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    Plan détaillé Texte intégral Le somnambulisme magnétique : institutions, sociabilités, réseaux Magnétisme animal et polémique médiatique Notes de bas de page Auteur

    Les échanges savants franco-allemands au xviiie siècle

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Entre secret, privé et publics

    Les paradoxes de la diffusion du somnambulisme magnétique (années 1780)

    Claire Gantet

    p. 277-297

    Texte intégral Le somnambulisme magnétique : institutions, sociabilités, réseaux Strasbourg : le moment de la Société harmonique des amis réunis Karlsruhe : sociabilité et réseaux mondains Cercles littéraires et scientifiques diffus Magnétisme animal et polémique médiatique De Vienne à Paris, de Strasbourg à Karlsruhe : controverses et traductions Strasbourg, Cagliostro et la franc-maçonnerie ésotérique, ou l’imposture Johann Caspar Lavater : mobilités, marges, médiation Illuminés, mesmérisme et somnambulisme magnétique Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Envoyé à Berlin entre juin et décembre 1786 effectuer une mission d’espionnage pour le compte de Calonne, Contrôleur des finances de Louis XVI, le comte de Mirabeau (1749-1791) prit rapidement connaissance de la campagne menée dans la presse berlinoise « éclairée », la Berlinische Monatsschrift (Mensuel berlinois) et l’Allgemeine deutsche Bibliothek (Bibliothèque générale allemande) en tête, contre le regain d’un certain ésotérisme attribué à l’influence pernicieuse de jésuites de l’ombre, à l’encontre des valeurs des Lumières1. Trépidant, virulent, il s’insurgea contre l’inflexion conservatrice de la Prusse consécutive au décès de Frédéric II le 17 août et à l’avènement de Frédéric-Guillaume II, en particulier contre les poursuites de personnalités déistes. Aussi osa-t-il, lui, l’espion, publier à Berlin, en français et sous son nom, un libelle prenant appui sur la controverse pour appeler à la tolérance des déistes en Autriche, en Brandebourg-Prusse – et en France.

    2Très bien informé, le libelle de Mirabeau citait précisément la presse berlinoise en note dans la langue originale et traduisait ces passages dans le texte courant. Sa cible majeure était le pasteur et écrivain zurichois Johann Caspar Lavater (1741-1801), qui s’était aliéné tout le monde ou presque en cherchant, au rebours des barrières confessionnelles usuelles, des traces de l’action du miracle – à ses yeux la marque du vrai chrétien – dans le magnétisme animal et chez des personnalités encombrantes, tel l’imposteur Alessandro Cagliostro (Giuseppe Balsamo, 1743-1795). Dominé par une improbable crédulité, « M. Lavater s’est déclaré le disciple et l’Apôtre de Mesmer que les Allemands nous reprochent comme si nous ne le tenions pas d’eux2 ! » Voulant parler aux Français comme aux Allemands, Mirabeau annonçait en tête d’ouvrage la parution imminente d’une traduction allemande de son libelle. Cette traduction s’avérant aujourd’hui introuvable, on peut douter qu’elle ait été entreprise : l’argument devait étayer la force de frappe d’un libelle qui mêlait plusieurs niveaux de communication, secret (l’espion), public (la presse, le libelle) et privé (des lettres personnelles de Lavater).

    3Originaire de la rive allemande du lac de Constance et docteur en médecine de l’université de Vienne en 1766, Franz Anton Mesmer (1734- 1815) avait commencé à exercer à Vienne et s’était intéressé aux tentatives de soins par l’aimant de l’astronome impérial Maximilian Hell (1720-1792) pour en tirer une nouvelle méthode thérapeutique, sans aimant. Après quelques déboires, il était parti début 1778 pour Paris, où il poursuivit ses thérapies, inventa le baquet et rencontra un succès certain – non toutefois auprès des médecins de la Faculté de Paris ni même des savants, mais des milieux mondains et du public. Pour asseoir ce savoir de type non hégémonique3, Mesmer créa en 1783 à Paris une Société de l’Harmonie universelle destinée à initier ses adeptes, « discrète4 » et fondée sur un savoir de type charismatique. La condamnation du mesmérisme par l’Académie royale des sciences et la faculté de médecine de l’université de Paris, en août 1784, clôtura une série de dénis académiques – seule l’Académie des sciences de Bavière, le 18 novembre 1775, avait admis Mesmer parmi ses membres. Désormais entachée de scandale, la Société de l’Harmonie universelle cessa ses travaux en 1787, et Mesmer entama jusqu’à sa mort en 1815 à Meersburg, près de son lieu de naissance, une vie errante entre terres germanophones et francophones5.

    4 Entre 1775 et 1787, le mesmérisme anima la parution d’au moins 160 libelles. À partir de 1810, il devint une source majeure de la Naturphilosophie en Allemagne septentrionale, d’une approche englobante de la nature et de l’esprit qui y marqua de son sceau la philosophie et la science6. Une sorte de silence sépare ces deux phases. L’intérêt pour le magnétisme animal s’était-il tu avant de brusquement renaître avec une étonnante intensité ? L’étude des sociabilités et réseaux au-delà des pôles Vienne-Paris-Berlin permet de comprendre les transitions successives de la diffusion du mesmérisme.

    5En mai 1784, sur ses terres à Buzancy, un officier d’infanterie français passionné d’électricité, le marquis Armand Chastenet de Puységur (1751- 1825), s’essaya à la méthode de Mesmer et, à sa grande surprise, provoqua chez son valet un sommeil artificiel lucide, qu’il dénomma somnambulisme magnétique ; dans cet état, les malades non seulement répondaient aux questions du thérapeute mais indiquaient eux-mêmes leur traitement. Installé en caserne à Strasbourg à la mi-juin 1784, Puységur adhéra à la loge maçonnique La Candeur ; son secrétaire, le comte Antoine-Joseph de Lutzelbourg (1739- ?), lui demanda, au nom de La Candeur, d’être instruit dans le mesmérisme. Puységur se déclara prêt à recevoir les malades pendant six semaines tous les matins et instruisit un cours en sept séances, puis, en mai 1785, créa une Société harmonique des amis réunis comme une filiale de la Société de l’Harmonie universelle parisienne tout en s’en déclarant autonome. Le syndic perpétuel était le comte de Lutzelbourg, aussi président de La Candeur et membre de la loge franc-maçonne dresdoise Les Amis Réunis. Depuis Strasbourg, le somnambulisme magnétique se diffusa alors via Stuttgart et Karlsruhe vers l’Allemagne, en grande partie sous l’effet du prosélytisme d’un Suisse, Johann Caspar Lavater, et de sociabilités mondaines ou secrètes.

    6L’étude du magnétisme animal relève éminemment de transferts savants franco-allemands. Ce qui était en jeu était une thérapie nouvelle, fondée par Mesmer sur le postulat d’un fluide magnétique universel agissant via les nerfs sur les organes, esquissée à Vienne et reformulée à Paris, puis réinterprétée en France par Puységur. Le transfert partit d’une rupture puisque sans nier l’existence du somnambulisme magnétique, Mesmer en rejetait les effets thérapeutiques. Or c’est avant tout par la découverte du somnambulisme magnétique que le mesmérisme, condamné en France, trouva une diffusion en Allemagne. En conséquence de la polémique, il y eut une identification progressive de part et d’autre de la frontière. En 1781 à Paris, Mesmer fut protégé par l’« Autrichienne », ce qualificatif péjoratif accolé à la reine Marie-Antoinette étant éminemment ambigu, puisqu’il renvoyait autant à son origine habsbourgeoise qu’à son orbite viennoise. Dans ses premiers textes publiés en français, Mesmer signait « M. Mesmer, docteur de la Faculté de Vienne7 », et quand il alla prendre les eaux à Spa dans le Saint-Empire, il fut simplement qualifié de « médecin de Paris8 ». Lorsque Lavater prit parti pour le somnambulisme magnétique, il ne se sentait pas Suisse, mais membre d’une communauté culturelle du sud-ouest du Saint-Empire. L’attribution nationale du magnétisme animal fut le fait d’une controverse berlinoise, dans la première moitié des années 1780, diffusée vers la France par Mirabeau en 1786.

    7Loin de fonctionner directement d’un pays à l’autre, le transfert fut effectué par le biais d’institutions diffuses et de mobilités individuelles qui déployèrent des circulations au-delà des frontières politiques, et sur lesquelles pesèrent puissamment les modalités de la communication entre secret, privé et public. On se propose ici de reconstituer quelques intermédiaires et médias de la diffusion du somnambulisme magnétique qui, à l’issue de circulations ultérieures, fut en 1843 baptisé Neurypnology ou hypnose par le chirurgien écossais James Braid (d’après Hypnos, le dieu du sommeil dans la mythologie grecque) et devint au xixe siècle un fondement de la pratique médicale, notamment de Jean-Martin Charcot et de Sigmund Freud.

    Le somnambulisme magnétique : institutions, sociabilités, réseaux

    Strasbourg : le moment de la Société harmonique des amis réunis

    8D’emblée l’ancrage institutionnel recherché par les fondateurs eut un caractère composite. La Société de l’Harmonie universelle parisienne avait fonctionné comme une société par actions. Fort du scandale du désaveu institutionnel de la méthode de Mesmer, Puységur renonça d’emblée à Strasbourg à toute compromission financière. Les médecins magnétistes devaient soigner gratuitement, même s’ils étaient rétribués par la Société harmonique des amis réunis (dorénavant SHAR) qui exigeait donc de ses adhérents le versement d’une cotisation. Il fit aussi inscrire dans ses statuts que la Société visait uniquement le traitement médical, à l’exclusion de toute spéculation métaphysique. Le texte de fondation ne parlait néanmoins pas d’« instruction » de ses membres, mais de leur « initiation », et ils se voyaient interdire toute divulgation de la thérapie : à défaut d’un corps de doctrine, elle reposait sur le charisme du fondateur9. Les succès furent l’objet d’une politique de publications manifestée notamment par la fondation du périodique Archiv für Magnetismus und Somnambulismus (Archives du magnétisme et du somnambulisme, 3 vol., 1787), tandis que les cas d’échecs étaient celés dans des archives secrètes. Si la Société se voulait strictement médicale, elle rassemblait de plus un grand nombre d’adeptes de l’ésotérisme, à commencer par Lutzelbourg10. Les frontières étaient floues avec la franc-maçonnerie, en particulier avec La Candeur. C’étaient en effet les mêmes milieux, de militaires et d’administrateurs souvent liés entre eux par des relations matrimoniales, qui les composaient. Au moins cinq des 31 membres fondateurs de la SHAR étaient aussi membres actifs de La Candeur11.

    9De la composition sociale de la SHAR ressort aussi la situation très ouverte de la noblesse alsacienne et son aptitude à jouer sur les statuts de part et d’autre du Rhin encore au début des années 1780. Charlotte Boecklin de Boecklinsau était l’épouse de Frédéric Boecklin de Boecklinsau (1745-1813), magistrat de Strasbourg, colonel d’infanterie, conseiller secret du margrave de Brandebourg et chambellan du duc de Wurtemberg. En 1782, le père de Jean de Turckheim avait obtenu de l’empereur Joseph II, en reconnaissance des services qu’il lui avait rendus ainsi qu’à la ville de Strasbourg, des lettres patentes qui lui confiaient, à lui et à sa descendance légitime des deux sexes, le titre de Baron du Saint-Empire (Reichsfreiherr), avec le privilège de cesser, à volonté, de le porter, sans que cela puisse jamais en entraîner la prescription (privilegium non usus). Il put ainsi occuper à Strasbourg la charge d’Ammestre (échevin) dont les nobles étaient exclus, et être député du tiers-état aux États généraux de 1789.

