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    Plan détaillé Texte intégral Le climat L’évolution des sols et de leur couverture végétale La démographie Les peuples gaulois et leurs territoires Notes de bas de page

    Gallia Comata. La Gaule du Nord

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre I. Le pays et les hommes

    p. 23-52

    Texte intégral Le climat L’évolution des sols et de leur couverture végétale La démographie Les peuples gaulois et leurs territoires Les noms de la Gaule Les peuples L’organisation des civitates et la question des pagi Les territoires La cartographie de la Gaule, vue par les Anciens Notes de bas de page

    Texte intégral

    1Le pays qu’occupaient les peuples gaulois était, grosso modo, très semblable à celui que nous connaissons aujourd’hui, hormis des évolutions régionales ou locales, que nous ne prendrons pas en compte, à l’échelle géographique qui est la nôtre dans cet ouvrage1. Il avait toutefois connu, depuis le Néolithique, des transformations importantes, sous l’action conjuguée des défrichements et de l’agriculture. Cet impact anthropique a continué jusqu’à nos jours. On aurait donc tort de croire au caractère immuable des paysages anciens et de projeter sur la période qui fait l’objet de cette étude l’image bucolique et parfois fantasmée de la France d’avant-guerre. C’est l’affaire de l’archéologie que d’étudier ces modifications de l’environnement et la part que l’homme y a prise.

    Le climat

    2Notre appréhension du paléoclimat a fait des progrès considérables depuis quelques dizaines d’années ; elle résulte d’un croisement complexe d’analyses diverses sur les facteurs qui sont susceptibles d’entraîner des variations au sein de cette période interglaciaire chaude qu’est l’holocène, commencée il y a environ 10 000 ans. Entrer dans le détail complexe des interactions entre les phénomènes naturels globaux (l’orbite terrestre ; l’activité solaire ; le volcanisme), évaluer la réponse des glaciers ou celle des lacs et des rivières à la variabilité climatique, reconstituer l’évolution des températures sur le long terme excède le propos de ce livre et surtout les compétences de son auteur2. Il importe toutefois de savoir à quelle échelle spatiale et à quelle résolution chronologique on veut se placer : l’évolution globale du climat terrestre durant l’holocène n’est en effet pas strictement identique à celle du bassin méditerranéen, qui constitue un ensemble géographique particulier, dont les composantes doivent, à leur tour, être analysées en détail car les variations climatiques n’ont pas partout les mêmes conséquences. Néanmoins, les grandes tendances du paléoclimat au sein de ce vaste secteur géographique peuvent s’appliquer à la Gaule. Celle-ci constitue en l’occurrence une région assez bien documentée, pour laquelle nous disposons de bons « proxies3 », dus en particulier à l’abondance des études dendrochronologiques, notamment dans le Nord et dans l’Est4.

    3Observons, pour commencer, les deux graphiques de la fig. 5. La courbe de l’irradiation solaire, calculée à partir de la variation du 14C (carbone 14, courbe a) et du 10Be (Be = beryllium, courbe b), permet d’observer clairement, en début de séquence, le pic qui correspond à l’optimum climatique chaud de La Tène C, et, en fin de séquence, le minimum froid du haut Moyen Âge. Sur la fig. 6, on peut suivre l’évolution des températures jusqu’au xviiie siècle. La courbe commence avec le plateau chaud du Haut-Empire romain, qui est suivi d’oscillations alternativement chaudes et froides entre la deuxième moitié du iiie siècle et la fin de l’époque mérovingienne. L’optimum se situe vers l’an Mil, mais il est suivi d’une baisse tout aussi rapide, avec diverses oscillations jusqu’au Petit Âge Glaciaire, dont le maximum de froid est enregistré dans la seconde moitié du xviiie siècle, avant la remontée rapide des températures depuis le début du xixe siècle. C’est celle qui nous affecte aujourd’hui.

    Fig. 5a. – L’irradiation solaire, telle qu’on peut la déduire à partir du 14C.

    Image

    Source : [https://www2.mps.mpg.de/projects/sun-climate/data/tsi_hol.txt].

    Fig. 5b. – L’irradiation solaire, telle qu’on peut la déduire à partir du 10Be.

    Image

    Source : [ftp://ftp.ncdc.noaa.gov/pub/data/paleo/climate_forcing/solar_variability/steinhilber2009tsi.txt] (erreur en 2022), (d’après Harper et McCormick, 2018, fig. 1.1 et 2).

    Fig. 6. – Courbe des températures moyennes à partir du début de n. è.

    Image

    Source : [ftp://ftp.ncdc.noaa.gov/pub/data/paleo/contributions_by_author/christiansen 2012/christiansen2012.txt] (erreur en 2022), (d’après Harper et McCormick, 2018, fig. 1.6).

    4La fig. 7 illustre différents proxies5 : le niveau d’insolation (A), le 14C résiduel (B), l’avancée des glaciers (C), les épisodes des lacs jurassiens et alpins (D), les crues des rivières européennes (E). La courbe C montre l’avancée de deux glaciers alpins (Aletsch et la Mer de Glace) entre 1 000 et 600 av. J.-C., leur recul très fort, à peu près jusqu’au niveau actuel, entre 200 av. J.-C. et 200 apr. J.-C. En 272 de n. è., la position du glacier d’Aletsch était ainsi comparable à celle de l’année 1982. Le glacier a recommencé à avancer au début du ve siècle pour atteindre vers 600 un maximum comparable à celui du Petit Âge Glaciaire. Les lacs alpins connaissent eux aussi des variations importantes, avec deux épisodes froids caractéristiques, l’un entre 800 et 400 av. J.-C. (épisode 5, dit du Bourget) et l’autre entre 350 et 850 apr. J.-C. (épisode 3, dit du Petit-Maclu 2). Ces différentes fluctuations se sont effectuées sous l’influence dominante des activités solaires. La courbe D est en revanche difficile à commenter en termes de climat à cause de l’imprécision chronologique des données, mais aussi parce qu’elle globalise des bassins versants aux régimes bien différents. Pour le Rhône par exemple, où les études ont été plus nombreuses et plus précises, on note trois pics de forte activité, entre 1 050 et 800 av. J.-C., entre 350 av. J.-C. et 200 apr. J.-C., entre 450 et 600 apr. J.-C.6. Pour la période 100 av.-200 apr. J.-C., la fréquence des épisodes de crues est forte, témoignant d’une période humide et chaude qui a eu pour conséquence une aggradation des plaines dans le bassin du Rhône, sans doute accentuée par les activités agricoles. Mais on ne possède malheureusement pas le même niveau d’information pour les autres grands bassins versants du nord de la Gaule, hormis des données ponctuelles qu’on ne saurait généraliser sans risque d’erreur.

    Fig. 7. – Variabilités environnementales séculaires à millénaires pour les quatre derniers millénaires.

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    Réponses des glaciers alpins (C) [Le Roy et al., 2015] pour la Mer de Glace, et glacier d’Aletch (Holzhauser et al., 2005), des lacs jurassiens (D) [Magny, 2013] et des rivières européennes (E) [Benito et al., 2015] aux fluctuations astronomiques (A) [insolation, Berger et Loutre, 1991] et solaires (B). Carte Petit et al., 2018, fig. 26.

    5La fig. 8, qui s’appuie sur des données dendrochronologiques nombreuses dans le nord-est de la France, l’Allemagne, la Suisse, malheureusement trop absentes plus au sud ou plus à l’ouest, permet de restituer avec précision la variabilité interannuelle7. La période 400-300 av. J.-C. est fraîche (– 1,5oC) et humide (200 mm). Vers 310, 100, 50 apr. J.-C., 225 apr. J.-C., les températures sont les plus chaudes (+ 0,25oC) ; par contraste, vers 350, 50 av. J.-C., 180 apr. J.-C., les températures sont les plus basses (– 1oC). De 300 à 600 apr. J.-C., le climat est différent, plus frais (– 1oC) et humide (250 mm). Les précipitations sont plus élevées vers 350 et 100 av. J.-C. La période 200-300 apr. J.-C. est plus sèche (– 25 mm). De 200 à 350 et de 451 à 500 apr. J.-C., la pluviométrie est faible (170 mm) alors qu’entre 1 et 200 apr. J.-C. et entre 350 et 450 apr. J.-C., la pluviométrie dépasse les 200 mm8.

    Fig. 8. – Fluctuations rapides des conditions environnementales durant la période 400 av. J.-C. à 600 apr. J.-C.

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    A : variabilité interannuelle du potentiel de production agricole dans le Bassin parisien, après déduction des (B) anomalies de température (mois de juin-juillet-août) et des (C) précipitations (mois d’avril-mai-juin) entre 400 av. J.-C. et 600 apr. J.-C. (Büntgen et al., 2016). D : périodes durant lesquelles sont repérées dans les glaces du Groenland des éruptions ayant eu une influence probable sur le climat de l’hémisphère nord (Sigl et al., 2015). E : périodes durant laquelle des crises d’épidémies animales et humaines sont mentionnées dans les sources textuelles. Carte Petit et al., 2018, fig. 27.

    6Ces données autorisent à restituer des courbes de potentialité agricole (A), qui, pour la zone considérée, sont déclinées de la manière suivante :

    • de 399 à 366 av. J.-C. : bonnes conditions climatiques.

    • de 365 à 317 av. J.-C. : période globalement moins favorable avec deux mauvais épisodes (365-351 et 328-317).

    • de 316 à 57 av. J.-C. : très longue période de conditions favorables.

    • de 56 av. J.-C. à 32 apr. J.-C. : période pendant laquelle on constate de nombreuses mauvaises années, notamment entre 47 et 35 avant n. è., entre 18 et 15, entre 8 et 6, entre 2 et 4 de n. è., entre 20 et 22).

    • de 33 à 325 apr. J.-C., on entre de nouveau dans une longue période favorable à l’agriculture, avec des grappes de bonnes années (35-68 ; 191-199 ; 213-250 ; 275-282) et quelques-unes de mauvaises années froides, notamment la décennie 169-179.

    • de 326 à 434, on aborde une période plus critique, avec notamment de très mauvais épisodes : de 326 à 340, de 349 à 360, de 388 à 398.

    • la période suivante, de 434 à 535 a connu des conditions climatiques moyennes.

    • la période 536-610 montre une forte dégradation, avec des risques forts de mauvaises récoltes9.

