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    Plan détaillé Texte intégral Un écrivain en résidence Créations itinérantes / créations in situ : un regard sociétal en interaction avec le public Notes de bas de page Auteur

    Jacques Jouet

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Créations littéraires itinérantes de Jacques Jouet : résidence d’écrivain et atelier d’écriture

    Carole Bisenius-Penin

    p. 229-239

    Texte intégral Un écrivain en résidence Un concept fluctuant/en flux tendu Temporalité et territoire Publics et médiations Créations itinérantes / créations in situ : un regard sociétal en interaction avec le public Le roman feuilleton face au public à Metz Poèmes paysagers avec le public à Rentilly Le 9 janvier 2012, Rentilly 16 h 20 Le 6 janvier 2012, Rentilly 12 h 30 Le 29 janvier 2012, Rentilly 12 h 40 Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Le processus de création et plus spécifiquement la posture de l’écrivain pose question ou suscite débat, comme en témoignent les recherches actuelles en sociologie à travers par exemple les travaux de Nathalie Heinich1 ou ceux de Bernard Lahire qui prônent « une sociologie des conditions pratiques (économiques, spatiales, temporelles) d’exercice de la littérature2 » afin de matérialiser les auteurs. La recherche de l’« idéal-type » de l’écrivain entre « jeu » et « métier » focalise aussi l’attention sur les pratiques du travail littéraire dans divers dispositifs de médiation culturelle. Cette communication propose ainsi une réflexion sur les pratiques du travail de création de Jacques Jouet dans le dispositif spécifique et fluctuant de la résidence d’écrivain. Il s’agira donc, dans le cadre de la résidence, d’étudier les interactions potentielles des œuvres jouetiennes avec le public. En effet, nous souhaiterions analyser la question du statut de l’écrivain et de son rapport au temps de l’écriture, afin de déterminer comment la résidence d’écrivain, tout comme l’atelier d’écriture, permet à J. Jouet de poser un regard sociétal prenant appui sur un espace et une temporalité par le biais notamment de créations itinérantes. Ce travail reposera sur l’expertise de deux expériences de résidence menées par l’auteur en 2010-2011 (Université de Lorraine) et plus récemment en 2012 (Parc de Rentilly) qui explorent une temporalité différente par le biais par exemple d’une création in situ empruntant la forme du roman-feuilleton à Metz ou encore la pratique du poème paysager à Rentilly.

    Un écrivain en résidence

    Un concept fluctuant/en flux tendu

    2Polymorphe, polysémique et fluctuante, la résidence d’écrivain reste un concept mouvant extrêmement difficile à saisir recouvrant des réalités très diverses en termes de durée, de conditions financières, de lieux d’accueil, de projets culturels ou encore de publics visés. La résidence, en tant que dispositif, procédant d’une demande sociale et politique qui émane très souvent des collectivités territoriales, apparaît comme une entité hybride dans la mesure où doivent se combiner deux éléments essentiels dans une temporalité restreinte : création littéraire et activités de médiation autour de la littérature contemporaine. En effet, elle est une structure complexe qui repose également sur de nombreux paramètres variables et qui doit s’élaborer autour d’un projet à la fois artistique et culturel. Depuis quelques années, cette participation de l’écrivain à la vie de la structure d’accueil et à la vie culturelle locale a été plus ou moins formalisée dans un pourcentage admis par le CNL (30 % pour l’animation et 70 % pour la création). Une telle répartition du temps permet de préserver le travail créatif et de réserver des moments consacrés aux actions de sensibilisation. Les résidences de J. Jouet, dans leur durée, fonctionnent selon cette disposition temporelle et rendent visible le travail de création comme processus littéraire en permettant aux publics d’approcher l’œuvre comme le produit d’une élaboration artistique. L’écrivain ramené dans sa pratique n’apparaît plus comme le seul agent de l’œuvre, mais peut entrer dans une logique de coproduction symbolique, qui plus est lorsqu’il y a une commande ou la création d’une œuvre en lien étroit avec une territorialité. Les résidences de J. Jouet ont été pensées dans les deux cas par une institution publique émanant de la culture (Université de Lorraine, le Parc culturel de Rentilly) en lien avec d’autres structures partenaires (la Drac Lorraine, la mairie de Metz, médiathèques, le département de Seine-et- Marne…) et construites autour d’un projet d’interventions publiques et d’un projet littéraire propre aux ambitions de l’artiste, pouvant se matérialiser sous la forme d’une publication ou d’une création scénique. Les résidences rendent dès lors possible un travail de fond autour de la présence de l’écrivain sur le territoire et contribuent à familiariser les publics de ce territoire à la littérature, à leur fournir des clefs pour mieux approcher les œuvres et le processus créateur. Toute résidence ne peut être appréhendée qu’à partir du maillage essentiel entre au moins deux éléments constitutifs soumis cependant à variabilité : l’espace et le temps.

