Avant-propos. La présence : définitions, contextes, expériences, modalités littéraires et transmédiales

1Le colloque « La présence : discours et voix, image et représentation », qui s’est déroulé du 17 au 19 octobre 2013, à l’université de Poitiers, est le premier aboutissement de la réflexion menée au sein de l’équipe B1 « Poétiques de la représentation » du FoReLL (EA 3816 Formes et représentations en linguistique et littérature), sur une question qui est abordée dans une perspective immanente, dans le cadre de pratiques et pensées, à la fois littéraires et artistiques. Ce travail se mène dans le prolongement de la réflexion menée précédemment sur des notions comme l’intensité1 ou le ravissement2, selon une perspective à long terme où l’on vise à critiquer un objet complexe, en général la désignation d’un processus ou d’une qualité dynamique, où se conjuguent, en tension, des enjeux littéraires et esthétiques cruciaux, souvent de nature transmédiale, mais aussi éthiques, psychologiques, linguistiques, culturels, historiques voire politiques. Le colloque, dont ce volume présente la majorité des communications complétées par d’autres contributions, s’est tenu après un séminaire de recherche régulier, donnant lieu aussi à des journées d’étude, comme « Présence et force de la multitude : comment représenter les mouvements de foule au théâtre » (8-9 février 2013), « Présence et voix » (16 mars 2013) ou encore « Présence, image et poésie métaphysique : autour d’Anne-Marie Miller Blaise, Le verbe fait image3 » (25 mai 2013). Et les contributions présentées ici sont à saisir comme une étape particulière dans une recherche collective encore en développement.

2L’appel à communications insistait sur le fait que la notion de « présence » se construit en relation dialectique avec celles de « représentation » (traditionnellement liée à une « interprétation »4), d’« absence » (voire d’« abstraction ») et de « virtualité ». Il s’agissait ainsi d’étudier, à nouveaux frais, les modalités et usages de la « présence », dans les littératures françaises, francophones, anciennes (latine et grecque) et étrangères (notamment d’expression anglaise), de genre varié (poésie, roman, théâtre, rhétorique, essai…), les arts plastiques (peinture et photographie, mais aussi illustration, vidéo, installation…), et les arts du spectacle (théâtre, danse, cinéma, performance5…), en insistant sur les effets d’intermédialité, d’hybridation et croisements génériques et de correspondance esthétique et éthique. Ce qui permet d’approcher, dans leur hétérogénéité historique et culturelle, des objets, textuels et/ou artistiques, relevant de ce que l’on pourrait appeler « pratiques et pensées de la présence6 ».

3Le rapport lisible/visible, mais aussi les polarités reproduction/création ou sens/performance, sont au cœur de cette problématique. Pour Jean-Luc Nancy, l’image a par définition rapport à la présence, au double sens, référentiel et phénoménologique, où elle donne présence à son objet, le convoque, et où elle met le spectateur en présence de celui-ci :

Faire image, c’est donner du relief, du saillant, du trait, de la présence. L’image avant tout donne présence. C’est manière de présence. On l’a souvent dit : aucun discours ne peut rivaliser avec la puissance d’une image7 (Reste que discours n’est pas texte).

4Paul Klee l’avait lui aussi pressenti, avant le philosophe :

L’art ne reproduit pas le visible ; il rend visible. Et le domaine graphique, de par sa nature même, pousse à bon droit aisément à l’abstraction. Le merveilleux et le schématisme propres à l’Imaginaire s’y trouvent donnés d’avance et, dans le même temps, s’y expriment, avec une grande précision8.

