Chapitre I. À partir des années 1830, réactivation et amplification
p. 39-66
Texte intégral
1Sociétés et cercles n’apparaissent pas ex nihilo dans les campagnes mayennaises à partir des années 1830. Leurs créations s’appuient sur des structures préexistantes, initiées dans la seconde moitié du xviiie siècle : les sociétés littéraires et les loges maçonniques. Il est donc nécessaire, dans un premier temps, de considérer ces racines associatives, avant de s’intéresser à la floraison des sociétés et cercles ruraux en Mayenne sous la monarchie de Juillet, puis à la greffe d’obédience catholique qui s’opère, en ces mêmes années, principalement sous la forme des sociétés de cure.
Racines associatives
Premières sociétés littéraires et loges maçonniques
2Les associations qui fleurissent ou refleurissent à partir des années 1830 plongent leurs racines dans la seconde moitié du xviiie siècle, à une époque où la monarchie laisse se développer les corps intermédiaires1. L’un des terreaux est la « république des lettres », cette utopie qui, à l’époque moderne, rêve d’être un espace partagé par tous les gens de savoir et d’écrit. Elle s’appuie aussi bien sur l’académie la plus prestigieuse que sur la plus petite société littéraire de village, qui se voue à la lecture de la presse nationale et aux ouvrages de référence et, partant de là, à la discussion entre sociétaires2. L’autre terreau est la franc-maçonnerie et ses loges. Le texte maçonnique fondateur, les Constitutions de la Grande Loge de Londres, est publié en 17233. En France, la première loge constituée est fondée à Paris en 1725. Pour être rattachées officiellement à l’obédience maçonnique, les loges doivent être reconnues par la Grande Loge, devenue le Grand Orient de France dans les années 17704. À partir de cette époque, la franc-maçonnerie connaît une expansion régulière en France et les loges se multiplient5.
3Dans le cas d’Angers, François Lebrun parle des sociétés et des loges comme des « lieux presque interchangeables, où se retrouvent, à l’abri du commun, ceux qui se considèrent comme l’élite de la société6 ». Dans son étude sur la franc-maçonnerie normande entre 1740 et 1830, Éric Saunier affirme que l’activité d’une loge est plus en prise avec les « préoccupations d’une élite de notables bourgeois, petits ou grands, favorisant l’endogamie et la communauté des valeurs [plutôt qu’avec des] activités exigeantes intellectuellement7 ». La sociabilité maçonnique se pense d’abord en termes de mise en œuvre de réseaux par des « affiliations multiples8 ».
4Dans la seconde moitié du xviiie siècle, sociétés littéraires et loges maçonniques constituent une « sociabilité bourgeoise9 ». Elles témoignent d’un désir de savoir, d’un « idéal de perfectionnement individuel10 ». Dans le même temps, elles « dessinent de nouvelles formes de distinction et de prestige social, et même de pouvoir11 ».
5La première association de sociabilité à avoir été créée dans une commune rurale mayennaise est la société littéraire d’Ernée, le 13 janvier 175912. Son local est situé dans le « cabinet du jardin Saint-Jacques », où ses sociétaires « sont dans l’usage de s’assembler chaque jour » et y mettent « pour leur commodité plusieurs meubles et entrautres un poile de faillance [sic]13 ».
6Deux clans se distinguent parmi les fondateurs. Le premier est la famille de Gruel. Louis de Gruel, 42 ans, est curé d’Ernée depuis 1753, charge précédemment occupée par deux de ses oncles. Aux côtés de Louis, on trouve un autre de ses oncles, André de Gruel, 56 ans, chevalier. L’autre clan est constitué autour de l’un des deux échevins d’Ernée, Julien-Louis Jeudry. Âgé de 44 ans, il est docteur en médecine. Il a étudié à la faculté de Paris et il est correspondant de la faculté royale de médecine, ce qui le rattache au monde académique. Aux côtés de Julien-Louis Jeudry, on trouve son frère, Julien-François, avocat, administrateur de l’hôpital, président au grenier à sel d’Ernée, mais aussi André-Denis Piveron, le mari de sa sœur, entreposeur des tabacs, et François Boullier, le frère de sa femme, ainsi que le beau-père de ce dernier, François Guyard, tous les deux avocats. D’autres fondateurs identifiés font partie des réseaux professionnels du clan Jeudry : un certain Le Pescheux, entreposeur des tabacs, Michel Le Pannetier, procureur au grenier à sel, et les frères Guillaume et François Bichain, docteurs en médecine. Les derniers fondateurs connus sont Jacques-René Le Fizelier, notaire, et René-Jean Ménage, clerc, titulaire d’une chapelle de l’église d’Ernée, mais qui « n’avait d’abbé que le nom et menait une vie absolument séculière14 ».
7La composition de la société littéraire surprend, car la famille de Gruel, d’origine normande, est assez mal perçue à Ernée. Les curés de Gruel successifs se sont fortement opposés à la municipalité15. Dans ce contexte particulier, la création d’une société littéraire fait pourtant consensus au sein des notables locaux.
8Une autre société littéraire est fondée à Craon, le 27 juin 1764. Les Archives départementales de la Mayenne conservent le registre des délibérations de l’association, de sa création jusqu’à l’année 183416. Le but des membres de la société de Craon est d’établir « une société de récréation où nous puissions nous assembler pour nous dissiper et entretenir l’union qui doit régner entre les habitans [sic] d’une même ville ». Les activités envisagées sont les jeux de cartes, les jeux de dés comme le trictrac, les échecs et la boule. Il est possible de miser de l’argent, mais avec mesure. La constitution d’une bibliothèque est projetée.
9Une maison, décrite comme étant un « hôtel », est mise à la disposition de la société. Elle est ouverte tous les jours de neuf heures à midi, puis de deux heures à sept heures du soir, sauf dimanches et fêtes. L’ouverture se limite à l’après-midi, durant la période hivernale, de la Toussaint à Pâques.
10La charge de syndic et secrétaire, c’est-à-dire celle de principal représentant de l’association, est dévolue, en juillet 1764, à François-Julien Lecomte, 40 ans, officier du grenier à sel local, comme l’étaient, avant lui, son père et son grand-père. La trésorerie est assurée par Jean Frontault du Verger, maître chirurgien, 31 ans. Parmi les 15 autres membres fondateurs, on note deux avocats, dont Jacques-René Chasseboeuf, deux médecins dont François-Jean Esnue de la Vallée, le sénéchal Petitot et un noble, de Farcy du Roseray. On compte également six chanoines, soit, contrairement à la société d’Ernée, une forte proportion de religieux. À partir de 1768, un service est d’ailleurs assuré au décès de chaque sociétaire en l’église des dominicains de Craon. Dans les années qui suivent sa création, la société de Craon accueille de nouveaux membres, essentiellement issus du clergé et de la noblesse. En novembre 1769, le nombre maximal de sociétaires passe de 24 à 30.
11Ernée et Craon sont, à la fin du xviiie siècle, deux agglomérations de taille sensiblement identiques, avec environ 3 000 habitants chacune17. L’économie de leurs environs est semblable, basée sur la culture du seigle et du lin18. Elles semblent ouvertes aux mêmes influences extérieures qu’une agglomération comme Laval, peuplée de plus de 10 000 habitants. La société lavalloise Vaumorin, créée en 1755, est contemporaine de celles d’Ernée et de Craon. Son fondateur, Pichot de la Graverie, veut en faire une « espèce d’académie19 », sans que les sources permettent de savoir s’il y réussit. Huit ans plus tard, l’ambition d’une autre société fondée à Laval, dite société Berset, est plus modeste. Le préambule de ses statuts stipule qu’on y adhère pour « s’y entretenir des belles-lettres, des nouvelles publiques, lire les gazettes, les journaux, les mercures, et cultiver l’esprit par des conversations sérieuses et agréables », mais aussi s’y promener et jouer aux boules dans le jardin20. En d’autres termes, il n’y a pas de différence entre les sociétés de Craon et de Laval.
12Le registre des délibérations de la société littéraire de Craon permet d’avoir une idée des publications auxquelles elle est abonnée21. En 1764, les sociétaires peuvent consulter le Mercure de France, revue littéraire de référence, mensuelle, très diffusée, mais aussi le Journal de Verdun, qui s’inspire beaucoup du Mercure, quoique plus politique. S’y ajoute l’Almanach royal, publication didactique de données administratives. Dans les mois qui suivent la création, les sociétaires s’abonnent également au Courrier d’Avignon, journal provincial, connu pour avoir des correspondants à l’étranger, et à la Gazette de France, autre journal d’informations de référence.
13Chaque année, les souscriptions sont remises en question lors de l’assemblée générale. En 1767, le Journal de Verdun est supprimé pour raison financière. En 1769, une majorité de sociétaires demandent à s’abonner au Journal politique, autrement titré la Gazette des gazettes. En 1773, c’est l’abonnement au Mercure de France qui est résilié, « attendu que les fonds de la société sont trop médiocres et que cet ouvrage est enlevé de l’hôtel presque à chaque ordinaire ». En 1774, l’achat de la Gazette de Leyde, journal reconnu pour ses articles sur la guerre d’indépendance américaine, est adopté.
14Le registre de délibérations précise qu’un billard est acquis en 1786 par 21 voix pour et 2 contre, car « il est nécessaire de multiplier les genres d’amusement et de récréation, pour pouvoir occuper tous les associés ». En 1788, là encore pour des raisons financières, il faut redéfinir les règles d’utilisation, car le jeu de billard entraîne une consommation « considérable » de chandelles, dont le coût absorbe une grande partie de l’argent consacré aux abonnements. Les joueurs doivent donc dorénavant fournir les chandelles à leurs frais. Dans les années 1790, le billard reste un sujet majeur dans les délibérations.
