Chapitre 1. Vue d’ensemble
p. 182-195
Texte intégral
A. Situation politique
1. Politique extérieure
1L’avènement des Lumières correspond à une période tristement marquée par la guerre. Le début du règne de Louis XV avait été, comme nous l’avons vu, relativement heureux. L’alliance avec l’Angleterre avait permis un certain équilibre, de brève durée d’ailleurs (Succession de Pologne, 1733 ; Succession d’Autriche, 1741). L’Europe est secouée dans la deuxième moitié du siècle par la guerre de Sept ans (1756-63) dont Candide décrit les horreurs. Au début du règne de Louis XVI, Vergennes tente de freiner la volonté d’expansion des puissances européennes, mais finalement la guerre avec l’Angleterre semble inévitable. La France intervient dans la guerre d’Indépendance de l’Amérique contre l’Angleterre (alliance avec les Insurgents, fév. 1778). Il faut cependant rappeler qu’aucune de ces guerres ne se situe aux frontières de la France et que, d’autre part, elles sont faites par des armées de métier ; d’où une certaine généralité de la réflexion des Philosophes sur la guerre, bien différente, par exemple de ce que sera l’attitude des intellectuels devant la guerre de 1914 ou de 1939.
2L’article « Guerre » de l’Encyclopédie est écrit par Jaucourt, et se montre sévère pour la guerre offensive, entreprise par les princes dans un souci de « vaine gloire » (on notera ici la résurgence du vocabulaire des moralistes chrétiens). La guerre coloniale sous prétexte de missions, est également condamnée. La guerre, « maladie convulsive et violente du corps politique » (art. « Paix ») est aussi une erreur économique : elle appauvrit les états, nuit au commerce, dépeuple et risque de porter atteinte à la propriété individuelle. Le pacifisme des Lumières est aussi une arme contre l’absolutisme du pouvoir royal et l’arbitraire de la décision d’une guerre.
3Ces principes généraux, dictés parle sentiment d’humanité, par une analyse économique et par une réaction contre l’absolutisme, n’empêchent pas les Philosophes de moduler leurs réactions. On s’étonnera, par exemple, de leur bienveillance envers Catherine II attaquant les Turcs ou envers Frédéric II envahissant la Pologne. Ils excusent ces guerres en y voyant des croisades de princes gagnés aux Lumières contre l’obscurantisme de l’Islam ou du catholicisme. D’autre part, ils ont été assez indifférents, comme l’ensemble de l’opinion française dont ils sont le guide et le reflet à la fois, à la perte du Canada et de l’Inde. Ils pensent qu’il n’y a rien à tirer de possessions si lointaines et que mieux vaut investir dans l’agriculture et les manufactures de la métropole. La guerre d’Indépendance d’Amérique est vue favorablement par le pouvoir qui veut prendre sa revanche sur l’Angleterre et par les Philosophes qui y lisent une légitime aspiration du peuple américain à la liberté et qui parfois, tel Beaumarchais, tirent parti de cette guerre.
4Les Philosophes eurent le sentiment que le milieu du siècle avait marqué son zénith, après quoi une dégradation s’était produite, due à cette accumulation de guerres. C’est bien le sentiment qu’exprime Voltaire dans son Précis du siècle de Louis XV : « L’Europe, ne vit guère luire de plus beaux jours que depuis la paix d’Aix-la-Chapelle, en 1748, jusque vers l’an 1755. » Cependant, ils ne saisirent pas très clairement que cette accalmie avait été un temps d’arrêt entre deux types de guerres qui différaient assez profondément. « Ces conflits diffèrent de ceux du début du siècle. Ce ne sont plus des guerres de succession que les monarques se livrent pour se disputer les lambeaux d’un héritage. Ce sont déjà des guerres de peuples. La révolution démographique, l’augmentation considérable de la population […] obligent les souverains à se battre pour assurer plus d’espace vital à leurs sujets, en Europe et sur les nouveaux continents » (J. Godechot).
2. Politique intérieure
5Pourquoi les souverains européens ont-ils été tentés de suivre les principes politiques dictés par la philosophie des Lumières ? Il est bien évident que ce ne fut pas par fantaisie ni par un seul engouement intellectuel, mais que cette politique correspondait à leur intérêt, que la pression démographique, les débuts de l’industrie, les divers problèmes économiques et politiques qu’ils rencontraient les amenaient à essayer de les résoudre par cette voie. Des principes du despotisme éclairé, les souverains retinrent surtout ce qui pouvait leur permettre d’accroître leur despotisme. Voltaire avait proposé comme modèle « un Louis XIV absolu mais éclairé ». Parce qu’il est éclairé, le despote prétend mieux connaître les intérêts du peuple que le peuple lui-même, et Catherine II rédige, par exemple, pour la commission législative convoquée en 1767, des instructions qui appuient l’absolutisme sur des concepts empruntés à la philosophie des Lumières : « Quel est l’objet d’un gouvernement absolu ? Ce n’est certainement pas de priver les hommes de leur liberté naturelle, mais de diriger leurs actions vers le plus grand de tous les biens » (cité par J. Godechot). Ainsi, le libéralisme politique et économique des Lumières pouvait, paradoxalement, être utilisé par un dirigisme étatique, et les idées des physiocrates, par exemple, ont pu servir la politique des despotes.
