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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Quimper. « Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents bretons ! » Des attaches familiales oubliées La Bretagne, une part de l’espace historique personnel de François Mitterrand ? Notes de bas de page Auteur

    Le promeneur enraciné

    Ce livre est recensé par

    • Gilles Candar, Histoire Politique, mis en ligne le 7 septembre 2023. URL : https://journals.openedition.org/histoirepolitique/13170 ; DOI : https://doi.org/10.4000/histoirepolitique.13170
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    Table des matières

    François Mitterrand et la Bretagne

    Les relations en politique

    François Prigent

    p. 113-126

    Texte intégral Quimper. « Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents bretons ! » Du 125 impasse de l’Odet au club des Bonnets rouges De l’action à la mémoire Des attaches familiales oubliées Nantes. Les symboles politiques de François Mitterrand Dinan. Les années « pas roses » des Gouze La Bretagne, une part de l’espace historique personnel de François Mitterrand ? Beg-an-Fry (Guimaëc) : la fabrication d’un lieu de mémoire mitterrandien Les voyages de François Mitterrand en Bretagne sous l’angle des amitiés personnelles Belle-Île-en-mer : mort à venir Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1François Mitterrand. Un homme intrinsèquement défini par sa capacité à cloisonner, à dissocier les relations dans les espaces-temps, à mobiliser des réseaux de relations pluriels d’autant qu’ils sont multi-dimensionnels. Lors de nos travaux de thèse, les entretiens oraux effectués auprès des élus socialistes bretons, dont les parcours épousent les dynamiques des années Mitterrand du nouveau PS, exprimaient de manière frappante trois réalités dans les relations entre François Mitterrand et la Bretagne1 : sa connaissance fine des terroirs politiques et de la géographie électorale mais plus largement des cultures politiques locales, des visages et figures qui les incarnent ou les portent ; la vigueur et la réalité des relations interpersonnelles dévoilant des intimités politiques, avec une kyrielle d’anecdotes qui ont du sens en ce qu’elles révèlent des amitiés et des relations politiques suivies ; l’intensité, dans les années 1970-1980 de sa présence physique en Bretagne (campagnes électorales, meetings, voyages militants puis officiels) s’accompagnant d’une mise en scène de la figure mitterrandienne, dont le rôle, décisif, est mis en récit par les réseaux de la social-démocratie d’élus locaux, en formation.

    2Ces dimensions multiples des ancrages politiques, saisies sous l’angle des histoires personnelles, révèlent un rapport politique intime aux espaces. De la petite histoire politique à la lecture des usages politiques du territoire, il s’agit de saisir la sensibilité des pouvoirs, en restituant la part de ces lieux investis par des lectures subliminales du politique, ou en tout cas une pratique des relations politiques influencée par le ressenti, l’affect, l’amitié2.

    3Le parcours en politique de François Mitterrand repose indéniablement sur des ancrages territoriaux pluriels, pensés en termes de ressources partisanes mobilisées, d’attaches familiales plus ou moins cultivées ou de rapports intimes, passionnés, à un espace. Et la perception globale de ces formes d’enracinement local semble à première vue déconnectée de la Bretagne. Pourtant, plusieurs aspects, dont la portée ne doit pas être surestimée dans son itinéraire, peuvent retenir notre attention pour relire « les territoires de Mitterrand », mettant à jour une liaison étroite, une représentation chargée d’émotion, des perceptions complexes de certains espaces bretons. Cette relation spéciale à la Bretagne procède en premier lieu de l’existence de plusieurs liens familiaux relativement lointains ou indirects, mais dont François Mitterrand se sert pour les transformer en outils politiques pour légitimer des choix stratégiques forts, en faisant coïncider les mémoires personnelles et les projections collectives à venir autour d’une thématique précise. Car, dans cette histoire, François Mitterrand excelle dans la fabrication ou la mise à jour de liens a posteriori, autant de moyens pour le président de la République de mettre en scène un rapport sensible et familial avec le territoire breton, lors d’annonces majeures introduisant toute une série de nouvelles politiques. Alors, Mitterrand, l’enraciné breton ?

    Quimper. « Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents bretons ! »

    Du 125 impasse de l’Odet au club des Bonnets rouges

    4Avant de se fixer à Angoulême et en Charente, le père de François Mitterrand, Joseph Mitterrand (1873-1946) exerce un temps, entre 1911 et 1915, la profession de chef de gare adjoint à Quimper, sur la ligne Paris-Orléans. Le couple Mitterrand habite à proximité de la gare, au 125 de l’impasse de l’Odet, un logement de fonction au cœur du quartier cheminot tramé par des sociabilités militantes du mouvement ouvrier qui portent Henri Jacquelin (SFIO) à la mairie de Quimper en 19123. Pour autant, la préfecture du Finistère ne revêt pas une charge émotionnelle particulière, de l’ordre de l’espace vécu du quotidien, pour un François Mitterrand, qui naît en 1916.

    5Ces origines quimpéroises partagées participent en revanche des relations interpersonnelles suivies et soutenues avec Charles Hernu, notamment à partir de l’aventure militante de la Convention des institutions républicaines (CIR). Or, c’est une dimension du sujet des relations en politique que celle de la confiance mutuelle fondée sur l’amitié en politique et sur des liens anodins engageant les individus, à ne pas négliger pour comprendre l’autonomie d’une branche du club des Jacobins de Charles Hernu, le club des Bonnets rouges4 où évoluent Charles Josselin ou Louis Le Pensec. Ce suivi délégué de l’organisation politique, un mode de fonctionnement typiquement mitterrandien privilégiant les relations bilatérales pour médiatiser des liens collectifs plus lâches5, nourrit les échanges entre François Mitterrand et Charles Hernu sur la question des identités régionales en politique. Si la première rencontre physique entre Louis Le Pensec et François Mitterrand date seulement de 1973, les idées infusent dès la fin des années 1960. En 1967, François Mitterrand se rend à Quimper, pour un meeting de soutien au candidat FGDS, salle Toul-al-Laër, faisant une mention rapide, anecdotique, de son rapport familial à Quimper, pour se concentrer sur les enjeux nationaux de ce scrutin local6. Dans un autre contexte politique, en 1977, il fait étape à Quimper pour soutenir la liste d’union de la gauche menée par Bernard Poignant7, dévoilant un peu plus son passé familial, en introduction de son discours, pour activer en revanche la ressource politique locale des réseaux socialistes, ce qui apparaît plus nettement lors de la tournée de meetings bretons avant les législatives de mars 1978, ciblant l’enjeu national des recompositions à l’œuvre à l’échelle régionale, favorables au PS8.

    De l’action à la mémoire

    6Autre dimension, récurrente chez François Mitterrand, celle de l’usage du récit personnel ou familial pour introduire, annoncer et légitimer une annonce politique, alternant dans ses discours officiels le registre des anecdotes personnelles et le champ des mesures concrètes matérialisant les politiques retenues. Des sentiments à l’action politique, cette méthode de mise en forme des arguments participe d’une volonté politique d’associer la figure personnelle du Président au territoire français, les deux achevant de s’entremêler pour finalement se confondre. C’est exactement le sens politique recherché lors de ses deux venues officielles à Quimper en tant que président de la République9. Lors du voyage du 8 octobre 1985, s’il est accueilli par Marc Bécam (maire RPR) dans un contexte politique marqué par les contestations à gauche sur fond de conflictualité sociale10, il veille à cultiver les réseaux locaux de la gauche, en s’entretenant avec les milieux militants gravitant autour de Bernard Poignant11. Cette visite politique est l’occasion de présenter des politiques de développement, et les anecdotes familiales servent de prétexte pour une mise en scène des stratégies nationales.