15En 1786, face à la société littéraire de Craon, au recrutement élitiste et à la proximité assumée avec l’Église catholique, un second cercle apparaît, dit de la Gauvennerie, du nom de la rue où il est établi. Le juge de paix Jamet est mentionné en tête des 12 fondateurs, qui se recrutent essentiellement chez les commerçants et artisans, parmi lesquels deux boulangers, un chapelier, un perruquier, un marchand blâtier et un aubergiste22. La distinction socio-professionnelle est donc de rigueur dans le monde de l’association craonnaise à la fin du xviiie siècle.
16La première loge maçonnique mayennaise est fondée à Ernée en 1775. Elle se dénomme la « Nouvelle Union ». Ses archives ont été dépouillées par André Bouton et Marius Lepage23. Elle n’est pas sans liens étroits avec la société littéraire de la commune. En effet, quand les francs-maçons d’Ernée font une demande de reconnaissance au Grand Orient en février 1775, leur mandataire parisien n’est autre qu’André-Louis, fils d’André-Denis Piveron, membre de la société littéraire locale. Des représentants de la loge militaire du régiment de Royal-Roussillon cavalerie, en garnison à Fougères, en mai 1775, viennent à Ernée inspecter les travaux des aspirants francs-maçons et rédigent un rapport très favorable. La loge d’Ernée est officialisée le 27 juin 1776. Son local se situe, dans un pavillon, place des halles.
17La Nouvelle Union d’Ernée est « incontestablement une loge aristocratique24 ». Parmi les 16 premiers frères, une très grande majorité est noble. On y retrouve toutefois le clerc, René-Jean Ménage. Y figurent également Julien-Jean de Gruel, écuyer, petit cousin du curé d’Ernée, et Julien-Joseph Delalande, secrétaire de la loge, cousin de Julien-Louis Jeudry, devenu maire d’Ernée en 1770. Aussi, quand il s’agit d’élargir le recrutement de la loge – celle-ci compte 43 membres en 1778 –, la société littéraire est un vivier important. À partir d’archives aujourd’hui non conservées, André Bouton et Marius Lepage dénombrent 14 membres de la société littéraire parmi les 72 frères de la Nouvelle Union, répertoriés entre 1775 et 178525.
18Après avoir contribué à l’installation d’une loge civile à Fougères, l’activité maçonnique ernéenne entre en sommeil vers 178526 : ses membres se dispersent, quelques-uns s’affilient à d’autres loges.
19Pendant la Révolution française, les sociétés urbaines disparaissent : à Laval, la société Berset s’autodissout en 1793. A contrario, les sociétés rurales perdurent. Le registre de délibération de la société de Craon permet d’avoir une idée de l’impact de la période révolutionnaire.
20La première conséquence est le départ lointain de plusieurs sociétaires. Le nombre de membres passe rapidement de 32, son maximum, à 25. Cette baisse affecte les finances de la société. Plus que cela, le 18 décembre 1791, le registre relate que le prêtre Besnard, élu procureur de la société, en charge des abonnements et plus largement des questions logistiques, est parti à Paris en octobre et n’a plus donné de ses nouvelles. En conséquence, les journaux ne sont plus livrés, en particulier le Moniteur : « Cet ouvrage n’est point parvenu à la société, qui, dans ce moment, se trouve privée des nouvelles auxquelles tous patriotes doivent s’intéresser et prendre part. » Il y a toujours une volonté des sociétaires de se tenir au courant de l’actualité nationale, coûte que coûte : dès le 25 décembre, un abonnement à l’année est pris à l’un des premiers quotidiens français, le Journal de Paris. L’achat d’une carte géographique du tout nouveau département de la Mayenne est également adopté. Si les souscriptions au Moniteur ou au Journal de Paris ne laissent pas transparaître une tendance politique particulière au sein de la société littéraire de Craon, les abonnements suivants montrent, en revanche, une évolution radicale, mais antagoniste. La société souscrit, en effet, successivement, en octobre 1792, à la Gazette de Perlet, journal de tendance royaliste et, en septembre 1793, à la Feuille du salut public, soutien de la politique du Comité de salut public.
21Depuis la création de la société littéraire de Craon, en 1764, ses membres ont déjà dû déménager sans que cela n’affecte la continuité de leurs activités. Or, le 7 floréal an 3 (26 avril 1795), les sociétaires découvrent qu’ils doivent avoir quitté leur local pour le 11 brumaire suivant (2 novembre 1795), car la maison de la Chanoinerie, dont ils occupent des appartements et le jardin, est passée aux mains d’un cultivateur qui veut en jouir pleinement. Au 3 brumaire (25 octobre), les membres de la société se réunissent à nouveau pour découvrir que les recherches d’un nouveau local ont été infructueuses. Faute de mieux, un des sociétaires propose une partie de son logis. Le 7 brumaire (29 octobre), la question de la dissolution de la société est posée pour la première fois en assemblée. Elle est rejetée à l’unanimité des 17 votants et l’ensemble des objets est transporté vers le nouveau lieu. Un an plus tard, en 1796, le sociétaire hôte est amené à quitter son logement. Des « commissaires » sont nommés pour chercher et inspecter un nouveau local. Une solution est trouvée, qui permet de « placer commodément le billard et les différentes autres tables de jeux », mais elle n’est que provisoire. Le 24 vendémiaire an 6 (15 octobre 1797), la fin de la société est actée. La décision n’est toutefois pas appliquée. La société continue de se réunir régulièrement en assemblée générale, deux à trois fois par an, jusqu’au 13 thermidor an 9 (1er août 1801). À cette date, le trésorier de l’association convoque les sociétaires pour valider ses comptes, avant de quitter définitivement Craon pour raisons professionnelles. Il n’est pas remplacé. Pour la première fois depuis la création de la société, trente-sept ans plus tôt, le registre des délibérations s’interrompt, signalant la mise en sommeil de l’association.
Première renaissance
22La législation révolutionnaire éteint l’essor associatif, mais seulement pour un temps. À l’échelle française, le Grand Orient retrouve une activité publique à partir de 1801, à l’identique de ce qu’elle était avant 178927.
23Dans le même temps, la société de lettrés, née au siècle des Lumières, laisse progressivement la place à l’alehouse28. Ce modèle de société, qui s’est diffusé des villes vers les campagnes anglaises au cours de la seconde moitié du xviiie siècle29, associe désormais sociabilité et consommation d’alcool.
24La société littéraire de Craon est réactivée en 1809 mais, entre-temps, d’autres groupements associatifs sont apparus dans la commune. Une loge maçonnique, dénommée la « Concorde », est installée le 16 juillet 180530. L’implication de francs-maçons issus de loges lavalloises est prépondérante : l’un des deux fondateurs est issu de l’Union, loge active entre 1785 et 1791, le second des Amis-Unis, fondée en 1796 et toujours active. Six des membres de cette dernière s’affilient à la nouvelle loge craonnaise, qui s’installe dans une partie de l’ancien couvent des dominicains. 39 membres sont répertoriés sur toute la durée de son existence, entre 1805 et 1811. En dehors des Lavallois, ce sont fort logiquement des Craonnais qui en sont membres (18 sur 39). La personnalité de René Lecomte s’y signale.
25Né en 1761, fils de François-Julien, un des fondateurs de la société littéraire, René Lecomte est présenté comme « homme de loi ». Il est reçu lui-même comme membre de la société en 1791 ; il est d’ailleurs des commissaires désignés pour chercher un local à la société dans les dernières années du xviiie siècle. Il devient maire de Craon en 1800. Franc-maçon, il dirige les travaux de la Concorde à partir de 1807, au titre de « Vénérable ».
26À ce poste, René Lecomte est assisté d’un « premier surveillant », propriétaire, d’un « second surveillant », négociant, et d’un secrétaire, secrétaire de mairie et receveur des contributions. Les autres membres craonnais sont pour la plupart présentés comme « propriétaires » ou « fonctionnaires ». Il est à noter la présence d’un prêtre hospitalier et d’un agriculteur. La loge recrute également dans les communes de Château-Gontier et de Cossé-le-Vivien, quatre membres chacune. André Bouton et Marius Lepage attribuent la mise en sommeil de la Concorde, à partir de 1810, au fait que plusieurs de ses membres, résidant à Château-Gontier ou à Laval, délaissent la structure craonnaise pour s’affilier aux loges maçonniques existant ou créées entre-temps dans leur ville de résidence31.
27L’autre explication de la désaffection de la loge de Craon est la persistance de sociétés non maçonniques. Premièrement, le cercle de la Gauvennerie a connu une mise en sommeil tardive et relativement brève, entre 1815 et 182032. Deuxièmement, en 1807, une nouvelle société, dite des « Amis réunis », est formée à Craon. Le registre de délibérations en a également été conservé33, mais s’avère plus lacunaire que celui de la société littéraire. Le but et le fonctionnement rapprochent les deux associations : conversation, boules, cartes et ouverture d’un local, situé près de la porte de Segré, de quatre heures à huit heures du soir.
28Sans mener une étude poussée sur les réseaux de sociabilité à l’époque, étude que les sources dépouillées ne permettent pas, il est possible d’affirmer que des connexions existent entre la société des Amis réunis et la loge de la Concorde. La dénomination « Amis réunis » rappelle celle de la loge maçonnique lavalloise, les Amis-Unis, dont la Concorde est une émanation. De plus, parmi les fondateurs des Amis réunis, on note la présence d’Anselme Lair, propriétaire, cité en premier dans les statuts de 1807. Il est l’un des fils de René-François Lair, lui-même propriétaire, franc-maçon et membre de la Concorde. Les Amis réunis apparaissent donc comme un entre-deux : une appellation et des liens qui ont trait à la franc-maçonnerie, mais une activité qui tend vers celle d’une société littéraire.