6On retrouve la même étrange collusion des Lumières et du despotisme dans le domaine de la politique religieuse. Depuis des siècles, le rapport de juridiction entre les princes et le pape avaient été l’objet de conflits. Au xviiie siècle, les souverains vont finalement voir d’un assez bon œil la guerre que les Philosophes mènent contre Rome. L’affaire des Jésuites est bien caractéristique. Directement aux ordres du pape, ils sont l’objet d’attaques aussi bien de la part des pouvoirs que des Philosophes, et finalement l’Europe tout entière se ligue contre eux. En 1759, ils sont chassés du Portugal, et quatre-vingt deux pères sont condamnés à mort et exécutés. En France, la faillite du P. Lavalette donne prétexte aux parlements pour dénoncer la Société de Jésus que finalement Louis XV expulse. Persécutions également des Jésuites en Espagne, dans le Nouveau Monde, et à Naples. Si Clément XIV est élu pape, c’est parce qu’il promet qu’il supprimera les Jésuites, ce qui sera fait en 1773. Triomphe du parti philosophique ? « En tout cas, dans tous les États catholiques, les souverains profitèrent de la suppression des Jésuites, soit économiquement en s’emparant de leurs biens, soit politiquement en augmentant leur pouvoir par la mainmise sur les collèges que dirigeaient les pères et par une indépendance accrue à l’égard du Saint-Siège » (J. Godechot). Dans le Précis du siècle de Louis XV, Voltaire tire les conclusions de l’affaire des Jésuites : « Il y a toujours dans les grandes affaires un prétexte qu’on met en avant, et une cause véritable qu’on dissimule. Le prétexte de la punition des Jésuites était le danger prétendu de leurs mauvais livres que personne ne lit ; la cause était le crédit dont ils avaient longtemps abusé. » Et finalement les racines du mal remontaient, d’après lui, à la destruction de Port Royal (chap. xxxviii). L’expulsion des Jésuites n’aurait pu être réalisée en France, sans cette coalition des parlements fortement acquis au jansénisme, du pouvoir royal soucieux de supprimer des agents de Rome, et de l’opinion publique orientée par les Philosophes.
7Ces trois éléments fondamentaux dans l’équilibre des forces au xviiie siècle n’ont pas connu, on s’en doute, une pareille unanimité en tous les domaines. Louis XV est moins porté que Catherine II ou Frédéric II à fêter les Philosophes, probablement parce qu’ils constituent une force beaucoup plus grande par rapport à l’opinion publique en France qu’en Prusse ou en Russie. En France, la présence d’une noblesse parlementaire et d’une haute bourgeoisie, pourtant lectrices des Philosophes, mais dont le mécontentement s’exprimait par la résistance des Parlements, a bloqué les réformes qu’a tentées la monarchie. Car si Louis XV n’aimait pas Voltaire, Mme de Pompadour était favorable aux Philosophes, et bien des ministres étaient gagnés aux idées des Lumières. Les parlements, qui avaient retrouvé le droit de remontrance à la mort de Louis XIV, en usèrent largement pour bloquer toutes les réformes qui lésaient les intérêts de leur classe. S’ils acceptent les édits de clôture à partir de 1750, les édits de libre circulation des grains de 1763 à 1770, et d’une façon plus générale ce qui permet d’assouplir la réglementation du commerce et de la naissante industrie, s’ils sont très favorables à l’expulsion des Jésuites, en revanche ils sont les grands responsables de l’échec de toute réforme fiscale qui eût permis une plus égale répartition de l’impôt. En 1770, Louis XV fait appel à des ministres énergiques : Maupeou à la Justice, le duc d’Aiguillon aux Affaires étrangères, l’abbé Terray aux Finances. Les parlements sont dissous le 23 février 1771 ; des cours de justice, auxquelles on se garde bien de donner le droit de remontrance, les remplacent. L’abbé Terray commence alors une réforme des finances qu’il ne peut achever. En effet Louis XV meurt en 1774, et Louis XVI qui lui succède rappelle les parlements ; mais il nomme le physiocrate Turgot aux finances. Le projet de libre circulation des grains se heurte à l’hostilité à la fois de la noblesse et des pauvres. Turgot est renvoyé. Ceux qui lui succèdent, Necker, Calonne, Brienne, ne peuvent rien faire d’autre que de revenir au plan de Turgot et sont encore renvoyés par Louis XVI. Nous sommes à la veille de la Révolution. J. Godechot résume fort bien ce qui fut le problème fondamental du despotisme éclairé et qui fait que, dans les pays où il existait une bourgeoisie active et cultivée, paradoxalement, il prépara les révolutions. « C’est que le despotisme éclairé portait en lui une contradiction. D’une part, il avait pour but d’augmenter l’absolutisme du souverain. D’autre part, il apportait les lumières et ces lumières orientaient l’aristocratie et la bourgeoisie vers un libéralisme politique par la libre discussion qu’elles impliquaient et par la liberté de l’économie qu’elles préconisaient. »
