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    Plan détaillé Texte intégral Faire un cadastre : des savoir-faire ruraux très répandus Estimer, établir et hiérarchiser la valeur des biens fonciers et immobiliers Conclusion Annexe Notes de bas de page Auteur

    Les savoirs ruraux du Moyen Âge à nos jours

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    Table des matières

    Savoir estimer la valeur des biens

    La « table » du cadastre de Saint-André-de-Sangonis (Hérault) de 1538

    Bruno Jaudon

    p. 291-318

    Texte intégral Faire un cadastre : des savoir-faire ruraux très répandus Un compoix dans le goût du temps Une procédure politique, administrative et juridique maîtrisée Une procédure de terrain nouvelle Estimer, établir et hiérarchiser la valeur des biens fonciers et immobiliers Estimer la valeur du bâti : trois déterminants Entre choix d’une communauté et expérience des experts Entre empirisme pratique et culture savante Conclusion Annexe Préambule du compoix de Saint-André-de-Sangonis (Hérault) Texte de 1538 traduit et normalisé Préambule du compoix de Saint-André-de-Sangonis (Hérault) Texte de 1538 transcrit de l’occitan Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Réaliser un cadastre dans le Midi de la France relève d’un ensemble de savoir-faire mis en œuvre depuis le début du xive siècle au plus tard et peut ainsi sembler un objet d’étude historique fort bien connu et renouvelé au cours de ces dix dernières années1. Si cela est vrai en observant la confection des compoix languedociens du point de vue de la codicologie, du droit ou de l’arpentage par exemple, un autre savoir-faire mobilisé pour fabriquer les registres fonciers publics ou privés demeure nimbé des ombres d’une grande méconnaissance : l’estimation, après expertise, de la valeur économique des terres et des bâtiments2. Comprendre les mécanismes d’évaluation et de calcul de la valeur des biens fonciers, quand on dispose de données complètes pour des époques récentes, constitue aujourd’hui encore un exercice complexe, même avec l’appui de modèles mathématiques sophistiqués et de l’assistance informatisée3.

    2Force est néanmoins de constater que, depuis l’Antiquité, tenter de traduire en monnaie réelle ou de compte, le prix de la terre a toujours constitué un enjeu et un défi, pour les États comme pour les particuliers. Tel est le cas dans la Moyenne Égypte du vie siècle comme dans le Japon du xvie. Très souvent, le bon sens et l’emploi des rationalités pratiques ont amené la population ou les autorités à mettre au point des grilles tarifaires appliquées au sol, en fonction des productions agricoles qu’il porte ou des usages qui en sont faits, mais aussi de ses aptitudes pédologiques supposées bonnes, moyennes ou mauvaises4.

    3Il est donc logique de retrouver, dans des centaines de compoix (cadastres) languedociens, ces grilles de fiscalisation de l’espace qui sont appelées « tables » ou « tables d’allivrement ». Elles permettent, en fonction de la culture et de sa « bonté » ou « pauvreté », de multiplier une superficie par une valeur cadastrale pour obtenir le revenu imposable d’une parcelle, exprimé en livres, sous et deniers. L’impôt méridional est en effet « réel », c’est-à-dire pesant sur les terres et non en fonction du statut social des personnes. Pour fictive que soit cette monnaie, elle permet de déterminer à l’avance, dans cette province du royaume, quel pourcentage de la taille royale paiera chacun des biens d’un propriétaire selon le principe juridique dit de répartition5.

    4Hélas ces tables nous parviennent toujours sans explications des choix opérés par les acteurs du monde rural. Mais toutes révèlent une hiérarchisation nette – et stable dans la durée – de la valeur des cultures dans les cadastres et au-delà, dans les représentations collectives. Ce phénomène est d’autant plus remarquable que la rédaction de la table d’un compoix relevait des seuls choix et désirs de la communauté d’habitants, qui la remettait ensuite aux arpenteurs et estimateurs pour effectuer leur enquête, leurs relevés et leurs calculs. Une hiérarchie durable des terres cultes et incultes signale donc l’existence de représentations de l’espace et de sa valeur qui sont communes aux Languedociens des campagnes de l’Époque moderne6.

    5Par chance, un fragment de celles-ci nous est parvenu. Il s’agit d’un document retranscrit in extenso dans un compoix (nom languedocien du cadastre) de 1552 : la « table d’allivrement » du cadastre disparu de Saint-André-de-Sangonis de 15387. Cette grille tarifaire présente souvent la justification des choix opérés pour l’élaborer, ce qui est un cas unique, pour l’instant, à travers le Languedoc d’Ancien Régime. Ce texte est donc extrêmement précieux, car il nous dit pourquoi un champ céréalier est plus apprécié qu’une vigne, un jardin clos d’un mur plutôt qu’un autre ceint d’une haie vive, certaines étables davantage que des maisons… La parole des ruraux nous entrouvre ainsi une porte sur l’appréhension collective de la consistance économique de leur environnement quotidien : le finage ou « terroir et taillable » selon la terminologie du temps. Dès lors s’éclaire le savoir-faire de l’estimation foncière au début du xvie siècle, une période cruciale s’il en est pour le renouvellement de l’art cadastral dans une grande province du royaume de François Ier, dans un contexte de grande vivacité démographique8.

    Faire un cadastre : des savoir-faire ruraux très répandus

    6Le préambule du compoix de Saint-André de 1538, accompagné d’un corpus de documents similaires et synchrones, nous met d’emblée aux prises avec des procédures et des savoir-faire ruraux maîtrisés.

    Un compoix dans le goût du temps

    7Le « compoix du terroir Nostre Dame de la Garrigue de l’an 1552 » (fo 1 ro), rédigé en français, conserve donc une copie de la table d’allivrement (en occitan), qui avait servi à réaliser le cadastre du village voisin de Saint-André-de-Sangonis de 1538, aujourd’hui perdu9. Sa couverture en parchemin retourné, qui faisait du registre un volume maniable de 243 folios et 24,8 × 34,7 cm, s’ouvre sur une page de garde rudimentaire (fo 1 ro). L’introduction du registre de 1552, relativement courte comme c’est souvent le cas à cette époque, rappelle les grands principes et étapes des opérations (fo 2 ro et vo).

    Ill. 1. – Début de la copie de la table d’allivrement de Saint-André de 1538.

    Image

    AD Hérault, 114 EDT 86, compoix de Notre-Dame-de-la-Garrigue (auj. Lagamas), 1552, fo 3 ro.

    Cliché B. Jaudon.

    8La copie de la « table d’allivrement » de 1538, qui nous intéresse donc au tout premier plan, est la partie la plus longue de cette introduction (fo 3 ro-7 ro) : « ensec se la table et forme de proceder de compezier et dextrer las terres10. » Pourquoi se servir d’une grille de fiscalisation de l’espace qui date de quatorze ans pour encadastrer le petit terroir et le petit village de Notre-Dame-de-la-Garrigue ? Il se trouve que du xiie siècle à la Révolution, ce terroir est contesté en justice entre quatre villages mitoyens : Gignac, Aniane, Montpeyroux et Saint-André-de-Sangonis11. Comme il est d’appartenance juridiquement indéterminée, il n’a jamais été encadastré dans aucun compoix. Cependant, ces terres sont soumises au principe languedocien de réalité de l’impôt royal de la taille : elles doivent donc cotiser et par extension, leurs propriétaires. L’usage, depuis le xive siècle, est de déterminer à l’avance le montant de la cotisation de chacun à cet impôt à proportion des possessions immobilières et foncières : c’est le principe de répartition de la taille12.

    9La Cour des Aides de Montpellier, souveraine en matière fiscale et cadastrale, avait l’habitude de tels cas de figure. Il n’était pas rare qu’un terroir soit contesté en justice très longtemps entre deux ou plusieurs communautés. Quand cela se présentait, afin que la levée des deniers du roi ne souffre ni manque ni retard, il était demandé d’élaborer un compoix du terroir contentieux ou de terroirs défrichés tardivement et de mouvance incertaine. La solution, toute pragmatique, qui faisait jurisprudence était de remployer une table d’allivrement existante considérée comme satisfaisante pour arpenter et allivrer les lieux concernés. Cela permettait ensuite de répartir annuellement la taille royale sur ces terres entre les propriétaires qui y étaient possessionnés, quelle que soit leur communauté de résidence13.

    10Il était donc très important pour le scribe du compoix de Lagamas de 1552, ainsi que pour les autorités municipales des quatre villages mais aussi pour les propriétaires que la table de 1538, utilisée sur expresse demande de la Cour des Aides, soit recopiée dans le préambule. Cette copie, particulièrement précieuse, est suivie de deux instruments d’un usage répandu : le verbal (procès-verbal de conclusion) des opérations de levée (fo 7 ro-9 ro) et la rubrique (index) des propriétaires du terroir de Lagamas en 1552 (fo 10 ro-16 vo).

    11Ces 253 personnes sont portées au compoix, mais pas encore dans l’ordre alphabétique : il s’agit d’habitants des communautés circonvoisines de Gignac, Aniane, Saint-André, etc., possessionnés dans le terroir contentieux. L’ordre suivi paraît respecter le parcours de la levée cadastrale : les biens d’un propriétaire sont rassemblés à la suite de son nom dans ce qui forme un « manifest » (déclaration écrite publique). Le scribe n’a pas effectué de reclassement des biens par chaînes de voisinage, une pratique qui commence pourtant à se diffuser dès cette époque14. Ainsi le corpus du compoix suit une seconde foliotation, qui s’achève ex abrupto au fo 227 vo. Le registre ainsi élaboré, au-delà des opérations de terrain des experts et du travail de cabinet du scribe, est le fruit de procédures préalables déjà très abouties.

    Une procédure politique, administrative et juridique maîtrisée

    12La décision de réaliser un compoix appartient, en Languedoc, à la communauté d’habitants et à son « conseil » (équivalent d’un conseil municipal), comme le signale le document présenté ici, son conseil politique ou son conseil élargi aux plus gros propriétaires15. La conscience de représenter la population est affichée par la formulette évoquant « la volonté de la majeure partie des habitants ». Elle est répandue et montre des villages où la représentation politique est réelle et signe la possibilité de décider et d’agir dans l’intérêt commun. On la retrouve ainsi à Saint-Geniès-de-Varensal en 1526, où le choix de réaliser un cadastre se fait avec le « conce[n]tame[n]t et auctoritat a elses donada p[er] tot la populat16 ». À Saint-Paul-et-Valmalle en 1527, l’arpentage des terres se fait « a la requesetion de totz los habitans deldich Sainct Pal17. » Le projet de lancer l’encadastrement d’un village et de son finage apparaît donc, formellement en tout cas, dans les faits peut-être, comme une décision consensuelle des corésidents de la communauté.

