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    Plan détaillé Texte intégral Les enjeux navals La Marine, objet de luttes parlementaires (1871-1878) L’influence de la Jeune École au Parlement (1879-1889) Notes de bas de page

    Le Parlement et la Marine en France

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre I. Les interrogations parlementaires sur le matériel naval (1871-1889)

    p. 33-78

    Texte intégral Les enjeux navals Les enjeux techniques Les enjeux stratégiques Les enjeux matériels La Marine, objet de luttes parlementaires (1871-1878) Heurs et malheurs du budget naval (1871-1878) Conservateurs, libéraux et marins au Parlement entre 1871 et 1878 Le rapport Lamy et son impact au Parlement (1878-1879) L’influence de la Jeune École au Parlement (1879-1889) Défense et critiques de la Jeune École au Parlement Les intérêts propres de l’industrie privée Les parlementaires défenseurs de la Jeune École : un mouvement républicain principalement opportuniste, terrien, de juristes et d’intellectuels Les résultats limités de l’influence de la Jeune École au Parlement Notes de bas de page

    Texte intégral

    1Après 1871, la Marine bâtie par Napoléon III est remise en cause par de nombreux parlementaires. Les grands navires construits sous le Second Empire sont accusés d’avoir consommé des sommes d’argent énormes pour des bénéfices militaires quasi nuls. Les enjeux navals des années 1870 puis 1880 ne sont pas étrangers à cette remise en cause. Les mutations techniques et la difficulté à définir une flotte et une stratégie navale adaptée à la situation géopolitique d’un pays isolé par la diplomatie de Bismarck, alimentent cette remise en cause de la flotte. De plus, les restrictions budgétaires imposées par le paiement des indemnités de guerre à l’Allemagne après 1871 pèsent lourdement sur la Marine. Dans ces conditions, les questionnements des parlementaires sur la flotte dont le pays doit se doter doivent être observés de près pour comprendre l’influence des chambres sur la redéfinition de cette flotte. Dans ce sens, il convient de s’intéresser au rapport Lamy, sa genèse et sa portée à la Chambre des députés. De même, le développement de la pensée de la Jeune École dans les années 1880 et son influence dans les débats parlementaires doivent être abordés pour tenter de comprendre dans quelle mesure le contre-amiral Aube et ses héritiers réussissent à obtenir ou non le soutien d’une majorité de parlementaires.

    2Ces nombreuses interrogations parlementaires transparaissent des débats retranscrits dans les procès-verbaux des commissions du budget et dans le Journal officiel. Le recours à ces sources permet de compléter les travaux de Théodore Ropp : ceux-ci se sont appuyés sur les rapports des commissions concernées et non sur les procès-verbaux des séances de ces commissions. Par ce prisme, Ropp n’a pu travailler que sur un discours unique des commissions, fruit de nécessaires compromis entre les membres de ces commissions. L’étude de l’ensemble des échanges parlementaires en séance plénière comme en commission permet de comprendre les luttes d’influence que se livrent certains parlementaires pour tenter d’apporter une réponse aux nombreuses questions que se posent leurs collègues sur la flotte dont la France doit alors se doter.

    Les enjeux navals

    Les enjeux techniques

    3Entre 1871 et 1914, les enjeux techniques liés à la Marine obéissent aux évolutions de l’artillerie, de la cuirasse et de la propulsion. L’artillerie navale est encore en pleine évolution en 1870 : les bouches à feu bénéficient ainsi de nouvelles évolutions depuis 18651. L’intérieur du canon est désormais renforcé par un tube en acier trempé. L’évolution des poudres et des calibres aboutit à une augmentation rapide du poids des pièces d’artillerie et à la diminution de leur nombre sur les bâtiments. En 1914, le directeur de l’École d’application d’artillerie navale fait, en guise d’introduction de son cours d’artillerie navale, le bilan des évolutions de l’artillerie depuis le Second Empire2. Il relève quatre évolutions majeures dont résulte un accroissement considérable de la puissance de feu. Les canons rayés favorisent la vitesse, la tenue de la trajectoire des projectiles et donc la précision des tirs. Le chargement par la culasse facilite le maniement et les services des pièces d’artillerie. L’utilisation des poudres au salpêtre après 1870 puis la découverte des poudres colloïdales – les poudres B – utilisées par la Marine française à partir de 1887 permettent d’atteindre les distances de 543 mètres puis 800 mètres pour des canons de 164 mm rayés et chargés par la culasse. Enfin, les progrès de la métallurgie permettent de renforcer la résistance des bouches à canons. Celles-ci, d’abord en fonte, sont devenues un assemblage de pièces d’acier à la fois plus légères et plus résistantes. Ces innovations permettent dans un premier temps l’augmentation des calibres qui atteignent 42 cm en 1875. À la même époque, les Italiens placent sur les Dandolo des canons atteignant des calibres de 45 cm3. À la faveur des progrès opérés sur les poudres, ces calibres diminuent ensuite à une trentaine de centimètres jusqu’aux années 1900. En 1912, le calibre de 34 cm est privilégié pour les grosses pièces des navires prévus par le programme naval de 1912. Toutes ces évolutions favorisent l’augmentation de la puissance des explosifs, de la rapidité et de la précision des tirs. La torpille automobile est imaginée par l’Autrichien Luppis et mis au point en 1868 par le britannique Whitehead qui la dote d’une tête explosive4. Cette torpille dispose d’un moteur à air comprimé et d’une hélice. Lancée à une vitesse de 7 nœuds sur 400 mètres en 1870, elle atteint, à la suite des améliorations successives, la vitesse de 30 nœuds sur une distance de 8 000 mètres en 19145.

    4La torpille automobile provoque de nouvelles évolutions techniques : l’adaptation progressive des gros cuirassés à la nouvelle menace par l’adoption de filets pare-torpilles, de canons à tirs rapides et de projecteurs pour la nuit ; la mise au point du contre-torpilleur en 1893. La torpille aboutit également à la mise au point du sous-marin après de nombreux essais infructueux au cours du xixe siècle. En 1899, le sous-marin le Narval construit sur les plans de l’ingénieur Laubeuf, entre ainsi en service.

    5Les évolutions techniques du xixe siècle provoquent dans la deuxième moitié de ce siècle la transformation de la flotte en bois en flotte cuirassée. Cette transformation est clairement liée aux progrès de l’artillerie. Mais elle n’est pas sans débats. L’intérêt de la construction métallique des navires de guerre ainsi blindés par une coque en fer est défendu dès 1824 par Jacques-Philippe Mérigon de Montgéry. Il s’appuie sur l’expérience du premier navire à coque de fer construit par le britannique Aaron Manby en 1821. L’inventeur du boulet explosif Henri Joseph Paixhans, développe alors rapidement l’idée de blinder les navires par une cuirasse de fer. Mais le poids de celle-ci pose problème aux ingénieurs navals qui ne résolvent pas alors le problème de la relation entre l’épaisseur nécessaire de cette cuirasse et son poids propre à faire couler le navire. C’est en 1841 que le Conseil des travaux décide de développer la technique de construction en fer des navires de guerre. Il s’adresse à l’ingénieur de la Marine Stanislas Dupuy de Lôme qui part étudier cette technique en Angleterre avant d’en faire le rapport en France. C’est donc à partir des années 1840 et des expériences et suggestions de Paixhans, Mérigon de Montgéry et Dupuy de Lôme que le cuirassement en fer des navires de guerre se développe dans la Marine française. Mais ce mouvement retombe à la fin des années 1840, faute de maîtrise technique. À partir de la guerre de Crimée, Napoléon III donne un nouvel essor à ce développement technique. Afin de réduire les forteresses russes de Crimée sans risquer la flotte de vaisseaux en bois française, la Royale estime nécessaire de construire des batteries flottantes à très faible tirant d’eau, fortement blindées et puissamment armées. L’usage des nouveaux navires en Crimée tient toutes ses promesses et lance définitivement le « cuirassé ». Dans la foulée, l’ingénieur Dupuy de Lôme lance le premier cuirassé de haute mer en 1859, la Gloire. Seules les difficultés d’approvisionnement en plaques de fer freinent le développement d’une nouvelle marine cuirassée en France6. Le remplacement progressif de la charpente en bois par le fer puis l’acier dans les années 1870 parachève l’évolution.

    6Toutefois, en 1866, la bataille de Lissa remet en cause l’idée du cuirassement des navires. Dans le contexte de la guerre de 1866 qui oppose la Prusse et l’Italie à l’Autriche, les flottes de ces deux derniers pays s’affrontent près de l’île de Lissa le 20 juillet 1866. La flotte autrichienne de l’amiral Tegetthof est composée majoritairement de navires en bois non cuirassés face à la flotte italienne de l’amiral Persano plus moderne. Pour compenser cette infériorité, les Autrichiens n’hésitent pas à employer la vieille technique de l’éperonnage. Le retentissement de la victoire autrichienne dans les milieux maritimes est considérable mais elle prête à des interprétations erronées sur l’intérêt de l’éperonnage et du décuirassement7. Durant les années 1870, une série d’abordages à l’éperon, davantage provoqués par le mauvais temps ou des fautes de manœuvres, vient confirmer l’engouement pour l’éperon8. Dans ce contexte, l’idée du décuirassement des navires au profit de la vitesse se développe alors dans certains cercles maritimes, en particulier dans le cas d’une guerre de course face à l’Angleterre9. L’idée est ainsi reprise en France par le rapporteur de la Marine Paul Bethmont en 1877 : prenant l’exemple de la bataille de Lissa et s’appuyant sur les progrès de l’artillerie et de la torpille, le député de Rochefort préconise le décuirassement pour gagner en rapidité10. Mais à la fin des années 1880, le décuirassement devient extrêmement dangereux du fait de la révolution des poudres : les essais ordonnés par Aube révèlent que l’explosion d’un obus à poudre B peut arracher une partie entière d’un navire11. Aussi l’idée est-elle désormais abandonnée, alors que certaines cuirasses atteignent 730 mm d’épaisseur pour résister aux nouveaux projectiles12.

    7Les cuirasses suivent en fait les évolutions de l’artillerie. Grâce aux progrès de la métallurgie, les plaques de blindage deviennent plus homogènes, plus épaisses et plus lourdes. Ces plaques, d’abord en fer, sont ensuite produites en acier puis en plaques cémentées encore plus résistantes13. Ces évolutions permettent après une phase d’augmentation continue de la cuirasse, de diminuer son épaisseur. Ces cuirasses connaissent ainsi une augmentation de leur épaisseur entre 1854 et 1876 : elles atteignent ainsi 55 cm sur le cuirassé Duperré. Des années 1880 jusqu’aux années 1900, leur épaisseur se réduit. La cuirasse du Danton en 1906, ne fait que 26 cm d’épaisseur.

    8La propulsion connaît également d’importantes évolutions techniques. Celles-ci permettent d’obtenir une augmentation de la puissance développée par les machines. À la fin des années 1860, les machines compound développées par l’Anglais John Elder et le Français Benjamin Normand développent une plus grande puissance, consomment moins de combustible et sont plus légères que les machines précédentes, dites « à condenseur à surface ». À la fin des années 1880, les chaudières aquatubulaires, renfermant peu d’eau, sont plus faciles à mettre en pression. À partir de 1905 apparaissent les premières turbines. L’idée des turbines consiste à employer directement la force vive de la vapeur au lieu de sa pression pour faire tourner directement les hélices assurant la propulsion du navire. Ces turbines apparaissent sur les gros bâtiments de guerre en 1905, à l’occasion du lancement du Dreadnought en Angleterre. Dans les années suivantes, les deux inconvénients des premières turbines sont corrigés : les turbines de marche arrière permettent d’inverser le sens de la propulsion ; les turbines de croisière limitent la consommation de combustible à faible vitesse. Au même moment, la chauffe au charbon est progressivement abandonnée pour la chauffe au mazout qui possède un pouvoir calorifique plus important à poids égal et augmente donc l’autonomie des navires.

    9Les moteurs à combustion interne sont adoptés à la même époque pour la propulsion en surface des sous-marins. En 1897, le sous-marin américain le Holland fonctionne avec un moteur à la gazoline. Cinq ans plus tard, le sous-marin français l’Aigrette est propulsé par un moteur à pétrole. Après 1910, les sous-marins sont généralement dotés de moteurs Diesel, du nom de son inventeur allemand. Grâce à ces évolutions technologiques, les navires augmentent leur puissance et leur vitesse. Alors que le cuirassé français la Gloire développe 1000 chevaux et une vitesse de 12 nœuds en 1859, le superdreadnought anglais King Georges V développe 10 000 chevaux et une vitesse de 21 nœuds en 191114. Ces évolutions techniques ont d’importantes répercussions sur les marines de guerre européennes. Elles nourrissent la pensée géostratégique navale dans une France isolée après la guerre de 1870.

    Les enjeux stratégiques

    10La marine française doit faire face à la difficile définition de son ou ses ennemis. En effet, après le traité de Francfort du 10 mai 1871, la France est isolée en Europe. Elle doit faire face à la mise en place du premier système bismarckien et à l’isolement britannique. À partir de 1871, l’objectif du chancelier allemand Bismarck est de garantir le statu quo en Europe15. Dès 1872-1873, il organise l’« Entente des Trois Empereurs » avec l’Autriche-Hongrie et la Russie. Dès 1874, l’Italie rejoint le système. Le Royaume-Uni, lui, préfère rester isolé face à des combinaisons diplomatiques européennes risquant de l’entraîner dans une guerre où ses intérêts ne sont pas en jeu. Cet isolement est renforcé par le sentiment de sécurité offert par la plus puissante flotte du monde. La marine française ne peut donc définir son principal ennemi : le Royaume-Uni, l’Allemagne ou l’Italie. Dans l’état de cette flotte et des moyens financiers de la jeune République, de nombreux parlementaires recommandent de ne pas rechercher l’égalité de puissance navale avec la Grande-Bretagne. Au sein de la commission du budget, le républicain d’extrême gauche et ancien officier de marine, Eugène Farcy, recommande ainsi en mai 1876 : « nous ne devons avoir la prétention de lutter contre l’Angleterre, elle peut dépenser beaucoup plus que nous pour la Marine16 ». Le même jour, l’armateur malouin de centre gauche, Le Pomellec s’inquiète des grands cuirassés allemands. En juin 1877, le rapporteur du budget de la Marine définit l’Allemagne et l’Italie comme le principal péril naval pour la France17.

    11En effet, le jeune royaume d’Italie développe sa propre flotte dans les années 1870. Après la défaite de Lissa face à la marine autrichienne en 1866, les Italiens délaissent leur flotte militaire. Mais à partir de 1870, les Italiens prennent conscience de la fragilité de leurs frontières maritimes. S’ils considèrent, comme les Allemands, qu’une guerre se gagne à terre, ils comprennent que l’aide d’une marine est nécessaire pour garder une liberté d’action à terre. Sous la conduite de l’ingénieur naval Benedetto Brin et de l’amiral Simone Pacoret de Saint-Bon, le pays développe une industrie navale avec l’aide des Britanniques18. La nouvelle flotte italienne réétudie la localisation de ses bases. Venise est préservée mais les bases de Gênes et de Naples n’étant pas à l’abri des bombardements, leur transfert est envisagé. Celle de Gênes est ainsi déplacée à La Spezia. Quant à Naples, la ville réussit à éviter le transfert de la base de la Regia Marina à Tarente, comme forme de compensation de sa perte d’influence politique à la suite de la réunification italienne19. Ne pouvant atteindre l’égalité numérique face à la flotte française, les Italiens dépendent de la supériorité individuelle de leurs navires. Brin développe donc des navires dont l’objectif est d’être plus puissant que n’importe quel navire que la France pourrait envoyer sur les côtes italiennes. Ces navires seraient répartis entre plusieurs repaires plutôt que groupés en escadre. De ces réflexions naît le Duilio, lancé en 1876, concentrant vitesse et puissance de feu grâce à son décuirassement. Mais Rome nourrissant des ambitions balkaniques à la fin des années 1870, l’Autriche redevient l’ennemie principale. Les navires de Brin et Saint-Bon étant inadaptés à un conflit avec la monarchie des Habsbourg, les deux hommes sont mis sur la touche en 1878.

    12À la fin des années 1870, la flotte russe se réveille à son tour. À la suite de la guerre franco-prussienne de 1870-1871, la Russie s’affranchit des clauses du traité de Paris (1856) qui limitait sa puissance navale. Elle transforme la presqu’île de Crimée en véritable forteresse navale et développe une base corsaire à Vladivostok20. La guerre russo-turque de 1877-1878 est l’occasion pour la flotte tsariste de se démarquer. En mai 1877, des torpilleurs russes coulent une canonnière turque devant le Danube. En janvier 1878, une autre canonnière turque est envoyée par le fond par une torpille automobile lancée à 80 mètres par un torpilleur russe21. De plus, la menace corsaire russe depuis Vladivostok sur le Pacifique, dissuade les Britanniques d’intervenir dans le conflit22.

    13L’évolution de la pensée navale face aux mutations technologiques de la fin du xixe siècle a été étudiée par plusieurs historiens. Martin Motte a mis en évidence l’influence des réflexions de Paixhans et Jean Grivel au début de ce siècle sur les auteurs de la fin du siècle23. Dans les années 1870, la pensée navale française est fortement influencée par les théories navales de Richild Grivel. Fils du vice-amiral Jean Grivel – théoricien naval des années 1830 – Richild Grivel publie en 1869, De la guerre maritime avant et depuis les nouvelles inventions, étude historique et stratégique. Il reprend les critiques que le Corps législatif émet alors contre des « bâtiments gigantesques » trop coûteux et trop vulnérables aux nouvelles armes24. Il réclame ensuite la définition d’une flotte selon des ennemis désignés. S’il se montre favorable à une guerre d’escadre contre la Prusse et à une flotte capable d’« opérations combinées de terre et de mer », il considère cette guerre comme inutile contre une Angleterre disposant d’une supériorité flagrante en homme et en matériel grâce à sa flotte de commerce. Il préconise donc, dans ce cas, de privilégier la défense des côtes en s’appuyant sur les armes nouvelles.

    14Treize ans plus tard, le contre-amiral Hyacinthe Aube perfectionne dans La guerre maritime et les ports militaires de la France les idées stratégiques qu’il émet depuis 187325. En premier lieu, il défend l’idée de la disparition de la maîtrise de la mer par une quelconque puissance navale sous l’effet des évolutions technologiques. Pour Aube, la torpille, les mines et la puissance de feu grandissante des flottilles interdisent dorénavant le blocus rapproché des ports. Ce faisant, la maîtrise des mers devient impossible et la guerre d’escadre perd de son utilité. Dans cette situation, la guerre de course retrouve sa pertinence. Face à la Grande-Bretagne, le contre-amiral Aube trouve dans cette guerre de course la seule alternative pour lutter « du faible au fort ». De plus, Aube voit également dans la guerre de course un moyen peu onéreux de mener une guerre. Mais l’impossibilité des blocus laissant tout loisir aux belligérants de lancer des attaques contre les côtes adverses, la défense de celles-ci paraît pour Aube une nécessité vitale. Pour cela, le renforcement des flottilles lui paraît indispensable de même que la défense statique des ports.