    Temporalité et territoire

    3La question temporelle au cœur de la résidence occupe une place centrale qui peut avoir également un impact sur l’œuvre produite durant le séjour de l’artiste, comme nous l’avons exposé à propos de la répartition entre la création et les médiations. En effet, la temporalité devient un prisme qui condense et combine des moments distincts : un calendrier commun pour les différents partenaires (3 mois à Metz, 1 an à Rentilly), un temps suspendu pour J. Jouet échappant aux contraintes du quotidien, aux obligations de son métier, à ses charges familiales, un temps de création et enfin une temporalité évaluative, plus ou moins à long terme, correspondant à un retour sur l’expérience passée. Un territoire n’est pas une entité figée, univoque, mais plutôt un espace multiple et protéiforme, par la composition même des strates (géographiques, sociales, politiques, historiques…) qui se superposent. Les résidences sont fondées sur un paradoxe spatial : elles impliquent à la fois la présence, l’immersion de l’auteur sur un territoire et le déplacement, la mobilité de l’artiste. Le territoire peut être ainsi un déclencheur pour l’écriture et une source d’informations et de documentation pour J. Jouet : la rencontre avec un « ailleurs » potentiel, stimulant la création littéraire, fournissant des matériaux pour l’œuvre romanesque. Par exemple, à la lecture d’Agathe de Metz, ultime variation des pérégrinations burlesques de Mek-Ouyes, le lecteur peut identifier de nombreux éléments du territoire local insérés dans le tissu fictionnel : la cathédrale Saint-Étienne, le Musée de la Cour d’Or, le cimetière de l’Est, le quartier de Borny ou encore le Centre Pompidou-Metz. Comme on peut le constater à travers cet exemple, résider, c’est habiter, occuper un lieu qui n’est pas chez soi pour un temps donné et se déplacer. Cette déambulation jouetienne implique par le biais du dépaysement, du déplacement, l’inscription territoriale de l’artiste, sorte d’immersion créative qui stimule le processus littéraire et qui s’oppose au « régime de singularité3 » coupant l’artiste de la communauté sociale. Ainsi, selon J. Jouet, « Une résidence est, pour moi, autre chose qu’une sinécure. Je ne peux pas la concevoir comme un retrait. Une résidence pour moi, auteur, est une occasion de déplacer mes préoccupations du moment, de déranger la trop claire ordonnance du travail que je mène4. » À travers cette citation, l’auteur formalise bien l’enjeu du déplacement pour la création littéraire et pose aussi par ce refus du « retrait », de la « sinécure », la question de l’« autre », du lien, du public.

    Publics et médiations

    4D’un point de vue conceptuel, le public n’a pas d’existence propre, en dehors de sa relation à l’œuvre ou à l’auteur, sinon dans le moment de la rencontre. Il n’existe donc qu’à un moment singulier. Dès lors, comme le souligne Joëlle Le Marec, il convient de concevoir le public comme un « collectif social potentiel5 ». Par rapport au dispositif de la résidence d’écrivain, force est de constater que ce collectif potentiel peut constituer en tant qu’horizon d’attente un enjeu stratégique renvoyant à divers types de population, étant donné que chaque public requiert des aptitudes spécifiques et pose surtout de nombreuses questions à intégrer au projet culturel : s’agit-il d’un public « acquis », « potentiel », de spécialistes de la littérature, d’amateurs-passionnés, d’un « non-public », d’un public « empêché », d’un public d’enfants, d’étudiants, de seniors ? Par les multiplicités évoquées, la notion de public s’avère bien, selon Jean Davallon, une « zone d’incertitude6 » liée à ses composantes mêmes. Sans vouloir mettre en place une typologie des publics de la résidence ici, qui nécessiterait à elle seule une autre étude, on peut cependant identifier trois types de médiations qui ont permis de mixer, dans le cadre des deux dispositifs jouetiens de résidence, des publics variés et une posture auctoriale différente.