8On voit donc que la vie politique dans la deuxième moitié du xviiie siècle fut particulièrement troublée. De ce trouble, un événement qui prit une valeur de symbole avait été comme le symptôme, quoique sa signification fût loin d’être claire : la tentative d’assassinat du roi par Damiens, en 1757. Voltaire y voit le geste d’un fou animé par le fanatisme religieux et populaire, et refuse de penser qu’il ait été, comme on l’avait dit, le porte-parole et l’agent d’un parti (on l’avait accusé tantôt d’être le complice des jansénistes, tantôt celui des Jésuites). Il tente d’élargir le débat et d’y voir un conflit des Lumières et des Ténèbres, ce qui, au passage, range la royauté du côté des Lumières : « La raison pénètre en vain chez les principaux citoyens : le peuple est toujours porté au fanatisme ; et peut-être n’y a-t-il d’autre remède à cette contagion que d’éclairer enfin le peuple même » (Précis du siècle de Louis XV, chap. xxxvii). Mais il ne serait pas difficile de montrer les contradictions de Voltaire et de tout un courant de la philosophie qui, d’une part souhaite que s’étendent les Lumières et par conséquent l’éducation populaire, et d’autre part considère que l’abaissement dans lequel le peuple est maintenu est un facteur d’équilibre social, qu’un valet vous sert mieux s’il va à la messe… En fait, pour les Philosophes, cet attentat fut une catastrophe. Non seulement la torture que subit Damiens était d’une férocité toute barbare, mais ce fut un prétexte pour renforcer la censure. Des imprimeurs furent arrêtés, des libraires envoyés aux galères, des écrivains exilés.
B. Situation sociale et économique
1. La population et sa subsistance
9« C’est au milieu du xviiie siècle qu’on commença à sentir en Europe les répercussions d’un phénomène extrêmement important, […] une modification profonde dans la structure de la population » (J. Godechot). Du xiiie au début du xviiie siècle la population avait été stable. La natalité très forte n’arrivait pas à compenser les épidémies, les catastrophes, les famines. Épouvantable mortalité infantile, mort des femmes en couches, impossibilité de lutter contre la maladie. Après 1750, la progression de la population est due à une régression de la mortalité. La diminution des décès entraîne évidemment, à la génération suivante, une augmentation des naissances. L’ensemble de la population française aurait augmenté de 60 % dans le cours du xviiie siècle. Au moment de la Révolution, la France, qui n’atteignait guère que 18 millions d’habitants au début du règne de Louis XV, passe à 26 millions.
10La médecine avait fait quelques progrès ; néanmoins elle est impuissante à endiguer les épidémies ; ce sont essentiellement des mesures de police qui permettent de les arrêter. Il semble finalement que la diminution de la mortalité soit due surtout à une amélioration de l’alimentation, bien que les découvertes en Amérique du maïs et de la pomme de terre ne fassent sentir leur effet qu’avec un grand retard.
11La population est essentiellement rurale (2 millions d’habitants dans les villes ; Lyon a 135 000 habitants, Dijon ou Grenoble : 20 000). La France est alors le pays le plus peuplé d’Europe. La contraception commence à se répandre, mais elle est très limitée. On assiste à un accroissement du nombre des enfants abandonnés : « À Paris, la moyenne annuelle des admissions à l’Hospice des Enfants-trouvés passa de 1 786 en 1700-1709, à 5 713 en 1780-89 » (J. Delumeau). L’abandon d’enfant ne semble pas plus scandaleux à Rousseau qu’il ne l’avait semblé à Mme de Tencin.
12Les Philosophes, même s’ils sont peu soucieux de se charger d’une lourde famille, sont cependant natalistes. Les doctrines des physiocrates comme l’exaltation moralisante de la famille et le culte de la nature les confortent dans l’idée qu’une population nombreuse est une richesse pour une nation. Ce n’est que plus tard dans le siècle, à son extrême fin, qu’apparaîtra cette idée qu’un trop grand accroissement de population peut être une catastrophe. L’Essai sur le principe de la population de l’économiste anglais Malthus (1766-1834) ne paraîtra qu’en 1798.
13Libéralisme ou économie dirigée ? La revendication des Lumières en faveur de la liberté de pensée, d’action et d’expression les inciterait à réclamer aussi la libre entreprise et à lutter contre une réglementation dont l’autorité royale et les corporations abusent… Et pourtant, peut-on laisser spéculer sur le blé, aliment vital, laisser mourir de faim une province, tandis qu’une autre en regorgera ? Les physiocrates avaient poussé la monarchie à promulguer en 1764 un édit qui instituait le libre commerce des grains. Mais en 1768, une famine éclata. S’opposant à Choiseul et à Maynon d’Invault, l’abbé Galiani dans ses Dialogues sur le commerce des blés proposait de limiter la libre circulation des grains et de faire passer l’intérêt général avant l’intérêt particulier. Les Dialogues ne purent paraître qu’en 1770 lorsque l’abbé Terray eut remplacé Maynon d’Invault. Choiseul et son parti chargèrent Morellet de défendre le droit de propriété et de libre commerce, tandis que Diderot écrivait une Apologie de l’abbé Galiani (qui ne fut publiée qu’après sa mort). Ce texte marque la conversion de Diderot, initialement gagné au libéralisme des physiocrates et de Mercier de la Rivière, à des thèses dirigistes. « Il ne croit plus en l’absolu du droit de propriété, en la liberté de commerce, les deux principes fondamentaux de la bourgeoisie. » Tout doit « se plier au critère ultime de l’utilité publique : bien général et concret, dont l’État doit être le garant, État dont il importe alors que la “raison” soit éclairée, guidée par le philosophe » (R. Lewinter).