    15Au milieu des années 1880, le journaliste Gabriel Charmes prolonge la pensée de Aube dans une série d’articles puis publie Les torpilleurs autonomes et l’avenir de la Marine en 1885 et La réforme de la Marine l’année suivante26. Pour lui, « le cuirassé est bien certainement vaincu par le torpilleur […] ; autant vaudrait, ce me semble, le placer tout de suite au Louvre, dans les galeries du musée de la Marine27 ». Charmes dédaigne les dernières évolutions du cuirassé : projecteurs, filets pare-torpilles et navires escorteurs. Pour lui, elles ne suffisent pas à rétablir la primauté du géant sur le petit torpilleur. La nouvelle marine du journaliste doit être composée principalement de torpilleurs chargés de couler la flotte adverse, de canonnières destinées à bombarder les côtes ennemies et de croiseurs pour la course, « but le plus important de la guerre maritime28 ».

    16Plus mesuré dans ses propos que Charmes et ses outrances, l’ancien ministre de la Marine, le commandant Gougeard, publie en 1884 La Marine de guerre, son passé et son avenir : cuirassés et torpilleurs. S’il admet l’adaptation du torpilleur au théâtre méditerranéen, il réfute la pertinence de son emploi dans l’immense Atlantique29. Face à Charmes, Gougeard élargit le débat en le sortant du domaine exclusivement technique et en évoquant la philosophie même de la guerre : définir les moyens selon les objectifs. Or, dans le cas d’une guerre contre l’Allemagne ou l’Italie, la course serait inappropriée ; face à l’Angleterre, elle ne suffirait pas, comme l’histoire a pu le démontrer.

    17Les partisans de la guerre d’escadre et de la maîtrise de la mer réagissent en 1886. Cette année-là, le vice-amiral Bourgois réfute les théories de la Jeune École dans La guerre de course, la grande guerre et les torpilles. Plus encore que Gougeard, le vice-amiral Bourgois s’appuie sur l’histoire pour démontrer l’importance de la guerre d’escadre et l’insuffisance de la course. L’idée de Charmes de torpiller tous les navires de commerce ennemis est également dénoncée : elle amènerait l’ennemi à transférer sa flotte de commerce sous pavillon neutre que la France ne pourrait attaquer sans violer la Déclaration de 1856. Et Martin Motte de préciser sa pensée : « cette Déclaration servait les intérêts de la France : le principe selon lequel le pavillon couvre la marchandise et celui du blocus effectif empêchaient en effet le maître de la mer d’abuser de sa force au détriment des puissances maritimes de second rang, comme il l’avait fait à l’âge classique30 ». Le vice-amiral Bourgois dénonce ensuite le principe de division du travail développé par Charmes qui consiste à assigner un type de projectile par type de navire. Pour Bourgois, l’objectif de tout navire de guerre est de détruire l’ennemi : la liaison des armes est donc fondamentale. Enfin, Bourgois s’appuie sur la puissance de l’artillerie dont la portée est supérieure aux torpilles, pour appuyer l’idée que les bâtiments classiques restent supérieurs aux flottilles.

    18Au Parlement, les idées de Richild Grivel puis celles du contre-amiral Aube trouvent un écho certain, en particulier au sein de la commission du budget dont les membres y trouvent une source d’économie. Elles aboutissent à un ensemble de nuances d’idées chez ces parlementaires. Mais l’axe central de ces nuances est représenté par les théories de Aube. Dès 1872, un groupe de députés menés par le lieutenant de vaisseau inscrit à l’Union républicaine, Eugène Farcy, s’appuie sur les idées de R. Grivel et sur l’expérience de 1870 pour réclamer la limitation des missions de la Marine à la défense des côtes. Ils suggèrent de limiter son budget à 60 millions de francs, ce qui équivaut à supprimer la flotte31. Pour ces parlementaires, les torpilles suffisent à la protection des côtes et la Marine n’a donc plus de raison d’être. Eugène Farcy développe ses idées quatre ans plus tard en commission du budget :

    « Les constructions impériales ont fait leurs preuves : elles n’ont servi à rien. Pendant la dernière guerre, nous n’avions pas de navires à grande vitesse […] Aujourd’hui, il y aura de moins en moins de guerres d’escadre ; il y a les navires à vapeur. On peut différer le combat tant qu’on veut. […] La guerre doit se réduire à l’attaque et à la défense des côtes, nous devons nous borner à la défense. Il suffit de semer des torpilles dans les eaux de nos côtes. Partout où il y a des torpilles on n’avance pas. Les gros navires n’ont pas d’effet utile. […] Nous ne devons pas avoir la prétention de rivaliser avec l’Angleterre ; elle peut dépenser beaucoup plus que nous pour la Marine32. »

    19Farcy prolonge ses attaques contre les cuirassés en 1879 : il demande à la commission du budget à laquelle il appartient de supprimer les crédits inscrits par le ministère pour la construction de cinq cuirassés de type Tonnerre33.

    20D’autres parlementaires associent à la défense du littoral la nécessité de pouvoir mener une guerre de course à l’aide de croiseurs rapides. C’est le credo d’Étienne Lamy, rapporteur du budget de la Marine en 1878 :

    « La construction des bâtiments de combat est si coûteuse, leur efficacité est si incertaine que l’entreprise de créer une flotte cuirassée semble lasser sans fruit la persévérance des peuples. En renonçant à la guerre d’escadres, une nation n’abdique pas, si elle sait produire, après avoir assuré la défense de son littoral, des bâtiments pourvus de machines puissantes, armés d’une forte artillerie, capables de tenir longtemps la mer et destinés à la guerre de course34. »

    21Il en est de même du député de la Creuse inscrit à l’Union républicaine Amédée Le Faure, qui, reprenant les arguments de Lamy, refuse la construction d’une flotte de combat :

    « Je ne crois pas qu’on puisse fixer dès à présent d’une façon définitive le type des bâtiments et la composition de la flotte. La lutte entre les canons et les cuirassés n’est pas encore terminée. […] On est obligé de refaire continuellement les armements et les navires ; on va au hasard. On ne peut pas arrêter un plan fixe. […] La Marine doit avoir deux objectifs : 1o la défense du littoral ; 2o une flotte de combat. Sur le 1er point, on peut prendre dès à présent des résolutions fixes. Ce problème est à peu près résolu pour les torpilleurs. Les résultats des dernières guerres en Turquie en Amérique sont très probants. Il faut ajouter aux torpilleurs une quantité considérable de croiseurs d’une grande vitesse. Ces deux points sont hors de contestation. Mais pour la flotte de combat, vous ne pouvez pas prendre dès à présent une décision précise. […] Nous n’avons à nous préoccuper que de la défense du littoral35. »

    22Ces députés se montrent particulièrement sceptiques quant au cuirassé. Ils peuvent d’autant mieux exprimer leurs idées en commission du budget face au ministre que cette commission est présidée par l’un des leurs, Daniel Wilson, gendre du président Grévy36. Ce sont en fait ces députés qui, à l’initiative de l’opportuniste guadeloupéen Gerville-Réache, appuient le contre-amiral Aube lors de son passage au ministère37. Dès 1885, le Guadeloupéen prend fait et cause pour les idées du contre-amiral :

    « Le département de la Marine ne [fait] pas d’efforts suffisants dans le sens du progrès. C’est ainsi qu’on met encore en chantier des cuirassés de 1er rang qui coûtent le prix énorme de 24 et 25 millions et qu’on néglige beaucoup trop les constructions des torpilleurs alors qu’un seul de ces engins suffit pour détruire le plus gros navire38. »

    23Face à ces députés, les tenants des cuirassés ne désarment pas en commission du budget. Le métallurgiste Ménard-Dorian, élu radical de l’Hérault et rapporteur du budget de la Marine en 1884, 1886 et 1887, et son collègue radical de la Seine, Ernest Lefèvre, s’opposent aux projets de Aube et à l’idée de la suprématie du torpilleur sur le cuirassé39. Ménard-Dorian défend l’idée de la combinaison entre le torpilleur et le cuirassé :

    « L’emploi le plus utile du torpilleur serait de le combiner avec le cuirassé. Comme acteur moral, le cuirassé est indispensable. Il représente une force permanente de plus. De plus, l’escadre est un lieu d’instruction pour les hommes40. »

    24Ces débats ont d’importantes répercussions sur la flotte française dont les autorités militaires peinent à fixer une composition claire en termes de types de navires.

    Les enjeux matériels

    25La Troisième République naissante hérite de la flotte de Napoléon III, puissante mais coûteuse. Aussi, l’Assemblée nationale élue en février 1871 décide dans un premier temps de réduire drastiquement les crédits pour la Marine. Dès le milieu des années 1870, les résultats sont catastrophiques pour une Royale qui est alors à reconstruire dans le contexte des mutations technologiques. Un rapport parlementaire sur l’état de la Marine en 1871 est rédigé par le magistrat morbihanais et légitimiste François Dahirel41. Celui-ci énumère 549 navires de guerre : 66 cuirassés dont 11 en chantier ; 248 à hélice dont 17 en chantier ; 46 à roue ; 79 à voiles dont un en chantier ; 120 bâtiments de servitude. Mais le représentant morbihanais considère qu’il n’y a que 205 navires disponibles en février 1871. Parmi ceux-ci, 15 frégates, 7 corvettes et 14 garde-côtes ou batteries flottantes sont cuirassés. En plus de ces navires, la France peut alors compter sur 6 vaisseaux ou frégates à hélice, 10 corvettes à hélice, 39 avisos à hélice, 40 canonnières, 29 transports à hélice, 6 frégates ou corvettes à roue, 20 avisos à roue, neuf transports à voiles, 5 goélettes et 8 pontons.

    26Mais la baisse des crédits accordés à la Marine réduit rapidement l’utilité de ces bâtiments. En 1872, le ministre-amiral Pothuau présente en annexe de son budget un programme de composition de la flotte42. Les 205 navires disponibles un an plus tôt sont réduits à une flotte de 157 navires dont certains sont à construire. Le ministre reconnaît que les circonstances budgétaires l’obligent à laisser « dépérir la flotte de 14 600 000 francs environ43 ». La flotte française compte donc au début de l’année 1872, 147 navires en état de combattre. Le « programme de 1872 » comprend 14 cuirassés de premier rang et 11 de second rang. Il prévoit la construction rapide de deux cuirassés de premier rang et un de second rang. La flotte française conserve également 20 cuirassés garde-côtes et 6 corvettes ou frégates rapides à barbettes non cuirassées ; le ministre Pothuau prévoit la construction rapide de deux autres frégates rapides non cuirassées. Le programme intègre aussi 8 corvettes rapides à barbette, 18 avisos de première classe et 14 de seconde classe. Quatre avisos de seconde classe doivent être construits. À cela il faut ajouter 24 navires de transports en état et un à construire ainsi que 30 canonnières actives plus deux à construire. Le ministre-amiral Pothuau précise dans l’exposé de son budget que pour conserver cette flotte achevée de 157 bâtiments, il faudra consacrer annuellement 29 millions de francs à son renouvellement44.

    27Dans les années 1870 et 1880, les parlementaires se montrent relativement versatiles dans l’opinion qu’ils émettent sur les torpilleurs et les cuirassés. Après les hésitations qui font suite à la politique de recueillement de la Marine, la commission du budget prend parti pour le torpilleur. Mais à partir de 1885, les parlementaires partisans du cuirassé se font entendre. Le programme de 1872 est le fil rouge des discussions parlementaires dans les années 1870. Il est régulièrement cité par certains parlementaires pour s’alarmer de l’état de la Marine. Dès 1875, le vice-amiral Pothuau, rapporteur du budget de cette dernière, avertit ses collègues de la commission du budget de l’état matériel de la flotte45. En 1878, le rapport Lamy commence ses critiques sur les carences de l’administration par l’inachèvement du programme de 1872. Pour autant, l’amirauté ne se formalise pas très longtemps sur ce programme de 1872. En août 1879, le Conseil d’amirauté, conseil consultatif du ministère, dote la Marine d’un nouveau programme naval sans en avertir le Parlement. Celui-ci est mis au courant par l’intermédiaire de la commission du budget de la Chambre en mai 1880 seulement46. Mais à cette occasion également, le rapporteur du budget de la Marine Ernest Dréo – élu de Brignoles dans le Var et inscrit à l’Union républicaine – se réfère au programme de 1872 dont il craint l’inexécution. Il critique l’augmentation du nombre de cuirassés de premier rang prévus de 16 à 26. Critique temporisée par le ministre-amiral Jauréguiberry : parmi ces 26 cuirassés, 7 sont d’anciens garde-côtes cuirassés de première classe ; l’augmentation n’est donc que de 3 cuirassés. Le Conseil d’amirauté augmente également le nombre de croiseurs de 16 à 26 et inclut 60 torpilleurs dans son programme47. Ce programme est mal accepté par la commission du budget dominée par les républicains opportunistes : plusieurs de ses membres refusent des cuirassés qui seront de mauvaise qualité devant la vitesse des mutations technologiques et souhaitent davantage de torpilleurs pour la défense des côtes48. Pour s’assurer que les vœux du Parlement concernant la Marine soient entendus par l’amirauté, la commission du budget adopte en avril 1881 un article additionnel à la loi de finances permettant au Parlement de modifier la répartition des constructions navales :

    « Le ministre de la Marine est autorisé à poursuivre et à entreprendre des constructions navales conformément au tableau annexé à la présente loi. Ce tableau devra contenir l’énoncé des navires à construire avec le coût total de leur construction, les sommes dépensées dans les exercices précédents et les sommes à dépenser dans l’année courante49. »

    28Cet article, adopté par le Parlement à l’occasion du vote du budget général pour 1882, permet dorénavant aux parlementaires de s’opposer à la construction de n’importe quel type de navire… y compris les cuirassés, alors qu’au même moment, le Conseil d’amirauté observe dans ses discussions que sans l’aide du cuirassé, le torpilleur ne pourrait pas grand-chose contre une attaque anglaise sur les côtes50. Le président de la commission du budget de 1882, Daniel Wilson, peut ainsi plus facilement proposer de voter l’interdiction de construire de nouveaux cuirassés en juin 1882, proposition qu’il retire après avoir entendu le ministre-amiral Jauréguiberry51.

    29L’année 1885 représente un tournant dans les choix matériels présentés par la commission du budget. En mai, le rapporteur Gerville-Réache débute une violente offensive contre l’amirauté et les cuirassés. Il réclame dans son rapport « de développer le plus possible le nombre de nos croiseurs et de nos torpilleurs52 ». Charles Ferry, député opportuniste des Vosges et frère de Jules, propose même de supprimer les crédits du cuirassé Charles Martel pour marquer la désapprobation du Parlement envers ce type de navires53. Mais l’audition du ministre-amiral Galiber retourne la tendance au sein de la commission. Ce dernier explique la situation des marines étrangères aux députés et défend son idée d’avoir toujours une douzaine de cuirassés disponibles pour pouvoir lutter contre les cuirassés étrangers jusqu’à l’hypothétique disparition de ce type de navires54. Ces propos convaincants et l’arrivée d’un plus grand nombre de radicaux dans cette commission en 1886 permet au métallurgiste Ménard-Dorian d’être élu rapporteur du budget de la Marine. Face à Gerville-Réache, Ménard-Dorian se montre un farouche défenseur des cuirassés – dont son industrie fournit les plaques de blindage. Il s’appuie sur les manœuvres du printemps 1886 pour développer son argumentation en faveur du cuirassé devant la commission qui approuve son projet de rapport sans sourciller55. À la faveur des résultats décevants des manœuvres censées illustrer la pertinence des théories de Aube dont Gerville-Réache s’est fait le farouche défenseur, Ménard-Dorian est réélu rapporteur du budget de la Marine en 1887. Toutefois, la mise en cause de sa position de fournisseur de la Royale et de rapporteur du budget de cette armée en février 1888 au Parlement le décrédibilise56. Il perd donc son poste de rapporteur au profit de Gerville-Réache cette même année.

    30Les ports d’armement et de construction de navires de guerre sont un autre enjeu matériel pour la marine française. Deux problèmes sont posés tout au long de la période : l’organisation et le nombre des ports militaires français ; la répartition des constructions navales entre les chantiers de l’État et ceux de l’industrie privée. Depuis le début du xixe siècle, la marine française dispose de cinq ports militaires : Cherbourg, Brest, Toulon, Lorient et Rochefort. Le Second Empire a aménagé prioritairement les trois premiers, considérant Lorient et Rochefort comme des ports secondaires devant être spécialisés dans la construction et l’armement de bâtiments légers57. À ces ports il faut ajouter les établissements de la Marine « hors les ports » : Indret, les forges de la Chaussade à Guérigny et les trois fonderies de Ruelle, Saint-Gervais et Nevers. Il faut également ajouter les arsenaux d’outre-mer : Fort-de-France, Alger, Saïgon en Cochinchine et Dakar au Sénégal58. Dans les années 1870, cette répartition n’est pas remise en cause au Parlement. Mais à partir de 1882, l’idée de supprimer les ports de Lorient et de Rochefort – ou au moins de les spécialiser en simples ports de construction – fait son entrée au palais Bourbon59. À partir de 1883, les rapporteurs du budget de la Marine réclament de manière systématique cette réorganisation : Ménard-Dorian et Gerville-Réache, qui cumulent à eux deux cette fonction entre 1884 et 1890 et s’opposent sur la question du cuirassé, s’accordent sur ce point. Ces rapports s’appuient sur des commissions du budget globalement unanimes dans la critique de l’organisation des ports militaires60.

    31La Marine travaille étroitement avec l’industrie privée qui lui fournit de très nombreuses pièces, machines-outils ou plaques de blindages par exemple. Mais surtout, six chantiers de constructions navales privés sont régulièrement mis à contribution par la Marine. En 1871, les chantiers Normand au Havre et ceux de la Société des forges et chantiers de la Méditerranée à La Seyne existent déjà. Mais vers 1880, quatre nouveaux chantiers privés s’organisent rapidement. À Nantes, la Société des ateliers et chantiers de la Loire voit le jour en 1881. À Saint-Nazaire, la Compagnie générale transatlantique s’installe sur les chantiers du Penhouët en 1882. La même année, Schneider investit à Bordeaux pour monter les Chantiers et ateliers de la Gironde, trois ans après la naissance des chantiers Dyle et Bacalan. Devant la lenteur des constructions navales dans les arsenaux, le recours à cette industrie privée outillée pour de nombreux types de navires apparaît comme une solution à certains parlementaires. Mais le sujet ne fait toutefois pas consensus. Il est certain que les députés des ports de guerre militent pour leur arsenal : le Brestois Gasté réclame ainsi en novembre 1876 qu’une part des crédits de construction navale prévus pour l’industrie privée soit renvoyée vers les arsenaux61. Mais certains députés font également remarquer à plusieurs reprises que les arsenaux anglais font jeu égal avec l’industrie et que cela doit donc être possible en France62. D’autres admettent que l’industrie privée n’est pas plus rapide que les arsenaux en France mais rejettent la faute sur la Marine qui n’accorderait que de faibles crédits à l’industrie privée pour que celle-ci ne construise pas plus rapidement que les arsenaux de l’État63. Face à ces parlementaires, d’autres défendent sans relâche l’idée de se tourner prioritairement vers l’industrie privée. Le premier à le faire est Lamy, dans son rapport sur le budget de la Marine pour 1879. Il est appuyé par Farcy en séance plénière lors de la discussion générale de ce budget64. L’idée est ensuite régulièrement débattue, principalement en commission du budget : en octobre 1883, en mai 1885, en mars et juillet 188965. L’ensemble des enjeux techniques, stratégiques et matériels nourrissent d’importants débats entre les parlementaires conservateurs et les libéraux dans les années 1870.

