Avant-propos. Robert Marteau, arpenteur en vers et proses
p. 7-9
Texte intégral
1Robert Marteau, né en 1925 à Virollet dans le Poitou et mort le 16 mai 2011 à Paris, nous a laissé une œuvre prolixe et multiforme, ce qui lui a valu d’obtenir le Grand Prix de Poésie de l’Académie française en 2005, pour l’ensemble de son œuvre poétique. En effet, cette œuvre est riche, composée de proses comme Mont-Royal, Fleuve sans fin écrites au Canada, où il a passé une partie de sa vie, et de vers, organisés en sonnets dans les six tomes de Liturgie. Les titres de ces recueils, Liturgie, Louange, Rites et offrandes, Registres, Le Temps ordinaire1, Écritures publié à titre posthume, sont révélateurs de la position contemplative de ces petits textes ciselés, où la nature et les oiseaux sont plus présents que les hommes. La forme choisie, essentiellement celle du sonnet, s’inscrit dans une haute tradition littéraire que Robert Marteau revendique ; elle se trouve également renouvelée, enrichie tant du point de vue formel que thématique. L’organisation du poème ainsi définie, celle d’une phrase close parcourant le paysage, s’adapte merveilleusement au regard qui fut celui du poète, à sa « geste » d’écriture et de restitution d’un monde bien plus contemplé que représenté. Les romans prennent une assise singulière, celle de la terre, des paysans et bûcherons de son Poitou. L’écriture plus prosaïque donne à entendre les échos d’une époque révolue comme dans Le Jour que l’on a tué le cochon ou Dans l’herbe, roman de la voix humaine qui se déroule à l’infini, pour lequel le prix du livre en Poitou-Charentes lui sera décerné en 2005. Robert Marteau est aussi traducteur de Shakespeare, de Chaucer, de Gongóra, entre autres, et ses choix de traducteur confortent son écriture de poète, à la fois érudite, et cherchant à saisir les flux infimes du réel. Enfin, Robert Marteau a longtemps travaillé dans une galerie d’art et son intérêt pour la peinture ne s’est jamais démenti. Il est l’auteur d’ouvrages critiques Le Louvre entrouvert, Le Message de Paul Cézanne, où l’écriture se distancie nettement de celle d’un Diderot, Baudelaire ou Huysmans. La critique d’art est révélatrice d’un rapport au monde, rapport contemplatif, esthétique, et d’un rapport au langage, qui se veut une quête musicale propre à restituer le plaisir sensuel de l’observation picturale. Amateur de tauromachie, il a également écrit de nombreux articles dans la revue Esprit. Adepte de quêtes alchimiques, cet esprit curieux a puisé dans de nombreux domaines, littéraires, artistiques, spirituels pour construire son propre rapport au sacré.
2Cette œuvre fascinante n’a pas toujours reçu l’écho qu’elle méritait, et bon nombre des lecteurs de Robert Marteau le déplorent. Néanmoins, récemment, différents poètes lui ont rendu hommage. Ainsi Philippe Jaccottet2 évoque la beauté de certains sonnets de Liturgie ou Jacques Roubaud qui sous-titre Registre d’un monde donné3 en « hommage à Robert Marteau ». C’est pour cette raison que l’équipe du séminaire du Centre de Recherche Poétique, Histoire Littéraire et Linguistique de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour a décidé de consacrer deux années à la lecture de cette œuvre. Le présent volume réunit les contributions des actes du colloque « Robert Marteau » qui s’est tenu les 9, 10 et 11 octobre 2013 à la Médiathèque André Labarrère, à Pau. Ce colloque s’inscrit dans la continuité des travaux du séminaire de poésie contemporaine du Centre de Recherche Poétique, d’Histoire Littéraire et Linguistique, séminaire dirigé par Y.-A Fabre, C. Andreucci puis Jean-Yves Pouilloux, travaux visant à étudier l’originalité et la portée d’une œuvre poétique contemporaine, en présence du poète ou d’un membre proche.