    10Parmi les 31 membres fondateurs ayant part à l’administration de la SHAR – tous des hommes – ne figurait qu’un médecin (l’accoucheur Isaac Ottmann). Elle faisait en revanche la part belle à la chevalerie libre d’Empire reconvertie dans le service de l’empereur ou dans le service du roi. Elle exprimait surtout une sociabilité due à la situation de Strasbourg, étape du Grand tour des jeunes nobles et école des princes avec son université germanophone, épaulée par la Karlsschule (Haute École de Charles) de Stuttgart pour les élites militaires. Aussi s’explique-t-on la présence, parmi les membres fondateurs, du comte Philipp Neri von Welsperg zu Primör und Raitenau (1736-1806, chambellan et envoyé de l’empereur), du comte Wenceslas de Paar (1744-1812, chambellan impérial), de la branche aînée comtale de la dynastie du Wurtemberg12 – dont les enfants grandissaient à Montbéliard, en contact avec la noblesse alsacienne –, ou du diplomate Johann Heinrich von Krook (1731-1798) en séjour prolongé à Strasbourg à l’occasion d’une mission pour le compte de Catherine II dans le Saint-Empire. C’est ainsi que s’élucide aussi la présence, parmi les 41 initiés-associés, du duc Charles-Eugène de Wurtemberg et de son épouse, du baron Carl Ludwig Eckbrecht von Dürckheim (1740-1789), maréchal d’Empire à Stuttgart, ou du baron Philipp Franz Knebel von Katzenelnbogen (1733- 1816), envoyé impérial et diplomate ; et parmi les 64 initiés correspondants, du comte Franz Ludwig von Kesselstatt (1753-1841 qui, après des études de droit notamment à Strasbourg, était devenu chanoine de l’archevêché de Mayence) et de son frère Karl (1756-1829, membre du conseil secret de la principauté-électorale de Mayence), ou enfin de Carl Wilhelm von Münzesheim (1734-1812) de la cour du margrave de Bade.

    11Se mirent ainsi en place des relations capillaires, dans lesquelles les femmes eurent une part non négligeable. Magnétisée par Krook en 1786, Madame Tschiffeli (née Margarethe Steck et veuve de l’agronome bernois Johann Rudolf Tschiffeli) magnétisa à son tour notamment le bourgmestre de Heilbronn Georg Christoph Kornacher (1725-1803), lequel confia sa fille au médecin de la ville Eberhard Gmelin (1751-1809), qui eut un rôle considérable dans le renouveau du magnétisme animal.

    12La propagation du somnambulisme magnétique résulta de l’action diffuse des aristocrates de la SHAR dans leurs terres en Alsace13, ou de leurs relations avec les cours de Stuttgart, Karlsruhe et secondairement Mannheim.

    Karlsruhe : sociabilité et réseaux mondains

    13La diffusion vers l’Allemagne fut promue par le margrave Charles-Frédéric de Bade (1738-1771-1811) et la margravine, Caroline-Louise de Hesse-Darmstadt (1723-1783), qui aspiraient à faire de Karlsruhe un centre de la vie littéraire et intellectuelle. Ils avaient été conquis par Lavater, avec lequel ils entretenaient depuis la seconde moitié des années 1770 des relations personnelles et épistolaires ; en 1784 se développa même une « correspondance circulaire » doublée d’un cercle de lecture : les brouillons littéraires de Lavater partaient de Strasbourg, où il résidait, arrivaient à Karlsruhe, où ils étaient lus et commentés par le margrave et son fils cadet Frédéric, et poursuivaient leur route vers Mannheim, où les annotait le conseiller du gouvernement du Palatinat électoral Ferdinand Adrian von Lamezan-Salins (1741-1817), avant de revenir vers Strasbourg. La liaison entre Karlsruhe et Mannheim (à 70 km au nord en longeant le Rhin) n’était pas seulement géographique. Le margrave de Bade était membre d’honneur de la loge maçonne Saint-Charles de l’union de Mannheim, de laquelle Lamezan-Salins était sans doute proche14.

    14Lavater fut invité à trois reprises par le couple margravial, en 1774, 1780, et 1791. C’est le médecin suisse recommandé par Lavater, un certain Dr. Grob d’Appenzell, que le margrave dépêcha à ses frais à Strasbourg pour étudier la méthode de Puységur puis qu’il nomma professeur de médecine à Rastatt, avec un appointement de 300 florins. Charles-Frédéric fit aussi envoyer à Strasbourg le professeur de physique du Gymnasium Illustre de Karlsruhe, Johann Lorenz Böckmann (1741-1802), examiner le somnambulisme. Au départ sceptique, Böckmann se laissa convaincre à la vue des succès thérapeutiques. Un cercle de magnétistes se forma autour de Grob et Böckmann, comportant notamment le prédicateur de cour Johann Leonhard Walz (1748-1817) et l’épouse du secrétaire aulique Griesbach. Le margrave et son fils cadet Frédéric soutinrent leur action tout en refusant de se laisser eux-mêmes magnétiser.

    15Devinrent membres de la SHAR dans la cour de Bade le grand-maréchal Münzesheim et le maître de chasse Karl von Tettenborn, lequel initia à son tour Anton von Vieregg (1755-1830, lieutenant-général de Bavière) et Kesselstatt, neveu de Knebel von Katzenelnbogen. Böckmann lui-même fut à la source de l’intense activité journalistique de la SHAR, dont l’une des clés fut le périodique Archiv für Magnetismus und Somnambulismus qu’il dirigea en personne, tout en se rejetant l’« enthousiasme » de Lavater et en se (re)tournant vers Mesmer – lequel séjourna à deux reprises à Karlsruhe, en 1787 et 1788.

    16À Strasbourg, la SHAR végéta à partir de 1789 et disparut définitivement en 1792, en raison de la dispersion forcée des aristocrates ou de leur réclusion. Ce furent des liens individuels d’anciens membres de la SHAR qui s’avérèrent dorénavant influents.

    Cercles littéraires et scientifiques diffus

    17Des cercles fermés surgirent dans le Sud-Ouest germanophone. L’un d’entre eux était animé par le président du gouvernement de la principauté d’Oettingen en Souabe, Johann Baptist von Rouesch, lequel avait assisté, convaincu, aux cures du prêtre exorciste Johann Joseph Gassner (1727- 1779) et s’était lié d’une amitié durable avec le théologien catholique Johann Michael Sailer (1751-1832) et Lavater. À partir de septembre 1784, presque chaque soir, Rouesch convia à souper l’Harmonie, une société fascinée par les textes de Lavater, par sa correspondance circulaire, par les rapports de la SHAR sur la « sympathie physique » magnétique, et par les ressorts littéraires que l’on pouvait en tirer.

    18Avant de devenir médecin de la ville de Heilbronn (à 50 km au nord de Stuttgart), Eberhard Gmelin avait fréquenté durant ses études de médecine à Tübingen Christian Friedrich Reuss (1745-1813) qui, d’emblée, s’était intéressé aux textes de Mesmer dont il édita une compilation, et qui conquit son compagnon Gmelin15. Entre juillet et septembre 1787, Gmelin rendit compte de succès thérapeutiques considérables, notamment dans le traitement de Lisette Kornacher (1773- 1858), la fille du bourgmestre de Heilbronn et petite-fille de l’aubergiste Johann Georg Uhl, lequel avait lui-même subi un traitement par Margarethe Tschiffeli. En mai 1789, Gmelin alla à Karlsruhe discuter de son expérience avec Böckmann puis rendit visite à la SHAR. Si Gmelin ne pratiqua la cure magnétique que trois ans, s’il refusa d’adhérer tant à la franc-maçonnerie qu’à la SHAR voire aux idées de fond de Mesmer, il publia jusqu’en 1797 une foison d’articles de journaux et non moins de dix livres sur ce qu’il dénommait le « feu élémentaire harmonique » puis l’« électricité animale16 ». Ses publications impressionnèrent le directeur de la Charité – le grand hôpital berlinois – Christian Gottlieb Selle (1748- 1800, membre de la Société secrète du Mercredi et médecin personnel de Frédéric II dans ses derniers mois), puis son successeur Christoph Wilhelm Hufeland (1762-1836).

    19En 1793, Lavater, alors à Iéna, recommanda au poète Friedrich Schiller (1759-1805) de faire soigner sa tuberculose par Gmelin. Schiller séjourna avec sa femme quatre semaines à Heilbronn où il rencontra Gmelin et s’informa sur la cure magnétique, sans parvenir à se convaincre de son bien-fondé. S’il critiqua « le penchant au merveilleux » de Gmelin, Schiller le recommanda néanmoins auprès la Société de physique d’Iéna (Naturforschende Gesellschaft, Societas physica Jenensis), où il fut admis membre d’honneur au début de 179417. Le récit par Gmelin de la cure de Lisette Kornacher fut repris en 1808 dans une œuvre majeure du médecin philosophe Gotthilf Heinrich Schubert (1780-1860) ainsi que par Heinrich von Kleist, conquis dans un cercle poétique berlinois le 23 février 1810 par des médecins de Brême durablement acquis par Lavater18.

    20Le professeur de médecine d’Iéna Christoph Wilhelm Hufeland, qui en 1785 avait salué dans le Teutscher Merkur (Mercure allemand) la condamnation du mesmérisme par l’Académie des sciences parisienne, ouvrit au somnambulisme son Journal der practischen Heilkunde (Journal de médecine pratique, 83 t., 1795-1836). Le clinicien et physiologiste berlinois Johann Christian Reil (1759-1813), éditeur de Beyträge zur Beförderung einer Kurmethode auf psychischem Wege (Contributions à l’avancement d’une méthode curative par voie psychique, Halle 1808-1812), prit en compte le magnétisme dans sa tentative de définir la psychologie comme science. Tel fut le point de départ de la mission allouée par la Commission prussienne au médecin Karl Christian Wolfart (1778-1832). Ce dernier documenta sa visite de Mesmer à Frauenfeld dans un ouvrage qui engagea une « redécouverte » du mesmérisme19. À Iéna parut entre 1817 et 1823 l’Archiv für den thierischen Magnetismus (Archives du magnétisme animal). Via le magnétisme, le mesmérisme se frayait ainsi une voie vers la science en Allemagne septentrionale. Pourtant, dans les années 1780, l’écho médiatique allemand avait brouillé les pistes d’une éventuelle diffusion.

    Magnétisme animal et polémique médiatique

    De Vienne à Paris, de Strasbourg à Karlsruhe : controverses et traductions

    21Lorsque Mesmer lança en allemand à Vienne la polémique contre la thérapie par les aimants prônée par Maximilian Hell, il lui conféra d’emblée une dimension générale. Il envoya ainsi son Schreiben über die Magnetkur (Lettre sur la cure par aimant) du 5 janvier 1775 à toutes les Académies des sciences allemandes. Seule celle de Berlin réagit, alertée par l’envoyé de la cour impériale à la cour de Prusse, le baron Gottfried Van Swieten, fils du médecin personnel de Marie-Thérèse et professeur de médecine à l’université de Vienne, Gerard Van Swieten (1700-1772)20, auprès duquel Mesmer avait fait ses études et rédigé sa thèse. Aussi parut dès 1775 un rapport, publié dans l’Allgemeine deutsche Bibliothek21.