2. Naissance de l’industrie
14« Entre le second et le dernier quart du siècle, estime E. Labrousse, la valeur de la production industrielle a plus que doublé, celle du commerce intérieur et extérieur a peut-être doublé, le commerce colonial presque quintuplé. » On voit encore timidement apparaître l’industrie moderne après 1750 avec la concentration de capitaux et de main-d’œuvre, les machines qu’elle suppose dans certains domaines comme le charbon, les textiles et la métallurgie.
15La forme essentielle de cette industrie naissante demeure cependant la manufacture. L’Encyclopédie en distingue deux types : les manufactures réunies, d’inspiration colbertienne (fonderies, verreries, manufactures de porcelaine, tapisseries), qui doivent être « protégées par le gouvernement », et les manufactures dispersées, sortes d’industries rurales ou « des millions de paysans […] tissent la laine, le chanvre et le lin, battent le fer, martellent le cuivre pour des négociants urbains » (A. Soboul). On sent une sympathie de l’Encyclopédie pour ces industries dispersées, qui, dans un tableau quelque peu idéalisé, lui semblent de dimension humaine : « Chez le petit fabricant, le compagnon est le camarade du maître, vit avec lui, comme son égal, a place au feu et à la chandelle, a plus de liberté. » Cette formule permet de concilier le goût physio-cratique pour l’agriculture, et le goût des encyclopédistes pour le progrès, y compris industriel. Sans trop s’interroger – on ne le fait guère à leur époque – sur le nombre d’heures de travail qu’auront fourni dans l’année ces paysans-ouvriers, l’Encyclopédiste conclut : « Pour que tout aille bien, il faut que la culture de la terre soit l’occupation du plus grand nombre ; et que cependant une grande partie du moins de ceux qui s’y emploient s’occupent aussi de quelque métier, et dans le temps surtout où ils ne peuvent travailler à la campagne ».
16Le développement économique n’est possible que grâce à un progrès du réseau routier. L’École des Ponts et Chaussées est fondée en 1747. Il suppose aussi un progrès du système bancaire. La catastrophe de Law avait appris la méfiance aux Français pour longtemps. Cependant la première banque moderne, la Caisse d’Escompte apparaît en 1776. Il n’en reste pas moins que dans le domaine de la vie bancaire, la France a un retard évident par rapport à l’Angleterre.
17L’agriculture demeure elle aussi quelque peu retardataire, quoique des mesures soient prises pour la moderniser. Le contrôleur général Bertin, à partir de 1760, va pousser les intendants (dont le rôle a été capital, dans ce domaine comme dans celui de l’urbanisme, quoique leur influence après 1750 soit moins grande) à créer des sociétés d’agriculture. La bergerie de Choiseul à Chanteloup est une bergerie modèle. Parmentier, encouragé par Louis XVI après la famine de 1785, expérimente dans la plaine des Sablons, à Neuilly, la culture de la pomme de terre ; il préconise les sirops de raisins pour remplacer le sucre, la réfrigération pour conserver les aliments. En 1782, il est nommé adjoint au Conseil de Santé. L’exemple de Parmentier montre bien comment la monarchie était prête, à la veille de la Révolution, à soutenir la recherche.
18Cependant, il subsiste un énorme décalage entre la recherche et la pratique quotidienne de l’agriculture dans la France profonde : l’outillage est archaïque, les méthodes également. La hausse des prix des produits agricoles s’accélère en cette deuxième moitié du siècle ; hausse également du prix des terres (l’hectare passe de 265 à 515 francs, en moyenne, entre le début et la fin du siècle). La hausse des fermages étant supérieure à celle des denrées, ce sont les propriétaires et non les fermiers qui s’enrichissent.
19Les écrivains, en général, connaissent peu la campagne et, quand ils en parlent dans leur œuvre, c’est à travers le prisme d’une idéalisation qui nous semble un peu désuète. Pour lutter contre l’abus du luxe, thème qui prend plus de force à mesure que s’avance le xviiie siècle, on exalte le bonheur de la vie champêtre. Beati nimium agricolae si sua bona norent : toute une tradition élégiaque et descriptive se ranime autour de cette exaltation d’une vie dans la nature. Les héroïnes de roman aiment à avoir, comme Marie-Antoinette, une ferme à l’écart de leur château. Clarens est un paradis agricole, quelque peu paternaliste, ou plutôt « maternaliste », sous l’autorité enchanteresse de Julie. Rétif est le seul de nos écrivains à avoir vécu une enfance de paysan ; certes, le souvenir et la lecture de Rousseau l’incitent à une certaine idéalisation, mais il connaît vraiment la campagne et ses récits autobiographiques ont un bon goût de terroir. Diderot laisse dans Jacques le Fataliste ou dans son Voyage à Bourbonne des « flashes » sur la vie campagnarde et son goût du réalisme l’amène à se tenir plus près de la vérité.
