Archéo-anthropologie de la bataille du Mans (décembre 1793), la mémoire des os
p. 189-200
Texte intégral
« Deux mille Vendéens furent enterrés près de la place des Jacobins. Les fosses, dont on connaît à peine aujourd’hui l’endroit précis, furent creusées dans l’ancien terrain des Cordeliers devenu la promenade des Jacobins, probablement dans la partie du petit square et le terre-plein qui se trouvent entre le théâtre et la rue de Tessé. Aujourd’hui, toute trace en est à jamais disparue. Comme la terre du Campo Santo de Pise, la chaux vive répandue dans les fosses a dévoré tous les corps entassés dans ces immenses tombeaux. Le temps a nivelé les monticules et l’oubli aussi a passé sur la mémoire des morts1. »
1Ainsi René de Lantivy concluait son compte rendu des évènements survenus au Mans en 1913. Cependant, presque cent ans après, une fouille archéologique réalisée sur cette place en 2009-2010 a permis la mise au jour de neuf sépultures de catastrophe contenant 154 corps issus de cette bataille. Ces restes squelettiques, témoins directs des évènements, sont de véritables archives biologiques. Ils recèlent des informations dont la lecture raisonnée apporte des éléments de réflexion et de compréhension d’un fait historique récent connu et relaté jusque-là uniquement sous le prisme, parfois déformant, des archives textuelles.
L’os, une archive biologique
2L’archéo-anthropologie est une science archéologique qui appréhende le comportement des vivants face aux morts (pratiques funéraires) par l’analyse des vestiges matériels (restes osseux, type d’enfouissement ou de crémation de corps, milieu de décomposition ou d’enfouissement), mais aussi qui recueille les informations biologiques individuelles et populationnelles. Que les corps enfouis soient anciens (et relevant du domaine de l’archéologie) ou récents (et relevant du domaine médico-légal), l’analyse des restes osseux permet de proposer une carte d’identité du défunt.
3Les ossements2 portent l’identité d’un individu, son âge, son sexe, mais aussi les stigmates de sa vie passée et parfois les causes de son décès. L’os raconte l’histoire d’un corps, que les techniques actuelles permettent de préciser de plus en plus finement. Bien évidemment l’os ne contient qu’une part des informations du vécu d’un individu, certains évènements trop brefs ne laisseront aucune trace matérielle. Les analyses macroscopique, microscopique ou encore nucléaire, des restes osseux et dentaires apportent des informations brutes du vivant qu’il convient d’analyser et d’expliquer. L’os ne ment pas, c’est une archive neutre qui doit être déchiffrée sans déformation des faits. C’est aussi une archive partielle et la réflexion à partir des résultats d’analyse doit tenir compte des absences et lacunes qu’elle porte.
4L’analyse des restes dentaires et osseux comporte a minima l’âge du sujet au moment du décès, son sexe, sa stature et un premier état de santé. Les causes de la mort sont rarement définies, sauf en cas de décès traumatique ou de maladie particulière. Ainsi, certaines affections chroniques, des traumatismes majeurs ou mineurs, mais également des activités physiques et des pratiques alimentaires, peuvent marquer durablement l’os.
5L’analyse de ces marqueurs squelettiques est une source d’information du vécu des individus, l’os raconte une histoire incomplète bien sûr, mais révèle tout de même des indices sur les hommes et femmes du passé. Leur état de santé, mais aussi la prise en charge des affections quotidiennes (traumatismes, fractures, luxations, entorses, affections dentaires) comme des maladies invalidantes. Les actes de soin témoignent de l’évolution des pratiques médicales en complément des archives textuelles disponibles sur les périodes historiques. On trépane, on ampute avec plus ou moins de réussite, on réduit les fractures et on immobilise les membres lésés3.
6L’identification de pathologies handicapantes nous renseigne sur le soutien apporté aux malades, voire aux invalides. Certaines maladies évolutives nécessitent que la personne atteinte soit entièrement prise en charge par des tiers dans un accompagnement quotidien, pour se nourrir, se déplacer, s’habiller, bénéficier de soins. C’est alors toute une histoire de la prise en charge d’individus en situation de handicap, de dépendance que nous raconte son squelette4.
