Grèves et grévistes dans les statistiques internationales
L’art compilatoire du Bureau international du travail (1920-1939)
p. 145-158
Texte intégral
1Quel est le taux de chômage au Japon, combien gagne un mineur suédois, quel est le prix du kilogramme de pain blanc au Portugal ou combien d’individus émigrent de la Nouvelle-Guinée ? À partir de 1936, ces informations, touchant de près ou de loin les conditions de travail de par le monde, sont regroupées au sein de l’Annuaire des statistiques du travail, publié par le Bureau international du travail (BIT), secrétariat de l’Organisation internationale du travail (OIT). Cet annuaire n’est pas le premier essai du BIT en matière de statistiques. Dès sa création en 1919, l’institution, chargée d’établir la justice sociale par le biais de normes sociales universelles, publie des données internationales sur le travail, plaçant l’individu au centre de l’information publique internationale. Cet effort statistique s’explique par la volonté des acteurs et actrices de l’OIT de fonder leur activité normative sur une connaissance scientifique du monde social1. Il s’intègre en outre dans l’histoire même du droit du travail, qui s’est élaboré de manière inductive à partir d’investigations sur les conditions de vie, puis de travail des ouvrières et des ouvriers2. L’idée sous-tendue par ce recours à la science se résume à penser que la solution aux problèmes de gouvernement réside dans l’observation méthodique, à la fois qualitative et quantitative, du réel et plus précisément des phénomènes sociaux3. Or, malgré l’importance des statistiques pour le BIT, démontrée par les nombreuses publications, conférences et études produites par l’institution, elles ont été peu abordées par les sciences sociales en général, et par l’histoire en particulier4, tout comme l’ensemble de celles des organisations internationales (OI), dont l’étude s’enrichit peu à peu5.
2Entrecroisant les méthodes et questionnements de la sociologie historique de la quantification6 et de la sociohistoire des OI7, la présente contribution se penche sur les procédés de fabrication de statistiques internationales mis en place par le BIT, ainsi que sur l’impact de cette internationalisation sur les chiffres produits. À partir des archives de l’institution, l’enquête se propose de remonter aux origines des données publiées dans l’Annuaire des statistiques du travail, d’ouvrir la « boîte noire » de leur élaboration8, afin de comprendre leur forme et leur contenu. Ce volume d’informations statistiques est donc le point de départ d’une enquête, non pas destinée à approcher la réalité passée médiatisée par les chiffres, mais à comprendre la construction de la source elle-même9 et à atteindre son composant principal : l’individu. Afin d’analyser au plus près la fabrication de ces données, cette contribution se focalise sur une statistique spécifique, celle des conflits du travail. Ce cas se révèle en effet particulièrement intéressant, car l’internationalisation de la mesure de ce phénomène central des relations de travail pose de nombreuses difficultés10. Il l’est également, car l’ampleur de la conflictualité du travail étant un argument fréquemment mobilisé pour juger de la place d’un pays sur le marché international du travail11, des données internationales sur cette forme de protestation sont très attendues et revêtent une importance particulière pour les actrices et acteurs du dialogue social. Finalement, statistiques chargées d’agréger une multitude d’actes individuels, elles sont idéales pour réfléchir à ce que produit la mise en chiffre, la mise en public, sur les actions particulières et les caractéristiques des actrices et acteurs privés.
3Cette contribution s’attèle donc à montrer comment, depuis des données nationales portant sur les « grévistes », ainsi que sur les évènements « grèves » et « lockouts », les statisticiennes et statisticiens du BIT produisent ou tentent de produire des données internationales sur les conflits du travail. Plus précisément, il s’agit de comprendre les raisons qui poussent le BIT à publier une statistique des conflits du travail très peu développée par rapport aux statistiques étatiques, uniquement dévolue à la mesure de leur impact économique, ainsi que sur les implications et les effets de ces choix. L’OI est alors abordée comme une aire d’internationalisation de valeurs, de savoirs ou de techniques12 permettant notamment de produire et de faire circuler sa propre expertise13. L’exemple des statistiques internationales des conflits offre ainsi l’occasion de réfléchir au rôle que peut jouer la production d’un savoir pour des institutions internationales cherchant à influer sur les relations internationales et/ou les politiques nationales14. Afin de mener à bien cette analyse, je vais, dans un premier temps, présenter la place des statistiques dans le fonctionnement du BIT, ainsi que les problèmes que pose l’internationalisation des données. J’aborderai ensuite la méthode choisie par le BIT pour les résoudre. Finalement, j’analyserai les motifs et les conséquences de ce choix de méthode.
Problèmes d’internationalisation
4Pour remplir sa mission de « centralisation et […] distribution de toutes informations concernant la réglementation internationale de la condition des travailleurs et du régime du travail15 », le BIT crée notamment une Section statistique, intégrée à sa Division scientifique, dès 192016. Comme l’explicite l’article 396 de la Constitution de l’institution, les données qualitatives ou quantitatives sont d’abord chargées de soutenir le travail normatif des Conférences internationales du travail, organe législatif de l’OIT. Par la compilation et la circulation d’informations sur les réalités du monde du travail, le BIT défend en outre le projet de faciliter le dialogue social. L’objectif est de fournir les données nécessaires aux acteurs et actrices de la vie économique, en les laissant libres d’en faire l’usage qu’ils souhaitent17. L’ensemble de la communication produite par le BIT autour des statistiques met finalement en avant la volonté de l’institution de parvenir à comparer les pays, une comparaison destinée à évaluer les politiques sociales les plus efficaces, afin de s’en inspirer pour l’établissement des normes internationales18.