3Ce travail n’aurait pas été effectué sans l’aide de Mme Marteau-Chevenne, fille du poète, qui a soutenu l’organisation de ce colloque, de l’exposition et de l’édition d’inédits, présents dans ce volume4. Nos travaux ont insisté sur l’acuité du regard du poète, sa manière d’observer le réel, de l’inscrire dans une quête spirituelle5. Il nous a alors paru intéressant de prolonger nos réflexions par un colloque, où ont été conviés universitaires, spécialistes d’une question, et amis du poète pouvant à la fois rendre compte de ses pratiques littéraires et témoigner d’une personnalité hors du commun.
4Cette manifestation comprenait également une exposition, d’objets, de textes, de documents iconographiques référant à la vie du poète et des papiers, dessins réalisés par Jean-Louis Fauthoux. Ces « Accompagnements à l’œuvre de Robert Marteau » rendent compte des liens très forts entre la peinture et le poème, le poème faisant souvent tableau ; le tableau permettant, en retour, un regard différent sur le texte poétique.
5Cet ouvrage a essayé de rendre compte de la pluralité des expériences de lecture de l’œuvre du poète. Il contient des extraits inédits du poète, des textes analytiques, des hommages, quelques photographies des œuvres de Jean-Louis Fauthoux et un entretien qui commente et explique la réalisation de ces « Accompagnements ».
6Nous remercions chaleureusement les membres du conseil scientifique : Michel Braud, Nadine Laporte, Serge Martin, Claude Mauron, Jean-Yves Pouilloux, Jérôme Roger et Stéphane Bikialo, relecteurs attentifs et avisés, dont le travail nous a été précieux.
7Enfin nous remercions vivement la Médiathèque de Pau et particulièrement Stéphane Barthe, le Conseil régional d’Aquitaine, le Conseil général des Pyrénées Atlantiques, le CRPHLL qui nous ont permis de mettre sur pied et d’organiser ces rencontres. Une gratitude particulière à l’égard de Marie-Antoinette Aillery et de Muriel Guyonneau, sans l’aide de qui rien n’aurait pu se faire.
Notes de bas de page
1 Offrandes, prix Charles Vildrac en 2003, Le Temps ordinaire, prix Mallarmé en 2010.
2 P. Jaccottet, Taches de soleil… ou d’ombre, Notes sauvegardées 1952-2005, Le bruit du temps, 2013, p. 187.
3 J. Roubaud, « Registre d’un monde donné », Octogone livre de poésie, quelquefois de prose, Gallimard, 2014, p. 61-63.
4 B. Engel-Roux a été à l’origine de cette manifestation. Nous remercions son initiative inspirée et enthousiaste.
5 On peut lire certains articles sur le site du séminaire : http://crphll.univ-pau.fr/live/Seminaires. Consulté le 02/05/2014.
Auteurs
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Sandrine Bédouret-Larraburu
Maître de conférences à l’université de Pau et des Pays de l’Adour, où elle enseigne la linguistique et la stylistique (Polart et CRPHLL). Elle est spécialiste des formes poétiques, a édité récemment Benveniste : vers une poétique générale (à par.) et En quoi Saussure peut-il nous aider à penser la littérature ? (2012) dans la collection « Linguiste et littérature » qu’elle dirige aux Presses universitaires de Pau. Elle a publié de nombreux articles sur divers poètes contemporains : Jacques Roubaud, Jacques Ancet, Henri Meschonnic, Antoine Emaz, etc.
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Jean-Yves Casanova
Professeur des universités à Pau, spécialiste des littératures occitanes et françaises des xixe et xxe siècles. Il est notamment l’auteur d’études sur les œuvres de Frédéric Mistral (Frédéric Mistral. L’Enfant, la mort et les rêves, Perpignan, Trabucaire, 2004) et de Guillaume Apollinaire (La Porte des anges, Bandol, Vallongues, 2012) et d’articles sur la poésie occitane et française ainsi que sur différents écrivains contemporains comme Richard Millet par exemple. L’ensemble de sa réflexion porte sur les origines et le développement de l’acte créatif – écrire et écriture – selon une pensée inspirée notamment par la psychanalyse du texte littéraire.
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