7De nombreux obstacles peuvent entraver la lecture de ces archives biologiques. Le principal réside dans la nature même de l’objet d’analyse : l’os ou la dent. En effet, ce sont des restes fragiles dont l’état de conservation est influencé par le milieu d’enfouissement. Des restes récents peuvent ainsi présenter une conservation moindre que des restes anciens enfouis dans des milieux plus propices à leur préservation. La conservation de ces restes va jouer un rôle majeur dans les possibilités d’analyses tant macroscopiques que microscopiques. En parallèle, tout évènement du vivant ne va pas marquer durablement le tissu osseux ou dentaire, ainsi l’information contenue dans ces archives ne restitue que partiellement le vivant d’un sujet. L’analyse de ces archives en termes de compréhension non plus individuelle mais populationnelle doit aussi faire l’objet d’une grande vigilance. En effet, les tombes fouillées, même en cas de fouille de grande ampleur, représentent un échantillonnage de la communauté vivante. Rares sont les nécropoles ou cimetières complets, représentant un vrai instantané de la population vivante. De plus, dans les zones funéraires, on observe des discriminations liées au sexe, à l’âge ou au statut social des décédés en termes de type d’enfouissement, de localisation des tombes ou encore d’exclusion d’une part de la population (tombes d’élite, liées à une institution religieuse, exclusion des nouveau-nés…).
La bataille du Mans, mémoire des ossements des victimes du conflit
8Les analyses menées sur les ossements issus des charniers de la place des Jacobins apportent des éclaircissements sur la composition de l’armée vendéenne, son état de santé, les causes de décès et le déroulement des combats ainsi que sur la prise en charge des cadavres au lendemain du conflit.
9Dans le cas des décédés de la bataille du Mans, il s’agit d’enfouissements de circonstance : on se débarrasse des cadavres qui jonchent les rues suite aux combats des 12-13 décembre 1793. Les individus ensevelis dans ces grandes fosses le sont sans discrimination d’âge ou de sexe. Avant d’aborder les apports de l’analyse des restes osseux issus de la fouille, nous rappellerons brièvement le contexte historique et la fouille archéologique.
Le contexte historique
10La bataille du Mans opposant l’armée républicaine à l’armée catholique et royale se déroule dans le contexte des évènements des guerres de Vendée qui voient une part de la population prendre les armes contre le pouvoir en place.
11Les combats au Mans interviennent lors de l’expédition militaire, connue sous le nom de Virée de Galerne, qui voit l’armée royaliste traverser la Loire en direction du nord. Cette campagne a pour objectif la prise d’un port en eaux profondes afin d’assurer le débarquement de troupes anglaises et, avec ce soutien, rétablir le pouvoir monarchique5. La remontée au nord, émaillée de victoires et de défaites, se solde par un échec devant Granville les 14 et 15 novembre 1793. L’armée épuisée va alors chercher à rentrer en Vendée le plus vite possible. Les insurgés échouent à passer la Loire à Angers les 4 et 5 décembre. Talonnés par l’armée républicaine, ils remontent vers Le Mans qu’ils prennent sans difficulté le 10 décembre afin d’y puiser de nouvelles forces. À l’arrivée, c’est une armée en déroute qui compte entre 30 000 et 40 000 personnes, dont seulement 10 000 à 15 000 combattants, sur les 80 000 volontaires du départ. Moralement, physiquement, les troupes sont à bout et des dissensions éclatent au niveau de la chaîne hiérarchique quant à la suite de la marche à suivre.
12En face, se tient une armée républicaine expérimentée, composée de 20 000 à 30 000 soldats décidés à mettre fin à l’insurrection qui gangrène le pays déjà fragilisé par la situation aux frontières. La jeune république, régicide, y affronte en effet une coalition de l’Europe antirévolutionnaire.
13L’assaut de la ville par l’armée républicaine démarre le 12 décembre et les combats dans le centre durent jusqu’au 13 au matin. La topographie urbaine, notamment l’engorgement des rues, freine l’évacuation rapide et de nombreuses personnes sont prises au piège. L’estimation des victimes montre le déséquilibre des forces en présence avec environ 100 décès militaires pour 2 500 à 3 000 morts côté Vendéen dans la souricière mancelle. Le bilan total est alourdi par la poursuite des royalistes sur la route de Laval et les historiens s’accordent sur un total de 10 000 à 15 000 morts.
14La Virée de Galerne s’achève le 23 décembre 1793, avec la destruction quasi-totale du reste de l’armée catholique et royale à Savenay (Loire-Atlantique).
15Suite aux violents combats des 12-13 décembre 1793, les rues de la ville sont parsemées de cadavres. La population mancelle, abandonnée par ses élites municipales et par l’armée républicaine, doit se charger elle-même de l’enlèvement des corps.