5Se sentant « entravé[e] dans l’accomplissement de sa tâche par le fait qu’il [est] difficile, étant donné la diversité des statistiques officielles existantes, de comparer avec quelque précision le niveau du chômage, les salaires, le coût de la vie, etc., de deux ou de plusieurs pays19 », l’institution vise à harmoniser les données nationales. En effet, si l’idée de se servir de l’information statistique pour mieux gouverner est commune à tous les pays dits « occidentaux » depuis le début du xixe siècle20, la manière dont elle est mise en œuvre diffère d’un pays à l’autre. Comme l’explique l’historien Nico Randeraad, « in the same way that statistics did not develop linearly as a branch of knowledge, no uniform European model of statistics as a branch of government emerged21 ». Produire des statistiques internationales, selon certains un « passage obligé pour le progrès de la science et de la civilisation22 », est un projet déjà porté par l’internationalisme statistique, qui émerge dans la seconde moitié du xixe siècle. Incarné d’abord par le Congrès international de statistique (qui se réunit neuf fois entre 1853 et 1876), puis par l’Institut international de statistique (crée en 1885), cet internationalisme, comme celui du BIT plus tard, se fonde sur la recherche d’une coopération entre scientifiques et administrateurs.
6Internationaliser les statistiques pour comparer les pays les uns aux autres se heurte aux divergences de méthodes de fabrication des données nationales. Les différences de pratiques entre les États sont nombreuses et concernent l’ensemble de la chaîne de production des statistiques (méthodes de récolte des informations, de classification, de définition des catégories, de compilation et de publication, etc.). L’une des différences majeures entre les États est induite par l’ambiguïté des concepts, ou catégories, renvoyant aux activités humaines et servant à récolter certaines données déterminées, puis à les classer23. Ainsi, aucune unité n’existe dans la définition d’un fait comme celui de « conflit du travail ». Le contenu de la catégorie « conflit » peut varier sur ce que l’on considère comme un conflit du travail : l’arrêt de travail seulement ou convient-il de compter dans la statistique les violences collectives ou individuelles, les actions de sabotage et de réduction de rendement ? Faut-il inclure dans la statistique les grèves politiques ? Un conflit doit-il avoir une durée minimale pour être compris dans les données ? Si oui, de combien ? Un jour, une semaine ? Doit-il impliquer un nombre minimal de personnes ? Faut-il dénombrer les conflits par établissements impliqués ou par personnes impliquées ? Et, finalement, convient-il de distinguer les grèves des lockouts24 ? Dans les années 1920, les statistiques allemandes comptabilisent les grèves politiques, les anglaises non, tandis que le Danemark exclut les boycotts. La définition anglaise ne prend pas en compte les conflits de moins de dix personnes, à moins qu’ils ne durent plus de cent jours, la belge exclut de ses données les conflits ayant duré moins d’un jour, tandis que la canadienne ne considère comme conflit du travail qu’un évènement impliquant plus de six salariés et durant au moins deux jours, etc.25. Loin d’être anecdotiques, ces multiples divergences empêchent de comparer les données nationales les unes aux autres.
Procédés d’internationalisation
7Royal Meeker, ancien chef du Bureau of Labor Statistics des États-Unis à la tête de la Division scientifique du BIT au début des années 1920, se propose d’unifier les pratiques statistiques des bureaux et ministères du Travail26. Pour ce faire, il définit un plan d’action en quatre étapes : l’étude des méthodes nationales, la publication d’un rapport résumant les divergences et formulant des recommandations, la soumission du rapport aux fonctionnaires nationaux concernés ainsi que, finalement, la réunion d’une conférence pour trouver un accord sur de nouveaux standards statistiques. Suivant ces recommandations, l’institution organise, dans la période de l’entre-deux-guerres, cinq Conférences internationales des statisticiens du travail (CIST) chargées d’établir des recommandations en matière d’harmonisation statistique et d’inciter les administrations concernées à les adopter27. Comme Meeker le propose, ces évènements sont précédés de l’établissement de rapports, distribués aux participants dans les mois précédents les Conférences, qui donnent un panorama très détaillé des différentes pratiques nationales relatives aux questions traitées.