    13Bien évidemment, la procédure administrative suit des règles connues et respectées, qui transparaissent aussi d’autres préambules de cadastres. La mention de « la Cour » à Saint-André est donc décisive, puisqu’il s’agit de la Cour des comptes, Aides et Finances de Montpellier, souveraine en matière de cadastres et de fiscalité18. Cet acteur majeur du droit provincial donne donc son autorisation, après sollicitation, pour qu’un village puisse faire fabriquer son compoix par des experts qui lui sont extérieurs : Gaillard Azémar, Estienne Teule, Pierre Fesquet et Antoine Valescure. Il s’agit probablement d’arpenteurs et d’estimateurs nommés par une délibération du conseil politique. En même temps, leur travail est surveillé par un commissaire au compoix que nomme la Cour, souvent un homme de justice du lieu. Même s’il n’est pas connu, il y en a forcément eu un à Saint-André, comme on peut le voir ailleurs. À Pérols en 1561, il s’agit par exemple du viguier du village19. L’équipe cadastrale est très probablement complétée par des « indicateurs », simples villageois qui sont chargés de donner les noms des lieux-dits et des propriétaires des parcelles, comme sur le Causse d’Aumelas en 1527, « per monstrar et indicar los p[er]tenementz et confronta[t]ions20 ». Tous les membres de l’équipe ont nécessairement prêté serment devant le commissaire au compoix avant de parcourir le parcellaire de Saint-André-de-Sangonis. En 1559 à Saint-Geniès-de-Fontedit, cette étape importante est en effet présentée aux experts « élus » comme un moment juridique obligé : « avez prestat juremen en tel quas requys p[er] devant monss[iu]r lou baylle21 ».

    14Une autre étape décisive de la réalisation d’un compoix consiste, pour les communautés d’habitants, à choisir la grille tarifaire qui va dire la valeur cadastrale des terres pour calculer le revenu imposable de chaque parcelle et par addition, des propriétaires. Il s’agit de la « table » ou « table d’allivrement » présentée plus bas. « Nous nous sommes accordés comme s’ensuit » est-il dit à son sujet. Cette idée d’accord, réitérée ensuite quinze fois in texto semble donc particulièrement importante aux yeux de la municipalité de Saint-André en mai 1538. Un consensus parmi les propriétaires de la commune est en effet indispensable pour élaborer la grille de fiscalisation des terres : la décision est prise en conseil politique élargi et une majorité d’habitants doit la soutenir pour éviter ensuite des procès devant la Cour des Aides de Montpellier. « Accorder la table » nécessite donc un véritable accord parmi la population autour de l’élaboration d’un outil local et commun de calcul de la valeur cadastrale des parcelles. C’est sans doute à Argelliers en 1531 qu’on perçoit le mieux cette scansion de l’assentiment collectif : les « abitans del dich luoch et […] mos[iu]r lo baile Jehan Ginart et autres habitans del dich luoch […] son estatz de consentimen de metre bon, moien et feble22. » À Soumont en 1538, serment et accord de la table se font « en conselh dels conselies et de tot la pobla […] en la plasse publica del dich loc23 ». Accorder la table se fait en général en même temps que la prestation de serment des experts, la veille du début des travaux de levée sur le terrain. On comprend donc son importance politique, symbolique et matérielle à travers les enjeux fiscaux qu’elle cristallise24.

    Une procédure de terrain nouvelle

    15Il revient aux trois experts nommés par la communauté de Saint-André de calculer, aux beaux jours de 1538, la valeur cadastrale des parcelles. Pour cela, ils arpentent donc chacune d’entre elles, en mesurent la superficie, qu’ils multiplient. Ils obtiennent ainsi ce qu’on appelle « l’allivrement » ou « présage » du bien.

    16Ici, il y a donc enquête publique avec arpentage et utilisation d’une table d’allivrement. Ce procédé, pour évident qu’il puisse paraître est une nouveauté apparue dans les années 1460 dans les modes de fabrication des compoix languedociens, nouveauté qui est encore en train de se diffuser dans les espaces ruraux de la province25. Il est alors utilisé, avec une grande certitude, pour réaliser les compoix d’Aniane et de Pérols de 1526, de Saint-Paul-et-Valmalle de 1527, d’Argelliers de 1531 et de Gignac de 153426. On a pu retrouver, plus loin, dans les Cévennes lozériennes, un « cottet » de compoix, c’est-à-dire un petit cahier de levée cadastrale, qui montre les savoir-faire et les rationalités pratiques mises en œuvre en amont de la mise au net du registre final du village de Cassagnas en 1548 (ill. 2).

    Ill. 2. – Une page du « cottet » du compoix de Cassagnas (Lozère) de 1548.

    Image

    AD Lozère, E 839, brouillon du compoix de Cassagnas, 1548, n. f.

    Cliché et DAO B. Jaudon.

    17Il est probable que les cottets réalisés à Saint-André, sous quelque forme que ce soit, ressemblaient sans doute à la page présentée ici, qui montre la succession des opérations de terrain, menées parcelle par parcelle, avec indication chiffrée de mesures et de valeurs27.

    18Mais à Murviel-lès-Béziers en 1516, à Joncels en 1537 ou à Soumont en 1538, les communautés ont retenu une autre procédure, elle aussi légale, pour fabriquer le compoix : la technique de l’estime28. Des prudhommes ont formé une commission qui a estimé la valeur cadastrale des parcelles, déclarées sous serment devant elle, sans aucune table et sans forcément recourir à l’arpentage, selon des principes et des modes de calcul gardés secrets mais directement issus du Moyen Âge29.

    19Il se trouve que le Languedoc des années 1520-1530 est en train de basculer de l’estime à l’arpentage avec table, comme celle de Saint-André. Le voisinage immédiat ou presque immédiat d’au moins quatre villages avec compoix « à arpentage » a sans doute influencé le choix de la communauté pour cette procédure cadastrale. En effet, en 1525 vient d’être validée, dans le diocèse civil frontalier de Maguelone (i. e. Montpellier), une « Recherche diocésaine ». Cette vaste enquête a permis de calculer la « valeur » fiscale de chaque village et ville du diocèse civil, en employant justement l’arpentage avec table30. Les autorités d’Aniane le disent d’ailleurs en 1526 : leur matrice « es estada facha apres le reste de la ressercha de la dieusesa31. » Celle de Saint-Paul-et-Valmalle de 1527 suit la « costuma de la dioseze de Magalona32 ».

    20L’influence des modalités (certes préexistantes) de réalisation d’une Recherche sur les communautés de son diocèse civil est donc très forte et la réussite technique de telles opérations a dû convaincre les habitants de Saint-André-de-Sangonis de l’adopter pour réaliser le compoix de 1538. Peut-être faut-il voir justement là, dans la force de la nouveauté, une raison importante du surgissement, dans notre source, d’une argumentation si complète qui accompagne la table d’allivrement placée en tête de ce registre.

    Estimer, établir et hiérarchiser la valeur des biens fonciers et immobiliers

    21On accède ici, du point de vue historique, à un savoir-faire complexe mis en œuvre dans les sociétés rurales : fixer la valeur des biens. Cela se fait à travers l’élaboration d’une grille, au moyen de critères auxquels nous n’avons d’ordinaire plus accès, alors qu’ils sont ici précisément exposés.

    Estimer la valeur du bâti : trois déterminants

    22On peut ainsi retrouver les déterminants qui ont permis de hiérarchiser les biens bâtis grâce aux tarifs fixés par « canne carrée » (env. 4 m²). On voit se dessiner un classement net selon une échelle dégressive, qu’on peut résumer sous forme de tableau.

    Tableau 1. – La hiérarchie simplifiée de la valeur des biens bâtis dans le compoix de Saint-André de 1538.

    Bâti

    Tarif cadastral*

    Justification d’époque

    Déterminants

    « maisons […] sur des rues utiles et profitables »

    6

    « avec des boutiques d’artisans ou des hôtelleries […] apportant quelque revenu ou profit »

    fonction plus-value économique

    « étables utiles »

    « apportant profit aux hôtelleries ou d’une autre manière »

    fonction plus-value économique

    « maisons […] dans d’autres rues traversières »

    4

    « n’apportant aucun revenu, sinon pour l’habitation »

    fonction

    étables

    « qui serviront à garder du bétail »

    fonction

    domaines et bâtiments agricoles

    2

    « mas, enclos, (bâtisses) couvertes, soues (à cochons) et poulaillers »

    fonction état

    domaines isolés

    « mas qui sont par le terroir pour s’enfuir par nécessité de peste »

    fonction état/situation

    domaines agricoles

    1

    « mas enclos de cours qui se trouveront autour de la ville ou par le terroir »

    fonction état/situation

    maisons ruinées

    « maisons dont les murs et les toitures sont tombées »

    fonction état

    * exprimé en sous par canne carrée (env. 4 m²).
    AD Hérault, 114 EDT 86, compoix de Lagamas, 1552, fo 3 ro-5 ro : « table » du compoix de Saint-André-de-Sangonis (1538).

    23Ainsi la communauté de Saint-André-de-Sangonis a décidé de fiscaliser les biens bâtis selon un tarif variant de six à un denier par canne carrée, selon ce que les mathématiciens appellent une « suite ». Ainsi une étable « apportant profit aux hôtelleries ou d’une autre manière » est nettement mieux appréciée qu’une simple maison « dans d’autres rues traversières n’apportant aucun revenu, sinon pour l’habitation ». Un mas ou domaine agricole du finage « enclos de cour » vaut deux fois moins par canne carrée qu’un autre mas « par le terroir pour s’enfuir par nécessité de peste » : sans doute le second, peut-être fortifié ou plus cossu, est-il en meilleur état et mieux protégé des aléas que le premier. On trouve certains de ces beaux domaines ruraux, à la fois exploitations agricoles et « maisons de plaisance » servant de refuge aux familles nobles ou bourgeoises en période d’épidémie, aux environs de Montpellier à la même époque, près de Grabels ou Vendargues par exemple33. Il existe donc un fonds culturel commun qui a permis d’établir cette hiérarchie immobilière et ce tarif. Les critères de discrimination semblent relever de la recherche d’un équilibre entre trois éléments : la fonction du bien, l’éventuelle plus-value économique qu’il peut apporter au propriétaire, son état et/ou situation.

    Ill. 3. – Extrait de la table d’allivrement pour les maisons.

    Image

    AD Hérault, 114 EDT 86, compoix de Lagamas, 1552, fo 3 ro.

    Cliché B. Jaudon.

    24Cela est confirmé dans le même document par le sort fiscal des « terrains », c’est-à-dire des parcelles non bâties qui parsèment le bâti. Ceux enclos de murs sont portés au compoix pour cinq sous par sétérée (2 469 m²) contre deux pour ceux non enclos. L’état des premiers, mieux protégés que les seconds, peut permettre l’exercice d’une fonction (« comme sont les aires [à dépiquer] ou autres ») qui apporte une valorisation potentielle.

    25Fonction, potentialité économique, état/situation : la hiérarchie des biens bâtis se fonde donc sur une approche très pragmatique des espaces urbanisés du village languedocien. Cette approche, qui relève pour les historiens du champ des rationalités pratiques, interroge sur la nature de ce savoir-faire et ouvre une discussion fondamentale : s’agit-il d’un savoir-faire empirique ou d’un élément de culture savante diffusé dans les espaces ruraux antérieurement au xvie siècle ? On le verra infra.