    La Marine, objet de luttes parlementaires (1871-1878)

    Heurs et malheurs du budget naval (1871-1878)

    32En 1871, l’Assemblée nationale nouvellement élue hérite d’une marine puissante, coûteuse mais quasi inutilisée car en partie inutilisable lors du conflit contre la Prusse. Le Second Empire a dépensé annuellement et en moyenne 182,7 millions de francs entre 1853 et 1870 pour développer sa marine66. Le problème du coût de la flotte est posé très rapidement après les élections de février 1871. Le paiement des réparations de guerre à la Prusse, la reconstruction des régions ravagées par la guerre et le coût de la reconstitution de l’armée de terre laissent peu de marges financières pour la Marine, « arme de luxe » pour Adolphe Thiers67. Les débats en commission du budget comme en séance plénière à l’Assemblée nationale récusent toute équivoque. La Marine « doit se sacrifier sur l’autel de la patrie68 ». Aussi, dès l’été 1871, l’Assemblée nationale diminue son budget pour 1871. Ne pouvant toucher immédiatement aux personnels, les réductions portent sur le matériel. Les approvisionnements généraux de la flotte sont réduits de 3,6 millions de francs et les travaux hydrauliques de 4 millions de francs69. Ces premiers efforts n’entraînent que peu de réactions. En commission du budget, aucun parlementaire ne s’élève contre le rapport de l’armateur havrais libéral Daniel Ancel qui valide ces réductions70. En séance plénière, seuls les représentants des ports militaires comme le Lorientais Audren de Kerdrel, demandent au ministre de la Marine le vice-amiral Pothuau de ménager les ouvriers des arsenaux71.

    33Le budget de la Marine pour 1872 est l’occasion de vives attaques des parlementaires. Alors que le vice-amiral Pothuau ampute ce budget de 9 millions de francs par rapport au budget rectifié de 1871, passant de 134 à 125 millions de francs, la commission du budget le réduit de deux millions de francs supplémentaires72. Daniel Ancel profite de la situation pour défendre de manière intéressée le rôle que peut tenir l’industrie privée dans la construction navale militaire. Son rapport précise que « l’État doit demander à l’industrie ou au commerce tout ce qu’ils peuvent lui fournir » afin d’économiser sur les salaires ouvriers73.

    34Quelques mois plus tard, en juillet 1872, la discussion du budget de la Marine pour 1873 voit le rapporteur Ancel réclamer de nouvelles réductions sur les approvisionnements alors que Pothuau alerte la commission sur l’effet « dommageable » pour la flotte des réductions adoptées sur le budget précédent74. Non seulement le ministre s’oppose à de nouvelles réductions mais en plus, il réclame des hausses de crédits. Cette attitude offensive est relativement payante. Sur la dotation en matériel, Pothuau ne perd plus un franc mais en gagne même près de 300 000 auprès de la commission.

    35Les discussions sur la création d’un « compte de liquidation des diverses charges résultant de la guerre » proposé par le projet de loi du 15 mars 1872, garantissent rapidement à la Marine une somme de dix millions pour ses approvisionnements généraux et en compensation de ses fournitures à l’armée de terre pendant la guerre contre la Prusse. La préparation du budget pour 1874 tient compte de cette manne relative mais Pothuau ne désarme pas pour autant devant la commission. Il réclame dans sa note préliminaire au budget, une hausse de 2,1 millions de francs pour les salaires ouvriers et les travaux hydrauliques en mars 187375. C’est cependant son successeur à la rue Royale, le vice-amiral Dompierre d’Hornoy, qui affronte la commission du budget pour défendre les crédits de la Marine. Cette commission conservatrice soutient le ministre du gouvernement de l’Ordre moral et lui accorde l’ensemble des crédits demandés. Certains regrettent même qu’ils n’en demandent pas plus comme le monarchiste périgourdin Martial Delpit. Pour autant, les critiques contre l’institution de la Marine ne cessent pas au sein de la commission, critiques jaillissant tout au long du rapport Lambert de Sainte-Croix contre l’administration installée rue Royale, à Paris. Ce dernier estime par ailleurs, sur le plan du matériel, « qu’en attendant le jour où notre situation financière nous permettra d’augmenter la dotation actuelle du matériel, notre état naval peut nous inspirer confiance, même en le comparant avec l’état des marines étrangères […] la flotte de 1873 est numériquement, à peu de choses près, ce qu’elle doit être d’après le nouveau programme [de 1872]76 ».

    36Le budget naval de 1875 est encore peu débattu en commission77. Celle-ci accueille dorénavant deux officiers généraux de la Marine, La Roncière Le Noury et Montaignac de Chauvance et valide les conclusions du premier d’entre eux, rapporteur du budget de la Marine : « ce programme […] non seulement nous ne pouvons pas l’exécuter, mais nous nous éloignons chaque année, de sa réalisation78 ». En effet, La Roncière estime à 70 millions de francs la somme nécessaire tous les ans pour assurer les nouvelles constructions et l’entretien de la flotte prévue par le programme de 1872. En cela, la commission du budget se borne à proposer à l’Assemblée d’adopter l’augmentation de 1,1 million sur les salaires des ouvriers et les approvisionnements généraux demandée par le ministre Dompierre d’Hornoy mais dont le contre-amiral Montaignac de Chauvance qui lui a succédé rue Royale en mai 1874 se désolidarise79. En juillet 1874, Montaignac défend en effet devant l’Assemblée l’idée d’un nécessaire redressement de la flotte française.

    37À partir de ce moment débute une dynamique de croissance du budget naval. Face au rôle des ministres des Finances dans la limitation des budgets navals, Montaignac de Chauvance et le vice-amiral La Roncière Le Noury réussissent à obtenir le soutien de leurs collègues de la commission du budget pour dénoncer l’insuffisance des crédits navals. Les 70 millions de francs annuels réclamés par le rapport La Roncière Le Noury pour assumer le programme de 1872 sont défendus par le contre-amiral Montaignac – devenu ministre de la Marine – face à l’Assemblée nationale. Montaignac de Chauvance attaque donc directement son prédécesseur le vice-amiral Dompierre d’Hornoy dont il se désolidarise du budget présenté80. Il s’appuie sur le rapport La Roncière Le Noury pour défendre une réelle application du programme de 1872 et donc, une hausse des crédits navals. Pour autant, aucun amendement n’est présenté sur les chapitres des dotations de matériel pour corriger le budget préparé par le vice-amiral d’Hornoy. Le ministre des Finances responsable de la préparation du budget, Pierre Magne, ayant été remplacé seulement cinq jours plus tôt par Pierre Mathieu-Bodet, une remise en cause importante du budget de la Marine n’est pas souhaitée par le Gouvernement. Cela d’autant plus que le nouveau ministre de la Marine négocie une part des crédits inscrits dans le compte de liquidation. Il faut donc attendre une année de plus pour voir de nouvelles critiques parlementaires contre l’insuffisance des crédits navals. En juin 1875, le vice-amiral Pothuau, ex-ministre et rapporteur du budget de la Marine, détaille ces critiques. Mais le contre-amiral Montaignac de Chauvance ne fait pas beaucoup mieux que son prédécesseur : il manque toujours 15 millions de francs dans la dotation du matériel aux yeux de Pothuau pour accomplir le programme de 1872, alors qu’il estime à 60 millions – soit dix de moins que La Roncière Le Noury – les besoins annuels de la Marine pour arriver à ce programme81. La commission du budget le soutient dans ses efforts et adopte sans aucune contestation les chiffres du ministre, regrettant leur faiblesse82. En séance plénière, des critiques se font encore entendre mais aucun amendement au budget ne suit83. Une fois encore, le gouvernement ne souhaite pas remettre en cause l’équilibre budgétaire trouvé.

    38C’est en 1876 que les crédits navals atteignent les sommes considérées comme nécessaires à l’accomplissement du programme de 1872 par La Roncière Le Noury et Pothuau. Préparé par le contre-amiral Montaignac et porté par le vice-amiral Fourichon, le budget pour 1877 propose d’augmenter la dotation en matériel d’environ 13 millions de francs. Cette hausse est soutenue par la commission du budget et son rapporteur bonapartiste Raoul Duval84. La dotation en matériel de la Marine atteint les 70 millions préconisés par La Roncière Le Noury en 1874. L’année suivante, les chiffres sont maintenus à l’identique. et soutenus par le rapporteur Paul Bethmont, élu républicain de Rochefort85. À ces chiffres, le gouvernement demande d’ajouter 16,7 millions de francs sur le compte de liquidation. Les discussions de cette demande en commission du budget inaugurent un début de retournement de celle-ci quant aux efforts financiers vis-à-vis de la Marine. Le caractère extraordinaire du compte de liquidation entre en contradiction avec l’aspect ordinaire des dépenses pour le renouvellement et l’entretien de la flotte. Léon Say, ministre des Finances, et le contre-amiral Roussin, sous-secrétaire d’État à la Marine, ont beau défendre l’idée qu’il ne s’agit que d’un « rattrapage » des sommes manquantes des années précédentes, le doute est de nouveau instillé dans l’esprit des députés : la Marine est incapable de se contenter des sommes que le Parlement lui accorde86. Le budget naval connaît donc d’importants débats dans les années 1870. Les rapports de force entre conservateurs, attachés à la flotte du Second Empire, et libéraux soucieux de limiter les dépenses navales, alimentent ces débats sur la mise en œuvre financière du programme de 1872.

    Conservateurs, libéraux et marins au Parlement entre 1871 et 1878

    39Entre 1871 et 1878, les rapports de force politiques évoluent au Parlement. Entre 1871 et 1873, l’Assemblée nationale à majorité conservatrice soutient le gouvernement centriste de Dufaure, nommé par Thiers. Mais en mai 1873, la chute de ce dernier et l’élection de Mac Mahon à la présidence de la République inaugurent le gouvernement de Broglie, qui veut défendre l’« ordre moral », pour reprendre l’expression de Mac Mahon87. En 1876, les premières élections qui suivent l’adoption des lois constitutionnelles de 1875 offrent la nouvelle Chambre des députés à une majorité de républicains, majorité confirmée un an plus tard.

    40Les élections de février 1871 sont une victoire pour les conservateurs monarchistes, orléanistes, légitimistes et bonapartistes. 450 parlementaires conservateurs environ sont élus contre près de 230 républicains88. Les élections complémentaires du mois de juillet suivant renforcent principalement le camp des républicains qui gagnent environ 70 sièges supplémentaires alors que les monarchistes gagnent moins de 20 sièges en plus89. Toutefois, ces derniers restent majoritaires. Les légitimistes sont environ 200, les orléanistes, 220, les libéraux du Centre gauche sont une centaine et les républicains environ 200. Les deux tiers de ces derniers sont inscrits à la Gauche républicaine de Jules Ferry et un tiers à l’Union républicaine de Léon Gambetta. Encore faut-il nuancer ces chiffres par le phénomène des doubles appartenances mis en avant par Rainer Hudemann90. La composition politique des commissions parlementaires travaillant sur la Marine est largement influencée par ces données générales. La sous-commission de réorganisation de la Marine, formée en juin 1871, est ainsi dominée par huit députés monarchistes face à un représentant bonapartiste, trois libéraux et trois républicains modérés. Les conservateurs dominent également la commission du budget, dès 1871. Les deux commissions nommées cette année-là pour les exercices 1871 et 1872 accueillent une forte majorité de conservateurs : 22 puis 24 sur 30 sièges. Le nombre de conservateurs diminue ensuite à 19 en 1872 et 1873, 16 en 1874 et 14 en 1875. Les libéraux sont également moins nombreux au fil des commissions : six puis cinq élus du Centre gauche participent à la commission du budget de 1871, trois y participent en 1872 et 1873, deux en 1874 puis de nouveau trois en 1875. Enfin, les républicains sont inversement plus nombreux au fil des ans : quatre en 1871, ils sont cinq l’année suivante, six en 1873, retombent à trois en 1874 pour remonter à dix en 1875.

    41Les élections législatives de 1876 sont une victoire pour les républicains qui raflent environ 360 sièges à la Chambre contre environ 150 aux conservateurs. Au Sénat, les conservateurs l’emportent de peu : ils obtiennent 151 sièges contre 149 aux républicains. La crise du 16 mai 1877 aboutit à de nouvelles élections en octobre de la même année. Les républicains sont moins nombreux – ils sont 323 – mais ils gardent la majorité face aux 200 et quelques députés conservateurs. Ces majorités irradient en commissions financières. À la Chambre, les républicains s’emparent sans difficulté de la commission du budget. Dès 1876, ils sont 29 sur 33 membres : deux élus d’extrême gauche, huit de l’Union républicaine, onze de la Gauche républicaine, deux inscrits simultanément à ces deux groupes et six élus du Centre-gauche. L’année suivante, seuls deux élus conservateurs préservent une place dans cette commission où les tendances républicaines se répartissent globalement de la même manière que l’année précédente. Les élections de 1877, même si elles offrent moins de députés républicains, ne remettent pas en cause cette écrasante domination républicaine de la commission présidée depuis 1876 par Léon Gambetta. Après ces élections, un seul député conservateur – bonapartiste – siège à la commission. Au Sénat, la fragile majorité conservatrice s’efforce de contrôler la commission des finances. En 1876 et 1877, seuls sept sénateurs sur les dix-huit membres de la commission sont des républicains. Mais ceux-ci réussissent à s’emparer de la commission l’année suivante en y occupant dix sièges.

    42Aucune des différentes tendances politiques parlementaires n’a de doctrine prédéfinie quant à la Marine. Toutefois, certaines permanences s’observent dans les attitudes et les idées défendues par les élus de ces différentes tendances. La tendance politique la plus vindicative est sans conteste les républicains radicaux. Ils réclament une Marine moins onéreuse et leur voix est portée par deux anciens officiers de marine, le lieutenant de vaisseau Farcy et l’enseigne de vaisseau Douville-Maillefeu. Ils s’appuient sur les idées stratégiques de Richild Grivel puis de l’officier de marine Théophile Aube. Siégeant à l’extrême gauche de l’Assemblée nationale puis de la Chambre des députés, Eugène Farcy défend l’idée d’une flotte limitée à la défense des côtes et s’appuyant sur les nouvelles torpilles pour cela :

    « Aujourd’hui il y aura de moins en moins de guerre d’escadre ; il y a les navires à vapeur. On peut différer le combat tant qu’on veut. […] La guerre doit se réduire à l’attaque et à la défense des côtes, nous devons nous borner à la défense. Il suffit de semer des torpilles dans les eaux de nos côtes. Partout où il y a des torpilles on n’avance pas. Il suffit d’en faire provision, et ne les lancer qu’au moment de la déclaration de guerre. […] Les gros navires n’ont pas d’effet utile91. »

    43Avec de tels marins, la flotte française n’a plus besoin d’ennemis ! Il s’oppose ainsi aux 30 millions de francs supplémentaires réclamés par le ministre de la Marine en 1876 pour des constructions navales et pourtant acceptées par le rapporteur Raoul Duval. Ses interventions concernant le matériel naval réclament donc toujours plus d’économies. L’entrée à la Chambre de son collègue radical Douville-Maillefeu lui assure un appui à partir de 1876. Ce dernier s’attaque plus particulièrement aux ports militaires de Lorient et de Rochefort, sources de dépenses inutiles par leur existence même92.

    44Les républicains modérés se montrent discrets sur les questions navales. À la sous-commission de la Marine de 1871-1873, le général Frébault et l’ingénieur de la Marine Charles Brun tentent de travailler sur une réforme de la Marine mais se heurtent à l’opposition farouche des officiers généraux de la Royale qu’ils ont face à eux. En particulier, ils essaient de participer à la définition d’une nouvelle flotte tenant compte des capacités financières limitées du pays93. Depuis 1871, la commission du budget affirme sa prééminence sur les questions navales au Parlement. Une baisse drastique des crédits de la Royale est réclamée par cette commission par l’intermédiaire de ses rapporteurs sur le budget de la Marine, l’armateur havrais Daniel Ancel et le journaliste de l’Aude Lambert de Sainte-Croix. Les rapports de ces parlementaires pour les budgets 1872, 1873 et 1874 réclament davantage de réductions que ce que propose le ministre-amiral Pothuau. Celui-ci présente pourtant un budget de 124,5 millions de francs hors colonies, soit 46,6 millions de francs de réductions par rapport au budget voté primitivement pour l’exercice 1871.

    45À partir de 1873, le gouvernement de l’Ordre moral constitué par le duc de Broglie et le nouveau président de la République, le maréchal de Mac Mahon, déplace la majorité parlementaire vers la droite. Les officiers généraux de la Marine, conservateurs pour la plupart, sont donc mieux insérés dans le jeu parlementaire. Dès 1874, le monde militaire apparaît donc en commission du budget et s’impose rapidement dans les sous-commissions qui s’intéressent à la Marine. Comment expliquer cette entrée en nombre ? En plus des évolutions politiques de l’Assemblée nationale, nous ne pouvons que relever la coïncidence avec la fin des travaux de la commission de réorganisation de l’armée. Ceux-ci ont abouti au vote de la loi du 24 juillet 1873 sur l’organisation de l’armée. Sa composante chargée de réorganiser la Marine est enterrée depuis le 12 novembre 1873. Dès lors « libérés », les officiers militaires parlementaires peuvent souhaiter intégrer une commission du budget qui affirme son pouvoir. De même, certains marins réussissent à intégrer une commission capitale pour l’avenir d’une flotte qui dépend de ses choix financiers. On retrouve dans la commission du budget en 1874, quelques mois après la mort de la sous-commission de la Marine, son ancien président le contre-amiral Montaignac de Chauvance qui intègre la sous-commission « Guerre et Marine ». On y retrouve également la même année le vice-amiral La Roncière Le Noury qui est élu rapporteur du budget de la Marine. L’année suivante, c’est le vice-amiral Pothuau, ancien ministre de la Marine entre 1871 et 1873, qui en devient le rapporteur.

    46À partir de 1874 et de l’examen du budget de 1875, la commission du budget change d’orientation sous l’influence des marins. Les rapports de La Roncière et Pothuau sur les budgets 1875 et 1876 offrent à la Marine l’occasion de faire part de son mécontentement. En effet, les crédits votés pour 1874 se révèlent rapidement insuffisants pour la mise en œuvre du programme naval adopté et présenté au Parlement en 1872. Pour autant, les crédits proposés par le ministère de la Marine pour 1875 et 1876 paraissent encore trop faibles aux nouveaux rapporteurs des budgets de la Marine. Ainsi, La Roncière prévient rapidement : « Le budget présenté ne permet pas l’exécution du programme de 1872. […] Ce programme, non seulement nous ne pouvons pas l’exécuter, mais nous nous en éloignons chaque année94. » L’année suivante, Pothuau aboutit aux mêmes conclusions95. Cette défense du programme de 1872 est doublée d’une volonté d’augmenter les armements. Le rapport de La Roncière sur le budget de 1875 défend en effet une hausse sans donner de chiffres précis, les laissant à l’appréciation du ministre dans le cadre des crédits accordés – ce qui lui laisse malgré tout peu de marges96. Il défend de la même manière l’extension du nombre de stations navales d’outre-mer. Le rapport Pothuau sur le budget de 1876 va dans le même sens97. Il incite le ministre à augmenter le nombre d’armements pour renforcer certaines stations, « en particulier au Levant ».