    7Cette analyse illustre bien deux phénomènes :

    1. sur le temps long, on constate que la période de La Tène, depuis le début du ive siècle, puis le Haut-Empire s’inscrivent dans le cadre d’une longue période chaude, favorable au développement agricole, encadrée par deux périodes beaucoup plus froides. La révolution agricole de La Tène C en fut naturellement la conséquence première. On observe évidemment, au sein de cette longue oscillation positive, des épisodes de crise, comme celui que note César en 54 av. J.-C. (César, BG V, 24). Cette année-là, en effet, la sécheresse extrême avait provoqué de mauvaises récoltes en Gaule du Nord10. L’autre séquence critique des années 164-166 est bien connue puisqu’elle correspond au déclenchement de la peste antonine. On mesure ici l’impact de situations de crises exceptionnelles qui n’étaient toutefois pas de nature à inverser la tendance de long terme, globalement très favorable.

    2. considérées sur le temps court, les courbes climatiques générales, la variabilité interannuelle et la courbe de potentialité agricole ne signifient nullement, de manière mécanique, « bonne » ou « mauvaise » récolte, en particulier à l’échelle de toute la zone considérée : certains secteurs peuvent, tout comme aujourd’hui, avoir été épargnés alors que l’année était globalement exécrable et l’inverse est tout aussi vrai. On ne peut donc guère aller au-delà de ces considérations générales, dans l’état actuel de nos connaissances. Il est très clair, par conséquent, qu’elles devront sans doute être reconsidérées et précisées dans l’avenir.

    L’évolution des sols et de leur couverture végétale

    8Si, à l’échelle globale de la Gaule du Nord, on peut estimer que la nature et la topographie des sols n’ont guère varié dans leurs grandes lignes jusqu’à nos jours, cette assertion n’est plus vraie dès lors qu’on descend à l’échelle locale, et les modifications peuvent être sensibles, sous l’effet de facteurs divers qui se croisent le plus souvent. Ces variations sont dues d’abord à l’évolution naturelle du climat mais aussi, avec une accélération accrue au fil du temps, à l’action humaine, notamment aux activités agricoles, faites de déforestations, de défrichements successifs, de labours, de plantations, mais aussi d’abandons suivis de reboisements, etc. Leur impact est considérable : il se traduit par l’érosion des plateaux et, en contrecoup, par le colluvionnement des versants et des fonds de vallons. La mécanisation récente de l’agriculture n’est pas seule en cause dans le déclenchement de ces phénomènes car ces processus de modification du paysage avaient commencé bien avant la période laténienne, qui les a accentués par une exploitation accrue. L’époque romaine ne fut pas en reste et constitua un facteur d’amplification des changements antérieurs. Elle se caractérise en effet par une accélération généralisée de l’aggradation des plaines alluviales, bien que ce phénomène reste encore à étudier de manière plus précise, notamment pour la Gaule du Nord11.

    9Ces différents épisodes sont aujourd’hui mieux documentés par l’archéologie et on pourrait multiplier aisément les témoignages. Pour ne pas surcharger cet ouvrage de considérations techniques, on se contentera ici de deux exemples caractéristiques : le premier est emprunté aux campagnes de fouilles menées sur le site d’Alésia dans les années 90, le second à un diagramme palynologique de la vallée de la Meuse près de Gennep (Pays-Bas).

    10La fig. 9 illustre en effet le taux de sédimentation alluviale mesuré dans la plaine des Laumes sur deux secteurs de la circonvallation proches l’un de l’autre12. On peut noter sur ce diagramme une accumulation sédimentaire très importante entre l’âge du Bronze et l’Antiquité, ce qui pourrait traduire l’effet des défrichements anciens, entraînant une érosion importante des sols. Le niveau césarien est en revanche très raboté par les labours et réduit le plus souvent à l’état de traces. La fig. 10 montre l’érosion sur le versant de la montagne de Bussy, où les fossés césariens ont été abrasés de plus de 1 m depuis l’Antiquité, alors que l’accumulation s’accélérait en fond de vallon. Dans le cas similaire et contemporain du siège de Gergovie, les fossés romains reconnus entre le « Grand camp » et le castellum de la Roche Blanche ont été réduits à presque rien13. Ces phénomènes expliquent évidemment la difficulté qu’éprouve souvent l’archéologue à identifier les structures de l’Antiquité.

    Fig. 9. – La sédimentation observée dans la plaine des Laumes, à Alésia.

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    Petit, 2001, p. 85.

    Fig. 10. – L’érosion du sol sur la montagne de Bussy, à Alésia.

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    Petit, 2001, p. 87.

    11Le second exemple montre comment la palynologie permet de suivre les transformations physiques d’un paysage. Le diagramme pollinique du « Kleefsche Beek », qui va du Néolithique à la période moderne, a été prélevé dans la vallée de la Meuse, près de Gennep, au sud-est de Nimègue. Il est considéré comme représentatif de toute la végétation régionale, au sens large (fig. 11). L’âge du Fer y révèle déjà une importante proportion (20-40 %) de plantes herbacées (poaceae ind. ; rumex sp. ; plantago lanceolata). L’importance des pollens d’arbres ne doit pas faire illusion car elle est due à des espèces éloignées qui ont une forte diffusion pollinique à long rayon d’action. On en conclut qu’il n’existait déjà plus, à l’époque, de vaste forêt locale pendant l’âge du Fer, mais plutôt des bois et un paysage ouvert de landes, de prairies, de champs. Ces derniers se traduisent par l’augmentation des pollens de céréales. Tel est le paysage rencontré par les Romains à leur arrivée. Cette mise en culture a généré sur ces sols une remontée de la nappe phréatique, bien attestée par de nombreuses études. La lande s’est développée sur les sols sablonneux, résultat d’un élevage d’ovins croissant. La courbe en hausse de la bruyère et du pin implique une acidification des sols et leur podzolisation, dont résulte une moindre fertilité. Nous pouvons observer ici comment la potentialité agricole des sols change avec le temps. Le passage à l’époque romaine ne modifie pas ces données et la courbe générale traduit la poursuite du même système agricole, mais les spécialistes observent que, sur les sols hydromorphes (gleysols), l’augmentation des pollens d’aulne et la régression des plantes herbacées impliquent une diminution de l’élevage et sans doute un abandon des zones marginales14.

    Fig. 11. – Diagramme palynologique de « Kleefsche Beek ».

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    Gerlach et al., 2017, p. 81.

    12Ces deux exemples suffisent à illustrer l’évolution progressive des sols et la manière dont l’archéologie peut montrer que le paysage du second âge du Fer était déjà très profondément anthropisé au début de l’Empire, ce qui nous invite maintenant à évoquer la question du couvert forestier antique.

    13On a longtemps cru que la Gaule était couverte de vastes forêts à l’arrivée de César et « Les aventures d’Astérix » témoignent encore de cette tradition, très présente dans les manuels scolaires de la IIIe République. Le proconsul n’atteste toutefois que deux grandes forêts, celle des Ardennes qui s’étend des bords du Rhin, en pays Trévire, au territoire des Nerviens (César, BG VI, 29) et la fabuleuse forêt hercynienne qui commence aux frontières des Helvètes, des Némètes et des Rauraques, sur le Rhin, pour finir au pays des Daces, formant une bande qui suit peu ou prou le cours du Danube sur une largeur d’environ huit jours de marche (César, BG VI, 25). Il y avait bien entendu d’autres massifs boisés, notamment en montagne (Vosges et Jura), et des forêts résiduelles de moindre étendue, mais l’impression que laisse le récit césarien est celle d’un paysage déjà largement ouvert et cultivé, ce que confirme l’archéologie.

    14On est en revanche bien en peine de connaître l’implantation précise et l’extension réelle de ces massifs, faute d’analyses palynologiques nombreuses et bien réparties dans l’espace, notamment à basse altitude. Il y a toutefois quelques exceptions (fig. 12) : dans le nord-est de la Gaule, par exemple, l’ouverture du milieu, déjà très sensible au second âge du Fer, s’est accentuée à l’époque romaine, avant qu’on assiste à un retour très significatif de la forêt du ve au viie siècle15. Cette situation doit être corrélée à l’altitude, les secteurs de 0 à 200 m étant déjà largement défrichés à la fin de La Tène, alors que les zones situées entre 200 et 600 mètres ont connu une ouverture plus accentuée à l’époque romaine (fig. 13). Encore une fois, l’enquête mériterait d’être élargie.

    Fig. 12. – Coefficients de corrélation entre le ratio AP (= arboreal pollens)/NAP (non arboreal pollens), l’altitude et la datation des échantillons palynologiques.

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    Petit et al., 2018, fig. 21.

    Fig. 13. – Indicateur de l’ouverture du milieu à l’échelle de la zone étudiée.

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    Évolution chronologique de la variabilité du pourcentage de pollens d’arbres (AP%) par groupes de séquences regroupées par classes d’altitude (valeur moyenne en rouge). Petit et al., 2018, fig. 22.

    15L’altitude est le principal facteur explicatif pour AP/NAP (R2 = 55 %) ; indépendamment de l’altitude, les ier et iie siècles marquent un recul des pollens arboricoles alors que les ve et vie siècles voient leur retour.

    16Ce serait donc une idée simple, voire simpliste, que de chercher les forêts anciennes sous celles d’aujourd’hui. Outre que chacune de ces dernières a souvent sa propre histoire et ne remonte pas nécessairement à une haute antiquité – elles peuvent être médiévales ou modernes –, les techniques actuelles de relevé altimétrique fin par LiDAR16, qui permettent de percer le couvert arboré, autorisent à voir et à cartographier les vestiges antiques conservés sous les zones boisées actuelles. Bien qu’on n’en soit encore qu’au début de ce mode d’investigation, plusieurs massifs contemporains ont révélé une occupation d’époque romaine et une mise en valeur du sol qui implique précisément un paysage autrefois ouvert. C’est le cas, en particulier, de la forêt du Châtillonnais ou de celle du plateau de Haye, à l’ouest de Nancy, qui ont révélé d’importants systèmes parcellaires et nous prouvent, en passant, combien le paysage réputé « naturel » est en réalité le fruit des anthroposystèmes successifs construits par l’homme tout au long de son histoire.