3. Les classes sociales
20Leur organisation est la même que dans la période précédente ; cependant, sous cette apparente immobilité, les réalités changent. L’ascension bourgeoise se poursuit, surtout par l’accès aux professions libérales et en particulier juridiques. Cette bourgeoisie est conservatrice dans son ensemble : détentrice d’offices royaux et de propriétés, elle tient à les garder. La noblesse continue à exercer son pouvoir de fascination : le bourgeois rêve de devenir noble. C’est cependant dans cette classe bourgeoise que vont se recruter la plupart des Philosophes ; c’est elle qui servira de support financier et commercial à l’Encyclopédie.
21À côté de cette bourgeoisie de magistrats, d’avocats, de médecins, de financiers, il faut noter l’importance que prennent les artisans et les « négociants ». « Dans ce quart de siècle, le titre de négociant acquiert sa dignité. Les héros des drames de Diderot, qui doivent prendre la place des figures aristocratiques de la tragédie classique, sont des négociants. Le terme a des connotations prestigieuses : l’aisance acquise par un labeur personnel, une culture nourrie d’expérience, la confiance de tout un réseau de correspondants, la familiarité, au moins intellectuelle, avec les grandes routes terrestres et maritimes du globe, la remise en jeu permanente de la situation acquise et de la vie même (car la faillite entraîne souvent le suicide) » (R. Mauzi et S. Menant). Le mouvement d’idées qui amène cette exaltation du négociant était déjà amorcé par les Lettres philosophiques de Voltaire : il s’accentue considérablement après 1750.
22Cependant, cette bourgeoisie d’affaires est mal à l’aise dans le système politique et religieux du xviiie siècle. Elle est écartée du pouvoir et son idéal (qui est déjà « Enrichissez-vous ») s’accorde mal avec celui du catholicisme. Voltaire est un bel exemple de la situation inconfortable de la bourgeoisie d’affaires. Après avoir amassé de l’argent en négociant fort habilement, il devient propriétaire terrien à Ferney, profite des usages féodaux, fait ses Pâques. « Cette duplicité qui trompe les uns, scandalise les autres et fait sourire les initiés, exprime on ne peut mieux les difficultés d’un bourgeois d’affaires dans un monde où il n’a pas de siège » (ibid.). Pourtant, à travers les œuvres littéraires et artistiques, cette bourgeoisie va imposer de plus en plus son code des valeurs : exaltation de la vertu familiale, du bonheur modéré, de l’utilité économique, sensibilité larmoyante parfois. La pensée des Lumières « porte l’empreinte de la bourgeoisie », mais « cette empreinte marque sa limite » (ibid.). Pour la plupart de ses thèmes, on pourrait développer ce qu’avançait J. Ehrard, à propos de l’idée de nature : « idée-force » et « idée-frein » ; c’est peut-être plus évident encore pour la notion de « bienfaisance », mot qui envahit la littérature des Lumières. Forme laïcisée de la « charité » chrétienne, elle est une idée-force dans la mesure où elle est le fruit d’une prise de conscience de la misère et de la nécessité d’œuvrer efficacement contre elle. Elle est une « idée-frein » dans la mesure où elle peut aboutir à la bonne conscience.
23L’aristocratie, quant à elle, demeure enfermée dans ses idéaux traditionnels et inégalitaires ; cependant, dans le domaine des idées et des sentiments, les frontières ne sont pas étanches. Ayant le sentiment qu’elle est en perte de vitesse, elle va se raidir, tâcher de rétablir dans toute leur vigueur les droits féodaux : jamais on n’a été aussi exigeant sur les « quartiers de noblesse » qu’à la veille de la Révolution. Les seigneurs – le père de Chateaubriand en est un bel exemple – remettent en vigueur des droits complètement tombés en désuétude. Mesures fort impopulaires et qui ne font qu’aviver le malaise des campagnes. Les Philosophes sont loin d’appartenir exclusivement à la bourgeoisie et ne sont pas insensibles au charme de la particule, quand ils sont d’origine bourgeoise. Cependant, si Arouet se fait appeler De Voltaire, Diderot ne tient pas à s’adjoindre une particule. Autre tempérament, autre génération. Les Lumières se font les porte-paroles des arguments de la bourgeoisie contre la noblesse dans la critique des « privilèges » sociaux, judiciaires et fiscaux : leurs attaques contre le luxe et l’oisiveté sont clairement dirigées contre l’aristocratie.
24On remarque une baisse progressive des vocations religieuses pendant le xviiie siècle. L’attitude du clergé envers les Lumières est une question complexe. Il a une certaine peine à suivre le mouvement des idées, sans qu’il y ait cependant refus massif, loin de là. L’Encyclopédie non seulement puise largement dans les trésors de l’érudition monastique, mais recrute, dans son équipe même, des ecclésiastiques, tel l’abbé Yvon, auteur d’articles de théologie, et dont la collaboration s’étend à de nombreux articles anonymes dans les volumes iii à xvii. Le titre d’un de ses ouvrages est par lui-même révélateur : L’Accord de la philosophie avec la religion. Beau programme que de nombreux ecclésiastiques rêvent alors de réaliser. Le clergé, comme le pouvoir, est de plus en plus gagné aux Lumières.