    7Dans un contexte politique tout aussi délicat, après les déroutes de 1992-1994, François Mitterrand se rend une dernière fois à Quimper, le 19 octobre 1994 pour poser la première pierre de l’université de Créach Gwen (futur pôle universitaire Per Jakez Hélias12). Le discours officiel est d’abord centré sur les politiques d’aménagement du territoire illustrées par cette volonté de décentralisation universitaire, sur le concret des réalisations politiques d’un président architecte de la société française, et traite ensuite de la question sociale des mondes de la mer et de la terre si caractéristiques de la Bretagne. Puis il délivre une série de réflexions qui témoignent à quel point les usages de l’espace se font politique(s) : des valeurs culturelles de cette région à forte identité au témoignage, dit sur le ton de la confidence, de la valeur de l’émancipation par le savoir qui change la trajectoire individuelle de celui qui devient un homme d’État féru de culture. Petites histoires de vie et univers intellectuel se rencontrent ici dans un discours officiel qui cherche à incarner la chose politique13. L’imprégnation de l’espace, sa mémoire et ses symboles, se vit aussi chez François Mitterrand, à l’image de ces courts moments empreints de gravité et d’intimité (recueillement familial, relations sentimentales à un espace habité par le passé) durant lesquels il parcourt à pied, hors protocole, quelques centaines de mètres dans le centre de Quimper. François Mitterrand, le promeneur politique, arpente ainsi la rue du roi Gradlon (figure légendaire du pouvoir en Cornouaille), sur les rives de l’Odet, face à la cathédrale Corentin (symbole du pouvoir religieux) avant de s’engouffrer sous le porche de la mairie (lieu du pouvoir républicain), où l’attendent Bernard Poignant14 (devenu maire en 1989) et ses amis politiques.

    8Après sa mort, le temps de la commémoration politique, en octobre 2000, réactive cette articulation entre mémoire d’une politique culturelle et mémoire sensible d’un passé familial, lors de l’inauguration officielle de l’esplanade du théâtre de Cornouaille, rebaptisée esplanade François Mitterrand. Radicalement différent, le contexte politique révèle le nouveau rôle politique des notables socialistes locaux : reconquête du siège de député en 1997, perdu en 1988, basculement du conseil général en 1998 suivi de l’élection de trois sénateurs dans le Finistère, confirmation politique à la mairie acquise en 1989 et émergence politique à l’échelle européenne de Bernard Poignant. Au temps de la gauche plurielle, Jean-Louis Bianco, député-maire de Digne, président du conseil général des Alpes-de-Haute-Provence, retrace les actes politiques forts de la figure tutélaire du PS. Ancien secrétaire général de l’Élysée et porte-parole du gouvernement, alors président de l’Institut François-Mitterrand, il rappelle le passé de cet espace investi par François Mitterrand, familialement, personnellement et politiquement.

    Des attaches familiales oubliées

    Nantes. Les symboles politiques de François Mitterrand

    9De façon intéressante, l’idée que le premier président socialiste de la Ve République aurait pu naître ailleurs qu’à Jarnac fait également irruption dans l’opinion publique locale dans les années 1990, à la faveur des venues de François Mitterrand à Nantes. En effet, en 1915-1916, le père de François Mitterrand, déjà en poste à Saint-Nazaire en 1905, officie à Chantenay, quartier populaire de Nantes où s’étaient, classiquement implantés les premiers réseaux SFIO autour de Ernest Dalby. Loin de cette inclinaison politique, le couple Mitterrand ne participe pas à ces militances du mouvement ouvrier, adossées aux filières laïques. De Quimper à Nantes, la relecture par François Mitterrand des moments qui précèdent sa naissance offre une clé pour personnaliser l’expression de ces convictions politiques profondes lors de ses voyages officiels. Ce qui marque, c’est la continuité des thématiques politiques associées à ces souvenirs nantais redéployés entre la fin des années 1980 et le début des années 199015, pour porter les politiques de la ville de ses gouvernements16.

    10C’est déjà le cas en février 1989 pour afficher son soutien à Jean-Marc Ayrault, maire de Saint-Herblain dès 1977, candidat choisi par le PS pour regagner la mairie de Nantes. Depuis l’emblématique quartier du Sillon de Bretagne, il met l’accent sur les politiques menées en matière de logement social. Profondément enraciné dans l’univers culturel du monde rural, François Mitterrand mobilise le passé urbain de ses parents pour monter sa capacité à se confronter à l’acuité des thématiques sociales nouvelles que représentent les problématiques urbaines17. Ces racines urbaines sont plus ouvertement convoquées, comme ressources politiques, pour légitimer les nouveaux choix politiques, concrets, défendus par ses gouvernements.

    11Ainsi, le 25 janvier 1994, il apprécie la portée du développement social engagé par la municipalité Ayrault avec le soutien de l’État18 dans les quartiers nord de Nantes. Sa visite, jalonnée de rencontres avec des citoyens engagés et des responsables associatifs, donne à voir un président de la République qui s’imprègne de l’espace urbain en le parcourant, physiquement. Tout d’abord dans le quartier de La Géraudière pour visiter les logements réhabilités par l’office HLM Nantes Habitat de l’ancienne cité Abbé Pierre. Il s’agissait à l’origine, en réaction immédiate à l’appel de l’abbé Pierre, d’un plan d’urgence du ministère de la Reconstruction et du Logement (MRL), en février 1955, pour construire à la hâte cinquante-trois maisons, des « taudis-neufs » de l’aveu même des habitants. En septembre 1955, l’abbé Pierre s’était rendu sur place pour pointer la nécessité de poursuivre l’action à destination des catégories populaires en matière de logement dans ces nouveaux espaces urbains, signe de l’étalement de l’agglomération nantaise, vers le nord, grignotant les espaces ruraux. Le deuxième acte politique de la matinée de François Mitterrand consiste en une inauguration officielle d’un pôle social, à Santos-Dumont (en activité depuis septembre 1993). En cette période de cohabitation, il est accompagné par Hervé de Charette, ministre du Logement. L’angle local choisi vise aussi à mettre en exergue les réalisations du socialisme municipal, en politisant ces enjeux du logement, par la valorisation des idéaux de solidarité pour mieux charger l’orientation « antisociale détestable » du gouvernement Balladur. En choisissant la référence à Henri Grouès, l’abbé Pierre, ancien député du MRP, puis en réaffirmant les bienfaits de la Sécurité sociale, François Mitterrand mobilise des consensus politiques transpartisans de l’histoire politique française tout en convoquant des marqueurs puissants de gauche.

    12Puis il se déplace au cœur des espaces de la jeunesse, de la modernité et du lien social, en tramway, du campus universitaire jusqu’à l’arrêt Place du Cirque au centre de la ville. Conscient de la mise en scène de l’image politique et goûtant assurément le symbole d’être « en marche » dans la ville, il se rend jusqu’à l’Hôtel de ville, à pied, par la rue des Trois-Croissants. Après une adresse très partisane aux élus, notamment issu de la majorité municipale, il achève sa journée nantaise, à la mer, un espace qu’il affectionne à bien des points de vue. Le repas de fruits de mer et de poissons, au Croisic, est précédé de rencontres plus politiques. Accompagné par René Leroux, maire de La Turballe et futur député de La Baule-Guérande (1997-2002)19, il échange, sur la criée du port, avec les marins-pêcheurs.