    La démographie

    17La démographie d’un pays, son évolution dans le temps constituent des éléments fondamentaux pour comprendre sa puissance et son développement économique et politique au sein d’un espace géographique déterminé. S’agissant de l’Antiquité, nos renseignements en ce domaine sont malheureusement des plus ténus, faute de sources historiques fiables et naturellement de statistiques. C’est seulement dans le cas de l’Italie et de l’Égypte que nous disposons de recensements mais encore faut-il interpréter ces données, qui restent controversées et sont au cœur de nombreuses réflexions entre les spécialistes de la démographie antique car tous ne sont pas d’accord sur leur signification. Notre propos n’est pas ici de reprendre ce débat complexe, mais d’en fournir au lecteur les prémisses pour mieux comprendre ses enjeux dans le cadre qui nous occupe, celui de la Gaule.

    18C. Jullian évaluait la population de ce pays entre 20 et 30 millions d’habitants17, soit un chiffre équivalent ou supérieur à celui de la population française au début du xviie siècle, ce qui impliquerait l’absence d’augmentation démographique, voire une régression, en dix-sept siècles18. La position de C. Jullian, largement idéologique, n’est plus reçue aujourd’hui. Les sources dont celui-ci disposait n’ont pourtant pas changé ; J. Beloch, dans son étude fondamentale sur la population antique, les avait déjà toutes abordées de manière minutieuse et concluait à une population de moins de 5 millions d’habitants au moment de la guerre des Gaules, réévaluée à 6,4 millions quelques années plus tard (soit 5,25 millions pour la Comata). Il avait naturellement bien conscience qu’il s’agissait là d’une approche grossière mais acceptable19. Son raisonnement reposait fondamentalement sur les seules sources chiffrées dont nous disposons, celles de César. À plusieurs reprises, en effet, le proconsul renseigne ses lecteurs sur les forces des peuples gaulois : au livre I, lors de la défaite des Helvètes (César, BG I, 29), il rapporte avoir trouvé des tablettes écrites en grec, avec une liste nominative des émigrants en état de porter les armes (92 000), ainsi que des listes particulières des enfants, des vieillards et des femmes, ce qui porte le total à 263 000 Helvètes, 36 000 Tulinges, 14 000 Latobices, 23 000 Rauraques, 32 000 Boïens, soit une population de 368 000 âmes. César donne encore une évaluation des forces belges coalisées (César, BG II, 4) ; enfin il fait énoncer par Vercingétorix la liste des effectifs demandés à chaque peuple pour former l’armée de secours (César, BG VII, 75).

    19Les chiffres donnés par les auteurs antiques sont le plus souvent suspects, surtout dans un contexte militaire, où chaque parti a tendance à exagérer les forces de l’ennemi et ses pertes : la mode en est d’ailleurs restée. S’agissant de l’armée de secours d’Alésia, il n’est absolument pas certain qu’elle se soit effectivement réunie sur le champ de bataille, mais on n’a guère moyen de le savoir et cela n’implique pas que les chiffres fournis par le vainqueur soient faux, bien qu’ils soient à l’évidence arrondis : ils correspondent probablement à des recensements et des états d’armes théoriques, dont César a pu avoir connaissance, sans que la concentration effective des troupes ait été réalisée sur le terrain, notamment pour les peuples les plus éloignés d’Alésia. C’est sur ces données que s’appuyait J. Beloch, faute de mieux, mais au terme d’une critique très serrée. Il nous importe cependant de voir si son estimation est cohérente avec celle des autres pays du monde antique, dont l’évaluation ne pose pas moins de problèmes.

    20S’agissant de l’Italie, à la fin de la République ou à l’époque augustéenne, le débat scientifique fait rage depuis plus d’un quart de siècle entre partisans de l’évaluation basse (« low count ») issue des études de J. Beloch, et celle de l’évaluation haute (« high count »). P. A. Brunt estimait ainsi la population de l’Italie à environ 7 millions d’habitants, au début du principat20. E. Lo Cascio a proposé au contraire des chiffres sensiblement plus élevés d’environ 15-16 millions d’habitants à la mort d’Auguste21. Il ne saurait être question ici d’entrer dans le détail d’une controverse qui a produit une littérature foisonnante, dont le lecteur pourra trouver, s’il le souhaite, d’excellents exposés récents22. La plus grande difficulté de la théorie du « high count » est qu’elle estime la population italienne de l’Antiquité au même niveau que celle de la péninsule à la fin du xviiie ou au début du xixe siècle, ce qui, comme l’évaluation de C. Jullian pour la France, exclurait toute augmentation démographique pendant une période considérable de dix-huit siècles.

    21Le dernier pays qui doit être pris en considération est l’Égypte, pour laquelle nous disposons de deux sources contradictoires. La première est une mention de Diodore de Sicile qui, dans la seconde moitié du ier siècle avant notre ère, avance le chiffre de trois millions, peut-être sur la foi de recensements ptolémaïques déjà anciens (Diodore I, 31, 6-9), tandis que Flavius Josèphe, au tout début de l’époque flavienne, l’estime à sept millions et demi, sans compter Alexandrie (Flavius Josèphe, La Guerre des Juifs II, 385). La population ne revint pas à ce niveau avant la fin du xixe siècle ; il est donc considéré comme trop élevé par R. Bagnall et B. Frier qui proposent quatre à cinq millions d’habitants23.

    22Rappelons ici qu’il faut compter, pour les populations préindustrielles, avec des courbes d’évolution démographique bien spécifiques, caractérisées par une forte natalité et une mortalité très importante dans les cinq premières années de la vie. On observe ensuite une diminution sensible des décès, puis leur remontée progressive à partir de la vingtième année24. Dans ce contexte d’une population préindustrielle, il fallait entre quatre et six naissances par femme pour maintenir tout juste le niveau de population existant, bien davantage pour qu’il augmente de manière significative et rapide. S’agissant de l’Antiquité, seules les données égyptiennes, fondées sur le recensement local (epikrisis), sont suffisamment précises pour autoriser une reconstitution globale. Elle est impossible dans les autres provinces de l’Empire, faute de sources de même nature. L’élément le plus important pour notre propos est toutefois que le coefficient moyen d’accroissement naturel (le solde des naissances et des décès, hors immigration) était faible. On estime parfois qu’il ne dépassait guère 0,15 % par an sur le long terme, ce qui permettait peut-être un doublement de la population seulement tous les 4,5 siècles, hors épidémie de grande ampleur25. Ce taux est approximativement cohérent avec celui de l’Europe entre 1 200 et 1 700, estimé à 0,13 %26. Il n’exclut évidemment pas des évolutions régionales plus ou moins fortes, ni des périodes d’accélération démographique, suivies de crises où le solde devient négatif, en raison de disettes importantes ou d’épidémies comme la peste antonine.

    23Le problème est, on le voit, extrêmement complexe en raison de la très mauvaise qualité des données dont nous disposons pour l’Antiquité. D’une certaine manière, celles-ci s’appuient les unes sur les autres, d’une région à l’autre et, si on accepte les propositions du « high count » pour l’Italie, il faut aussi les accepter pour les autres pays, ce qui modifie complétement l’estimation de la population globale de l’Empire, évaluée généralement à 60-70 millions. Une telle conclusion impliquerait aussi un bouleversement complet de nos conceptions historiques, notamment en matière de développement économique, mais aussi d’histoire générale de l’Europe. Bien qu’il ne soit théoriquement pas impossible que la population de certains pays d’Europe ou du monde méditerranéen ait stagné, voire régressé entre l’Antiquité et la fin de l’ère préindustrielle, ce n’est pas l’hypothèse la plus probable et c’est la raison pour laquelle les historiens acceptent majoritairement le « low count », comme nous le ferons ici. Ceci a conduit W. Scheidel à proposer, pour la période qui précède la peste antonine, le tableau global de la fig. 14 ; il faut le considérer comme une probabilité raisonnable, bien que les chiffres bruts pris au cas par cas puissent fournir matière à discussion27.

    Fig. 14. – Estimation de la population de l’Empire vers 165 apr. J.-C.

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    D’après Scheidel, 2007, tableau 3.1.

    24S’agissant de la Gaule, on retiendra donc cette proposition de 9 à 12 millions d’habitants vers 165 apr. J.-C., avec une préférence pour le bas de la fourchette. Si l’on considère en effet les chiffres avancés par J. Beloch, soit 6,4 millions pour l’époque de la guerre des Gaules, un doublement démographique en deux siècles constituerait déjà une croissance très forte, notamment au sortir d’un conflit long et sanglant. Le nombre d’un million de morts avancé à cette occasion par Plutarque (Caes. XV, 3) est sans doute excessif car il représenterait, s’il s’avérait exact, 15 à 16 % de la population totale, soit plus du double des pertes militaires françaises de la première guerre mondiale, sans compter un million de prisonniers. Mais il faut évidemment envisager un déficit démographique fort dans les trois ou quatre générations qui ont suivi la fin du conflit.

    25Ces considérations doivent inviter à la prudence civile quand on parle des rythmes du développement économique de la Gaule sous l’Empire, même en tenant compte de la paix qui a régné jusqu’au milieu du iiie siècle dans ces régions. La croissance de la population est souvent postulée, par les archéologues, en fonction des variations dans la densité de l’habitat reconnu sur le terrain. Partant d’un temps T0, ceux-ci comptent l’accroissement ou la diminution des vestiges observés ou fouillés à un temps T1, puis un temps T2, etc. Cette méthode, fondée majoritairement sur la récolte de matériel de surface, est incontournable en prospection au sol, mais elle génère spontanément de très nombreux biais dans l’interprétation des résultats, si on n’y prend garde. En effet le matériel récolté n’est pas identique entre l’âge du Fer, la période impériale, l’Antiquité tardive : le plus visible est assurément celui du Haut-Empire, particulièrement dans le cas de bâtiments construits en pierre, qui révèlent dans les labours tuiles, moellons et fragments de mortier, infiniment mieux perceptibles que les constructions en bois. La céramique romaine elle-même, notamment la sigillée, est souvent plus visible et facile à identifier que la céramique protohistorique. S’ajoutent à cela des problèmes de conservation différentielle : un bâtiment de La Tène, sous une villa romaine, reste le plus souvent masqué, donc invisible ; les occupations tardo-antiques, proches de la surface, sont souvent abrasées par les labours. Construits le plus souvent sur des solins de pierre, les bâtiments ruraux du iie au iiie siècle livrent en revanche plus de vestiges repérables. Traduits en termes statistiques, ces différents éléments introduisent des biais qui peuvent donner lieu à des excès quand on passe à l’interprétation, notamment en termes d’accroissement ou de déclin démographique, surtout si on postule alors un ratio moyen d’habitants par unité d’habitation, une notion très difficile à appréhender de manière fiable28.