    22Par l’effet de l’intertextualité de la presse, la polémique se développa immédiatement dans le reste du Saint-Empire. Dès 1775, le médecin d’Altona Johann Christoph Unzer (1747-1809) publia dans sa revue, le Neuer gelehrter Mercurius (Nouveau Mercure savant), un essai de Mesmer où fut employée pour la première fois l’expression de « magnétisme animal ». Elle se diffusa concomitamment en France, par le biais de traductions dans la Gazette salutaire et le Journal Encyclopédique publiés dans le duché de Bouillon, sans doute effectuées par le journaliste d’origine alsacienne Friedrich Grunwald (1734-1826). Excellente caisse de résonance, la presse pouvait néanmoins éparpiller le débat entre des organes lus par des publics fragmentés. Aussi Mesmer prit-il soin de publier anonymement dès 1778 un recueil allemand de ses articles et libelles22.

    23Lorsque Mesmer arriva à Paris, il n’était déjà plus un inconnu. La polémique se déroula en français lorsque dès 1780 Charles-Nicolas Deslon (1738-1786), médecin personnel du comte d’Artois et régent de la faculté de médecine de Paris, prit haut et fort parti pour la nouvelle thérapie dans des libelles désormais signés, déclenchant un feu de répliques23. Le scandale de certains thuriféraires décédés en plein traitement – ainsi Antoine Court de Gébelin (1719-1784) – et des brouilles publiques de Mesmer avec ses puissants soutiens de la première heure – Charles-Nicolas Deslon entre 1782 et 1784, puis Nicolas Bergasse en 1785 – contribuèrent à envenimer la dispute.

    24Jean-Jacques Paulet (1740-1826), le principal rédacteur de la Gazette de santé – acquise à la Société royale de médecine –, non seulement republia ses recensions négatives en un livret, mais édita aussi un libelle intitulé L’Antimagnétisme, ou origine, progrès, décadence, renouvellement et réfutation du magnétisme animal (Londres [fausse adresse], 1784), traduit en allemand en 178824, ainsi qu’une brochure intitulée Mesmer justifié. Non seulement la polémique était ainsi portée sur la scène publique, faisant du lectorat un juge ou un garant, mais elle outrepassait le domaine médical, empruntait le langage fictionnel et stimulait des traductions, effectives ou fictives25.

    25À Paris, tandis que la profusion de libelles brouillait les pistes, le déni de l’Académie des sciences bloqua la diffusion médiatique du magnétisme animal. Désormais, les médecins magnétistes recueillirent des certificats manuscrits de leurs guérisons, présentées comme autant de cas médicaux et de témoignages de patients, circulant dans l’ombre. C’est via Strasbourg et avec la découverte du somnambulisme magnétique que le magnétisme animal se propagea à nouveau. Or, ce qui se transmit, ce fut autant l’innovation de Puységur que la pensée de Mesmer. Non seulement en effet le somnambulisme magnétique n’était qu’une pratique – Puységur se gardait de toute théorisation hasardeuse, rejoignant sans le savoir le mot d’ordre « des faits, et non un bavardage », de la presse psychologique allemande26 – mais les Strasbourgeois n’étaient pas unis et les fronts étaient encore mouvants. À côté des puységuriens, très majoritaires, s’activaient des fidèles de Mesmer, ainsi Georges-Christophe Würtz (1752-1823), secrétaire du musée de Paris fondé par Court de Gébelin en 1783, élève de Mesmer et membre de l’Harmonie universelle de Paris en avril 1784 avant de devenir second médecin accoucheur de Strasbourg en août 1784 tout en fabriquant des remèdes secrets.

    26La porte d’entrée médiatique du magnétisme en Allemagne fut Karlsruhe via Strasbourg. C’est Wilhelm Friedrich Wucherer (1746-1832), professeur de mathématique au Gymnasium Illustre et membre du Conseil de la cour de Karlsruhe, qui traduisit un texte en allemand fondé sur une première traduction en français de notes de Mesmer rédigées en allemand munies d’ajouts27. Le libraire-imprimeur de la cour de Karlsruhe, Michael Macklot (1728- 1794) – un homme des Lumières, fondateur d’une société de lecture – publia plusieurs traductions allemandes des œuvres de Mesmer ou de ses assistants, avant qu’en 1785, la relève fût prise par la Librairie académique de Strasbourg28. Au-delà de 1788 et jusque vers 1800, plus aucune traduction allemande ne parut : l’effervescence médiatique se nourrissait d’elle-même.

    Strasbourg, Cagliostro et la franc-maçonnerie ésotérique, ou l’imposture

    27L’article d’Immanuel Kant « Qu’est-ce que les Lumières ? » qui parut dans le numéro de décembre 1784 de la Berlinische Monatsschrift et imposa une définition de l’Aufklärung par l’usage public de la raison29, vint amplifier une inquiétude croissante de la presse allemande au regard des sociétés ésotériques. Avec les « mystères égyptiens » dont il avait investi la franc-maçonnerie française, l’aventurier Cagliostro représentait aussi une menace pour les valeurs de l’Aufklärung : il importait d’en dresser l’histoire pour en démasquer l’imposture30. Or le scandale provoqué par cet être de l’errance avait un ancrage spatial à Strasbourg, où il arriva le 26 juin 1780.

    28Rapidement, Cagliostro devint le protégé du cardinal-évêque de Strasbourg et grand-aumônier de France, Louis-René de Rohan (1734- 1803). Avec son appui, il créa une maison de santé placée sous la protection royale où il soignait gratuitement des malades. Pendant la belle saison, il séjournait à Saverne, dans le palais du cardinal, et, aidé du secrétaire de ce dernier, Louis Ramond de Carbonnières (1755-1827), effectuait aussi des recherches alchimiques. Il réunit quelques adeptes, parmi lesquels le banquier-négociant bâlois Jakob Sarasin (1742-1802), autour d’un rite maçonnique égyptien et de pratiques divinatoires. À Lyon, en octobre 1784, il ne parvint pas à convaincre le maçon illuministe Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824), et fonda, fin novembre, la loge La Sagesse triomphante, loge mère du Rite égyptien dont il devint le Grand Cophte. À Paris à partir de fin janvier 1785, il retrouva ses amis strasbourgeois et fit rapidement la connaissance de Jeanne de La Motte, qui venait de duper le cardinal de Rohan en lui extorquant des sommes considérables pour le fameux Collier de la reine. Le 10 février, le mesmérien François-Marie de Chefdebien (1753-1814) se rendit chez Cagliostro pour tenter sans succès de l’inviter au nom des Philalètes31 au Convent qu’ils réunissaient pour réorganiser les rites. Le 7 août 1785, Cagliostro fonda également une loge d’adoption, la loge d’Isis. Le bruit courut qu’il faisait parler les morts.

    29Durant les trois années qu’il passa à Strasbourg (1780-1783), Cagliostro suscita une curiosité inouïe. Lui furent acquis non seulement le cardinal de Rohan, qui tenait salon, et par son intermédiaire Henriette-Louise Waldner von Freundstein, baronne d’Oberkirch (1754-1803) – une femme brillante qui elle-même tenait salon et s’enthousiasma aussi pour Lavater –, mais aussi nombre de membres de la loge La Candeur. Pour Lavater, les méthodes de guérison fondées par Puységur à Strasbourg en 1784 reprenaient les méthodes proposées par Cagliostro à Strasbourg et le prêtre exorciste Gassner en Bavière, dont il loua sans relâche les mérites32. Lavater s’engagea pour Puységur qui soulignait les forces de l’âme dans la guérison, et non pour le médecin « physicien » Mesmer33.

    30Le succès de Cagliostro auprès des élites strasbourgeoises et son soutien par Lavater, ardent partisan du somnambulisme magnétique, engagèrent le débat sur un terrain glissant, d’autant que le beau-père de Puységur était le financier parisien Baudart de Saint-James, grand chancelier du Rite égyptien et principal bailleur de fonds du Collier de la reine. Porté sur la scène publique par la volonté de Louis XVI, le scandale ne manqua pas d’atteindre les phénomènes ésotériques. Connus en Allemagne via la presse parisienne, ils avivèrent le sentiment d’une altération ésotérique de la franc-maçonnerie à des fins subversives.

    Johann Caspar Lavater : mobilités, marges, médiation

    31Lavater lit Puységur dès 1784, tandis qu’il ne fit la connaissance de Mesmer à Zurich qu’en août 1787. Depuis Zurich, Lavater ne cessa de promouvoir la doctrine de Puységur. Instruit par son frère médecin (et franc-maçon) Diethelm, Johann Caspar non seulement entreprit en 1785 un long voyage vers Berne, Lausanne et Genève pour rassembler toutes les informations disponibles et à la suite duquel il magnétisa sa femme avec prudence et succès, mais entretint aussi une correspondance fournie avec des médecins suisses, qu’ils fussent favorables ou non à la nouvelle cure34. Membre de la Société helvétique, Lavater pouvait compter sur l’appui de Jakob Sarasin (aussi adepte de Cagliostro), du Badois Johann Georg Schlosser (1739-1799), du Colmarien Gottlieb Konrad Pfeffel (1736- 1809), du Bâlois Isaak Iselin (1728-1782) et du pasteur zurichois Johann Konrad Pfenninger (1747-1792). Bien que partisan infatigable de Puységur, Lavater ne fut pas soutenu par lui : Puységur, qui se voulait un homme de science, était rebuté par sa quête du miracle35.

    32Même s’il refusa la paroisse St. Angarius de Brême, Lavater s’y rendit en 1786 et y fut reçu avec enthousiasme. Il y convertit au somnambulisme magnétique le médecin de la ville Arnold Wienholt (1749-1804), lequel guérit Catherine Albers et publia son récit de guérison dans le Hannoverisches Magazin (Magazine de Hanovre) de 1787. Wienholt acquit à la nouvelle cure les médecins Heinrich Wilhelm Olbers (1758- 1840) – lui-même engagé dans la presse éclairée –, Gottfried Reinhold Treviranus et Johann Heineken qui se mirent à magnétiser durablement selon Puységur36. La polémique imprimée pour ou contre Lavater se déployait dans un espace nord-allemand, qui donna naissance à un périodique spécifique, le Magnetisches Magazin für Niederteutschland (1787- 1789) [Magazine magnétique de Basse Allemagne].

    33La suractivité de Lavater ne manqua toutefois pas d’agacer, jusque dans le cercle des théologiens de Zurich. Même son ancien ami Johann Jakob Hess (1741-1828) proposa de suspendre les réunions sur le magnétisme. La polémique avait deux objets essentiels : la tentative de Lavater de sauver le miracle des atteintes rationalisatrices des Lumières, et l’exercice d’un piétisme indifférent aux barrières confessionnelles chrétiennes. Dès son séjour à Brême parurent des réfutations véhémentes de ses positions37.