8Les statistiques des conflits du travail sont à l’ordre du jour de la troisième CIST (1926). Quelques mois avant la Conférence, le BIT publie un rapport, intitulé Les méthodes de la statistique des conflits du travail, dont l’objectif est « d’examiner et de comparer les principaux éléments des méthodes d’élaboration des statistiques des conflits du travail et d’esquisser, dans les cas où cela est possible, les principes sur la base desquels un certain degré de comparabilité internationale peut être atteint28 ». Rapidement présenté ici, le projet du BIT est précisé lors de la Conférence par l’intermédiaire d’un membre de la Section statistique qui affirme qu’« en face de la variété et de l’inégalité considérables des statistiques existantes, un “programme idéal” nous est apparu plus nécessaire qu’un simple compromis des divergences actuelles29 ». Les données nationales étant par trop divergentes, la Section statistique établit un plan de transformation radicale des pratiques nationales, tout en ayant des objectifs modestes. Lors de la première CIST (1923), le texte introductif explique en effet que, comme les statistiques sont, en règle générale, dérivées des législations en vigueur, elles sont difficilement modifiables, et la Conférence doit avant tout chercher à « définir des principes généraux, dans l’espoir qu’en cas de modification ou de développement de leurs systèmes, les divers services officiels de statistique s’efforceraient de se rapprocher de l’étalon qu’elle aurait adopté30 ».
9Le « programme idéal » élaboré par la Section statistique et présenté en détail dans le rapport est passé en revue et amendé lors de la conférence. La lecture des interactions entre les statisticiens gouvernementaux et les fonctionnaires du BIT révèle de nombreuses dissensions concernant l’ensemble des principes et des classifications proposées par l’institution. Comme les grèves et les lockouts sont des évènements complexes (« complex events »)31 et « offr[ent] […] à l’étude quantitative de multiples prises32 », les opinions divergent sur de nombreux points. En ce qui concerne, par exemple, le classement des conflits par « question en litige », le BIT suggère de procéder à une distinction entre les conflits en relation avec des conventions collectives et les autres. Cette séparation se justifie, selon eux, notamment parce que la grande majorité des luttes seraient en lien avec ce type d’accord (que ce soit pour réclamer l’établissement de conventions ou pour en contester le contenu)33. N. Bergsten, fonctionnaire de l’Administration du travail et de la prévoyance sociale de Suède, s’oppose à cette classification, arguant que les conventions collectives n’existent pas partout. Il soumet alors à la Conférence un classement ayant comme critère « la nature des revendications », qui distingue les conflits directement liés au travail (« questions de salaires, durée du travail, conventions collectives, embauchage ou renvoi d’ouvriers, autres revendications ») et les conflits politiques34. Ses propositions sont à leur tour discutées. E. Van Dam van Isselt, fonctionnaire du Bureau central de statistique hollandais, suggère une division supplémentaire de la catégorie « questions de salaires » en « augmentation de salaires », « diminution de salaires » et « autres questions de salaires35 ». W. A. Riddell, conseiller du Canada auprès de la Société des Nations (SDN), considère quant à lui qu’il convient d’ajouter une catégorie pour les conflits destinés à faire reconnaître un syndicat, catégorie particulièrement importante pour le Canada36. La résolution finale se veut un compromis entre la proposition de la Section statistique et celles des conférenciers. Estimant qu’elle est indispensable, les fonctionnaires du BIT proposent de maintenir l’entrée « conflits en relation avec des négociations collectives » avec, en première subdivision, un intitulé augmenté par l’apport de Riddell (« concernant des questions syndicales ou le refus de conclure une convention collective ») et une deuxième subdivision intégrant la proposition de Bergsten (« concernant des conditions d’emploi »). La deuxième entrée, celle des « conflits ne se rapportant pas à des négociations collectives », ne subit pas de modification37. Les discussions se poursuivent avec la même intensité sur l’ensemble des propositions statistiques faites par l’institution. La résolution sur les conflits du travail, adoptée par la conférence en séance plénière, propose donc un programme très complet « pour le développement et l’uniformisation de cette catégorie importante de statistiques du travail38 ». Les conflits, définis comme étant un « arrêt de travail volontairement provoqué par un groupement de travailleurs ou par un ou plusieurs employeurs en vue d’imposer une revendication », seront classés par leur objet, par leur résultat (revendications admises, partiellement admises, repoussées), par la méthode utilisée pour les résoudre (par négociations directes, par l’intermédiaire d’un tiers, négociations non abouties), par industries atteintes, par l’étendue (nombre d’établissements et d’ouvriers atteints, durée et nombre de journées de travail perdues) et par la somme des salaires perdus39.