    26Retrouve-t-on ailleurs la hiérarchie et les critères repérés à Saint-André-de-Sangonis ? Dans les garrigues particulièrement sèches des environs de Montpellier, à Notre-Dame-de-Londres (1528) et Argelliers (1531), on dispose de tables d’allivrement, comme d’habitude non commentées34. Dans ces deux villages, on opte pour des grilles cadastrales identiques. Les maisons voûtées avec un ou des étages sont les bâtiments les plus fiscalisés (trois derniers par canne²), suivies des maisons non voûtées et/ou sans étage(s), mieux estimées que les simples bâtisses agricoles, elles-mêmes placées au-dessus des simples cours et terrains. Les grandes lignes de la hiérarchie de la valeur du bâti se retrouvent, ainsi que les critères discriminants de la fonction et de l’état/situation du bien. En effet, dans des finages où le bois est presque absent, la technique de construction par voûte est d’une grande valeur et systématiquement soulignée35. La même logique se retrouve, à grands traits, dans le compoix de Pérols, en 1561 : les maisons à trois étages sont plus fiscalisées que celles à deux étages et ainsi de suite36. Dans ce critère très valorisé de l’état/situation du bien s’ajoute ponctuellement le déterminant économique : une « cabane estant pozee audit lieu et son terroir » est allivrée trois sous l’unité. Il s’agit vraisemblablement des cabanes traditionnelles de pêcheurs en roseaux qu’on retrouve dans les communautés littorales, dans les documents d’archives au même moment37. À Saint-André en 1538 comme dans des dizaines d’autres compoix, les potentialités économiques des moulins bladiers, à huile ou foulons, ainsi que des équipements artisanaux de certains lieux et bâtiments retiennent l’attention et entraînent leur forte fiscalisation.

    27Fonction, plus-value économique, état/situation : les trois déterminants du prix du bâti dans les compoix languedociens sont expliqués et exposés dans notre document. Ils accompagnent le renouvellement méthodologique de l’enquête cadastrale qui est alors en cours. Ils se retrouvent dans la hiérarchie de la valeur du bâti dans les tables d’autres compoix du temps mais systématiquement livrées sans aucune argumentation. Il faut, jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, se contenter de l’énigmatique formulette qu’emploie déjà la municipalité de Saint-Geniès-de-Fontedit en 1559 : tarif et hiérarchie des différentes catégories de bien se justifient « ayant esguard a las commoditatz et incommoditatz, fertillytatz et infertillytatz, loc et sytuatioun38 ». Seuls varient les tarifs par superficie, souvent propres à chaque village lorsque celui-ci souhaite se doter d’un compoix et que la communauté d’habitants « accorde » la table et « s’accorde » à son sujet. Cela pose la question de décisions et de choix fins, guidés par des enjeux fiscaux collectifs, qui concernent cependant chaque propriétaire et ses intérêts personnels.

    Entre choix d’une communauté et expérience des experts

    28La fiscalisation des espaces agraires et incultes du finage à Saint-André en 1538 permet de mesurer plus encore la finesse de réflexion que mobilise une population pour se donner des règles d’estimation et de calcul de la valeur des terres.

    Tableau 2. – La hiérarchie simplifiée de la valeur des terres dans le compoix de Saint-André de 1538.

    Nature du bien

    Tarif cadastral*

    Hiérarchie globale

    prés proches des cours d’eau

    20

    1 cultures irriguées

    safranières

    16

    prés

    jardins clos de murs

    15

    champs proches des cours d’eau

    12

    jardins clos de haies

    10

    vignes

    8

    2 cultures sèches

    champs

    6

    olivettes

    amanderaies

    4

    ferragines

    chênaies

    3 inculte

    rivages

    1,66

    bois de chauffage

    0,66

    friches

    0,16

    * exprimé en sous par sétérée carrée (un peu moins de 2 500 m²) ; on a retenu uniquement le tarif le plus élevé de chaque nature de bien.
    AD Hérault, 114 EDT 86, compoix de Lagamas, 1552, fo 5 ro-7 ro.

    29La première hiérarchie qui s’établit dans le finage de Saint-André au xvie siècle est donc relative aux grandes familles agrestes qui composent le paysage rural. Les cultures irriguées ou très soignées sont de plus grande valeur que les cultures sèches, quant à elles mieux estimées que l’inculte, lui-même plus ou moins entretenu ou exploité, parfois de manière insoupçonnée et à redécouvrir39. La lecture plus détaillée de la table montre toute une gradation de la valeur à l’hectare de chaque nature de bien, selon qu’il sera jugé « bon », « moyen » ou « faible ». Et cela bouleverse la hiérarchie simplifiée exposée dans le tableau 2.

    Ill. 4. – Extrait de la table d’allivrement pour les jardins potagers.

    Image

    AD Hérault, 114 EDT 86, compoix de Notre-Dame-de-la-Garrigue, 1552, fo 5 ro.

    Cliché B. Jaudon.

    30Il existe donc une appréciation très fine de la valeur des parcelles qui présente une amplitude totale de 125 (contre 6 pour le bâti) entre les tarifs extrêmes. On comprend qu’une communauté d’habitants applique à son environnement une grille de calcul de la valeur des terres qui suit une hiérarchie d’ensemble simple, doublée d’une hiérarchie de détail très subtile dont la diffusion et la permanence, jusqu’à la Révolution au moins, sont remarquables en Languedoc40. Le premier déterminant de la valeur d’une terre, c’est donc la nature de sa mise en valeur et très probablement, la bonne ou mauvaise adéquation de cette dernière avec le terroir où se localise la parcelle. Elle correspond au critère « fonction » appliqué au bâti. Deux autres déterminants la font basculer vers une hiérarchie fine et entremêlée, en fonction du jeu des degrés « bon », « moyen » et « faible », qui induisent des valeurs différenciées à la sétérée. Et pour une fois, l’argumentaire qui justifie ces choix fins est exposé dans la table d’allivrement de 1538.

    Tableau 3. – Les déterminants de la valeur des terres dans le compoix de Saint-André de 1538.

    Justification du tarif : parcelle…

    Occurences

    Proposition de regroupement

    Occurences

    Déterminant

    … de bonne ou faible production

    5

    récolte supposée

    5

    nature de la mise en valeur

    potentialité économique

    … bien ou mal protégée (du bétail par ex.)

    4

    récolte protégée

    4

    … de moindres ou grands frais

    3

    frais de culture

    4

    … semée sans façons culturales

    1

    … sensible aux hivers rigoureux ou à la pluie

    2

    aléa météorologique

    2

    nature de la mise en valeur

    vulnérabilité/ robustesse

    … sujette au picorage des oiseaux

    2

    autres aléas naturels

    4

    … exposée aux inondations

    1

    … exposée à une invasion de mauvaises herbes

    1

    AD Hérault, 114 EDT 86, compoix de Lagamas, 1552, fo 3 ro-5 ro.

    31De ces explications qu’on peut synthétiser, émerge ainsi la potentialité économique supposée de la parcelle, qui fait se mouvoir l’échelle de sa valeur dans la table. Si les bons champs céréaliers ont par exemple été allivrés six sous par sétérée, les champs faibles sont estimés un sou six deniers pour la même superficie : c’est quatre fois moins. À Saint-André en 1538, un champ considéré comme faible par les agents cadastraux vaut autant qu’un mauvais verger d’oliviers, bien plus qu’une amanderaie ou une chênaie faibles mais moins que la ripisylve. Cette potentialité économique est le fruit de l’adéquation entre la culture portée par la parcelle et le terroir où elle s’implante. Ce critère intègre aussi les frais supposés de culture, comme « les vignes bonnes, parce que leur rente est plus quitte [de frais] que [celle du] champ et [de] l’olivette ». D’autres cultures ou mises en valeur sont aussi dites « bonnes pour fructifier » en soi. Deux générations plus tard, à Agde, le soin porté aux cultures est souligné d’un trait rouge : « le plus souvant & plus com[m]ung la fertillité desds[ites] pieces particulieres procede de la bonne dilligence bon mesnaige & culture des proprieteres, comme aussi l’infertillité de la negligence & mauvais mesnage d’iceulx41. » Comme pour le marché foncier ailleurs dans le royaume, la grille de 1538 est donc « marquée du sceau d’une rationalité fondamentalement économique42 ». On comprend mieux, par ricochet, pourquoi certains compoix plus tardifs signalent que les opérations cadastrales nécessitent la présence des propriétaires, si possible avec des papiers justifiant les charges annuelles pesant sur le bien43.

    32La prise en compte des aléas, si prégnante pour les récoltes dans un monde agricole encore dominé par les contraintes météorologiques, fait apparaître un troisième déterminant du prix de la terre qu’on pouvait soupçonner : le degré de vulnérabilité/robustesse de la culture. Ici, la vigne apparaît comme moins menacée d’aléas que l’olivier, les bleds ou l’amandier : de fait, sa valeur cadastrale est globalement plus forte, huit sous la meilleure sétérée contre respectivement six, six et quatre sous.

    33Il revient donc aux agents cadastraux qui expertisent un finage, parcelle après parcelle, de faire varier le curseur entre ces trois déterminants de la valeur des biens cultes et incultes. Ainsi se donnent-ils les moyens de recourir, ultérieurement, en cabinet, à la table d’allivrement, pour calculer la valeur cadastrale d’une terre. Ce savoir-faire de l’estimation permet ensuite de mathématiser le réel en multipliant la superficie d’une parcelle par un tarif prédéterminé par unité de surface44.

    34Ces trois déterminants (nature, potentialité économique, vulnérabilité/robustesse) sont vraisemblablement issus de pratiques d’estimation très anciennes et très ancrées dans les campagnes du Languedoc. Il est donc logique de penser à un transfert culturel des pratiques notariales relatives aux prix du foncier en direction de l’estimation de la valeur cadastrale des biens45. Des modèles de grilles cadastrales circulent d’ailleurs, sans doute véhiculés par les agents cadastraux eux-mêmes et parmi eux, putativement, par le notaire. Tout près de Saint-André, les compoix d’Argelliers et de Notre-Dame-de-Londres ont exactement la même table d’allivrement et… les mêmes auteurs : les « destraïres » (arpenteurs) Mathieu Vielho et Mauri Solas. La polyvalence des agents cadastraux de la France méridionale du xvie siècle, comme au siècle précédent, est connue mais rien ne dit que l’un des deux était notaire46.

    35Autour de la ville d’Alès (Gard) en revanche, le notaire Claude Pouget, venu d’un petit village près de Remoulins (Gard) réalise plusieurs compoix et telle municipalité lui accorde toute sa confiance pour réaliser un cadastre selon son expérience et ses habitudes47. Il s’agit d’un notaire actif qui réalise le compoix de la ville d’Alès de 1544, où il est décrit comme « dextraïre bon p[ru]dhomme expert que l’on dict48 ». Depuis la fin du Moyen Âge dans les Cévennes ou la moyenne vallée de l’Hérault par exemple, les notaires sont très fréquemment des membres importants des équipes cadastrales.

    36Une table d’allivrement comme celle de Saint-André de 1538 peut donc consister en une version simplifiée de déterminants notariaux du prix marchand des terres et des bâtiments, mais déconnectée de la réalité immédiate du jeu de l’offre et de la demande, aux règles par ailleurs si subtiles mais tout aussi impersonnelles49. Les trois critères énoncés plus haut peuvent donc être issus de la culture notariale, si présente dans les campagnes depuis le Moyen Âge50. Mais les arguments énoncés pour justifier les tarifs de la grille cadastrale nous amènent quand même plus loin ou ailleurs qu’une grille notariale simplifiée. On y voit confusément affleurer tout autre chose et on peut se demander au sujet du scribe, comme on pouvait le demander à Menocchio : « au nom de quoi parlait-il51 » ?

