1 En France, jusqu’en 1954, l’INSEE retenait le critère de 2 000 habitants agglomérés au chef-lieu pour définir les communes urbaines et donc compter la population urbaine. Depuis 1954, l’INSEE prend en compte la réalité de l’étalement urbain et défi nit des unités urbaines mono-communales ou pluri-communales qui comprennent une commune-centre et des communes de banlieue rattachées statistiquement aux communes-centre selon le critère morphologique de continuité du bâti. En 1996, en adoptant le critère du fonctionnement de l’espace urbain, l’INSEE a imposé la notion d’espace à dominante urbaine avec des aires urbaines. Une aire urbaine comprend une unité urbaine de plus de 5 000 emplois localisés (pôle urbain) et une couronne périurbaine, défi nie par les mouvements pendulaires vers le pôle de 40 % au moins des actifs résidents dans les communes de la couronne (Le Jeannic, 1997).
2 Dans l’agglomération parisienne, les quartiers ouvriers de l’est et du nord remplacèrent progressivement les quartiers populaires en débordant vers la Plaine Saint-Denis et le port de Gennevilliers ; les quartiers bourgeois se construisirent à l’emplacement des anciens espaces aristocratiques, à l’ouest et au sud-ouest de Paris, jusqu’à Versailles et la vallée de Chevreuse.
3 Robert Erza Park (1864-1944), journaliste, sociologue, formé à la philosophie allemande par Goerg Simmel, fonda l’école de Chicago à l’université de Chicago dans les années 1920. Ses principaux collaborateurs furent Ernest W. Burgess, H. Hoyt, C. D. Harris, Roderick McKenzie, E. L. Ullmann, Louis Wirth.
4 Voir respectivement les modèles de E. W. Burgess (1925), H. Hoyt (1939), C. D. Harris et E. L. Ullmann (1945).
5 Cf. les recherches de l’écologie factorielle urbaine, inspirées des thèses de l’école de Chicago.
6 « Toute grande ville a un ou plusieurs “mauvais quartiers” où se concentre la classe ouvrière. Certes il est fréquent que la pauvreté réside dans des venelles cachées tout près des palais des riches, mais en général, on lui a assigné un terrain à part où, dérobée au regard des classes les plus heureuses, elle n’a qu’à se débrouiller seule, tant bien que mal. Ces “mauvais quartiers” sont organisés en Angleterre partout de la même manière, les plus mauvaises maisons dans la partie la plus laide de la ville : le plus souvent ce sont des bâtiments à deux étages ou à un seul, en briques, alignés en longues files, si possible avec des caves habitées et presque toujours bâtis irrégulièrement. Ces petites maisons de trois ou quatre pièces et une cuisine s’appellent des cottages […]. Les rues elles-mêmes ne sont habituellement ni planes, ni pavées ; elles sont sales, pleines de détritus végétaux et animaux, sans égouts ni caniveaux, mais en revanche parsemées de flaques stagnantes et puantes. De plus l’aération est rendue difficile par la mauvaise et confuse construction de tout le quartier, et comme beaucoup de personnes vivent ici dans un petit espace, il est aisé d’imaginer quel air on respire dans ces quartiers ouvriers. En outre, les rues servent de séchoir par beau temps » (Engels, 1975, p. 62-63).
7 « Nulle part, dans les rues de Londres on ne peut échapper au spectacle de l’abjecte pauvreté qui s’y étale. Cinq minutes de marche vous conduiront à un quartier sordide. Mais la région où s’engageait ma voiture n’était qu’une misère sans fin. Les rues grouillaient d’une race nouvelle de gens, complètement différente, de petite taille, d’aspect miteux, la plupart ivres de bière. Nous roulions devant des milliers de maisons de briques, d’une saleté repoussante, et à chaque rue transversale apparaissaient de longues perspectives de murs et de misère » (London, 1990, p. 31).