    26Pour la Gaule impériale, la seule étude conséquente de démographie régionale dont nous disposions est celle de K. P. Wendt et A. Zimmermann pour la Rhénanie romaine (territoires allemands seuls). Au terme d’une série d’études trop complexes pour être exposées dans cet ouvrage, ces auteurs ont en effet proposé à la fois un tableau statistique (tableau 1), une courbe d’évolution (fig. 15) et une carte de la densité d’occupation valable pour la seconde moitié du iie siècle de notre ère (fig. 16). Il s’agit là de données très intéressantes et neuves, mais qu’il importe naturellement de considérer avec un regard critique29.

    Tableau 1. – Évaluation de la population des deux Germanies, vers 160 apr. J.-C.

    Nb. d’habitants dans les villae romaines (max./min.)

    157 840-315 680

    Nb. d’habitants dans les villes et les agglomérations (max./min.)

    395 918,1-919 237,3

    Soldats

    84 000

    Fourchette

    637 758-1 318 917

    Moyenne

    978 338

    Ce tableau propose une évaluation de la population des deux Germanies, vers 160 apr. J.-C. Les chiffres sont le produit de calculs complexes réalisés à partir de toute une série de données archéologiques et de paramètres divers, notamment l’estimation de la densité d’occupation des établissements ruraux et des agglomérations, au prorata de la superficie occupée. On ne doit donc pas se laisser prendre à la précision apparente des chiffres. Le tableau présente, dans la colonne de droite, des fourchettes basses et hautes, souvent très larges et qui vont du simple au double, selon les évaluations qu’on peut faire. On retiendra donc plus volontiers la moyenne proposée.

    Fig. 15. – Évolution de la population en Europe centrale.

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    En gris les estimations conventionnelles d’après la littérature érudite jusqu’en 1995. En noir les estimations pour la Rhénanie d’après les cartes de répartition archéologiques. D’après Wendt et al., 2010, fig. 26.

    Fig. 16. – Carte de densité de la population en Rhénanie romaine.

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    D’après Wendt et Zimmermann, 2008, p. 203, fig. 7.

    27L’élément le plus surprenant du tableau est la proportion respective de la population rurale et urbaine. Si l’on compare les minima statistiques des deux données, on aboutit à un ratio d’environ 40 % entre les deux, ce qui implique un très fort taux d’urbanisation, bien supérieur à ce que l’on considère comme ordinaire dans l’Antiquité et sans doute beaucoup plus élevé que la moyenne en Gaule du Nord. La courbe montre, de son côté, un accroissement sans précédent de la population entre la fin de l’âge du Fer, dont la densité moyenne est estimée entre 1,2 et 2,3 habitants/km2, et la fin du iie siècle, où elle est évaluée à 10,8-17,9 habitants/km2, une augmentation qui ne saurait être liée au solde démographique naturel, mais qui doit prendre en compte l’importante immigration due à la militarisation et à l’urbanisation rapide de cette région.

    28La carte, enfin, souligne les différences régionales très significatives dans l’occupation du sol.

    29Ces données appellent différents commentaires30. Les calculs de K. P. Wendt et A. Zimmermann ont en effet été effectués à partir des données archéologiques disponibles qui, à l’échelle de la zone considérée, sont globalement bonnes et fiables, mais incomparablement meilleures pour l’époque romaine, avec toutefois une densité nettement plus importante dans la zone loessique de l’arrière-pays de Cologne (territoire des Ubiens) où les fouilles préventives liées à l’exploitation de la lignite31 ont été menées de manière extensive sur plusieurs dizaines de km2. On doit suspecter ici un biais statistique, difficile à redresser, dans la base des données disponibles. L’évaluation du nombre d’habitants n’est donc pas moins susceptible de distorsions parallèles, mais la publication de fourchettes assez larges, puisqu’elles vont du simple au double pour les campagnes, les corrige heureusement. L’estimation globale de la population varie ainsi, elle aussi, approximativement du simple au double.

    30Malgré ces réserves, l’enquête doit être considérée sérieusement, car elle traduit en chiffres, même approximatifs, une tendance déjà subodorée par les historiens : le poids, considérable en termes démographiques, donc économiques, pris par le limes rhénan dans l’équilibre de la Gaule du Nord, à l’époque romaine. Ce développement, dû en grande partie à l’immigration, explique partiellement l’augmentation globale de la population du pays, malgré les pertes de la guerre des Gaules, mais aussi le déplacement de son centre de gravité vers une zone alors peu densément peuplée. On analysera ultérieurement, au cours de cet ouvrage, les conséquences de ce phénomène essentiel.

    Les peuples gaulois et leurs territoires

    Les noms de la Gaule

    31Les auteurs grecs les plus anciens ne connaissaient pas de nom géographique pour la Gaule32. Ils employaient l’ethnique Keltoi, qui désignait au demeurant les Celtes du Danube et sans doute une peuplade d’Espagne (Hérodote, Hist. II, 53 ; IV, 49). Il fallut attendre le iiie siècle pour voir ce nom englober les Gaulois au sens large (Apollonios de Rhodes, Argonautiques IV, 619-650) et c’est à la suite de l’invasion celte de la Grèce (280-279 av. J.-C.) qu’est apparu le mot de Galates (Callimaque, Hymnes IV, 171-176). Polybe, vers le milieu du iie siècle av. J.-C. fut le premier à utiliser en grec le vocable Keltia et donc à nommer l’espace gaulois (Polybe, Hist. VII, 9, 6-7).

    32Le mot latin Gallia implique en revanche, dans les sources d’époque romaine, une notion géographique, valable d’abord pour le nord de l’Italie puis la Gaule proprement dite, mais jamais un concept politique ; les Galli qui peuplent ce pays apparaissent pour la première fois en 360 dans les Fastes triomphaux, désignant alors les Celtes de Cisalpine. Quand il veut nommer la Gaule à l’ouest des Alpes, Cicéron éprouve le besoin d’apporter une précision géographique, par opposition à la province d’Italie du Nord. Il emploie donc des expressions comme Gallia transalpina pour parler du Midi de la France, par opposition à la Gallia ulterior, altera Gallia, Gallia ultima (la Gaule du Nord), alors que César désigne généralement cette dernière comme Gallia ulterior. Son légat, L. Munatius Plancus, à l’occasion d’une lettre à Cicéron, parle le premier de Gallia Narbonensis à la fin avril 43 (Cicéron, Fam. X, 9), tout en continuant à user parallèlement du vocable de Gallia Transalpina (Cicéron, Fam. X, 4), par opposition à la Gallia Comata, la Gaule « chevelue », conquise par César (Cicéron, Fam. X, 7 et 8). L’expression de Gallia Togata (la Gaule « en toge ») apparaît sous la plume de Hirtius pour indiquer la Cisalpine (César, BG VIII, 52), celle de Gallia Braccata (la Gaule « en braies ») est employée par Pomponius Mela vers le milieu du ier siècle apr. J.-C., mais dans un emploi archaïsant, pour désigner le nom ancien de la Narbonnaise (Mela V, 74). L’expression de Tres Galliae, les Trois Gaules, apparaît seulement dans les inscriptions ; l’empereur Claude, dans son célèbre discours au Sénat, continuera de traiter la Gaule du Nord comme un ensemble homogène, sous le nom de Gallia Comata33. On trouve cette même expression dans une inscription augustéenne de la région de Bracciano (ILS 916).

    Les peuples

    33Dresser la liste des peuples gaulois avant et après la conquête constitue un exercice beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Toutes nos informations, en effet, sauf celles de César, sont d’époque impériale et postérieures à la réorganisation administrative augustéenne. Quant au texte du Bellum Gallicum, il ne cherche aucunement à dresser un état complet et exhaustif de la géographie politique du pays : les noms des peuples y surgissent au fil des événements, quand ils sont utiles au récit. Certains, comme celui des Mandubiens, disparaîtront dans les sources ultérieures ; d’autres, qu’on connaît grâce aux textes d’époque impériale, comme les Catuslogi, les Triboques, les Vivisques sont ignorés de César. Ces quelques exemples ne sont pas les seuls et on s’est souvent appuyé sur ces différentes informations chronologiquement datées pour conclure à des remaniements d’ordre administratif, consécutifs à la conquête ou survenus sous Auguste, voire plus tard. L’exercice est légitime mais hasardeux et il ne peut être mené que dans le cadre d’une analyse critique très serrée, au cas par cas.

    34La raison principale de ces difficultés tient au fait que les différents auteurs dont nous tirons nos renseignements n’écrivaient pas dans le même but34 : César, on l’a dit, déroule un récit historique et, même s’il se livre à des digressions d’ordre ethnographique, notamment au livre VI, il ne s’attarde pas à dresser l’inventaire exhaustif de la Gaule et de ses peuples ; Strabon, qui écrit vers la fin de l’époque augustéenne et au début du règne de Tibère, tout en puisant bien souvent dans des sources plus anciennes, adopte au contraire un regard de géographe, mais il choisit les renseignements qu’il donne, sans souci d’exhaustivité : « Autant, écrit-il, le géographe se doit de traiter des diversités physiques et ethniques (lorsqu’elles méritent mention), autant pour les dispositions décidées par les hommes d’État et qui varient selon les conjonctures, on se contentera d’une présentation générale. Pour des précisions, se reporter à d’autres sources35. » Strabon expédie ainsi en une phrase l’ensemble des Aquitains, puisque « les Akouitanoi sont un ensemble de plus de vingt peuples, petits et obscurs », qu’il ne vaut pas la peine de nommer (Strabon IV, 2, 1).

    35Pline l’Ancien, qui agit en encyclopédiste et non en géographe, s’appuie en revanche sur des sources administratives d’époque augustéenne, mises à jour jusque vers 69-7036. S’agissant de la Gaule du Nord, par exemple, l’auteur n’évoque pas la promotion juridique des Helvètes au rang de colonie, survenue au début du règne de Vespasien. Sa liste des peuples gaulois est toutefois la plus complète dont nous disposions pour l’époque julio-claudienne. Enfin celle de Ptolémée, qui écrit vers le milieu du iie siècle de notre ère, constitue le fruit d’une démarche géographique au sens propre du terme, en ce sens qu’elle vise explicitement à l’établissement de cartes régionales de l’Empire à partir de données mathématiques exprimées en latitude et en longitude37. Dans le détail, toutefois, l’auteur se contente de fournir une liste des peuples et des principales agglomérations qui servent de points fixes pour l’établissement de ses documents ; il néglige les données administratives que Pline, au contraire, consignait soigneusement. On voit combien la confrontation de ces différentes sources, aux fonctions et aux objectifs très différents, constitue un exercice périlleux. On ne devrait donc pas, en bonne méthode, compiler indifféremment ces différents renseignements sans y regarder de très près.