    Entre empirisme pratique et culture savante

    37Évoquer la robustesse ou la vulnérabilité d’une mise en valeur du sol relativement à une autre pour justifier sa valeur fiscale renvoie à des concepts issus d’une culture autre. Ainsi le scribe du compoix de Saint-André de 1538 nous explique que les olivettes ont un rendement indécis en raison « d’un grand coût, parce que ce sont celles [qui peuvent souffrir] en hiver et mauvais temps de froid et de pluies et [la récolte] est sujette aux oiseaux ». « L’olivier ne vient sans grand soing & labeur dans ces païs septentrionaux, à raison de la froideur de l’air, parce qu’il dema[n]de un air chaud & temperé » et cette culture occasionne de grands frais, nous explique Charles Estienne en 156452. La table de notre cadastre véhicule donc des préceptes agronomiques dont il est intéressant de se demander s’ils peuvent être issus de la littérature spécialisée du temps.

    38Ainsi au sujet des vignes, le registre nous signale, comme on l’a dit, que « leur rente [revenu] est plus quitte [de frais] que [celle du] champ et [de] l’olivette ». L’agriculture et maison rustique ne dit rien de tel mais revient sur les soins moins poussés que demande le vignoble, sinon que « le cailloüage en costau de Midy, fait fort vin & delicat, pourveu qu’il soit labouré jusques a sa grouëtte, & souve[n]t rafraichy de labour, moins que de fien[te], marne, ou autre amendement53 ». Hormis ces labours plus nombreux, l’auteur insiste sur une culture propice aux complants de vignes et de céréales entre ses propres rangées54.

    39Les passerelles entre les écrits du médecin, imprimeur et philologue parisien et la grille occitane de 1538 ne s’arrêtent pas là. Au sujet des jardins potagers, on s’attend à Saint-André qu’ils soient enclos au mieux d’un mur et au pire d’une haie : ainsi « leurs fruits sont protégés » de la dent du bétail. Pour Charles Estienne, on retrouve cette nécessité « d’une haye visve bien espesse, […] pour le danger du bestial eschappé, qui peut plus faire de dommage au profit, qu’au plaisir de son maistre55 ». De même, on sait que la grille de 1538 place les bois de chênes verts et de chênes rouvres au sommet de la hiérarchie de l’inculte, sans doute parce qu’ils sont exploités (« donnant des fruits »), mais leurs revenus sont plus hasardeux (« leur rente n’est pas aussi bonne que l’olive »). Il en va de même dans L’agriculture et maison rustique, publiée en 1564, compile des ouvrages du même auteur depuis 1536, où celui-ci dresse un tableau laudatif du chêne et du châtaignier (p. 124 ro)56 :

    « Le chesne, c’est l’arbre du plus de fruit & de plus grande commodité qu’arbre qui soit en la Gaule. Parce és anciens bois & forests lon a tousjours gardé les bois de cette espece, comme les plus necessaires & profitables. De cette sorte d’arbres, on met trois differences : & de chacune difference, combien qu’au vulgaire ils portent tous le nom du chesne, toutesfois le Latin leur donne à chacun leur propre nom, appelant l’une sorte robur [chêne pédonculé, ndla] : l’autre quercus [chêne] : l’autre ilex [chêne vert]57. »

    40Les coïncidences entre l’argumentaire de notre table d’allivrement et la hiérarchie des valeurs fiscales en fonction de la nature des biens sont peut-être révélatrices. Il est tout à fait possible qu’un fond de littérature agronomique se soit diffusé dans les campagnes languedociennes de la Renaissance. Ainsi le catalogue en ligne du fonds ancien de la médiathèque de Montpellier conserve, de 1472 à 1538, au moins neuf exemplaires des De re rustica d’Alde Manuce, Giorgio Merula, Giorgio Alexandrine ou Pietro Vettori, ainsi que le De agricultura opusculum de Charles Estienne (1537). On sait que ces auteurs reprennent et commentent les quatre anciens agronomes latins Caton, Varron, Columelle et Palladius, mais pas seulement : il s’imprime et s’édite alors beaucoup de littérature agronomique à Lyon, par exemple58. Les écrits des quatre agronomes latins, génériquement dénommés les De re rustica, ont été traduits et publiés en 1864 sous la direction de Désiré Nisard59.

    41Si on reprend la hiérarchie de la valeur des terres chez ces auteurs, il existe des points communs tangibles avec la table d’allivrement de Saint-André. Il en va ainsi de la manière dont le scribe de 1538 explique la première position du tarif des prés à faucher proches des cours d’eau, « parce qu’ils ne sont pas [semés en] rangées [et] sillons » : leur production d’herbe ne demande ni façon culturale ni entretien. En cela, l’argument rejoint Varron : « Il en est qui mettent les bonnes prairies en première ligne et je suis de ce nombre […] à cause de leur production spontanée60. » Le parallèle est éloquent.

    42On pourrait en rester là et en déduire que la littérature agronomique de la Renaissance, qui remet à l’honneur les quatre agronomes latins, a influencé des experts chargés d’élaborer la grille d’évaluation de ce cadastre. On peut imaginer qu’observations et pratiques séculaires ont alimenté les traités agronomiques de la Renaissance, même si Charles Estienne n’a jamais, de son propre aveu, que bien peu « rustiqué », mais beaucoup compilé les Anciens et conversé avec ses contemporains cultivateurs61. On sait que la littérature agronomique était destinée à un lectorat assez ciblé : il s’agissait d’un genre à visée didactique, essentiellement « réservé aux lecteurs privilégiés qui savent le latin », pour qu’eux-mêmes le diffusent ensuite auprès du monde paysan62. On peut ainsi penser que les préceptes tirés de ces traités ont ensuite fait retour dans les espaces ruraux via les bibliothèques de lettrés et de notaires par exemple, les livres qu’ils se prêtent peut-être, la façon dont ils les lisent. Qu’il est tout à fait possible que le scribe, les agents cadastraux ou un notable du village a transcrit dans cette table d’allivrement des bribes de culture savante. Cela, par exemple, est particulièrement vrai pour le savoir-faire de l’arpentage, dont la pratique, au xve siècle déjà, « laisse croire à la permanence de la littérature ancienne des gromaticiens, voire à la pérennité des pratiques anciennes d’arpentage63 ».

    43Mais réfléchir ainsi pour la constitution de principes agronomiques, c’est en revanche et assurément faire fausse route : « Expliquer ces analogies par une simple diffusion du haut vers le bas signifierait adhérer à la thèse, insoutenable, selon laquelle les idées naissent exclusivement au sein des classes dominantes64. » D’ailleurs, Corinne Beutler se heurte à la question de la diffusion et de la portée de la littérature agronomique dans les campagnes de la Renaissance, qu’elle ne peut mesurer et dont elle doute65. C’est pour cette raison même que demeure une discordance majeure. L’argumentaire de la grille et la littérature agronomique se recoupent certes très visiblement, mais pas tant que cela ou du moins, pas systématiquement. Reparlons des champs céréaliers qui, selon le texte de 1538, « sont sujets aux oiseaux, comme les pigeons et tous autres oiseaux, [qui risquent] de manger la semence et [dont la récolte risque les] ennoiements d’eaux et d’herbes, [et que] s’y perd souventefois la semence ». On ne retrouve cet argumentaire ni chez Estienne ni avant, dans les éditions commentées des Libri de re rustica. Plusieurs autres assertions ne sont propres qu’à cette grille de fiscalisation de 1538.

    44L’argumentation transcrite par le scribe dans la grille cadastrale de Saint-André fait effectivement apparaître des influences venues des agronomes que la Renaissance redécouvre. Mais celles-ci rencontrent les éléments tangibles d’une vraie connaissance du monde rural par ses acteurs et se mélangent au-delà des terminologies66. Elles fondent ce qu’on se propose d’appeler une culture agronomique interne à la société rurale, sans doute grandement orale et fondée sur un empirisme paysan réel dont, pour une fois, nous disposons d’un témoignage écrit.

    Conclusion

    45Le savoir-faire qui consiste à estimer la valeur des biens, ici dans un but cadastral et non marchand, était indispensable aux ruraux, car il impactait directement le taux de contribution de chaque propriétaire à la taille royale. La table d’allivrement contenue dans le préambule du compoix de Saint-André-de-Sangonis de 1538 nous livre un témoignage unique sur les critères « accordés » et argumentés par la population du village pour discriminer la valeur des parcelles bâties et non bâties et en proposer une hiérarchie à la fois simple dans ses grandes lignes et subtile dans son application sur le terrain. Il s’agit, comme pour l’action même d’arpenter, de passer « alors d’une réalité concrète à une abstraction », c’est-à-dire d’éléments paysagers en un nombre, par la mathématisation de la valeur principalement économique qu’on leur accorde67.

    46Ces déterminants du prix de la terre peuvent être ramenés à quelques critères simples, les « commodités et incommodités », « fertilité et infertilité », sur lesquels les historiens butent depuis trop longtemps. Pour le bâti, il s’agit d’établir un tarif en fonction de la nature du bien, de son état/situation et de son potentiel économique. Pour le non bâti, l’échelle des prix cadastraux se situe au carrefour de l’adéquation de la nature du bien avec son terroir, du potentiel économique qui en découle, ainsi que de la vulnérabilité/robustesse de la parcelle. Ces trois déterminants recoupent donc l’expression « utile et profitable » qui est souvent employée pour parler des résultats de l’agriculture dans les archives.

    47L’estimation foncière, dans un compoix en tout cas, à travers les tables d’allivrement, reste pourtant un savoir-faire rarement abordé, car il demeure difficile d’accès pour les historiens. En effet, on peut se demander si le scribe ne transcrit pas simplement ses propres conceptions en matière d’estimation de la valeur des terres. Il semble ici que non, d’une part parce que le document est public. D’autre part, la table est « accordée » par une large population et son argumentaire, s’il vient à être importé par des experts, a donc fait écho et consensus auprès des habitants de Saint-André. Les conceptions agronomiques qu’on lit ont alors probablement cours, communément et sans doute depuis très longtemps, dans la moyenne vallée de l’Hérault et très largement au-delà.

    48On peut donc proposer comme hypothèse, pour le xvie siècle languedocien, à travers ce seul exemple admettons-le, que l’estimation de la valeur des terres se tient à la confluence d’une culture rurale orale (la connaissance empirique de préceptes agricoles), d’une culture notariale (l’expertise de la valeur des biens fonciers et immobiliers) et d’une culture agronomique (la lecture probable de traités en vogue). Les trois s’alimentent sans doute par des circulations culturelles mutuelles et permanentes qu’il est impossible de mesurer aujourd’hui, en l’état actuel, non pas de la documentation disponible mais de son exploitation encore trop faible. Ces interpénétrations d’horizons culturels divers éclairent ainsi, d’une autre lumière, la biographie d’Antony, le jardinier expérimenté et souvent en voyage pour son maître le pharmacien Laurent Catalan, de Montpellier ou l’adoption par les ruraux, près de cette ville, au milieu du xvie siècle, des nouveautés des Amériques : dindon, cactus, bois rouge du Brésil68… C’est par le caractère unique de l’argumentation qu’elle présente que la copie de la table d’allivrement du compoix de Saint-André-de-Sangonis de 1538 s’avère inestimable. Elle appelle à mobiliser les sources au plus près des ruraux, d’ordinaire silencieux, pour reconsidérer la culture qu’ils ont élaborée et comment ils se représentaient leur propre environnement « dans un âge caractérisé par la présence d’échanges souterrains féconds, dans les deux sens, entre la haute culture et la culture populaire69 ».