25Les combats de Voltaire et des encyclopédistes montrent cependant une résistance. La « superstition » est encore bien vivace et Voltaire s’insurge dans le Dictionnaire philosophique contre un triomphalisme naïf des esprits éclairés. « Je vous ai entendu dire quelquefois : Nous ne sommes plus superstitieux ; la réforme du seizième siècle nous a rendus plus prudents ; les protestants nous ont appris à vivre. Et qu’est-ce donc que le sang d’un saint Janvier que vous liquéfiez tous les ans quand vous l’approchez de sa tête ? Ne vaudrait-il pas mieux faire gagner leur vie à dix mille gueux, en les occupant à des travaux utiles, que de faire bouillir le sang d’un saint pour les amuser ? Songez plutôt à faire bouillir leur marmite. » On voit comment la lutte que les Philosophes entreprennent contre la superstition rejoint le culte de l’utile cher à la bourgeoisie.
26En conclusion de ce bref panorama des classes sociales dans la deuxième moitié du xviiie siècle, on ne manquera pas de remarquer comment la configuration même de la société après 1750 était favorable à une entreprise comme l’Encyclopédie et plus généralement à la diffusion des Lumières. Un édifice social apparemment stable, mais qui présente un net décalage entre structures politiques et structures économiques ; une bourgeoisie qui a de l’argent pour acheter des livres et dont le mécontentement cherche des voix pour s’exprimer ; un pouvoir suffisamment musclé pour que la lutte contre lui revête une allure héroïque ; assez de superstitions pour que la guerre contre elles soit nécessaire ; mais suffisamment de complicités dans le gouvernement et dans le clergé pour que finalement la bonne cause puisse triompher.
C. Les gens de lettres
1. Modes de vie
27S’il est une catégorie sociale dont le statut économique et la place dans la société aient changé, c’est bien celle des écrivains. Nous avons vu Voltaire dans la xxiiie des Lettres philosophiques se lamenter sur le peu de considération dont ils jouissaient alors en France. Mais dans l’article « Gens de lettres » des Questions sur l’Encyclopédie, il constate le changement. Le champ de la réflexion de l’homme de lettres s’est étendu, il s’occupe de géométrie, de philosophie, d’histoire, et se fait écouter, grâce à cette compétence, dans la société.
28Pas plus après 1750 qu’avant, les écrivains, par leur origine, ne forment à proprement parler une classe. Mais la bourgeoisie est le vivier où naissent le plus d’écrivains : bourgeoisie parlementaire, professions libérales, juristes, artisans aisés, comme c’est le cas pour Diderot. Les moyens de subsistance de l’écrivain sont variés. Le système des pensions royales et du mécénat continue à être efficace. Le développement de la haute finance permet également le mécénat des grands financiers, fermiers généraux, etc. Le Neveu de Rameau évoque de façon un peu caricaturale, cette faune de pauvres hères qui gravitent autour d’eux à la recherche d’un couvert.
29L’écrivain peut aussi vivre de journalisme, de préceptorat ou bien compter sur ses inventions : le roi récompense les découvertes techniques. Beaumarchais invente l’échappement des montres, et Rousseau arrive à Paris en croyant faire fortune avec une nouvelle façon de noter la musique. Le statut des auteurs va se préciser dans la deuxième moitié du xviiie siècle. Un arrêt de 1749 définit la propriété littéraire, mais dans un temps limité. Diderot, Beaumarchais, Rétif luttent pour obtenir que leurs droits soient précisés. Il s’agit de définir la part qui, reviendra au « libraire » (éditeur) et celle qui revient à l’auteur. Beaumarchais obtient en 1777 que l’auteur dramatique touche des droits sur les représentations. Il fonde, le 3 juillet 1777, la société des auteurs dramatiques. Sa revendication ne pourra aboutir qu’en 1791. Les débuts sont cependant difficiles quand l’on veut gagner soi-même sa vie ; ils étaient plus précoces quand les écrivains jouissaient d’une fortune personnelle, de charges ou de fonctions administratives, de pensions. Mais on ne saurait attribuer à des causes purement économiques les raisons des débuts tardifs dans le métier des lettres de la plupart des grands noms après 1750. C’est aussi que l’écrivain ne se contente pas de commencer par quelque recueil de poésie galante : il veut apporter un système philosophique qui suppose de la maturité. « La Mettrie, Mably, Rousseau, Diderot, Condillac, Helvétius ont tous attendu d’avoir quarante ans pour se déclarer et s’exprimer : tous avaient eu besoin de ce long apprentissage pour devenir eux-mêmes » (Jean Fabre).