    36Pour autant, seul César nous renseigne directement sur les peuples de la Gaule indépendante, ce qui pose une question redoutable : dans quelle mesure peut-on utiliser les sources d’époque impériale pour reconstituer la carte des peuples préromains et, ce qui est encore plus complexe, leurs territoires ? L’exercice est ancien et avait déjà été tenté avec brio par E. Desjardins dans quatre volumes parus de1876 à 1893. Une somme monumentale, jamais mise à jour depuis lors, ce qui montre bien toute la complexité de l’exercice38.

    37Comment qualifier ces peuples Gaulois ? Dans un article récent, consacré aux « tribus » de la Bretagne romaine, mais qui peut servir de cadre conceptuel à notre réflexion sur la Gaule, T. Moore a bien mis en évidence les conditions historiques et historiographiques de l’usage très connoté de ce terme pour définir la structure politique et sociale de la Bretagne à l’âge du Fer, à une époque (le xixe siècle) où les archéologues et les historiens britanniques exprimaient leur vision des peuples préromains à travers celle des nations de leurs propres colonies. Pourtant le modèle tribal n’est attesté ni par les sources antiques, ni par l’archéologie, ni par l’anthropologie et il ne s’applique pas à la société protohistorique de l’île39. On pourrait facilement ajouter : ni à celle de la Gaule indépendante.

    38À quelle réalité les auteurs antiques faisaient-ils donc allusion quand ils nommaient des peuples (les Héduens, les Cadurques…) ? S’agissait-il de groupes ethniques homogènes, possédant un territoire et soumis à un pouvoir centralisé ? Des entités religieuses, sociales, culturelles, avec une identité propre40? La question s’impose d’autant plus que les historiens modernes ont du mal à admettre l’assimilation de ces ensembles politiques avec des « cités » de type méditerranéen, organisées selon des principes qu’ils connaissent mieux, grâce aux textes dont ils disposent.

    39Pourtant, c’est bien César – un maître de la prose latine – qui utilise le terme de civitas pour désigner la plupart des peuples gaulois. Le proconsul y recourt à cent quatre-vingt-deux reprises dans la Guerre des Gaules. La carte de l’emploi de ce terme est sans appel et concerne la majorité des ethniques41. Dans la plupart des cas, le mot implique une notion à la fois politique et territoriale. A contrario, le terme de natio n’est utilisé que seize fois.

    40Mais quelle importance numérique ont ces différentes entités ? César donne par exemple une liste des peuples de l’île de Bretagne qui se soumettent en masse (César, BG V, 21) : les Cénimagnes, les Ségontiaques, les Ancalites, les Bibroques et les Casses, qui n’apparaissent plus dans les sources ultérieures d’époque romaine, notamment chez Ptolémée ; ils semblent avoir disparu en tant qu’ensembles politiques ce qui montre leur faible importance. L’effet rhétorique créé par cette accumulation est pourtant évident : il s’agissait de montrer au lecteur l’ampleur de la victoire romaine en l’accablant de noms de peuples mystérieux, lointains et inconnus, qu’on n’aurait pas jugé bon de nommer en temps ordinaire. Leur survivance, à l’époque impériale, est probable, malgré leur absence dans les sources historiques qui nous sont parvenues et leur disparition comme civitates autonomes. Il en va de même en Gaule et Cicéron exprime bien ce sentiment que devaient ressentir le Sénat et le peuple romain à la lecture des bulletins de victoire triomphants envoyés par le glorieux proconsul des Gaules : « Eh quoi ! Pourrais-je être l’ennemi d’un homme dont les lettres, le renom, les messages font retentir quotidiennement à mes oreilles les noms de pays, de peuples, d’endroits inconnus ? » (Cicéron, Prov. Cons. 19-22).

    41De tous ces noms que nous livrent les sources, que savons-nous ? Contentons-nous ici de quelques exemples choisis, faute de pouvoir les traiter tous en détail : dans sa liste des peuples, Pline mentionne par exemple les Texuandri qui habitent les régions côtières de la Mer du Nord, à l’est des Ménapes ; selon l’auteur lui-même, ils portent plusieurs noms qui ne sont pas précisés dans le texte. Une telle indication suppose une organisation interne particulière, dont nous ne connaissons à peu près rien42. Un peu plus loin, il évoque les Suaeuconi, totalement inconnus par ailleurs – et que nous ne savons même pas localiser correctement entre les Viromanduens et les Suessions –, mais pas les Catuvellauni, qui formeront pourtant une cité indépendante dans l’Antiquité tardive. Autre exemple, emprunté à l’Aquitaine : le Naturaliste commence sa liste, immédiatement au sud de la Loire, par les Ambilatri et les Anagnutes, deux autres peuples qui ne sont mentionnés que dans ce texte et dont nous ignorons à peu près tout43.

    42Certains peuples, qui n’étaient pas nommés par César, sont de création postérieure, comme les Tungri, qui participent d’une ethnogénèse complexe d’époque augustéenne44. Il en va de même des Bataves, dont une partie est d’origine germanique, mais l’autre autochtone45. La plupart des peuples installés sur la rive gauche du Rhin, à commencer par les Ubiens, ont en effet été transplantés sur la rive gauche après la conquête de la Gaule, ce qui a entraîné des déplacements de populations : les Ménapes, par exemple, avaient initialement une partie de leur territoire sur la rive germanique (César, BG IV, 4, 2). Sous l’Empire, nous les retrouvons dans les Flandres actuelles.

    43Le meilleur exemple de ces migrations, le plus connu en tout cas, puisque c’est celui qui fournit à César le prétexte de son intervention en Gaule, est évidemment la tentative des Helvètes d’aller s’implanter dans le pays des Santons (César, BG I, 10, 1 ; XI, 6). Que l’épisode ait été éventuellement déformé et grossi n’est pas exclu mais on ne saurait le prouver ; qu’il ait été fait avec l’assentiment des Santons est possible mais, là encore, on manque de sources pour l’affirmer, même si on a cru pouvoir montrer l’existence de liens anciens entre la Saintonge préromaine et le berceau celtique d’Europe centrale46. On connaît encore d’autres cas, comme celui des Boïens, qui faisaient partie de la coalition Helvète, mais qui, une fois défaits, furent accueillis et installés par les Héduens aux marges de leur territoire avant d’être intégrés dans leur cité (César, BG I, 28, 5 ; VII, 9, 6). Enfin on sait que les Germains d’Arioviste occupaient la plaine d’Alsace et de Bade au moment où César intervint en Gaule et qu’ils en furent chassés par les légions.

    44Un dernier exemple célèbre mérite d’être cité, c’est celui des Bituriges Vivisques. Ces derniers ne sont jamais mentionnés par César, mais ils le sont par Strabon (IV, 2, 1) et par Pline (IV, 108). Strabon précise même qu’il s’agit d’un peuple allogène transplantés chez les Aquitains47. La date de cette installation est controversée : on la situait traditionnellement bien avant la conquête48. On a pourtant proposé, sur la foi d’arguments numismatiques, un transfert d’une partie des Bituriges du Berry en territoire aquitain, entre l’époque césarienne et les années 30, une hypothèse actuellement acceptée par la majorité des chercheurs49.

    45On voit, à travers ces quelques exemples choisis, que la carte des peuples gaulois n’était pas forcément stabilisée avant même l’achèvement de la conquête qui provoqua ou accéléra naturellement les mutations. On constate aussi que, sous les noms des peuples gaulois, peuvent se cacher des entités diverses, avec des origines, des cultures, des identités qui ont sensiblement évolué au cours du temps. On conçoit aussi que l’établissement d’une carte des cités d’époque impériale pose autant de problèmes que pour la période de l’indépendance.

    L’organisation des civitates et la question des pagi

    46Il est courant aujourd’hui de lire sous la plume de chercheurs pourtant expérimentés que les cités de Gaule étaient divisées en pagi avec pour chef-lieu un vicus. Disons-le d’emblée, cette vision hiérarchisée d’un pays organisé sur le modèle territorial issu de l’administration napoléonienne, avec ses départements et ses arrondissements, nous paraît quelque peu hasardée.

    47Il faut tout d’abord rappeler que ces deux civil termes latins appartiennent au vocabulaire administratif purement romain et renvoient à des réalités bien précises mais distinctes50. Un pagus constitue en effet un cadre territorial pour l’enregistrement des biens fonciers (Ulpien, Dig. 50, 15, 4), comme on le voit par exemple dans les célèbres tables alimentaires de Veleia, près de Plaisance, à l’époque de Trajan (CIL XI, 1147). Il ne s’agit donc pas, pour un Romain, d’une réalité exotique, en l’occurrence gauloise, mais d’un territoire rural à vocation censitaire et fiscale dans le cadre de la civitas romana51 ; le vicus désigne pour sa part un habitat aggloméré et son existence n’est jamais liée juridiquement à celle du pagus dans les sources dont nous disposons. Le mot a d’ailleurs désigné, lors de la réforme augustéenne de la Ville, des quartiers de Rome. On trouve même sous l’Empire des vici dans les canabae du camp légionnaire de Mayence (CIL XIII, 6722) ou dans celles de Strasbourg (CIL XIII, 5967). La carte des inscriptions romaines qui les mentionne, en Gaule, montre au demeurant une répartition géographique extrêmement inégale qui ne saurait être complétement due au hasard des trouvailles. C’est donc souvent par simple commodité de langage qu’on appelle ordinairement vicus tout type d’habitat aggloméré ou « d’agglomération secondaire », notamment dans la littérature archéologique de langue allemande.