29Les autres fondateurs identifiés des Amis réunis sont marchand meunier, tourneur, ferblantier, propriétaire. On ne trouve mention d’aucun religieux. Ce point marque la différence avec l’ancienne société littéraire, dont l’activité reprend en novembre 1809, avec la réception du curé de la paroisse parmi ses membres. La délibération est contresignée, au nom de la société, par l’omniprésent René Lecomte, maire de la commune, Vénérable de la loge maçonnique et désormais responsable éminent de la société littéraire. À travers son exemple, il est permis de constater que la multiplicité des affiliations et la plasticité des structures, constatée dans les années 1770-1780, demeurent une réalité au début du xixe siècle.
30Autour de 1810, Craon compte donc une loge maçonnique à l’existence certes courte (1805-1810), une société littéraire renaissante, un cercle de la Gauvennerie toujours actif et une toute nouvelle société des Amis réunis. Un tel dynamisme associatif étonne et la permissivité des autorités publiques surprend, eu égard à l’existence des lois d’Allarde et Le Chapelier. Mais, il n’est pas certain que le pouvoir central soit au courant de l’existence de toutes les sociétés, surtout si elles ont une activité intermittente. En outre, la législation révolutionnaire, si elle interdit finalement de manière explicite les coalitions d’ouvriers et les clubs politiques, permet théoriquement la réunion et l’association. À partir de 1810, l’article 291 du Code pénal donne même un cadre juridique aux sociétés et aux cercles.
31Le mouvement de renaissance associative dans les communes rurales mayennaises est confirmé par la création de sociétés dans des communes rurales autres qu’Ernée et Craon. Le formulaire de l’État des réunions d’hommes ou sociétés, établi en 1842, signale ainsi que la société littéraire d’Évron existe « depuis 40 ans34 », ce qui établirait sa fondation en 1802. La création de la société littéraire de Saint-Denis-d’Anjou est, elle, au contraire, clairement datée dans l’État des cercles ou associations de 1872 : 6 germinal an 13 (27 mars 1805)35. Les 12 membres fondateurs sont identifiés, avec mention de leurs situations. Le premier cité est un chirurgien de 56 ans. Suivent quatre propriétaires, un percepteur, un notaire, le curé et son vicaire, le juge de paix et son greffier et, pour finir, un médecin. Les liens familiaux jouent un rôle important : le percepteur est le beau-frère d’un autre membre, propriétaire ; le même lien de parenté se retrouve entre le juge de paix et un autre sociétaire, également propriétaire ; enfin, le vicaire, âgé de 48 ans, n’est autre que le frère du curé, de quatre ans son cadet36.
32Les années 1820 font apparaître une tendance de fond dans les activités des sociétés, conforme à celle observée à l’échelle nationale. L’évolution de la forme des registres de délibération est significative37. Celui de la société littéraire de Craon, créée en 1764, est très fourni jusqu’aux années 1810. Chaque adhésion, chaque décision collective est notée dans le moindre détail. Il y a une volonté de faire mémoire. Par la suite, les annotations se font beaucoup plus succinctes. Le registre de la seconde société, celle des Amis réunis, fondée en 1807, prend dès le départ la forme d’un livre de comptes, très précis, particulièrement à partir des années 1820, où achat et consommation de vin et de bière tiennent la place principale. La société de lettrés n’est plus en vogue, l’association de sociabilité se rapproche du cabaret.
33La société littéraire de Craon s’éteint au milieu des années 1830 : son registre se tait définitivement à compter du 17 novembre 1834. Dans le même temps, les Amis réunis changent d’appellation pour devenir en 1836 la « société de la Réunion », manière de signifier qu’une page se tourne.
34La vitalité associative littéraire et maçonnique, dans la seconde moitié du xviiie siècle et dans les premières années du xixe siècle, à Craon et Ernée notamment mais pas uniquement, explique grandement l’épanouissement des cercles trente ans plus tard. Il semble, selon la documentation, qu’il n’y ait pas eu alors de bouleversement des cadres associatifs ; au pire, observe-t-on, à partir des années 1810-1820 un glissement dans l’objet des sociétés, qui de littéraire devient plus ludique.
Floraison des cercles
Lecture, jeux et consommation d’alcool
35Les cercles fleurissent sur l’ensemble du territoire national dans la première moitié du xixe siècle : en 1843, Maurice Agulhon en dénombre 1 601, comptant chacun de plus de 20 personnes38. Selon Jean-Luc Marais, le modèle de société qui se diffuse dans les provinces de l’Anjou, du Maine et de la Touraine, est spécifique39. Il ne tirerait aucune référence de la religion, ni dans son titre, ni dans ses règlements. Il apparaît également beaucoup moins politisé. L’influence principale serait celle des clubs anglais et serait à mettre en lien avec les relations commerciales entre les marchands angevins et le marché londonien, ainsi qu’avec la présence importante de Britanniques en Anjou.
36Par ailleurs, les cercles angevins sont une déclinaison du café parisien des xviiie et xixe siècles, étudié par Thomas Brennan et W. Scott Haine40. Sous la monarchie de Juillet et sous le Second Empire, ils allient une dimension ludique à une consommation d’alcool beaucoup plus présente et importante. Selon les régions, le cercle connaît son apogée entre les débuts de la monarchie de Juillet, comme à Paris41, et les années 1865-1875, à l’exemple du Berry42.
37Les sociétés et cercles qui naissent ou renaissent dans les campagnes mayennaises à partir des années 1830 mettent toujours en avant la lecture et la discussion comme buts de leur association. La lecture du journal du jour est souvent limitée : pas plus d’une demi-heure par personne. La lecture à voix haute est statutairement définie si la majorité des membres présents le demande. Certaines sociétés autorisent leurs membres, en cas de « cause grave », à envoyer quelqu’un chercher le journal, le lendemain de son arrivée au cercle, à condition de le rapporter avant la fermeture.
38Sous la monarchie de Juillet, les lectures des cercles ruraux mayennais sont pour le moins conservatrices, à l’instar de la société littéraire d’Évron43. Ses membres signalent au préfet de la Mayenne, en 1845, qu’ils sont abonnés au Journal des débats depuis quarante ans, au Journal des villes et des campagnes depuis vingt-huit ans et au Journal de la Mayenne. Le premier est l’un des journaux les plus diffusés à l’époque, les deux autres sont ouvertement légitimistes.
39En devenant membre d’une société ou d’un cercle, le sociétaire est également à la recherche de divertissement. Les jeux sont identiques à ceux de la fin du xviiie siècle : les dés, les cartes, le billard et le jeu de boule. L’existence d’un billard est mentionnée dans presque tous les cercles existant sous la monarchie de Juillet : la Réunion et la Gauvennerie à Craon, les sociétés littéraires à Évron et Ernée et la société du Pavillon à Chémeré-le-Roi. Ce jeu disparaît pourtant des statuts à partir de 1845. Seule la société de Couptrain y fait encore référence en 186644. À partir du Second Empire, l’intérêt se porte uniquement sur le jeu de boules.
40On discute, on lit, on joue, mais on boit aussi. C’est une évolution majeure par rapport aux sociétés de la fin du xviiie siècle : les sociétés sont devenues des lieux de boisson. L’État ne s’y trompe pas. En 1842, il est ainsi fait un État des réunions d’hommes, ou sociétés, dans lesquelles on donne à boire ou à manger, existant dans le département de la Mayenne45. Ce document a une visée fiscale, puisqu’il s’agit d’imposer les sociétés et cercles comme des débits de boisson. Nombre d’associations ne déclarent aucune consommation d’alcool, mais il est difficile de savoir si cela recouvre une réalité. Il est plus vraisemblable que cela témoigne d’une volonté d’échapper à l’impôt. La société littéraire de Landivy adopte une stratégie de contournement en déclarant : « Lorsque ses membres ont besoin de prendre quelque chose, ils vont dans un café qui est vis-à-vis, et séparé par la voie publique. » La société Chevallier, à Sainte-Suzanne, bénéficie d’une licence pour la consommation d’alcool du temps où elle est tenue par un barbier-perruquier du nom d’Étienne Chevallier, décédé en 1832. Dix ans plus tard, c’est son fils aîné, Étienne, 26 ans, lui-même perruquier, qui est dit « concierge », ou plutôt tenancier. Les sociétaires souhaitant vraisemblablement ne pas être à nouveau soumis au fisc, « ont décidé qu’il ne serait plus bu dans leurs réunions que des sirops ou de l’eau sucrée. Depuis peu, on s’est mis à l’usage de la bière ».
41Cinq sociétés reconnaissent toutefois une consommation de vin, de cidre ou d’alcool, avec des différences significatives dans les chiffres déclarés (tableau 2) : il se consomme ainsi, à l’année, 48 litres de vin et 1,25 litre d’alcool par personne au Jardin de Parné contre seulement 28 litres à la Gauvennerie de Craon. Ce sont des consommations élevées, sachant qu’en 1859, la moyenne par habitant est, en France, de 15,3 litres et, en Mayenne, entre 10 et 15 litres46. La société ou cercle tend à devenir une sorte de cabaret privatif.
Tableau 2. – Tableau comparatif des consommations de vin, cidre et alcool dans les cercles des communes rurales mayennaises en 1842.