30La transformation du statut moral et social de l’écrivain est très sensible aussi après 1750. « La fusion des gens de lettres et des grands était un thème favori des écrits philosophiques depuis le milieu du siècle. Duclos l’avait triomphalement proclamé dans ses Considérations sur les mœurs du siècle. Il expliquait que le métier d’écrivain était devenu une nouvelle « profession » conférant un « état » distingué à des hommes de grand talent mais de naissance modeste » (R. Darnton). Le nombre des gens de lettres s’accroît considérablement. Il y a évidemment du déchet dans cette prodigieuse ascension. À la veille de la Révolution, la bohème littéraire est une classe où se côtoient écrivains manqués, escrocs, réformateurs de la société. Dans son ensemble d’ailleurs, cette Bohême ne demanderait pas mieux que de s’intégrer, que d’obtenir des pensions ; mais dans la mesure où elle n’y parvient pas, elle est soulevée d’un grand mécontentement et participera volontiers aux premiers mouvements révolutionnaires.
2. Salons et loges
31L’homme de lettres, surtout s’il a réussi, a une place de choix dans la vie mondaine. Les salons sont fiers de le recevoir. Le salon de Julie de Lespinasse qu’aime d’Alembert, supplante celui de sa tante Mme du Deffand dont l’attitude envers les Philosophes était quelque peu ambiguë. Chez Julie, les Philosophes sont les vedettes. Mme Geoffrin (1699-1777) qui pourtant appartient à une génération nettement antérieure à celle de Julie (1732-1776), aime aussi à recevoir avec les Philosophes diverses personnalités de la diplomatie européenne. Elle entretient une correspondance avec Catherine II. En 1766, elle est reçue à Vienne par Kaunitz et à Schœnbrunn par Marie-Thérèse. Elle sert la cause de l’Encyclopédie en France et en Europe. Le salon de d’Holbach accueille « la coterie holbachique » : l’abbé Galiani, Helvétius, d’Alembert, Diderot, Raynal, Buffon, etc. La vie de salon se pratique aussi à la campagne, et là, des séjours prolongés et plus tranquilles sont encore plus propices à l’échange des idées. Les conversations commencées à Paris se poursuivent à Grandval : les lettres de Diderot à Sophie Volland évoquent l’atmosphère de ce château où l’on sait à la fois s’amuser et réfléchir, à la table opulente de d’Holbach. Ses articles pour l’Encyclopédie s’élaborent dans ces séjours. À Chenonceaux, Rousseau, le bon sauvage, est accueilli chez Mme Dupin. Chez Mme d’Épinay, à la Chevrette (près de Montmorency), se rencontrent – et se brouillent – Rousseau et Grimm.
32Les écrivains se retrouvent aussi dans les loges maçonniques. Là peuvent se côtoyer nobles et bourgeois, dans une apparente égalité. Savants et illuminés échangent leurs lumières. Les loges, si elles prêchent l’égalité des hommes, n’entendent pas changer profondément l’ordre social et politique. Peu d’encyclopédistes sont maçons et, en revanche, des figures marquantes de l’anti-philosophisme, tels Fréron, Desfontaines, peut-être Palissot, sont des francs-maçons.
33L’écrivain n’a pas seulement une situation mondaine importante : il entend avoir aussi un rôle moral, du moins quand il a « réussi ». « Vers 1750 et jusqu’à la Révolution, l’apologie de l’homme de lettres devient une véritable glorification que l’on associe sur un ton grandiose à une doctrine générale d’émancipation et de progrès » (P. Bénichou). On demande conseil à un confesseur. Le jeune Senancour, en 1789, écrira à Bernardin de Saint-Pierre comme à un directeur de conscience. On entreprend des pèlerinages à Ferney. Mais ce ne sont pas seulement les individus qui demandent conseil aux Philosophes. L’écrivain est hanté par l’image du législateur antique (cf. le Contrat social). On demande à Rousseau des projets de législation pour la Corse ou pour la Pologne.
3. La censure
34Il ne faut cependant pas céder trop facilement à une vision optimiste du Philosophe devenu roi. Nous aurons l’occasion de parler des durs combats que Diderot, Voltaire et Rousseau eurent à mener. La liberté d’expression ne sera proclamée que par la Révolution française. La censure et le système des autorisations et des privilèges ne sont pas ébranlés auparavant. Cependant les « permissions tacites » se multiplient ; elles permettent l’impression d’ouvrages non orthodoxes. Malesherbes justifie son attitude libérale par divers arguments, celui de l’utilité tactique, entre autres : « La chaleur des désunions théologiques est bien apaisée depuis que le gouvernement ne donne plus de lettres de cachet aux jansénistes et que le Parlement ne décrète plus les molinistes ». Le progrès des Lumières lui semble surtout nécessiter ce changement d’attitude : « Nous sommes parvenus au moment heureux où le Roi lui-même demande les lumières de tous ses sujets » : ainsi « l’inquiétude que les auteurs causaient autrefois au gouvernement, est à présent dissipée » (Mémoires sur la liberté de la presse). Il est probable aussi que, dans cette libéralisation de la censure, jouèrent des considérations économiques. Ce que le gouvernement ne laisse pas imprimer en France est pris avidement par les éditeurs étrangers à Genève (les Cramer) à Neuchâtel, en Hollande, en Angleterre.