    Dinan. Les années « pas roses » des Gouze

    13Un troisième lien familial et professionnel existe, indirectement, par l’entremise de sa femme, Danielle Gouze, née en 1924, qui fréquente le lycée d’État puis le collège de son père à Dinan20. Mariés en 1911 à Châlon-sur-Saône, les Gouze disposent d’un poste double à Épiniac-les-Mines, avant de faire leur carrière à Mouchard, Verdun (collège Buvignier) puis Dinan entre 1930 et 1937. Ces années d’enfance à Dinan, loin d’être des souvenirs de bonheur21, jouent un certain rôle dans les parcours politiques des Gouze. Institutrice, sa mère, Renée Flachot22, évolue dans les sphères laïques. Fils de commerçants, Antoine Gouze23, son père, principal du collège municipal de Dinan (futur collège Roger Vercel), a été inséré dans les filières militantes locales, socialistes et laïques, dans les années 1930. Forte de quarante adhérents en 1931, la section SFIO de Dinan s’appuie sur un noyau de sept-huit enseignants du collège. Surtout, des liens politiques étroits sont tissés par les républicains laïques de Michel Geistdorfer, dominants politiquement dans un contexte d’affrontement gauche/droite polarisé par les enjeux de la laïcité. Ces combats anticléricaux extrêmement durs affectent d’ailleurs Antoine Gouze, en butte aux critiques des milieux conservateurs lorsque la chapelle de son établissement est transformée en gymnase. Surtout, il est accusé personnellement d’être responsable de l’incendie du dortoir du collège, le 6 janvier 1934. L’onde de choc de ce fait divers impacte la famille Gouze d’autant plus que l’inspecteur d’académie relaye cette version des faits, contribuant à une forme de lynchage politique très certainement lié à l’appartenance maçonnique du père de Danielle Gouze. La blessure familiale s’avère indélébile quand le camion de déménagement brûle à son tour, avec à son bord les souvenirs d’enfance qui partent en fumée. La mémoire de cet épisode resurgit en 1956, lorsque la famille Mitterrand cette fois, subit un incendie qui détruit une partie des affaires personnelles du couple. Heurts et brimades24 contribuent assurément à forger les convictions politiques de la jeune Danielle Gouze. Ces tensions en tout cas jouent un rôle d’accélérateur des engagements politiques d’Antoine Gouze à son retour en Bourgogne25.

    14Pour François Mitterrand, ce passé breton de sa femme n’est pas sans sens politique. Ces relations par procuration nourrissent, une fois le passage à gauche irrémédiablement acté, ses représentations politiques. Une certaine conception du républicanisme socialiste, face à l’intolérance, qui a été une source d’engagements pour la famille Gouze. Un contraste aussi avec la compréhension du tissu chrétien social progressiste dont il a pu saisir la force au gré de son parcours, de la JEC à l’UDSR en passant par les milieux catholiques de la CIR (particulièrement singuliers et puissants en Bretagne, à l’image d’un Francis Le Blé au Groupe d’études et de recherches socialistes – GERS – à Brest).

    15Pour Danielle Mitterrand, la mémoire de ce passé douloureux au plan personnel est convertie en ressource politique dans les années 1980-1990. Lors de la campagne présidentielle de 1981, Danielle Mitterrand parvient à s’éclipser discrètement du meeting de Rennes, réunion militante à fort enjeu, pour se rendre à Dinan, en compagnie de responsables socialistes locaux, proches amis du Premier secrétaire du PS26. Elle revient, officiellement cette fois, à deux reprises, en février 1986 puis en février 1993 (des temps électoraux plus délicats, tant la défaite politique est vue comme l’issue inéluctable de ces campagnes législatives). Accompagnée notamment de Charles Josselin, elle participe à l’inauguration des nouveaux bâtiments.

    La Bretagne, une part de l’espace historique personnel de François Mitterrand ?

    16L’espace breton constitue aussi un territoire à part entière qui participe de la construction de la carrière politique de Mitterrand.

    Beg-an-Fry (Guimaëc) : la fabrication d’un lieu de mémoire mitterrandien

    17Une fois président de la République, François Mitterrand, lors de ses voyages officiels notamment en 198527, dévoile un rapport intime et politiquement fort au plan des émotions, celui de ses engagements résistants de la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec le récit de son débarquement à Beg-an-Fry, qui tend à devenir, pour reprendre la formule utilisée dans l’article séminal et lumineux de Patrick Gourlay, « un Solutré maritime28 », s’appuyant notamment sur les analyses de Marc Abélès sur l’espace-politique. Le temps des confidences bretonnes se superpose avec l’émergence d’une mémoire noire des traces du passé de la Seconde Guerre mondiale de François Mitterrand. En tout cas, un lieu des mémoires mitterrandiennes prend place sur le littoral breton, sur la base d’une histoire vécue sous-valorisée, révélatrice là encore, de liens distendus avec la Bretagne.

    18Cette démarche de communication politique s’apparente à une mise en scène du passé, une forme de storytelling, avec la reconstruction d’une mémoire mais aussi de regards émotionnels sur un territoire et de signes politiques d’un territoire à penser en termes d’imaginaires et de mythes politiques. Si cette mémoire entre en dissonance avec les cultures socialistes ou communistes locales29, se fondant sur d’autres engagements résistants, cette opération fabrique dans les années 1990-2000 de toutes pièces un lieu de mémoire socialiste local : la construction de l’autre Mitterrand (la référence politique à l’action présidentielle) à partir du passé résistant de Morland est valorisée par les responsables du PS qui s’identifient à ce cycle d’Épinay, décisif dans l’implantation de la social-démocratie d’élus locaux en Bretagne. Ce phénomène très net à la mort de François Mitterrand à l’échelle régionale prend dans le Nord-Finistère la forme de rites politiques inscrits dans l’espace.

    Les voyages de François Mitterrand en Bretagne sous l’angle des amitiés personnelles

    19La publication des Lettres à Anne30, utilement accompagnée d’un index des noms de personnes et de lieux, se révèle une source complémentaire pour appréhender les voyages de François Mitterrand en Bretagne31. Une exploitation heuristique de cette source consisterait à cartographier les déplacements et les réseaux de relations sur une période donnée du Premier secrétaire du PS (1971-1981). Ces venues dans un cadre militant puis officiel viennent confirmer, cultiver et solliciter des liens politiques interpersonnels.

    20Ces relations suivies dans le temps se déroulent au domicile de militants, devenus au fil du temps des élus, demeurant avant tout des hommes de confiance, détenteurs d’une amitié politique non dénuée d’affect. Ainsi, lors de ses venues à Rennes, François Mitterrand fait étape chez Lucien Rose, qu’il connaît personnellement depuis l’UDSR32. Les liens politiques s’entretiennent aussi à Paris, où travaillent certains militants socialistes tentant ou parvenant à s’enraciner localement en Bretagne (Julien Guelfi à Rennes, André Vazel33 à Saint-Malo, Max Querrien à Paimpol). Dans cette même région du littoral costarmoricain, François Mitterrand conserve des liens hérités de ses échanges avec la famille Schüller/Bettencourt à Trébeurden et à l’Arcouest. Des exemples sélectionnés dans les entretiens oraux réalisés dans le cadre de notre thèse34 témoignent de la normalité de ces relations directes, qui en disent long sur le degré de connaissances de la cartographie militante et électorale de François Mitterrand à une échelle fine, comme de la réalité des agendas politiques dans les années 1960-1980. Les élus PS aiment relater, avec une part de mise en scène, le rôle de ces rencontres avec François Mitterrand sur leurs parcours35. Avec un point commun (la Bretagne ne faisant nullement exception), le caractère systématique de la connaissance sensible et humaine des terroirs et des cultures politiques locales. Rue de Bièvre, Latche, Élysée… L’accès aux espaces mitterrandiens du pouvoir et de l’intime marque les mémoires des figures socialistes de premier plan et mériterait de faire l’objet d’une analyse de réseau égocentré, comportant une approche géographique des relations militantes.