Grèves et grévistes agrégés
10Regroupées sous l’intitulé « relations industrielles », les statistiques des conflits du travail sont les dernières statistiques sociales des Annuaire(s) des statistiques du travail publiés par le BIT dès 1936. Elles suivent des données sur le niveau d’emploi et le taux de chômage, les heures de travail, les salaires, le coût de la vie et les prix de détail, le budget des familles ouvrières ainsi que les migrations, et précèdent quelques statistiques économiques émanant de la Section financière et du service d’Études économiques de la SDN. Sur trois pages, un tableau présente les statistiques des conflits du travail d’une trentaine de pays40. Les séries de chiffres débutent en 1927, elles s’interrompent parfois, comme c’est le cas pour l’Allemagne, dont les derniers chiffres disponibles datent de 1936, ou pour l’Espagne, qui voit sa série s’interrompre dès 1935. À la fin du tableau, sont regroupées quelques notes destinées à préciser le contenu de certaines données. L’une de celles-ci avertit que les chiffres signalés ne contiennent que des informations sur les grèves, les lockouts n’ayant pas été comptabilisés, une autre que les données publiées sont approximatives. Très brève, l’introduction à cette catégorie de statistiques résume le contenu des données publiées puis, dans le paragraphe de clôture, donne des indications de lecture accompagnées d’une mise en garde :
« Le mode de compilation des données, les définitions adoptées, varient beaucoup selon les pays. Pour le nombre des conflits et le nombre des travailleurs englobés, les méthodes de calcul diffèrent d’un pays à l’autre. Le nombre des journées de travail perdues, qui est calculé par des méthodes différentes selon les pays, constitue en général une estimation très approximative. Toutefois, ces données permettent de comparer d’une façon générale les fluctuations de l’étendue et de l’importance des conflits du travail dans les différents pays41. »
Chaque pays est subdivisé en trois colonnes intitulées respectivement : « conflits », « ouvriers atteints », « journées de travail perdues42 ». Ces données résultent de la compilation des statistiques nationales collectées par le BIT par l’intermédiaire d’un questionnaire mensuel requérant des informations sur le nombre de conflits depuis le début du mois, le nombre de travailleurs impliqués ainsi que la durée agrégée en jours de travail des conflits en cours durant le mois43.
11L’annuaire livre les informations classiques sur les conflits du travail44. Il présente leur fréquence avec la catégorie « conflits », leur extension avec la catégorie « ouvriers atteints » et leur intensité avec celle des « journées de travail perdues ». Ces trois catégories permettent d’estimer l’importance des conflits. Plus particulièrement, la mesure des « journées de travail perdues » est, selon les écrits de la Section statistique du BIT, « la principale mesure de l’importance économique des conflits45 ». Le tableau publié offre donc une image limitée et réductrice des conflits du travail. Cantonnées à la mesure de leur impact économique, les statistiques n’exposent ni ce qui relève de l’intention individuelle ou collective (ce qui motive les actions des grévistes, en d’autres termes leurs revendications) ni les particularités ou caractéristiques de ces évènements collectifs alors que ces aspects avaient donné lieu à des recommandations lors de la CIST de 1926. Ainsi, l’engagement individuel et collectif disparaît au profit de la construction d’un fait purement économique. Comme aucune distinction par industries ou métiers n’est opérée, les ouvriers et ouvrières sont amalgamées les unes aux autres. De même, comme aucune distinction n’est effectuée entre une grève politique, économique ou générale, les conflits sont mis sur un pied d’égalité, tandis que les spécificités des luttes disparaissent, car il est impossible d’en connaître les causes.
12Comment s’explique ce choix de ne publier qu’un nombre limité d’informations sur les conflits du travail ? Dans un volume publié en 1934 réunissant l’ensemble des résolutions adoptées par les CIST, il est entre autres indiqué que « [l]e Bureau n’a pas cherché à analyser les statistiques [des conflits du travail] dont il disposait en se fondant sur tous ces critères ; il s’est contenté de publier les chiffres recueillis en indiquant le nombre des établissements atteints et des travailleurs impliqués, ainsi que le nombre des journées d’ouvriers perdues46 ». Il est toutefois rappelé que « [c]es statistiques présentent néanmoins un intérêt par le fait qu’elles montrent la somme des pertes occasionnées par cette forme d’interruption du travail47 ». Reconnaissant qu’il publie des statistiques au contenu limité, le BIT ne fournit pas la clé pour une compréhension des motifs de ce choix.
13L’explication de l’option minimale adoptée réside sans doute en grande partie dans le fait que, dix ans après la CIST, les statistiques nationales ne sont ni suffisamment harmonisées pour pouvoir être comparées les unes aux autres ni suffisamment développées pour pouvoir fournir l’ensemble des informations demandées. Par conséquent, l’institution se contente probablement de compiler les données de base sur les grèves et les lockouts présentes dans toutes les statistiques. L’appauvrissement de la statistique lors de son internationalisation serait donc induit par les difficultés, voire l’impossibilité, d’avoir des données similaires pour tous les États et de les rendre comparables. La méthode choisie par l’institution pour internationaliser les chiffres nécessaires à son projet politique serait alors proche de celle que proposait Adolphe Quételet, entre autres mathématicien, initiateur de l’internationalisme statistique du xixe siècle et membre du Congrès international de statistique. Il soutient, en effet, que :
« si l’on veut, par exemple, organiser un dénombrement d’une manière uniforme dans les différents pays, l’on voit bientôt quelles mesures sont à prendre, et devant quelles difficultés il faut reculer ; on sent qu’il faut, si l’on ne veut compromettre toute l’opération, céder devant certains préjugés, devant l’impossibilité d’obtenir des résultats comparables, devant des obstacles qu’imposent les habitudes et les lois existantes, et l’on se trouve parfois réduit à effacer de son programme plusieurs questions auxquelles on attachait le plus grand prix [souligné par moi]48 ».
