Introduction à la première partie
p. 37-38
Texte intégral
1Sous la Révolution française, les corporations et les groupements professionnels sont respectivement interdits par la loi d’Allarde de mars 1791 et la loi Le Chapelier de juin 17911. Le lien direct entre l’autorité de l’État et l’individu est promu, hors de l’intervention de tout corps intermédiaire. L’association est vue à la fois comme un facteur de division nationale et un vecteur de limitation de la liberté individuelle.
2Sous le Premier Empire, en 1810, l’article 291 du Code pénal tolère plus qu’il n’autorise la constitution d’associations2 :
« Nulle association de plus de vingt personnes, dont le but sera de se réunir tous les jours, ou à certains jours marqués, pour s’occuper d’objets religieux, littéraires, politiques ou autres, ne pourra se former qu’avec l’agrément du gouvernement, et toutes les conditions qu’il plaira à l’autorité politique d’imposer à la société. »
3La loi prévoit également qu’en cas de non-respect de la réglementation, l’association soit dissoute par un tribunal et ses dirigeants punis d’une amende3.
4Suite aux émeutes politiques et aux actions ouvrières qu’elle connaît à ses débuts, la monarchie de Juillet décide de durcir la législation en matière associative. La loi du 10 avril 1834 aggrave les restrictions. En effet, certains groupements, se dénommant « association », ne sont en fait que des « sections » relevant d’une même association, ce qui permet de contourner le seuil légal maximal de 20 membres. Ce stratagème est désormais interdit. La loi du 10 avril 1834 alourdit les sanctions4. De plus, elle transfère du ministre de l’Intérieur au préfet le pouvoir d’autoriser les associations5.
5La liberté d’association est proclamée une première fois sous la IIe République, dans l’article 8, chapitre ii, de la Constitution du 4 novembre 1848. Par le décret du 25 mars 1852, le Second Empire revient à la législation contraignante de la monarchie de Juillet en matière associative6. Puis, la loi du 6 juin 1868 distingue, pour la première fois depuis la Révolution française, « association » et « réunion7 » : seule cette dernière est permise, sans autorisation préalable, sous réserve que l’on n’y traite pas de questions religieuses ou politiques. La mesure a pour objectif d’encourager la création de sociétés coopératives.
6Sous la IIIe République, le statut de l’association fait débat : 33 projets législatifs se succèdent entre 1871 et 19018. Les discussions autour du statut des congrégations religieuses, que les républicains entendent contrecarrer, sont la cause de ce « retard9 ». Entre temps, la loi du 12 juillet 1875 autorise les associations formées pour créer et entretenir des cours ou établissements d’enseignement supérieur. Par ailleurs, la liberté syndicale est proclamée par la loi du 21 mars 1884.
7Finalement, la loi du 1er juillet 1901 « relative au contrat d’association », portée par le gouvernement dirigé par Pierre Waldeck-Rousseau, abroge l’article 291 du Code pénal. Elle autorise la création d’associations, « sans autorisation ni déclaration préalable », pour des activités les plus diverses qui soient, à condition qu’elles soient désintéressées. Le titre III de la loi fait un sort particulier aux congrégations religieuses, qui sont, de fait, exclues des dispositions générales et sont soumises à un régime restrictif. Dans un contexte de montée de l’anticléricalisme, la loi du 1er juillet 1901 est le résultat d’un compromis au sein du camp républicain, entre ceux qui « pensent que l’idéal républicain gagnera à la fin », et sont partisans d’une liberté totale des associations, et « ceux qui craignent le rapport de force avec l’Église10 ».
8Il était nécessaire de poser le cadre législatif dans lequel évoluent les associations en France, mais, seul, il ne dit rien de la réalité du terrain et de la manière dont le phénomène associatif est perçu et assimilé par les populations. La chronologie observée en Mayenne en matière associative s’affranchit d’ailleurs très nettement de la temporalité législative. À un temps de réactivation et d’amplification, à partir des années 1830, succède une période de nationalisation, à partir des années 1880, avant que n’intervienne une véritable généralisation du fait associatif, à partir des années 1910. 1901 n’apparaît pas ainsi comme une date charnière.
Notes de bas de page
1 Debbasch Charles et Bourdon Jacques, Les associations, op. cit., p. 18-19.
2 Belorgey Jean-Michel, Cent ans de vie associative, op. cit., p. 17.
3 Debbasch Charles, Bourdon Jacques, Les associations, op. cit., p. 19.
4 Rosanvallon Pierre, Le modèle politique français, op. cit., p. 188.
5 Bourrigaud René, Le développement agricole au xixe siècle en Loire-Atlantique, Nantes, Centre d’histoire du travail de Nantes, 1994, p. 430.
6 Debbasch Charles et Bourdon Jacques, Les associations, op. cit., p. 21.
7 Grange Annie, L’apprentissage de l’association, op. cit., p. 27.
8 Rosanvallon Pierre, Le modèle politique français, op. cit., p. 317.
9 Ibid., p. 319.
10 Gaboriaux Chloé, « La loi 1901 faute de mieux. Les républicains face à l’association au tournant du xxe siècle », The Tocqueville Review/La Revue Tocqueville, 2011, vol. 32, no 2, p. 61.
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