    Belle-Île-en-mer : mort à venir

    21S’il aurait pu naître en Bretagne, François Mitterrand aurait aussi pu y mourir. En effet, à partir de 1991, il se rend de façon récurrente en Bretagne (six séjours, plus rapprochés en 1994-1995, où il affectionne, avec Venise et Assouan, cet espace d’une beauté merveilleuse) à l’invitation notamment de Georges Kiejman, à Belle-Île-en-Mer dans le Morbihan. Épuisé par la maladie, rompu à l’exercice du pouvoir présidentiel dans cette fin de second mandat, il se mue en « promeneur de la mer », se confrontant, à l’heure de la « mort à venir » à l’imaginaire de l’océan imprégné des vertiges de l’infini et des forces de la nature. Lectures, méditations, flâneries occupent l’essentiel de son emploi du temps, loin de l’enfermement politique de l’Élysée. Cette expérience solitaire, vêtu de sa mythique veste verte matelassée, offre ainsi des possibilités mesurées de sortie du protocole officiel36, marchant par exemple sur les traces de l’Enfermé, Messali Hadj37. Véritable personnage de roman, ce François Mitterrand, secret, intime et éperdument amoureux, fascine, comme en témoignent plusieurs enquêtes journalistiques fouillées38, tout en désarmant partiellement l’historien, au défi de mobiliser des sources utiles pour appréhender notamment ses pratiques du pouvoir. C’est sous le soleil de l’hôtel Castel-Clara, depuis ses chambres 108-109, que François Mitterrand rédige son ultime lettre à Anne, dans laquelle la vie personnelle efface presque totalement la vie d’homme d’État39.

    ⁂

    22Renversons le point de vue pour finir. Le grand basculement à gauche de la Bretagne des années 1970-198040, presque suffisant pour expliquer à lui seul la victoire nationale du candidat François Mitterrand si l’on s’attache à isoler les scrutins présidentiels de 1974 et 1981, parachève aussi la mutation des représentations de la figure mitterrandienne en Bretagne. Car paradoxalement, dans les milieux socialistes, l’image de François Mitterrand, avant d’être celle fédératrice du cycle qui conduit le PS d’Épinay à l’Élysée, renvoie à des visages partisans différenciés. Avatar du centrisme droitier en Bretagne, du fait du rôle joué par René Pleven, l’UDSR s’apparente à une filière militante globalement extérieure aux milieux partisans socialistes, tout juste remise en avant par des relations interpersonnelles particulières dans les années 1970 (Guy Jeanneau à Nantes, Lucien Rose à Rennes).

    23Du PSU à son ombre portée au PS, le courant rocardien fédérant les réseaux militants multiples de la deuxième gauche, notamment composés de chrétiens à gauche41, tarde à accepter positivement une figure honnie pour ses positions algériennes. Une dissonance qui tend à s’estomper avec la nationalisation du vote PS en Bretagne durant le cycle d’Épinay.

    24Au contraire, les réseaux mitterrandiens de la CIR pèsent politiquement dans la reconfiguration du socle militant du PS. Un corpus de 127 militants identifiés, 8 parlementaires élus en Bretagne (dont 3 ministres Charles Josselin, Louis Le Pensec, Jacques Floch), 18 conseillers généraux ou conseillers régionaux, c’est-à-dire une véritable école de formation politique dont l’histoire mériterait d’être écrite42.

    25Au-delà des représentations réciproques du couple Mitterrand/Bretagne, le rapport de François Mitterrand au(x) territoire(s) comme la Bretagne, entre petite patrie, racines familiales, mise en scène de ses ancrages personnels, doit se penser, dans un jeu d’échelles entre national et local, comme un moyen, par le personnel et l’individuel de légitimer ou d’introduire des thématiques et politiques locales. Les visées politiques, au-delà des visions familiales, s’apparentent bien à des angles de communication. Le président de la République, par la relecture et la reconstruction de son rapport intime à la Bretagne, cherche à incarner un pouvoir central, procédant de l’empreinte conjointe des pouvoirs locaux et des histoires de vie. C’est aussi une façon d’assimiler les pouvoirs locaux à des canaux politiques qui relayent des politiques nationales déclinées ou menées localement. Assurément, ils constituent aussi des laboratoires politiques. Pour autant, ces ressources politiques mobilisées effacent-elles un autre rapport au territoire, consistant pour François Mitterrand à se ressourcer ou renouer avec des lieux et espaces familiers ?

    Notes de bas de page

    1 Ce travail s’appuie sur des archives inédites, constituées lors de notre thèse : entretiens oraux, archives fédérales, dossiers de l’OURS, de la Fondation Jean-Jaurès (FJJ) et de l’Institut François-Mitterrand (IFM), documentation municipale (Dinan, Quimper, Nantes) et articles de la presse locale.

    2 Alain Faure et Emmanuel Négrier (dir.), La politique à l’épreuve des émotions, Rennes, PUR, 2017. L’ouvrage pointe les formes d’émotion-réaction pour légitimer une action politique, d’émotion-ressource pour mobiliser des liens interpersonnels et d’émotion-passion, relevant de l’affect, c’est-à-dire le champ large des passions en politique. Cette grille de lecture s’avère particulièrement éclairante pour analyser le cas de François Mitterrand.

    3 Petit-fils d’instituteur et fils d’un fonctionnaire des finances, Henri Jacquelin (1884-1918), passé par l’ENS, est professeur agrégé au lycée de La Tour d’Auvergne. Sa femme exerce à l’École normale des jeunes filles. Profitant des divisions de la droite, il parvient, après plusieurs tours de scrutin, à se faire élire maire. À seulement 28 ans, à la tête d’un groupe SFIO minoritaire de fait au conseil municipal, il subit de multiples reproches politiques, y compris de la part de ses alliés laïques, mettant en cause son ancrage local. La ressource politique de l’autochtonie échappant à ce Bourguignon né en Ardèche, il est contraint de démissionner en 1914. Ses engagements patriotiques le font évoluer dès le début de la Grande Guerre durant laquelle, après une longue convalescence à Quimper (fin septembre 1914-1916), il trouve la mort en 1918. Sa fille a consacré un ouvrage-témoignage, issu de sa maîtrise d’histoire, à cette figure oubliée de la mémoire socialiste locale. Claire Jacquelin, De la rue d’Ulm au Chemin des Dames. Histoire d’un fils, trajectoire d’homme. Henri Jacquelin, 1912-1918, Paris, L’Harmattan, 2000.

    4 Sur ce club rattaché à la CIR via le club des Jacobins, cf. François Prigent, « La fabrication des carrières politiques (années 1950-années 2000) : Louis Le Pensec et Charles Josselin, des Bonnets rouges aux ministères », dans Philippe Jarnoux et Laurent Le Gall (dir.), Investir la cité au xxe siècle. Études offertes en l’honneur de Christian Bougeard, Rennes, PUR, à paraître.

    5 Des amitiés-filtres aux relations multi-niveaux, ces réseaux militants mettent à jour des cercles concentriques dans les milieux partisans qui sont autant d’expression des réseaux égocentrés polarisés par François Mitterrand.

    6 Le soutien au candidat FGDS (Salaün) s’inscrit en réalité dans une logique nationale d’opposition à Edmond Michelet, figure du gaullisme, fragilisé par plusieurs candidatures à droite. À gauche, sa venue déclenche de vives attaques, ayant trait à son rôle dans la guerre d’Algérie et son anticommunisme, de la part du PSU et du PCF.