    47Après leur victoire aux législatives de mars 1876, les républicains valident sans réelle conviction, le budget préparé par le ministre-amiral Montaignac de Chauvance et qui augmente fortement la dotation du matériel de la Marine. Ils le reconduisent les années suivantes sans réel débat, se contentant de valider les rapports proposés par le bonapartiste Raoul Duval en 1876 puis par le républicain modéré Paul Bethmont en 1877. Au centre gauche, les libéraux multiplient les critiques contre les dépenses de la rue Royale sans évoquer d’autres pistes que les nécessaires économies. Les libéraux ne semblent pas développer de doctrine navale particulière entre 1871 et 1878. Ils se contentent de demander à la Marine de réduire ses coûts afin de pouvoir présenter un budget en équilibre dans lequel la flotte n’est pas une priorité. La surreprésentation des hommes d’affaires dans ce groupe parlementaire a été mise en évidence par Jean Garrigues. Cela peut expliquer l’orthodoxie budgétaire dont ces parlementaires font preuve et le souhait de certains d’entre eux de voir la part de l’État dans la construction navale se réduire au profit de l’industrie privée. Adolphe Cochery s’offusque ainsi d’apprendre que le matériel de la Marine connaît un déficit de 17 millions qu’il attribue non pas à un manque de crédits mais à une mauvaise gestion de ceux-ci98.

    48Le centre droit reprend les mêmes griefs libéraux à l’encontre de la Marine. Le rapporteur des budgets 1871 rectifié, 1872 et 1873, Daniel Ancel est un armateur du Havre. Concernant le matériel de la Marine, il insiste pour que ce matériel soit réduit, qu’il soit principalement approvisionné par les vieilles matières et que les effectifs ouvriers soient considérablement réduits99. Ancel est soutenu par la plupart des élus du centre-droit, comme le duc Decazes ou le négociant bordelais Nathaniel Johnston par exemple100. Enfin, les conservateurs n’ont pas, comme les républicains modérés, d’attitude prédéfinie face à la Marine.

    49Les élus conservateurs qui s’expriment sur les moyens matériels donnés à la Marine n’expriment pas l’opinion d’un groupe politique mais celui de groupes d’intérêts particuliers. Les officiers généraux La Roncière Le Noury, Montaignac de Chauvance ou Dompierre d’Hornoy défendent le redressement de la Royale. Au Sénat, le rapporteur du budget de la Marine Vandier, ancien lieutenant de vaisseau, s’inquiète en 1876 des réductions : « Les restrictions si drastiques demandées à la Marine à l’issue de la guerre […] mettent en danger de compromission la puissance navale si l’on poursuit sur cette voie101. » De même Amédée Langlois, l’année suivante à la Chambre, soutient le ministre de la Marine Gicquel des Touches pour le vote de seize millions de francs sur le compte de liquidation pour la mise en défense des ports, tant en commission qu’en séance plénière, contre Farcy102. Ce même Langlois soutient le ministre Jauréguiberry dans l’exécution du programme naval de 1879103. Le finistérien François Monjaret de Kerjégu défend les intérêts de sa ville de Brest en défendant les systèmes d’approvisionnement des arsenaux.

    50Finalement, seuls les radicaux et les libéraux développent une idée de ce que doit être le budget de la Marine. Les républicains et les conservateurs – plus nombreux – se laissent guider par les intérêts professionnels ou locaux, défendus au Parlement. Les radicaux ont fait leur les théories stratégiques nouvelles professées par Richild Grivel puis Théophile Aube. Les libéraux développent l’idée que la flotte pourrait être mieux armée en gérant mieux les crédits que le Parlement lui vote. Un homme va réellement faire la synthèse de ces deux éléments de pensée : Étienne Lamy.

    51En 1876, il manque encore un élément pour permettre de synthétiser les critiques contre la Marine et d’y faire adhérer les républicains modérés : la confrontation de ces républicains à la réalité de la gestion de la Marine. Lorsque les républicains obtiennent la majorité à la Chambre des députés en mars 1876, le projet de loi pour le budget de 1877 vient d’être déposé. À l’occasion de sa préparation, le ministre-amiral Montaignac obtient de la part du ministre des Finances, Léon Say, et face au ministre de la Guerre, 15 millions de francs supplémentaires par rapport à l’année précédente pour la dotation du matériel naval. Celle-ci passe de 56 millions à 71 millions de francs. Les républicains modérés, nous l’avons vu, dominent la nouvelle commission du budget et la sous-commission de l’Armée et de la Marine. Toutefois, le rapporteur en est le bonapartiste Raoul Duval. Cette commission adopte l’ensemble des crédits réclamés par la rue Royale. Les républicains, discrets sur les questions navales depuis 1871, commencent alors à se préoccuper de la force navale de la France. En particulier, alors qu’ils votent les sommes nécessaires à la réalisation du programme de 1872 et réclamées par la Marine depuis 1873, ils débattent de l’opportunité de poursuivre ce programme ou non. Guyot, médecin élu du Rhône et inscrit à l’Union républicaine, se prononce ainsi contre la poursuite du programme. À son sens, la Marine doit détenir moins de navires puisqu’ils sont maintenant plus puissants104. Au contraire, le négociant parisien Tirard, inscrit à la Gauche républicaine, s’oppose à toute remise en cause du programme105.

    52C’est en février 1877 que les républicains modérés semblent découvrir les mauvaises habitudes de la Marine. Alors que les libéraux du Centre-gauche et du Centre-droit sont habitués à ferrailler avec les ministres de la Marine en commission, le président Gambetta et ses amis opportunistes semblent découvrir les 1er et 7 février le fonctionnement de la Marine, fonctionnement auquel ils ne s’étaient pas intéressés jusqu’à présent. Le ministère de la Marine réclamant de porter 16,6 millions de francs de crédits supplémentaires sur le compte de liquidation, le ministre des Finances Léon Say qui a validé l’opération, puis le vice-amiral Roussin, sous-secrétaire d’État doivent s’expliquer successivement devant la commission. Les républicains admettent la nécessité de reconstituer la force navale et confirment donc leur attitude de l’année précédente. Le député de Rochefort Paul Bethmont reconnaît les arguments développés par la Marine : les pertes dues à la guerre de 1870 doivent être remplacées ; les réductions du budget naval ont été trop importantes en 1871 et 1872 ; la France doit pouvoir faire face au développement naval de l’Allemagne. Gambetta admet quant à lui que, contrairement à ce que souhaitent les libéraux qui veulent voir la Marine améliorer la gestion de ses crédits, on ne peut « séparer l’entretien et la reconstitution. La puissance navale est une et tout se lie ». Le varois Ernest Dréo accuse l’Empire et sa marine « en trompe-l’œil » d’être responsable de l’état actuel d’une flotte française dépassée par les évolutions techniques. Pour autant, le chèque en blanc réclamé par la Marine est refusé : celle-ci réclame en effet l’assurance d’une dotation annuelle en matériel identique pour les dix années suivantes. Les explications du vice-amiral Roussin sur les calculs effectués par l’administration de la Marine pour quantifier ses besoins n’ont convaincu personne quant à leur honnêteté car ce dernier n’est capable que de dire : « la Marine est très chère ; elle est plus chère que jamais ». À ses yeux, le compte de liquidation présente l’avantage d’autoriser plus facilement des reports de crédits d’une année à l’autre106. Face à cette attitude, les républicains sont mûrs pour adhérer aux idées de réforme des libéraux et des radicaux. Un homme va en établir la synthèse : Étienne Lamy.

    Le rapport Lamy et son impact au Parlement (1878-1879)

    53Étienne Marie Victor Lamy naît à Cize, dans l’Ain, le 2 juin 1845107. Il est secrétaire de la conférence des avocats à Paris et lauréat du prix Paillet pendant sa jeunesse, ce qui illustre ses capacités d’éloquence108. En février 1871, il est élu représentant du Jura à l’Assemblée à l’âge de 25 ans. Il s’inscrit à la Gauche républicaine de Jules Ferry et devient secrétaire de l’Assemblée. En février 1876 puis en octobre 1877, il est réélu deux fois député du Jura par l’arrondissement de Saint-Claude. Mais pour des raisons religieuses, Lamy se sépare alors de ses collègues de la Gauche républicaine et rejoint le Centre gauche.

    54Étienne Lamy ne se mêle à aucun moment des affaires navales avant 1877. Cette année-là, il intègre la commission du budget pour la première fois et participe aux travaux de la sous-commission de la Guerre, de la Marine et des Affaires étrangères au sein de laquelle le rapport sur la Marine est attribué au Rochefortais Bethmont. La proximité de sa circonscription d’élection avec la frontière allemande peut expliquer son choix. Sa participation à cette sous-commission l’amène à développer ses premières réflexions sur la Marine. Au vu de la composition de la sous-commission Guerre, Marine et Affaires étrangères, nous pouvons raisonnablement penser que Lamy se forge son opinion d’une façon relativement indépendante. Il découvre ainsi les affaires navales au Parlement entouré par de nombreux avocats inscrits à la Gauche républicaine et/ou à l’Union républicaine, peu intéressés par la Marine à l’exception de Gambetta : Paul Devès de Béziers, Ernest Dréo de Brignoles, dans le Var, Léon Gambetta et Eugène Spuller, tous deux élus de Paris, Cyprien Girerd de Nevers, le Rennais Félix Martin-Feuillée. Inscrits dans les mêmes groupes, le médecin réunionnais François de Mahy, l’ancien officier de marine Amédée Langlois et l’avocat de Rochefort Paul Bethmont présentent un profil légèrement différent et un intérêt plus grand pour la Marine. Mais Mahy et Bethmont se montrent opposés aux critiques de Lamy, qu’ils trouvent trop virulentes. Cela nous laisse penser qu’ils n’ont pas participé à l’éducation du jeune député du Jura aux affaires navales109. Quant à Langlois, ses interventions en commission du budget nous laissent penser qu’il n’est guère favorable à d’importantes réformes110. Cette hypothèse est confirmée a posteriori par son opposition aux critiques de Lamy contre la Marine111.

    55La position que Lamy défend sur la question de la Marine en commission du budget le 7 février 1877 apparaît donc comme une position définie personnellement. Mais le travail du Jurassien ne laisse insensible aucun de ses collègues :

    « Je crois que la Marine est dans un état encore plus mauvais que ne l’a décrit le ministre. Nous sommes dans un état d’infériorité absolue et non parce que les crédits sont insuffisants mais parce qu’ils sont mal employés. Deux choses nous frappent. D’abord que tous les services sont dotés avec un luxe extraordinaire mais qu’il y a un grand nombre de services parasites très dotés [qui] dépensent beaucoup et produisent peu. En second lieu, la Marine ne compte pas. Le remède n’est pas dans une augmentation de dotation. La marine anglaise dépense moins dans le matériel que la marine française. La marine allemande qui a peu de types et des types de premier ordre n’a qu’un budget de 30 millions. La Marine n’emploie pas les sommes comme il faudrait. […] Il faut donner à nos dépenses de Marine une section plus industrielle et plus économique. Une partie des crédits est détournée en faveur des services qui ne produisent pas de forces navales : les comptables, les garde-magasins, les commis du commissariat. Dans l’amirauté anglaise, le nombre en a été très réduit. Chez nous, les gardiens de navires, depuis 25 ans, ne font qu’augmenter. Au lieu de créer de la force, on crée des services parasites. Vous n’avez une flotte, nous disent les Anglais, que pour justifier les dépenses que vous faites dans les arsenaux. L’observation de M. Bethmont sur les types est juste mais il y autre chose à considérer. Combien de temps le navire reste-t-il en chantier ? La puissance navale est celle qui construit le plus vite. Nous, nous construisons en huit ans, en dix ans. Nos navires sont démodés avant d’être lancés à l’eau. Nous soutenons une famille maritime bien plus que nous créons de la force112. »

    56Quelques mois plus tard, Lamy complète sa réflexion en l’intégrant dans les enjeux diplomatiques : pour lui, la France doit trouver le moyen d’augmenter sa force navale sans effrayer l’Allemagne ou l’Italie113.

    57L’année suivante, Lamy est réélu à la commission du budget. Il choisit encore une fois de participer à la sous-commission de la Guerre, de la Marine et des Affaires étrangères114. Lamy obtient le rapport du budget de la Marine. Nous pouvons émettre l’hypothèse qu’il obtient la fonction à la suite de ses interventions au sein de la commission de l’exercice 1878. Gambetta, Martin-Feuillée et Spuller faisant encore partie de la sous-commission « Guerre et Marine », le ralliement des nouveaux venus dans la sous-commission Eugène Farcy, féroce détracteur de la Marine, Choiseul-Praslin, seul collègue de Lamy du Centre-gauche dans la sous-commission et Berlet lui permettent probablement d’emporter la fonction de rapporteur face à Langlois et Bethmont.

    58Le rapport sur le budget de la Marine de l’exercice 1879 rédigé par Étienne Lamy développe de nombreux griefs à l’encontre de la rue Royale. Mais il développe également une longue critique du programme de 1872 et de son échec : « Pour réaliser ce programme [de 1872], il semblait que la Marine eût seulement à se tailler dans sa richesse une flotte réduite. Cette richesse avait été estimée trop haut. La somme de 450 millions [à laquelle était estimée la flotte en 1870] représentait la somme que les bâtiments avaient coûtée, mais non leur valeur115. » Pour Lamy, le résultat de cette erreur initiale est un déficit de 318 millions de francs constaté dès 1873 dans la valeur de la flotte. La Marine a donc réclamé des secours extraordinaires pour reconstituer son matériel, secours qu’elle reçoit depuis 1875. Lamy établit qu’en 1878, le déficit est plus grand que celui reconnu par l’administration de la Marine. Pour aboutir à cette conclusion, il compare le programme de 1872, la liste de la flotte actuelle et l’état des constructions commencées ou prévues. Alors que l’échec est patent, la rue Royale continue de réclamer des crédits. Lamy accuse donc le personnel de la Marine de défendre la dotation en matériel uniquement pour défendre sa situation. Il développe son propos, comparant la situation française à celle de ses voisins européens :

    « Il n’est pas fait du matériel l’emploi le plus utile. […] Le matériel est sacrifié à un développement excessif du personnel. […] La plupart des nations maritimes ne consacrent pas aux constructions, à l’outillage et au service général des ports et arsenaux plus du sixième de leurs crédits de matériel. […] Bien que réduite, la dotation employée aux constructions neuves monte de 26 à 30 millions. Avec une somme moindre, trois nations en Europe fondent des nations puissantes ; avec cette somme la France pourrait maintenir son rang. Mais loin que cette somme soit employée de manière à donner les résultats les plus utiles, les méthodes de travail adoptées enlèvent à ce travail une partie de son efficacité116. »

    59Le rapporteur du budget développe ses préconisations pour sortir la flotte de cette situation :

    « Pour créer peu de bâtiments à la fois, des centres de constructions peu nombreux suffisent : pour créer ces bâtiments avec rapidité, il faut réunir dans les centres de construction des moyens puissants. Les nations nées récemment à la vie maritime ont concentré leurs efforts dans deux arsenaux, trois au plus. Celles qui depuis longtemps construisent des flottes, comme l’Angleterre, et avaient des chantiers dispersés, en ont restreint le nombre et augmenté la puissance117. »

    60Lamy suggère également la spécialisation des ports en ports de construction et ports d’armements et réparations. Il critique de même la multiplication des constructions simultanées qui allongent les temps de construction.

    61Sur le plan stratégique, Lamy reprend les idées défendues par Farcy et par le futur contre-amiral Aube et s’appuie sur le développement de la marine italienne et sur les expériences de la guerre russo-turque118. Il défend ainsi la torpille automobile, le décuirassement et la dissuasion corsaire :

    « Est-il téméraire d’affirmer que cet engin nouveau […] peut devenir un jour plus dangereux que l’éperon, plus sûr et plus terrible dans ses effets que le canon et doit faire réfléchir le ministre sur l’opportunité qu’il y aurait à modifier le programme de 1872. […] La construction des bâtiments de combat est si coûteuse, leur efficacité si incertaine que l’entreprise de créer une flotte cuirassée semble lasser sans fruit la persévérance des peuples. En renonçant à la guerre d’escadres, une nation n’abdique pas, si elle sait produire, après avoir assuré la défense de son littoral, des bâtiments pourvus de machines puissantes, armés d’une forte artillerie, capables de tenir longtemps la mer et destinés à la guerre de course119. »

    62Le rapport Lamy défend finalement trois idées stratégiques quant à la composition de la flotte : la France a besoin d’avoir une flotte égale à la somme des deux premières marines continentales européennes ; les gros cuirassés du Second Empire n’étaient qu’une façade de prestige comme la guerre de 1870 en a apporté la preuve ; les garde-côtes cuirassés et les croiseurs sont plus utiles qu’une flotte de haute mer.

    63L’impact du rapport Lamy sur les parlementaires s’observe dès la discussion du budget de la Marine à la fin de novembre 1878120. Le ministre-amiral Pothuau ne peut attaquer le rapport de Lamy qu’en l’accusant d’exagérer la situation. Eugène Farcy, applaudit Lamy, même s’il souhaite que les réformes proposées aillent plus loin encore :

    « Pour la première fois, vous voyez un rapporteur examiner le budget de la Marine contradictoirement avec le ministère. Ce rapport a mis en lumière certains vices de notre comptabilité ; il vous a montré qu’il se produisait dans l’administration de la Marine un gaspillage, non seulement de personnel, mais encore de matériel ; il a signalé beaucoup de défauts dans notre comptabilité. C’est un véritable honneur pour M. Lamy d’avoir mis ces faits en lumière, et comme nul n’est prophète en son pays, pas plus dans la Marine qu’ailleurs, et que comme marin je n’aurais peut-être pas été aussi écouté, je suis très heureux pour ma part de voir un homme étranger à la Marine, qu’on ne pourra pas accuser d’avoir cédé à l’esprit de parti, rendre à la Marine le service de lui dire la vérité. »

    64Seul Paul Bethmont s’oppose aux critiques et aux réformes suggérées par Lamy : l’idée de s’appuyer davantage sur l’industrie privée au détriment des arsenaux de l’État est contredite par le député du port militaire de Rochefort. Finalement, la Chambre adopte les crédits proposés par Étienne Lamy. Ceux-ci réduisent le budget de la Marine de 4,5 millions de francs pris principalement sur les approvisionnements des constructions navales : le budget voté par la Chambre et confirmé par le Sénat s’établit ainsi à 161 millions de francs.