    48Ces prémisses étant posés, comment comprendre l’espèce de démenti apparent que le texte césarien vient apporter à cette conception très romaine ? Le proconsul, en effet, dès le début de la guerre, évoque les hommes du pagus Tigurinus (César, BG I, 12). L’emploi de ce mot dans un tel contexte devait étrangement sonner à des oreilles romaines ; aussi César croit-il bon de préciser aussitôt que « l’ensemble de la cité des Helvètes se divise en effet en quatre pagi », puis, tout de suite après que « ce pagus seul, quittant son pays, avait au temps de nos pères tué le consul L. Cassius et fait passer son armée sous le joug52 », ce qui renvoie à l’invasion des Cimbres et des Teutons, un demi-siècle plus tôt.

    49Il est bien clair que le mot pagus est ici détourné de son sens strict pour faire entendre par métonymie à un lecteur romain ce que veut indiquer le narrateur : une subdivision territoriale (et en même temps une composante ethnique) de la cité des Helvètes. On notera que César évite le mot tribus, qui recouvre une autre réalité romaine bien précise53, et celui de natio qui impliquerait une organisation indépendante. L’auteur latin emploie donc le seul mot à sa disposition pour évoquer une subdivision du peuple Helvète, dont la structure politique est très différente de celle du peuple romain54. Les Suèves, pour leur part, ont 100 pagi capables de fournir chacun 1 000 combattants, ce qui implique clairement une organisation politique différente de celle des Helvètes (César, BG IV, 1). César ne saurait décrire rapidement avec d’autres mots simples une structure sociale inconnue de ses lecteurs, sauf à se lancer dans de longues périphrases très éloignées de sa manière d’écrire. On serait donc tenté de traduire ici le mot pagus par « clan », au sens premier du terme. Est-ce à dire, pour autant, que toutes les cités gauloises de l’âge du Fer étaient organisées de la même manière et se sont retrouvées ensuite, sous la même forme, à l’époque romaine ? La réponse ne va pas de soi.

    50En Narbonnaise, certaines communautés préromaines de taille réduite ont pu devenir des pagi territoriaux à l’époque romaine (on parlera ici, en quelque sorte par anticipation, de « pays »). Ainsi le pagus Aletanus, autour de l’oppidum du Pègue, forme-t-il sans doute un des éléments de la confédération voconce (CIL XII, 1711 et 1708). Les célèbres inscriptions de Mars Mullo à Rennes évoquent différents pagi (le pagus Carnutenus, le pagus Sextanmanduus, le pagus Matans) qui constituent assurément des districts territoriaux constitutifs de la cité des Riedones au iie siècle de notre ère puisqu’ils sont attestés dans le sanctuaire de Mars Mullo, au cœur du chef-lieu de la civitas ; chacun d’entre eux dispose toutefois de son identité propre et, probablement, de sa divinité topique (AE 1969-1970 a, b, c ; CIL XIII, 3148-3150)55. On est là dans un cas similaire à celui de Trèves et du territoire trévire56. Dans ces différents cas, il est à peu près hors de doute que ces structures territoriales d’époque romaine constituent des composantes de la cité remontant probablement à l’époque de l’indépendance et maintenues par le pouvoir romain.

    51Dans le cas des Catuslogi, la question semble différente. Ceux-ci sont en effet mentionnés dans la liste plinienne comme un peuple à part entière, après les Bellovaques et les Bassi, mais avant les Atrébates, ce qui n’est pas bien clair. Une nouvelle inscription découverte à Bois L’Abbé évoque en revanche, pour les iie-iiie siècle, un pagus catuslovius57. En l’espèce, et sauf à envisager que Pline s’est trompé dans ses sources, ce qui n’est pas l’hypothèse la plus probable58, on doit supposer que les Catuslovii ont, à un moment ou un autre, perdu leur autonomie pour être intégrés dans une autre civitas plus grande. De telles fusions n’étaient pas rares ; elles permettaient, quand c’était nécessaire, de disposer d’un corps civique suffisant pour qu’une communauté puisse s’autogouverner et des notables assez riches pour exercer les charges municipales : l’exemple le plus célèbre est celui de Nîmes et des vingt-quatre oppida qui lui ont été « attribués59 ». On ne dira pas pour autant que ces peuples anciens, réunis à la cité de Nîmes, en sont des subdivisions administratives, et encore moins des pagi. À l’inverse, on ne considérera pas tout pagus mentionné à l’époque romaine comme une subdivision ancienne d’une civitas gauloise remontant à l’époque protohistorique, ni que ces dernières étaient organisées de manière uniforme. La question, on le voit, mérite d’être étudiée au cas par cas, quand on a des sources suffisamment nombreuses et explicites, ce qui est rare.

    Les territoires

    52On comprend, dans ce contexte, combien il est difficile de définir précisément des territoires « civiques », entendons l’espace qu’aurait contrôlé telle ou telle cité, d’en fixer visuellement les bornes sur un document graphique. Pour la protohistoire, aucune source ne nous autorise à pratiquer l’exercice et la situation est à peine meilleure pour l’époque impériale. C’est donc presque toujours à partir de la carte des diocèses médiévaux que l’on procède, en supposant que ces derniers reproduisent peu ou prou celle des cités de l’Antiquité tardive, elle-même considérée comme un héritage des peuples de l’Indépendance. Les quelques exemples rapides que nous venons de citer devraient suffire à rappeler combien cette méthode régressive, dont tout un chacun sait qu’elle est fausse, mais que tout le monde utilise, doit être rejetée, même si on peut admettre comme probable que, dans leur majorité, et de manière approximative, les espaces civiques ont connu des formes de continuité à travers le temps. Il faudrait le prouver au cas par cas, ce qui est loin d’être possible. À tout prendre, une carte figurant des polygones de Thyssen n’est pas plus fausse que celle qu’on trouve dans chaque « manuel » d’histoire qui se respecte. Nous en proposons ici une, qui évite de tracer des limites territoriales, à seule fin de permettre au lecteur de se repérer grossièrement dans l’espace quand on nomme un peuple gaulois ou gallo-romain dans la suite de ce livre (fig. 17)60.

    Fig. 17. – Carte (probable) des peuples de la Gaule du iie au iiie siècle.

    Image

    53On a évité ici de tracer des limites territoriales, difficiles à déterminer. La liste de ces peuples est hétéroclite. Elle a été compilée par Duval, 1989a, à partir des sources disponibles et pas seulement du texte césarien. Elle englobe des peuples qui ont perdu leur autonomie sous l’Empire, comme les Catuslovii ou les Mandubii, ou qui l’obtiendront durant l’Antiquité tardive, comme les Catuvellauni, ou semblent n’avoir jamais constitué de civitas, comme les Medulli, les Boii, les Sunuci, les Marsaci. Certains peuples, comme les Frisiavons, peuvent être connus sous d’autres dénominations. Enfin la carte des cités transrhénanes reste incomplète, faute de sources, mais on doit se souvenir qu’il s’agit là de créations tardives du iiie siècle apr. J.-C. Les villes (points noirs) sont les capitales de cité, et on n’a pas jugé utile de mentionner ici toutes les villes de statut latin, pour ne pas rendre la carte illisible. En vert sont indiquées les colonies romaines. Ce document présente par ailleurs de nombreuses incertitudes de détail : on ne sait pas bien, par exemple, ce que sont devenus des Ambarres de l’Indépendance, localisés entre les Héduens et les Séquanes, car ils n’apparaissent plus dans les sources impériales.

    La cartographie de la Gaule, vue par les Anciens

    54Il paraît plus intéressant de réfléchir à la manière dont les Grecs et les Latins concevaient cet espace gaulois. Ch. Goudineau a ainsi popularisé une carte générale qui s’appuie sur le texte de Strabon avec les dimensions et les orientations topographiques que donne l’auteur grec. Si son analyse est globalement juste, elle réclame malgré tout quelques commentaires (fig. 18)61.

    Fig. 18. – Carte de la Gaule à partir des données de Strabon selon Goudineau, 1990.

    Image

    55Est-ce bien ainsi qu’un officier romain se représentait l’espace Gaulois à la fin du règne d’Auguste ou au début du règne de Tibère, c’est-à-dire à l’époque où écrivait Strabon, soixante ou soixante-dix ans après la conquête ? La chose est douteuse, pour des raisons qui tiennent à la manière dont on concevait alors la géographie comme discipline. Le propos de Strabon n’était pas, en effet, de dresser une carte à l’usage pratique des voyageurs mais de livrer, en philosophe, une description globale du monde habité considéré dans son ensemble, préambule à une chorographie, c’est-à-dire un inventaire de chacune de ses parties, souvent conçues comme des figures géométriques simples (Strabon II, 1, 21). Il s’agissait d’un prélude indispensable à l’étude de son organisation ethnique et politique, car c’était bien là le but réel de l’ouvrage qui se devait d’être au service du Prince (Strabon I, 14 ; 16). Bien qu’il critiquât Ératosthène, l’un des maîtres de la géographie, qui vivait au iiie siècle avant notre ère62, Strabon n’en subissait pas moins son influence en décrivant les divisions du monde à l’aide de lignes droites ou courbes63. En voici un exemple : « L’Inde, dit en effet Ératosthène, est rhomboïdale : de ses côtés, les deux qui sont baignées par la mer, mer du sud ou mer d’orient, sont des rivages qui ne comportent guère d’échancrures, et les deux côtés restants, constitués l’un par une chaîne de montagnes, l’autre par un fleuve, respectent plus ou moins la ligne droite.

    56Constatant ensuite que l’Ariane a trois côtés au moins naturellement aptes à former un parallélogramme, mais n’ayant pas la possibilité de déterminer le côté ouest par des points fixes […] il le figure pourtant par une ligne qui part des Portes Caspiennes […] pour se terminer aux promontoires de la Karmanie » (Strabon II, 1, 22).