    34La polémique transforma le cas Lavater en une affaire allemande. Frédéric II de Prusse avait, pour justifier ses guerres contre l’impératrice Marie-Thérèse, tenté de recourir à la veine d’un patriotisme protestant. Faisant fi des Lumières catholiques sud-allemandes, des partisans berlinois des Lumières avaient glosé sur le cas Gassner, présenté comme une incarnation du caractère sud-allemand « retardé » et « superstitieux ». Friedrich Nicolai (1733-1811), directeur de la publication de l’Allgemeine deutsche Bibliothek, publia dès 1775 les articles sur les « diabolisations38 ». L’attaque berlinoise redoubla lorsque Lavater, maladroitement, tenta de convertir le juif Moses Mendelssohn (1729-1786), membre de la Société du Mercredi dont l’organe était la puissante Berlinische Monatsschrift dirigée par Johann Erich Biester (1749-1816). Dans un article anonyme très remarqué, Franz Michael Leuchsenring (1746-1827), un Berlinois membre de la Société helvétique, dénonça haut et fort en son ancien ami Lavater un « prosélyte » et « jésuite déguisé39 ». Il déclencha une guerre de plumes entre les Berlinois Nicolai et Biester d’un côté, de l’autre Lavater et ses amis, lesquels retournèrent dos à dos les étiquettes confessionnelles. La fixation de la polémique sur le personnage inclassable de Lavater en recouvrait l’objet.

    35Au lendemain de la condamnation du mesmérisme par l’Académie des sciences de Paris, le médecin et franc-maçon Christoph Wilhelm Hufeland loua dans le Teutscher Merkur les rapports de l’enquête et réitéra son verdict : le mesmérisme devait être rapporté à « des effets d’une imagination malade40 ». Johann Erich Biester ouvrit une campagne en janvier 1785 dans la Berlinische Monatsschrift qui se prolongea jusqu’en 1790. Par le truchement de Lavater, le jésuitisme désignait le danger d’une infiltration des territoires allemands par un magnétisme irrationnel, démasqué en France. La série d’articles culmina en février 1788 dans un texte sur « La Société magnétique en mascarade » (en français dans le texte). Dans ce cortège costumé censé s’être déroulé à Berlin lors du carnaval, défilaient la « Société Harmonique des Amis Réunis » (en français dans le texte) personnifiée sous les traits de « La folie », suivie du « Médecin magnétisant » (« vêtu tout comme les docteurs en médecine de Paris, le bâton magnétique à la main »), derrière un « Baquet » (en français dans le texte) ; les suivaient un abbé, un pèlerin et une nonne – représentant le catholicisme –, deux Strasbourgeoises en costume local et un membre du Conseil de cette ville (renvoyant à la société de dames oisives clientes du somnambulisme magnétique auquel elles sacrifiaient leur vertu, au profit de l’administration urbaine), une Espagnole (personnification de la Compagnie de Jésus et de l’Inquisition), un procurateur notant le tout par écrit « avec une main tremblante », et un Juif boitant (allusion à Mendelssohn ?). Arrivée devant la Loge royale, La folie toucha de son bâton de fou le médecin magnétiste, lequel magnétisa des malades qui se mirent à danser. Ce dernier comme le procurateur qui couchait par écrit les paroles prophétiques des magnétisés, étaient les exécutants des intentions secrètes d’« un Supérieur inconnu41 ».

    36La crainte d’une conspiration ourdie par le magnétisme strasbourgeois et Lavater n’était pas qu’un pur produit journalistique. Dès le 15 mars 1784, avant même donc la condamnation parisienne de la « doctrine » de Mesmer, un élève de Kant à Königsberg, Friedrich Victor Leberecht Plessing, écrivit à son ancien maître :

    « Les jésuites sont par excellence ceux qui, en tant qu’ennemis de la raison et de la félicité humaine, se livrent à leurs occupations à présent sous toutes les formes et connexions possibles. Cet ordre est plus puissant que jamais ; il agit partout, chez les f-r-c-m-ç-n-s, chez les catholiques et les protestants. On rapporte qu’un roi protestant est même un j-s-t caché : ces esprits infernaux ont empoisonné les cœurs des rejetons de maisons princières et princes d’Empire42. »

    37La peur de la conspiration avait un arrière-plan politique. Le nouveau roi de Prusse Frédéric-Guillaume II (1744-1786-1797) avait en 1789 été acquis à l’orientation mystique du mesmérisme par son intendant-général des chaussées, Moritz von Brühl (1746-1811), ancien membre d’une loge maçonne dresdoise, correspondant de la SHAR : le cœur-même de l’État prussien semblait atteint par les formes irrationnelles du magnétisme animal. L’article de la Berlinische Monatsschrift dénonçait la manipulation subversive de la SHAR par un « Supérieur inconnu ». Or ce terme renvoyait à l’ordre franc-maçon de la stricte observance repris dans l’ordre des Illuminés dits de Bavière43.

    Illuminés, mesmérisme et somnambulisme magnétique

    38Le 10 août 1786, Charles-Pierre Savalette de Langes (1746-1797) écrivit dans une lettre à François-Marie Chefdebien :

    « Dr Starck se plaint que depuis quelques années on traite de jésuites tous les maçons qui s’occupent de théosophie, et que les Allemands présentent comme tels les hommes véritablement instruits qui se livrent aux chimères des charlatans. Quoi qu’il n’approuve pas en entier les livres de Saint-Martin qu’il appelle M. Martin, il leur trouve cependant les caractères de la vraie Science et nous conseille plus de confiance dans leur auteur44. »

    39Charles-Pierre Savalette de Langes était le fondateur et le chef de la loge parisienne Les Amis Réunis. Son ami Chefdebien, qui semble avoir à Narbonne pratiqué un somnambulisme divinatoire, rendit visite à Cagliostro pour tenter de l’inviter aux Philalèthes en 1785. Partisan de Mesmer après avoir soutenu les exorcismes de Gassner, Johann August Starck (1741-1816) était accusé de jésuitisme par la Berlinische Monatsschrift, ce qui le morfondit à tel point qu’il publia une ample réfutation45. Élève de Mesmer, ami de Court de Gébelin et membre de l’Harmonie universelle, Savalette suivait le débat allemand ; depuis 1782, il était en contact avec l’ordre des Illuminés dont il devint membre en août 1787.

    40La piste mène donc vers l’ordre des Illuminés, alors en pleine crise suite à ses condamnations par le gouvernement de Bavière, et que Johann Joachim Christoph Bode (1731-1793) tentait de réorganiser. À l’invitation de Savalette, Bode entreprit une mission secrète vers Paris pour y assister au convent des Philalèthes. Il profita de cette occasion pour étudier les perspectives d’implantation locale de l’ordre des Illuminés et s’intéressa au mesmérisme sur lequel il interrogea les francs-maçons rencontrés46. Bode émaille son diaire d’impressions de lecture d’ouvrages de Lavater, de notes sur le magnétisme et le somnambulisme qu’il disait avoir vu de ses propres yeux à Strasbourg puis à Paris et dont il voulait confier la tâche à de vrais médecins47. Sa route passa par le pays de Bade et Strasbourg. À Bruchsal, il soupa le 15 juin 1787 avec Wucherer, traducteur allemand de Mesmer et membre de l’ordre des Illuminés, et s’entretint des expériences sur le somnambulisme à la cour du margrave de Bade48. À Strasbourg même, il rencontra Lutzelbourg, le « chef des magnétiseurs d’ici49 », et mesura l’ampleur de la vogue magnétique et somnambulique dans les milieux maçonniques. Bernard-Frédéric de Turckheim et Metzler, l’archiviste de la ville, la déploraient comme lui et se persuadaient « que ces sciences cachées et secrètes sont des embûches tendues par les jésuites aux francs-maçons50 ».

    41Le danger n’était pas seulement externe. Il minait bien plus l’ordre des Illuminés. Le libraire strasbourgeois Frédéric-Rodolphe Salzmann – adepte de la stricte observance, membre de la loge de Savalette et acquis au somnambulisme divinatoire – était conseiller de légation à la cour de Saxe-Meiningen. Au convent de Wilhelmsbad à l’été 1782, il rencontra le médecin Diethelm Lavater (frère de Johann Caspar Lavater), et Franz Christian von Dürckheim (1729-1807), grand maître provincial de la Ve province templière, membre du Conseil secret et grand intendant de la cour de Saxe-Meiningen. En 1784, ce dernier devient membre de l’ordre des Illuminés et son chef à Meiningen. La cour de Saxe-Meiningen devint peut-être un des centres de côtoiement des Illuminés et du somnambulisme magnétique. Franz Christian von Dürckheim fut initié au magnétisme puységurien par son cousin Carl Ludwig von Dürckheim (1740-1789) le 25 août 1787 dans la ville de cure de Gemünd conformément aux principes de la SHAR51.

    42Le 28 juin 1786, Carl Ludwig von Dürckheim avait été reçu en qualité d’élève à la SHAR. Après avoir demandé dès le 4 août à être initié, il fut admis comme membre associé initié. Le 4 septembre 1786, il adressait ces lignes à la SHAR :

    « Je vous prie de m’accorder la permission d’initier les personnes que je jugerai dignes, tant par leurs meurs [sic], que par leurs autres qualités, à exercer dans notre art. Cette permission m’est d’autant plus nécessaire, que j’habite un Paÿ où le magnétisme est encore absolument inconnu, et que je serais le seul qui pourrait le pratiquer [… ]52. »

    43La polémique médiatique antijésuite renvoyait ainsi à une crise de la franc-maçonnerie française, écartelée entre une frange dirigée par Savalette qui voulait diriger la maçonnerie ésotérique, et une fraction spiritualiste incarnée par Willermoz53. À Strasbourg, la question de l’ésotérisme devint même une telle source de tensions que La Candeur finit par se diviser entre un noyau stable derrière Lutzelbourg et François-Marie de Landsperg (1739- 1820) – tous deux magnétiseurs –, et une frange de « mystiques » qui comptait aussi des magnétiseurs et rejoignit l’Ordre des chevaliers bienfaisants de la cité sainte54. Recouverte et accentuée par le magnétisme, cette tension traversait les milieux locaux55 et via Strasbourg menaçait de s’étendre en Allemagne où l’ordre des Illuminés traversait lui-même une crise profonde.

    *

    44Pour les contemporains du début du xixe siècle, il ne faisait nul doute que le magnétisme animal s’était développé sous la forme d’un transfert savant franco-allemand. À Vienne d’où il était originaire et de nouveau de passage, Mesmer fut interpellé par Mozart : à la fin de l’acte i de Così fan tutte (1790), la servante Despina déguisée en médecin mesmérien proclame

    « Voici le morceau d’aimant / que l’on appelle la pierre de Mesmer ; / elle est originaire d’Allemagne, / mais c’est en France / qu’elle a acquis sa célébrité56… »

    45À Berlin, le directeur de la Charité et médecin personnel du roi de Prusse Frédéric-Guillaume III, Christoph Wilhelm Hufeland, s’exprimait ainsi dans son périodique de médecine :

    « Né en Allemagne, le magnétisme fut dès son enfance banni de sa patrie au-delà du Rhin ; en France, il fut adoré par un parti comme un pouvoir miraculeux, abaissé par un autre parti comme de la jonglerie57, et déclaré par le troisième comme… non existant. Ré-accueilli dans sa patrie après une longue série d’années, de nouveau assigné au domaine de la vérité par la recherche calme, rigoureuse et profonde de médecins et philosophes allemands, il apparaît comme un objet scientifique de grande valeur et une conquête primordiale de l’art de la médecine58. »

    46Or Hufeland devait ses renseignements sur Mesmer au médecin suisse Joseph Anton Zugenbühler de Glarus qui avait rendu personnellement visite à Mesmer.