Nom du cercle concerné | Nombre de membres déclarés | Consommation de vin, en litres/an | Consommation de cidre, en litres/an | Consommation d’alcool, en litres/an |
Société de Ballée | 10 | 340 | ||
Société de Chemazé | 40 | 460 | 920 | 50 |
Gauvennerie de Craon | 40 | 1 130 | ||
Union de Ménil | 39 | 920 | 460 | |
Jardin de Parné | 24 | 1 150 | 30 |
Des lieux privatifs
42Le local des sociétés est le plus souvent une maison louée, en totalité ou en partie. Dans quelques cas, le local est plus réduit et plus précaire et rapproche géographiquement le cercle du cabaret. À Couptrain, en 1866, les sociétaires louent la salle de billard du café-auberge Lainé47. À Javron, en 1878, le cercle se réunit dans une salle située au premier étage de l’auberge Bouhours, le tenancier s’engageant à fournir « un billard en bon état et tout ce qui s’y rattache48 ».
43Même si cela n’est pas toujours écrit explicitement, les sociétaires d’un cercle cherchent à se distinguer, à ne pas se mélanger au reste de la population rurale. Si, effectivement « on assiste à un déplacement des lieux de sociabilité », de l’église vers le café, la démarche des fondateurs de cercles ruraux mayennais ne se conforme pas à ce que constate Didier Nourrisson, pour qui « la société rurale de la fin du xixe siècle trouve ou retrouve une certaine cohésion dans l’alcoolisation collective de cabaret49 ».
44Un quart des cercles recensés bénéficie des services d’une ou d’un concierge. Il s’agit, pour la plupart, des sociétés les plus anciennes, fondées à la fin du xviiie siècle ou dans les années 1830-1840. Cette personne est rémunérée ou dédommagée par l’usage qu’elle peut avoir d’un logement dans la maison de la société, ainsi que du jardin. Elle est la femme ou l’homme à tout faire des sociétaires : l’article 36 du règlement de l’une des sociétés littéraires d’Ernée en 1835 stipule que le concierge doit ouvrir et balayer le local, en garantir le chauffage, brosser le tapis du billard et des tables de jeux, aller chercher les journaux, porter le courrier et mettre à la porte tout intrus50. Quelques sociétés, parmi les plus petites, ont une activité limitée et n’ouvrent que le dimanche : l’emploi d’un concierge n’y est donc pas indispensable. En ce cas, c’est le propriétaire du local qui est tenu à l’entretien, ou bien l’aubergiste, quand il s’agit d’une salle de billard louée, ou bien encore, les sociétaires eux-mêmes.
45Les effectifs des cercles ruraux mayennais sont relativement uniformes : l’énorme majorité fonctionne avec 15 à 40 membres. La société littéraire de Saint-Denis-d’Anjou se distingue : 12 adhérents en 1805, 7 en 1865, 8 en 1872, 5 en 1885. Les « 63 membres » déclarés par les fondateurs du cercle de Sainte-Marie d’Argenton semblent quelque peu présomptueux51 : un document préfectoral ramène son effectif à 20, ce que corrobore, en 1869, la liste nominative des fondateurs, même si ces derniers ajoutent que « plusieurs autres […] se proposent d’en faire partie52 ».
Deux vagues de créations
46En 1842, au moment du premier État des réunions d’hommes ou sociétés établi par la préfecture de la Mayenne, rares sont les cercles qui produisent la preuve d’une autorisation officielle53. Pour le Cercle de lecture d’Ernée, à défaut, il est dit qu’il « est établi depuis un temps immémorial ». À la société littéraire de Saint-Denis-d’Anjou, « l’autorisation a été égarée et a disparu des archives ». À Landivy et à Parné, l’enquête mentionne que les sociétés n’ont pas été autorisées. Pourtant elles existent. Un flou demeure également sur l’autorité habilitée à délivrer l’autorisation. À Chémeré-le-Roi, l’autorisation mentionnée date de 1830 et est préfectorale. À Saint-Denis-d’Anjou, le Salon de gaîté n’a été autorisé que par le maire en 1833. Nombre de sociétés qui n’ont pas pu produire une autorisation en bonne et due forme se disent prêtes à faire les démarches nécessaires. La société de Sainte-Suzanne annonce son « intention de se soumettre à la loi ». À Craon et Chemazé, « les sociétaires paraissent disposés à se soumettre ; mais ils attendent pour le faire, l’exemple qui leur sera donné par les sociétés de Laval ».
47Dans les années qui suivent, préfecture et sous-préfectures reçoivent demandes d’autorisation et règlements. Ces derniers existent parfois depuis longtemps, mais n’ont jamais été envoyés aux représentants de l’État. La Société de l’Église de Chemazé fait, par exemple, une demande d’agrément au préfet de la Mayenne en 1843 en y annexant des statuts qui, eux, remontent à 183654. Après 1842, les autorités préfectorales, relayées localement par les maires, effectuent d’autres enquêtes spécifiques sur l’état des sociétés et cercles du département avec une fréquence très aléatoire : 1845, 1872 et 1885 pour la dernière. C’est l’occasion pour les pouvoirs publics de recontrôler les autorisations, de réactualiser le nombre de membres et le nom des dirigeants et de s’assurer que l’attitude du groupement est, du point de vue des autorités, « bonne » ou « très convenable ».
48Malgré le durcissement législatif, les cercles connaissent un essor sans précédent pendant la monarchie de Juillet dans les campagnes mayennaises : 11 créations ou premières mentions entre 1830 et 1848 (fig. 3). Sous le Second Empire, les cercles atteignent leur apogée avec 13 nouvelles sociétés entre 1852 et 1870. Une concentration de créations est à signaler dans les dernières années du régime, entre 1864 et 1869, à une époque où l’Empire libéral offre les conditions d’une renaissance du cercle.
Figure 3. – Sociétés littéraires, loges maçonniques et cercles créés dans les communes rurales mayennaises entre 1750 et 1889.

49Mais, à partir de la IIIe République, la sociabilité associative de cercle connaît un certain déclin : deux nouvelles entités dans les années 1870, deux dans les années 1890, plus aucune pour la décennie suivante.
Des appellations diversifiées
50Dans les années 1830-1840, l’appellation de « société » ou « société littéraire », est la plus fréquente. Elle est remplacée, à partir des années 1860, par celle de « cercle », qui devient quasiment exclusive. Dans le Dictionnaire de l’Académie, le terme de « cercle » s’enrichit en 1878 et, désormais, « se dit d’une association dont les membres se réunissent dans un local loué à frais communs pour causer, jouer, lire les journaux55 ». On ne retrouve pas la distinction opérée par Jean-Luc Marais selon laquelle une « société » se réunirait dans un lieu autonome, loué, alors que le « cercle » se rassemblerait dans une salle de café56. Maurice Agulhon note que l’appellation « société littéraire », au début du xixe siècle, ne renvoie déjà plus forcément à une activité littéraire spécifique57. En Mayenne, le passage de la dénomination « société littéraire » à celle de « cercle » correspond au glissement progressif qui s’opère vers des activités exclusivement ludiques et la consommation d’alcool.
51L’appellation peut également être l’occasion d’affirmer un positionnement. En 1864, à Chemazé, le « cercle du Progrès » est fondé face à la « Société de l’Église », société d’obédience catholique, existant depuis près de trente ans. L’appellation « société du Plaisir » à Saint-Aignan-sur-Roë, en 1869, affiche clairement l’objectif des sociétaires. Un nom de lieu est parfois adjoint : « Cercle de la rue des Celliers » à Ernée en 1865, ce qui peut se comprendre dans une commune qui compte, à l’époque, déjà deux autres sociétés ; « société du Pavillon » à Chémeré-le-Roi ou « le Jardin » à Parné, ce qui renvoie, là, au local ou au lieu de réunion des membres de l’association. Plus rare est l’adjonction d’un nom de famille. C’est le cas à Sainte-Suzanne avec la « Société Chevallier ». C’est aussi le cas à Saint-Denis d’Anjou avec la « Société Naveau ». Ici, il est vraisemblable que le nom renvoie à celui du propriétaire de la salle, qui est, par ailleurs, en 1842, « chargé de la tenir propre ».
52Les appellations « Union », « Réunion » ou « Amis réunis » empruntent à celles de loges maçonniques mayennaises disparues ou encore actives, en l’occurrence, la « Nouvelle Union » à Ernée, entre 1775 et 1785, les « Amis-Unis » à Laval, entre 1786 et 1793, l’« Agréable Réunion » à Château-Gontier, de 1809 à 1813, ou bien encore, la « Constance des Amis-Unis » à Laval entre 1833 et 184258. Maurice Agulhon note le même phénomène dans le Var59.
53La résurgence de la franc-maçonnerie en Mayenne sous la monarchie de Juillet se cantonne à la ville de Laval. Trois loges s’y succèdent de manière discontinue entre 1833 et 1889. Le contingent de francs-maçons issus du monde rural mayennais est relativement réduit. La principale commune représentée est Ernée : sept membres dans la Constance des Amis-Unis entre 1833 et 1842, huit dans la Constance entre 1859 et 1871, deux seulement dans le Ralliement, à l’existence certes brève (1887-1889). Parmi eux, on compte Victor Lemaître. Né à Ernée en 1812, « expert-géomètre » et « maître d’hôtel », il est initié au sein de la Constance des Amis-Unis en 1836 et s’affilie ensuite à la Constance. Son fils, Victor, né en 1845, « expert-géomètre » lui-même, est initié à son tour en 1866. Or, les deux Lemaître font partie, en 1865, des membres fondateurs du Cercle de la rue des Celliers à Ernée. L’affiliation multiple pour faire réseau est donc une attitude qui perdure au cours du xixe siècle.