    5En effet, on peut repérer tout d’abord un premier ensemble de médiation culturelle que l’on pourrait qualifier de « médiation corporelle », c’est-à-dire la rencontre physique entre l’écrivain et le public, la relation du sujet écrivain à autrui par le biais d’une corporalité et d’une « parole » qui l’engage. À Metz par exemple, cette forme de médiation s’est actualisée par le biais d’une lecture publique dans une librairie messine, dans un face-à-face permettant de toucher le public de la cité, public composite constitué d’amateurs littéraires et d’un public spécialiste (monde du livre, de l’université). Le même dispositif de médiations a été aussi décliné dans une médiathèque de la banlieue de la ville avec dans ce cas a priori un « non-public », c’est-à-dire des personnes qui ne sont pas placées habituellement dans des conditions d’accès à la littérature contemporaine, qui ne sont pas au contact des œuvres. Dans les deux cas, la médiation corporelle a offert à J. Jouet la possibilité de créer un espace de convivialité et de travailler sur l’interstice social en proposant aux publics de participer à la production d’un sens qui engage la collectivité.

    6Le second type identifiable est la « médiation sensible », celle qui combine l’intention littéraire et une attention centrée sur l’autre à l’intérieur d’un processus de création en train de s’élaborer, en l’occurrence l’atelier d’écriture. J. Jouet a animé des ateliers d’écriture avec un public scolaire (primaire, lycée, université) à Metz et avec un public plus large à Rentilly lors de ses promenades poétiques. L’écrivain s’est donc retrouvé à expérimenter le sensible à travers cette coopération dialogique offrant surtout au sujet-créateur la possibilité de se décentrer de son propre univers afin d’aborder le processus créatif avec les yeux de l’autre, du partenaire. La pratique de l’atelier d’écriture privilégie ainsi la notion d’« écoute sensible » et celle d’« accompagnement », puisque l’auteur, à partir des contraintes d’écriture posées, doit guider cette sensibilité autre, à la recherche de son propre cheminement créatif. Cette médiation sensible qui s’incarne dans le dispositif de l’atelier d’écriture suppose obligatoirement une relation intersubjective cherchant à valoriser la posture créative des membres du groupe.

    7Enfin, l’ultime médiation s’avère la « médiation spectacle », qui peut se concevoir sous différentes formes. Il ne s’agit pas d’une transaction directe (écrivain/ lecteur), mais d’une configuration nécessitant un médium ou un médiateur autre. Cette médiation s’est réalisée par exemple à Rentilly lors de la mise en voix nocturne de la pièce Charolais de J. Jouet par des comédiens, professionnels et amateurs, qui a permis au public d’entendre cette pièce écrite lors de sa résidence. La médiation bascule ici dans la représentation théâtrale grâce aux médiateurs. Mais la médiation spectacle peut être aussi une véritable performance d’auteur via un médium virtuel comme celle réalisée par J. Jouet à la bibliothèque universitaire de Metz, qu’il explique ici :

    Je travaille en public dans un lieu public : la bibliothèque universitaire. Mon écran d’ordinateur est reproduit en temps réel sur grand écran. C’est ce que j’ai fait à Paris et à Beyrouth. Les lecteurs présents voient l’écriture se faire en direct. Le tout se trouve sur un site, imprimé éventuellement sur le lieu, un livre peut se faire ultérieurement. L’intérêt du feuilleton, pour moi, est de faire durer la lecture dans le temps, de la fidéliser… de créer l’attente7.

    8Cette médiation spectaculaire a permis au public d’assister en direct au travail de l’écrivain pendant deux journées de huit heures, durant lesquelles celui-ci a rédigé 16 épisodes (à raison d’un par heure) d’un roman-feuilleton, Agathe de Metz, publié au fur et à mesure sur le site web de la Bibliothèque universitaire afin de saisir cette immédiateté de l’écriture littéraire avant sa version papier en mars 2013. Les résidences de J. Jouet constituent bien un véritable enjeu d’analyse pour l’expertise de ce dispositif incluant écrivain et publics.