    Annexe

    Préambule du compoix de Saint-André-de-Sangonis (Hérault) Texte de 1538 traduit et normalisé

    Ce préambule présente la « table » ou grille de fiscalisation du finage de Saint-André de 1538, car elle a été remployée pour réaliser le compoix du lieu voisin de Lagamas (Notre-Dame-de-la-Garrigue) en 1552. Ce lieu et ce terroir sont contentieux, jusqu’à la Révolution, entre quatre communautés (i. e. municipalités) : Saint-André, Saint-Jean-de-Fos, Gignac et Montpeyroux.

    NB

    • la ponctuation est proposée pour fluidifier la lecture

    • [ajouté par nous]

    • occitanisme

    ⁂

    S’ensuit la table et façon de procéder en détail, pour compésier et arpenter les terres de la juridiction et du [terroir et] taillable du lieu de Saint-André, pour faire le compoix pour répartir la taille et autres affaires [fiscales] dudit lieu. Faite par nous Gaillard Azémar, Estienne Teule, Pierre Fesquet et Antoine Valescure, commis et élus par le conseil sur la volonté de la majeure partie des habitants dudit lieu, assemblés le 10 mai 1538 par décret de la Cour [des Comptes, Aides et Finances de Montpellier]. Nous nous sommes accordés comme s’ensuit.

    ⁂

    Et en premier les maisons.

    Nous avons convenu que les maisons dans la ville ou hors de la ville, qui se trouveront sur des rues utiles et profitables, avec des boutiques d’artisans ou des hôtelleries ou qui apportant quelque revenu ou profit, suivant le dire des prudhommes qui seront élus pour regarder, compésier et estimer [les biens], seront [portées au compoix] par canne carrée 6 deniers.

    De même, les autres maisons qui seront dans d’autres rues traversières n’apportant aucun revenu, sinon pour l’habitation, seront en compoix par canne carrée 4 deniers.

    De même, les étables utiles, apportant profit aux hôtelleries ou d’une autre manière, seront en compoix par canne carrée 6 deniers.

    De même, les étables qui serviront à garder du bétail feront en compoix par canne carrée 4 deniers.

    De même, nous nous sommes accordés que les mas, enclos, [bâtisses] couvertes, soues [à cochons] et poulaillers seront par canne carrée en compoix 2 deniers.

    De même, les mas enclos de cours qui se trouveront autour de la ville ou par le terroir seront en compoix par canne carrée 1 denier.

    De même, les mas qui sont par le terroir pour s’enfuir par nécessité de peste – que Dieu nous garde – seront en compoix par canne carrée 2 deniers.

    De même, les maisons dont les murs et les toitures sont tombées, seront en compoix pour deux cannes carrées 1 denier.

    ⁂

    De même, les femouras pour mettre les fientes seront en compoix pour deux cannes carrées 1 denier.

    De même, les terrains enclos de murs comme sont les aires [à dépiquer] ou autres seront en compoix par sétérée 5 sous.

    De même, les autres terrains qui ne sont pas entourés de murs, qui sont autour de la ville ou à l’intérieur, seront en compoix par sétérée 2 sous.

    ⁂

    De même, nous nous sommes accordés que les pigeonniers qui seront encolombés de pigeons seront en compoix 1 livre 10 sous.

    De même, les pigeonniers moyens seront en compoix 1 livre.

    De même, les colombiers faibles sans aucun pigeon seront en compoix 10 sous.

    ⁂

    De même, nous sommes accordés que les moulins bladiers qui sont dans les valons des petites rivières, qui auront deux roues moulant toute l’année grâce à des pansières [retenues], et sera la meule qui moudra et l’autre roue tournant sur le cours d’eau courante sera en compoix 2 livres 10 sous [par roue ou par meule ?].

    De même, les moulins qui sont dans des petits valons qui n’ont pas l’eau toute l’année, seront en compoix par roue [ou par meule ?] 2 livres.

    De même, les moulins à huile dans leurs bâtiments pour défaire les olives seront en compoix 2 livres 10 sous.

    ⁂

    De même, nous sommes accordés que les tuileries pour fabriquer les tuiles et leur four, terrain et pastière seront en compoix 12 sous 6 deniers.

    De même, nous sommes accordés que les calquières et mégisseries pour tanner et faire les cuirs seront en compoix 2 livres.

    De même, nous sommes accordés que les tours à aiguiser les outils tranchants seront en compoix 1 livre.

    De même, nous nous sommes accordés que les ferragines qui seront bonnes pour fructifier les herbes [et] qui seront protégées du bétail seront en compoix par sétérée 4 sous.

    ⁂

    De même, les autres ferragines qui ne seront pas protégées pour fructifier les herbes seront en compoix par sétérée 2 sous.

    De même, nous nous sommes accordés que les safranières seront en compoix par sétérée 16 sous.

    De même, nous nous sommes accordés que les jardins potagers qui sont enclos de murs, parce que leurs fruits sont protégés et se gardent mieux que tous les autres entourés de haies seront en compoix par sétérée 15 sous.

    De même, les autres jardins entourés de haies, parce que leurs fruits ne se gardent pas aussi bien que les autres qui sont entourés de murs, ils seront en compoix par sétérée 10 sous.

    De même, les jardins moyens seront en compoix par sétérée 5 sous.

    De même, les jardins faibles, seront en compoix par sétérée 2 sous 6 derniers.

    De même, nous nous sommes accordés que les prés des bords des rivières, parce qu’ils ne sont pas semés en rangées [et] sillons, seront en compoix par sétérée 1 livre.

    De même, les autres prés bons seront en compoix par sétérée 16 sous.

    De même, les prés moyens seront par sétérée en compoix 8 sous.

    De même, les prés faibles seront en compoix par sétérée 4 sous.

    ⁂

    De même, nous nous sommes accordés que les vignes bonnes, parce que leur rente [i. e. revenus] est plus quitte [de frais] que [celle du] champ et [de] l’olivette, seront en compoix par sétérée 8 sous.

    De même, les vignes moyennes seront en compoix par sétérée 4 sous.

    De même, les vignes faibles seront en compoix par sétérée 2 sous.

    De même, nous nous sommes acccordés que les olivettes bonnes, parce que leur rente est d’un grand coût, parce que ce sont celles [qui sont menacées] en hiver et mauvais temps de froid et de pluies et sont sujettes aux [picorage des] oiseaux, seront en compoix par sétérée 6 sous.

    De même, les olivettes moyennes seront en compoix par sétérée 3 sous.

    De même, les olivettes faibles seront en compoix par sétérée 1 sou 6 deniers.

    ⁂

    De même, nous nous sommes accordés que les champs [céréaliers] des bords des rivière, parce qu’ils se sèmeront plus souvent que les autres, seront en compoix par sétérée 12 sous.

    De même, les autres champs bons, parce qu’ils sont sujets aux oiseaux, comme les pigeons et tous autres oiseaux, de manger la semence et ennoiements d’eaux et d’herbes [mauvaises], [parce que] s’y perd souventefois la semence, seront en compoix par sétérée 6 sous.

    De même, les champs moyens seront en compoix par sétérée 3 sous.

    De même, les champs faibles seront en compoix par sétérée 1 sou 6 deniers.

    ⁂

    De même, nous nous sommes accordés que les amanderaies bonnes, parce qu’elles fleurissent sur la fin de l’hiver, [parce] que les fruits sont plus sujets de se perdre beaucoup de fois à cause du froid et des gels et gelées blanches, seront en compoix par sétérée 4 sous.

    De même, les amanderaies moyennes seront en compoix par sétérée 2 sous.

    De même, les amanderaies faibles, seront en compoix par sétérée 1 sou.

    ⁂

    De même, nous nous sommes accordés que les chênes verts et les chênes rouvres donnant des fruits, parce que leur rente n’est pas aussi bonne que l’olivier, seront en compoix par sétérée 4 sous.

    De même, les chênes verts et rouvres moyens seront en compoix 2 sous.

    De même, les chênes verts et rouvres faibles seront en compoix par sétérée 1 sou.

    De même, nous nous sommes accordés que les bois bons pour le chauffage seront en compoix par sétérée 8 deniers.

    De même, les bois moyens seront en compoix par sétérée 4 deniers.

    De même, les friches et genêts épineux et hêtres, ce qui est un bois faible, seront en compoix par sétérée 2 deniers.

    De même, nous nous sommes accordés que les rivages qui ne portent que des arbres infertiles, bois d’œuvre et rameaux, seront par sétérée en compoix 1 sol 8 deniers tournois.

    Préambule du compoix de Saint-André-de-Sangonis (Hérault) Texte de 1538 transcrit de l’occitan

    Ensec se la table et forme de proceder de compesar et dextrar las terres de la jurisdiction et talhable del loc de Sainct Andrieu per lou menut per faire lou compes per faire la talhe et au[tr]es affaires deldict loc fache per nous Galhard Azemar Estienne Teulle Pierre Fesquet et Anthoine Valescure comizes et eslegitz per lou conseil en la voluntat de la majour partie delz habitans deld[ich] loc assemblatz lou dexanou del mes de may mil cinq centz trente huech per decret de la Court nous sen accordatz cuomme sensec

    ⁂

    Et primo los hostalz

    Aven accordat que lous hostalz de dans la ville ou defors la ville que seran carrieresutilles & proffitables et boutiques de menestairalz ou hostalarens ou per peurtans aucuns reveneus ou proffit segon lou dire des preudhommes que seran eslegitz per regardar compesar & extimar seran per cane cayrade VI d[eniers]

    Item lous aultres hostalz q[ue] seran en aultres carrieres travesses non pourtan revenu si non per leur habita[ti]on seran en compes per cane cayrade IIII d[eniers]

    Item lous estables utilz pourtant proffit de hostalteies ou aultrement seran en compes per cane cayrade VI d[eniers] Item lous estables q[ue] seran per habita[ti]on de leur bestial feran en compes per cane cayrade IIII d[eniers]

    Item nous sen accordatz q[ue] lous mazes cortialz cubertz soudez et galinialz seran per cane cayrade en compes II d[eniers]

    Item lous mazes courtialz dels courtz que seran a la voulte de la ville ou per la terre seran en compes per cane cayrade I d[enier]

    Item lous mazes que sont per la terre per fugy a necessitat de peste que dieu nous garde seran en compes per cane cayrade II d[eniers]

    Item lous hostalz tombatz de paretz et de tieulades seran en compes de dos canes cayrades I d[enier]

    Item lous femorasses per mettre fiens seran en compes de dos canes cayrades I d[enier]

    Item lous patus claux de paret comme sont ayres ou aultres seran en compes per cestairade V s[olz]

    Item lous aultres patus que non son tournejatz de paretz que son a la voulte de la ville ou dedins seran en compes per cestairade II s[olz]

    Item nous sen accordatz que lous colombies que son colombeiratz de colons seran en compes une livre dix solz I L[ivre] X s[olz]

    Item lous colombiers moyens seran en compes une livre I L[ivre]