    7 Sur la dimension régionale de ce scrutin et la métropolisation du socialisme breton, cf. Matthieu Boisdron et Michel Catala (dir.), Les élections municipales de 1977, Rennes, PUR, 2020, et Collectif, Place Publique, Nantes, no 30, 2011, p. 12-19. Avec Vannes et Dinan, Quimper est l’une des seules grandes villes à ne pas basculer à gauche.

    8 Sur cette révolution des réseaux socialistes bretons, cf. François Prigent « Le cycle d’Épinay en Bretagne (1971-1981) », dans Noëlline Castagnez et Gilles Morin (dir.), Les socialistes d’Épinay à l’Élysée : 1971-1981, Rennes, PUR, 2015, p. 105-117.

    9 Archives municipales de Quimper, dossier Voyages officiels des présidents de la République.

    10 François Prigent, « La gauche en conflits. Entre mouvements sociaux, divergences idéologiques et repli électoral. Bretagne, 1984-1985 », dans Gilles Richard et Sylvie Ollitrault (dir.), Les années Mitterrand, 1984-1988. L’alternance et la première cohabitation vues des régions, Rennes, PUR, 2018, p. 263-274.

    11 Si la ville est gagnée par la gauche socialiste au moment de la fusion du Grand Quimper en 1960, la distorsion des cycles SFIO/PS s’exprime dans les oppositions entre les stratégies de Troisième force et d’Union de la gauche entre 1971 et 1977.

    12 André Lespagnol et Matthieu Leprince, Les mutations de l’enseignement supérieur et de la recherche en Bretagne (1945-2015), Rennes, PUR, 2016.

    13 Le parallèle avec la mécanique rhétorique du discours du 2 février 1969 de Charles de Gaulle, à Quimper, pour lancer la campagne en faveur du oui au référendum s’avère éclairant. Citant les vers en breton de son oncle, il cherche à conjuguer, dans une région affirmant sa singularité de façon évidente, le passé national breton et l’histoire nationale pour justifier un nouvel avenir démocratique, décentralisé.

    14 Sur son parcours, cf. François Prigent, « Les socialistes bretons et l’Europe. 60 ans d’histoire(s) politique(s) », dans En Envor, revue d’histoire contemporaine en Bretagne, no 10, 2017, 25 p.

    15 Bien sûr, il se rend à de multiples reprises à Nantes au cours de sa carrière politique (UDSR, CIR, FGDS, PS), sans faire référence outre mesure à son passé familial nantais, si ce n’est sur le ton de la petite confidence militante.

    16 Le magazine d’information municipale retrace le déroulé précis de ces visites nantaises. Nantes Passion, 25 janvier 1994.

    17 « Que de fois m’est-il arrivé de rappeler que j’ai beaucoup entendu parler de Nantes et de sa banlieue pour la raison très simple que mes parents y ont vécu. Et moi-même, il s’en est fallu de peu après tout si la tradition française n’était pas pour les mères de famille, devant avoir des enfants que de retourner dans leur famille qu’au lieu d’être né à Jarnac, Charente, je fusse né à Chantenay. Cela ne vous aurait pas avancé beaucoup, cela n’aurait pas changé grand chose à votre sort mais comme c’étaient les années de jeunesse de mes parents, j’ai toujours entendu raconter cette ville et ses environs avec le charme de l’espoir, le goût de vivre et l’espérance. Alors je garde en moi encore cette marque-là et, venu chez vous, j’ai le sentiment au travers du travail accompli pour “le Sillon de Bretagne” que le raccord est fait entre cette espérance et celle d’aujourd’hui. » Allocution de François Mitterrand sur l’amélioration de l’habitat urbain, Saint Herblain, mercredi 8 février 1989. Consultable à l’adresse : [https://www.vie-publique.fr/discours/141477-allocution-de-m-francois-mitterrand-president-de-la-republique-sur-l], dernière consultation le 6 avril 2020.

    18 Pour un aperçu de la tonalité politique de cette visite, cf. [http://www.ina.fr/video/CAC94012785].

    19 Employé de banque né en 1952, le maire de La Turballe dès 1989 fait basculer à gauche en 1994 l’ancien canton d’Olivier Guichard.

    20 Elle figure sur plusieurs photos liées aux activités de l’école, conservées à la bibliothèque municipale de Dinan.

    21 Pour un récit autobiographique de cette période bretonne de sa vie, cf. Danielle Mitterrand, Le livre de ma mémoire, Paris, Éd. Gasewitch, 2007, chap. 11.

    22 Petite-fille de postillon et fille d’un cheminot au PLM, elle exerce d’abord à Simard.

    23 Son grand-père, issu d’une famille de tailleurs d’habits de Corrèze, s’était établi à Louhans comme marchand de parapluies. Fils d’un ouvrier en parapluies à Cluny, Antoine Gouze, né le 25 juin 1885, grandit à Châlons-sur-Saône, avant d’exercer avant 1914 comme instituteur à Roussillon dans le Luberon.

    24 Le livre de ma mémoire (p. 101) fait par exemple référence à un if, témoin de ses souvenirs chagrins.

    25 En poste au collège Claude Bernard de Villefranche-sur-Saône, son refus de lister les enfants juifs de son établissement entraîne sa révocation le 25 mars 1941 et précipite son engagement résistant à Combat avec Henri Frenay et Berty Albrecht. Intitulé En toute liberté, un livre publié en 1996 relate de son point de vue la rencontre puis le mariage de sa fille Danielle avec Morland, le 28 octobre 1944.

    26 Il faut souligner l’absence de connaissances politiques conservées de la période UDSR dans l’espace dinannais, fief politique de René Pleven. Si Charles Josselin, après sa victoire de mars 1973 face à l’ancien président du Conseil, réactive une culture de centre-gauche qui était le terreau de Michel Geistdorfer, préempté par René Pleven, les réseaux politiques UDSR et PS apparaissent clairement disjoints. Sur les relations politiques complexes entre René Pleven et François Mitterrand, cf. Christian Bougeard, René Pleven : un Français libre en politique, Rennes, PUR, 1994.

    27 Patrick Gourlay, « Les voyages du président Mitterrand dans le Finistère (1981-1994). Outil politique et rituel de représentation », dans Christian Bougeard (dir.), Un siècle de socialismes en Bretagne. De la SFIO au PS (1905-2005), Rennes, PUR, 2008, p. 267-282 et « Un outil politique : le voyage présidentiel en province : Deux visites du président Mitterrand dans le Finistère (1981, 1985) », dans Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, no 4, t. 112, 2005, p. 85-115.

    28 Patrick Gourlay, « Beg-en-Fry, un Solutré maritime ? La construction d’un lieu de mémoire de la Mitterrandie en Bretagne », dans Vingtième Siècle, revue d’histoire, no 102, 2009, p. 115-157.

    29 Les actes individuels mettent en avant un lieu de mémoire breton, dont il faut remarquer la déconnexion avec les filières locales de Résistance.

    30 François Mitterrand, Lettres à Anne, 1962-1995, Paris, Gallimard, 2016.

    31 Ses venues en Bretagne entre 1973 et 1981, contribuent graduellement à substituer une autre image à celle repoussoir d’un François Mitterrand étranger aux trois cycles du socialisme breton (Révolution, République, Religion). Ce paradoxe est intéressant pour comprendre l’enracinement du PS des années Mitterrand dans un nouveau bastion régional puis national : le BREIS (11 septembre 1973), la campagne de 1974 (générations militantes et reconstruction partisane), le tournant de 1977 (conquêtes symboliques de Rennes, Brest, Nantes, suivies du congrès de Nantes), les campagnes de 1978 (en pleine marée noire de l’Amoco Cadiz) et 1981 (y compris avec le discours de Lorient sur les langues régionales).

