains, 2012/2, no 246, p. 117-136.

    16 Cabinet du ministre, AN F 17 13365.

    17 Ibid.

    18 Ibid.

    19 Hubert Lagardelle était alors le ministre du Travail du gouvernement de Laval. Il était donc directement concerné par le partage des attributions faisant l’objet du conflit entre Luc et Lamirand.

    20 Cabinet du ministre, AN F 17 13365.

    21 « Rapport général sur l’Enseignement Technique », cabinet du ministre, AN F 17 13365. Les noms sont en majuscules dans le document original.

    22 Huteau Michel et Blanchard Serge, « Henri Piéron, la psychologie de l’orientation professionnelle », Bulletin de psychologie, no 533, 2014/5, p. 363-384.

    23 Luc Hippolyte, « Trois mots, deux idées », conférence du 9 mars 1939, L’Information universitaire, no 909, 11 mars 1939.

    24 Martin Jérôme, « De l’orientation professionnelle à l’orientation scolaire : l’Association générale des orienteurs de France et la construction de la profession de conseillers d’orientation (1931-1956) », Histoire de l’éducation, no 142, 2014/3, p. 109-128.

    25 Piéron Henri, « Souvenir des années maudites », Bulletin de l’Institut national d’orientation professionnelle, no 1, janvier-février 1945, p. 1-9.

    26 Legay Fernand, « L’enseignement technique de 1895 à 1960 », L’Enseignement technique, nouvelle série, no 63, juillet-août-septembre 1969, p. 19-57.

    27 Ibid.

    28 Voir supra chapitre vi.

    29 « Culture professionnelle III », Le Temps, no 29331, 29 janvier 1942.

    30 Lettre de la directrice de l’école Rachel à M. Bonnafous chargé de la direction de l’enseignement technique en zone occupée, AN F17 13353.

    31 L’école Rachel a fusionné en 1946 avec son centre annexé et est devenu aujourd’hui le lycée professionnel Brassaï, seul lycée professionnel consacré aux métiers de la photo à Paris. Il est toujours installé 8 rue Quinault.

    32 Rapport d’activité pour 1942 du délégué de la Jeunesse pour l’Ile-de-France, AN F 44.

    33 Le secrétariat était devenu commissariat en 1942, mais nous avons volontairement conservé la même appellation pour simplifier la lecture de ce chapitre.

    34 Cabinet Abel Bonnard, AN 652 AP 9.

    35 Cabinet Abel Bonnard, AN 652 AP 9.

    36 Sa fille Anne-Marie annonce le retour de ses parents dans sa correspondance. D’autre part, Marc Olivier Baruch confirme qu’en « juillet 1941, on annonçait le retour [à Paris] de Belin et du ministère du Travail. L’Éducation nationale, la direction des affaires communales et départementales du ministère de l’Intérieur et le Conseil d’État suivirent pendant l’été 1942 » (Baruch Marc Olivier, Servir l’État français. L’administration en France de 1940 à 1944, Paris, Fayard, 1997, p. 84).

    37 Hachel, « Compagnons », L’Information universitaire, no 955, 16 décembre 1939.

    38 Notice nécrologique d’H. Luc, BINOP, janvier-février 1946.

    39 Il s’agit en fait d’un cancer et il est pris en charge à l’hôpital de Villejuif par un ami professeur de médecine, ex-recteur de la Sorbonne, Gustave Roussy, qui donnera son nom à l’institution.

    40 Agenda, pages du mardi 18 au samedi 22 avril 1944, archives familiales Luc-Las Vergnas.

    41 Voir supra, chapitre vii. Spécialiste reconnu de littérature anglaise, régulièrement invité dans des universités américaines, il sera en 1968 le dernier doyen de la Sorbonne et le fondateur de l’université expérimentale de Vincennes avant de présider à la fin de sa carrière l’université de la Sorbonne nouvelle.

    42 Archives familiales Luc-Las Vergnas.

    43 Il est sûr que Raymond Las Vergnas a demandé à Luc de faire intervenir Bonnard, mais il n’y a pas d’indice prouvant que Luc ait réellement sollicité Bonnard lui-même.

    44 Carcopino Jérôme, Souvenirs de sept ans, op. cit., p. 211.

    45 D’après ce qu’il a ensuite dit, Raymond Las Vergnas était fiché « ennemi de l’Allemagne », notamment à cause de ses activités dans le camp de prisonniers, et de ses sympathies anglo-saxonnes.

    46 Arrêté du 15 février 1942, Journal officiel de l’État français, no 50, 27 février 1942, p. 835.

    47 Arrêté du 27 février 1943, Journal officiel de l’État français, no 59, 10 mars 1943, p. 698.

    48 L’Enseignement technique, no 143, août 1989.

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    1 Art.54 de la charte (extrait) : « Un salaire minimum vital est perçu par tous les salariés exerçant leur activité normale. »

    2 Certificat d’aptitude professionnelle. Pour plus de détails sur ce sujet, voir Brucy Guy, Histoire des diplômes de l’enseignement technique, Paris, Belin, 1998.

    3 Circulaire du 3 novembre 1941.

    4 Arrêté du 17 décembre 1943.

    5 Charlot Bernard et Figeat Madeleine, Histoire de la formation des ouvriers, 1789-1984, Paris, Minerve, 1985, p. 325.

    6 Voir supra, chapitre vi.

    7 Loi no 694 relative à la délivrance des diplômes professionnels, Journal officiel de l’État français, no 191, 10-11 août 1942, p. 2754.