    Item les colombies feibles avec aucungz coloms seran en compes X s[olz]

    Item nous sen accordatz que lous molins del blat que son per lous vallatz de petites rivieres que auran dos rodes molen tout lan a paysseyrades et s[er]a la rode que molera & lalultre rode

    molan per cours daigues correns s[er]a en compes II L[ivres] X s[olz]

    Item lous moulins que sont en petitz vallatz daigue que non an laigue tout lan seran en compes per rode II L[ivres]

    Item lous moulins de lolly en sa maison deld[ich] molli per deffar las ollives seran en compes II L[ivres] X s[olz]

    Item nous sen accordatz q[ue] las teullieres per far lous teulles en lou four layre & pastiere seran en compes douze solz six deniers XII s[olz] VI d[eniers]

    Item nous sen accordatz que las calquieres et adoubz per adoubar & faire lous cuyrs seran en compes II L[ivres]

    Item nous sen accordatz que lous tournalz per aguzar ayzinies de talz seran en compes I L[ivre]

    Item nous sen accordatz q[ue] las ayres que seran bonnas per fructifficar herbes que se apararan del bestial feran en compes per cestairade IIII s[olz]

    Item les aultres ayres que non se apararan per fructifficar herbes seran en compes per cestairade II s[olz]

    Item nous sen accordatz que les saffranieyres seran en compes per cestairade XVI s[olz]

    Item nous sen accordatz que lous hortz que son barratz de paretz per so que lous fruictz se aparan et se gardan melher q[ue] tous aultres tournejatz de bartesses seran en compes per cesteirade XV s[olz]

    Item lous aultres hortz tournejatz de bartasses per so que lous fruictz non se aparon tant ben commes lous autres q[ue] son tournejadz de paretz seran en compes percesteyrade X s[ols]

    Item lous hortz moiens seran en compes per cesteirade V s[olz]

    Item les hortz foibles seran en compes per cesteyrade deux solz II s[olz] VI d[eniers]

    Item nous sen accordatz q[ue] lous pratz delz rivalz de rebieyre per so que non en reial

    size seran en compes per cestairade I L[ivre]

    Item lous aultres pratz bons seran encompes per cestairade seize solz XVI s[olz]

    Item lous pratz moiens seran per cesteirado en compes VIII s[olz]

    Item lous pratz foibles seran en compes per cesteirade IIII s[olz]

    Item nous sen accordatz que las vinhes bonnes per so que la rende es plus quicte que lou camp et lolivede seran en compes per cestariade VIII s[olz]

    Item las vinhes moyenes seran en compes per cestairade IIII s[olz]

    Item las vinhes feibles seran en compes per cestairade II s[olz]

    Item nous sen accordatz que las ollivedas bonnes per so que la rende es de grand costz per so que se celles en liver & mal temps de frech & de plueges & et subgecte aux auzelz seran en compes per cestairade VI s[olz]

    Item las ollivedas moyenes seran en compes per cestairade III s[olz]

    Item las ollivedes foibles seran en compes per cestairade I s[ol] VI d[eniers]

    Item nous sen accordatz que lous camps des revelz de las rivieres per so que se semeran plus souven q[ue] lous au[ltre]s seran en compes per cestairade XII s[olz]

    Item lous aultres camps bons per so que sont subgectz aux auzelz comme sont coloms & tous au[ltre]s auzelz de manjar la semence & de negamens daigues & derbes souvant de vegades que se y pert la semance sera en compes per cesteyrade VI s[olz]

    Item lous camps moiens seran en compes per cesteyrade III s[olz]

    Item lous camps febles seran en compes per cesteyrade I s[ols] VI d[eniers]

    Items nou sen concordatz que las amellaredes bonnes per so que flourisson sur la fin de liver q[ue] sont plus subiectz les fruictz & se perdre beaucoup de vegades per frech & gellades et barbustes seran en compes per cesteyrade IIII s[olz]

    Item las amellaredas moienas seran en compes per cesteyrade II s[olz]

    Item las amellaredes febles seran en compes per cesteyrade I [sol]

    Items nous sen concordatz que lous euzes & roves bons fructiffians per so que la rente non es pas tant bonne comme lolive seran en compes per cesteirade quatre solz IIII s[olz]

    Item lous euzes et royres moiens seran en compes II s[olz]

    Item lous euzes & roves foibles seran en compes per cestairade I s[ol]

    Items nous sen accordatz q[ue] lous boscz bons de lenhar seran en compes per cesteirade VIII d[eniers]

    Item lous boscz moyens seran en c[om]pes per cestairade IIII d[eniers]

    Item lous hermes et argellatz & fagelles que es bosc foible seran en compes per cestairade II d[eniers]

    Items nou sen concordatz que los rebairalz q[ue] non porte q[ue] aubres infertilz fustes & rames seront per cestayrade en compes I s[ol] VIII d[eniers] t[ournoi]z

    Notes de bas de page

    1 Deux références récentes parmi une longue bibliographie : Jaudon Bruno, Les compoix de Languedoc. Impôt, territoire et société du xive au xviiie siècle, Caen, Association d’histoire des sociétés rurales, 2014, et Abbé Jean-Louis (dir.), Estimes, compoix et cadastres. Histoire d’un patrimoine commune de l’Europe méridionale, Toulouse, le Pas de l’Oiseau, 2017.

    2 Jaudon Bruno, « Entre devoir et nécessité : l’élaboration du revenu cadastral dans le Languedoc du xviiie siècle », in Florence Bourrillon et Nadine Vivier (dir.), La mesure cadastrale. Estimer la valeur du foncier, Rennes, PUR, 2012, p. 101-120.

    3 Heffer Jean « Les déterminants du prix de la terre. La prédominance du marché dans un comté du Missouri (1860-1870) », Histoire & Sociétés Rurales, no 32, 2009, p. 81-108.

    4 Moréchand Guy, « “Taikô kenchi”. Le cadastre de Hideyoshi Toyotomi », Bulletin de l’École française d’Extrême-Orient, t. 53, 1966, p. 7-70 ; Gascou Jean et MacCoull Leslie, « Le cadastre d’Aphroditô », Centre de recherche d’histoire et civilisation de Byzance. Travaux et mémoires, no 10, 1987, p. 103-158.

    5 Jaudon Bruno, Les compoix de Languedoc. Impôt, territoire et société du xive au xviiie siècle…, op. cit., p. 25-32.

    6 Sur tout cela, Jaudon Bruno, « Entre devoir et nécessité : l’élaboration du revenu cadastral dans le Languedoc du xviiie siècle », art. cité, p. 109-114.

    7 Archives départementales (AD) de l’Hérault, 114 EDT 86, compoix de Notre-Dame-de-la-Garrigue [auj. Lagamas], 1552, fo 2.

    8 Jaudon Bruno, Les compoix de Languedoc. Impôt, territoire et société du xive au xviiie siècle…, op. cit., p. 66-68.

    9 Saint-André-de-Sangonis et les villages environnants se trouvent dans le département de l’Hérault (34), dans la moyenne vallée du fleuve éponyme, intensément mise en valeur depuis le Moyen Âge. On se trouve dans un territoire administratif d’Ancien Régime partagé entre trois diocèses civils (i. e. arrondissements) languedociens : Lodève, Montpellier et Béziers. Sauf mention contraire, les communautés rurales citées se trouvent dans le département de l’Hérault.

    10 « S’ensuit la table et façon de procéder en détail pour compésier [i. e. encadastrer] et arpenter les terres ».

    11 Ferrier Denis, « Lagamas, histoire d’une petite commune de la vallée de l’Hérault », Lagamas val d’Hérault, no 2, 2017, p. 6-10.

    12 Despeisses Antoine, Traicté des tailles et autres impositions…, Toulouse, Colomiez, 1643, p. 109-112 ; Dognon Paul, Les institutions politiques et administratives du pays de Languedoc du xiiie siècle aux guerres de religion, Toulouse/Paris, Privat/Picard, 1895, p. 281 sq.

    13 Despeisses Antoine, Traicté des tailles et autres impositions…, op. cit., p. 222 et p. 226-227.

    14 La chaîne de voisinage consiste à rédiger la version définitive du cadastre en commençant par la liste des biens (« tail » ou « manifest ») du propriétaire d’un début de rue, puis de son voisin, etc. : Dufour Liliane, « Grammichele, un bourg sicilien à la fin du xviie siècle. Essai de traitement des données des recensements par l’informatique », in Jean-Louis. Biget, Jean-Claude Hervé et Yvon Thébert (dir.), Les cadastres anciens des villes et leur traitement par l’informatique, actes de la table ronde (Saint-Cloud, 31 janvier-2 février 1985), Rome, École française de Rome, 1989, p. 445-447.

    15 Despeisses Antoine, Traicté des tailles et autres impositions…, op. cit., p. 201-202.

    16 AD Hérault, 257 EDT 1, compoix de Saint-Geniès-de-Varensal, 1526, préambule, n. f. : avec le « consentement et autorité à eux donnée par toute la population ».

    17 AD Hérault, 1 B 11078, compoix de Saint-Paul-et-Valmalle, 1527, fo 37 : « à la réquisition de tous les habitants du dit lieu de Saint-Paul ».

    18 Un siècle plus tard, la jurisprudence est définitivement établie et entérine des pratiques fermement arrimées à l’amont de la chronologie : Despeisses Antoine, Traicté des tailles et autres impositions…, op. cit., p. 202 sq.

    19 AD Hérault, 198 EDT 27, compoix de Pérols, 1561, fo 5.

    20 AD Héraut, 241 EDT 11, arpentage du Causse d’Aumelas et livres de taille de Saint-Bauzille-de-la-Sylve, 1527, fo 1 ro : « pour indiquer et montrer les lieux-dits et tenants et aboutissants [des parcelles] ».

    21 AD Hérault, 1 Mi 601/1, compoix de Saint-Geniès-de-Fontedit, 1559, fo 1 : « vous avez prêté serment en tel cas requis devant le bayle ».

    22 AD Hérault, 12 EDT 5, compoix d’Argelliers, 1531, 1re p., n. f. : les « habitans du dit lieu et monsieur le bayle Jean Ginart et autres habitants du dit lieu ont été d’avis de mettre [i. e. classer la qualité des parcelles entre] bon, moyen et faible ».

    23 AD Hérault, 306 EDT 4, compoix de Soumont, 1538,1re p., n. f. : « en assemblée des conseillers et de toute la population […] sur la place publique du dit lieu ».

    24 Despeisses Antoine, Traicté des tailles et autres impositions…, op. cit., p. 205-206.

    25 Jaudon Bruno, Les compoix de Languedoc. Impôt, territoire et société du xive au xviiie siècle…, op. cit. p. 115-128.

    26 Tous ces documents in AD Hérault : 10 EDT 51, copie tardive du compoix d’Aniane de 1526, v. 1570, 193 fo ; 198 EDT 24, compoix de Pérols, 1526, 89 fo ; 1 B 11078, compoix de Saint-Paul-et-Valmalle, 1527, 38 fo ; 12 EDT 5, compoix d’Argelliers, 1531, 148 fo ; 114 EDT 82, brouillon du compoix de Gignac de 1534, 1534, 191 fo.