    65L’impact du rapport Lamy au Parlement aboutit également à la nomination d’une commission mixte de la Marine. Lors de la discussion du budget, Eugène Farcy réclame une commission d’enquête. Mais le fin politique qu’est le vice-amiral Pothuau a déjà pris les devants en nommant une commission mixte de la Marine accueillant des parlementaires et s’occupant de la question du nombre des arsenaux et des établissements hors des ports121. Cette commission lui permet de désamorcer toute commission d’enquête parlementaire sur la Marine. Présidée officiellement par le ministre concerné, elle l’est dans les faits par son vice-président le vice-amiral Gueydon. Après avoir établi les grandes lignes de son travail, cette commission nomme cinq délégués chargés d’aller étudier dans les arsenaux et usines de la Marine le fonctionnement général des services et la manière dont chacun des établissements est conduit122. Ces travaux aboutissent à quatre grands principes généraux établis au début de 1881 : les arsenaux doivent être subdivisés en trois départements (flotte, constructions et approvisionnements) ; les cinq ports doivent être gardés ; la défense des côtes doit appartenir à la Marine et non au département de la guerre ; un système rationnel de comptabilité doit être adopté123. Pour Ropp, cette commission échoue à rendre son rapport par manque de temps : les élections de 1881 défont une partie des députés membres de cette commission qui disparaît alors sans être officiellement dissoute et surtout sans rendre aucun rapport124. Si le rapport Lamy n’influence pas la politique navale du pays, il prépare les esprits parlementaires aux théories de la Jeune École qui se développent quelques années plus tard : en réclamant de profondes réformes et économies de la part de la Marine, le rapport incite les théoriciens de la Jeune École à intégrer le paradigme financier à leur réflexion stratégique.

    L’influence de la Jeune École au Parlement (1879-1889)

    Défense et critiques de la Jeune École au Parlement

    66À la suite du rapport Lamy sur la Marine présenté à la Chambre des députés en 1878, certains parlementaires s’intéressent aux idées développées par le contre-amiral Aube et ses adeptes dorénavant qualifiés de Jeune École. La commission du budget est régulièrement un lieu où ces idées trouvent un écho. En mai 1880, les républicains opportunistes Eugène Blandin, Amédée Le Faure, Jules Logerotte et René Goblet réclament que la Marine donne davantage d’importance aux torpilleurs et à la défense des côtes, s’appuyant sur les exemples de la guerre russo-turque de 1877-1878125. Face à eux, le Varois Ernest Dréo, rapporteur du budget de la Marine, et l’ancien officier de marine Amédée Langlois défendent le cuirassé126. Langlois admet cependant la nécessité d’un débat public un an plus tard127.

    67Les idées du contre-amiral Aube prennent une nouvelle dimension à partir de 1882, année de parution de son ouvrage majeur La Guerre maritime et les ports militaires de la France. Dès juin 1882, le président de la commission du budget Daniel Wilson propose l’interdiction de construire de nouveaux cuirassés pour un temps128. Le ministre de la Marine, le vice-amiral Jauréguiberry, réussit cependant à convaincre la commission de la nécessité de ne pas se laisser distancer par les autres puissances navales européennes tant que celles-ci continuent de construire des cuirassés. Cet argument est validé par la commission et repris par son rapporteur, le Lorientais Édouard Mathieu : ce dernier se montre favorable à une flotte équilibrée qui suit les évolutions techniques afin de ne pas se laisser distancer129. Pour autant, les idées de la Jeune École ne disparaissent pas du Parlement. Le Marseillais Félix Granet prend la parole en séance plénière pour exprimer son attachement « aux nouvelles idées qui voient les croiseurs et les torpilles surpasser les coûteux cuirassés130 ».

    68Les commissions du budget suivantes vont se choisir comme rapporteurs de la Marine des défenseurs des idées de la Jeune École. En 1883, la commission pour l’exercice 1884 nomme Amédée de La Porte. Celui-ci propose à la commission de réclamer au ministère une inflexion de ses choix de constructions vers les torpilleurs :

    « Au moment où la torpille menace de nous forcer ainsi à remanier à grands frais les dispositions défensives de nos arsenaux, ne conviendrait-il pas d’examiner s’il serait possible, sans compromettre en rien la défense du pays, de trouver pour le budget une compensation dans la construction très économique d’un plus grand nombre de torpilleurs qui prendraient utilement la place de bâtiments plus coûteux131. »

    69La Porte défend encore cette position en décembre 1884 devant la Chambre des députés : celle-ci débat alors d’un budget de la Marine rapporté par Ménard-Dorian, défenseur intéressé des cuirassés132. En effet, ce dernier dirige les usines métallurgiques d’Unieux, près de Saint-Étienne, qui fournissent d’importantes quantités d’acier nécessaires à la construction de ces cuirassés. Mais le rapporteur du budget n’obtient pas pour autant la confiance de la Chambre : le débat se déplace pour la première fois au Sénat où Édouard Barbey, rapporteur du budget de la Marine et ancien lieutenant de vaisseau, s’inquiète des vœux émis par la Chambre133. En 1885, le choix du Guadeloupéen Gerville-Réache comme rapporteur du budget de la Marine par la commission du budget offre à la Jeune École un relais convaincu de ses théories au Parlement. L’intérêt porté par Gerville-Réache est probablement alimenté par des considérations électorales : Aube et ses disciples défendent en effet l’idée d’installer des bases corsaires dans les lointaines colonies134. Cela garantirait dès lors la présence pérenne d’unités navales. Gerville-Réache se montre donc un défenseur acharné du torpilleur en commission :

    « Le département de la Marine ne ferait pas d’efforts suffisants dans le sens du progrès. C’est ainsi qu’on met encore en chantier des cuirassés de 1er rang qui coûtent le prix énorme de 24 et 25 millions et qu’on néglige beaucoup trop les constructions des torpilleurs alors qu’un seul de ces engins suffit pour détruire le plus gros navire135. »

    70Pour le rapporteur, ce refus des torpilleurs s’explique par les opinions des chefs de service de la Marine, résolument partisans des grands cuirassés. Sous l’influence de Gerville-Réache, la commission est prête à supprimer les crédits nécessaires à la construction du cuirassé Charles Martel, construction tout juste commencée. Mais le ministre-amiral Galiber parvient à convaincre la commission de revenir sur sa décision. Pour cela, il use du même argument que Jauréguiberry quelque temps plus tôt : la nécessité de ne pas se laisser distancer en termes de cuirassés par les autres puissances navales dans un contexte d’incertitudes technologiques. Il reconnaît cependant la nécessité d’avoir de nombreux torpilleurs en métropole136. Gerville-Réache parvient tout de même à faire adopter par ses collègues de la commission l’idée d’un nécessaire contrôle des constructions navales par le Parlement. Dans son rapport, il cite les travaux du commandant Gougeard et de Gabriel Charmes pour justifier son refus de toute nouvelle construction de cuirassés sans l’accord de la Chambre et pour encourager la Marine à se doter de croiseurs et de torpilleurs :

    « Tout en laissant au département de la Marine la responsabilité qu’il prend de persister dans la construction des cuirassés, votre commission lui recommande cependant de développer le plus possible le nombre de nos croiseurs rapides et de nos torpilleurs. Nous demandons qu’aucune dépense nouvelle pour cuirassé ne soit engagée à l’avenir sans que la Chambre en soit expressément saisie137. »

    71Les idées de la Jeune École trouvent donc un certain écho à la Chambre mais à l’occasion de son arrivée au pouvoir, le contre-amiral Aube promoteur du torpilleur perd le soutien de nombreux parlementaires. Lorsqu’il arrive à la rue Royale en janvier 1886, le père de la Jeune École représente un espoir pour de nombreux parlementaires : que la Marine réussisse enfin à se réformer et que, par l’application des idées de Aube, elle devienne à la fois plus efficace et moins coûteuse. Afin d’expérimenter ses théories, Aube organise de grandes manœuvres en Méditerranée dès le printemps 1886. Quatre scenarii organisent l’opposition de 22 torpilleurs à l’escadre d’évolutions le 13 mai, le 18 mai, du 2 au 4 juin et du 9 au 12 juin138. Mais dès le 2 juin, Ménard-Dorian – qui a retrouvé la fonction de rapporteur du budget de la Marine – expose à la commission du budget ses conclusions quant à ces manœuvres auxquelles il a assisté : « il paraît à peu près démontré que si le torpilleur est redoutable, il y aurait, pour le moment, imprudence à confier la défense navale du pays à une flotte toute composée de torpilleurs […] on doit continuer à faire des cuirassés mais en les construisant d’une façon plus rapide139 ». Pour Ménard-Dorian, même avec l’évolution du torpilleur qui le rendrait supérieur au cuirassé, « le torpilleur nécessite une rechange fréquente d’hommes », ce qui en fait un élément d’infériorité par rapport au cuirassé qu’on ne pourra pas éliminer. Ménard-Dorian se montre donc favorable à une combinaison entre le torpilleur et le cuirassé : « L’emploi le plus utile du torpilleur serait de le combiner avec le cuirassé. Comme acteur moral, le cuirassé est indispensable. Il représente une force permanente de plus. De plus, l’escadre est un lieu d’instruction pour les hommes. » Dès lors, le radical Ménard-Dorian va bénéficier du soutien de l’immense majorité d’une commission dominée par les républicains opportunistes pour freiner les velléités de réformes de Aube. La situation dépasse le clivage politique entre opportunistes et radicaux car Aube conserve le soutien resté intact de l’opportuniste Gerville-Réache qui craint le départ d’un « ministre très résolument réformateur » si la commission du budget ne réalise pas ce qu’il demande140. Menée par Ménard-Dorian, la commission du budget devient un pôle de résistance à la politique menée par Aube et à son programme de constructions navales de 140 millions de francs. Ainsi, en novembre 1886, ce programme est sévèrement critiqué au sein de la commission du budget qui doit l’étudier : Ménard-Dorian suggère de ne construire que trois croiseurs rapides sur les huit demandés ; Ernest Lefèvre qualifie la flotte défendue par Aube de « flotte de petits bâtiments », inadaptée à l’avenir. Seul Gerville-Réache défend ce programme141. La commission acquise en majorité à Ménard-Dorian adopte sans difficulté les conclusions de son rapporteur :

    « Il est évident qu’il ne faut pas construire au hasard, sans plan préconçu, sous peine d’avoir bientôt une Marine incohérente, image trop fidèle des idées exclusives qui peuvent tour à tour prévaloir, grâce à la mobilité de la fonction ministérielle. Là plus qu’en toute autre matière, il faut de la suite, de la continuité, un certain art des transitions, de manière à ne jamais se trouver, si la guerre survient, dans la désorganisation d’une période où l’on a condamné ce qui existe sans avoir encore créé ce qui doit exister, dans le néant, entre hier et demain. Que de hardis publicistes aient tenté d’entraîner l’opinion vers des thèses absolues, proposant de mettre au rebut tout le matériel naval existant, de renoncer aux constructions en cours et de consacrer toutes nos ressources à la multiplication du “microbe”, vainqueur infaillible des colosses cuirassés : somme toute, leurs écrits ont secoué l’indifférence publique, les choses de la Marine passionnent maintenant en France comme elles ont toujours passionné en Angleterre. […] Mais la commission du budget n’a pas à prendre parti pour telle ou telle thèse142. »

    72Cette dernière phrase est d’ailleurs en totale contradiction avec le rapport de la commission du budget précédente, rédigé par Gerville-Réache et réclamant à cor et à cri la construction de torpilleurs. Mais l’opposition aux torpilleurs de Ménard-Dorian est-elle purement de l’ordre de l’intérêt national alors qu’il fournit lui-même d’importantes quantités d’acier nécessaires à la construction des imposants cuirassés ?

    73Devant l’opposition de la commission du budget, Aube délocalise le débat à la commission des finances du Sénat pour consolider politiquement son programme adopté malgré tout à la Chambre. En janvier 1887, il défend son projet de constructions navales au Sénat143. Devant Édouard Barbey, rapporteur du budget peu enclin à partager les idées de Aube, ce dernier s’appuie sur les conclusions des manœuvres méditerranéennes du printemps précédent, observées « non pas par des journalistes plus ou moins de parti pris, plus ou moins compétents, mais par les amiraux qui en avaient dressé le programme » : il s’appuie donc sur le Conseil d’amirauté. Contrairement à Ménard-Dorian, Aube y voit la preuve de l’importance des torpilleurs qui, certes, ne peuvent pas tout faire, mais doivent accompagner les escadres. Quant à Barbey, il reste attaché aux cuirassés : Aube lui répond que « son opinion est bien connue à cet égard ; il croit qu’on est entré dans une mauvaise voie en construisant de grands cuirassés ». Malgré cette opposition du rapporteur du budget de la Marine au Sénat, Aube obtient le vote des 140 millions de francs nécessaires à son programme de constructions navales, sans que la droite conservatrice de la haute assemblée ne s’y oppose. Le catholicisme du ministre144 peut-il expliquer ce mutisme alors que l’opposition du rapporteur Barbey offre un angle d’attaque aux sénateurs opposés à la Jeune École ? Nous ne pouvons ici qu’émettre l’hypothèse.

    74Le départ de Aube en mai 1887 laisse toute latitude à ses détracteurs au Parlement pour exprimer leur rejet des idées de la Jeune École. Cela leur est d’autant plus facile que Aube laisse derrière lui de nombreuses dettes à la Marine145. Le rapport Ménard-Dorian pour le budget de la Marine de l’exercice 1888 critique ainsi vivement les coûteux ratés du ministre de la Jeune École146. La droite conservatrice se réveille de son mutisme des années Aube pour dénoncer également la politique navale de 1886-1887. Le vice-amiral Dompierre d’Hornoy s’exprime ainsi devant la Chambre, en février 1888 :

    « Un ministre, qui est resté longtemps à ces bancs, avait cru remédier à cet inconvénient des grandes dépenses nécessitées par les vaisseaux cuirassés, en rêvant pour ainsi dire que les torpilleurs allaient remplacer tout le système maritime. C’eût été à souhaiter, car ces torpilleurs ne coûtaient que 300 000 fr., et s’ils avaient pu détruire des vaisseaux cuirassés, c’eût été un beau rêve. Malheureusement, l’expérience est venue et a prouvé que, si ces torpilleurs étaient nécessaires pour la défense du littoral, ils étaient impuissants, grâce à de nouveaux moyens de protection, pour l’attaque en pleine mer. Et comme les flottes sont destinées à opérer en pleine mer, il en est résulté un surcroît de dépenses annuelles ; il a fallu revenir aux vaisseaux cuirassés abrités contre l’attaque de la torpille par des filets d’acier, qui coûtent fort cher et protéger en outre la flotte par des éclaireurs à grande vitesse, par des croiseurs ; car on a reconnu qu’une escadre cuirassée n’avait de valeur qu’à la condition d’être entourée d’un grand nombre de ces petits bâtiments. Résultat final : le rêve de l’amiral Aube a ajouté de nouvelles dépenses à la Marine147. »

    75Cette attaque contre la Jeune École révèle en fait des positions de plus en plus hétérogènes des marins parlementaires sur la stratégie navale et les types de navires à adopter. En novembre 1887, Douville-Maillefeu, ancien enseigne de vaisseau défend l’idée de réduire la Marine en temps de paix et de la concentrer dans le nord, le pays n’étant « menacé par personne » en Méditerranée148. En décembre 1891, c’est le contre-amiral Vallon qui fait part à la Chambre de ses opinions stratégiques. Il se dit proche des idées de la Jeune École et favorable au torpilleur et aux canons à tir rapide149. Au Sénat, des marins jusque-là discrets, s’affichent pour défendre leur opinion d’experts sur la mise en défense de certains ports. En juin 1889, les vice-amiraux Peyron et Véron s’opposent à une partie des travaux d’amélioration du port de Cherbourg, travaux qu’ils veulent voir terminer rapidement. Ils considèrent que ne laisser une passe que de 400 ou 500 mètres pour entrer et sortir du port peut être dangereux pour les navires français en cas de tempête ou d’attaque d’une escadre anglaise150. Les deux vice-amiraux se prononcent également sur la nécessité d’augmenter les moyens de la flotte et se montrent heureux du vote par la Chambre en novembre 1889 de 58 millions de francs supplémentaires pour cela151. Gerville-Réache lui-même revient sur son attachement aux idées de la Jeune École en deux temps. Tout d’abord, en 1888, il exprime dans son rapport sur le budget 1889 son idée d’un Two Power Standard à la française : « La marine française devrait avoir pour objectif d’être égale en forces numériques aux deux principales marines de l’Europe continentale de même que l’Angleterre a pour règle d’avoir une marine numériquement plus forte que deux marines quelconques du continent152. » Cela revient à reconnaître implicitement l’importance d’avoir des cuirassés tant que les nations ennemies en possèdent également. Ensuite, au cours du rapport suivant qu’il rédige sur le budget de la Marine, Gerville-Réache démontre l’échec des modèles de torpilleurs développés jusqu’alors par la France

    Les intérêts propres de l’industrie privée

    76Ménard-Dorian s’affirme tout au long des années 1880 comme un défenseur assumé des intérêts de l’industrie privée. Rapporteur du budget de la Marine en 1884, 1886 et 1887, directeur de l’usine métallurgiste d’Unieux, il est l’un des principaux fournisseurs de la Marine en acier. En 1884, il s’oppose à la création d’un four à acier à Guérigny demandée par le ministre-amiral Peyron pour protéger les intérêts de son usine d’Unieux153. Quatre ans plus tard, alors qu’il est l’objet d’attaques dans la presse et de la part du bonapartiste Dugué de la Fauconnerie quant aux ventes de projectiles en Angleterre par cette même usine d’Unieux, Ménard-Dorian se défend en mettant en avant la nécessaire existence d’une industrie d’armement française qui ne peut subsister que par des commandes des puissances étrangères en plus de celles de l’État154.

    77À ses côtés, les élus des grands ports français accueillant des industries privées de constructions navales défendent l’idée d’une réduction du nombre des ports militaires et des commandes faites aux arsenaux de l’État. Le Havre accueille les chantiers Normand depuis 1816155. À Nantes, les constructeurs Paul Jollet et Louis Babin-Chevaye créent les Ateliers et chantiers de la Loire en 1881 alors qu’à Saint-Nazaire, la Compagnie générale transatlantique développe les chantiers de Penhoët à partir de l’année suivante. À Bordeaux, les établissements Bichon deviennent en 1882 les Chantiers et ateliers de la Gironde, contrôlés par Schneider, alors qu’en 1879 apparaît la Société Dyle et Bacalan156. Schneider dispose également de chantiers navals à Chalon-sur-Saône qui honorent des commandes de la Marine de navires limités en tonnages157. Enfin, La Seyne accueille les chantiers de la Société des forges et chantiers de la Méditerranée, née en 1853 sous l’impulsion du technicien anglais Philip Taylor158.

    78Les parlementaires de ces villes sont donc parmi les plus fervents partisans de la suppression du port de Rochefort et, dans une moindre mesure, de la spécialisation de celui de Lorient comme port de construction. Cette prise de position obéit à l’espoir de voir les chantiers de construction privés suppléer à la disparition du port militaire de la Charente. En 1886, Paul Ménard-Dorian réclame une fois de plus la spécialisation de Lorient et la suppression de Rochefort dans son rapport sur le budget de la Marine :

    « Tout a été dit sur la lenteur des constructions dans nos arsenaux maritimes. Le remède radical a été bien des fois indiqué, c’est la spécialisation de certains de nos ports qui, débarrassés des armements, deviendraient de véritables chantiers de construction et pourraient fonctionner dans les conditions normales de l’industrie. M. Gerville-Réache, dans une proposition de loi qui nous a été renvoyée, produit à l’appui de la spécialisation du port de Lorient, d’intéressants documents émanés de l’administration de la Marine elle-même. La commission du budget recommande au ministre de conduire à conclusion cette étude depuis longtemps commencée. Nous devons rendre d’ailleurs justice à la direction du matériel : elle tend à alimenter l’arsenal de Lorient presque exclusivement de constructions neuves, comme on va le voir ci-après. […] Lorient applique les 0,60 de ses journées aux constructions neuves159. »

    79Les députés représentants les intérêts de l’industrie privée sont d’ailleurs parmi les plus virulents opposants aux députés des ports. Ménard-Dorian dénonce ainsi la défense des intérêts locaux des ports-arsenaux en 1887 :

    « Par la force même des choses, en effet, des intérêts locaux se sont créés et développés ; ces intérêts ont leurs défenseurs dans l’administration de la Marine, dans le Parlement, et sans s’en rendre compte, espérons-le, on est arrivé peu à peu à considérer que l’existence de l’arsenal était une raison suffisante des travaux que cet arsenal réclamait ou qu’on réclamait pour lui.
    Il semble que les divers ministres de la Marine n’aient pas été jusqu’ici suffisamment fermes contre ces prétentions de l’intérêt local, ni suffisamment préoccupés de la déperdition de forces que cette dispersion excessive et cette duplication des mises en chantier coûte chaque année à la puissance maritime de la France160. »

    80Ménard-Dorian reconnaît d’ailleurs des discussions vives avec « ses collègues des ports » sur le rôle que doit remplir l’industrie privée dans les constructions navales militaires161.