    47Mis en branle après une rupture – la condamnation par l’Académie des sciences parisienne –, propagés par des réseaux diffus et des personnalités en marge, les transferts mis en jeu par le mesmérisme s’inscrivirent dans une hantise de la conspiration emboîtée dans des réseaux secrets en crise (la franc-maçonnerie, les Illuminés) et personnalisée dans un rejet du « jésuitisme » et de l’action de Lavater – alors même que ce dernier n’avait jamais adhéré à la franc-maçonnerie et n’avait soutenu que brièvement le somnambulisme divinatoire. Lavater fut véritablement un médiateur malgré lui.

    48Ils engagèrent une recomposition du savoir. Mesmer et Puységur étaient des hommes des Lumières soucieux de philanthropie et réticents à toute spéculation mystique. En tant que théologien, Lavater promouvait avec force un savoir influencé par l’Aufklärung – une approche historique et critique du texte biblique, une foi individuelle faisant place à l’expérience, au sentiment et à la tolérance – tout en s’en écartant sur la question centrale du miracle. Vers 1780, les acteurs du magnétisme ne se définissaient pas comme Français, Allemands resp. Suisses, mais comme membres d’une communauté sud-ouest germanophone. À l’issue de notre période, c’est néanmoins en termes nationaux que fut jugé le somnambulisme. Sa transmission – publique, privée et secrète – s’était opérée sur fond de nationalisation et par abandon, voire rejet de certains traits des Lumières.

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    Ill. 10. – Le doigt magique ou le magnétisme animal. Simius semper simius, s. n. s. d., gravure à l’eau-forte. Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie.

    49Élaborée après la condamnation du mesmérisme par l’Académie royale des sciences de Paris, cette estampe suggère la dimension érotique de la nouvelle thérapie par le geste des doigts près de la femme et tourne en dérision le thérapeute, espèce de mage mi-âne (sa tête), mi-singe (la devise simius semper simius, le singe est toujours un singe).

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    Ill. 11. – Daniel Chodowiecki, « Der Magnetiseur », in Karl von Knobloch, Taschenbuch für Aufklärer und Nicht-Aufklärer, Berlin, Unzer, 1791, planche entre les p. 44 et 45. Universitätsbibliothek Düsseldorf.

    50La version allemande diffère sensiblement des gravures françaises, témoignant de complexes transferts. Si elle dénonce aussi la dimension érotique de la thérapie par les gestes du thérapeute sur la femme, elle vise le « magnétiseur » adepte du magnétisme somnambulique, et est inséré dans un volume qui critique les cures du curé Gassner, le succès de Lavater et les évocations de spectres.

    Notes de bas de page

    1 Rappelons que la suppression de la Compagnie de Jésus en 1773 dans le Saint-Empire fut sans grande conséquence dans le Brandebourg-Prusse, qui ne reconnaissait guère les décisions pontificales. Je remercie chaleureusement David Armando et Bruno Belhoste pour leurs lectures très suggestives de cette contribution, et pour avoir mis à ma disposition une masse documentaire considérable.

    2 [Mirabeau Honoré-Gabriel de Riqueti de], Lettre du comte de Mirabeau à *** sur M.M. de Cagliostro et Lavater, Berlin, François de Lagarde, 1786, p. 31. Il s’en prenait aux sciences occultes et à Mesmer. Selon Hermann Schüttler, Mirabeau était membre de l’ordre des Illuminés dits de Bavière et travaillait avec sa cheville ouvrière Bode à une traduction française de documents de l’ordre. Voir Bode Johann Joachim Christoph, Journal von einer Reise von Weimar nach Frankreich. Im Jahr 1787, éd. Hermann Schüttler, Munich, ars una, 1994, p. 90.

    3 Voir Sziede Maren et Zander Helmut, « Von der Dämonologie zum Unbewussten. Die Transformation der Anthropologie um 1800. Perspektiven auf eine gesellschaftliche Innovation durch„ nichthegemoniale“Wissensproduktion », in Maren Sziede et Helmut Zander (dir.), Von der Dämonologie zum Unbewussten. Die Transformation der Anthropologie um 1800, Berlin et al., De Gruyter, coll. « Okkulte Moderne, 1 », 2015, p. vii-xxii.

    4 C’est ainsi que Markus Meumann qualifie la tension entre les tendances publique et secrète de la franc-maçonnerie au xviiie siècle, secondairement entre les cultures orale et écrite. Voir Meumann Markus, « Logenreden und Übungslogen. Zur Praxis des Sprechens und Schreibens über vorgegebene Themen in der Freimaurerei des 18. Jahrhunderts », Aufklärung, numéro spécial Aufsatzpraktiken im 18. Jahrhundert, dir. Markus Meumann et Olaf Simons, n° 28, 2016, p. 239-274, ici p. 249-252. D’emblée, le mesmérisme fut en effet débattu dans le Journal de Paris.

    5 Sur le mesmérisme, on consultera avant tout Belhoste Bruno et Edelman Nicole (dir.), Mesmer et mesmérismes. Le magnétisme animal en contexte, Montreuil, Omniscience, coll. « Histoire des savoirs », 2015. On trouvera aussi quantité de renseignements sur le site internet dirigé par Bruno Belhoste et David Armando dans le cadre du Labex Hastec, [https://harmoniauniversalis.univ-paris1.fr/#/].

    6 Gantet Claire, « Entre les Lumières du sud-ouest germanophone et la Naturphilosophie berlinoise. La diffusion du somnambulisme entre 1780 et 1810 », xviii.ch, n° 7, 2016, p. 77-94, auquel je renvoie pour de plus amples références bibliographiques.

    7 Ainsi Mémoire sur la découverte du magnétisme animal, par M. Mesmer, Docteur en médecine de la faculté de Vienne, Genève et al., Didot, 1779.

    8 Liste des seigneurs et des dames, venus aux Eaux Minérales de Spa l’an 1782, Liège/Spa, De Bollen fils, s. d., n° 8, Spa, le 7 juillet 1782.

    9 Annales de la Société harmonique des amis réunis de Strasbourg, ou Cures que des Membres de cette Société ont opérées par le Magnétisme Animal, Strasbourg, 1789.

    10 Sous le nom d’Eques a Pino, Lutzelbourg entra avec Jean de Turckheim dans l’Ordre des chevaliers bienfaisants de la cité sainte, fondé par Jean-Baptiste Willermoz, et y fut vicaire général de la Ve Province. Il soutint Cagliostro lors de son séjour à Strasbourg. L’attribut Amis Réunis faisait peut-être écho à une loge parisienne fondée en 1771 par Savalette de Langes, dont la classe la plus élevée était les Philalèthes, créée en 1775.

    11 Membres fondateurs de la Société harmonique des Amis réunis aussi membres actifs de La Candeur : Amand de Puységur, Comte de Lutzelbourg, le Baron François-Marie de Landsperg, le Baron Jean de Turckheim, le chevalier François-Joseph-Louis de Klinglin d’Essers (1740-apr. 1792, épouse la fille d’Antoine-Joseph de Luzelbourg), le Baron Philippe-Frédéric de Dietrich (1748-1793). Sont aussi membres des deux sociétés Bernard Frédéric de Turckheim (1752-1831, frère cadet de Jean) et le Baron Joseph-Ignace-Christophe de Klinglin (1734-1815, membre initié associé). Liste des membres de la Société harmonique des amis réunis de Strasbourg dans Hugueny Charles-A., Système de la nature, recherche des bases qui constituent et des lois qui gouvernent l’univers physique et moral et l’homme en particulier, par un étudiant de 90 ans, C. H. Nancy, Berger-Levrault, 1890, p. 28-33 et sur [https://mesmerisme.herokuapp.com/#/institution/5402d9d56a6a5c563d000010], consulté le 23 octobre 2017.

    12 Le comte Guillaume-Frédéric-Philippe et son frère Louis-Frédéric étaient membres fondateurs de la SHAR, leurs parents Frédéric-Eugène et son épouse Frédérique-Dorothée membres associés initiés.

    13 Voir Annales de la Société harmonique des amis réunis, op. cit., 1789.

    14 Pour l’ensemble de ce paragraphe, voir Funck Heinrich, Johann Kaspar Lavater und der Markgraf Karl Friedrich von Baden, Fribourg en Br., Mohr, 1890, p. 12-17. De 1752 à 1774, le château de Karlsruhe (résidence depuis 1715) fut considérablement réaménagé. Devenu en 1777 prince-électeur de Bavière, Charles-Théodore (1724-1742-1799) migra vers Munich.

    15 Reuss Christian Friedrich, Sammlung der neuesten wichtigsten Nachrichten von Kurmagneten, vorzüglich der Mesmerischen, Leipzig, 1778.

    16 Notamment Gmelin Eberhard, Über thierischen Magnetismus, Tübingen, Heerbrandt, 1787.

    17 Germann Dietrich (dir.), Schillers Werke. Nationalausgabe, t. XLII, Gespräche, Weimar, Böhlau, 1967, p. 166.

    18 Gmelin Eberhard Gmelin, « Geschichte einer magnetischen Schlafrednerin (1789) », in id., Materialien für die Anthropologie. Untersuchungen über den Thierischen Magnetismus und über die Einfache Behandlungsart, ihn nach gewissen Regeln zu leiten und zu handhaben, Heilbronn, 1793, t. II, p. 1-365 ; Schubert Gotthilf Heinrich, Ansichten von der Nachtseite der Naturwissenschaft, Dresde, Arnold, 1808, p. 344. Sur Kleist et « Das Käthchen von Heilbronn », voir Weder Katharine, Kleists magnetische Poesie. Experimente des Mesmerismus, Göttingen, Wallstein, 2008, not. p. 116.

    19 Wolfart Karl Christian, Mesmerismus oder System der Wechselwirkungen. Theorie und Anwendung des thierischen Magnetismus als die allgemeine Heilkunde, Berlin, Nicolai, 1814.

    20 Benz Ernst, Franz Anton Mesmer (1734-1815) und seine Ausstrahlung in Europa und Amerika, Munich, Wilhelm Fink, coll. « Abhandlungen der Marburger gelehrten Gesellschaft, 1973, 2 », 1976, p. [16].

    21 « Nachschrift », Allgemeine deutsche Bibliothek, n° 26/1, 1775, p. 190-192.

    22 [Mesmer Franz Anton], Sammlung der neuesten gedruckten und geschriebenen Nachrichten von Magnet-Curen, vorzüglich der Mesmerischen, Leipzig, Hilscher, 1778.

    23 Deslon Charles, Discours prononcé en l’assemblée de la Faculté de Médecine de Paris le 18 septembre 1780, s. l. n. d. ; id., Observations sur le magnétisme animal, Londres et al., Didot, 1780 ; Horne [Jacques] de, Réponse d’un médecin de Paris à un médecin de province, sur le prétendu magnétisme animal de M. Mesmer, Vienne et al., Delalain le jeune, 1780 ; Paulet Jean-Jacques, Les Miracles de Mesmer, s. l. n. d. : reprint de deux recensions de la Gazette de santé sur les deux libelles de Deslon.