    27 AD Hérault, 47 EDT 4, compoix de Campagnan, 1577, fo 185 ro : l’arpenteur « faict livre cottetz jornalier ou brouillard sur le mesme lieu des pieces ».

    28 Ces trois documents eux aussi in AD Hérault : 1 J 262, compoix de Murviel-lès-Béziers, 1516, 323 fo ; 1 B 11005, compoix de Joncels, 1537, 240 fo ; 306 EDT 4, compoix de Soumont, 1538, 385 fo.

    29 Jaudon Bruno, Les compoix de Languedoc. Impôt, territoire et société du xive au xviiie siècle…, op. cit., p. 104-106.

    30 Documentation fragmentaire de synthèse in AD Hérault, 1 B 10886, Recherche générale du diocèse de Maguelone, 1518-1525, n. f. Abondante documentation préparatoire de terrain, classée par communauté constitutive du diocèse civil in AD Hérault, 1 B 10887-10952, mêmes dates.

    31 AD Hérault, 10 EDT 51, doc. cit., préambule, n. f. : leur matrice « a été faite après le reste de la Recherche de la diocèse (civil) ».

    32 AD Hérault, 1 B 11078, doc. cit., fo 37 ro : « la coutume du diocèse [civil] de Maguelone. »

    33 AD Hérault, 1 B 10886, Recherche de Maguelone, contre-enquête du sieur de Montvaillant, 1523, n. f. : un certain Pierre Rosset possède une telle propriété, qui « ne luy porte aulcun prouffict synon pour se[s] plaisir a aulcun ses amys pour venyr en temps de peste » ; Le Roy Ladurie Emmanuel, Le siècle des Platter, 1499-1628, Paris, Fayard, t. I, 1995, p. 303.

    34 AD Hérault, 1 Mi 360/86, doc. cit. ; AD Hérault, 12 EDT 5, doc. cit.

    35 Archives Municipales (AM) de Meyrueix [Lozère], non coté, compoix fragmentaire de Meyrueix, 1513, 179 fo ; exemple plus tardif mais très complet, in AD Hérault, 343 EDT 1, compoix de Viols-le-Fort, 1660, 189 fo.

    36 AD Hérault, 198 EDT 27, compoix de Pérols, 1561, fo 5 ro et vo.

    37 AD Hérault, 1 B 10886, doc. cit. : ces cabanes sont les « maniguières » qu’on retrouve à Frontignan ou à Lattes, des communautés au sud de Montpellier, à la fois bordières de la mer Méditerranée et des grands étangs qui se tiennent derrière son cordon dunaire.

    38 AD Hérault, 1 Mi 601/1, compoix de Saint-Geniès-de-Fontedit, 1559, fo 1 : « ayant égard aux commodités et incommodités, fertilités et infertilités, lieu et situation ».

    39 Olivier Sylvain, Aux marges de l’espace agraire. Inculte et genêt en Lodévois (xviie-xixe siècle), thèse d’histoire, université de Caen, 2012, 2 vol., appelle à reconsidérer les confins des finages, où culte et inculte s’entremêlent et où des mises en valeur plus distantes de l’intensité agricole « ordinaire » existent et permettent de valoriser ces espaces et d’améliorer les conditions de vie des populations rurales.

    40 Jaudon Bruno, « Entre devoir et nécessité : l’élaboration du revenu cadastral dans le Languedoc du xviiie siècle », in Florence Bourrillon et Nadine Vivier (dir.), La mesure cadastrale. Estimer la valeur du foncier, Rennes, PUR, 2012, p. 114-119.

    41 AM Agde, CC 13, compoix de la ville d’Agde, 1591, t. I : préambule, n. f.

    42 Viret Jérôme-Luther, « Un marché foncier « impersonnel » ? L’exemple de Tourouvre-au-Perche (1560-1660) », Histoire & Mesure, t. XXXI, no 11, 2016, p. 29.

    43 AD Lozère, EDT 115 CC 1, compoix du Pompidou, 1652, préambule, n. f. ; AD Hérault, 36 EDT 8, compoix du Bosc, 1670, n. f.

    44 Sur la mathématisation du réel : Crosby Alfred W., La mesure de la réalité. La quantification dans la société occidentale, Paris, Allia, 2003.

    45 Mousnier Mireille, « Mesurer les terres au Moyen Âge. Le cas de la France méridionale », Histoire & Sociétés Rurales, no 22, 2004, p. 35-36.

    46 Jaudon Bruno, Les compoix de Languedoc. Impôt, territoire et société du xive au xviiie siècle…, op. cit., p. 207-212 ; Mousnier Mireille, « Mesurer les terres au Moyen Âge. Le cas de la France méridionale », art. cité, p. 39.

    47 AD Gard, C 778, C 784, Recherche diocésaine d’Uzès, 1547-1552, n. f. : d’après des procès-verbaux d’enquête, Claude Pouget a réalisé les compoix de Saint-Julien-de-Valgalgues de 1537 (130 fo), de Saint-Privat-des-Vieux de 1540 environ (56 fo), de Montagnac de 1542 (126 fo) et de Saint-Théodorit de 1543 (91 fo).

    48 AD Gard, 2 E 35/238, minutes de Claude Puget, notaire royal de Fournes, 1533-1549, n. f. ; AM Alès, 1 G 6, compoix d’Alès, 1544 : préambule fragmentaire relié en fin de volume, fo 381 vo.

    49 Viret Jérôme-Luther, « Un marché foncier « impersonnel » ? L’exemple de Tourouvre-au-Perche (1560-1660) », art. cité, p. 5, p. 15-21 et p. 29.

    50 Lemaître Nicole, Le scribe et le mage. Notaires et société rurale en Bas-Limousin aux xvie et xviie siècles, Ussel, musée du pays d’Ussel, 2002.

    51 Ginzurg Carlo, Le fromage et les vers. L’univers d’un meunier du xvie siècle, Paris, Flammarion, 1980, p. 63.

    52 Estienne Charles, L’Agriculture et Maison rustique, Paris, J. Du Puis, 1564, p. 51 ro.

    53 Ibid., p. 106 vo.

    54 Ibid., p. 107 vo.

    55 Ibid., p. 35 ro et vo.

    56 Lannier Hélène, La publication des « Libri de re rustica » à la Renaissance. Étude d’une production : les « Libri de re rustica » chez Sébastien Gryphe, à Lyon, mémoire de master, université de Lyon, ENSSIB, 2010, p. 33.

    57 Estienne Charles, L’Agriculture et Maison rustique…, op. cit., p. 133 vo.

    58 Ibid., p. 13-24.

    59 Nisard Désiré (dir.), Les agronomes latins : Caton, Varron, Columelle, Palladius : avec la traduction en français, Paris, Firmin Didot, 1864.

    60 Ibid., p. 70.

    61 Beutler Corinne, « Un chapitre de la sensibilité collective : la littérature agricole en Europe continentale au xvie siècle », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 28e année, no 5, 1973, p. 1285-1287.

    62 Ibid., p. 1298.

    63 Mousnier Mireille, « Mesurer les terres au Moyen Âge. Le cas de la France méridionale », art. cité, p. 36.

    64 Ginzurg Carlo, Le fromage et les vers. L’univers d’un meunier du xvie siècle…, op. cit., p. 176.

    65 Beutler Corinne, « Un chapitre de la sensibilité collective : la littérature agricole en Europe continentale au xvie siècle », art. cité, p 1292-1294.

    66 Ginzurg Carlo, Le fromage et les vers. L’univers d’un meunier du xvie siècle…, op. cit., p. 103.

    67 Mousnier Mireille, « Mesurer les terres au Moyen Âge. Le cas de la France méridionale », art. cité, p. 34.

    68 Le Roy Ladurie Emmanuel, Le siècle des Platter, 1499-1628…, op. cit., p. 307-309.

    69 Ginzurg Carlo, Le fromage et les vers. L’univers d’un meunier du xvie siècle…, op. cit., p. 177.

    Auteur

    • Bruno Jaudon
      Jaudon Bruno : Docteur en histoire, PRAG/PRCE à la Faculté d’éducation de l’université de Montpellier.
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    1 Deux références récentes parmi une longue bibliographie : Jaudon Bruno, Les compoix de Languedoc. Impôt, territoire et société du xive au xviiie siècle, Caen, Association d’histoire des sociétés rurales, 2014, et Abbé Jean-Louis (dir.), Estimes, compoix et cadastres. Histoire d’un patrimoine commune de l’Europe méridionale, Toulouse, le Pas de l’Oiseau, 2017.

    2 Jaudon Bruno, « Entre devoir et nécessité : l’élaboration du revenu cadastral dans le Languedoc du xviiie siècle », in Florence Bourrillon et Nadine Vivier (dir.), La mesure cadastrale. Estimer la valeur du foncier, Rennes, PUR, 2012, p. 101-120.

    3 Heffer Jean « Les déterminants du prix de la terre. La prédominance du marché dans un comté du Missouri (1860-1870) », Histoire & Sociétés Rurales, no 32, 2009, p. 81-108.

    4 Moréchand Guy, « “Taikô kenchi”. Le cadastre de Hideyoshi Toyotomi », Bulletin de l’École française d’Extrême-Orient, t. 53, 1966, p. 7-70 ; Gascou Jean et MacCoull Leslie, « Le cadastre d’Aphroditô », Centre de recherche d’histoire et civilisation de Byzance. Travaux et mémoires, no 10, 1987, p. 103-158.

    5 Jaudon Bruno, Les compoix de Languedoc. Impôt, territoire et société du xive au xviiie siècle…, op. cit., p. 25-32.

    6 Sur tout cela, Jaudon Bruno, « Entre devoir et nécessité : l’élaboration du revenu cadastral dans le Languedoc du xviiie siècle », art. cité, p. 109-114.

    7 Archives départementales (AD) de l’Hérault, 114 EDT 86, compoix de Notre-Dame-de-la-Garrigue [auj. Lagamas], 1552, fo 2.

    8 Jaudon Bruno, Les compoix de Languedoc. Impôt, territoire et société du xive au xviiie siècle…, op. cit., p. 66-68.

    9 Saint-André-de-Sangonis et les villages environnants se trouvent dans le département de l’Hérault (34), dans la moyenne vallée du fleuve éponyme, intensément mise en valeur depuis le Moyen Âge. On se trouve dans un territoire administratif d’Ancien Régime partagé entre trois diocèses civils (i. e. arrondissements) languedociens : Lodève, Montpellier et Béziers. Sauf mention contraire, les communautés rurales citées se trouvent dans le département de l’Hérault.

    10 « S’ensuit la table et façon de procéder en détail pour compésier [i. e. encadastrer] et arpenter les terres ».

    11 Ferrier Denis, « Lagamas, histoire d’une petite commune de la vallée de l’Hérault », Lagamas val d’Hérault, no 2, 2017, p. 6-10.

    12 Despeisses Antoine, Traicté des tailles et autres impositions…, Toulouse, Colomiez, 1643, p. 109-112 ; Dognon Paul, Les institutions politiques et administratives du pays de Languedoc du xiiie siècle aux guerres de religion, Toulouse/Paris, Privat/Picard, 1895, p. 281 sq.