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    Créations itinérantes / créations in situ : un regard sociétal en interaction avec le public

    Le roman feuilleton face au public à Metz

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    9Tout d’abord, comme en attestent ses propos8 ainsi que son propre roman-feuilleton La République de Mek-Ouyes depuis 2001, on peut constater l’admiration que voue J. Jouet au roman-feuilleton d’Alexandre Dumas, d’Eugène Sue ou encore à la série Fantomas, sortes de matrices fictionnelles soumises à une « contrainte littéraire pragmatique9 » obéissant à plusieurs principes (« la prolifération », « l’infinitude », la « périodicité de la lecture » et la « périodicité de l’écriture10 »). En effet, ce sous-genre romanesque particulièrement combinatoire permet à l’auteur de puiser dans le réservoir paralittéraire certains motifs (la quête du pouvoir, l’univers de la ville, le topos de la vengeance…) et certains effets récurrents (les rebondissements, le suspense, les coups de théâtre…), ainsi que d’autres traits génériques apparentés au roman-feuilleton comme l’engagement historique, la répartition des personnages par polarisation (catégorie des bons, des méchants). Pour la création d’Agathe de Metz, J. Jouet, grâce à cette matrice génétique qui ne correspond pas à l’enregistrement de régimes de temporalité préfabriqués, propose au lecteur une reconfiguration complexe du temps, à travers « prolifération11 » et « infinitude12 » qui offre la possibilité selon Paul Ricœur d’expérimenter « la littérature qui s’avère constituer un vaste laboratoire d’expérience de pensée où sont mises à l’épreuve les ressources de variation de l’identité narrative13 ». La suite messine se joue de la métalepse telle que l’entend Genette, conçue comme franchissement de la frontière entre deux mondes, « celui que l’on raconte et celui où l’on raconte14 », puisque le lecteur est placé dans cette œuvre dans une situation d’attente d’un plaisir fondé sur les passages de frontières, les transgressions, les écarts par le biais d’une fiction ludique multipliant les déplacements, les variations temporelles. Cette circulation paradoxale entre divers niveaux narratifs introduite par la fiction sollicite le lecteur dans sa capacité à percevoir les éléments d’un monde réel (le soupier du marché couvert, les vitraux de Chagall de la cathédrale de Metz) et l’univers romanesque proposé. Le narrateur, sous les traits d’un romancier, s’adresse directement à ses lecteurs, de sorte que le décalage temporel qui, dans la réalité, sépare la production du récit de sa lecture, n’est en rien reflété au sein du récit lui-même. On a donc, en plus de la fiction principale, qui donne à voir les protagonistes de l’univers narré, une fiction secondaire. Celle-ci met en scène, au sein d’un univers-cadre, d’autres protagonistes, désignés notamment par « nous » et par « la lectrice ». J. Jouet recourt à la pratique auctoriale de l’interpellation en tant que processus stylistique récurrent dans le roman-feuilleton qui vise, à « établir une communication directe, puisque le récit exhibe sans cesse la présence d’un conteur thaumaturge, qui marque de sa parole le récit qu’il profère15 », comme on peut le constater pour Agathe de Metz avec l’insertion juste avant la clôture d’une lettre du romancier-feuilletoniste16 permettant à l’auteur de livrer des éléments métaréflexifs sur les principes de sa création. Par les multiples jeux sur le temps proposé, le récit jouetien offre des variations temporelles décuplées par la « périodicité de l’écriture17 » et tend finalement, selon P. Ricœur, à « refigurer la temporalité ordinaire18 ». Mais il ne faudrait pas omettre que cette reconfiguration, qui cherche à briser à la fois la clôture du réel et la clôture de la fiction pour instaurer un espace poreux d’échange, se définit comme une création in situ en interaction avec le public, brouillant délibérément la frontière entre l’artiste créateur et le citoyen spectateur. Le roman-feuilleton entremêle les personnages de l’auteur et de nouveaux personnages typiquement d’ici, une sélection de lieux messins et des environs, et pose bien par son dispositif interactif de création un regard sociétal sur un territoire, face à un public amené à regarder différemment sa propre réalité.