5 Au couple « lisible/visible », s’adjoignent aussi l’« audible » et le « dicible », du fait que la notion de présence peut être un outil efficace dans l’analyse des relations, métaphoriques ou non, entre les pragmatiques et esthétiques du texte écrit et oral (en littérature, au théâtre, au cinéma) et de l’image, voire de la voix, du chant ou de la musique9. On a pu ainsi se concentrer particulièrement sur les composantes matérielles du texte (écrit et oral, jusqu’à la profération) et de l’image (fixe ou en mouvement, plastique ou spectaculaire, voire imaginaire, ou encore sur écran), l’engagement de l’énonciateur (auteur, acteur, artiste) dans la présentation de l’œuvre, et les rapports entre effets d’expression et de communication, interactivité et projection ou encore entre fiction, virtualité et représentation. Un point également important, d’un point de vue théorique et historique, est la dialectique de la présence et de l’immanence/transcendance, dans le texte, dans l’image, sur la scène ou sur l’écran, en relation avec les notions de manifestation, aura, incarnation, ritualité, puissance, diffusion, exposition…

6La première partie de l’ouvrage est conçue pour sonder des domaines et approches très divers, de manière à problématiser d’emblée la notion de présence, et à lancer quelques propositions d’interprétation théorique que prolongent, confirment et complètent les lectures des trois parties suivantes. Dès les premiers articles, il apparaît que la présence est à penser dans son rapport complexe, et le plus souvent antagoniste, à la mimésis : alors que la re-présentation implique une distance, un décalage, une présentation au second degré ou dans un effet d’« après », comme l’indique son préfixe, la présence est synonyme d’immédiateté : elle se donne dans un jaillissement, un surgissement. Analysant le fonctionnement des personnifications au Moyen âge, Bertrand Cosnet montre que celles-ci sont conçues pour donner présence à des notions abstraites, telles que vices et vertus, dans des buts souvent didactiques ou mnémoniques. La personnification donne vie ou chair aux idées, elle concrétise des valeurs abstraites. L’article de Chiara Palermo, quoique portant sur la peinture expressionniste du xx^e siècle, confirme cette compréhension de la présence comme incarnation : chez Soutine, ou d’autres expressionnistes, la peinture s’éloigne volontairement du travail de la représentation, et préfère exacerber les effets de perception en jouant sur des aspects plastiques : densité de matière ou intensité de la couleur. Ici aussi, c’est l’incarnation du faire créateur, comme geste en action, saisi dans sa force et ses rythmes, qui importe avant tout. Que Soutine se soit essentiellement intéressé (on pourrait presque dire « se soit attaqué ») à la chair vient renforcer ce lien entre présence et incarnation. C’est à cette expérience vive, puissante, que s’intéresse également Guilhem Farrugia, dans son analyse de l’émotion chez Jean-Jacques Rousseau. Il montre comment, chez cet écrivain, l’expérience du bonheur peut se vivre sous deux modalités presque antithétiques : soit comme retrait en soi, repli sur l’intime, qui fait faire au sujet l’expérience d’une plénitude intérieure, d’une entière présence de soi à soi ; soit au contraire comme « transport », c’est-à-dire comme sortie de soi, perte du sujet et communion avec le monde. Mais qu’elle soit plénitude ou à l’inverse dessaisissement, cette expérience de la présence implique immédiateté et intensité. Seule l’écriture, qui est quant à elle médiation, viendra ensuite figer le moment fugace et plein du bonheur.

7La présence peut également se saisir par son envers, comme le montre Sophie Limare à propos des doubles dits « de proximité », tels que reflets, échos, ombres. En accord avec la logique non mimétique de la présence, ces doubles ne représentent pas un objet mais pointent vers lui, et en garantissent la présence de manière presque indicielle : il n’est pas d’objet qui soit dépourvu d’ombre ou de reflet ; si, en contrepartie, l’ombre ou le reflet viennent à disparaître, comme ceux du fantôme dans le miroir, le référent se dérobe, la réalité vacille et s’absente, le malaise s’installe. Ce sont ces jeux de présence-absence dans l’art contemporain qu’interroge Claudine Armand : comme elle le montre, certains artistes « engagés », visant par exemple à rappeler la « présence » des femmes ou des minorités, s’emploient volontairement à brouiller l’image (tout autant celle de l’objet que de ses ombres) et à jouer sur les signes (notamment verbaux) pour poser la question de la fiabilité de la perception et de l’interprétation. La certitude d’identités bien établies cède le pas à des effets de présence qui jettent le trouble dans les définitions conventionnelles. Mais par ces brouillages et ces jeux de voilement/dévoilement, il s’agit aussi de redonner sens et force au cliché « faire acte de présence », pour donner à voir des pans occultés de la culture ou de la société. Les techniques virtuoses d’art numérique minutieusement exposées par Frédéric Curien multiplient ces phénomènes de brouillage. F. Curien anticipe sur les développements qui abordent, en quatrième partie, les effets de présence sur scène ou dans les performances contemporaines. Il n’hésite pas à parler de « mise en crise des normes traditionnelles de la représentation » : à l’imitation d’un objet précis et concret succèdent en effet des pratiques à la fois processuelles et interactives, qui passent par une longue séquence de découpage/démontage/recadrage/mémorisation d’images, puis par une actualisation, toujours différente. L’œuvre n’a d’autre présence que dans le moment de son « exécution », au sens musical et orchestral du terme, qui lui permet de passer du virtuel à l’actuel. En quoi s’affirme également le geste poïétique, comme praxis.