    24 Paulet Jean-Jacques, Antimagnetismus oder Ursprung, Fortgang, Verfall, Erneuerung und Widerlegung des thierischen Magnetismus. Aus dem Französischen übersetzt, Gera, Rothe, 1788.

    25 Ainsi le recours à des personnages fictifs affectionnés, comme Figaro récemment mis en scène par Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, dont La Folle Journée, ou le Mariage de Figaro (1778) avait rencontré un succès retentissant. Voir Brack, Lettre de Figaro au comte Almaviva sur la crise du magnétisme animal, avec des détails propres à fixer enfin l’opinion sur l’inutilité de cette découverte ; nouvelle édition […] traduite[s] de l’espagnol, Madrid et al., 1784. Ce libelle porte donc une fausse adresse [Madrid] et est une fausse traduction [de l’espagnol]. L’étude de ces traductions ou pseudo-traductions fera l’objet d’une recherche ultérieure.

    26 Pour les références bibliographiques, voir Gantet Claire, « Ni pédants, ni amateurs ? Les journaux de psychologie dans l’Allemagne du dernier tiers du xviiie siècle », Gesnerus, n° 73/2, 2016, p. 238-255.

    27 Voir la correspondance entre Mesmer et Wucherer : [http://kalliope.staatsbibliothek-berlin.de/de/ query?q=ead.addressee.gnd%3D%3D%22117429546%22], consultée le 2 mars 2018. Mesmer Franz Anton, Précis historique des faits relatifs au magnétisme animal jusques en Avril 1781, trad. de l’allemand, Londres [fausse adresse], 1781.

    28 Herrn Mesmer Doctors der Arzneigelahrtheit und Mitglied der Medicinischen Facultat in Wien Abhandlung uber die Entdeckung des thierischen Magnetismus, Karlsruhe, Macklot, 1781 ; Deslon Charles-Nicolas, Beobachtungen über den thierischen Magnetismus, Karlsruhe, Macklot, 1781 ; Herrn Mesmers Kurze Geschichte des thierischen Magnetismus bis April 1781, Karlsruhe, Macklot, 1783 ; Lehrsäzze des Herrn Mesmer ‘s so wie er sie in den geheimen Versammlungen der Harmonia mitgetheilt hat, und worinnen man seine Grundsätze, seine Theorie, und die Mittel findet selbst zu magnetisiren (éd. Louis Caullet de Veaumorel [1743 ?-], Médecin de la Maison de Monsieur), Strasbourg, Akademische Buchhandlung, 1785 (trad. all. des Aphorismes de M. Mesmer, dictés à l’assemblée de ses élèves, Paris, Quinquet, 1785).

    29 Kant Immanuel, « Beantwortung der Frage : Was ist Aufklärung ? », Berlinische Monatsschrift, décembre 1784, p. 481-494.

    30 « Etwas über Cagliostro », Journal für Freimaurer, 5786 [i. e. 1786], 1er sem., p. 216-238 ; Wieland Christoph Martin, « Vermuthliche Aufklärung des Problems wie der Graf Cagliostro seine hermetische Weisheit von Ägyptischen Priestern bekommen haben könne », Der Teutsche Merkur, 1786, 3e sem., p. 93-96 ; « Cagliostros ägyptische Pyramiden », Berlinische Monatsschrift, vol. 7, janvier-juin 1786, p. 566-568 : cite p. 267-268 le Journal de Paris, 9 mars 1786, p. 274. Voir Bauer Joachim et Müller Gerhard, « Von Johnssen zu Cagliostro. Freimaurerische„ Hochstapler“und arkanpolitische Machtakkumulation im 18. Jahrhundert », Aufklärung, n° 15, 2003, p. 67-104 ; [https://mesmerisme.herokuapp.com/#/personne/5727986e2c3b55563d000001], consulté le 27 octobre 2017.

    31 C’était la classe la plus élevée de la loge Les Amis Réunis fondée par Charles-Pierre Savalette de Langes en 1775 et qui ambitionnait de créer une science maçonnique.

    32 Voir Grassl Hans, Aufbruch zur Romantik. Bayerns Beitrag zur deutschen Geistesgeschichte, 1765-1785, Munich, Beck, 1968 ; Midelfort Erik, Exorcism and Enlightenment. Johann Joseph Gassner and the Demons of Eighteenth-Century Germany, New Haven et al., Yale University Press, 2005 ; Viatte Auguste, Les sources occultes du romantisme. Illuminisme, théosophie, 1770-1820, t. I : Le préromantisme, Paris, Champion, 1928.

    33 Milt Bernhard, Franz Anton Mesmer und seine Beziehungen zur Schweiz. Magie und Heilkunde zu Lavaters Zeit, Zurich, Leemann, « Mitteilungen der antiquarischen Gesellschaft in Zürich, 38/1 », 1953, p. 53. Mesmer pensait que Gassner utilisait sans le savoir les propriétés du magnétisme.

    34 Gantet Claire, « Entre les Lumières », art. cité, pour les références bibliographiques.

    35 Voir notamment les lettres de Puységur à Lavater du 04-10-1785 et du 11-09-1785, in Puységur A. M. J., Du magnétisme animal, considéré dans ses rapports avec diverses branches de la Physique générale, Paris, Cellot, 1807, p. 245-249, ici p. 248, et 252-257, ici p. 254.

    36 Wienholt Arnold, Beytrag zu den Erfahrungen über den thierischen Magnetismus, Hambourg, Hoffmann, 1787 ; id., Die Heilkraft des thierischen Magnetismus nach eigenen Erfahrungen, 3 Teile. Nach dem Tode des Verfassers aus dessen literarischem Nachlaß hg. von Johann Christian Friedrich Scherf, Lemgo, Meyer, 1802-1806. C’est lui qui convainquit Kleist.

    37 Ainsi sans exhaustivité : Briefe von Johann Caspar Lavater und an Ihn und seine Freunde, Betreffend Lavaters Ruf nach Bremen und die in Bremen versuchte Desorganisation zweyer jungen Frauenzimmer nebst einem merkwürdigen Briefe J. C. Lavaters an den berüchtigten Teufelsbanner Joseph Gaßner, v. 3. May 1777, Brême et al., 1787 ; Lappenberg Samuel Christian, Apologie des Herrn Johann Caspar Lavaters, dessen Schwärmerey, Katholicismus, und des durch ihn in Bremen eingeführten Magnetismus, Brême et al. (i. e. Lübeck), [Niemann], 1787.

    38 « Zauberey », Allgemeine deutsche Bibliothek, t. XXIV, 1775, p. 608-610 ; « Von den Teufeleyen », Ibid., t. XXVII, 1776, p. 596-598 et 28, 1776, p. 278-303. Voir pour les références suivantes Gantet Claire, « Entre les Lumières », art. cité, p. 88.

    39 Ibid., p. 88-89.

    40 Hufeland Christoph Wilhelm, « Mesmer und sein Magnetismus », Der Teutsche Merkur, octobre 1784, p. 60-90, ici p. 64, suite p. 160-178. Hufeland adhéra à la loge de Göttingen Augusta zu den drei Flammen en juin 1783 et à l’ordre des Illuminés en décembre 1784 par l’action de Bode. Voir The Gotha Illuminati Research Base, coord. Olaf Simons, [https://projekte.uni-erfurt.de/ illuminaten/Christoph_Wilhelm_Friedrich_Hufeland], consulté le 27 octobre 2017.

    41 Berlinische Monatsschrift, février 1788, p. 83. Voir Ego Anneliese, Magnetische Auftritte, ideologische Konflikte, op. cit., p. 209 ; Klausnitzer Ralf, Poesie und Konspiration. Beziehungssinn und Zeichenökonomie von Verschwörungsszenarien in Publizistik, Literatur und Wissenschaft, 1750-1850, Berlin/New York, De Gruyter, coll. « Spectrum, 13 », 2012, p. 329-330.

    42 Friedrich Victor Leberecht Plessing à Immanuel Kant, lettre du 15 mars 1784, in Königlich Preußische Akademie der Wissenschaften (éd.), Kants Briefwechsel (1747-1788), 2. Abt., vol. 1, coll. « Kants gesammelte Schriften, 10 », Berlin, De Gruyter, 1922, p. 371-372.

    43 Voir la contribution de Markus Meumann dans le présent volume. Je nomme cette société secrète les Illuminés.

    44 Paris, 10 août 1786. D’après Amadou Robert (éd.), Les Philalèthes et alentours, Laval, CIREM, 1997, p. 1.

    45 Starck Johann August, Über Krypto-Katholicismus, Proselytenmacherey, Jesuitismus, geheime Gesellschaften und besonders von den ihm selbst von den Verfassern der Berliner Monatsschrift gemachten Beschuldigungen mit Acten-Stücken belegt, 2 vol., Francfort-sur-le-Main et al., Fleischer, 1787.

    46 Voir Beaurepaire Pierre-Yves, « Le baquet entre l’équerre et le compas. Luttes d’influence maçonnique autour du magnétisme animal et des Sociétés de l’Harmonie », Annales historiques de la Révolution française, n° 391, 2018, p. 105-127.

    47 Bode Johann Joachim Christoph, op. cit., et id. (Aemilius), op. cit., février 1788, 15. Voir « Neue Beobachtungen über den Thier-Magnetismus ; aus dem Tagebuch eines Reisenden », Journal des Luxus und der Moden, mai 1788, p. 153-184.

    48 Schüttler Hermann, in Bode J. J. C., Journal, op. cit., 15 juin 1787.

    49 Ibid., 18 juin 1787.

    50 Ici en réponse à Savalette, ibid., p. 100.

    51 Franz Christian Eckbrecht von Dürckheim était membre du Conseil secret et Grand-Maître (Oberhofmeister) à la cour de Saxe-Meiningen. Cofondateur de la Loge Charlotte zu den drei Nelken à Meiningen, il était membre de la stricte observance sous le nom « ab Arcu », « Eques Professus » et préfet à Rothenburg, c’est-à-dire Meiningen. Il fut nommé « Heermeister » en 1777 de la Ve province de Bourgogne ; il devint en 1784 membre de l’ordre des Illuminés et chef de l’ordre à Meiningen. Voir Schüttler Hermann, op. cit., p. 66, n. 154. Certificats de magnétisme reproduits dans Amadou Robert, op. cit., n. p.

    52 BNUS, Ms. 1432, f. 77 et 94.

    53 Voir Armando David et Belhoste Bruno, « Le mesmérisme entre la fin de l’Ancien Régime et la Révolution : dynamiques sociales et enjeux politiques », Annales historiques de la Révolution française, n° 391, 2018, p. 3-26, ici p. 18.

    54 Sur le cercle des magnétistes prophétiques à Strasbourg, voir Gantet Claire, « Des lumières », art. cité.

    55 « Ueber das Magnetisieren in Strasburg. (Aus dem Schreiben eines reisenden Arztes.) August 1787 », Berlinische Monatsschrift, t. X, novembre 1787, p. 458-477, « Zusatz » : Zenker, un chirurgien-barbier de passage à Strasbourg vante en août 1787 le mesmérisme (l’action de Würtz). Biester posta un « ajout » dans lequel il distingue trois courants à Strasbourg qui s’anathémisaient mutuellement, le mesmérisme dont il condamnait la soif de gloire et le goût du secret, le puységurisme de la SHAR porté par Lavater à la connaissance du public allemand, et une tendance spiritualiste pratiquant le somnambulisme divinatoire en français et en allemand qu’il condamnait fermement.