    Les parlementaires défenseurs de la Jeune École : un mouvement républicain principalement opportuniste, terrien, de juristes et d’intellectuels

    81Pour définir une typologie des parlementaires adhérents aux idées de la Jeune École, nous nous appuyons sur les interventions de ceux affirmant leur soutien ou leur attachement aux nouvelles idées stratégiques émises. Les parlementaires défendant les idées de la Jeune École sont tous des républicains. Pour autant, tous les républicains ne soutiennent pas la Jeune École. Les opportunistes favorables aux idées de Aube sont beaucoup plus nombreux que les radicaux : Eugène Blandin, Jules Logerotte, Amédée Le Faure, René Goblet, Amédée de La Porte, Gaston Gerville-Réache ou Paul Deschanel sont inscrits à la Gauche républicaine ou à l’Union républicaine lorsqu’ils défendent les idées de la Jeune École au Parlement dans les années 1880. Au contraire, les plus farouches opposants de la Jeune École se trouvent d’abord à l’extrême gauche. Les rapporteurs des budgets des exercices 1883 – le Lorientais Édouard Mathieu – et des exercices 1885, 1887 et 1888 – le métallurgiste Ménard-Dorian – appartiennent à la gauche radicale. Leur opposition s’explique d’abord par des intérêts électoralistes pour le premier, économiques pour le second. Mais la gauche radicale accueille également des partisans de Aube. Toutefois, ceux-ci, comme Georges Clemenceau, Ernest Lefèvre ou Jacques Salis, sont les premiers à « lâcher » le ministre réformateur à la fin de l’année 1886, lors des discussions sur la demande de 140 millions de francs pour la nouvelle flotte162. La droite conservatrice n’est toutefois pas en reste, malgré une relative discrétion : il faut attendre 1888 pour entendre le vice-amiral Dompierre d’Hornoy expliquer les raisons de son opposition aux idées développées par son collègue Aube163.

    82De la même manière que le caractère opportuniste des partisans de la Jeune École au Parlement n’indique pas une adhésion générale de cette tendance politique à ces idées, les partisans des idées d’Aube se recrutent principalement parmi les députés de l’intérieur sans que ceux-ci n’adhèrent systématiquement aux idées de la Jeune École. Autrement dit, la plupart des députés partisans de la Jeune École sont des élus de l’intérieur sans que tous les élus de l’intérieur soient partisans de la Jeune École : Eugène Blandin est natif de la Côte-d’Or et est élu d’Epernay, dans la Marne. Jules Logerotte est né à Châlons-sur-Saône et est élu dans l’arrondissement de Louhans, dans le même département de la Saône-et-Loire. Amédée Le Faure est né à Paris et élu député dans l’arrondissement d’Aubusson, dans la Creuse. René Goblet est né à Aire, dans le bassin minier du Pas-de-Calais, à une cinquantaine de kilomètres de la mer ; il est élu à Amiens. Amédée de La Porte est élu dans sa ville native de Niort, dans les Deux-Sèvres. Enfin, Paul Deschanel, né à Bruxelles, est élu à Nogent-le-Rotrou dans l’Eure-et-Loir. Seul le Marseillais Félix Granet élu dans sa ville et le Guadeloupéen Gaston Gerville-Réache, ont un lien électoral avec la mer. Parallèlement, la moitié des opposants affichés de la Jeune École au Parlement sont des élus des littoraux. Par exemple, Ernest Dréo est élu à Brignoles, dans le Var. Édouard Mathieu est élu à Lorient. Paul Ménard-Dorian est élu dans l’arrondissement de Lodève, dans l’Hérault.

    83Sur le plan des origines socioprofessionnelles, les soutiens de la Jeune École au Parlement sont uniquement des juristes et des intellectuels : publiciste, haut fonctionnaire, avoués mais surtout avocats. Ainsi, Eugène Blandin est avoué et Amédée Le Faure s’est fait connaître comme publiciste164. Jules Logerotte, René Goblet, Amédée de La Porte et Gerville-Réache sont avocats alors que Félix Granet et Paul Deschanel sont tous les deux issus de la haute fonction publique.

    84Inversement, les opposants à la Jeune École comptent certes des avocats, mais aussi des officiers de marine, un ingénieur et un métallurgiste. Ernest Dréo, Ernest Lefèvre et Jacques Salis sont tous les trois avocats. Georges Clemenceau est médecin puis journaliste avant d’entamer sa carrière politique. À Lorient, le député Édouard Mathieu « se prévaut du titre d’ingénieur165 ». Le rapporteur du budget de la Marine en 1884, 1886 et 1887 Paul Ménard-Dorian est métallurgiste et en cette qualité, fournisseur de la Marine. Enfin deux officiers de marine parlementaires s’opposent à la Jeune École : Amédée Langlois, ancien enseigne de vaisseau et le vice-amiral Dompierre d’Hornoy. Les parlementaires de la France maritime sont donc majoritairement opposés aux idées de la Jeune École. Cette opposition limite l’influence de ce courant de pensée sur la politique navale du pays.

    Les résultats limités de l’influence de la Jeune École au Parlement

    85La Jeune École participe à la pression parlementaire sur les budgets de la Marine en argumentant qu’une autre marine, plus économique, est possible. Mais sur le plan matériel, cette Jeune École ne réussit pas plus que les autres parlementaires à influencer réellement le choix des types de navires construits. Ces choix résultent encore principalement des ministres de la Marine. Les diminutions de crédits adoptées par les commissions du budget sont souvent minimes. Elles obéissent davantage à des réclamations de réformes administratives de la part des parlementaires plutôt qu’à des changements de choix stratégiques. Ainsi en 1880, la commission diminue de 100 000 francs les 400 000 francs prévus pour l’élargissement du bassin no 2 de Lorient : elle le fait pour dénoncer les mauvaises prévisions de l’administration de la Marine et non pour s’opposer à l’élargissement d’un bassin qui pourrait alors accueillir des navires plus gros et donc plus coûteux166.

    86Les parlementaires peuvent poser la question de la torpille et de la cuirasse en commission du budget, celle-ci ne dispose pas du pouvoir politique de s’opposer de front au ministre appuyé par le gouvernement167. Ainsi, en mai 1885, Charles Ferry propose de supprimer les crédits nécessaires à la construction du cuirassé Charles Martel qui débute alors tout juste. Mais à la suite des explications du ministre-amiral Galiber, la commission revient sur sa décision et accorde les crédits demandés168. Cet épisode illustre la difficulté de la commission du budget à affronter le ministre de la Marine sur des enjeux centraux. En mai 1885, c’est le gouvernement d’Henri Brisson que représente le vice-amiral Galiber. Ce cabinet est organisé autour des groupes parlementaires de l’Union républicaine et de la Gauche républicaine qui dominent la commission du budget. Celle-ci ne souhaite donc pas mettre en difficulté le gouvernement, voire l’affronter en séance plénière.

    87Malheureusement pour le contre-amiral Aube, son arrivée à la rue Royale coïncide avec la mise en place d’une commission du budget pour le moins réservée devant les idées de la Jeune École. La commission réunie à partir d’avril 1885 pour l’examen du budget de 1886 se montre favorable à ces idées, à l’image de son rapporteur pour la Marine, Gerville-Réache. Mais en mars 1886, la commission du budget est renouvelée aux trois quarts. La nouvelle commission est composée de membres beaucoup plus réticents aux nouvelles idées et se choisit Ménard-Dorian comme rapporteur du budget de la Marine. Gerville-Réache, réélu au sein de la commission, est en minorité.

    88Dès lors, le député guadeloupéen doit redoubler d’efforts pour défendre les demandes que Aube effectue devant la commission. En octobre 1886 et à la suite des manœuvres du printemps précédent, le ministre-amiral dépose un projet de loi pour obtenir un crédit de 200 millions de francs afin de mettre en chantier six croiseurs de première classe, dix croiseurs de troisième classe, huit éclaireurs, 20 torpilleurs et trois garde-côtes devant servir de « mère-gigogne » aux torpilleurs169. Ce plan est rapidement corrigé : quatre croiseurs de troisième catégorie sont remplacés par quatre autres torpilleurs170. Aube réclame 33 millions de francs pour la seule année 1887 et souhaite organiser financièrement ce programme sur quatre ans seulement.

    89Malgré l’appui répété de Gerville-Réache, Aube doit subir l’opposition de Ménard-Dorian, rapporteur du budget de la Marine. Celui-ci réussit d’abord à imposer au ministre de la Marine la division de l’examen financier de son programme : seuls les crédits demandés pour 1887 seront examinés171. Cette manière de procéder permet classiquement au Parlement de ne pas se lier à un quelconque programme naval établit sur plusieurs années. Pour Ménard-Dorian, cela lui permet de s’assurer que le plan de constructions navales de Aube, qui délaisse les cuirassés, ne soit pas gravé dans les lignes de crédits pour quatre ans. Ménard-Dorian propose ensuite de rectifier le programme de constructions proposé par le ministre-amiral. Pour les bateaux-canons, il suggère d’attendre les résultats des essais qui doivent être organisés au cours du premier trimestre de 1887. De la sorte, il élimine ces navires des crédits de 1887. Il fait de même pour les trois garde-côtes, ceux-ci n’en étant qu’au stade de projet. Ménard-Dorian propose à la commission de voter pour 1887, les crédits nécessaires à la construction de trois croiseurs de première catégorie, six croiseurs de troisième catégorie, huit éclaireurs et 24 torpilleurs, pour une somme de 28 millions de francs, soit 5 millions de moins que le projet du ministre. Pour appuyer ses propositions, le rapporteur réclame l’audition du président du Conseil des travaux de la Marine, le vice-amiral Lafont, dont l’opposition aux idées de la Jeune École est bien connue172.

    90L’audition de Aube par la commission du budget le 12 novembre 1886 est un tournant173. Se présentant sans le vice-amiral Lafont, Aube présente un projet de constructions cumulant 290 millions de francs de dépenses sur quatre ans : 60 millions de francs de travaux hydrauliques et 140 millions de constructions navales sur un budget extraordinaire cumulé à 90 millions de constructions navales sur le budget ordinaire de la Marine. Le ministre présente ces dépenses comme nécessaires à la défense immédiate du pays et met sa démission en jeu. Seul Gerville-Réache prend – ou fait semblant de prendre – la menace au sérieux. Réaffirmant ses convictions stratégiques profondes parmi lesquelles la perte irrémédiable de l’influence du cuirassé sur la puissance navale, Aube défend ses demandes de crédits : une fois un noyau de torpilleurs et de croiseurs constitué, le renouvellement et l’entretien de la flotte ne coûteront plus que 20 millions de francs par an.

    91La commission n’est pas du tout convaincue par les arguments du ministre et ne retient en majorité qu’une seule idée : le ministre réclame 140 millions de francs pour bâtir « une flotte de petits bâtiments ». Toutefois, la commission du budget ne dispose pas du poids politique pour s’opposer complètement à un ministre dont elle réprouve les idées. Songeant à refuser le programme sur l’argument du manque de moyens financiers, elle craint que le ministre des Finances ne prenne la parole à la Chambre pour annoncer que le gouvernement a les 140 millions de francs nécessaires. Le désaveu infligé à la commission permettrait alors au gouvernement de faire adopter l’aspect militaire de son programme dans son intégralité. L’influence politique de la commission est ici limitée par l’accès aux informations financières. Sur la proposition de Wilson, la commission décide donc d’utiliser la méthode classique pour exprimer son désaccord : la modification des crédits174. Ménard-Dorian obtient le soutien de la majorité de la commission pour imposer son programme rectifié de constructions navales : trois croiseurs de première classe au lieu de six, trois croiseurs de seconde classe et trois de troisième classe au lieu de six de troisième classe, quatre éclaireurs rapides au lieu de huit ; Ménard-Dorian accepte les 24 torpilleurs. L’ensemble de ce plan est évalué à 26 millions de francs, soit sept millions de moins que le projet ministériel. Seuls quatre membres de la commission, menés par Gerville-Réache, s’opposent à ce contre-projet pour défendre le projet ministériel175. Présenté comme une rectification du plan de constructions du ministre et non une remise en cause de l’action du gouvernement, le projet amendé par la commission du budget est adopté sans discussion par la Chambre puis le Sénat176. La position minoritaire de la Jeune École au sein de la commission du budget aboutit donc, par des procédés parlementaires classiques, à la modification du plan de constructions navales de Aube, sans pour autant que l’esprit de ce plan soit modifié : aucune construction de cuirassé n’est imposée au ministre de la Marine par le Parlement.

    92Après le départ du contre-amiral Aube de la rue Royale en mai 1887, les parlementaires sont décontenancés en matière navale. Favorables dans leur ensemble à des réformes administratives au sein de la Marine, ils se rendent compte dès les premiers mois du ministère Aube que les espoirs mis dans ce « ministre résolument réformateur » seront déçus177. En février 1887, Ménard-Dorian a le sentiment que le projet de loi relatif aux travaux hydrauliques présenté par le ministre n’est ainsi qu’une compilation de vieux dossiers ressortis par les bureaux du ministère178. L’ardoise laissée par Aube à son successeur rue Royale alimente les remontrances de la commission du budget envers l’administration mais aussi envers un ministre qui n’a pas su la réformer malgré toutes ses promesses. Reconduit comme rapporteur du budget de la Marine en avril 1887, Ménard-Dorian doit travailler avec le successeur de Aube, l’ancien rapporteur du budget de la Marine au Sénat, Édouard Barbey179. Ce dernier doit dès juillet 1887 demander 19 millions de francs sur le budget extraordinaire de la Marine pour régler des sommes dues à l’industrie privée. Ménard-Dorian dédouane le contre-amiral Aube pour accuser l’administration de la Marine en général et son directeur du matériel en particulier, Peschart d’Ambly en poste depuis 1883180. Après plusieurs séances de délibérations, la commission du budget menée par son rapporteur, adresse « un blâme sévère à l’administration de la Marine181 ».

    93En matière de constructions navales, la commission du budget a modéré les ardeurs du ministre Aube en rectifiant son programme. Mais la question stratégique inhérente au choix des types de navires n’est pas réglée pour autant. Les manœuvres du printemps 1886 et la publicité que le rapporteur Ménard-Dorian en a fait à la commission du budget ont sapé l’influence de la Jeune École au Parlement. Pour autant, les parlementaires n’ont pas trouvé de stratégie navale alternative. Lorsque le nouveau ministre de la Marine, le vice-amiral Krantz, présente son budget pour 1889 en commission, il se permet de refuser toute réduction sur les augmentations de crédits réclamées. L’absence de nouvelle vision stratégique au Parlement amène celui-ci à s’en remettre aux ministres-amiraux, spécialistes de la chose. Face à l’intransigeance de Krantz, la commission du budget préfère donc éviter le conflit devant la Chambre, persuadée qu’elle perdrait. Ce flottement est l’occasion pour les libéraux du centre de se faire entendre de nouveau, à l’instar de Félix Faure et d’Alexandre Ribot : si aucune guerre n’est en vue dans un avenir proche, alors la Marine ne mérite pas que l’on dépense pour elle182. Gerville-Réache, rapporteur pour le budget 1889 en l’absence de Ménard-Dorian à la commission, s’oppose aux réductions défendues par les libéraux. Il en arrive à démissionner de sa fonction de rapporteur pour marquer sa désapprobation des réductions… sans être capable de proposer une répartition des dépenses navales183. C’est finalement le président de la commission Maurice Rouvier qui use de son influence pour empêcher le vote de toute réduction de crédits pour les constructions navales184. À défaut d’idées, le Parlement laisse donc de nouvelles latitudes à une administration de la Marine qu’il s’efforce de faire réformer.

    ⁂

    94Finalement, les interrogations parlementaires qui existent sur les questions matérielles de la Marine alimentent des débats teintés d’idéologie. Dans les années 1870, conservateurs et libéraux s’opposent sur la taille à donner à une flotte dont le coût s’annonce croissant du fait des progrès techniques. Cette opposition est remportée sans conteste par les libéraux à l’occasion de la présentation du rapport Lamy sur le budget de la Marine en 1878. En élaborant une synthèse entre les idées des républicains les plus radicaux qui reprennent les idées stratégiques de Richild Grivel, et l’orthodoxie budgétaire défendue par les libéraux du Centre-gauche, le rapport Lamy dote les parlementaires républicains d’une référence peu contestée dans les années qui suivent. Mais rapidement, devant le développement des idées de Aube et la mise en danger d’intérêts locaux et économiques que ces idées représentent, les républicains se divisent sur le type de flotte qu’il convient d’adopter. Le credo de Lamy ne reste plus valable que sur ses critiques de l’administration de la Marine – bien qu’il le reste encore longtemps. Cristallisée par l’opposition entre Gerville-Réache et Ménard-Dorian, la tension entre parlementaires partisans et opposants des idées de la Jeune École aboutit à figer toute tentative de réforme de la flotte française, comme l’illustre le ministère Aube. Après le départ de Aube dont les premières décisions sont soutenues par la commission du budget influencée par Gerville-Réache, le nouveau ministre Barbey peut compter sur la nouvelle commission du budget influencée par Ménard-Dorian pour défaire l’œuvre stratégique de son prédécesseur. Dans les années 1870 et 1880, le Parlement est donc un lieu de débat sur la stratégie navale à adopter. Mais ces débats restent limités à un cercle restreint de parlementaires intéressés et aboutissent à une faible influence du pouvoir législatif sur les décisions de l’exécutif.

    Notes de bas de page

    1 Michèle Battesti, La Marine de Napoléon III. Une politique navale, op. cit., p. 708-712.

    2 Goldsmidt, Cours d’artillerie navale, Paris, École d’application du génie maritime, 1914, p. 8-13.

    3 Philippe Masson, Histoire de la Marine, op. cit., tome 2, p. 154.

    4 Ibid., p. 156.

    5 Joannès Tramond et André Reussner, Éléments d’histoire maritime et coloniale contemporaine (1815-1914), Paris, Société d’études géographiques, maritimes et coloniales, 1924, p. 237.

    6 Dominique Brisou, « La transition bois-fer dans la construction navale militaire en France au xixe siècle », dans Christiane Villain-Gandossi (dir.), Deux siècles de constructions et chantiers navals, Paris, CTHS, 2002, p. 183-198.