    Poèmes paysagers avec le public à Rentilly

    10Multipliant les démarches créatives et les chantiers d’écriture, J. Jouet, auteur aux potentialités multiples, ne cesse d’explorer les formes littéraires dans le cadre de sa résidence à Rentilly, en réalisant par exemple des poèmes portraits, un pantoum ou plus exactement un méta-pantoum, intitulé « Beauté », véritable réflexion poétique sur le dispositif même de la résidence d’écrivain. En fait, son cahier des charges créatif repose sur un « triple » projet mêlant théâtre, roman documentaire et poésie, comme il le concède lui-même :

    Je voudrais composer une série de poèmes à caractère paysager (monostiques paysagers, poèmes de métro sans métro, poèmes de la marche) dans le parc et autour, aussi bien ce qu’on voit du parc, que le parc, tel qu’on le voit de lieux périphériques. Ces poèmes seront composés sur le motif. Dans le cas d’ateliers d’écriture publics, je ferai pratiquer ces poèmes aux groupes qui souhaiteraient travailler avec moi19.

    11Pour l’auteur, le poème paysager doit être écrit sur le lieu même, dans le paysage lui-même, dans une relation d’immédiateté avec son environnement, tout en reposant sur une contrainte structurelle forte, l’utilisation exclusive d’un seul vers, du monostique, c’est-à-dire un poème d’un seul vers d’une vingtaine de mots composé sur le motif, qui privilégie un déploiement panoramique du paysage, un format à l’italienne, comme on peut le constater à travers ces quelques exemples :

    Le 9 janvier 2012, Rentilly 16 h 20

    12la déchirure à fond bleu dans le ciel lourd (fumée de havane) a la forme allongée de l’île de Cuba, mobile, évolutive

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    Le 6 janvier 2012, Rentilly 12 h 30

    13l’hiver, au-dessus du mur d’enceinte, la mise à nu des boules de gui dans les hauteurs et d’un nid peut-être bien

    Le 29 janvier 2012, Rentilly 12 h 40

    14le pavillon Carcat, habitation de fée, dont les colombages sont repris un peu plus loin par la seule peinture aux murs

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    15Il est intéressant de voir ici comment le poète renouvelle le thème poétique majeur du paysage à partir de sa propre expérience itinérante dans l’espace du parc de Rentilly. En effet, J. Jouet la recrée afin de créer son paysage « ligne imaginaire » et « point de vue », en réinventant un langage et une forme poétique pour exprimer à la fois le plus intime de lui-même et une nouvelle vision du monde renouant ainsi la relation lyrique, puisque que comme le rappelle Michel Collot : « Le site ne devient paysage qu’in visu, il ne se donne à voir comme “ensemble” qu’à partir d’un point de vue, et le foyer de cette vision ne peut être qu’un sujet20. »

    16Mais l’exploration de cette forme littéraire peut aller encore plus loin et s’élaborer avec le public. En fait, cette démarche qui repose sur un espace à parcourir peut être empruntée individuellement, mais elle est également adaptable pour l’auteur à une pratique collective sous la forme de l’atelier d’écriture, d’une médiation sensible. Ainsi, en compagnie de deux autres oulipiens (Frédéric Forte et Olivier Salon), J. Jouet a proposé au public d’expérimenter le monostique paysager lors d’une promenade d’écriture à Rentilly, durant laquelle, à partir de consignes scripturales, chaque membre du groupe écrit son poème paysager en fonction de son propre regard, de sa particularité et de la réception des autres participants. Le dispositif de l’atelier d’écriture permet donc autour d’une théorie de la forme de saisir la création littéraire comme un art d’affects et de percepts, une relation sensible permettant au public de prendre place au sein du dispositif et de participer à l’élaboration du sens de l’œuvre, grâce à cette proximité d’échanges instaurée par le groupe.

    17En conclusion, à travers ce panorama succinct des créations littéraires itinérantes de J. Jouet, nous avons tenté de rendre compte de l’aspect à la fois protéiforme et hybride du dispositif de la résidence d’écrivain et de l’atelier d’écriture qui constituent, sans nul doute, des outils particulièrement intéressants en théorie de la littérature ou en sociologie de l’art, pour repenser la posture et le positionnement de l’écrivain dans la société. En outre, cette étude nous aura donné l’occasion d’appréhender l’univers aux multiples potentialités de cet auteur polygraphe qui ne cesse d’explorer, à travers ses nombreuses expérimentations multi-génériques, son rapport à l’autre au sein du processus créateur. En effet, comme nous avons pu le constater, les œuvres jouetiennes fonctionnent à l’intérieur de la résidence comme un dispositif relationnel induisant une temporalité spécifique et fonctionnant comme une véritable machinerie à provoquer et à gérer des rencontres collectives ou individuelles. La création littéraire contemporaine, et plus particulièrement celle de J. Jouet, doit donc être envisagée avant tout comme une « invention du quotidien », un espace à parcourir par le prisme de la rencontre, de l’intersubjectivité itinérante ou in situ offrant aux publics une interactivité réelle.