Dans cette optique, internationaliser les statistiques étatiques requerrait certains sacrifices, que le BIT semble avoir accepté d’accomplir. Toutefois, une autre méthode pour compiler les données nationales aurait pu être utilisée. Ainsi, par exemple, dans le sixième volume de son Annuaire international de statistique, consacré aux conditions de travail et publié en 1920, l’Office permanent de l’Institut international de statistique, anticipant d’une dizaine d’années le travail du BIT, tente de caser les données nationales dans des cadres uniformes. Les « tableaux internationaux49 » sur les conflits du travail contiennent bien plus d’entrées que ceux réalisés pour l’Annuaire des statistiques du travail du BIT. Ils renseignent sur le nombre de grèves et de lockouts, le nombre des grévistes, le nombre des chômeurs forcés par suite de grève, le nombre des jours chômés ainsi que le résultat des grèves. Lorsqu’une administration nationale n’est pas en mesure de fournir les informations requises, la colonne est simplement laissée vide50.
14Pourquoi le BIT n’a-t-il pas suivi cet exemple ? Il est probable que, face à la difficulté de compiler des données disparates, voire au coût d’impression d’une publication plus large, l’institution ait renoncé à imprimer des informations partielles qui lui semblent par ailleurs secondaires. En effet, comme la lecture des archives permet de le comprendre, les acteurs et actrices de l’institution considèrent que « le but essentiel de la statistique [des conflits du travail] est de faire ressortir les conséquences économiques des conflits51 ». Dans cette optique, des connaissances sur les causes des luttes ou sur le type d’ouvrier et d’ouvrière impliqué ne sont pas essentielles. La formulation utilisée dans la phrase ci-dessus, et notamment la tournure « faire ressortir », laisse en outre penser que les statisticiens et statisticiennes cherchent avant tout à publiciser, à mettre en évidence, les conséquences économiques des conflits plutôt qu’à comprendre cet évènement social par le biais d’une analyse quantitative poussée. Donner à voir les coûts des conflits du travail pour les économies nationales pourrait être une manière, pour l’institution, de promouvoir, par la négative, la justesse de son projet politique : l’établissement de la paix sociale par le dialogue social, les négociations et les conventions collectives52. L’exposition du prix de cette conflictualité serait alors mise au service de la promotion de l’option réformiste adoptée par le BIT dans sa recherche de la justice sociale. Outre le fait de mettre à disposition du public des chiffres sur les conditions de travail pour aider à l’établissement de normes sociales ou pour évaluer les politiques sociales nationales, l’annuaire peut être considéré, et analysé, comme une vitrine de l’institution et un moyen de promouvoir son projet politique. Potentiel moyen de communication, de « propagande » selon le terme en usage à l’époque, parmi d’autres, l’annuaire ne fait pas que refléter les options politiques et les croyances de celles et ceux qui le composent53, il peut également avoir comme fonction d’envoyer un message. Cette fonction est d’autant plus utile pour une OI cherchant, par différents moyens, à influer sur les politiques sociales nationales54.
15S’il ne s’agit là que d’une hypothèse quant aux intentions des acteurs et actrices du BIT, la réception par la presse états-unienne de l’Annuaire des statistiques du travail de 1938, plus particulièrement des chiffres des conflits du travail, montre que c’est ainsi que les statistiques publiées par le BIT sont perçues. Dans le cadre de la politique du New Deal, les données partiellement internationalisées compilées par le BIT viennent nourrir les débats autour du rôle de l’État dans la régulation des relations de travail et, plus largement, de la sphère économique55. Issus de la presse quotidienne, de brefs articles au titre accrocheur – United States Leads Nations in Strikes, An Unenviable Record, Strikes are Costly, Unwelcome Leadership – évoquent le nombre très élevé, 9 148 273, de journées de travail perdues aux États-Unis en 193856. Comme les formules le laissent deviner, les journalistes anonymes57 ne s’embarrassent guère de la mise en garde du BIT concernant la non-comparabilité des données hors l’étude des « fluctuations de l’étendue et de l’importance des conflits du travail dans les différents pays58 ». Ils établissent au contraire un classement des différents pays, à la tête duquel se trouvent les États-Unis (« [t]he United States sets the pace in everything, even in strikes59 »). Dans le cadre d’une presse traditionnellement hostile au syndicalisme et aux grèves60, certains journalistes se servent du mauvais résultat des États-Unis pour évaluer et critiquer la politique gouvernementale, comme l’illustre l’extrait suivant :
« This appalling waste in a period when millions of the jobless and their dependents live on government aid occurred in a year when, it should be presumed, this nation had had time to adjust itself to the operation of the Wagner Labor Act passed by Congress and signed by the President in July, 1935. It was legislation devised “to diminish the causes of labor disputes”61. »
Soit parce qu’il est peu scrupuleux, soit parce qu’il n’a jamais eu l’annuaire du BIT entre les mains, le journaliste omet en outre d’informer ses lecteurs qu’en l’espace d’une année le chiffre des journées de travail perdues est passé de 28 424 857 à 9 148 273. Ce résultat tendrait plutôt à prouver une réussite du Wagner Act et, plus généralement, des politiques d’intervention de l’État comme régulateur de l’économie et des relations de travail, projet politique du New Deal de F. D. Roosevelt et du BIT62.