    7 Michèle Battesti, op. cit., p. 676-677.

    8 Philippe Masson, op. cit., p. 154.

    9 Martin Motte, Une éducation géostratégique. La pensée navale française de la Jeune École à 1914, op. cit., p. 96.

    10 « Rapport […] sur le budget des dépenses de l’exercice 1878 (ministère de la Marine) par M. Paul Bethmont, député », JORF, 1878, p. 5588.

    11 Martin Motte, op. cit., p. 246.

    12 Philippe Masson, op. cit., p. 154.

    13 Goldsmidt, op. cit., p. 13.

    14 Joannès Tramond et André Reussner, op. cit., p. 225-227.

    15 Pierre Milza, Les relations internationales de 1871 à 1914, Paris, Armand Colin, 1990, p. 17.

    16 AN C//3150, PV de la commission du budget pour l’exercice 1877, 10 mai 1876.

    17 AN C//3173, PV de la commission du budget pour l’exercice 1878, 20 juin 1877.

    18 Théodore Ropp, The Development of a Modern Navy: French Naval Policy, 1871-1904, op. cit., p. 74-79.

    19 Ibid., p. 80.

    20 Martin Motte, op. cit., p. 118-121.

    21 Jean Labayle-Couhat, « Le torpilleur, des origines à 1900 », Marine et technique au xixe siècle, Vincennes, SHM, p. 275-276, cité par Martin Motte, op. cit., p. 122.

    22 Théodore Ropp, op. cit., p. 89.

    23 Martin Motte, op. cit.

    24 Ibid., p. 94-95.

    25 Rémi Monaque, « L’amiral Aube, ses idées, ses actions », dans Hervé Coutau-Bégarie (dir.), L’évolution de la pensée navale, t. 4, Paris, Fondation pour les études de Défense nationale, 1994.

    26 Rémi Monaque, « Gabriel Charmes. Propagandiste enthousiaste, mais parfois infidèle, des idées de l’amiral Aube », dans Hervé Coutau-Bégarie (dir.), L’évolution de la pensée navale, t. 6, op. cit.

    27 Martin Motte, op. cit., p. 169-178.

    28 Gabriel Charmes, La réforme de la Marine, Paris, Calmann Lévy, 1886, p. 139, repris par Martin Motte, op. cit., p. 184.

    29 Martin Motte, op. cit., p. 195.

    30 Ibid., p. 219.

    31 Théodore Ropp, op. cit., p. 31.

    32 AN C//3150, PV de la commission du budget pour l’exercice 1877, 10 mai 1876.

    33 AN C//3175, PV de la commission du budget pour l’exercice 1880, 10 mai 1879.

    34 « Rapport […] sur le budget des dépenses de l’exercice 1879 (Marine), par M. Lamy », JORF, 1878, annexe no 926, p. 11473-11738.

    35 AN C//3176, PV de la commission du budget pour l’exercice 1881, 31 mai 1880.

    36 AN C//3302, PV de la commission du budget pour l’exercice 1883, 6 juin 1882.

    37 AN C//5380, PV de la commission du budget pour l’exercice 1887, 12 novembre 1886.

    38 AN C//3306, PV de la commission du budget pour l’exercice 1886, 20 mai 1885.

    39 AN C//5380, PV de la commission du budget pour l’exercice 1887, 2 juin, 9 et 12 novembre 1886.

    40 Ibid., 2 juin 1886.

    41 « Rapport […] sur l’état de la Marine, présenté par M. Dahirel », Revue maritime et coloniale, no 31, 1871, p. 528-549.

    42 « Budget de la Marine et des colonies pour l’exercice 1872. Note préliminaire », Revue maritime et coloniale, no 32, janvier-avril 1872, p. 176.

    43 Ibid., p. 178.

    44 Ibid., p. 177.

    45 AN C//2850, PV de la commission du budget pour l’exercice 1876, 23 juin 1875.

    46 AN C//3176, PV de la commission du budget pour l’exercice 1881, 28 mai 1880.

    47 Théodore Ropp, op. cit., p. 363.

    48 AN C//3176, PV de la commission du budget pour l’exercice 1881, 31 mai 1880.

    49 AN C//3177, PV de la commission du budget pour l’exercice 1882, 19 avril 1881.

    50 Philippe Masson, op. cit., p. 159-160.

    51 AN C//3302, PV de la commission du budget pour l’exercice 1883, 6 juin 1882.

    52 « Rapport [sur le] budget général de l’exercice 1886 (Marine), par M. Gerville-Réache », JORF, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1885, p. 909-949.

    53 AN C//3306, PV de la commission du budget pour l’exercice 1886, 20 mai 1885.

    54 Ibid., 27 mai 1885.

    55 AN C//5380, PV de la commission du budget pour l’exercice 1887, 2 juin 1886.

    56 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1888, 27 février 1888, p. 608.

    57 Michèle Battesti, op. cit., p. 540-541.

    58 Ibid., p. 592-593.

    59 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1882, 28 novembre 1882, p. 1771.

    60 Voir par exemple les séances du 27 mai 1885 (AN C//3306, PV de la commission du budget pour l’exercice 1886) et du 9 mars 1889 (AN C//5383, PV de la commission du budget pour l’exercice 1890).

    61 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1876, 6 novembre 1876.

    62 AN C// 3306, PV de la commission du budget pour l’exercice 1886, 27 mai 1885 ; AN C//5383, PV de la commission du budget pour l’exercice 1890, 11 mars 1889.

    63 AN C//5383, PV de la commission du budget pour l’exercice 1890, 11 mars 1889.

    64 JORF, Débats de la Chambre des députés, 1878, 29 novembre 1878, p. 11227.

    65 AN C//3304, PV de la commission du budget pour l’exercice 1884, 20 octobre 1883. AN C//3306, PV de la commission du budget pour l’exercice 1886, 27 mai 1885. AN C//5383, PV de la commission du budget pour l’exercice 1890, 11 mars 1889. JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1889, 15 juillet 1889, p. 2021.

    66 Michèle Battesti, op. cit., p. 766.

    67 Philippe Masson, op. cit., p. 136.

    68 Ministre-amiral Pothuau cité par Martin Motte, op. cit., p. 108.

    69 « Budget de la Marine et des colonies pour l’exercice 1871. Rapport […] sur les crédits rectifiés de 1871 (Marine), par M. Ancel », Revue maritime et coloniale, no 31, 1871, p. 562.

    70 AN C//2842, PV de la commission du budget pour l’exercice 1871 rectifié, 6 mai 1871.

    71 JORF, Débats de l’Assemblée nationale, 1871, 12 septembre 1871, p. 3393.

    72 AN C//2844, PV de la commission du budget pour l’exercice 1872, 16 mars 1872.

    73 « Rapport […] sur le budget des dépenses du ministère de la Marine et des Colonies, par M. Ancel », JORF, 1872, annexe no 1017, p. 2201.

    74 AN C//2845, PV de la commission du budget pour l’exercice 1873, 16 juillet 1872.

    75 « Budget de la Marine et des colonies pour l’exercice 1874 », Revue maritime et coloniale, no 40, 1873, p. 430-431.

    76 Ibid., p. 443-444.

    77 AN C//2849, PV de la commission du budget pour l’exercice 1875, 1er et 3 juillet 1874.

    78 « Budget de la Marine et des colonies pour l’exercice 1875 », Revue maritime et coloniale, no 42, 1874, p. 960.

    79 Ibid., p. 964.

    80 JORF, Débats de l’Assemblée nationale, 1875, 25 juillet 1874, p. 5242.

    81 « Rapport […] sur le budget des dépenses de l’exercice 1876 (Marine et colonies), par M. le vice-amiral Pothuau », JORF, 1875, annexe no 3124, p. 5702-5703.

    82 AN C//2850, PV de la commission du budget pour l’exercice 1876, 21 au 23 juin 1875.

    83 JORF, Débats de l’Assemblée nationale, 1875, 28 juillet 1874, p. 5297.

    84 AN C//3150, PV de la commission du budget pour l’exercice 1877, 10 mai 1876. « Rapport […] sur le budget des dépenses de l’exercice 1877 (Marine et colonies), par M. Raoul Duval », JORF, 1876, annexe no 293, p. 5634-5635.

    85 AN C//3173, PV de la commission du budget pour l’exercice 1878, 28 novembre 1877.

    86 AN, C//3173, PV de la commission du budget pour l’exercice 1878, 1er et 7 février 1877.

    87 Jean-Marie Mayeur, La Vie politique sous la Troisième République, op. cit., p. 47.

    88 Jean-François Sirinelli (dir.), Histoire des droites, tome 1, Paris, Gallimard, 1992, p. 153-156 ; Jean-Marie Mayeur, op. cit., p. 24 et 41.

    89 Jean-Marie Mayeur, op. cit., p. 34.

    90 Rainer Hudemann, Fraktionsbildung im französischen Parlament, Munich, Artémis, 1979.

    91 AN C//3150, PV de la commission du budget sur l’exercice 1877, 10 mai 1876.

    92 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1876, 6 novembre 1876, p. 7990.

    93 AN C//2807, C15, PV de la sous-commission de réorganisation de la Marine, 28 juin 1871.

    94 « Budget de la Marine et des Colonies pour l’exercice 1875, rapport fait par M. de La Roncière Le Noury », Revue maritime et coloniale, vol. 42, 1874, p. 934 et 960.

    95 AN C//2850, séance du 22 juin 1875.

    96 « Budget de la Marine et des Colonies pour l’exercice 1875, rapport fait par M. de La Roncière Le Noury », Revue maritime et coloniale, vol. 42, 1874, p. 960.

    97 « Budget de la Marine et des Colonies pour l’exercice 1876, rapport fait par M. le vice-amiral Pothuau », Revue maritime et coloniale, vol. 47, 1875, p. 103-105.

    98 AN C//2845, PV de la commission du budget pour l’exercice 1873, 16 juillet 1872.

    99 « Rapport […] sur le budget des dépenses du ministère de la Marine et des Colonies, par M. Ancel », JORF, 1872, annexe no 1017, p. 2199.

    100 JORF, Débats de l’Assemblée nationale, 1872, 27 mars 1872 ; AN C//2845, PV de la commission du budget pour l’exercice 1873, 16 juillet 1872.

    101 JORF, Débats de la Chambre des députés, 1876, 23 décembre 1876, p. 9647.

    102 AN C//3173, C381, Procès-verbaux de la commission du budget sur l’exercice 1878, 7 février 1877 ; JORF, Débats de la Chambre des députés, 1877, 22 juin 1877, p. 4605.

    103 AN C//3176, Procès-verbaux de la commission du budget sur l’exercice 1881, 28 mai 1880.

    104 AN C//3150, PV de la commission du budget pour l’exercice 1877, 12 mai 1876.

    105 Ibid., 8 juillet 1876.

    106 AN C//3173, PV de la commission du budget pour l’exercice 1878, 1er et 7 février 1877.

    107 Adolphe Robert et Gaston Cougny, « Lamy, Étienne Marie Victor », Dictionnaire des parlementaires français, 1789-1889, op. cit.

    108 Yves Billard, Le Métier de la politique sous la IIIe République, op cit., p. 34.

    109 AN C//3173, PV de la commission du budget pour l’exercice 1878, 7 février 1877.

    110 AN C//3150, PV de la commission du budget pour l’exercice 1877, 12 mai 1876.

    111 AN C//3174, PV de la commission du budget pour l’exercice 1879, 8 juillet et 11 novembre 1878.

    112 AN C//3173, PV de la commission du budget pour l’exercice 1878, 7 février 1877.

    113 Ibid., 20 juin 1877.

    114 AN C//3174, PV de la commission du budget pour l’exercice 1879, 13 mai 1878.

    115 « Rapport […] sur le budget des dépenses de l’exercice 1879 (Marine), par M. Lamy », JORF, 1878, annexe no 926, p. 11473.

    116 Ibid., p. 11476.

    117 Ibid., p. 11478.

    118 Martin Motte, op. cit., p. 125-126.

    119 « Rapport […] sur le budget des dépenses de l’exercice 1879 (Marine), par M. Lamy », JORF, 1878, annexe no 926, p. 11473-11566, p. 11474.

    120 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1878, 29 et 30 novembre 1878, p. 11227-11279.

    121 Ibid., 29 novembre 1878, p. 11227.

    122 JORF, Débats de la Chambre des députés, 1881, 10 février 1881, p. 216.

    123 Théodore Ropp, op. cit., p. 122.

    124 Ibid. ; JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1884, 13 décembre 1884, p. 2762.

    125 AN C//3176, PV de la commission du budget pour l’exercice 1881, 31 mai 1880.

    126 Ibid., 31 mai et 7 juin 1880.

    127 AN C//3177, PV de la commission du budget pour l’exercice 1882, 7 mai 1881.

    128 AN C//3302, PV de la commission du budget pour l’exercice 1883, 6 juin 1882.

    129 « Rapport [sur le] budget général de l’exercice 1883 (Marine) par M. Mathieu », JORF, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1882, annexe no 1046, p. 1857-1863.

    130 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1882, 29 novembre 1882, p. 1772.

    131 « Rapport [sur le] budget général de l’exercice 1884 (Marine) par M. de La Porte (Deux-Sèvres) », JORF, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1883, annexe no 2345, p. 1590.

    132 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1884, 12 décembre 1884, p. 2754.

    133 AS 14 S 10, PV de la commission des finances de 1884, 22 décembre 1884.

    134 Martin Motte, op. cit., p. 192-193.

    135 AN C//3306, PV de la commission du budget pour l’exercice 1886, 20 mai 1885.

    136 Ibid., 27 mai 1885.

    137 « Rapport [sur le] budget général de l’exercice 1886 (Marine) par M. Gerville-Réache, JORF, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1885, annexe no 3882, p. 921-922.

    138 Martin Motte, op. cit., p. 217.

    139 AN C//5380, PV de la commission du budget pour l’exercice 1887, 2 juin 1886.

    140 Ibid., 23 juin 1886.

    141 Ibid., 9 et 12 novembre 1886.

    142 « Rapport [sur le] budget général de l’exercice 1887 (Marine), par M. Ménard-Dorian », JORF, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1887, p. 634-635.

    143 AS 14 S 12, PV de la commission des finances de 1886, 26 janvier 1887.

    144 Martin Motte, op. cit., p. 163.

    145 Ibid., p. 231.

    146 « Rapport [sur le] budget général de l’exercice 1886 (Marine) par M. Ménard-Dorian », JORF, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1887, annexe no 2039, p. 77.

    147 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1888, 7 février 1888, p. 306.

    148 Ibid., séance du 5 novembre 1887, p. 1937.

    149 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1891, séance du 8 décembre 1891, p. 2475.

    150 AS 124S653, Procès-verbaux de la commission chargée du projet de loi autorisant le ministre de la Marine à entreprendre des travaux d’amélioration des ports militaires dont la dépense est évaluée à 67,9 millions de francs, séance du 20 février 1889. JORF, Débats parlementaires, Sénat, 1889, séance du 21 juin 1889, p. 771.

    151 JORF, Débats parlementaires, Sénat, 1889, séances du 11 juillet et du 22 novembre 1889, p. 919 et 1095.

    152 « Rapport [sur le] budget général de l’exercice 1889 (Marine), par M. Gerville-Réache », JORF, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1888, p. 196.

    153 Débat rapporté par Cabart-Danneville, JORF, Débats parlementaires, Sénat, 1898, séance du 30 mars 1898, 449 p.

    154 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1888, séance du 27 février 1888, p. 608.

    155 L. Piau, « Jacques-Augustin Normand », dans Le Génie civil, Revue générale des industries françaises et étrangères, no 128, 12 janvier 1907, p. 179-180.

    156 Robert Pierron, « La construction navale militaire à Bordeaux du Second Empire à la IVe République : une composante clé dans la qualification d’un pôle industriel et technologique de premier plan », dans Silvia Marzagalli (dir.), Bordeaux et la Marine de guerre, xviie-xxe siècles, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, p. 79-98.

    157 Claude Beaud, « Les Schneider marchands de canons (1870-1914), dans Histoire, économie et société, no 1, 1995, p. 119.

    158 Olivier Raveux, « La construction navale et la mécanique Marine en France au milieu du xixe siècle : l’exemple de la société Taylor & Fils », dans Christiane Villain-Gandossi, Deux siècles de constructions et chantiers navals, Paris, CTHS, p. 213-223.

    159 « Rapport [sur le] budget général de l’exercice 1887 (Marine), par M. Ménard-Dorian », JORF, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1887, p. 612-635.

    160 « Rapport [sur le] budget général de l’exercice 1888 (Marine), par M. Ménard-Dorian », JORF, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1887, p. 77-101.

    161 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1888, séance du 27 février 1888, p. 608.

    162 AN C//5380, PV de la commission du budget pour l’exercice 1887, 3 décembre 1886.

    163 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1888, 29 octobre 1888, p. 2362.

    164 Adolphe Robert et Gaston Cougny, « Le Faure, Jean Amédée », Dictionnaire des parlementaires français, 1789-1889, op. cit.

    165 Ibid., « Mathieu, Édouard Napoléon ».

    166 AN C//3176, PV de la commission du budget pour l’exercice 1881, séances des 3 et 9 juin 1880 ; « Rapport […] sur le budget général des dépenses et des recettes de l’exercice 1879 (Marine), par M. Dréo », JORF, 1880, annexe no 2785, p. 7989.

    167 Cette question des torpilleurs et des cuirassés est posée à partir de mai 1880 à la commission du budget (AN C//3176, PV de la commission du budget pour l’exercice 1881, 31 mai 1880).

    168 AN C//3306, PV de la commission du budget pour l’exercice 1886, 27 mai 1885.

    169 « Projet de loi approuvant une convention passée entre le ministre de la Marine et des colonies et diverses compagnies de construction navale », JORF, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1886, annexe no 1111, p. 112-113.

    170 AN C//5380, PV de la commission du budget pour l’exercice 1887, 28 octobre 1886.

    171 Ibid., 9 novembre 1886.

    172 Ibid., 10 novembre 1886.

    173 Ibid., 12 novembre 1886.

    174 Ibid., 2 décembre 1886.

    175 Ibid., 3 décembre 1886.

    176 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1887, 7 février 1887, p. 335 ; JORF, Débats parlementaires, Sénat, 1887, 23 février 1887, p. 243.

    177 L’expression est de Gerville-Réache (AN C//5380, PV de la commission du budget pour l’exercice 1887, 23 juin 1886).

    178 AN C//5380, PV de la commission du budget pour l’exercice 1887, 3 février 1887.

    179 AN C//5381, PV de la commission du budget pour l’exercice 1888, 9 avril 1887.

    180 Ibid., 25 juillet 1887.

    181 Ibid., 29 septembre 1887.

    182 AN C//5382, PV de la commission du budget pour l’exercice 1889, 22 septembre 1888.

    183 Ibid., 25 septembre 1888.

    184 Ibid., 10 octobre 1888.

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    1 Michèle Battesti, La Marine de Napoléon III. Une politique navale, op. cit., p. 708-712.

    2 Goldsmidt, Cours d’artillerie navale, Paris, École d’application du génie maritime, 1914, p. 8-13.

    3 Philippe Masson, Histoire de la Marine, op. cit., tome 2, p. 154.

    4 Ibid., p. 156.

    5 Joannès Tramond et André Reussner, Éléments d’histoire maritime et coloniale contemporaine (1815-1914), Paris, Société d’études géographiques, maritimes et coloniales, 1924, p. 237.