    32 L’appartenance à l’UDSR, réseau formalisé après 1945, est une matrice rare des futurs élus PS, en dehors de Guy Jeanneau, conseiller général de Nantes-5 (1970-1976) et surtout de Lucien Rose, adjoint PS à Rennes (1977-1995). Aide-comptable, adhérent Jeune République en 1935, secrétaire de l’UD CFTC de Savoie avant 1939 (contacté par les responsables du quotidien catholique, L’Aube, il devient secrétaire national des Nouvelles Équipes françaises). Sous-officier des chasseurs alpins (Italie, Norvège, Alsace), il devient sous les pseudonymes de « Dulac » puis « Poirier » animateur des réseaux résistants savoyards. Engagé dès septembre 1940 (distribution de tracts), chef des MUR, il reçoit de Gaulle le 6 novembre 1944 à Chambéry comme préfet (à 28 ans) et président du CDL. Député en octobre 1945 (JR puis UDSR), vice-président du conseil général (1945-1951) et secrétaire général du mouvement démocrate-chrétien, il est journaliste parlementaire de La Résistance de l’Ouest à Nantes, puis directeur de La Nouvelle République à Bordeaux. Il intègre l’agence Havas en 1954, puis devient directeur régional à Rennes (1966-1981). Adjoint au personnel, aux relations publiques et aux anciens combattants, président du comité de soutien d’Edmond Hervé en 1988, il se voit remettre la Légion d’honneur par son ami-président. Cf. Lucien Rose (1916-2004) : humanisme, fidélité, amitié, livre-brochure, Ville de Rennes, 2005. Éric Duhamel, L’UDSR ou la genèse de François Mitterrand, Paris, Éditions CNRS, 2007.

    33 André Vazel, ami personnel de François Mitterrand, se présente directement à Michel Phlipponneau, sans concertation avec les structures locales de la FGDS en 1967, promettant que le national « mettrait le paquet ». Mais ce parachutage, après un échec relatif (10 802 voix, contre 4 930 voix en 1962), n’est pas suivi d’un investissement politique durable, laissant en revanche des dettes non épongées par le national.

    34 François Prigent, Les réseaux socialistes en Bretagne au xxe siècle, Rennes, PUR, à paraître.

    35 Citons le cas de Maurice Briand, député de Guingamp (1981-1986, 1988-1993), dont la première rencontre avec François Mitterrand à Trébeurden en 1976, via les réseaux Bettencourt, est vécue comme un grand moment : « Déguisé en marin breton, il prépare des pâtes. Puis nous allons faire un tour dehors, dans les jardins en escaliers et nous marchons jusqu’à la pointe de Bihit. Et là, il me raconte les barques de Londres, Beg-an-Fry, juste en face. » De même, Pierre Jagoret, député de Lannion (1978-1986) garde le souvenir des trois repas partagés avec sa femme, qui prépare la cuisine, rue de Bièvre, mais aussi d’une réunion en février 1982 en présence d’une quinzaine de parlementaires PS. Lors du tour de table, le Président demande à chacun de présenter son parcours. « Mon tour arrive. Et le Président dit : Pas vous Pierre. Dites à tous ces énarques depuis combien d’années vous avez gratté, retourné la terre avant d’être député. » L’exemple militant est décliné de souvenirs extrêmement précis des premières fêtes de la Rose, en 1974, dans le Trégor.

    36 Ayant faussé compagnie à ses gardes du corps, par une porte dérobée, il est retrouvé par son médecin, marchant face à la mer et lui confiant, selon ses propres dires, en septembre 1995 : « L’air, les couleurs, le ciel : il y a ici quelque chose d’inimitable, une sorte d’équilibre des forces. J’ai parcouru le monde, mais ici, que c’est beau, que c’est beau. » Cité par Axel Gylden, « François Mitterrand : voir Belle-Île et mourir », L’Express, 23 juillet 2015.

    37 Hugo Melchior, « Le prisonnier de la mer », dans Erwan Le Gall et François Prigent (dir.), C’était 1958 en Bretagne. Pour une histoire locale de la France, Rennes, Éd. Goater, 2018.

    38 Christophe Barbier, Les derniers jours de François Mitterrand, Paris, Grasset, 2015, 448 p.

    39 Les trois lettres rédigées à Anne depuis Belle-Île-en-Mer figurent parmi les plus émouvantes. Cf. Lettres à Anne, op. cit., p. 1139, p. 1240-1241, p. 1245-1246.

    40 David Bensoussan (dir.), « Bretagne en politique », dans Parlement[s], hors-série no 10, 2015.

    41 François Prigent, « Chrétiens de gauche, chrétiens à gauche ? Plongée dans les réseaux socialistes des mondes chrétiens en Bretagne (1945-2004) », dans En Envor, revue d’histoire contemporaine de la Bretagne, no 6, 2015.

    42 Laurent Jalabert, « La Convention des Institutions Républicaines (1964-1971) », dans Vingtième Siècle, revue d’histoire, no 104, 2009, p. 123-139. Gilles Morin, « La CIR, un levain présidentialiste de gauche », dans Christian Chevandier, Bruno Benoit, Gilles Morin, Gilles Richard et Gilles Vergnon (dir.), À chacun son Mai ? Le tour de France de mai-juin 1968, Rennes, PUR, 2011, p. 297-317.

    Auteur

    • François Prigent
      Professeur d’histoire-géographie au lycée Chateaubriand, Rennes, chercheur associé à l’université Rennes 2, CERHIO (UMR 6258).
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    1 Ce travail s’appuie sur des archives inédites, constituées lors de notre thèse : entretiens oraux, archives fédérales, dossiers de l’OURS, de la Fondation Jean-Jaurès (FJJ) et de l’Institut François-Mitterrand (IFM), documentation municipale (Dinan, Quimper, Nantes) et articles de la presse locale.

    2 Alain Faure et Emmanuel Négrier (dir.), La politique à l’épreuve des émotions, Rennes, PUR, 2017. L’ouvrage pointe les formes d’émotion-réaction pour légitimer une action politique, d’émotion-ressource pour mobiliser des liens interpersonnels et d’émotion-passion, relevant de l’affect, c’est-à-dire le champ large des passions en politique. Cette grille de lecture s’avère particulièrement éclairante pour analyser le cas de François Mitterrand.

    3 Petit-fils d’instituteur et fils d’un fonctionnaire des finances, Henri Jacquelin (1884-1918), passé par l’ENS, est professeur agrégé au lycée de La Tour d’Auvergne. Sa femme exerce à l’École normale des jeunes filles. Profitant des divisions de la droite, il parvient, après plusieurs tours de scrutin, à se faire élire maire. À seulement 28 ans, à la tête d’un groupe SFIO minoritaire de fait au conseil municipal, il subit de multiples reproches politiques, y compris de la part de ses alliés laïques, mettant en cause son ancrage local. La ressource politique de l’autochtonie échappant à ce Bourguignon né en Ardèche, il est contraint de démissionner en 1914. Ses engagements patriotiques le font évoluer dès le début de la Grande Guerre durant laquelle, après une longue convalescence à Quimper (fin septembre 1914-1916), il trouve la mort en 1918. Sa fille a consacré un ouvrage-témoignage, issu de sa maîtrise d’histoire, à cette figure oubliée de la mémoire socialiste locale. Claire Jacquelin, De la rue d’Ulm au Chemin des Dames. Histoire d’un fils, trajectoire d’homme. Henri Jacquelin, 1912-1918, Paris, L’Harmattan, 2000.