Conclusion
16À partir du cas des statistiques des conflits du travail, cette contribution a décrit et analysé la méthode ainsi que les processus d’internationalisation choisis par le BIT pour publier, après de longues années d’effort, une statistique internationale. Ce cas a permis de montrer que la volonté de mettre à la disposition du public des données internationalisées résulte en une perte sèche quant au contenu. Tout ce qui fait de la grève un évènement social complexe, ses multiples causes, acteurs et actrices, ou procédés de résolution, ont disparu au profit d’informations strictement économiques : celles sur leur importance et sur leurs coûts. De plus, et malgré ce sacrifice, les données restent très peu comparables. En effet, bien que les tableaux aux intitulés uniformisés et aux notes de bas de page très rares confèrent le sentiment d’une harmonisation réussie, le BIT n’est pas parvenu, au terme d’une dizaine d’années d’efforts, à initier un mouvement d’unification des statistiques nationales. L’institution compile et dispose les unes à côté des autres les données étatiques tout en restreignant systématiquement la portée de la compilation, prévenant qu’il faut résister à la tentation comparative. Avec le recul, cet avertissement peut sembler un peu naïf. En effet, comment imaginer que, dans le contexte de crise économique des années 1930, il soit possible de résister à une comparaison qui saute aux yeux ? La réception de l’annuaire par certains titres de presse états-uniens prouve que les recommandations de l’institution ne sont pas suivies et qu’un classement des pays les plus touchés par les grèves est établi. La simplification de l’évènement « grève » permet alors à l’annuaire de fonctionner comme les indicateurs de performance actuels, en devenant « an especially potent lever of social pressure because they simplify reality and foster explicit comparisons that, once promulgated, are difficult to dislodge from public discourse63 ».
Notes de bas de page
1 Marine Dhermy-Mairal, « Du danger des enquêtes savantes. Faire œuvre de science dans l’entre-deux-guerres au Bureau international du travail », Revue d’histoire moderne et contemporaine, no 62-4, 2015, p. 9.
2 Alain Supiot, Critique du droit du travail, Paris, Presses universitaires de France, 1994, p. 190-193.
3 Nico Randeraad, States and Statistics in the Nineteenth-Century. Europe by Numbers, Manchester/New York, Manchester University Press, 2010, p. 1.
4 Sur la fabrication des statistiques comme mode de légitimation pour le BIT, cf. Dzovinar Kévonian, « La légitimation par l’expertise : le Bureau international du travail et la statistique internationale », Les cahiers de l’Irice, no 2, 2008, p. 81-106 ; sur les traditions statistiques présentes au BIT, cf. Marine Dhermy-Mairal, Les sciences sociales et l’action au Bureau international du travail (1920-1939), thèse, sociologie, sous la direction d’Éric Brian, École des hautes études en sciences sociales, 2015. Sur les échecs du BIT dans ses tentatives d’élaborer un indicateur des résultats des politiques sociales, cf. John Berten, « Failed Indicatorisation: Defining, Comparing and Quantifying Social Policy in the ILO’s International Survey of Social Services of the Interwar Period », Historical Social Research, vol. 44, no 2, 2019, p. 175-201.
5 Cf. par exemple Roser Cussó, « Building a Global Representation of Trade Through International Quantification: The League of Nations’ Unification of Methods in Economic Statistics », The International History Review, vol. 42, no 4, 2019, p. 714-736 ; Amalia Ribi Forclaz, « Agriculture, American Expertise, and the Quest for Global Data: Leon Estabrook and the First World Agricultural Census of 1930 », Journal of Global History, no 11, 2016, p. 44-65 ; Daniel Speich Chassé, « The Roots of the Millennium Development Goals: A Framework for Studying the History of Global Statistics », Historical Social Research, vol. 41, no 2, 2016, p. 218-237.
6 Sur cette approche, voir Alain Desrosières, Pour une sociologie historique de la quantification, t. I de L’argument statistique, Paris, Presses des Mines ParisTech, 2008, p. 7-20. Sur cette approche appliquée au cas spécifique des OI, voir Roser Cussó, « From Statistics to International Quantification: A Dialogue with Alain Desrosières », dans Isabelle Bruno, Florence Jany-Catrice et Béatrice Touchelay (dir.), The Social Sciences of Quantification. From Politics of Large Numbers to Target-Driven Policies, Cham, Springer, 2016, p. 55-65.
7 Sur cette approche, voir Sandrine Kott, « Les organisations internationales, terrains d’étude de la globalisation. Jalons pour une approche socio-historique », Critique internationale, no 52, 2011, p. 9-16.
8 Alain Desrosières, Pour une sociologie historique…, t. I, op. cit., p. 12.
9 Bien qu’il s’agisse d’ouvrages massivement publiés et consultés depuis le xixe siècle, la littérature s’intéressant spécifiquement aux annuaires statistiques est rare, cf. Everett C. Hughes, « La Gleichschaltung de l’Annuaire statistique allemand. Un cas de neutralité professionnelle », Zilsel, no 1, 2017, p. 293-308.
10 Office permanent de l’Institut international de statistique, Annuaire international de statistique, La Haye, Van Stockum & Fils, 1920, p. iv ; La troisième Conférence internationale des statisticiens du travail. Tenue à Genève, du 18 au 23 octobre 1926, Genève, BIT, 1926, Études et documents, Série N (Statistique), no 12, p. 106.