    6 Dominique Brisou, « La transition bois-fer dans la construction navale militaire en France au xixe siècle », dans Christiane Villain-Gandossi (dir.), Deux siècles de constructions et chantiers navals, Paris, CTHS, 2002, p. 183-198.

    7 Michèle Battesti, op. cit., p. 676-677.

    8 Philippe Masson, op. cit., p. 154.

    9 Martin Motte, Une éducation géostratégique. La pensée navale française de la Jeune École à 1914, op. cit., p. 96.

    10 « Rapport […] sur le budget des dépenses de l’exercice 1878 (ministère de la Marine) par M. Paul Bethmont, député », JORF, 1878, p. 5588.

    11 Martin Motte, op. cit., p. 246.

    12 Philippe Masson, op. cit., p. 154.

    13 Goldsmidt, op. cit., p. 13.

    14 Joannès Tramond et André Reussner, op. cit., p. 225-227.

    15 Pierre Milza, Les relations internationales de 1871 à 1914, Paris, Armand Colin, 1990, p. 17.

    16 AN C//3150, PV de la commission du budget pour l’exercice 1877, 10 mai 1876.

    17 AN C//3173, PV de la commission du budget pour l’exercice 1878, 20 juin 1877.

    18 Théodore Ropp, The Development of a Modern Navy: French Naval Policy, 1871-1904, op. cit., p. 74-79.

    19 Ibid., p. 80.

    20 Martin Motte, op. cit., p. 118-121.

    21 Jean Labayle-Couhat, « Le torpilleur, des origines à 1900 », Marine et technique au xixe siècle, Vincennes, SHM, p. 275-276, cité par Martin Motte, op. cit., p. 122.

    22 Théodore Ropp, op. cit., p. 89.

    23 Martin Motte, op. cit.

    24 Ibid., p. 94-95.

    25 Rémi Monaque, « L’amiral Aube, ses idées, ses actions », dans Hervé Coutau-Bégarie (dir.), L’évolution de la pensée navale, t. 4, Paris, Fondation pour les études de Défense nationale, 1994.

    26 Rémi Monaque, « Gabriel Charmes. Propagandiste enthousiaste, mais parfois infidèle, des idées de l’amiral Aube », dans Hervé Coutau-Bégarie (dir.), L’évolution de la pensée navale, t. 6, op. cit.

    27 Martin Motte, op. cit., p. 169-178.

    28 Gabriel Charmes, La réforme de la Marine, Paris, Calmann Lévy, 1886, p. 139, repris par Martin Motte, op. cit., p. 184.

    29 Martin Motte, op. cit., p. 195.

    30 Ibid., p. 219.

    31 Théodore Ropp, op. cit., p. 31.

    32 AN C//3150, PV de la commission du budget pour l’exercice 1877, 10 mai 1876.

    33 AN C//3175, PV de la commission du budget pour l’exercice 1880, 10 mai 1879.

    34 « Rapport […] sur le budget des dépenses de l’exercice 1879 (Marine), par M. Lamy », JORF, 1878, annexe no 926, p. 11473-11738.

    35 AN C//3176, PV de la commission du budget pour l’exercice 1881, 31 mai 1880.

    36 AN C//3302, PV de la commission du budget pour l’exercice 1883, 6 juin 1882.

    37 AN C//5380, PV de la commission du budget pour l’exercice 1887, 12 novembre 1886.

    38 AN C//3306, PV de la commission du budget pour l’exercice 1886, 20 mai 1885.

    39 AN C//5380, PV de la commission du budget pour l’exercice 1887, 2 juin, 9 et 12 novembre 1886.

    40 Ibid., 2 juin 1886.

    41 « Rapport […] sur l’état de la Marine, présenté par M. Dahirel », Revue maritime et coloniale, no 31, 1871, p. 528-549.

    42 « Budget de la Marine et des colonies pour l’exercice 1872. Note préliminaire », Revue maritime et coloniale, no 32, janvier-avril 1872, p. 176.

    43 Ibid., p. 178.

    44 Ibid., p. 177.

    45 AN C//2850, PV de la commission du budget pour l’exercice 1876, 23 juin 1875.

    46 AN C//3176, PV de la commission du budget pour l’exercice 1881, 28 mai 1880.

    47 Théodore Ropp, op. cit., p. 363.

    48 AN C//3176, PV de la commission du budget pour l’exercice 1881, 31 mai 1880.

    49 AN C//3177, PV de la commission du budget pour l’exercice 1882, 19 avril 1881.

    50 Philippe Masson, op. cit., p. 159-160.

    51 AN C//3302, PV de la commission du budget pour l’exercice 1883, 6 juin 1882.

    52 « Rapport [sur le] budget général de l’exercice 1886 (Marine), par M. Gerville-Réache », JORF, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1885, p. 909-949.

    53 AN C//3306, PV de la commission du budget pour l’exercice 1886, 20 mai 1885.

    54 Ibid., 27 mai 1885.

    55 AN C//5380, PV de la commission du budget pour l’exercice 1887, 2 juin 1886.

    56 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1888, 27 février 1888, p. 608.

    57 Michèle Battesti, op. cit., p. 540-541.

    58 Ibid., p. 592-593.

    59 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1882, 28 novembre 1882, p. 1771.

    60 Voir par exemple les séances du 27 mai 1885 (AN C//3306, PV de la commission du budget pour l’exercice 1886) et du 9 mars 1889 (AN C//5383, PV de la commission du budget pour l’exercice 1890).

    61 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1876, 6 novembre 1876.

    62 AN C// 3306, PV de la commission du budget pour l’exercice 1886, 27 mai 1885 ; AN C//5383, PV de la commission du budget pour l’exercice 1890, 11 mars 1889.

    63 AN C//5383, PV de la commission du budget pour l’exercice 1890, 11 mars 1889.

    64 JORF, Débats de la Chambre des députés, 1878, 29 novembre 1878, p. 11227.

    65 AN C//3304, PV de la commission du budget pour l’exercice 1884, 20 octobre 1883. AN C//3306, PV de la commission du budget pour l’exercice 1886, 27 mai 1885. AN C//5383, PV de la commission du budget pour l’exercice 1890, 11 mars 1889. JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1889, 15 juillet 1889, p. 2021.

    66 Michèle Battesti, op. cit., p. 766.

    67 Philippe Masson, op. cit., p. 136.

    68 Ministre-amiral Pothuau cité par Martin Motte, op. cit., p. 108.

    69 « Budget de la Marine et des colonies pour l’exercice 1871. Rapport […] sur les crédits rectifiés de 1871 (Marine), par M. Ancel », Revue maritime et coloniale, no 31, 1871, p. 562.

    70 AN C//2842, PV de la commission du budget pour l’exercice 1871 rectifié, 6 mai 1871.

    71 JORF, Débats de l’Assemblée nationale, 1871, 12 septembre 1871, p. 3393.

    72 AN C//2844, PV de la commission du budget pour l’exercice 1872, 16 mars 1872.

    73 « Rapport […] sur le budget des dépenses du ministère de la Marine et des Colonies, par M. Ancel », JORF, 1872, annexe no 1017, p. 2201.

    74 AN C//2845, PV de la commission du budget pour l’exercice 1873, 16 juillet 1872.

    75 « Budget de la Marine et des colonies pour l’exercice 1874 », Revue maritime et coloniale, no 40, 1873, p. 430-431.

    76 Ibid., p. 443-444.

    77 AN C//2849, PV de la commission du budget pour l’exercice 1875, 1er et 3 juillet 1874.

    78 « Budget de la Marine et des colonies pour l’exercice 1875 », Revue maritime et coloniale, no 42, 1874, p. 960.

    79 Ibid., p. 964.

    80 JORF, Débats de l’Assemblée nationale, 1875, 25 juillet 1874, p. 5242.

    81 « Rapport […] sur le budget des dépenses de l’exercice 1876 (Marine et colonies), par M. le vice-amiral Pothuau », JORF, 1875, annexe no 3124, p. 5702-5703.

    82 AN C//2850, PV de la commission du budget pour l’exercice 1876, 21 au 23 juin 1875.

    83 JORF, Débats de l’Assemblée nationale, 1875, 28 juillet 1874, p. 5297.

    84 AN C//3150, PV de la commission du budget pour l’exercice 1877, 10 mai 1876. « Rapport […] sur le budget des dépenses de l’exercice 1877 (Marine et colonies), par M. Raoul Duval », JORF, 1876, annexe no 293, p. 5634-5635.

    85 AN C//3173, PV de la commission du budget pour l’exercice 1878, 28 novembre 1877.

    86 AN, C//3173, PV de la commission du budget pour l’exercice 1878, 1er et 7 février 1877.

    87 Jean-Marie Mayeur, La Vie politique sous la Troisième République, op. cit., p. 47.

    88 Jean-François Sirinelli (dir.), Histoire des droites, tome 1, Paris, Gallimard, 1992, p. 153-156 ; Jean-Marie Mayeur, op. cit., p. 24 et 41.

    89 Jean-Marie Mayeur, op. cit., p. 34.

    90 Rainer Hudemann, Fraktionsbildung im französischen Parlament, Munich, Artémis, 1979.

    91 AN C//3150, PV de la commission du budget sur l’exercice 1877, 10 mai 1876.

    92 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1876, 6 novembre 1876, p. 7990.

    93 AN C//2807, C15, PV de la sous-commission de réorganisation de la Marine, 28 juin 1871.

    94 « Budget de la Marine et des Colonies pour l’exercice 1875, rapport fait par M. de La Roncière Le Noury », Revue maritime et coloniale, vol. 42, 1874, p. 934 et 960.

    95 AN C//2850, séance du 22 juin 1875.

    96 « Budget de la Marine et des Colonies pour l’exercice 1875, rapport fait par M. de La Roncière Le Noury », Revue maritime et coloniale, vol. 42, 1874, p. 960.

    97 « Budget de la Marine et des Colonies pour l’exercice 1876, rapport fait par M. le vice-amiral Pothuau », Revue maritime et coloniale, vol. 47, 1875, p. 103-105.

    98 AN C//2845, PV de la commission du budget pour l’exercice 1873, 16 juillet 1872.

    99 « Rapport […] sur le budget des dépenses du ministère de la Marine et des Colonies, par M. Ancel », JORF, 1872, annexe no 1017, p. 2199.

    100 JORF, Débats de l’Assemblée nationale, 1872, 27 mars 1872 ; AN C//2845, PV de la commission du budget pour l’exercice 1873, 16 juillet 1872.

    101 JORF, Débats de la Chambre des députés, 1876, 23 décembre 1876, p. 9647.

    102 AN C//3173, C381, Procès-verbaux de la commission du budget sur l’exercice 1878, 7 février 1877 ; JORF, Débats de la Chambre des députés, 1877, 22 juin 1877, p. 4605.

    103 AN C//3176, Procès-verbaux de la commission du budget sur l’exercice 1881, 28 mai 1880.

    104 AN C//3150, PV de la commission du budget pour l’exercice 1877, 12 mai 1876.

    105 Ibid., 8 juillet 1876.

    106 AN C//3173, PV de la commission du budget pour l’exercice 1878, 1er et 7 février 1877.

    107 Adolphe Robert et Gaston Cougny, « Lamy, Étienne Marie Victor », Dictionnaire des parlementaires français, 1789-1889, op. cit.

    108 Yves Billard, Le Métier de la politique sous la IIIe République, op cit., p. 34.

    109 AN C//3173, PV de la commission du budget pour l’exercice 1878, 7 février 1877.

    110 AN C//3150, PV de la commission du budget pour l’exercice 1877, 12 mai 1876.

    111 AN C//3174, PV de la commission du budget pour l’exercice 1879, 8 juillet et 11 novembre 1878.

    112 AN C//3173, PV de la commission du budget pour l’exercice 1878, 7 février 1877.

    113 Ibid., 20 juin 1877.

    114 AN C//3174, PV de la commission du budget pour l’exercice 1879, 13 mai 1878.

    115 « Rapport […] sur le budget des dépenses de l’exercice 1879 (Marine), par M. Lamy », JORF, 1878, annexe no 926, p. 11473.

    116 Ibid., p. 11476.

    117 Ibid., p. 11478.

    118 Martin Motte, op. cit., p. 125-126.

    119 « Rapport […] sur le budget des dépenses de l’exercice 1879 (Marine), par M. Lamy », JORF, 1878, annexe no 926, p. 11473-11566, p. 11474.

    120 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1878, 29 et 30 novembre 1878, p. 11227-11279.

    121 Ibid., 29 novembre 1878, p. 11227.

    122 JORF, Débats de la Chambre des députés, 1881, 10 février 1881, p. 216.

    123 Théodore Ropp, op. cit., p. 122.

    124 Ibid. ; JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1884, 13 décembre 1884, p. 2762.

    125 AN C//3176, PV de la commission du budget pour l’exercice 1881, 31 mai 1880.

    126 Ibid., 31 mai et 7 juin 1880.

    127 AN C//3177, PV de la commission du budget pour l’exercice 1882, 7 mai 1881.

    128 AN C//3302, PV de la commission du budget pour l’exercice 1883, 6 juin 1882.

    129 « Rapport [sur le] budget général de l’exercice 1883 (Marine) par M. Mathieu », JORF, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1882, annexe no 1046, p. 1857-1863.

    130 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1882, 29 novembre 1882, p. 1772.

    131 « Rapport [sur le] budget général de l’exercice 1884 (Marine) par M. de La Porte (Deux-Sèvres) », JORF, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1883, annexe no 2345, p. 1590.

    132 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1884, 12 décembre 1884, p. 2754.

    133 AS 14 S 10, PV de la commission des finances de 1884, 22 décembre 1884.

    134 Martin Motte, op. cit., p. 192-193.

    135 AN C//3306, PV de la commission du budget pour l’exercice 1886, 20 mai 1885.

    136 Ibid., 27 mai 1885.

    137 « Rapport [sur le] budget général de l’exercice 1886 (Marine) par M. Gerville-Réache, JORF, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1885, annexe no 3882, p. 921-922.

    138 Martin Motte, op. cit., p. 217.

    139 AN C//5380, PV de la commission du budget pour l’exercice 1887, 2 juin 1886.

    140 Ibid., 23 juin 1886.

    141 Ibid., 9 et 12 novembre 1886.

    142 « Rapport [sur le] budget général de l’exercice 1887 (Marine), par M. Ménard-Dorian », JORF, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1887, p. 634-635.

    143 AS 14 S 12, PV de la commission des finances de 1886, 26 janvier 1887.

    144 Martin Motte, op. cit., p. 163.

    145 Ibid., p. 231.

    146 « Rapport [sur le] budget général de l’exercice 1886 (Marine) par M. Ménard-Dorian », JORF, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1887, annexe no 2039, p. 77.

    147 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1888, 7 février 1888, p. 306.

    148 Ibid., séance du 5 novembre 1887, p. 1937.

    149 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1891, séance du 8 décembre 1891, p. 2475.

    150 AS 124S653, Procès-verbaux de la commission chargée du projet de loi autorisant le ministre de la Marine à entreprendre des travaux d’amélioration des ports militaires dont la dépense est évaluée à 67,9 millions de francs, séance du 20 février 1889. JORF, Débats parlementaires, Sénat, 1889, séance du 21 juin 1889, p. 771.

    151 JORF, Débats parlementaires, Sénat, 1889, séances du 11 juillet et du 22 novembre 1889, p. 919 et 1095.

    152 « Rapport [sur le] budget général de l’exercice 1889 (Marine), par M. Gerville-Réache », JORF, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1888, p. 196.

    153 Débat rapporté par Cabart-Danneville, JORF, Débats parlementaires, Sénat, 1898, séance du 30 mars 1898, 449 p.

    154 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1888, séance du 27 février 1888, p. 608.

    155 L. Piau, « Jacques-Augustin Normand », dans Le Génie civil, Revue générale des industries françaises et étrangères, no 128, 12 janvier 1907, p. 179-180.

    156 Robert Pierron, « La construction navale militaire à Bordeaux du Second Empire à la IVe République : une composante clé dans la qualification d’un pôle industriel et technologique de premier plan », dans Silvia Marzagalli (dir.), Bordeaux et la Marine de guerre, xviie-xxe siècles, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, p. 79-98.

    157 Claude Beaud, « Les Schneider marchands de canons (1870-1914), dans Histoire, économie et société, no 1, 1995, p. 119.

    158 Olivier Raveux, « La construction navale et la mécanique Marine en France au milieu du xixe siècle : l’exemple de la société Taylor & Fils », dans Christiane Villain-Gandossi, Deux siècles de constructions et chantiers navals, Paris, CTHS, p. 213-223.

    159 « Rapport [sur le] budget général de l’exercice 1887 (Marine), par M. Ménard-Dorian », JORF, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1887, p. 612-635.

    160 « Rapport [sur le] budget général de l’exercice 1888 (Marine), par M. Ménard-Dorian », JORF, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1887, p. 77-101.

    161 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1888, séance du 27 février 1888, p. 608.

    162 AN C//5380, PV de la commission du budget pour l’exercice 1887, 3 décembre 1886.

    163 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1888, 29 octobre 1888, p. 2362.

    164 Adolphe Robert et Gaston Cougny, « Le Faure, Jean Amédée », Dictionnaire des parlementaires français, 1789-1889, op. cit.

    165 Ibid., « Mathieu, Édouard Napoléon ».

    166 AN C//3176, PV de la commission du budget pour l’exercice 1881, séances des 3 et 9 juin 1880 ; « Rapport […] sur le budget général des dépenses et des recettes de l’exercice 1879 (Marine), par M. Dréo », JORF, 1880, annexe no 2785, p. 7989.

    167 Cette question des torpilleurs et des cuirassés est posée à partir de mai 1880 à la commission du budget (AN C//3176, PV de la commission du budget pour l’exercice 1881, 31 mai 1880).

    168 AN C//3306, PV de la commission du budget pour l’exercice 1886, 27 mai 1885.

    169 « Projet de loi approuvant une convention passée entre le ministre de la Marine et des colonies et diverses compagnies de construction navale », JORF, Documents parlementaires, Chambre des députés, 1886, annexe no 1111, p. 112-113.

    170 AN C//5380, PV de la commission du budget pour l’exercice 1887, 28 octobre 1886.

    171 Ibid., 9 novembre 1886.

    172 Ibid., 10 novembre 1886.

    173 Ibid., 12 novembre 1886.

    174 Ibid., 2 décembre 1886.

    175 Ibid., 3 décembre 1886.

    176 JORF, Débats parlementaires, Chambre des députés, 1887, 7 février 1887, p. 335 ; JORF, Débats parlementaires, Sénat, 1887, 23 février 1887, p. 243.

    177 L’expression est de Gerville-Réache (AN C//5380, PV de la commission du budget pour l’exercice 1887, 23 juin 1886).

    178 AN C//5380, PV de la commission du budget pour l’exercice 1887, 3 février 1887.

    179 AN C//5381, PV de la commission du budget pour l’exercice 1888, 9 avril 1887.

    180 Ibid., 25 juillet 1887.

    181 Ibid., 29 septembre 1887.

    182 AN C//5382, PV de la commission du budget pour l’exercice 1889, 22 septembre 1888.

    183 Ibid., 25 septembre 1888.

    184 Ibid., 10 octobre 1888.

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