16Si la littérature contemporaine ou postérieure aux faits6 abonde sur le déroulement des guerres de Vendée, la Virée de Galerne, les combats et les exactions réelles ou fantasmées sur les cadavres, la gestion de l’inhumation des corps sur les terrains de bataille reste peu abordée. Pour la bataille du Mans, les sources archivistiques se rapportant à la gestion des inhumations sont rares. Seul un rapport du bureau de la commission des Arts en 1798 soit cinq ans après les faits en témoigne7. On y apprend que l’enlèvement des cadavres, effectué tout d’abord de manière anarchique, s’organise dès le 14 décembre avec la nomination d’une administration provisoire qui va prendre en charge les inhumations. Ainsi, les corps jonchant les rues du Mans furent enlevés et ensevelis en deux jours dans de « grandes fosses » en « divers endroits ». Le quinconce des Jacobins, terrain public appartenant autrefois aux monastères des Cordeliers et des Jacobins, fut un des lieux choisis. Le ramassage dans la ville s’effectua à l’aide de 95 tombereaux permettant le transport de 20 à 22 corps à la fois. Aucune remarque de traitement différentiel entre les victimes républicaines, vendéennes ou encore civiles n’est notée.
17En 1815, les fosses des Jacobins sont de nouveau mentionnées lors du projet de nivellement de l’avenue Paderborn (au nord de la place) dans le registre de délibérations du conseil municipal du Mans, séance du 21 novembre 1815. Ainsi, des « cavités hideuses » auraient fait l’objet d’un réaménagement avec adjonction de chaux. On retrouve la trace de ces charniers en 1960 par de nombreux témoignages oraux parlant d’ossements affleurant dans l’allée bordant le nord de la place. Enfin, en 1982, des restes osseux sont découverts lors de la création de toilettes publiques au nord-ouest de la place.
18En 1999, un diagnostic archéologique permet la mise au jour de corps correspondants aux victimes enfouies après cette bataille8. Un second diagnostic en 2009 suivi d’une fouille en 2010 révèle la présence de neuf fosses de catastrophe contenant 154 corps issus de la bataille du Mans. Ces 154 corps, s’ils appartiennent exclusivement aux troupes vendéennes, représentent 5 à 6 % des victimes des combats dans la ville9.
19On ne peut pas écarter l’hypothèse que de rares civils ou encore des républicains dépouillés aient été inhumés en même temps. Cependant, la proportion inégale des victimes des deux camps ainsi que la forte présence de femmes dans les fosses incitent à penser que ce lieu d’inhumation comporte une majorité de royalistes.
20Les informations portées par ces corps représentent un échantillonnage de l’armée royaliste, tant dans sa composition que dans la compréhension de son état de santé que des causes de décès. C’est une archive biologique partielle à interpréter avec précaution.
Mémoire des ossements
21L’analyse taphonomique des fosses et de leur contenu permet de restituer les modalités d’enfouissement des cadavres. Les corps sont jetés pêle-mêle dans des creusements de forme, dimension et profondeur variables (cahier couleur, pl. XII, nos 14 et 15, pl. XIII, no 16). Ces fosses sont ensuite partiellement comblées par la terre extraite lors de leur creusement, les corps occupant une bonne partie de l’espace. Certaines sont condamnées en surface par une couche de chaux vive. La chaux recouvre partiellement les autres dépôts mortuaires. Cette disparité de traitement indique clairement un manque de matière première dans la gestion de cette crise de mortalité aiguë. L’analyse entomologique des sédiments permet d’exclure la présence de larves et mouches associées à la décomposition des corps à l’air libre. La rapidité du ramassage et l’urgence de l’enfouissement sont clairement attestées dans cette gestion anarchique des enfouissements et du comblement des fosses. Ceux-ci ont été effectués rapidement, sans disposition funéraire particulière. Bien qu’en contexte de guerre avec deux armées face à face, nous n’observons pas ici de traitement funéraire particulier réservé aux frères d’armes. Cependant, s’agissant d’une guerre civile, fratricide, les règles observées pour les sépultures de frères d’armes ne s’appliquent pas. De plus, et surtout, les corps sont ramassés et enfouis par un troisième acteur – les Manceaux – étrangers au conflit et confrontés au combat uniquement du fait de la localisation de celui-ci au sein de leur cité. Cet enfouissement rapide, témoigne d’une volonté de se débarrasser rapidement des corps traumatisés, témoins d’un évènement qu’on cherche à oublier le plus vite possible. De plus, l’armée blanche est réputée souffrir de nombreux maux, contagieux, dont la maladie brigantine. Le chirurgien Charles Pierre Augustin Boucher, présent dans la ville de La Flèche après le passage de l’armée vendéenne (6-10 décembre) rapporte que « les rues étaient remplies de pailles couvertes des effets d’une dysenterie putride10 ».
Ill. 14. – Vue de la fosse 2 en cours de fouille, on aperçoit la couverture de chaux recouvrant les corps.

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Ill. 15. – Charniers 8 et 9 en cours de fouille. Les corps sont enchevêtrés et des lambeaux de chaux sont visibles au niveau de la fosse 9.