11 Les méthodes de la statistique des conflits du travail, Genève, BIT, 1926, Études et documents, Série N (Statistique), no 10, p. 4.
12 Sandrine Kott, « Les organisations internationales… », art. cité, p. 10.
13 Sur l’utilisation de l’expertise par les OI, voir par exemple Ernest Haas, When Knowledge is Power, Berkeley, University of California Press, 1991 ; Michael Barnett et Martha Finnemore, Rules for the World: International Organizations in Global Politics, Ithaca, Cornell University Press, 2004 ; Sandrine Kott, « Une “communauté épistémique” du social ? Experts de l’OIT et internationalisation des politiques sociales dans l’entre-deux-guerres », Genèses, no 71, 2008, p. 26-46 ; Annabelle Littoz-Monnet (dir.), The Politics of Expertise in International Organizations. How International Bureaucracies Produce and Mobilize Knowledge, Londres/New York, Routledge, 2017.
14 Sur le rôle des chiffres dans la sphère internationale, voir Hans K. Hansen et Tony Porter, « What Do Numbers Do in Transnational Governance », International Political Sociology, no 6, 2012, p. 409-426 ; Judith G. Kelley et Beth A. Simmons, « Politics by Number: Indicators as Social Pressure in International Relations », American Journal of Political Science, vol. 59, no 1, 2015, p. 55-70.
15 Archives du Bureau international du travail (ensuite ABIT), Partie XIII du Traité de Versailles, 28 juin 1919, p. 7.
16 Procès-verbal de la 5e session du conseil d’administration du BIT, Genève, BIT, 1920, p. 46.
17 ABIT L 23/2/1, International Statistical Commission. First Meeting Paris October 1920, Memorandum Regarding Statistics, p. 7.
18 Karl Pribram, « Les tâches de la statistique du travail », Revue internationale du travail, vol. 14, no 4, 1926, p. 501.
19 La standardisation internationale des statistiques du travail. Aperçu de l’œuvre du Bureau international du travail et de différentes Conférences internationales de statisticiens, Genève, BIT, 1934, Études et documents, Série N (Statistique), no 19, p. 5.
20 Nico Randeraad, op. cit., p. 1.
21 Ibid., p. 1-2.
22 Marc-André Gagnon, « Les réseaux de l’internationalisme statistique (1885-1914) », dans Jean-Pierre Beaud et Jean-Guy Prévost (dir.), L’ère du chiffre. Systèmes statistiques et traditions nationales, Sainte-Foi, Presses de l’université du Québec, 2000, p. 189.
23 Ron Bean (dir.), International Labor Statistics. A Handbook, Guide, and Recent Trends, Londres/New York, Routledge, 1989, p. 5.
24 Les méthodes de la statistique des conflits du travail, Genève, BIT, 1926, Études et documents, Série N (Statistique), no 10, p. 11-12.
25 Office permanent de l’Institut international de statistique, Annuaire international de statistique, (vol. VI), La Haye, Stockum & fils, 1920, p. 154.
26 ABIT L 23/2/1, (International Statistical Commission. First Meeting Paris october 1920), Memorandum Regarding Statistics, p. 1-2.
27 La première CIST (octobre 1923) traite de la classification des industries et des professions, des statistiques sur les salaires et sur la durée du travail, ainsi que des statistiques sur les accidents du travail. La seconde CIST (avril 1925) porte sur les statistiques du coût de la vie, sur les comparaisons internationales des salaires réels, sur la classification des industries et sur les statistiques du chômage. La troisième CIST (octobre 1926) s’intéresse aux enquêtes sur les budgets familiaux, sur la classification des industries, aux statistiques sur les conventions collectives et sur celles des conflits du travail. La quatrième CIST (mai 1931) a comme unique sujet les comparaisons internationales des salaires réels. La cinquième CIST (septembre-octobre 1937) concerne l’examen de propositions destinées à faciliter la standardisation des statistiques sur les salaires et les heures de travail par le biais d’une convention internationale.
28 Les méthodes de la statistique des conflits du travail, Genève, BIT, 1926, Études et documents, Série N (Statistique), no 10, p. 4-5.
29 La troisième Conférence internationale des statisticiens du travail. Tenue à Genève du 18 au 23 octobre 1926, Genève, BIT, 1926, Études et documents, Série N (Statistique), no 12, p. 61.
30 La Conférence internationale des statisticiens du travail. Rapport sur la Conférence internationale des représentants des services de statistique du travail. Tenue à Genève du 29 octobre au 2 novembre 1923, Genève, BIT, 1924, Études et documents, Série N (Statistique), no 4, p. 4.
31 Aaron Brenner, « Introduction to The Encyclopedia of Strikes in American History », dans Aaron Brenner, Benjamin Day et Immanuel Ness (dir.), The Encyclopedia of Strikes in American History, Armonk, M. E. Sharpe, 2009, p. xxxiii.
32 Michelle Perrot, Les ouvriers en grève. France 1871-1890, t. I, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2001 (1974), p. 12.
33 Les méthodes de la statistique des conflits du travail, Genève, BIT, 1926, Études et documents, Série N (Statistique), no 10, p. 22-23.