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    Notes de bas de page

    1 N. Heinich, Être écrivain, création et identité, La Découverte, 2000.

    2 B. Lahire, La Condition littéraire : la double vie des écrivains, La Découverte, 2006, p. 26.

    3 N. Heinich, op. cit., p. 67.

    4 J. Jouet, « Notes d’intention », disponible sur le site de la médiathèque départementale de Seine-et-Marne : http://mediatheque.seine-et-marne.fr/library/Note-d-intention-Jacques-Jouet. C’est l’auteur qui souligne.

    5 J. Le Marec, « Le public : définitions et représentations », Bulletin des Bibliothèques de France, n° 46, vol. 2, 2001, p. 53.

    6 J. Davallon, E. Triquet, « Le public, enjeu stratégique entre scientifiques et concepteurs », Publics et Musées, n° 3, 1993, p. 70.

    7 Propos de J. Jouet disponible sur le site de la bibliothèque université de Lorraine (site de Metz) : http://www.scd.univ-metz.fr/10011-rendez-vous-texto-th-tre-jacques-jouet.

    8 J. Jouet, vidéo « Écrire », 2010, disponible sur le site de l’éditeur P.O.L. : http://www.pol-editeur.com/index.php?spec=auteur&numauteur=313.

    9 J. Jouet, Agathe de Metz, Mek-Ouyes et les messins, Nancy, Absalon, 2013, p. 90.

    10 Ibid.

    11 Ibid.

    12 Ibid.

    13 P. Ricœur, Soi-même comme un autre, Le Seuil, 1990, p. 176.

    14 G. Genette, Figures III, Le Seuil, 1972, p. 245.

    15 A.-M. Boyer, Les Paralittératures, Armand Colin, 2008, p. 135.

    16 J. Jouet, op. cit., p. 95.

    17 Ibid.

    18 P. Ricœur, Temps et récit. Tome II : La configuration dans le récit de fiction, Le Seuil, 1984, p. 191.

    19 J. Jouet, « Notes d’intention », disponible sur le site de la médiathèque départementale de Seine-et-Marne, op. cit. C’est l’auteur qui souligne.

    20 M. Collot, Paysage et poésie, du romantisme à nos jours, José Corti, 2005, p. 13.

    Auteur

    • Carole Bisenius-Penin
      Maître de conférences en littérature contemporaine à l’université de Lorraine, membre du CREM (Centre de recherche sur les médiations) et membre associée du laboratoire « Écritures de la modernité, littérature et sciences humaines » (Sorbonne nouvelle-Paris 3) et de l’ANR DifdePo. Co-organisatrice du premier colloque international sur l’Oulipo en France (« Ouvroir de Littérature Potentielle : OULIPO », université Sorbonne, Paris-4 & université Paul Verlaine, Metz, mai 2010), ses travaux portent sur l’Oulipo et la littérature à contraintes : Le Roman oulipien, L’Harmattan, mai 2008 ; « OuBaPo : créations graphiques à contraintes », Formules, n° 15, 2011. Ce travail sur les contraintes littéraires a également focalisé ses recherches sur l’atelier d’écriture universitaire : « Du public au créateur : l’atelier d’écriture comme objet de médiation culturelle », 80e Congrès ACFAS, Une complémentarité à définir : le rapport du créateur à son récepteur, mai 2012, Montréal. Dans une approche transdisciplinaire, cette problématique de la création a été enfin explorée à travers l’art contemporain (« Pour une poétique plastique de la répétition : Julien Prévieux, Leïla Prett », Colloque international Peut-on encore créer sans répéter ?, université Rennes 2, février 2013). Dans le cadre de la MSH-Lorraine, elle dirige actuellement un projet de recherche transfrontalier dédié aux résidences d’auteurs et aux médiations culturelles en Grande Région (Lorraine, Luxembourg, Belgique, Allemagne).
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    Penser la prose dans le monde gréco-romain

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    Jean-Philippe Guez et Dimitri Kasprzyk (dir.)