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Ill. 16. – Charnier 4, dessin des squelettes enchevêtrés à partir des relevés de terrain.

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22« Au moment où la maladie atteint le plus haut degré de son développement, les évacuations ont une odeur fade ; dans la phase gangreneuse, elles sentent la pourriture11. » Cette description clinique de la dysenterie permet d’imaginer la peur d’une contagion par les cadavres et donc d’une épidémie et a clairement joué dans la volonté de se débarrasser rapidement des corps. Cependant, les recherches menées par Catherine Thèves, à partir de l’ADN ancien, n’ont à ce jour pas livré de résultats quant à l’identification d’agents pathogènes responsables de cette possible affection sur les individus analysés12. Cette dysenterie qui devait laisser peu de chance de survie aux malades atteints dans les conditions d’hygiène et sanitaire de leurs déplacements n’a pas été reconnue dans les charniers.
23Les dépouilles ensevelies sont celles d’enfants, de femmes et d’hommes composant le corps de cette armée populaire (respectivement 13 % d’enfants, et une plus forte présence masculine avec deux tiers d’hommes pour un tiers de femmes). L’analyse de la répartition des corps ne montre aucune discrimination liée à l’âge ou au sexe, mais plutôt attachée aux lieux de ramassage avec une traumatologie particulière (canonnade, corps à corps, piétinement, fuite…) Cette dynamique d’enfouissement concorde avec les rares indices concernant le ramassage des corps fournis par le rapport de 1798.
24Les sujets immatures sont pour la plupart des adolescents, seuls deux sujets sont âgés de moins de cinq ans. Les adolescents, classés en immatures en termes d’âge biologique, sont à considérer comme adultes en termes d’âge social et prennent une place dans la société au même titre que leurs aînés. Rappelons que le généralissime Henri de La Rochejaquelein n’est lui-même âgé que de 21 ans lors de cette bataille.
25Rares sont les mentions de massacres d’enfants par les soldats, même si J. Benaben évoque cette possibilité : « Marceau parcourut avec l’intrépide Delaage toutes les rues au grand galop et arracha des mains des soldats les femmes et les enfants qu’ils alloient massacrer13 […]. » Les enfants sont aussi mentionnés par H. Chardon : « j’ai trouvé les rues pleines de corps morts, hommes, femmes et enfants, et malgré toutes les précautions, je n’ai pu empêcher mon cheval d’en fouler plusieurs avec le pied14 ».
26Plus de 90 % de l’échantillon a pu être sexé par l’application de trois méthodes. Une analyse morphométrique à partir des os coxaux15, une étude statistique à partir des mesures enregistrées sur le squelette postcrânien16, puis une détermination du sexe moléculaire à partir de l’ADN fossile permettant notamment de sexer les adolescents17. Les sujets de sexe masculin sont majoritaires, mais la proportion d’individus de sexe féminin est forte. Les adultes sont jeunes : ils sont, pour la plupart, âgés de moins de 40 ans. Les corps exhumés indiquent que l’armée royaliste en plus des hommes comportait de nombreuses femmes et des enfants en âge de participer aux combats. On note que les enfants en bas âge ainsi que les personnes âgées sont rares dans l’échantillon étudié.
27Les analyses ont montré une faible proportion de traumatismes témoignant de la longue errance vers le nord. En effet, rares sont les lésions ante mortem en cours de cicatrisation ou les traces infectieuses liées à des plaies infectées. Associé à l’absence de traces de maladies infectieuses, il semble que les malades, blessés soient absents de l’échantillon.
28Bien que l’armée royaliste soit issue d’un mouvement populaire et qu’elle ne dispose, au départ de l’insurrection en mars 1793, que d’un armement restreint issu du milieu agricole (faux, piques, fourches, tromblons) et de la noblesse (fusils, pistolets, sabres), au fur et à mesure des combats, celui-ci va s’équiper avec la prise d’armement lors de déroutes de l’armée républicaine. Quelques canons, comme la Marie-Jeanne ou le Missionnaire, premières prises de guerre, sont de véritables mascottes pour les Vendéens. L’artillerie vendéenne s’étoffe et on estime que dans les deux premiers mois de campagne, l’armée républicaine perd 300 canons et 500 caissons18. Ainsi à l’arrivée au Mans, on considère que l’armée vendéenne, en plus des armes à feu et armes blanches dispose largement d’artillerie de campagne.
29Le principal déséquilibre réside dans le moral des troupes. Les Vendéens ont toujours répugné à s’éloigner de leur village. C’est l’épée dans les reins qu’ils ont franchi la Loire après la défaite de Cholet. Ils sont épuisés par cette longue errance et les difficultés d’approvisionnement et la gestion des malades et blessés est difficile. Vaincus à Granville, ils n’ont plus qu’une idée : repasser la Loire, regagner la Vendée.