8 La seconde partie se concentre sur les « Présences mystiques : entre immanence et transcendance ». Les effets de présence, on l’a vu, surgissent dans les relations complexes entre objet et sujet percevant, mais aussi entre immanence et transcendance. L’expérience mystique chez Fénelon, que présente Agathe Mezzadri, est une présence divine qui s’affirme comme plénitude. Elle impose en contrepartie une annihilation du sujet (ou du narrateur du texte), qui s’efforce de s’effacer, de s’absenter de sa propre narration pour faire place à la pleine présence du divin. Aussi A. Mezzadri analyse-t-elle en détail les tournures syntaxiques et stylistiques permettant de suggérer dans le texte cet excès, ce débord de la présence qu’est l’inspiration mystique. Sun Jung Yeo poursuit cette interrogation en étudiant dans le cinéma de Jacques Rivette le motif du « Noli me Tangere », qui retourne la belle assurance de la présence (comme chez Fénelon) en énigme de la figurabilité. Dans cet épisode, c’est l’impossibilité de la perception qui est mise en scène puisque, dans le moment même où le Christ apparaît à Marie-Madeleine (c’est-à-dire lui « manifeste sa présence » – et ce mot mériterait peut-être une lettre majuscule ?), il lui défend simultanément de le toucher… En accentuant les phénomènes de saute d’image, de faux raccords et de discontinuité visuelle, Rivette insère volontairement la conscience de l’absence ou de l’insaisissable au sein de cette troublante présence divine – manière de questionner la possibilité même de sa représentation.

9Même si l’on a posé que l’écriture impliquait nécessairement une forme de médiation (langagière, métaphorique, rythmique) ou d’articulation signifiante, la littérature s’applique évidemment à suggérer ou même créer des effets de présence. Julien Rault, en s’intéressant à la ponctuation et à ses unités les plus minimes, comme le point, le tiret ou les points de suspension, traque le sens au moment même de son émergence la plus ténue dans le texte. Dans les points de suspension, c’est comme une modalité infra-mince de la présence qui se révèle, celle du sens en latence ou en devenir, et qui, littéralement, pointe et fait signe… Fabien Desset pose la question de la présence dans l’œuvre de Shelley – question épineuse, ou surprenante, puisque le poète romantique anglais est connu pour ses effets « atmosphériques » et sa poésie des esprits, de l’aérien et de l’impalpable. Pourtant, montre F. Desset, au sein de cette poésie de l’intangible, un moyen existe pour transcender le sentiment d’irréalité du langage et ancrer le texte dans le monde des objets : par l’ekphrasis, le poète convoque œuvres d’art, objets matériels, impressions visuelles, et réintroduit ainsi de la présence dans le langage, pour parvenir finalement à « lester » cette poésie (trop ?) abstraite. La poétesse Louise Warren, que présente Kirsty Bell, est quant à elle bien ancrée dans la vie des objets et de l’instant présent. Mais l’objet (souvent un simple contenant) est moins vu en lui-même et pour lui-même que comme indice ou rappel d’un éclat de temps ou d’un moment d’intensité (selon cette logique indicielle, et non mimétique déjà soulignée), dans une esthétique du présent, ou plus exactement du « recueillement » du moment présent : porteur d’affect, l’objet restitue la mémoire, ou donne l’intuition soudaine d’une présence forte, dans des moments de contemplation qui sont à la fois « apparitions » (selon le titre du recueil) et micro-épiphanies.