34 La troisième Conférence internationale des statisticiens du travail. Tenue à Genève du 18 au 23 octobre 1926, Genève, BIT, 1926, Études et documents, Série N (Statistique), no 12, p. 76.
35 Ibid., p. 77.
36 Ibid., p. 78.
37 Ibid., p. 117-118.
38 Ibid., p. 106.
39 Ibid., p. 117-120.
40 Le maximum de pays est atteint en 1938, avant de baisser à nouveau. Cette année-là sont publiées des données sur l’Allemagne, l’Argentine, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, le Canada, la Chine (Grand-Shanghai), le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, les États-Unis, la Finlande, la France, l’Inde, le Royaume-Uni et l’Irlande du Nord, la Hongrie, l’Irlande, l’Italie, le Japon, la Lettonie, le Mexique, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, la Palestine, les Pays-Bas, les Philippines, la Pologne, la Roumanie, la Suède, la Suisse, la Tchécoslovaquie, l’Union sud-africaine, l’Uruguay et la Yougoslavie.
41 Annuaire des statistiques du travail, deuxième année, 1937, Genève, BIT, 1937, p. 211.
42 Le chiffre des journées de travail perdu s’obtient en multipliant le nombre moyen d’ouvriers impliqués par la durée de conflits (Les méthodes de la statistique des conflits du travail, Genève, BIT, 1926, Études et documents, Série N [Statistique], no 10, p. 40).
43 ABIT T 123/0 (Labor statistics: Monthly Statistical Questionnaire. General Circular).
44 Michelle Perrot, « Grèves, grévistes et conjoncture. Vieux problèmes, travaux neufs », Le Mouvement social, no 63, 1968, p. 111.
45 Les méthodes de la statistique des conflits du travail, Genève, BIT, 1926, Études et documents, Série N (Statistique), no 10, p. 34.
46 La standardisation internationale des statistiques du travail. Aperçu de l’œuvre du Bureau international du travail et de différentes Conférences internationales de statisticiens, Genève, BIT, 1934, Études et documents, Série N (Statistique), no 19, p. 19.
47 Ibid.
48 Adolphe Quételet, Congrès international de statistique. Sessions de Bruxelles (1853), Paris (1855), Vienne (1857), Londres (1860), Berlin (1863), Florence (1867), La Haye (1869) et Saint-Pétersbourg (1872), Bruxelles, Hayez, 1873, p. 67.
49 Office permanent de l’Institut international de statistique, Annuaire international de statistique, La Haye, Van Stockum & fils, 1920, p. iv.
50 Ibid.
51 La troisième Conférence internationale des statisticiens du travail. Tenue à Genève du 18 au 23 octobre 1926, Genève, BIT, 1926, Études et documents, Série N (Statistique), no 12, p. 64.
52 Je remercie Sandrine Kott pour cette suggestion.
53 Baptiste Coulmont, « Introduction à Everett C. Hughes, La Gleichschaltung de l’Annuaire statistique allemand. Un cas de neutralité professionnelle », Zilsel, no 1, 2017, p. 296.
54 Sandrine Kott, « Une “communauté épistémique”… », art. cité.
55 Thomas Cayet, « Regards croisés sur une adhésion : l’Organisation internationale du travail et le New Deal », dans Alya Aglan, Olivier Feiertag et Dzovinar Kévonian (dir.), Humaniser le travail. Régimes économiques, régimes politiques et Organisation internationale du travail (1929-1969), Bruxelles/Berne, PIE Lang, 2011, p. 39.
56 Cette analyse de la réception par la presse états-unienne ne se veut pas exhaustive, elle se base uniquement sur les articles conservés dans les archives du BIT, articles qui lui ont été fournis par une agence de distribution de coupures de presse, The Original Henry Romeike Press Clipping Bureau, basée à New York.
57 Comme certains de ces articles reproduisent la même erreur en affirmant que le BIT publie des données sur vingt-trois pays alors qu’il y en a en réalité trente-cinq, il est probable qu’ils soient basés sur un texte composé et vendu par une agence de presse.
58 Annuaire des statistiques du travail, deuxième année, 1937, Genève, BIT, 1937, p. 211.
59 « The USA Leads », News, 21 août 1939. (ABIT PS 125/2/02, Year Book of Labor Statistics, 1939. Opinions and Criticisms).
60 Christopher R. Martin, « The News Media and Strikes », dans Aaron Brenner, Benjamin Day et Immanuel Ness (dir.), op. cit., p. 44.
61 « Lost 67,000 Years », News, 21 août 1939. (ABIT PS 125/2/02, Year Book of Labor Statistics, 1939. Opinions and Criticisms). Approuvé en 1935 par le Congrès états-uniens suite à une forte augmentation du nombre de grèves depuis 1931, le National Labor Relations Act (ou Wagner Act) établit, entre autres, les droits des ouvriers et des ouvrières de former ou de s’affilier à un syndicat, de négocier collectivement et de faire grève (« Timeline », dans Aaron Brenner, Benjamin Day, Immanuel Ness [dir.], op. cit., p. xxii).
62 Thomas Cayet, op. cit., p. 53.
63 Judith G. Kelley et Beth A. Simmons, art. cité, p. 55.
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