30Le déroulement des violences interpersonnelles, lors de la bataille du Mans, est principalement connu à partir de sources républicaines. La violence des combats, la répression et l’enchaînement des évènements glorifient la République et le massacre des brigands. Marceau parle de « carnage19 ». Les représentants Bourbotte, Turreau et Prieur de La Marne, qui arrivent le 13, affirment avoir escaladé des monceaux de cadavres et écrivent : « victoire ami, victoire complète. Depuis la guerre de la Vendée, on ne vit jamais une boucherie pareille. Les brigands couvrent les rues20 ». Le commissaire Meignan écrit :
« Je n’avais point vu de carnage comme celui la. La route est jonchée de leurs cadavres ; tout a été criblé par l’artillerie, le fusil et l’arme blanche ; femmes, prêtres, moines, hommes et enfans tout a été livré à la mort ; je n’ai fait grâce à personne ; j’ai également fait mon devoir ; il y a du plaisir à venger sa patrie21… »
31Le carnage ne cesse évidemment pas avec les combats. Le commissaire civil Benaben décrit une ville livrée à « toutes les horreurs d’une ville prise d’assaut22 ». Des témoignages parlent de fusillade de prisonniers, d’exactions sur les cadavres, mais il est difficile de faire la part des choses entre faits réels et/ou glorification des vainqueurs et de la république/martyrisation du peuple vendéen.
32Les corps retrouvés lors de la fouille des charniers du Mans, présentent des cicatrices de ces combats. L’analyse des traumatismes osseux ainsi que des projectiles associés apporte une trace matérielle de la réalité de l’évènement, ces archives biologiques et matérielles autorisent un regard distancié, sur une partie des faits de violence. Cependant là encore, ces archives sont doublement incomplètes, du fait de l’échantillon des décédés (5 à 6 %) et surtout du fait que seuls les traumatismes ayant eu une incidence sur les tissus durs (en l’occurrence l’os) sont analysables. Tous les gestes, armes et exactions ayant eu une conséquence sur les tissus mous ont disparu.
33Les causes de décès sont à rattacher aux lésions peri mortem (autour de la mort), c’est-à-dire celles ne montrant aucune trace de cicatrisation osseuse. Les traumatismes osseux peri mortem sont extrêmement nombreux et concordent avec le contexte de violences extrêmes. 116 individus (soit 74,3 % de l’échantillon) portent des atteintes squelettiques peri mortem. Il s’agit strictement de lésions osseuses non taphonomiques, sans trace de réaction du périoste (enveloppe externe de l’os) et leur relation directe avec les combats des 12 et 13 décembre est établie.
34Les causes de décès, déterminées par l’analyse des traces traumatiques, permettent de distinguer les mécanismes responsables du trépas et de proposer une identification de l’objet vulnérant ayant occasionné les traumatismes osseux.
35L’enregistrement de ces lésions peri mortem consiste en une détermination des mécanismes lésionnels (tranchant, contondant/tranchant, contondant et balistique), de leurs localisations et de leurs trajectoires, dans toute la mesure du possible. Les lésions sont localisées par rapport à l’axe du corps, le corps étant en position dite anatomique (sujet debout, paumes des mains vers l’avant). Les pertes osseuses sont relevées en longueur, largeur et, le cas échéant, en profondeur, afin de caractériser les incisions de la corticale, les entailles (atteinte de la corticale et du spongieux) et les défects osseux (os tranché et segments désolidarisés, avulsion contondante, traumatismes balistiques). L’enregistrement et l’analyse des lésions osseuses ont été menés conjointement avec l’analyse de certains projectiles in situ (balles en plomb, boulets biscaïens, mitraille). Le vocabulaire descriptif et le système d’enregistrement des lésions sont adaptés des techniques utilisées en médecine légale. La majeure partie des ossements a été reconstituée minutieusement afin de caractériser précisément les lésions, notamment lors de chocs provoquant un éclatement de l’os en de nombreux fragments.
36L’étude traumatologique souligne la diversité et la réalité des violences interpersonnelles lors du conflit urbain. Les 428 traces relevées sur 116 individus témoignent de la variété des combats et des armes employées. Artillerie, plaies par balle, plaies par arme blanche ou encore coups portés par des objets contondants (crosse de fusil et autres) sont représentés dans des proportions variées.
37Les armes blanches restent l’arme de prédilection et sont responsables de plus de 65 % des lésions osseuses observées. Les traces sont souvent le résultat de coup porté avec le tranchant de la lame (cahier couleur, pl. XIV, no 17). Les coups d’estoc ou encore de baïonnette, impactant généralement les parties molles, sont peu représentés.