10La troisième partie rassemble des contributions variées qui interrogent la notion de présence dans les arts visuels : illustration, photographie, cinéma, sculpture etc. Anne Reverseau, passant en « revue » les portraits photographiques d’écrivains insérés dans les revues modernistes françaises des années 1920, questionne le type de présence ainsi créée, hésitant entre proximité et retrait : le portrait, en ce cas, sert-il à populariser l’image de l’auteur, ou au contraire à sacraliser et « patrimonialiser » sa figure ? Donne-t-il accès à la littérature, ou au contraire éloigne-t-il l’œuvre en lui substituant le visage/mirage de son auteur ? Cette même oscillation entre présence et absence est repérée par Pascale Borrel, qui étudie plus particulièrement les phénomènes de frontalité dans les portraits et l’art contemporain. Dans la tradition artistique occidentale, la frontalité met tout d’abord en évidence la présence du modèle ; elle permet un face-à-face avec le spectateur qui n’est pas seulement visuel mais aussi, plus profondément, existentiel : le regard direct est apostrophe muette, sollicitation implicite d’un échange verbal. Pourtant la frontalité n’est pas toujours gage d’objectivité, ou à l’inverse de rapport inter-subjectif. Dans certaines pratiques modernes et contemporaines, le regard fixe, énigmatique, se fait méduséen ; les effets de surface l’emportent ; l’opacité triomphe : la présence s’exacerbe en inaccessibilité. Ainsi la frontalité peut aussi finir par brouiller la relation au spectateur et par ruiner les anciens idéaux humanistes. À l’échange avec le spectateur, David Lengyel et Pierre Truchot ajoutent la prise en compte de la dimension temporelle, le premier dans le cinéma de Godard, le second dans le rapport à l’événement d’actualité, dans les séries photographiques de Bruno Serralongue. D. Lengyel souligne les phénomènes de débord de la présence, en se concentrant sur la structure inversée du film Éloge de l’amour, dans laquelle les événements présents précèdent ceux du passé, autour d’un saut temporel marquant la discontinuité fondamentale du temps – en tant que temps vécu et temps mémoriel. Par la mémoire, le surgissement au sein du présent d’un passé qui refuse de passer affirme la présence continuée, hors chronologie, de l’événement affectif. Dans le travail photographique de B. Serralongue, qu’analyse P. Truchot, c’est la mise en série des images qui renforce, décuple, leur présence. Mais c’est alors au spectateur, actif, de restituer à l’événement sa présence et son intensité, en reconstituant mentalement, par-delà la discontinuité des images, son déroulement, son tempo, sa durée. Cet engagement du spectateur dans la saisie de ces séries a en outre une finalité morale : redonner présence aux acteurs oubliés de ces événements. Ainsi pas de présence sans collaboration perceptive du spectateur, comme le confirme aussi Lionel Renaud ; et dans le cinéma de Larry Clark, c’est presque un excès de présence que le spectateur doit déjouer. La technique de Clark consiste à accentuer l’écart entre le contenu de l’image (d’une vivacité, d’une crudité et, à nouveau, d’une frontalité presque pornographiques qui pourraient provoquer le dégoût) et son esthétique : traitement de la couleur, manipulations techniques telles que le recours aux inserts, ou mouvements de caméra forcent le spectateur à une distanciation. Paradoxalement, la présence la plus forte est moins celle de l’image objective que celle de l’image-mentale, image-perception ou image-affect recréée par le spectateur. C’est une création assez similaire de la présence que Shirley Niclais voit dans la « sculpture » de Louise Bourgeois – parfois plus proche de l’installation théâtralisée. Ce médium semblerait imposer l’évidence matérielle, incontournable, d’une présence physique/biologique, et ce d’autant plus que l’œuvre de Bourgeois met largement en scène le corps (plus souvent torturé ou supplicié qu’exultant…) – rejoignant en un sens l’esthétique de la violence de cinéastes tels que Clark. Mais ces présences charnelles souvent excessives, grotesques, voire hystériques, revêtent une fonction cathartique – parfois proche du rite funéraire : elles servent à exorciser le souvenir du trauma personnel et du mythe familial, ainsi que la hantise de la décomposition de la chair, de la mort et du deuil.