    57Cette manière de décrire schématiquement les divisions du monde par des figures géométriques est toujours celle de Strabon qui livrait en quelque sorte des croquis simplifiés. Il pouvait ainsi écrire : « La Bretagne a la forme d’un triangle » (Strabon IV, 5, 1) ou « la Sicile est de forme triangulaire » (Strabon VI, 2, 1), « le Péloponnèse a la forme d’une feuille de platane » (Strabon VIII, 2, 1), « l’Ibérie ressemble tout-à-fait à une peau de bœuf » (Strabon III, 1, 3) etc. Considérons maintenant sa description de la Celtique, « qui s’étend vers l’est jusqu’au Rhin. Le côté nord du pays est baigné sur toute sa longueur par le chenal breton… Le côté oriental est décrit par le Rhin, dont le cours est parallèle à la chaîne Pyrénéenne. Le côté méridional est constitué d’abord par les Alpes à partir du Rhin, et puis par notre propre mer (la Méditerranée), sur tout l’espace baigné par le golfe dit Galatique (golfe du Lyon). À l’opposé de ce golfe, lui tournant le dos, on trouve un autre golfe appelé comme le précédent golfe galatique, mais orienté vers le nord et la Bretagne (golfe de Gascogne). C’est à cet endroit que la Celtique en est réduite à sa plus étroite largeur… Dans l’intervalle on trouve une chaîne de montagnes perpendiculaires aux Pyrénées et qu’on appelle Cemmène (les Cévennes). […] Quant aux très hautes montagnes que sont les Alpes, elles dessinent une ligne circulaire […] » (Strabon II, 5, 28) : comme on le voit, Strabon ne nous livre ici qu’un croquis schématique et purement mental, parfaitement cohérent avec la conception géographique du temps. Les grands fleuves de Gaule (Rhin, Seine, Loire, Garonne), considérés comme parallèles, découpent, à l’intérieur d’un espace géométrique, des sous-parties elles-mêmes géométriques (cf. fig. 18). Ce n’était donc pas une carte d’usage pratique, seulement une description livresque qui se moquait des détails topographiques réels. Dans la réalité, en revanche, on savait très bien s’orienter. À l’époque même où écrivait Strabon, Velleius Paterculus décrivait ainsi la position de Marbod pendant la campagne (4-6 apr. J.-C) que mena Tibère César contre les Marcomans de Bohème : « Il [Marbod] était d’autant plus dangereux qu’ayant à sa gauche et en face de lui la Germanie, à sa droite la Pannonie et en arrière le pays des Noriques, il paraissait sans cesse sur le point de se jeter sur chacun et se faisait craindre de tous. L’Italie même ne se trouvait pas à l’abri de ses incursions, car, du sommet des Alpes qui forment la limite de l’Italie jusqu’aux frontières de son Empire, il n’y avait pas plus de 200 000 pas » (Velleius Paterculus II, 109). Cette situation entraîna une offensive romaine en tenaille, depuis le Rhin, en traversant le pays des Chattes, sous les ordres de Sentius Saturninus, d’une part, depuis Carnuntum sur le Danube, sous les ordres de Tibère, d’autre part. Une telle description montre, s’il en était besoin, qu’on avait alors une connaissance au moins empirique de l’espace germanique, qui autorisait de grandes manœuvres militaires combinées, sous la conduite de guides connaissant bien l’Europe centrale, mais peut-être aussi des cartes sommaires orientées au nord, ce que suggère la description du pays de Marbod. Bien sûr cela était encore plus vrai de la Gaule, conquise depuis plus d’un demi-siècle. La carte de Strabon, telle que la restituait Chr. Goudineau, ne doit donc pas nous induire en erreur et nous porter à croire que cette partie du monde habitée était mal connue.

    58Agrippa, l’ami et le gendre d’Auguste, avait d’ailleurs fait peindre à Rome, sous la porticus Vipsania, une gigantesque carte murale du monde habitée. Pline la mentionne encore et explique qu’il partira systématiquement des côtes pour aller vers l’intérieur, région par région, au cours de sa description (Pline, HN III, 16-17) ; il s’appuie en même temps sur l’inventaire des cités dressé par Auguste (Pline, HN III, 46)64. On ne sait malheureusement rien ni des dimensions, ni de la forme de cette carte, encore moins de son « réalisme » dans la représentation de l’espace, mais on a beaucoup disserté sur la question. Il est en revanche à peu près sûr que la carte n’utilisait pas de système de coordonnées mais plutôt un assemblage de régions taillées à la manière d’Érastothène ou de Strabon65. Agrippa se situait encore dans la tradition hellénistique de la géographie.

    59Ce n’est donc pas avant Ptolémée, vers le milieu du iie siècle de notre ère, qu’on a disposé des premières cartes régionales appuyées sur un système de coordonnées en latitude et en longitude. Ces informations ont souvent été compilées par son prédécesseur immédiat, Marin de Tyr, à partir de sources documentaires qui n’étaient pas toutes à jour. Le texte de Ptolémée se présente donc comme des listes de points de repère, accompagnés des coordonnées qui servaient à l’établissement de cartes régionales. Nous avons certes perdu ces dernières, mais elles ont pu être reconstituées au tournant des xiiie-xive siècles grâce à la position des lieux figurant dans le texte, et elles ont accompagné ensuite les manuscrits médiévaux66. La récente édition allemande de Ptolémée propose ainsi un document recomposé (fig. 19)’ qui montre que, malgré son caractère rustique et des erreurs manifestes, la représentation mathématique de l’espace gaulois avait sensiblement progressé au second siècle de notre ère67. En outre l’auteur avait bien conscience de la difficulté de reproduire une sphère sur une surface plane et il proposait un système de projection prenant en compte différentes échelles. Ce n’en était pas moins une carte d’érudit qui, dans sa bibliothèque d’Alexandrie, compilait des données, parfois anciennes, fournies par d’autres, et dont la cohérence interne n’était pas toujours évidente. D’où des erreurs manifestes, dont on ne sait pas toujours si elles sont dues à l’auteur ou aux copistes médiévaux. En outre, ce qui fonde le document, c’est l’emplacement des repères. Du tracé des côtes ou des fleuves, nous ne savons rien, si ce n’est la position des amers (caps ou embouchures), ce qui fausse encore un peu plus la réalité.

    Fig. 19. – Carte de la Gaule, selon les données de Ptolémée.

    Image

    D’après Stückelberger et Grasshoff, 2006.

    60Les triangles représentent les sommets montagneux, les cercles figurent les agglomérations mentionnées dans le texte, les carrés sont les camps militaires. Les croix figurent d’autres points de repère mentionnés par Ptolémée (embouchures, caps, sources, etc.).

    Notes de bas de page

    1 On songe, par exemple, au trait de côte dans les zones basses du littoral atlantique (golfe du Morbihan, Vendée, estuaire de la Gironde, ou le golfe du Lion en Méditerranée).

    2 On trouvera, en anglais, une bonne introduction globale et récente à ces problèmes dans le chapitre que Harper et McCormick, 2018 ont consacré à la question, à l’intention des historiens. Cette synthèse est centrée sur le bassin méditerranéen dans l’Antiquité.

    3 On appelle ici « proxy » (angl.) les informations fournies par les archives naturelles (variations du radiocarbone, carottes glaciaires, enregistrements sédimentaires des lacs alpins, cernes des arbres, etc.).

    4 On s’appuiera dans ce livre sur l’étude récente de Petit et al., 2018, centrée sur le nord-est de la Gaule.

    5 D’après Petit et al., 2018. On prendra garde au fait qu’il s’agit ici de dates calibrées BP (« Before present » = avant l’actuel), alors que les courbes des figures précédentes sont exprimées en années calendaires (av./apr. J.-C.).

    6 Provansal et al., 1999.

    7 Tegel et al., 2010 ; 2013 ; Büntgen et al., 2011.

    8 Ce commentaire est emprunté à Petit et al., 2018.

    9 Courbe et commentaire de Petit et al., 2018.

    10 Rossignol et Durost, 2007, ont initialement corrélé cet événement avec une forte éruption volcanique enregistrée dans la carotte glaciaire GISP 2 et une importante perturbation climatique. Néanmoins cette chronologie a été recalée et descendue de sept ans (Baillie, 2008 ; Sigl et al., 2015).

    11 Petit et al., 2018.

    12 Petit, 2001.

    13 Guichard et Deberge, 2006, fig. 417.

    14 Gerlach et al., 2017, p. 80-82.

    15 Petit et al., 2018, p. 61-68.

    16 Acronyme de Light Detection and Ranging.

    17 Jullian [1920-1926], 1993, 214 et 953, note 24.

    18 Pour le grand spécialiste qu’était J. Dupâquier, répondre à la question du peuplement de la France au début du xviie siècle constituait une gageure. Le plus ancien chiffre auquel on pouvait à son avis se fier ne remontait pas au-delà de 1740 et c’est au terme d’une estimation hasardée qu’il évaluait la population à 18-20 millions d’habitants, extrapolée dans le cadre des frontières actuelles (Dupâquier, 1979, p. 9-10).

    19 Beloch, 1886 ; 1899.

    20 Brunt, 1987.

    21 Lo Cascio, 1994 ; Lo Cascio et Malanima, 2005.

    22 De Ligt, 2012 ; Scheidel, 2008.

    23 Bagnall et Frier, 1994, p. 56. Leur recherche constitue une application du modèle connu sous le nom de « Coale et Demeny West » (Coale et Demeny, 1966, repris par Coale et al., 1983). Bien que l’application de ce modèle, même redressé, à une population préindustrielle puisse être contestée, le sérieux de l’étude réalisée repose sur l’existence de textes, un cas exceptionnel pour l’Antiquité.

    24 Séguy et Buchet, 2011 ; Séguy, 2019.

    25 Selon les propositions de Frier, 2000, p. 813.

    26 Livi-Bacci, 1991, p. 1-22.

    27 Scheidel, 2007.

    28 Sauf pour l’Égypte romaine où l’on dispose des recensements par unité d’habitation (Bagnall et Frier, 1994). On verra, sur ces questions de prospection, mais pour une autre période et un autre contexte, la bonne analyse méthodologique de Osborne, 2004, malheureusement ignorée dans le domaine francophone.

    29 Wendt et Zimmermann, 2008 ; Wendt et al., 2010.

    30 Reddé, 2018a, p. 502-507.

    31 « Braunkohlenrewier », dans la terminologie allemande.

    32 Les renseignements qui suivent sont directement empruntés à Duval, 1986a. Pour plus de détail, on pourra lire le chapitre que Thollard, 2009, consacre à la question.

    33 Fabia, 1929, l. 71.

    34 On lira sur ce point les bonnes réflexions de Thollard, 2009, p. 77-90.

    35 Strabon IV, 1, 1, trad. P. Thollard.

    36 Comme l’a fort bien montré Christol, 1994. L’ouvrage a été publié en 77.

    37 Elles sont naturellement grevées par les méthodes astronomiques de l’époque.

    38 Desjardins, 1876-1893. Le travail est toutefois vieilli.

    39 Moore, 2011.

    40 L’analyse de ces concepts a été récemment reprise pour la Gaule du Nord-Est et nous y reviendrons ultérieurement. Voir Fernández-Götz, 2014, notamment p. 54-79.