Ill. 17. – Traumatisme à l’arme blanche sur l’avant-bras, fracture de défense (sabre ou poignard).

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38Une part non négligeable de lésions par des projectiles atypiques montre que certains ont subi des tirs d’artillerie (9,1 %). La balistique unique (11,2 %) indique des coups de fusil ou de pistolet, dans le cadre de combats, mais aussi probablement pour l’achèvement de personnes à terre. Les armes à feu, lourdes, incommodes et longues à recharger, ne pouvaient pas être utilisées plusieurs fois de suite dans la précipitation. La cadence de tir est « l’objet de nombreux débats. […] moins d’un coup par minute […] deux à quatre coups à la minute23 ». En revanche, leur poids leur donne une certaine efficacité pour porter des coups avec la crosse ou la patine. Ainsi, les chocs contondants générés par des coups de crosse ou autre objet vulnérant (6,1 %) sont observés. Ils étaient, pour certains, probablement destinés à l’achèvement des blessés. Les traumatismes observés sur les segments anatomiques pointent différentes phases de lutte, avec des blessures de défense ou des blessures destinées à désarmer l’adversaire. Dans les cas de corps-à-corps (arme blanche notamment), seule la partie supérieure des corps est lésée avec une prépondérance au niveau de la région céphalique (crâne, mandibule représentent 77,1 % des traumatismes tranchants) (cahier couleur, pl. XIV, no 18).
Ill. 18. – 4 impacts tranchants sur le côté gauche du crâne. Coups portés par un sabre.

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39De rares cas témoignent de piétinement et de chute de hauteur.
40De nombreux sujets présentent plus d’une trace osseuse qui atteste de plusieurs coups reçus. Ainsi, plus de 80 % des 116 individus sont polytraumatisés, avec des coups portés par arme à feu, arme blanche ou artillerie. Le nombre de coups reçus varie de 1 à 18, la moyenne des traumatismes osseux par individu est de 3,7. Il n’est pas rare d’observer plusieurs lésions dues à une arme tranchante type sabre sur un même individu, voire un même segment osseux. Le nombre important de blessures par individu montre la férocité des affrontements, la volonté d’en finir avec la rébellion. Les combats sont sans pitié, il ne s’agit pas de faire de prisonniers, mais bien de décimer les rangs de l’armée royaliste.
41Pour l’échantillon adulte, les hommes sont les plus concernés par la balistique (unique et atypique) (cahier couleur, pl. XV, nos 19, 20 et 21), mais on retrouve aussi de rares femmes dans cette catégorie (4/23 adultes sexés). De manière globale, les femmes sont plus fréquemment blessées par arme blanche que les hommes (respectivement 63 % des lésions féminines contre 54,3 % des lésions masculines).
Ill. 19. – Plaie par arme à feu, vue de l’orifice d’entrée sur le frontal, côté droit.

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Ill. 20. – Détail de l’orifice d’entrée en face exocrânienne.

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Ill. 21. – Détail de l’orifice de sortie en face endocrânienne.

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42Pour l’échantillon immature, les lésions ne concernent que les adolescents, à l’exclusion d’un enfant plus jeune (âgé de 10-14 ans) probablement piétiné. Ces adolescents sont au même titre que leurs aînés fréquemment polytraumatisés (84,6 %). Les jeunes filles sont exclusivement atteintes par des coups portés à l’arme blanche tandis que chez les garçons, même si l’arme blanche est majoritaire, l’origine des lésions est plus diversifiée (balle, chocs contondants, artillerie). Ces adolescents, socialement considérés comme des adultes, ont vécu les mêmes événements. Ils ont, pour nombre d’entre eux, participé aux combats.
43Des différences sont notées dans la composition des fosses, non seulement en termes de recrutement sexué (proportion d’hommes et de femmes), mais aussi en fonction des types d’armes utilisées. Ces variations de fréquences des lésions observées et donc du mécanisme responsable pointent la diversité des combats dans la ville : proportion de plaies liées à des tirs d’artillerie au-dessus de la fréquence générale ou encore sous-représentation de l’emploi d’arme blanche. Ces discriminations qui sont à rapprocher des modalités de ramassage des cadavres, rue après rue, représenteraient ainsi un instantané des affrontements dans une partie de la ville.
⁂
44Les 154 sujets exhumés des charniers place des Jacobins au Mans apportent des indices matériels, tant sur la composition de l’armée royaliste, que sur les causes de décès et sur les modalités de la gestion des corps lors de cette crise de mortalité aiguë.
