Introduction à la première partie
p. 35-36
Texte intégral
1Né dans un petit chef-lieu de sénéchaussée bretonne, fils d’un simple robin, avant 1789 Théophile-Malo Corret n’eut de cesse d’agir pour accéder à la noblesse et faire reconnaître son rang. Même s’il parvint à porter le nom d’une des plus grandes familles aristocratiques du royaume, jamais pourtant il ne réussit à dépasser le grade de capitaine et, hormis lors du siège de Mahon (1781) – sur lequel il se rabattit en tant que volontaire faute d’avoir été admis dans le corps expéditionnaire parti combattre outre-Atlantique –, à se faire remarquer. La Tour d’Auvergne est donc un fils de la Révolution. Sans elle, probablement n’aurait-il pas acquis la même notoriété en tant que savant, la réception de son œuvre étant largement dépendante du contexte révolutionnaire, et jamais, bien sûr, il ne serait devenu un héros. Il n’est pas le seul que la décennie révolutionnaire mit en avant. Le renouvellement des élites fut en effet l’un des faits saillants de ces années. Sauf que cette Révolution était juvénile. Elle fut conduite de 1791 à 1795 par des députés de moins de 40 ans1. Elle confia la tête de ses armées, selon la formule canonique apprise plus tard par des générations d’élèves, à des « généraux de vingt ans ». Elle fit des enfants soldats Bara, Viala, et d’autres encore, des héros2. Comment un homme âgé de 49 ans lorsque la guerre commença, qui fut employé sur des théâtres militaires somme toute secondaires, et qui était par ailleurs pourvu d’un nom devenu handicap en ces temps d’antinobilisme3, réussit-il à se tailler une réputation ? Mieux, comment durant les quelques années correspondant au Directoire et au Consulat, réussit-il à fixer sur sa personne des marques d’héroïcité que sa mort glorieuse allait agréger et transmuer en héroïsme ? Pourquoi cette mort glorieuse parmi tant d’autres déboucha-t-elle sur une héroïsation ? Qu’est-ce qui fait que celle-ci « prit » quand bien d’autres « manquèrent » ?
2Savant, citoyen et soldat, en quelques années La Tour d’Auvergne écrivit une œuvre, démontra ses vertus, se fit remarquer au combat. Par cette triple exemplarité, il acquit une notoriété et même une relative célébrité. Cela fut à la fois la conséquence et le fait d’une première admiration (chap. i). Ses premiers admirateurs qui, une fois sa mort survenue, seront les initiateurs de son héroïsation et les défenseurs de sa mémoire, se recrutaient dans plusieurs milieux, essentiellement à Paris et dans les armées (chap. ii). Enfin, sa première apothéose qui donna son sens au culte dont il fut par la suite l’objet fut accomplie aussitôt après sa mort sur le champ de bataille même (chap. iii).
Notes de bas de page
1 Edelstein Melvin, La Révolution française et la naissance de la démocratie électorale, Rennes, PUR, 2013, p. 400 et p. 436.
2 Charmelot Madeleine-Anna, « Joseph Strauh et Jacques Amand, jeunes héros révolutionnaires oubliés », Annales historiques de la Révolution française, no 262, 1985, p. 538-542.
3 Baczko Bronislaw, Politiques de la Révolution française, Paris, Gallimard, 2008, p. 11-17.
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