    8 Lettre du 15 septembre 1942. Cabinet Abel Bonnard, AN F 652 AP 9.

    9 Lettre du 18 novembre 1942. Cabinet du ministre, AN F 17 13365. En majuscules dans le document original.

    10 « Résumé d’un rapport de M. Ozil, directeur de l’enseignement à l’École universelle sur l’administration de M. Luc », non daté. Cabinet du ministre, AN F 17 13365.

    11 AN F 17bis 11919.

    12 Circulaire no 42 du 10 novembre 1942.

    13 Loi no 530 du 4 octobre 1943 portant modification de la loi du 4 août 1942 relative à la délivrance des diplômes professionnels, Journal officiel de l’État français, no 266, 6 novembre 1943, p. 2857-2858.

    14 Poulain Catherine, « Louis Hautecœur et Vichy, pensée et action politique d’un historien de l’architecture », Livraison d’histoire de l’architecture, no 3, 2002.

    15 Yagil Limore, « Alfred Cortot, entre mémoire et oubli : le destin d’un grand pianiste », Guerres mondiales et conflits contemporains, 2012/2, no 246, p. 117-136.

    16 Cabinet du ministre, AN F 17 13365.

    17 Ibid.

    18 Ibid.

    19 Hubert Lagardelle était alors le ministre du Travail du gouvernement de Laval. Il était donc directement concerné par le partage des attributions faisant l’objet du conflit entre Luc et Lamirand.

    20 Cabinet du ministre, AN F 17 13365.

    21 « Rapport général sur l’Enseignement Technique », cabinet du ministre, AN F 17 13365. Les noms sont en majuscules dans le document original.

    22 Huteau Michel et Blanchard Serge, « Henri Piéron, la psychologie de l’orientation professionnelle », Bulletin de psychologie, no 533, 2014/5, p. 363-384.

    23 Luc Hippolyte, « Trois mots, deux idées », conférence du 9 mars 1939, L’Information universitaire, no 909, 11 mars 1939.

    24 Martin Jérôme, « De l’orientation professionnelle à l’orientation scolaire : l’Association générale des orienteurs de France et la construction de la profession de conseillers d’orientation (1931-1956) », Histoire de l’éducation, no 142, 2014/3, p. 109-128.

    25 Piéron Henri, « Souvenir des années maudites », Bulletin de l’Institut national d’orientation professionnelle, no 1, janvier-février 1945, p. 1-9.

    26 Legay Fernand, « L’enseignement technique de 1895 à 1960 », L’Enseignement technique, nouvelle série, no 63, juillet-août-septembre 1969, p. 19-57.

    27 Ibid.

    28 Voir supra chapitre vi.

    29 « Culture professionnelle III », Le Temps, no 29331, 29 janvier 1942.

    30 Lettre de la directrice de l’école Rachel à M. Bonnafous chargé de la direction de l’enseignement technique en zone occupée, AN F17 13353.

    31 L’école Rachel a fusionné en 1946 avec son centre annexé et est devenu aujourd’hui le lycée professionnel Brassaï, seul lycée professionnel consacré aux métiers de la photo à Paris. Il est toujours installé 8 rue Quinault.

    32 Rapport d’activité pour 1942 du délégué de la Jeunesse pour l’Ile-de-France, AN F 44.

    33 Le secrétariat était devenu commissariat en 1942, mais nous avons volontairement conservé la même appellation pour simplifier la lecture de ce chapitre.

    34 Cabinet Abel Bonnard, AN 652 AP 9.

    35 Cabinet Abel Bonnard, AN 652 AP 9.

    36 Sa fille Anne-Marie annonce le retour de ses parents dans sa correspondance. D’autre part, Marc Olivier Baruch confirme qu’en « juillet 1941, on annonçait le retour [à Paris] de Belin et du ministère du Travail. L’Éducation nationale, la direction des affaires communales et départementales du ministère de l’Intérieur et le Conseil d’État suivirent pendant l’été 1942 » (Baruch Marc Olivier, Servir l’État français. L’administration en France de 1940 à 1944, Paris, Fayard, 1997, p. 84).

    37 Hachel, « Compagnons », L’Information universitaire, no 955, 16 décembre 1939.

    38 Notice nécrologique d’H. Luc, BINOP, janvier-février 1946.

    39 Il s’agit en fait d’un cancer et il est pris en charge à l’hôpital de Villejuif par un ami professeur de médecine, ex-recteur de la Sorbonne, Gustave Roussy, qui donnera son nom à l’institution.

    40 Agenda, pages du mardi 18 au samedi 22 avril 1944, archives familiales Luc-Las Vergnas.

    41 Voir supra, chapitre vii. Spécialiste reconnu de littérature anglaise, régulièrement invité dans des universités américaines, il sera en 1968 le dernier doyen de la Sorbonne et le fondateur de l’université expérimentale de Vincennes avant de présider à la fin de sa carrière l’université de la Sorbonne nouvelle.

    42 Archives familiales Luc-Las Vergnas.

    43 Il est sûr que Raymond Las Vergnas a demandé à Luc de faire intervenir Bonnard, mais il n’y a pas d’indice prouvant que Luc ait réellement sollicité Bonnard lui-même.

    44 Carcopino Jérôme, Souvenirs de sept ans, op. cit., p. 211.

    45 D’après ce qu’il a ensuite dit, Raymond Las Vergnas était fiché « ennemi de l’Allemagne », notamment à cause de ses activités dans le camp de prisonniers, et de ses sympathies anglo-saxonnes.

    46 Arrêté du 15 février 1942, Journal officiel de l’État français, no 50, 27 février 1942, p. 835.

    47 Arrêté du 27 février 1943, Journal officiel de l’État français, no 59, 10 mars 1943, p. 698.

    48 L’Enseignement technique, no 143, août 1989.

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