    4 Sur ce club rattaché à la CIR via le club des Jacobins, cf. François Prigent, « La fabrication des carrières politiques (années 1950-années 2000) : Louis Le Pensec et Charles Josselin, des Bonnets rouges aux ministères », dans Philippe Jarnoux et Laurent Le Gall (dir.), Investir la cité au xxe siècle. Études offertes en l’honneur de Christian Bougeard, Rennes, PUR, à paraître.

    5 Des amitiés-filtres aux relations multi-niveaux, ces réseaux militants mettent à jour des cercles concentriques dans les milieux partisans qui sont autant d’expression des réseaux égocentrés polarisés par François Mitterrand.

    6 Le soutien au candidat FGDS (Salaün) s’inscrit en réalité dans une logique nationale d’opposition à Edmond Michelet, figure du gaullisme, fragilisé par plusieurs candidatures à droite. À gauche, sa venue déclenche de vives attaques, ayant trait à son rôle dans la guerre d’Algérie et son anticommunisme, de la part du PSU et du PCF.

    7 Sur la dimension régionale de ce scrutin et la métropolisation du socialisme breton, cf. Matthieu Boisdron et Michel Catala (dir.), Les élections municipales de 1977, Rennes, PUR, 2020, et Collectif, Place Publique, Nantes, no 30, 2011, p. 12-19. Avec Vannes et Dinan, Quimper est l’une des seules grandes villes à ne pas basculer à gauche.

    8 Sur cette révolution des réseaux socialistes bretons, cf. François Prigent « Le cycle d’Épinay en Bretagne (1971-1981) », dans Noëlline Castagnez et Gilles Morin (dir.), Les socialistes d’Épinay à l’Élysée : 1971-1981, Rennes, PUR, 2015, p. 105-117.

    9 Archives municipales de Quimper, dossier Voyages officiels des présidents de la République.

    10 François Prigent, « La gauche en conflits. Entre mouvements sociaux, divergences idéologiques et repli électoral. Bretagne, 1984-1985 », dans Gilles Richard et Sylvie Ollitrault (dir.), Les années Mitterrand, 1984-1988. L’alternance et la première cohabitation vues des régions, Rennes, PUR, 2018, p. 263-274.

    11 Si la ville est gagnée par la gauche socialiste au moment de la fusion du Grand Quimper en 1960, la distorsion des cycles SFIO/PS s’exprime dans les oppositions entre les stratégies de Troisième force et d’Union de la gauche entre 1971 et 1977.

    12 André Lespagnol et Matthieu Leprince, Les mutations de l’enseignement supérieur et de la recherche en Bretagne (1945-2015), Rennes, PUR, 2016.

    13 Le parallèle avec la mécanique rhétorique du discours du 2 février 1969 de Charles de Gaulle, à Quimper, pour lancer la campagne en faveur du oui au référendum s’avère éclairant. Citant les vers en breton de son oncle, il cherche à conjuguer, dans une région affirmant sa singularité de façon évidente, le passé national breton et l’histoire nationale pour justifier un nouvel avenir démocratique, décentralisé.

    14 Sur son parcours, cf. François Prigent, « Les socialistes bretons et l’Europe. 60 ans d’histoire(s) politique(s) », dans En Envor, revue d’histoire contemporaine en Bretagne, no 10, 2017, 25 p.

    15 Bien sûr, il se rend à de multiples reprises à Nantes au cours de sa carrière politique (UDSR, CIR, FGDS, PS), sans faire référence outre mesure à son passé familial nantais, si ce n’est sur le ton de la petite confidence militante.

    16 Le magazine d’information municipale retrace le déroulé précis de ces visites nantaises. Nantes Passion, 25 janvier 1994.

    17 « Que de fois m’est-il arrivé de rappeler que j’ai beaucoup entendu parler de Nantes et de sa banlieue pour la raison très simple que mes parents y ont vécu. Et moi-même, il s’en est fallu de peu après tout si la tradition française n’était pas pour les mères de famille, devant avoir des enfants que de retourner dans leur famille qu’au lieu d’être né à Jarnac, Charente, je fusse né à Chantenay. Cela ne vous aurait pas avancé beaucoup, cela n’aurait pas changé grand chose à votre sort mais comme c’étaient les années de jeunesse de mes parents, j’ai toujours entendu raconter cette ville et ses environs avec le charme de l’espoir, le goût de vivre et l’espérance. Alors je garde en moi encore cette marque-là et, venu chez vous, j’ai le sentiment au travers du travail accompli pour “le Sillon de Bretagne” que le raccord est fait entre cette espérance et celle d’aujourd’hui. » Allocution de François Mitterrand sur l’amélioration de l’habitat urbain, Saint Herblain, mercredi 8 février 1989. Consultable à l’adresse : [https://www.vie-publique.fr/discours/141477-allocution-de-m-francois-mitterrand-president-de-la-republique-sur-l], dernière consultation le 6 avril 2020.

    18 Pour un aperçu de la tonalité politique de cette visite, cf. [http://www.ina.fr/video/CAC94012785].

    19 Employé de banque né en 1952, le maire de La Turballe dès 1989 fait basculer à gauche en 1994 l’ancien canton d’Olivier Guichard.

    20 Elle figure sur plusieurs photos liées aux activités de l’école, conservées à la bibliothèque municipale de Dinan.

    21 Pour un récit autobiographique de cette période bretonne de sa vie, cf. Danielle Mitterrand, Le livre de ma mémoire, Paris, Éd. Gasewitch, 2007, chap. 11.

    22 Petite-fille de postillon et fille d’un cheminot au PLM, elle exerce d’abord à Simard.

    23 Son grand-père, issu d’une famille de tailleurs d’habits de Corrèze, s’était établi à Louhans comme marchand de parapluies. Fils d’un ouvrier en parapluies à Cluny, Antoine Gouze, né le 25 juin 1885, grandit à Châlons-sur-Saône, avant d’exercer avant 1914 comme instituteur à Roussillon dans le Luberon.

    24 Le livre de ma mémoire (p. 101) fait par exemple référence à un if, témoin de ses souvenirs chagrins.

    25 En poste au collège Claude Bernard de Villefranche-sur-Saône, son refus de lister les enfants juifs de son établissement entraîne sa révocation le 25 mars 1941 et précipite son engagement résistant à Combat avec Henri Frenay et Berty Albrecht. Intitulé En toute liberté, un livre publié en 1996 relate de son point de vue la rencontre puis le mariage de sa fille Danielle avec Morland, le 28 octobre 1944.

    26 Il faut souligner l’absence de connaissances politiques conservées de la période UDSR dans l’espace dinannais, fief politique de René Pleven. Si Charles Josselin, après sa victoire de mars 1973 face à l’ancien président du Conseil, réactive une culture de centre-gauche qui était le terreau de Michel Geistdorfer, préempté par René Pleven, les réseaux politiques UDSR et PS apparaissent clairement disjoints. Sur les relations politiques complexes entre René Pleven et François Mitterrand, cf. Christian Bougeard, René Pleven : un Français libre en politique, Rennes, PUR, 1994.

    27 Patrick Gourlay, « Les voyages du président Mitterrand dans le Finistère (1981-1994). Outil politique et rituel de représentation », dans Christian Bougeard (dir.), Un siècle de socialismes en Bretagne. De la SFIO au PS (1905-2005), Rennes, PUR, 2008, p. 267-282 et « Un outil politique : le voyage présidentiel en province : Deux visites du président Mitterrand dans le Finistère (1981, 1985) », dans Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, no 4, t. 112, 2005, p. 85-115.