54Un cas particulier est celui du comte de Pontfarcy, Camille de Farcy, né en 1792. Initié en 1813 à la Constance à Laval, il se fait connaître comme chef du soulèvement chouan qui agite le sud du département de la Mayenne en 1832. L’échec total de cette insurrection le conduit à s’enfuir sur l’île anglaise de Jersey. Il revient en Mayenne après l’amnistie générale prononcée en mai 1840 et on le retrouve, en 1846, comme membre fondateur, puis président de la société d’Arquenay60, commune sur laquelle le comte possède le château de Champfleury.
Un phénomène angevin
55La géographie des sociétés et cercles ruraux en Mayenne (fig. 4) répond à l’interaction de plusieurs facteurs, dont le plus important est indubitablement l’influence angevine. Pour la période 1830-1870, Jean-Luc Marais évoque une « diffusion en nappes » et la carte qu’il produit, à l’échelle du val de Loire, montre un centre d’impulsion au niveau d’Angers61. La canalisation progressive de la rivière Mayenne, de Château-Gontier à Mayenne, entre 1846 et 1863, renforce les communications avec la capitale de l’Anjou62, et peut expliquer, pour partie, la « coulée de sociabilité » qui gagne le département de la Mayenne par le sud, entre les années 1830 et les années 1870.
Figure 4. – Sociétés littéraires, cercles angevins et sociétés de cure dans les communes rurales mayennaises au xixe siècle.


Sources : Arch. dép. de la Mayenne, 4 M, 1 T 1060bis et 1 Z 372.
56L’autre facteur déterminant est l’initiative locale, pour ne pas dire individuelle, souvent liée à des considérations sociales et économiques. En 1842, un fonctionnaire du fisc du nord-est du département explique que63 : « Dans les deux cantons dont se compose la recette de Pré-en-Pail, il ne se trouve pas de sociétés particulières, ni même de sociétés littéraires. La classe bourgeoise, qui pourrait se réunir en société, n’étant pas riche, ne fait aucune dépense. » Dans la recette de Lassay, à l’ouest de celle de Pré-en-Pail, le même document constate qu’« il n’y a pas de société […]. L’habitude de quelques habitants est d’aller l’après-midi au café pour lire le journal et prendre le café ». Les trois seuls cercles fondés au nord-est de la Mayenne sont ceux, tardifs, de Couptrain en 1866, Javron en 1878 et Pré-en-Pail en 1880. À Couptrain, la société réunit, dans l’ordre de citation des responsables auprès des autorités préfectorales, le juge de paix, le maire, son adjoint, le notaire, un greffier, un percepteur, un receveur de l’enregistrement, deux huissiers, un négociant, un escompteur. Cet aréopage de notables se contente pourtant de louer la salle de billard du café.
57À Javron et à Pré-en-Pail, la création des cercles est liée à la construction de la ligne de chemin de fer à la fin des années 1870. Mais, les deux cercles, « hors-sol », ne survivent pas à l’achèvement des travaux ferroviaires. Le 2 août 1880, le président du cercle de Javron, fondé deux ans auparavant, écrit au sous-préfet « que par suite du départ des entrepreneurs du chemin de fer le cercle s’étant trouvé réduit à un nombre de membres insuffisant s’est à la suite d’une réunion déclaré dissout pour l’année 188064 ». Le cercle du Progrès de Pré-en-Pail n’existe plus en 188565. La même année, en Mayenne, a lieu la dernière enquête préfectorale spécifique sur les sociétés et cercles, ultime marque de l’importance prise par ce type d’associations dans le monde rural.
Greffe des associations catholiques
Multiplication des sociétés de cure
58Sur le succès du cercle de type angevin dans les campagnes mayennaises, se greffent, de façon relativement rapide, un ensemble d’associations d’obédience catholique. La première catégorie est celle des sociétés de cure, dont Jean-Luc Marais, pour l’Anjou, détecte l’existence dans les Mauges à partir de 183366. L’originalité de ces sociétés ne réside, ni dans leurs activités, ni dans leur fonctionnement. Comme dans n’importe quel cercle, il y a des statuts et une cotisation à payer. Elles ont un local pour la discussion et le jeu et on peut y consommer de l’alcool. La première spécificité des sociétés de cure est, comme leur nom l’indique, qu’elles sont, le plus souvent, initiées et présidées par le curé de la paroisse. Leur seconde spécificité est qu’elles se distinguent par des principes moraux bien plus affirmés que les cercles. Il est souvent difficile de dater précisément les créations de sociétés de cure, car celles-ci apparaissent dans la documentation à l’occasion d’une mise en règle administrative auprès de l’autorité préfectorale.
59La première société de cure rurale mayennaise est la société de l’Union, à Ménil, commune située sur la rivière Mayenne, en limite du département de Maine-et-Loire. Elle possède une « chambre » pour la discussion et un « jeu » ; on peut y boire du vin et du cidre. Elle est présidée par le curé de la paroisse. En 1842, ses sociétaires adressent un courrier au préfet67 : l’objectif est d’obtenir la reconnaissance officielle de la société qui « compte déjà vingt ans d’existence ». La création de l’Union de Ménil se situerait donc au début des années 1820, ce que confirme un autre document, plus tardif68. La lettre se termine en précisant que : « Notre société a été jugée par les habitants des communes circonvoisines et ce sont nos statuts qui leur ont servi de base pour en établir une chez eux. » En 1846, dans leur demande d’autorisation en préfecture, les fondateurs de la société d’Arquenay, près de Meslay-du-Maine, font effectivement référence à l’Union, ainsi qu’à la société créée en 1836 à Chemazé, commune limitrophe de Ménil.
60En Mayenne, la diffusion des sociétés de cure (fig. 4) se concentre essentiellement dans les paroisses rattachées au diocèse d’Angers avant 180269. Le clergé, par sa formation et par ses nominations, y reste lié à l’Anjou. Pierre Malines, le curé de Ménil au moment de la fondation de l’Union, a, par exemple, fait ses études au grand séminaire d’Angers et a été auparavant prêtre à Pruillé, au sud du Lion-d’Angers, entre Château-Gontier et Angers.
61L’appellation l’« Union » est souvent choisie par les sociétés de cure mayennaises. On la retrouve à Ménil, Mée, Renazé, Saint-Denis-d’Anjou et Pommerieux. Le cercle de Sainte-Marie à Argenton est plus explicite dans son titre dans une paroisse placée, il est vrai, sous le patronage de la Sainte-Vierge.
62Les fondateurs des sociétés de cure mayennaises sont animés d’une ambition hautement moralisatrice. En 1846, les membres du comité du cercle d’Arquenay dressent le constat suivant à l’adresse du préfet70 : « Alarmés du progrès que le libertinage fait dans notre commune et voulant mettre nos enfants à l’abri de la séduction, nous avons formé le dessein d’établir une société. » L’article premier des statuts stipule qu’une « conduite chrétienne » est de rigueur pour en faire partie, l’article 10 que « le blasphème est expressément prohibé ». Le cabaret est perçu comme infamant : l’article 4 du règlement de la société de Loigné édicte que « si la société se tenait dans une auberge, café ou lien semblable, elle serait regardée comme dissoute71 ».
63La référence à la religion catholique se lit aussi dans le détail des règlements. À Chemazé, dès l’article 2, il est précisé qu’« aucun n’y paraîtra pris de boisson et n’y tiendra de propos injurieux, offensants, indécents, impies ou contre la religion. Les jurons sont parallèlement défendus. » À Saint-Denis-d’Anjou, « celui qui jurera le nom de Dieu [paiera] 10 c[entimes d’amende]72 ». Par ailleurs, le local n’est souvent ouvert que le dimanche et les jours de fête, en dehors des heures de messe. À Arquenay, « au premier coup de cloche des offices […], toute partie commencée sera partie morte ».
64La plupart du temps, comme à Ménil ou Athée, le curé ou le vicaire sont présents dans les membres fondateurs, voire sont à la seule initiative du projet de société. Cela amène à s’interroger sur la place du clergé dans les sociétés plus anciennes. La présence du curé de Gruel à la fondation de la société littéraire d’Ernée en 1764 ou celle du curé Jameaux et de son frère, vicaire, à la création de la société littéraire de Saint-Denis-d’Anjou en 1805, ne font pas pour autant de ces deux associations des sociétés de cure. En revanche, on peut considérer qu’à partir des années 1820-1830, des membres du clergé local, fréquentant à titre personnel des sociétés littéraires ou des cercles de type angevin, sont enclins à créer de nouvelles structures, autonomes, où la religion catholique devient une référence. L’évêque de Laval, Mgr Wicart, dans une réponse faite en 1858 au curé d’Arquenay73, à propos de la création locale de la société de l’Union, « approuve complètement la pensée de cette œuvre » et conclut : « Puissent les germes de bien qu’elle renferme arriver à pleine et parfaite maturité. » L’initiative cléricale est, en outre, souvent relayée par l’aristocratie légitimiste locale, comme à Arquenay, Athée, Argenton ou Saint-Michel-de-Feins.
65Les sociétés de cure peuvent se distinguer, en outre, par le local qu’elles se choisissent. Celui-ci peut être une maison louée, comme n’importe quel autre cercle, mais il s’agit fréquemment d’une salle du presbytère, comme à Daon, Azé ou Saint-Denis-d’Anjou.