    41 Fichtl, 2004, p. 10.

    42 Raepsaet et Raepsaet-Charlier, 2013.

    43 Pline, HN IV, 108. Il est possible toutefois que les Ambilatri de Pline soient déjà mentionnés sous le nom de Ambiliati comme alliés des Vénètes dans César, BG III, 9, 10.

    44 Raepsaet, 2013.

    45 Roymans, 2004.

    46 Hiernard, 1999.

    47 Bats, 2005.

    48 Étienne, 1962, p. 72-73.

    49 Hiernard, 1981 ; 1984.

    50 Tarpin, 2002 a et b, suivi par Fichtl, 2004.

    51 La carte 4 de Tarpin, 2002 a montre bien clairement l’inégale répartition du phénomène.

    52 Hic pagus unus cum domo exisset patrum nostrum memoria L. Cassium consulem interfecerat et eius exercitus sub iugum miserat.

    53 Rappelons au passage que les citoyens romains sont répartis en « tribus » qui sont certes de très anciennes divisions ethniques mais qui n’ont plus d’autres fonctions qu’anagraphiques à l’époque de César.

    54 Le mot pagus est encore employé dans le même sens dans le livre VI, 11, 2 après la civitas et avant de très vagues entités mal définies par le mot pars ; un peu plus loin (VI, 23, 5), pagus vient avant le mot regio, qui désigne tout aussi clairement un territoire et, bien sûr, reste tout aussi vague que la pars, car il ne correspond à aucun concept clair pour un Romain.

    55 Par exemple Mercurius Atepomarus pour le pagus Matans.

    56 Scheid, 1991a ; 2006a.

    57 Vipard, 2009. Il faut utiliser cette lecture, qui est correcte, et non celle de la publication princeps.

    58 Il avait en effet exercé ses milices équestres en Germanie à l’époque julio-claudienne, avant d’être procurateur de Belgique et des deux Germanies sous Vespasien (Pflaum, 1960-1961, no 45).

    59 Pline, HN III, 36 ; Strabon IV, 1, 12. Sur le mécanisme politique et juridique de l’attributio et de la contributio, on verra toujours Laffi, 1966.

    60 Cette carte est inspirée de celle qu’avait dessinée P.-M. Duval (Duval, 1989a, h. t.). Pour une cartographie figurant des territoires possibles, dessinés à partir des diocèses médiévaux, voir Fichtl, 2004, p. 9.

    61 Goudineau, 1990. L’analyse a été reprise et développée par Thollard, 2009.

    62 Il était né en 276 à Cyrène et avait calculé la circonférence de la terre avec une stupéfiante précision pour l’époque, soit à quelques centaines de kilomètres près.

    63 Aujac, 1966, p. 208-213.

    64 Nicolet, 1988, p. 184-192.

    65 Nicolet, 1988, p. 113.

    66 Marcotte, 2007.

    67 Stückelberger et Grasshoff, 2006.

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    1 On songe, par exemple, au trait de côte dans les zones basses du littoral atlantique (golfe du Morbihan, Vendée, estuaire de la Gironde, ou le golfe du Lion en Méditerranée).

    2 On trouvera, en anglais, une bonne introduction globale et récente à ces problèmes dans le chapitre que Harper et McCormick, 2018 ont consacré à la question, à l’intention des historiens. Cette synthèse est centrée sur le bassin méditerranéen dans l’Antiquité.

    3 On appelle ici « proxy » (angl.) les informations fournies par les archives naturelles (variations du radiocarbone, carottes glaciaires, enregistrements sédimentaires des lacs alpins, cernes des arbres, etc.).

    4 On s’appuiera dans ce livre sur l’étude récente de Petit et al., 2018, centrée sur le nord-est de la Gaule.

    5 D’après Petit et al., 2018. On prendra garde au fait qu’il s’agit ici de dates calibrées BP (« Before present » = avant l’actuel), alors que les courbes des figures précédentes sont exprimées en années calendaires (av./apr. J.-C.).

    6 Provansal et al., 1999.

    7 Tegel et al., 2010 ; 2013 ; Büntgen et al., 2011.

    8 Ce commentaire est emprunté à Petit et al., 2018.

    9 Courbe et commentaire de Petit et al., 2018.

    10 Rossignol et Durost, 2007, ont initialement corrélé cet événement avec une forte éruption volcanique enregistrée dans la carotte glaciaire GISP 2 et une importante perturbation climatique. Néanmoins cette chronologie a été recalée et descendue de sept ans (Baillie, 2008 ; Sigl et al., 2015).

    11 Petit et al., 2018.

    12 Petit, 2001.

    13 Guichard et Deberge, 2006, fig. 417.

    14 Gerlach et al., 2017, p. 80-82.

    15 Petit et al., 2018, p. 61-68.

    16 Acronyme de Light Detection and Ranging.

    17 Jullian [1920-1926], 1993, 214 et 953, note 24.

    18 Pour le grand spécialiste qu’était J. Dupâquier, répondre à la question du peuplement de la France au début du xviie siècle constituait une gageure. Le plus ancien chiffre auquel on pouvait à son avis se fier ne remontait pas au-delà de 1740 et c’est au terme d’une estimation hasardée qu’il évaluait la population à 18-20 millions d’habitants, extrapolée dans le cadre des frontières actuelles (Dupâquier, 1979, p. 9-10).

    19 Beloch, 1886 ; 1899.

    20 Brunt, 1987.

    21 Lo Cascio, 1994 ; Lo Cascio et Malanima, 2005.

    22 De Ligt, 2012 ; Scheidel, 2008.

    23 Bagnall et Frier, 1994, p. 56. Leur recherche constitue une application du modèle connu sous le nom de « Coale et Demeny West » (Coale et Demeny, 1966, repris par Coale et al., 1983). Bien que l’application de ce modèle, même redressé, à une population préindustrielle puisse être contestée, le sérieux de l’étude réalisée repose sur l’existence de textes, un cas exceptionnel pour l’Antiquité.

    24 Séguy et Buchet, 2011 ; Séguy, 2019.

    25 Selon les propositions de Frier, 2000, p. 813.

    26 Livi-Bacci, 1991, p. 1-22.

    27 Scheidel, 2007.

    28 Sauf pour l’Égypte romaine où l’on dispose des recensements par unité d’habitation (Bagnall et Frier, 1994). On verra, sur ces questions de prospection, mais pour une autre période et un autre contexte, la bonne analyse méthodologique de Osborne, 2004, malheureusement ignorée dans le domaine francophone.

    29 Wendt et Zimmermann, 2008 ; Wendt et al., 2010.

    30 Reddé, 2018a, p. 502-507.

    31 « Braunkohlenrewier », dans la terminologie allemande.

    32 Les renseignements qui suivent sont directement empruntés à Duval, 1986a. Pour plus de détail, on pourra lire le chapitre que Thollard, 2009, consacre à la question.

    33 Fabia, 1929, l. 71.

    34 On lira sur ce point les bonnes réflexions de Thollard, 2009, p. 77-90.

    35 Strabon IV, 1, 1, trad. P. Thollard.

    36 Comme l’a fort bien montré Christol, 1994. L’ouvrage a été publié en 77.

    37 Elles sont naturellement grevées par les méthodes astronomiques de l’époque.

    38 Desjardins, 1876-1893. Le travail est toutefois vieilli.

    39 Moore, 2011.

    40 L’analyse de ces concepts a été récemment reprise pour la Gaule du Nord-Est et nous y reviendrons ultérieurement. Voir Fernández-Götz, 2014, notamment p. 54-79.

    41 Fichtl, 2004, p. 10.

    42 Raepsaet et Raepsaet-Charlier, 2013.

    43 Pline, HN IV, 108. Il est possible toutefois que les Ambilatri de Pline soient déjà mentionnés sous le nom de Ambiliati comme alliés des Vénètes dans César, BG III, 9, 10.

    44 Raepsaet, 2013.

    45 Roymans, 2004.

    46 Hiernard, 1999.

    47 Bats, 2005.

    48 Étienne, 1962, p. 72-73.

    49 Hiernard, 1981 ; 1984.

    50 Tarpin, 2002 a et b, suivi par Fichtl, 2004.

    51 La carte 4 de Tarpin, 2002 a montre bien clairement l’inégale répartition du phénomène.

    52 Hic pagus unus cum domo exisset patrum nostrum memoria L. Cassium consulem interfecerat et eius exercitus sub iugum miserat.

    53 Rappelons au passage que les citoyens romains sont répartis en « tribus » qui sont certes de très anciennes divisions ethniques mais qui n’ont plus d’autres fonctions qu’anagraphiques à l’époque de César.

    54 Le mot pagus est encore employé dans le même sens dans le livre VI, 11, 2 après la civitas et avant de très vagues entités mal définies par le mot pars ; un peu plus loin (VI, 23, 5), pagus vient avant le mot regio, qui désigne tout aussi clairement un territoire et, bien sûr, reste tout aussi vague que la pars, car il ne correspond à aucun concept clair pour un Romain.

    55 Par exemple Mercurius Atepomarus pour le pagus Matans.

    56 Scheid, 1991a ; 2006a.

    57 Vipard, 2009. Il faut utiliser cette lecture, qui est correcte, et non celle de la publication princeps.

    58 Il avait en effet exercé ses milices équestres en Germanie à l’époque julio-claudienne, avant d’être procurateur de Belgique et des deux Germanies sous Vespasien (Pflaum, 1960-1961, no 45).

    59 Pline, HN III, 36 ; Strabon IV, 1, 12. Sur le mécanisme politique et juridique de l’attributio et de la contributio, on verra toujours Laffi, 1966.

    60 Cette carte est inspirée de celle qu’avait dessinée P.-M. Duval (Duval, 1989a, h. t.). Pour une cartographie figurant des territoires possibles, dessinés à partir des diocèses médiévaux, voir Fichtl, 2004, p. 9.

    61 Goudineau, 1990. L’analyse a été reprise et développée par Thollard, 2009.

    62 Il était né en 276 à Cyrène et avait calculé la circonférence de la terre avec une stupéfiante précision pour l’époque, soit à quelques centaines de kilomètres près.

    63 Aujac, 1966, p. 208-213.

    64 Nicolet, 1988, p. 184-192.

    65 Nicolet, 1988, p. 113.

    66 Marcotte, 2007.

    67 Stückelberger et Grasshoff, 2006.

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