    2016

    Voyages d’Odysée

    Voyages d’Odysée

    Déplacements d’un mot de la poétique aux sciences humaines

    Céline Barral et Marie de Marcillac (dir.)

    2015

    Jacques Jouet

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    Marc Lapprand et Dominique Moncond’huy (dir.)

    2016

    Robert Marteau, arpenteur en vers et proses

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    Sandrine Bédouret-Larraburu et Jean-Yves Casanova (dir.)

    2015

    Le bonheur au xviiie siècle

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    Guilhem Farrugia et Michel Delon (dir.)

    2015

    Utopie et catastrophe

    Utopie et catastrophe

    Revers et renaissances de l’utopie (xvie-xxie siècle)

    Jean-Paul Engélibert et Raphaëlle Guidée (dir.)

    2015

    Fictions narratives au xxie siècle

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    Approches rhétoriques, stylistique et sémiotiques

    Cécile Narjoux et Claire Stolz (dir.)

    2015

    Savoirs de la fiction

    Savoirs de la fiction

    Christine Baron et Laurence Ellena (dir.)

    2021

    La pseudonymie dans la littérature française

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    De François Rabelais à Éric Chevillard

    David Martens (dir.)

    2017

    Promenade et flânerie : vers une poétique de l’essai entre xviiie et xixe siècle

    Promenade et flânerie : vers une poétique de l’essai entre xviiie et xixe siècle

    Guilhem Farrugia, Pierre Loubier et Marie Parmentier (dir.)

    2017

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    1 N. Heinich, Être écrivain, création et identité, La Découverte, 2000.

    2 B. Lahire, La Condition littéraire : la double vie des écrivains, La Découverte, 2006, p. 26.

    3 N. Heinich, op. cit., p. 67.

    4 J. Jouet, « Notes d’intention », disponible sur le site de la médiathèque départementale de Seine-et-Marne : http://mediatheque.seine-et-marne.fr/library/Note-d-intention-Jacques-Jouet. C’est l’auteur qui souligne.

    5 J. Le Marec, « Le public : définitions et représentations », Bulletin des Bibliothèques de France, n° 46, vol. 2, 2001, p. 53.

    6 J. Davallon, E. Triquet, « Le public, enjeu stratégique entre scientifiques et concepteurs », Publics et Musées, n° 3, 1993, p. 70.

    7 Propos de J. Jouet disponible sur le site de la bibliothèque université de Lorraine (site de Metz) : http://www.scd.univ-metz.fr/10011-rendez-vous-texto-th-tre-jacques-jouet.

    8 J. Jouet, vidéo « Écrire », 2010, disponible sur le site de l’éditeur P.O.L. : http://www.pol-editeur.com/index.php?spec=auteur&numauteur=313.

    9 J. Jouet, Agathe de Metz, Mek-Ouyes et les messins, Nancy, Absalon, 2013, p. 90.

    10 Ibid.

    11 Ibid.

    12 Ibid.

    13 P. Ricœur, Soi-même comme un autre, Le Seuil, 1990, p. 176.

    14 G. Genette, Figures III, Le Seuil, 1972, p. 245.

    15 A.-M. Boyer, Les Paralittératures, Armand Colin, 2008, p. 135.

    16 J. Jouet, op. cit., p. 95.

    17 Ibid.

    18 P. Ricœur, Temps et récit. Tome II : La configuration dans le récit de fiction, Le Seuil, 1984, p. 191.

    19 J. Jouet, « Notes d’intention », disponible sur le site de la médiathèque départementale de Seine-et-Marne, op. cit. C’est l’auteur qui souligne.

    20 M. Collot, Paysage et poésie, du romantisme à nos jours, José Corti, 2005, p. 13.

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    Bisenius-Penin, Carole. « Créations littéraires itinérantes de Jacques Jouet : résidence d’écrivain et atelier d’écriture ». Jacques Jouet, édité par Marc Lapprand et Dominique Moncond’huy, Presses universitaires de Rennes, 2016, https://doi.org/10.4000/books.pur.177157.

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