    13 Despeisses Antoine, Traicté des tailles et autres impositions…, op. cit., p. 222 et p. 226-227.

    14 La chaîne de voisinage consiste à rédiger la version définitive du cadastre en commençant par la liste des biens (« tail » ou « manifest ») du propriétaire d’un début de rue, puis de son voisin, etc. : Dufour Liliane, « Grammichele, un bourg sicilien à la fin du xviie siècle. Essai de traitement des données des recensements par l’informatique », in Jean-Louis. Biget, Jean-Claude Hervé et Yvon Thébert (dir.), Les cadastres anciens des villes et leur traitement par l’informatique, actes de la table ronde (Saint-Cloud, 31 janvier-2 février 1985), Rome, École française de Rome, 1989, p. 445-447.

    15 Despeisses Antoine, Traicté des tailles et autres impositions…, op. cit., p. 201-202.

    16 AD Hérault, 257 EDT 1, compoix de Saint-Geniès-de-Varensal, 1526, préambule, n. f. : avec le « consentement et autorité à eux donnée par toute la population ».

    17 AD Hérault, 1 B 11078, compoix de Saint-Paul-et-Valmalle, 1527, fo 37 : « à la réquisition de tous les habitants du dit lieu de Saint-Paul ».

    18 Un siècle plus tard, la jurisprudence est définitivement établie et entérine des pratiques fermement arrimées à l’amont de la chronologie : Despeisses Antoine, Traicté des tailles et autres impositions…, op. cit., p. 202 sq.

    19 AD Hérault, 198 EDT 27, compoix de Pérols, 1561, fo 5.

    20 AD Héraut, 241 EDT 11, arpentage du Causse d’Aumelas et livres de taille de Saint-Bauzille-de-la-Sylve, 1527, fo 1 ro : « pour indiquer et montrer les lieux-dits et tenants et aboutissants [des parcelles] ».

    21 AD Hérault, 1 Mi 601/1, compoix de Saint-Geniès-de-Fontedit, 1559, fo 1 : « vous avez prêté serment en tel cas requis devant le bayle ».

    22 AD Hérault, 12 EDT 5, compoix d’Argelliers, 1531, 1re p., n. f. : les « habitans du dit lieu et monsieur le bayle Jean Ginart et autres habitants du dit lieu ont été d’avis de mettre [i. e. classer la qualité des parcelles entre] bon, moyen et faible ».

    23 AD Hérault, 306 EDT 4, compoix de Soumont, 1538,1re p., n. f. : « en assemblée des conseillers et de toute la population […] sur la place publique du dit lieu ».

    24 Despeisses Antoine, Traicté des tailles et autres impositions…, op. cit., p. 205-206.

    25 Jaudon Bruno, Les compoix de Languedoc. Impôt, territoire et société du xive au xviiie siècle…, op. cit. p. 115-128.

    26 Tous ces documents in AD Hérault : 10 EDT 51, copie tardive du compoix d’Aniane de 1526, v. 1570, 193 fo ; 198 EDT 24, compoix de Pérols, 1526, 89 fo ; 1 B 11078, compoix de Saint-Paul-et-Valmalle, 1527, 38 fo ; 12 EDT 5, compoix d’Argelliers, 1531, 148 fo ; 114 EDT 82, brouillon du compoix de Gignac de 1534, 1534, 191 fo.

    27 AD Hérault, 47 EDT 4, compoix de Campagnan, 1577, fo 185 ro : l’arpenteur « faict livre cottetz jornalier ou brouillard sur le mesme lieu des pieces ».

    28 Ces trois documents eux aussi in AD Hérault : 1 J 262, compoix de Murviel-lès-Béziers, 1516, 323 fo ; 1 B 11005, compoix de Joncels, 1537, 240 fo ; 306 EDT 4, compoix de Soumont, 1538, 385 fo.

    29 Jaudon Bruno, Les compoix de Languedoc. Impôt, territoire et société du xive au xviiie siècle…, op. cit., p. 104-106.

    30 Documentation fragmentaire de synthèse in AD Hérault, 1 B 10886, Recherche générale du diocèse de Maguelone, 1518-1525, n. f. Abondante documentation préparatoire de terrain, classée par communauté constitutive du diocèse civil in AD Hérault, 1 B 10887-10952, mêmes dates.

    31 AD Hérault, 10 EDT 51, doc. cit., préambule, n. f. : leur matrice « a été faite après le reste de la Recherche de la diocèse (civil) ».

    32 AD Hérault, 1 B 11078, doc. cit., fo 37 ro : « la coutume du diocèse [civil] de Maguelone. »

    33 AD Hérault, 1 B 10886, Recherche de Maguelone, contre-enquête du sieur de Montvaillant, 1523, n. f. : un certain Pierre Rosset possède une telle propriété, qui « ne luy porte aulcun prouffict synon pour se[s] plaisir a aulcun ses amys pour venyr en temps de peste » ; Le Roy Ladurie Emmanuel, Le siècle des Platter, 1499-1628, Paris, Fayard, t. I, 1995, p. 303.

    34 AD Hérault, 1 Mi 360/86, doc. cit. ; AD Hérault, 12 EDT 5, doc. cit.

    35 Archives Municipales (AM) de Meyrueix [Lozère], non coté, compoix fragmentaire de Meyrueix, 1513, 179 fo ; exemple plus tardif mais très complet, in AD Hérault, 343 EDT 1, compoix de Viols-le-Fort, 1660, 189 fo.

    36 AD Hérault, 198 EDT 27, compoix de Pérols, 1561, fo 5 ro et vo.

    37 AD Hérault, 1 B 10886, doc. cit. : ces cabanes sont les « maniguières » qu’on retrouve à Frontignan ou à Lattes, des communautés au sud de Montpellier, à la fois bordières de la mer Méditerranée et des grands étangs qui se tiennent derrière son cordon dunaire.

    38 AD Hérault, 1 Mi 601/1, compoix de Saint-Geniès-de-Fontedit, 1559, fo 1 : « ayant égard aux commodités et incommodités, fertilités et infertilités, lieu et situation ».

    39 Olivier Sylvain, Aux marges de l’espace agraire. Inculte et genêt en Lodévois (xviie-xixe siècle), thèse d’histoire, université de Caen, 2012, 2 vol., appelle à reconsidérer les confins des finages, où culte et inculte s’entremêlent et où des mises en valeur plus distantes de l’intensité agricole « ordinaire » existent et permettent de valoriser ces espaces et d’améliorer les conditions de vie des populations rurales.

    40 Jaudon Bruno, « Entre devoir et nécessité : l’élaboration du revenu cadastral dans le Languedoc du xviiie siècle », in Florence Bourrillon et Nadine Vivier (dir.), La mesure cadastrale. Estimer la valeur du foncier, Rennes, PUR, 2012, p. 114-119.

    41 AM Agde, CC 13, compoix de la ville d’Agde, 1591, t. I : préambule, n. f.

    42 Viret Jérôme-Luther, « Un marché foncier « impersonnel » ? L’exemple de Tourouvre-au-Perche (1560-1660) », Histoire & Mesure, t. XXXI, no 11, 2016, p. 29.

    43 AD Lozère, EDT 115 CC 1, compoix du Pompidou, 1652, préambule, n. f. ; AD Hérault, 36 EDT 8, compoix du Bosc, 1670, n. f.

    44 Sur la mathématisation du réel : Crosby Alfred W., La mesure de la réalité. La quantification dans la société occidentale, Paris, Allia, 2003.

    45 Mousnier Mireille, « Mesurer les terres au Moyen Âge. Le cas de la France méridionale », Histoire & Sociétés Rurales, no 22, 2004, p. 35-36.

    46 Jaudon Bruno, Les compoix de Languedoc. Impôt, territoire et société du xive au xviiie siècle…, op. cit., p. 207-212 ; Mousnier Mireille, « Mesurer les terres au Moyen Âge. Le cas de la France méridionale », art. cité, p. 39.

    47 AD Gard, C 778, C 784, Recherche diocésaine d’Uzès, 1547-1552, n. f. : d’après des procès-verbaux d’enquête, Claude Pouget a réalisé les compoix de Saint-Julien-de-Valgalgues de 1537 (130 fo), de Saint-Privat-des-Vieux de 1540 environ (56 fo), de Montagnac de 1542 (126 fo) et de Saint-Théodorit de 1543 (91 fo).

    48 AD Gard, 2 E 35/238, minutes de Claude Puget, notaire royal de Fournes, 1533-1549, n. f. ; AM Alès, 1 G 6, compoix d’Alès, 1544 : préambule fragmentaire relié en fin de volume, fo 381 vo.

    49 Viret Jérôme-Luther, « Un marché foncier « impersonnel » ? L’exemple de Tourouvre-au-Perche (1560-1660) », art. cité, p. 5, p. 15-21 et p. 29.

    50 Lemaître Nicole, Le scribe et le mage. Notaires et société rurale en Bas-Limousin aux xvie et xviie siècles, Ussel, musée du pays d’Ussel, 2002.

    51 Ginzurg Carlo, Le fromage et les vers. L’univers d’un meunier du xvie siècle, Paris, Flammarion, 1980, p. 63.

    52 Estienne Charles, L’Agriculture et Maison rustique, Paris, J. Du Puis, 1564, p. 51 ro.

    53 Ibid., p. 106 vo.

    54 Ibid., p. 107 vo.

    55 Ibid., p. 35 ro et vo.

    56 Lannier Hélène, La publication des « Libri de re rustica » à la Renaissance. Étude d’une production : les « Libri de re rustica » chez Sébastien Gryphe, à Lyon, mémoire de master, université de Lyon, ENSSIB, 2010, p. 33.

    57 Estienne Charles, L’Agriculture et Maison rustique…, op. cit., p. 133 vo.

    58 Ibid., p. 13-24.

    59 Nisard Désiré (dir.), Les agronomes latins : Caton, Varron, Columelle, Palladius : avec la traduction en français, Paris, Firmin Didot, 1864.

    60 Ibid., p. 70.

    61 Beutler Corinne, « Un chapitre de la sensibilité collective : la littérature agricole en Europe continentale au xvie siècle », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 28e année, no 5, 1973, p. 1285-1287.

    62 Ibid., p. 1298.

    63 Mousnier Mireille, « Mesurer les terres au Moyen Âge. Le cas de la France méridionale », art. cité, p. 36.

    64 Ginzurg Carlo, Le fromage et les vers. L’univers d’un meunier du xvie siècle…, op. cit., p. 176.

    65 Beutler Corinne, « Un chapitre de la sensibilité collective : la littérature agricole en Europe continentale au xvie siècle », art. cité, p 1292-1294.

    66 Ginzurg Carlo, Le fromage et les vers. L’univers d’un meunier du xvie siècle…, op. cit., p. 103.

    67 Mousnier Mireille, « Mesurer les terres au Moyen Âge. Le cas de la France méridionale », art. cité, p. 34.

    68 Le Roy Ladurie Emmanuel, Le siècle des Platter, 1499-1628…, op. cit., p. 307-309.

    69 Ginzurg Carlo, Le fromage et les vers. L’univers d’un meunier du xvie siècle…, op. cit., p. 177.

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    Lamy, J., & Vabre, S. (éds.). (2023). Les savoirs ruraux du Moyen Âge à nos jours (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.189532
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    Lamy, Jérôme, et Sylvie Vabre, éditeurs. Les savoirs ruraux du Moyen Âge à nos jours. Presses universitaires de Rennes, 2023, https://doi.org/10.4000/books.pur.189532.
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