    56 « Questo è quel pezzo di calamita / pietra mesmerica, / ch’ebbe l’origine nell’Alemagna / che poi dì celebre / là in Francia fu. » Sur Mesmer à Vienne en 1790, voir Belhoste Bruno, « Franz Anton Mesmer : magnétiseur, moraliste et républicain », Annales historiques de la Révolution française, n° 391, 2018, p. 27-56, ici p. 32.

    57 En français dans le texte.

    58 Hufeland Christoph Wilhelm, Journal der practischen Arzneykunde und Wundarzneykunst, vol. 28, 1809, livraison 4, p. 123-124.

    Auteur

    • Claire Gantet
      Professeure d’histoire moderne à l’université de Fribourg (Suisse) depuis 2015 et actuellement présidente de la Société suisse pour l’étude du xviiie siècle (SSEDS/SGEAJ), après avoir été maître de conférences à l’université Paris 1 et collaboratrice scientifique de l’Académie des sciences et lettres de Göttingen dans un projet de recherche sur les périodiques savants de l’Aufklärung. Ses recherches portent actuellement sur le rêve à l’époque moderne (circulations des savoirs et pratiques liées au rêve, somnambulisme magnétique) et sur les périodiques savants (Leibniz et la presse savante, périodiques des années 1780-1820). Ses dernières monographies : Der Traum in der Frühen Neuzeit. Ansätze zu einer kulturellen Wissenschaftsgeschichte, Berlin/New York, 2010 ; avec Christine Lebeau, Le Saint-Empire, 1500-1800, Paris, 2018. Parmi ses derniers recueils collectifs : avec Kirstin Buchinger et Jakob Vogel (dir.), Europäische Erinnerungsräume. Zirkulationen zwischen Frankreich, Deutschland und Europa, Francfort-sur-le-Main, 2008 ; avec Flemming Schock (dir.), Zeitschriften, Journalismus und gelehrte Kommunikation im 18. Jahrhundert. Festschrift für Thomas Habel, Brême, 2014.
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    1 Rappelons que la suppression de la Compagnie de Jésus en 1773 dans le Saint-Empire fut sans grande conséquence dans le Brandebourg-Prusse, qui ne reconnaissait guère les décisions pontificales. Je remercie chaleureusement David Armando et Bruno Belhoste pour leurs lectures très suggestives de cette contribution, et pour avoir mis à ma disposition une masse documentaire considérable.

    2 [Mirabeau Honoré-Gabriel de Riqueti de], Lettre du comte de Mirabeau à *** sur M.M. de Cagliostro et Lavater, Berlin, François de Lagarde, 1786, p. 31. Il s’en prenait aux sciences occultes et à Mesmer. Selon Hermann Schüttler, Mirabeau était membre de l’ordre des Illuminés dits de Bavière et travaillait avec sa cheville ouvrière Bode à une traduction française de documents de l’ordre. Voir Bode Johann Joachim Christoph, Journal von einer Reise von Weimar nach Frankreich. Im Jahr 1787, éd. Hermann Schüttler, Munich, ars una, 1994, p. 90.

    3 Voir Sziede Maren et Zander Helmut, « Von der Dämonologie zum Unbewussten. Die Transformation der Anthropologie um 1800. Perspektiven auf eine gesellschaftliche Innovation durch„ nichthegemoniale“Wissensproduktion », in Maren Sziede et Helmut Zander (dir.), Von der Dämonologie zum Unbewussten. Die Transformation der Anthropologie um 1800, Berlin et al., De Gruyter, coll. « Okkulte Moderne, 1 », 2015, p. vii-xxii.

    4 C’est ainsi que Markus Meumann qualifie la tension entre les tendances publique et secrète de la franc-maçonnerie au xviiie siècle, secondairement entre les cultures orale et écrite. Voir Meumann Markus, « Logenreden und Übungslogen. Zur Praxis des Sprechens und Schreibens über vorgegebene Themen in der Freimaurerei des 18. Jahrhunderts », Aufklärung, numéro spécial Aufsatzpraktiken im 18. Jahrhundert, dir. Markus Meumann et Olaf Simons, n° 28, 2016, p. 239-274, ici p. 249-252. D’emblée, le mesmérisme fut en effet débattu dans le Journal de Paris.

    5 Sur le mesmérisme, on consultera avant tout Belhoste Bruno et Edelman Nicole (dir.), Mesmer et mesmérismes. Le magnétisme animal en contexte, Montreuil, Omniscience, coll. « Histoire des savoirs », 2015. On trouvera aussi quantité de renseignements sur le site internet dirigé par Bruno Belhoste et David Armando dans le cadre du Labex Hastec, [https://harmoniauniversalis.univ-paris1.fr/#/].

    6 Gantet Claire, « Entre les Lumières du sud-ouest germanophone et la Naturphilosophie berlinoise. La diffusion du somnambulisme entre 1780 et 1810 », xviii.ch, n° 7, 2016, p. 77-94, auquel je renvoie pour de plus amples références bibliographiques.

    7 Ainsi Mémoire sur la découverte du magnétisme animal, par M. Mesmer, Docteur en médecine de la faculté de Vienne, Genève et al., Didot, 1779.

    8 Liste des seigneurs et des dames, venus aux Eaux Minérales de Spa l’an 1782, Liège/Spa, De Bollen fils, s. d., n° 8, Spa, le 7 juillet 1782.

    9 Annales de la Société harmonique des amis réunis de Strasbourg, ou Cures que des Membres de cette Société ont opérées par le Magnétisme Animal, Strasbourg, 1789.

    10 Sous le nom d’Eques a Pino, Lutzelbourg entra avec Jean de Turckheim dans l’Ordre des chevaliers bienfaisants de la cité sainte, fondé par Jean-Baptiste Willermoz, et y fut vicaire général de la Ve Province. Il soutint Cagliostro lors de son séjour à Strasbourg. L’attribut Amis Réunis faisait peut-être écho à une loge parisienne fondée en 1771 par Savalette de Langes, dont la classe la plus élevée était les Philalèthes, créée en 1775.

    11 Membres fondateurs de la Société harmonique des Amis réunis aussi membres actifs de La Candeur : Amand de Puységur, Comte de Lutzelbourg, le Baron François-Marie de Landsperg, le Baron Jean de Turckheim, le chevalier François-Joseph-Louis de Klinglin d’Essers (1740-apr. 1792, épouse la fille d’Antoine-Joseph de Luzelbourg), le Baron Philippe-Frédéric de Dietrich (1748-1793). Sont aussi membres des deux sociétés Bernard Frédéric de Turckheim (1752-1831, frère cadet de Jean) et le Baron Joseph-Ignace-Christophe de Klinglin (1734-1815, membre initié associé). Liste des membres de la Société harmonique des amis réunis de Strasbourg dans Hugueny Charles-A., Système de la nature, recherche des bases qui constituent et des lois qui gouvernent l’univers physique et moral et l’homme en particulier, par un étudiant de 90 ans, C. H. Nancy, Berger-Levrault, 1890, p. 28-33 et sur [https://mesmerisme.herokuapp.com/#/institution/5402d9d56a6a5c563d000010], consulté le 23 octobre 2017.

    12 Le comte Guillaume-Frédéric-Philippe et son frère Louis-Frédéric étaient membres fondateurs de la SHAR, leurs parents Frédéric-Eugène et son épouse Frédérique-Dorothée membres associés initiés.

    13 Voir Annales de la Société harmonique des amis réunis, op. cit., 1789.

    14 Pour l’ensemble de ce paragraphe, voir Funck Heinrich, Johann Kaspar Lavater und der Markgraf Karl Friedrich von Baden, Fribourg en Br., Mohr, 1890, p. 12-17. De 1752 à 1774, le château de Karlsruhe (résidence depuis 1715) fut considérablement réaménagé. Devenu en 1777 prince-électeur de Bavière, Charles-Théodore (1724-1742-1799) migra vers Munich.

    15 Reuss Christian Friedrich, Sammlung der neuesten wichtigsten Nachrichten von Kurmagneten, vorzüglich der Mesmerischen, Leipzig, 1778.

    16 Notamment Gmelin Eberhard, Über thierischen Magnetismus, Tübingen, Heerbrandt, 1787.

    17 Germann Dietrich (dir.), Schillers Werke. Nationalausgabe, t. XLII, Gespräche, Weimar, Böhlau, 1967, p. 166.

    18 Gmelin Eberhard Gmelin, « Geschichte einer magnetischen Schlafrednerin (1789) », in id., Materialien für die Anthropologie. Untersuchungen über den Thierischen Magnetismus und über die Einfache Behandlungsart, ihn nach gewissen Regeln zu leiten und zu handhaben, Heilbronn, 1793, t. II, p. 1-365 ; Schubert Gotthilf Heinrich, Ansichten von der Nachtseite der Naturwissenschaft, Dresde, Arnold, 1808, p. 344. Sur Kleist et « Das Käthchen von Heilbronn », voir Weder Katharine, Kleists magnetische Poesie. Experimente des Mesmerismus, Göttingen, Wallstein, 2008, not. p. 116.

    19 Wolfart Karl Christian, Mesmerismus oder System der Wechselwirkungen. Theorie und Anwendung des thierischen Magnetismus als die allgemeine Heilkunde, Berlin, Nicolai, 1814.

    20 Benz Ernst, Franz Anton Mesmer (1734-1815) und seine Ausstrahlung in Europa und Amerika, Munich, Wilhelm Fink, coll. « Abhandlungen der Marburger gelehrten Gesellschaft, 1973, 2 », 1976, p. [16].

    21 « Nachschrift », Allgemeine deutsche Bibliothek, n° 26/1, 1775, p. 190-192.

    22 [Mesmer Franz Anton], Sammlung der neuesten gedruckten und geschriebenen Nachrichten von Magnet-Curen, vorzüglich der Mesmerischen, Leipzig, Hilscher, 1778.

    23 Deslon Charles, Discours prononcé en l’assemblée de la Faculté de Médecine de Paris le 18 septembre 1780, s. l. n. d. ; id., Observations sur le magnétisme animal, Londres et al., Didot, 1780 ; Horne [Jacques] de, Réponse d’un médecin de Paris à un médecin de province, sur le prétendu magnétisme animal de M. Mesmer, Vienne et al., Delalain le jeune, 1780 ; Paulet Jean-Jacques, Les Miracles de Mesmer, s. l. n. d. : reprint de deux recensions de la Gazette de santé sur les deux libelles de Deslon.

    24 Paulet Jean-Jacques, Antimagnetismus oder Ursprung, Fortgang, Verfall, Erneuerung und Widerlegung des thierischen Magnetismus. Aus dem Französischen übersetzt, Gera, Rothe, 1788.

    25 Ainsi le recours à des personnages fictifs affectionnés, comme Figaro récemment mis en scène par Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, dont La Folle Journée, ou le Mariage de Figaro (1778) avait rencontré un succès retentissant. Voir Brack, Lettre de Figaro au comte Almaviva sur la crise du magnétisme animal, avec des détails propres à fixer enfin l’opinion sur l’inutilité de cette découverte ; nouvelle édition […] traduite[s] de l’espagnol, Madrid et al., 1784. Ce libelle porte donc une fausse adresse [Madrid] et est une fausse traduction [de l’espagnol]. L’étude de ces traductions ou pseudo-traductions fera l’objet d’une recherche ultérieure.