66En décembre 1875, l’appellation du « Cercle des ouvriers catholiques » à Nuillé-sur-Vicoin, commune située à une dizaine de kilomètres au sud de Laval, laisse à penser qu’il s’agit d’une association telle que le conçoit Albert de Mun. Ce dernier, catholique social a inauguré à Paris, en 1871, des « cercles catholiques d’ouvriers ». Leurs mérites sont vantés par la revue l’Association catholique, créée l’année suivante. Albert de Mun a le projet de rassembler, au sein des mêmes structures, patrons et ouvriers, exclusivement, et de favoriser l’union des classes74. Une part du clergé voit d’un mauvais œil cette démarche, de crainte de ne pas avoir de contrôle sur les nouvelles associations, dont les clercs sont exclus. Un Cercle catholique d’ouvriers naît à Laval en février 1876 à l’initiative de 38 notables locaux. Un an plus tard, il compte 95 ouvriers sociétaires75. Une initiative identique voit le jour à Château-Gontier en 187776.
67Or, à Nuillé-sur-Vicoin, le vicaire, Louis Drugeon, est à l’initiative du Cercle des ouvriers catholiques et fait même partie des membres. Par ailleurs, le courrier qui accompagne la demande d’autorisation préfectorale spécifie que l’activité initiale et principale du Cercle est le chant religieux77. On a, ici, a priori, plus à faire à une chorale qui se structure qu’à un véritable cercle d’ouvriers catholiques.
68En comparaison, le Cercle d’ouvriers et de jeunes gens, fondé en juillet 1889 à Meslay-du-Maine78, correspond mieux aux conceptions d’Albert de Mun. Ses membres sont dans l’écrasante majorité des artisans ; son bureau est composé de deux menuisiers, à la présidence et à la vice-présidence, d’un propriétaire au secrétariat et d’un épicier à la trésorerie. Aucun sociétaire n’est un clerc. Cependant, le terme « catholique » n’apparaît pas dans le titre du cercle déposé en préfecture. Plus que cela, si l’article 1er s’inspire très directement du modèle proposé par les cercles catholiques d’ouvriers d’Albert de Mun, et appliqué, par exemple, à Laval, il est expurgé de toute référence à la religion catholique. Là où l’original spécifie que les ouvriers pourront trouver en s’associant « un abri pour conserver leur foi, leurs mœurs et leur patriotisme », les sociétaires de Meslay-du-Maine se limitent à : « un abri pour conserver leurs mœurs et leur patriotisme ». De même, ils suppriment intégralement le deuxième alinéa, sur les six que compte la version originale, or, c’est celui qui évoque « l’exercice organisé de la pratique religieuse et de la charité chrétienne ». Le Cercle de Meslay-du-Maine apparaît donc comme un énième avatar, à la croisée du cercle angevin et du cercle d’ouvriers catholiques, sans être ni l’un ni l’autre.
69Rapporté à l’ensemble des cercles répertoriés en Mayenne entre les années 1830 et les années 1880, les sociétés de cure et les cercles d’origine catholique représentent 17 créations sur 52, soit un groupement sur trois. Le phénomène est donc loin d’être négligeable. Le développement des sociétés de cure est timide jusqu’au milieu du xixe siècle. Leur essor, dans les années 1860, accompagne le pic de créations de cercles de type angevin, dont il apparaît être une déclinaison. La décennie 1870 est l’âge d’or des sociétés de cure, leurs fondations, au nombre de six, dépassant même celles des cercles, au nombre de deux. Peut-être faut-il y voir une sorte de réaction catholique dans un contexte politique d’établissement de la République à l’échelle nationale ?
70Au-delà de la spécificité angevine très prononcée de l’implantation des sociétés de cure, déjà évoquée, leur implantation communale coïncide peu avec celle des cercles angevins. À Chemazé, la Société de l’Église, créée en 1836, a, pendant près de trente ans, le monopole de la sociabilité de cercle, avant la création du cercle du Progrès en 1864.
71En 1880, la préfecture de la Mayenne dresse un premier tableau de ce qu’elle nomme Cercles et comités catholiques du département de la Mayenne79. Au vu des dix sociétés rurales qui y figurent, il semble que l’unique critère retenu soit l’expression, dans le titre de l’association, d’un lien explicite avec la religion catholique. Autant dire que les sociétés de cure dites simplement de « l’Union » passent, à ce moment-là, sous les radars des autorités préfectorales. Cette enquête de 1880 fait, cependant, apparaître une nouvelle forme de structure associative : le patronage.
Les premiers patronages ruraux
72Une autre catégorie d’associations catholiques sont les patronages. Les premières expériences, à destination exclusive des jeunes garçons, sont recensées en France, vers 1835, à Marseille et à Nîmes80. Elles naissent dans un contexte de double inquiétude face à l’augmentation de la pauvreté en ville et à la déchristianisation des populations. De 1835 à 1855, le phénomène s’étend au pays tout entier : un patronage est ainsi fondé en 1851 à Angers81. L’ensemble des autorités catholiques n’est pas convaincu du bien-fondé de telles expérimentations. Aussi, jusque dans les années 1870, le patronage reste un phénomène relativement limité et exclusivement urbain.
73En Mayenne, dans les écrits administratifs tout comme dans les documents fournis par les curés ou vicaires fondateurs, les termes de « cercle » et de « patronage » sont interchangeables82. À Craon, en janvier 1877, le titre de l’association mentionné dans l’en-tête des statuts est « Cercle des jeunes ouvriers », mais dès l’article 1er du chapitre i, il est dit qu’« il est ouvert, promenade des platanes, un patronage aux jeunes ouvriers de la commune ». De la même manière, la dénomination de l’arrêté préfectoral autorise le « patronage » de Craon, quand le corps du texte parle du « cercle ». En décembre de la même année, à Cossé-le-Vivien, dans les échanges de courrier entre la préfecture, la sous-préfecture et la cure, il est question indifféremment de « réunion de jeunes gens », de « cercle », d’« association de jeunes ouvriers » et de « patronage Saint-Joseph ». C’est sous cette dernière appellation que, dans les sources, on trouve également un troisième patronage avant 1880, à Villiers-Charlemagne, commune située à mi-chemin entre Laval et Château-Gontier. Les cercles de Craon et de Cossé-le-Vivien sont comptabilisés au nombre des cercles catholiques d’ouvriers, au même titre que celui de Laval, lors d’une réunion tenue au Mans par Albert de Mun en novembre 187983. Mais, en réalité, ce sont des patronages.
74La spécificité du patronage par rapport au cercle, catholique ou non, réside dans le fait d’accueillir les « jeunes gens sortant de l’école ». À Craon, l’article 1er du chapitre ii des statuts précise que « pour être admis, il faut avoir fait les trois communions paschales prescrites par Mgr l’évêque et par conséquent avoir atteint au moins l’âge de douze ans. On peut faire partie du patronage jusqu’à l’époque du mariage ».
75Les patronages paroissiaux, comme ceux de Craon, Cossé-le-Vivien et Villiers-Charlemagne, correspondent à une nouvelle phase de développement des patronages, caractérisée par une inquiétude des catholiques face à la République. Le patronage de Craon se propose de procurer aux sociétaires : « 1o des amis vertueux qui s’aident entre eux dans la pratique du bien et de la religion ; 2o les moyens de sanctifier la journée du dimanche et des jours fériés ; 3o des récréations honnêtes et un agréable passe-temps. » Son local se compose de deux pièces : « une salle de jeux et un cabinet de lecture ». Par sa date d’apparition, par son fonctionnement et par les activités proposées, le patronage rural en Mayenne est, dans un premier temps, une déclinaison, pour les jeunes, de la société de cure, qui, elle-même, est un avatar du cercle angevin.
Quelques associations de jeunes filles
76Les associations féminines catholiques, dont « la pratique religieuse, la bienfaisance et la charité » sont les activités essentielles, sont une catégorie à part84. Les Enfants de Marie jouent en ce domaine un rôle important. À l’échelle nationale, l’association des Enfants de Marie immaculée est fondée en 1830 à l’initiative conjointe de la congrégation des Lazaristes et les Filles de la Charité85. Ces deux entités sont créées par Vincent de Paul au début du xviie siècle, la première pour former une élite de prêtres destinés à évangéliser les campagnes, la seconde pour lutter contre la pauvreté, notamment dans le monde rural. Une association des Enfants de Marie « a pour double fin de former ses membres au travail de leur sanctification personnelle et à l’exercice de l’apostolat dans le monde ». Le public visé est exclusivement féminin. Le succès est important dans les régions pratiquantes86. Jean-Luc Marais observe que, dans le Maine-et-Loire, les associations de jeunes filles apparaissent, dans la panoplie catholique, comme les pendants des patronages pour les jeunes garçons et des sociétés de cure pour les hommes87. À partir de la monarchie de Juillet, le principal objectif du clergé paroissial est que les premiers communiants et premières communiantes « persévèrent » et renouvellent leur communion les années suivantes88.
77L’encadrement associatif des jeunes filles est aussi une préoccupation du clergé local. L’article 2 du chapitre i des Enfants de Marie de Bouère stipule, en 1910, que le groupement « a pour but : (a) d’honorer spécialement la Très-Sainte-Vierge sous le vocable de son Immaculée-Conception, (b) de former les jeunes filles à une piété solide, (c) de les prémunir contre les dangers du monde89 ». À Cossé-le-Vivien, les sociétaires, qui sont au nombre de 29 en 1880, se réunissent tous les dimanches, après les vêpres, chez les sœurs de la congrégation d’Évron, en charge de l’école de filles de Cossé-le-Vivien depuis 1817.