11La quatrième partie, enfin, rejoint par des voies nouvelles la problématique de la présence comme incarnation, à travers la voix et le corps scénique. On pourrait croire cette présence pleine et entière, matérielle et « bien là ». Pourtant, dans les articles rassemblés ici, la présence flirte le plus souvent avec l’absence, ou ce sont des présences fictionnelles, métaphoriques, métonymiques. Dominique Casimiro prête ainsi une oreille subtile aux effets de voix, ou « fictions de voix », dans les poèmes de Pablo Neruda : effets d’éloquence, de timbre, de rythme, de typographie, de ponctuation, qui tissent dans les mots, sous le sens, la mémoire de la chair. Cette voix spectrale créée, entre corps et discours, sous le silence du texte, est, souligne D. Casimiro, « par excellence l’aporie de l’incarnation : elle est et n’est pas », et ne vit que dans le temps de la lecture du poème. Une présence, donc, qui n’est que pour et par son lecteur. À la même limite de la présence-absence, incarnation de l’immatériel, Stéphane Hervé envisage ce que serait un espace scénique paradoxalement dénué de corps : est-il possible d’imaginer une production théâtrale sans corps ni figure humaine ? À la représentation classique succèdent en effet dans certaines créations contemporaines des dispositifs scéniques permettant des expériences sensorielles touchant plus directement le spectateur. En réalité, suggère S. Hervé, cette soustraction est bel et bien un gain de présence : le corps des acteurs ne venant plus médiatiser la sensation, le spectateur fait l’expérience directe, non médiée, d’une présence impersonnelle. Cette réflexion sur des formes contemporaines qui rompent avec le théâtre de l’imitation est prolongée par Pierre Katuszewski, qui interroge la possibilité d’un « théâtre de sortie de la représentation » – un théâtre où, comme chez Pippo Delbono, le corps reste cette fois présent, mais où l’acteur (d’ailleurs souvent venu d’horizons étrangers au théâtre) ne tente pas de construire un personnage mais plutôt de transmettre une émotion vive, collective plutôt que personnelle. Pour finir, Milena Mogica amène la réflexion sur la nouvelle « danse-théâtre » d’Ambra Senatore, où se développe une dialectique à la fois charnelle et philosophique, voire politique, entre présence et intensité, représentation, absence, théâtralité, en particulier comique. Ici, c’est en plaçant l’accent sur l’émotion (et le rire), que la danseuse tente d’échapper au geste mécanique et froidement construit. Cette recherche d’une pureté et d’une vérité du geste (ou d’une « présence au mouvement ») s’accompagne nécessairement d’une mise à distance des codes hérités. C’est donc en essayant de déjouer les limites de la représentation ou des pratiques scéniques (ou de les exhiber, dans un mouvement de recul critique), en jouant sur les signes et les codes, que les créateurs recherchent une présence accrue.

12À l’issue de ce parcours, qu’on voulait cohérent et dynamique à la fois, la notion de « présence » apparaît plus complexe et parfois plus labile encore que nous l’avions envisagé, au départ de cette réflexion collective. Cette précarité critique, source de tensions théoriques et de pratiques fécondes, s’explique en particulier par le fait que cette notion se reconnaît avec évidence et force, ou plus discrètement, dans des productions textuelles nombreuses et variées, plastiques ou scéniques, qu’elle permet de relier, d’associer ou de comparer, mais qu’en même temps elle se diffracte ou se nuance selon les contextes culturels, les traditions génériques, les enjeux esthétiques et éthiques qu’elle croise et fait évoluer. C’est ainsi que cette conclusion est toute provisoire, et pourra valoir comme ouverture vers la réflexion que le FoReLL B1 poursuit, en se concentrant désormais sur une modalité remarquable de présence, dite « par effraction », qui ne manquera pas de compléter, voire de discuter, les études présentées ici.