    26 Pour les références bibliographiques, voir Gantet Claire, « Ni pédants, ni amateurs ? Les journaux de psychologie dans l’Allemagne du dernier tiers du xviiie siècle », Gesnerus, n° 73/2, 2016, p. 238-255.

    27 Voir la correspondance entre Mesmer et Wucherer : [http://kalliope.staatsbibliothek-berlin.de/de/ query?q=ead.addressee.gnd%3D%3D%22117429546%22], consultée le 2 mars 2018. Mesmer Franz Anton, Précis historique des faits relatifs au magnétisme animal jusques en Avril 1781, trad. de l’allemand, Londres [fausse adresse], 1781.

    28 Herrn Mesmer Doctors der Arzneigelahrtheit und Mitglied der Medicinischen Facultat in Wien Abhandlung uber die Entdeckung des thierischen Magnetismus, Karlsruhe, Macklot, 1781 ; Deslon Charles-Nicolas, Beobachtungen über den thierischen Magnetismus, Karlsruhe, Macklot, 1781 ; Herrn Mesmers Kurze Geschichte des thierischen Magnetismus bis April 1781, Karlsruhe, Macklot, 1783 ; Lehrsäzze des Herrn Mesmer ‘s so wie er sie in den geheimen Versammlungen der Harmonia mitgetheilt hat, und worinnen man seine Grundsätze, seine Theorie, und die Mittel findet selbst zu magnetisiren (éd. Louis Caullet de Veaumorel [1743 ?-], Médecin de la Maison de Monsieur), Strasbourg, Akademische Buchhandlung, 1785 (trad. all. des Aphorismes de M. Mesmer, dictés à l’assemblée de ses élèves, Paris, Quinquet, 1785).

    29 Kant Immanuel, « Beantwortung der Frage : Was ist Aufklärung ? », Berlinische Monatsschrift, décembre 1784, p. 481-494.

    30 « Etwas über Cagliostro », Journal für Freimaurer, 5786 [i. e. 1786], 1er sem., p. 216-238 ; Wieland Christoph Martin, « Vermuthliche Aufklärung des Problems wie der Graf Cagliostro seine hermetische Weisheit von Ägyptischen Priestern bekommen haben könne », Der Teutsche Merkur, 1786, 3e sem., p. 93-96 ; « Cagliostros ägyptische Pyramiden », Berlinische Monatsschrift, vol. 7, janvier-juin 1786, p. 566-568 : cite p. 267-268 le Journal de Paris, 9 mars 1786, p. 274. Voir Bauer Joachim et Müller Gerhard, « Von Johnssen zu Cagliostro. Freimaurerische„ Hochstapler“und arkanpolitische Machtakkumulation im 18. Jahrhundert », Aufklärung, n° 15, 2003, p. 67-104 ; [https://mesmerisme.herokuapp.com/#/personne/5727986e2c3b55563d000001], consulté le 27 octobre 2017.

    31 C’était la classe la plus élevée de la loge Les Amis Réunis fondée par Charles-Pierre Savalette de Langes en 1775 et qui ambitionnait de créer une science maçonnique.

    32 Voir Grassl Hans, Aufbruch zur Romantik. Bayerns Beitrag zur deutschen Geistesgeschichte, 1765-1785, Munich, Beck, 1968 ; Midelfort Erik, Exorcism and Enlightenment. Johann Joseph Gassner and the Demons of Eighteenth-Century Germany, New Haven et al., Yale University Press, 2005 ; Viatte Auguste, Les sources occultes du romantisme. Illuminisme, théosophie, 1770-1820, t. I : Le préromantisme, Paris, Champion, 1928.

    33 Milt Bernhard, Franz Anton Mesmer und seine Beziehungen zur Schweiz. Magie und Heilkunde zu Lavaters Zeit, Zurich, Leemann, « Mitteilungen der antiquarischen Gesellschaft in Zürich, 38/1 », 1953, p. 53. Mesmer pensait que Gassner utilisait sans le savoir les propriétés du magnétisme.

    34 Gantet Claire, « Entre les Lumières », art. cité, pour les références bibliographiques.

    35 Voir notamment les lettres de Puységur à Lavater du 04-10-1785 et du 11-09-1785, in Puységur A. M. J., Du magnétisme animal, considéré dans ses rapports avec diverses branches de la Physique générale, Paris, Cellot, 1807, p. 245-249, ici p. 248, et 252-257, ici p. 254.

    36 Wienholt Arnold, Beytrag zu den Erfahrungen über den thierischen Magnetismus, Hambourg, Hoffmann, 1787 ; id., Die Heilkraft des thierischen Magnetismus nach eigenen Erfahrungen, 3 Teile. Nach dem Tode des Verfassers aus dessen literarischem Nachlaß hg. von Johann Christian Friedrich Scherf, Lemgo, Meyer, 1802-1806. C’est lui qui convainquit Kleist.

    37 Ainsi sans exhaustivité : Briefe von Johann Caspar Lavater und an Ihn und seine Freunde, Betreffend Lavaters Ruf nach Bremen und die in Bremen versuchte Desorganisation zweyer jungen Frauenzimmer nebst einem merkwürdigen Briefe J. C. Lavaters an den berüchtigten Teufelsbanner Joseph Gaßner, v. 3. May 1777, Brême et al., 1787 ; Lappenberg Samuel Christian, Apologie des Herrn Johann Caspar Lavaters, dessen Schwärmerey, Katholicismus, und des durch ihn in Bremen eingeführten Magnetismus, Brême et al. (i. e. Lübeck), [Niemann], 1787.

    38 « Zauberey », Allgemeine deutsche Bibliothek, t. XXIV, 1775, p. 608-610 ; « Von den Teufeleyen », Ibid., t. XXVII, 1776, p. 596-598 et 28, 1776, p. 278-303. Voir pour les références suivantes Gantet Claire, « Entre les Lumières », art. cité, p. 88.

    39 Ibid., p. 88-89.

    40 Hufeland Christoph Wilhelm, « Mesmer und sein Magnetismus », Der Teutsche Merkur, octobre 1784, p. 60-90, ici p. 64, suite p. 160-178. Hufeland adhéra à la loge de Göttingen Augusta zu den drei Flammen en juin 1783 et à l’ordre des Illuminés en décembre 1784 par l’action de Bode. Voir The Gotha Illuminati Research Base, coord. Olaf Simons, [https://projekte.uni-erfurt.de/ illuminaten/Christoph_Wilhelm_Friedrich_Hufeland], consulté le 27 octobre 2017.

    41 Berlinische Monatsschrift, février 1788, p. 83. Voir Ego Anneliese, Magnetische Auftritte, ideologische Konflikte, op. cit., p. 209 ; Klausnitzer Ralf, Poesie und Konspiration. Beziehungssinn und Zeichenökonomie von Verschwörungsszenarien in Publizistik, Literatur und Wissenschaft, 1750-1850, Berlin/New York, De Gruyter, coll. « Spectrum, 13 », 2012, p. 329-330.

    42 Friedrich Victor Leberecht Plessing à Immanuel Kant, lettre du 15 mars 1784, in Königlich Preußische Akademie der Wissenschaften (éd.), Kants Briefwechsel (1747-1788), 2. Abt., vol. 1, coll. « Kants gesammelte Schriften, 10 », Berlin, De Gruyter, 1922, p. 371-372.

    43 Voir la contribution de Markus Meumann dans le présent volume. Je nomme cette société secrète les Illuminés.

    44 Paris, 10 août 1786. D’après Amadou Robert (éd.), Les Philalèthes et alentours, Laval, CIREM, 1997, p. 1.

    45 Starck Johann August, Über Krypto-Katholicismus, Proselytenmacherey, Jesuitismus, geheime Gesellschaften und besonders von den ihm selbst von den Verfassern der Berliner Monatsschrift gemachten Beschuldigungen mit Acten-Stücken belegt, 2 vol., Francfort-sur-le-Main et al., Fleischer, 1787.

    46 Voir Beaurepaire Pierre-Yves, « Le baquet entre l’équerre et le compas. Luttes d’influence maçonnique autour du magnétisme animal et des Sociétés de l’Harmonie », Annales historiques de la Révolution française, n° 391, 2018, p. 105-127.

    47 Bode Johann Joachim Christoph, op. cit., et id. (Aemilius), op. cit., février 1788, 15. Voir « Neue Beobachtungen über den Thier-Magnetismus ; aus dem Tagebuch eines Reisenden », Journal des Luxus und der Moden, mai 1788, p. 153-184.

    48 Schüttler Hermann, in Bode J. J. C., Journal, op. cit., 15 juin 1787.

    49 Ibid., 18 juin 1787.

    50 Ici en réponse à Savalette, ibid., p. 100.

    51 Franz Christian Eckbrecht von Dürckheim était membre du Conseil secret et Grand-Maître (Oberhofmeister) à la cour de Saxe-Meiningen. Cofondateur de la Loge Charlotte zu den drei Nelken à Meiningen, il était membre de la stricte observance sous le nom « ab Arcu », « Eques Professus » et préfet à Rothenburg, c’est-à-dire Meiningen. Il fut nommé « Heermeister » en 1777 de la Ve province de Bourgogne ; il devint en 1784 membre de l’ordre des Illuminés et chef de l’ordre à Meiningen. Voir Schüttler Hermann, op. cit., p. 66, n. 154. Certificats de magnétisme reproduits dans Amadou Robert, op. cit., n. p.

    52 BNUS, Ms. 1432, f. 77 et 94.

    53 Voir Armando David et Belhoste Bruno, « Le mesmérisme entre la fin de l’Ancien Régime et la Révolution : dynamiques sociales et enjeux politiques », Annales historiques de la Révolution française, n° 391, 2018, p. 3-26, ici p. 18.

    54 Sur le cercle des magnétistes prophétiques à Strasbourg, voir Gantet Claire, « Des lumières », art. cité.

    55 « Ueber das Magnetisieren in Strasburg. (Aus dem Schreiben eines reisenden Arztes.) August 1787 », Berlinische Monatsschrift, t. X, novembre 1787, p. 458-477, « Zusatz » : Zenker, un chirurgien-barbier de passage à Strasbourg vante en août 1787 le mesmérisme (l’action de Würtz). Biester posta un « ajout » dans lequel il distingue trois courants à Strasbourg qui s’anathémisaient mutuellement, le mesmérisme dont il condamnait la soif de gloire et le goût du secret, le puységurisme de la SHAR porté par Lavater à la connaissance du public allemand, et une tendance spiritualiste pratiquant le somnambulisme divinatoire en français et en allemand qu’il condamnait fermement.

    56 « Questo è quel pezzo di calamita / pietra mesmerica, / ch’ebbe l’origine nell’Alemagna / che poi dì celebre / là in Francia fu. » Sur Mesmer à Vienne en 1790, voir Belhoste Bruno, « Franz Anton Mesmer : magnétiseur, moraliste et républicain », Annales historiques de la Révolution française, n° 391, 2018, p. 27-56, ici p. 32.

    57 En français dans le texte.

    58 Hufeland Christoph Wilhelm, Journal der practischen Arzneykunde und Wundarzneykunst, vol. 28, 1809, livraison 4, p. 123-124.

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    • Sussman, Sarah. (2020) Recent Books and Dissertations on French History. French Historical Studies, 43. DOI: 10.1215/00161071-8552531

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