78Une fois par an, à Ernée, l’association des Enfants de Marie organise une loterie au profit des pauvres90. Elle y est autorisée par les autorités préfectorales, sans discontinuer, entre 1854 et 1903. Après une croissance régulière du nombre de billets de 25 centimes à vendre, au cours des années 1890, le record est atteint en 1899 avec 5 000 billets. 10 % de la somme récoltée sont versés au bureau de bienfaisance de la commune. Un seul et unique tirage a lieu. Une centaine de lots sont à gagner, parmi lesquels, en 1900, des cruches, des cannes, du papier à abat-jour, des christs, un service à liqueur, une Vierge de Lourdes, des beurriers, des tasses à café et un lapin.
79La première association des Enfants de Marie, recensée dans une commune rurale mayennaise, est celle de Cossé-le-Vivien, fondée en 1877 par le curé Morin, le même qui est à l’œuvre, cette même année, dans la fondation du Patronage Saint-Joseph. Dans la recension préfectorale des Cercles et comités catholiques de 1880, une autre association des Enfants de Marie est mentionnée à Craon, là où est créé un Cercle catholique des jeunes ouvriers en 1877.
80En 1910, un courrier de Lucien Rainguenet, curé de Bouère depuis un an, après avoir été vicaire à Cossé-le-Vivien de 1879 à 1897, signale que les Enfants de Marie de sa paroisse sont issues d’une association de jeunes filles qui existe depuis près de soixante-dix ans91. En 1842, Mgr Bouvier, dernier évêque du grand diocèse du Mans, entre 1834 et 1854, avant la partition en deux et l’érection du diocèse de Laval, « approuve l’établissement et les statuts d’un catéchisme de persévérance pour les filles » à Bouère92. Dans un contexte de reconstruction du diocèse du Mans, après les années révolutionnaires, le clergé tend à multiplier les formes de piété. La fondation du catéchisme de Bouère s’accompagne d’ailleurs de celle d’une « confrérie en l’honneur du Saint et Immaculé Cœur de Marie ».
81Les diocèses d’Angers et du Mans connaissent cependant un déclin des confréries, bien antérieur à la Constitution civile du clergé de 1790, qui fait disparaître les groupements religieux de tout ordre93. Pour la plupart, les confréries sont devenues des fondations auxquelles les fidèles versent annuellement une cotisation utilisée au profit quasi exclusif du clergé, sans plus qu’aucune sociabilité entre laïcs n’existe94. Dès la période napoléonienne, nombre de confréries sont restaurées ou créées. Celle du Très-Saint-Sacrement de la paroisse Saint-Nicolas de Craon l’est en 1805 : ses activités se limitent cependant à collecter de l’argent et à faire dire des messes pour les confrères95. Il en va de même pour la Confrérie du Sacré-Cœur de Marie érigée dans la même paroisse le 15 août 1841, dont le registre ne renvoie qu’à une liste d’offrandes faites par ses membres96.
82De plus, les curés font face à la méfiance des autorités épiscopales97. Dans son ordonnance en date du 10 juin 1826, Mgr de La Myre-Mory, évêque du Mans entre 1820 et 1829, « déclare irrégulières et suspendues les confréries dont on ne peut présenter le titre légitime98 ». Neuf ans plus tard, Pierre Mortreux, curé de Bouère, est bien embarrassé : il souhaite régulariser l’érection de la Confrérie du Saint-Sacrement, mais la bulle fondatrice de 1668, ainsi que la correspondance entre son prédécesseur et l’évêque, datée de 1827, qui officialisait un rétablissement, ont été perdues. Des confréries renaissent donc en Mayenne au xixe siècle, mais leur influence véritable est difficile à mesurer99.
Un mouvement associatif caritatif rare
83Le dernier avatar des associations catholiques à vocation de sociabilité est la société de charité, représentée principalement par les Conférences de Saint-Vincent-de-Paul. L’objectif premier de leurs fondateurs, en 1834, est l’édification mutuelle et l’amitié entre étudiants100. Il y a donc bien l’idée d’une sociabilité, sous forme associative, avant même de mettre en place de quelconques actions de charité. Ces dernières vont, selon les Conférences, de la distribution de pain à la visite aux pauvres et aux malades, en passant par le placement de vieillards ou d’orphelins, les cours du soir pour ouvriers ou l’établissement d’une bibliothèque101. On peut donc parler de sociabilité associative caritative, qui plus est relativement intense, les membres se retrouvant toutes les semaines. La Conférence du Mans, fondée en 1841, connaît un vif succès, principalement urbain, et essaime dans tout le diocèse102.
84En Mayenne, Ernée est la seule commune rurale à voir se créer une Conférence de Saint-Vincent-de-Paul en 1853, et ce, sans autorisation103 : « son bureau qui est composé de huit membres n’a point rédigé de statuts et se conforme à ceux de la société générale établie à Paris ». Un document de 1861, émanant de la mairie indique que « deux subventions reçues de M. le préfet et l’autorisation de loterie qu’il daigne accorder chaque année semblent confirmer la légalité104 ». L’association compte alors dix membres honoraires et sept membres actifs. La création de la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul à Ernée s’inscrit dans un contexte de déclin de l’activité textile locale, que l’existence de petits ateliers artisanaux dans la construction mécanique, la scierie ou la tannerie n’arrive pas à pallier, d’où un grand nombre de chômeurs105.
85Le petit groupe se réunit chaque semaine, « dans la maison des frères de Sainte-Croix chargés de l’école communale primaire ». Leur activité se dirige principalement vers le secours aux femmes adultes et aux vieillards, au nombre de 230 en 1861, avec la particularité de les faire travailler au filage du lin106. La Conférence effectue également une distribution de pain aux familles les plus nécessiteuses. Ses recettes sont « le produit d’une loterie, d’un sermon de charité, d’une quête faite à la séance hebdomadaire ». Si le budget de la société avoisine, à ses débuts, en 1856, 12 000 francs, il est divisé par deux cinq ans plus tard. La Conférence d’Ernée survit à la dissolution du comité central parisien de l’œuvre en 1861 : l’organisation de la loterie annuelle, autorisée par la sous-préfecture jusqu’en 1903, témoigne de la pérennité de son activité.
86Pour le département du Var, Maurice Agulhon montre la transformation, au début du xixe siècle, des confréries religieuses de l’Ancien Régime en cercles ou chambrées, plus politisés. Jean-Luc Marais s’interroge sur le fait de savoir si le modèle est reproductible en Anjou107. Il en arrive au constat qu’entre, d’une part, les confréries religieuses et, d’autre part, les cercles angevins et les sociétés de cure, il n’existe pas de véritable continuité : la géographie des premières sociétés, en particulier, ne coïncide pas du tout avec celle des confréries108.
87Le bilan en Mayenne est le même : aucune filiation n’est détectable dans les sources, contrairement à ce qui existe entre, d’une part, sociétés littéraires et loges maçonniques du xviiie siècle et, d’autre part, sociétés et cercles du xixe siècle. Les associations catholiques qui se multiplient dans le département à partir des années 1840 sont plus à considérer comme des déclinaisons des cercles angevins que des résurgences d’associations d’Ancien Régime. Globalement, il est difficile, voire impossible, de faire une distinction nette entre les sociétés de cure et les autres cercles, même si, comme le rappelle Jean-Luc Marais, les « fondateurs ecclésiastiques considèrent l’association de loisir comme un « moyen », et non comme un but en soi109 ». Ces greffes catholiques amplifient l’élan associatif qui naît dans les années 1830. Cinquante ans plus tard, cette première dynamique en rencontre une seconde, dans un contexte d’affirmation du régime républicain.
Notes de bas de page
1 Debbasch Charles et Bourdon Jacques, Les associations, op. cit., p. 18.
2 Roche Daniel, Le siècle des lumières en province. Académies et académiciens provinciaux, 1680-1789, Paris/La Haye, EHESS/Mouton, 1978, t. 1, p. 256-300.
3 Poulot Dominique, Les Lumières, op. cit., p. 197.
4 Beaurepaire Pierre-Yves, La France des Lumières, 1715-1789, Histoire de France, sous la direction de Joël Cornette, Paris, Belin, 2014 (1re éd. 2011), p. 361.
5 Halévi Ran, Les loges maçonniques dans la France d’Ancien régime, Paris, A. Colin, 1984, p. 44.
6 Lebrun François (dir.), Histoire d’Angers, Toulouse, Privat, 1975, p. 129.
7 Saunier Éric, Révolution et sociabilité en Normandie au tournant des xviiie et xixe siècles. 6 000 francs-maçons de 1740 à 1830, Rouen, Publications de l’université de Rouen, 1998, p. 431.
8 Beaurepaire Pierre-Yves, La France des Lumières, op. cit. p. 366.
9 Poulot Dominique, Les Lumières, op. cit., p. 179.
10 Ibid., p. 190.
11 Lilti Antoine, L’héritage des Lumières. Ambivalences de la modernité, Paris, Seuil/Gallimard, 2019, p. 182.
12 Arch. départ. de la Mayenne, 4 M 162.
13 Arch. départ. de la Mayenne, B 1693.
14 Bouton André et Lepage Marius, Histoire de la franc-maçonnerie dans la Mayenne (1756-1951), Le Mans, Imprimerie Monnoyer, 1951, p. 61.
15 Delaunay René, Histoire de la ville d’Ernée, Mayenne, Éditions régionales de l’Ouest, 2001 (1924), p. 237.
16 Arch. départ. de la Mayenne, 1 J 854/1.
17 Pour Ernée : Bouton André et Lepage Marius, Histoire de la franc-maçonnerie, op. cit., p. 38 ; pour Craon : Angot Alphonse, Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne, Mayenne, Éditions régionales de l’Ouest, 2006 (1900-1910), t. 1, p. 802.