45La multiplicité des coups relevés sur les corps traumatisés témoigne de la violence et de la diversité des combats ; tirs d’artillerie, tirs au fusil et pistolet précédant l’affrontement direct et emploi d’armes blanches et objets contondants dans des corps à corps (fractures de défenses). Il apparaît clairement que les combats ont été menés sans pitié. Certains individus, probablement piétinés et présentant des fractures liées à des chutes de hauteur, évoquent la déroute et le chaos dans le vieux Mans, ainsi que de probables chutes de points hauts (barricades et/ou maisons).
46On ne peut ignorer l’existence de gestes destinés à achever les blessés. En effet, certains coups portés par un objet contondant type crosse ou encore certains traumatismes par arme à feu (balles) strictement localisés dans la région crânio-mandibulaire sur des individus déjà blessés semblent l’indiquer.
47En ce qui concerne les possibles exactions post mortem sur les cadavres, et notamment les femmes, aucun indice matériel ne va dans ce sens.
48Le travail mené au Mans, loin d’être un aboutissement, marque en fait le début d’une collaboration entre histoire et archéo-anthropologie. Même si l’étude ne porte que sur un échantillon restreint et livre en conséquence une vision tronquée, il n’empêche que les éléments disponibles restent suffisants pour étayer certains schémas qui permettront d’apporter une vision objective que les témoignages d’époque n’ont assurément pas.
49D’autres corps sont toujours enfouis dans la ville du Mans ainsi que tout le long de la déroute jusqu’à Savenay. Leur découverte permettrait d’approfondir et d’augmenter nos connaissances sur cette période particulière de l’histoire de France.
Notes de bas de page
1 Lantivy René de, « Les Vendéens au Mans. Journées des 20, 21, 22, 23 frimaire an II », Revue historique et archéologique du Maine, t. LXXIII, 1913, p. 162-163.
2 Nous intégrons dans la terminologie « ossements », les restes dentaires.
3 Cabot Élodie, Dabernat Henri et Duchesne Sylvie, « Deux cas d’amputation à Toulouse (Haute-Garonne) au xiie siècle », in Valérie Delattre et Ryadh Sallem (dir.), Décrypter la différence : lecture archéologique et historique de la place des personnes handicapées dans les communautés du passé, Paris, CQFD, 2009, p. 103-106.
4 Froment Alain et Guy Hervé (dir.), Archéologie de la santé, anthropologie du soin, Paris, La Découverte, INRAP, coll. « Recherche », 2019.
5 Dupuy Roger, Les Chouans, Paris, Hachette Littératures, coll. « La vie quotidienne », 1997 ; Gréau Pierre, La Virée de Galerne : 18 octobre-23 décembre 1793, Cholet, Éditions Pays et Terroirs, 2012.
6 Bonchamps Marquise de, Mémoires de Madame la marquise de Bonchamps sur la Vendée, rédigés par la Comtesse de Genlis, rééd. du volume de 1821, Cholet, Pays et Terroirs, 2003 ; Kleber Jean-Baptiste, Mémoires politiques et militaires 1793-1794, rééd. du volume de 1907, Cholet, Éditions Pays et Terroirs, 2008 ; La Rochejaquelein Marquise de, Mémoires de Madame la Marquise de La Rochejaquelein, Paris, Baudouin Frères, seconde édition, collection des mémoires relatifs à la Révolution française, 1827 ; Savary Jean-Julien-Michel, Guerres des Vendéens et des chouans contre la République française ou Annales des départements de l’Ouest pendant ces guerres par un officier supérieur de la République habitant dans la Vendée avant les troubles, Paris, Baudoin Frères, 1824 ; Westermann François-Joseph, Campagne de la Vendée du général de brigade Westermann, Paris, an II de la République une et indivisible, 1794 ; Chardon Henri, Les Vendéens dans la Sarthe, Le Mans, Imprimerie Edmond Monnoyer, 3 vol., 1869-1872 ; Launay Arsène, Correspondance et papiers de Benaben, Paris, 1886 ; Sécher Reynald, La Vendée-Vengé : Le génocide franco-français, Paris, Presses universitaires de France, 1986 ; id., Vendée. Du génocide au mémoricide. Mécanisme d’un crime légal contre l’humanité, Paris, Éditions du Cerf, coll. « Cerf politique », 2011 ; Martin Jean-Clément, La Vendée et la Révolution, Paris, Perrin, coll. « Tempus », 2007 ; id., Un détail inutile ? Le dossier des peaux tannées, Vendée, 1794, Paris, Vendémiaire, 2013 ; Dupuy Roger, Les Chouans…, op. cit. ; Gérard Alain, Vendée, les archives de l’extermination, La Roche-sur-Yon, Centre vendéen de recherches historiques, 2013.