8 Un verbe perfomatif réalise l’action qu’il exprime au moment de l’énonciation, par extension un énoncé performatif constitue simultanément l’acte auquel il se réfère (je vous autorise à partir, est un énoncé et une autorisation).
9 L’inscription spatiale des classes moyennes est moins souvent prise en compte, sauf dans les recherches relatives à la mobilité sociale et résidentielle ascendantes, où elles sont considérées comme un niveau de basculement de la hiérarchie sociale.
10 Dans le sens de Pierre Bourdieu, 1993, cf. p. 16.
11 Unanimes, les géographes disent que l’espace doit être pensé à différents niveaux de l’étendue et étudié avec des documents à différentes échelles. On pourrait citer de nombreux textes épistémologiques et didactiques qui posent cet impératif comme un manifeste. Yves Lacoste écrit par exemple (1987) : « Dans cette façon de penser l’espace comme s’il était feuilleté, une série de hiatus sépare les différents niveaux d’analyse. Or c’est tout le but d’un véritable raisonnement de géographie que de chercher à les articuler les uns aux autres. C’est aussi une nécessité pour l’action. » Roger Brunet (1997) écrit de même : « La première des exigences d’une géographie de notre temps est de traiter de toutes les échelles. […] Ceci amène à se demander comment s’articulent les espaces d’un même niveau entre eux, et les différents niveaux les uns par rapport aux autres. »
12 La présentation de la dimension verticale de l’espace avec deux strates superposées et articulées est inspirée d’un texte de Guy Di Méo (2000). Dans l’introduction, l’auteur écrit : « L’espace géographique qui accueille la vie sociale et au sein duquel s’accomplissent les destinées humaines n’a pas cette objectivité placide que la géographie classique et ses versions positivistes retenaient naguère, implicitement. […] Les hommes produisent cet espace et s’y inscrivent. Cependant cette opération revêt beaucoup plus de complexité qu’il n’y paraît de prime abord. Cette production-inscription ne se réduit pas à une stricte somme d’actes concrets et de travaux de nature matérielle. L’homme qui se représente l’espace et son milieu, qui le façonne et le transforme est à la fois une conscience, une psyché, un sujet philosophique et politique, un individu, une personne, un être humain et un être social. À ces divers titres, tous différents et complémentaires, il établit une palette diversifiée de rapports spatiaux. Il secrète une large variété de représentations spatiales. »
13 J’ai adopté une représentation binaire de l’espace sociétal (espace objectif et subjectif) car mon étude est centrée sur la place et la signification de la pauvreté dans la société et son espace, au vu des règles de fonctionnement dominantes de la société. Si d’emblée mon propos avait été de m’interroger sur une autre manière de faire société pour effacer la frontière de la pauvreté, j’aurais pu adopter la représentation de l’espace sociétal que Selimir Govedarica (1995), chercheur en sociologie et en sciences politiques, a construite. Il a interprété la vision tripartite de l’univers sociétal que Georges Dumésil (1898-1986) avait découverte en étudiant les mythes indo-européens (espace du prêtre, espace du soldat, espace du producteur). Par analogie, il partage l’espace sociétal en trois sous-ensembles qu’il nomme « espace bénéficial », « espace de la puissance publique » et « espace de la création ». Dans « l’espace bénéficial », les rapports humains sont régis par les relations de hiérarchie et de domination ; dans cet espace, les dominants tirent un bénéfice matériel et symbolique de leur position et les rapports de force sont déséquilibrés. Dans « l’espace de la puissance publique » ou « espace du stéphanos », les rapports humains sont régis par les relations de sujétion au droit et les rapports de force sont en équilibre. Dans « l’espace de la création », les populations ne produisent pas de capitaux symboliques à partir de leurs activités professionnelles car leurs relations sont fondées sur l’échange de compétences, en dehors de toute référence à une hiérarchie de valeurs de ces compétences, ce qui élimine de fait la violence, réelle ou symbolique, puisque les rapports de force disparaissent.