18 Salbert Jacques (dir.), La Mayenne, op. cit., p. 202.
19 Richard Jules-Marie, « La Société du jardin Berset à Laval (1763-1792) », B.C.H.A.M., 1910, 1re série, t. 26, p. 17.
20 Ibid., p. 21 ; Pitou Frédérique, « Les pratiques de divertissement à Laval au xviiie siècle », Histoire urbaine, 2000, no 1, p. 87-104.
21 Concernant l’histoire de la presse en France à la fin du xviiie siècle, voir Histoire générale de la presse française, t. 1 : Des origines à 1814, Paris, PUF, 1969, 633 p.
22 Arch. départ. de la Mayenne, 1 pe 53/1 (Le Journal de Craon), 19 décembre 1886.
23 Bouton André et Lepage Marius, Histoire de la franc-maçonnerie, op. cit., p. 37-68.
24 Ibid., p. 53.
25 Ibid., p. 46.
26 Ibid., p. 53.
27 Chevallier Pierre, Histoire de la franc-maçonnerie française, Paris, Fayard, 1974, t. 2, p. 42-43.
28 Poulot Dominique, Les Lumières, op. cit., p. 182.
29 Morris R. J., « Clubs, Societies and Associations », art. cité, p. 399.
30 Bouton André et Lepage Marius, Histoire de la franc-maçonnerie, op. cit., p. 165-171.
31 Ibid., p. 168.
32 Arch. départ. de la Mayenne, 1 pe 53/1 (Le Journal de Craon), 19 décembre 1886.
33 Arch. départ. de la Mayenne, 1 J 854/2.
34 Arch. départ. de la Mayenne, 4 M 162.
35 Arch. départ. de la Mayenne, 1 Z 372.
36 Le curé Jean-Baptiste Jameaux, originaire de Saint-Denis-d’Anjou, refuse de prêter serment à la constitution en 1791 et est emprisonné à Laval. Il est déporté vers l’Angleterre en 1792, avant de revenir en France et d’être nommé curé de Saint-Denis-d’Anjou en 1805.
37 Arch. départ. de la Mayenne, 1 J 854/1 et 2.
38 Agulhon Maurice, Le cercle dans la France bourgeoise, op. cit., p. 40.
39 Marais Jean-Luc, Les sociétés d’hommes, op. cit., p. 77-78.
40 Brennan Thomas, Public Drinking and Popular Culture in Eighteenth-Century Paris, Princeton, Princeton University Press, 1988, 333 p. ; Haine W. Scott, The World of the Paris Café. Sociability Among the French Working Class, 1789-1914, Baltimore/Londres, The Johns Hopkins University Press, 1999, 325 p.
41 Agulhon Maurice, Le cercle dans la France bourgeoise, op. cit., p. 37.
42 Pauquet Alain, La société et les relations sociales en Berry au milieu du xixe siècle, Paris/Montréal, L’Harmattan, 1998, p. 234-235.
43 Arch. départ. de la Mayenne, 4 M 169.
44 Ibid.
45 Arch. départ. de la Mayenne, 4 M 162.
46 Nourrisson Didier, Le buveur du xixe siècle, Paris, Albin Michel, 1990, p. 65.
47 Arch. départ. de la Mayenne, 4 M 169.
48 Arch. départ. de la Mayenne, 4 M 170.
49 Nourrisson Didier, Le buveur du xixe siècle, op. cit., p. 100-102.
50 Arch. départ. de la Mayenne, 1 T 1060bis.
51 Arch. départ. de la Mayenne, 1 Z 372.
52 Arch. départ. de la Mayenne, 4 M 167.
53 Arch. départ. de la Mayenne, 4 M 162.
54 Arch. départ. de la Mayenne, 4 M 169.
55 Agulhon Maurice, Le cercle dans la France bourgeoise, op. cit., p. 47.
56 Marais Jean-Luc, Les sociétés d’hommes, op. cit., p. 32-33.
57 Agulhon Maurice, Le cercle dans la France bourgeoise, op. cit., p. 48.
58 Bouton André et Lepage Marius, Histoire de la franc-maçonnerie, op. cit., p. 184-218.
59 Agulhon Maurice, La République au village, op. cit., p. 239.
60 Arch. départ. de la Mayenne, 4 M 169.
61 Marais Jean-Luc, Les sociétés d’hommes, op. cit., p. 100.
62 Salbert Jacques (dir.), La Mayenne, op. cit. p. 328.
63 Arch. départ. de la Mayenne, 4 M 162.
64 Arch. départ. de la Mayenne, 4 M 170.
65 Arch. départ. de la Mayenne, 4 M 162.
66 Marais Jean-Luc, Les sociétés d’hommes, op. cit., p. 137.
67 Arch. départ. de la Mayenne, 4 M 174.
68 Arch. départ. de la Mayenne, 1 Z 372.
69 Par le Concordat de 1801, Napoléon Bonaparte impose de rapprocher le découpage en diocèses du découpage en départements. Par conséquent, la bulle papale du 9 avril 1802 inscrit le diocèse d’Angers dans les limites du département de Maine-et-Loire. De fait, 80 paroisses, dont une bonne part dans le sud du département de la Mayenne, qui étaient jusqu’alors angevines, sont rattachées au diocèse du Mans, qui couvre les départements de la Mayenne et de la Sarthe.
70 Arch. départ. de la Mayenne, 4 M 167.
71 Arch. départ. de la Mayenne, 4 M 172.
72 Arch. départ. de la Mayenne, 4 M 174.
73 Arch. départ. de la Mayenne, 4 M 167.
74 Cholvy Gérard, Christianisme et société en France, op. cit., p. 119.
75 Charlot André, « Le cercle catholique d’ouvriers de Laval (1876-1926) », L’Oribus, no 14, juin-août 1984, p. 50-52.
76 Arch. départ. de la Mayenne, 10 M 79.
77 Arch. départ. de la Mayenne, 4 M 174.
78 Ibid.
79 Ibid.
80 Cholvy Gérard, Christianisme et société en France au xixe siècle, 1790-1914, Paris, Seuil, coll. « Points », 2001 (1997), p. 83.
81 Le patronage, ghetto ou vivier. Colloque des 11 et 12 mars 1987, actes réunis par Gérard Cholvy, Paris, Nouvelle Cité, 1988, p. 11.
82 Arch. départ. de la Mayenne, 4 M 169.
83 Oury Guy-Marie (dir.), Histoire religieuse du Maine, op. cit., p. 236.
84 Farcy Jean-Claude, « Le temps libre au village », art. cité, p. 338.
85 Roman-Galeazzi Hélène, « Les Enfants de Marie immaculée. Formation d’une élite populaire de la piété », Rives méditerranéennes (en ligne), Varia, mis en ligne le 30 juillet 2008.
86 Farcy Jean-Claude, La jeunesse rurale dans la France du xixe siècle, Paris, Éditions Christian, 2004, p. 178.
87 Marais Jean-Luc, Le Maine-et-Loire au xixe et xxe siècles, Paris, Picard, 2009, p. 136.
88 Cholvy Gérard, Christianisme et société en France, op. cit., p. 83.
89 Arch. dioc. de Laval, cure de Bouère, statuts des Enfants de Marie, approuvés le 7 septembre 1910.
90 Arch. municip. d’Ernée, 2 J 9.
91 Arch. dioc. de Laval, cure de Bouère, courrier du 9 juin 1910.
92 Ibid., Chronique paroissiale attribuée à l’abbé Maussion.
93 Cholvy Gérard, Christianisme et société en France, op. cit., p. 10.
94 Follain Antoine et Archaleus Matthieu, « Des confréries sans confrères et des “boîtes” sans fonds à Baugé, dans le diocèse d’Angers, aux xviie et xviiie siècles », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest (en ligne), 2015, 122-2, p. 67-83.
95 Arch. dioc. de Laval, cure de Craon, copie de la notice écrite en tête du registre de la Confrérie du Très-Saint-Sacrement de la paroisse de Saint-Nicolas de Craon, non datée.
96 Arch. dioc. de Laval, cure de Craon, Offrandes faites à la Confrérie du Sacré-Cœur de Marie érigée dans l’église St-Nicolas de Craon, le 15 août 1841.
97 Cholvy Gérard, Christianisme et société en France, op. cit., p. 61.
98 Arch. dioc. de Laval, cure de Bouère, Note sur la Confrérie du St-Sacrement, 19 décembre 1835.
99 Oury Guy-Marie (dir.), Histoire religieuse du Maine, op. cit., p. 231.
100 Ibid., p. 58.
101 Pauquet Alain, La société et les relations sociales en Berry, op. cit., p. 400.
102 Oury Guy-Marie (dir.), Histoire religieuse du Maine, Tours, CLD Normand et Cie, 1978, p. 233.
103 Arch. départ. de la Mayenne, 4 M 174.
104 Arch. municip. d’Ernée, 2 J 9.
105 « Ernée, des usines et des hommes. L’industrie de la chaussure à Ernée », L’Oribus spécial Ernée, no 31, décembre 1989, p. 6.
106 Oury Guy-Marie (dir.), Histoire religieuse du Maine, op. cit., p. 234.
107 Agulhon Maurice, Pénitents et Francs-Maçons de l’ancienne Provence, op. cit., p. 189-211.
108 Marais Jean-Luc, Le Maine-et-Loire, op. cit., p. 87.
109 Marais Jean-Luc, Les sociétés d’hommes, op. cit., p. 144.
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