    28 Patrick Gourlay, « Beg-en-Fry, un Solutré maritime ? La construction d’un lieu de mémoire de la Mitterrandie en Bretagne », dans Vingtième Siècle, revue d’histoire, no 102, 2009, p. 115-157.

    29 Les actes individuels mettent en avant un lieu de mémoire breton, dont il faut remarquer la déconnexion avec les filières locales de Résistance.

    30 François Mitterrand, Lettres à Anne, 1962-1995, Paris, Gallimard, 2016.

    31 Ses venues en Bretagne entre 1973 et 1981, contribuent graduellement à substituer une autre image à celle repoussoir d’un François Mitterrand étranger aux trois cycles du socialisme breton (Révolution, République, Religion). Ce paradoxe est intéressant pour comprendre l’enracinement du PS des années Mitterrand dans un nouveau bastion régional puis national : le BREIS (11 septembre 1973), la campagne de 1974 (générations militantes et reconstruction partisane), le tournant de 1977 (conquêtes symboliques de Rennes, Brest, Nantes, suivies du congrès de Nantes), les campagnes de 1978 (en pleine marée noire de l’Amoco Cadiz) et 1981 (y compris avec le discours de Lorient sur les langues régionales).

    32 L’appartenance à l’UDSR, réseau formalisé après 1945, est une matrice rare des futurs élus PS, en dehors de Guy Jeanneau, conseiller général de Nantes-5 (1970-1976) et surtout de Lucien Rose, adjoint PS à Rennes (1977-1995). Aide-comptable, adhérent Jeune République en 1935, secrétaire de l’UD CFTC de Savoie avant 1939 (contacté par les responsables du quotidien catholique, L’Aube, il devient secrétaire national des Nouvelles Équipes françaises). Sous-officier des chasseurs alpins (Italie, Norvège, Alsace), il devient sous les pseudonymes de « Dulac » puis « Poirier » animateur des réseaux résistants savoyards. Engagé dès septembre 1940 (distribution de tracts), chef des MUR, il reçoit de Gaulle le 6 novembre 1944 à Chambéry comme préfet (à 28 ans) et président du CDL. Député en octobre 1945 (JR puis UDSR), vice-président du conseil général (1945-1951) et secrétaire général du mouvement démocrate-chrétien, il est journaliste parlementaire de La Résistance de l’Ouest à Nantes, puis directeur de La Nouvelle République à Bordeaux. Il intègre l’agence Havas en 1954, puis devient directeur régional à Rennes (1966-1981). Adjoint au personnel, aux relations publiques et aux anciens combattants, président du comité de soutien d’Edmond Hervé en 1988, il se voit remettre la Légion d’honneur par son ami-président. Cf. Lucien Rose (1916-2004) : humanisme, fidélité, amitié, livre-brochure, Ville de Rennes, 2005. Éric Duhamel, L’UDSR ou la genèse de François Mitterrand, Paris, Éditions CNRS, 2007.

    33 André Vazel, ami personnel de François Mitterrand, se présente directement à Michel Phlipponneau, sans concertation avec les structures locales de la FGDS en 1967, promettant que le national « mettrait le paquet ». Mais ce parachutage, après un échec relatif (10 802 voix, contre 4 930 voix en 1962), n’est pas suivi d’un investissement politique durable, laissant en revanche des dettes non épongées par le national.

    34 François Prigent, Les réseaux socialistes en Bretagne au xxe siècle, Rennes, PUR, à paraître.

    35 Citons le cas de Maurice Briand, député de Guingamp (1981-1986, 1988-1993), dont la première rencontre avec François Mitterrand à Trébeurden en 1976, via les réseaux Bettencourt, est vécue comme un grand moment : « Déguisé en marin breton, il prépare des pâtes. Puis nous allons faire un tour dehors, dans les jardins en escaliers et nous marchons jusqu’à la pointe de Bihit. Et là, il me raconte les barques de Londres, Beg-an-Fry, juste en face. » De même, Pierre Jagoret, député de Lannion (1978-1986) garde le souvenir des trois repas partagés avec sa femme, qui prépare la cuisine, rue de Bièvre, mais aussi d’une réunion en février 1982 en présence d’une quinzaine de parlementaires PS. Lors du tour de table, le Président demande à chacun de présenter son parcours. « Mon tour arrive. Et le Président dit : Pas vous Pierre. Dites à tous ces énarques depuis combien d’années vous avez gratté, retourné la terre avant d’être député. » L’exemple militant est décliné de souvenirs extrêmement précis des premières fêtes de la Rose, en 1974, dans le Trégor.

    36 Ayant faussé compagnie à ses gardes du corps, par une porte dérobée, il est retrouvé par son médecin, marchant face à la mer et lui confiant, selon ses propres dires, en septembre 1995 : « L’air, les couleurs, le ciel : il y a ici quelque chose d’inimitable, une sorte d’équilibre des forces. J’ai parcouru le monde, mais ici, que c’est beau, que c’est beau. » Cité par Axel Gylden, « François Mitterrand : voir Belle-Île et mourir », L’Express, 23 juillet 2015.

    37 Hugo Melchior, « Le prisonnier de la mer », dans Erwan Le Gall et François Prigent (dir.), C’était 1958 en Bretagne. Pour une histoire locale de la France, Rennes, Éd. Goater, 2018.

    38 Christophe Barbier, Les derniers jours de François Mitterrand, Paris, Grasset, 2015, 448 p.

    39 Les trois lettres rédigées à Anne depuis Belle-Île-en-Mer figurent parmi les plus émouvantes. Cf. Lettres à Anne, op. cit., p. 1139, p. 1240-1241, p. 1245-1246.

    40 David Bensoussan (dir.), « Bretagne en politique », dans Parlement[s], hors-série no 10, 2015.

    41 François Prigent, « Chrétiens de gauche, chrétiens à gauche ? Plongée dans les réseaux socialistes des mondes chrétiens en Bretagne (1945-2004) », dans En Envor, revue d’histoire contemporaine de la Bretagne, no 6, 2015.

    42 Laurent Jalabert, « La Convention des Institutions Républicaines (1964-1971) », dans Vingtième Siècle, revue d’histoire, no 104, 2009, p. 123-139. Gilles Morin, « La CIR, un levain présidentialiste de gauche », dans Christian Chevandier, Bruno Benoit, Gilles Morin, Gilles Richard et Gilles Vergnon (dir.), À chacun son Mai ? Le tour de France de mai-juin 1968, Rennes, PUR, 2011, p. 297-317.

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    Prigent, F. (2023). François Mitterrand et la Bretagne. In F. Dubasque & A.-L. Ollivier (éds.), Le promeneur enraciné (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.186259
    Prigent, François. « François Mitterrand et la Bretagne ». In Le promeneur enraciné, édité par François Dubasque et Anne-Laure Ollivier. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2023. https://doi.org/10.4000/books.pur.186259.
    Prigent, François. « François Mitterrand et la Bretagne ». Le promeneur enraciné, édité par François Dubasque et Anne-Laure Ollivier, Presses universitaires de Rennes, 2023, https://doi.org/10.4000/books.pur.186259.

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    Dubasque, François, et Anne-Laure Ollivier, éd. Le promeneur enraciné. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2023. https://doi.org/10.4000/books.pur.186195.
    Dubasque, François, et Anne-Laure Ollivier, éditeurs. Le promeneur enraciné. Presses universitaires de Rennes, 2023, https://doi.org/10.4000/books.pur.186195.
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