7 Médiathèque du Mans, manuscrit B 21 A, version microfilmée Mi 396, Commission centrale de correspondance des Arts, « Rapport des évènements relatifs à l’arrivée de l’armée vendéenne dans le département de la Sarthe au mois de Xbre 1793 », 16 août 1798, copie manuscrite par Négrier de La Crochardière.
8 Chevet Pierre, Quinconce des Jacobins, Le Mans (Sarthe), sondages d’évaluation, rapport de diagnostic, Cesson-Sévigné, Inrap GO, non paginé 1999.
9 Chevet Pierre, Cabot Élodie et Le Boulaire Christian, Quinconce des Jacobins, Le Mans (Sarthe), rapport de diagnostic archéologique, Cesson-Sévigné, Inrap GO, 2009 ; Cabot Élodie, Chevet Pierre et Duchesne Sylvie, « La bataille du Mans, apports archéo anthropologiques à l’étude des guerres de Vendée, 10-13 décembre 1793 », XXXe colloque GALF, Dakar, Antropo, 27, p. 15-22, [www.didac.ehu.es/antropo] ; Cabot Élodie, « Les victimes de la bataille du Mans (12-13 décembre 1793) : apports archéo-anthropologiques », Archéopages, no 39, Le sort des vaincus, octobre 2013-janvier 2014, p. 32-39 ; Cabot Élodie et Chevet Pierre, Espace culturel des Jacobins (fouilles 2010), Le Mans (72), La bataille du Mans des 12-14 décembre 1793 : la mémoire du sol, 3 vol., rapport final d’opération, Inrap, SRA Pays-de-la-Loire, 2015, 1 146 p.
10 Mémoires dactylographiés de Ch. Boucher, p. 63, cité par Gréau Pierre, La Virée de Galerne…, op. cit., p. 192.
11 Von Platen Magnus et Deschamps Léon, Livre d’Or de la Santé, Paris, Bong et Cie, 3 vol., 1910, vol. 2, p. 1172.
12 Cabot Élodie et Chevet Pierre, Espace culturel des Jacobins…, op. cit., vol. 2, t. I.
13 Lettre de J. Benaben, commissaire de Saumur à son collègue J. Vial, 13 décembre 1793 (23 frimaire an II), cité par Launay Arsène, Correspondance et papiers de Benaben…, op. cit., p. 72.
14 Lettre du correspondant de Montoire, 14 décembre 1793 (24 frimaire an II), citée par Chardon Henri, Les Vendéens dans la Sarthe…, vol. 2, p. 115-117.
15 Murail Pascal, Bruzek Jaroslav, Houet Francis et Cunha Eugenia, « A tool for probabilistic sex diagnosis using worlwide variability in hip bone measurements », Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris, 17, 3-4, 2005, p. 167-176.
16 Murail Pascal, Biologie et pratiques funéraires des populations d’époque historique : une démarche méthodologique appliquée à la nécropole gallo-romaine de Chantambre, thèse d’anthropologie, dir. Éric Crubézy, université Bordeaux 1, 1996 ; Murail Pascal, Bruzek Jaroslav et Braga José, « A new approach to sexual diagnosis in past populations. Practical adjustmenst from van Vark’s procedure », International Journal of Osteoarchaeology, 9, 1999, p. 39-53.
17 Cabot Élodie et Chevet Pierre, Espace culturel des Jacobins…, op. cit. ; Thèves Catherine, Cabot Élodie, Bouakaze Caroline, Chevet Pierre, Crubézy Éric et Balaresque Patricia, « About 42 % of 154 remains from the “Battle of Le Mans”, France (1793) belong to women and children: morphological and genetic evidences », Forensic Science International, 262, 2016, p. 30-36.
18 Puaud Jack et Méry Christian, Les armes de la grande guerre de Vendée, Crépin-Leblond Éditions, 2013 ; Collet Joakim, Les Vendéens à Laval, octobre 1793, La bibliothèque universitaire des Guerres de l’Ouest, Cholet, Éditions Pays et Terroirs, 2009.
19 Lantivy René de, « Les Vendéens au Mans… », art. cité, p. 160.
20 Services historiques de la Défense, Vincennes, 5B 16-49, lettre des représentants Prieur, Turreau et Bourbotte au Comité de salut public, 13 décembre 1793 (23 frimaire an II).
21 Arch. dép. Maine-et-Loire, 1 L 1223, lettre de J. Meignan commissaire de Saumur au comité révolutionnaire de Saumur, 3 heures du soir, 23 frimaire an II (13 décembre 1793).
22 Launay Arsène, Correspondance et papiers de Benaben…, op. cit., p. 73.
23 Larribère C., « Le fusil du Premier Empire : aspects balistique et technique », in Les ombres de l’Empire. Approches anthropologiques, archéologiques et historiques de la Grande Armée, CERMA, HS no 5, 2009, p. 395-400.
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