35La figure de Malesherbes (1721-1794) n’en est pas moins exemplaire ; il protégea l’Encyclopédie et aida Rousseau à quitter la France sans être ennuyé par la police. Les vicissitudes mêmes de cette existence sont révélatrices. Secrétaire de la Maison du roi, il démissionne en 1776 devant l’opposition systématique à laquelle se heurtaient les projets de réforme de la part des privilégiés. Il défend la cause des protestants, en réclamant pour eux le droit à avoir un mariage légalement reconnu (Mémoire sur le mariage des protestants, 1785). Ayant plaidé la cause de Louis XVI devant la Convention, il sera guillotiné. Figure des Lumières, après avoir lutté avec les Philosophes contre le fanatisme, il fut victime d’un autre fanatisme. On se gardera cependant, malgré la belle figure de Malesherbes, d’avoir une vue trop optimiste de la liberté sous l’Ancien Régime. Le livre dépend aussi, en particulier quand il n’a qu’une « permission clandestine », du lieutenant de police ; les autorités ecclésiastiques, la Sorbonne ont aussi leur mot à dire. L’écrivain est enfin victime des censures que l’éditeur timoré fait de son propre chef : on le verra à propos de l’Encyclopédie et des justes fureurs de Diderot contre Lebreton.
4. Diffusion du livre
36On se gardera aussi d’un excès d’optimisme sur la pénétration des Lumières dans un pays où plus de cinquante pour cent de la population est analphabète, et où finalement très peu d’individus ont accès au livre. Les bibliothèques publiques sont très rares, les cabinets de lecture sont parfois achalandés de façon assez médiocre. Le rôle des colporteurs est important ; ils véhiculent pêle-mêle ouvrages de polémique et romans pornographiques, mais aussi les grands textes de Voltaire, de Rousseau, d’Helvétius. Ce qu’il y a de certain, c’est l’accroissement à la fois du nombre d’ouvrages qui paraissent et des tirages (dans la mesure où on peut les connaître). Le nombre des périodiques s’accroît lui aussi d’une façon révélatrice ; ils passent d’une trentaine en 1750 à plus de soixante en 1778.
37Le mouvement des Lumières ne touche-t-il qu’un nombre très limité de privilégiés ? L’Encyclopédie eut quatre mille souscripteurs, et beaucoup d’entre eux ne consultèrent probablement qu’un nombre très restreint d’articles, et peut-être pas ceux que nous jugeons les plus intéressants. Un médecin de province comme le docteur Gagnon, grand-père de Stendhal, y lisait cependant autre chose que les articles de médecine ; il y puisait cet esprit des Lumières qui le poussa à créer une bibliothèque à Grenoble, et à participer, sous la Révolution, à l’installation d’une École centrale dans cette ville. Il faut à ce propos, noter que, si remarquable que soit l’effort pédagogique de la Révolution, il avait été amorcé à la fin de l’Ancien Régime par la multiplication des écoles techniques (Ponts et Chaussées, Mines, Écoles d’hydrographie, Ecoles militaires). Ce nouveau public est bien fait pour accueillir l’Encyclopédie et participer de cet esprit des Lumières avec son goût des sciences et des techniques.
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• Situation politique
Pour le règne de Louis XV, voir bibliographie, 2e partie, chap. 1er.
L’Attentat de Damiens : discours sur l’événement au xviiie siècle, dir. P. Rétat (P.U. Lyon, 1979). – Fr. Bluche, La Vie quotidienne sous Louis XVI (Hachette, 1980). – P. Goubert, L’Ancien Régime, I, La Société ; II, Les Institutions (A. Colin, 1969-1973). – J. Godechot, Histoire universelle (Gallimard, « Pléiade », t. III). – H. Méthivier, La Fin de l’Ancien Régime (P.U.F., « Que sais-je ? », 1972).
10.4000/books.pul.551 :• Situation économique et sociale
F. Braudel, Civilisation matérielle et capitalisme. xve-xviiie siècles (Colin, 1967). – F. Braudel & E. Labrousse, Histoire économique et sociale de la France, t. II (P.U.F., 1970). – Histoire de la France rurale, dir. G. Duby & A. Wallon, t. II (Seuil, 1975). – J. Delumeau, Le Catholicisme de Luther à Voltaire (P.U.F., rééd. 1985). – B. Plongeron, Théologie et politique au siècle des Lumières. 1770-1820 (Droz, 1973). – M. Vovelle, Piété baroque et déchristianisation en Provence au xviiie siècle. Les attitudes devant la mort d’après les testaments (Seuil, coll. « Points, Histoire », 1978).
• Les gens de lettres
Livre et société dans la France du xviiie siècle, t. 1 (Paris-La Haye, Mouton, 1975). – P. Bénichou, Le Sacre de l’écrivain, 1750-1830 (Cotti, 1973). – R. Darnton, Bohème littéraire et Révolution (Gallimard-Seuil, 1983). – E. Badinter, Émilie, Émilie (Mercure de France, 1983). – E. et J. de Concourt, La Femme au xviiie siècle (rééd. « Champs », Flammarion, 1981). – N. Hermann-Mascard, La Censure des livres à Paris à la fin de l’Ancien Régime 1750-1789 (P.U.F., 1968). – M. Marion, Recherches sur les bibliothèques privées à Paris au milieu du xviiie siècle 1750-1754 (Bibliothèque nationale, 1978).
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