Introduction de la deuxième partie

1Sous la Restauration, le document change de nature. La liberté de la presse reconquise élargit les horizons de Rondeau et donne à son journal l’aspect d’une revue de presse complétée par des informations provenant d’un réseau dont l’action est de moins en moins évidente. Les sujets suivis sont plus variés, mais relèvent tous de l’évolution générale de l’Église, dans ses rapports à la société civile et à la modernité, dans son organisation et ses rapports avec Rome, dans sa doctrine. Plus largement, même si les informations sont plus rares, c’est à l’ensemble de la chrétienté et au phénomène religieux dans le monde qu’il s’intéresse : les différents courants issus du protestantisme, les mouvements sectaires et prophétiques, les rapports numériques entre les différentes religions, du judaïsme à l’islam en passant par le chamanisme. C’est donc un document kaléidoscopique qui offre de multiples angles de lecture, mais qui permet de saisir, à travers ses choix, la vision du monde d’un homme pour qui tout est signes et qui attend, comme la plupart des amis de la Vérité, l’imminente réalisation des prophéties de l’Apocalypse. En ce sens, il s’inscrit dans la démarche de l’abbé Grégoire qui, dans son Histoire des sectes, a entrepris de d’inventorier et d’observer l’apparition de nouvelles formes de religiosité. Travail novateur qui inscrit le phénomène sectaire, ainsi que l’a souligné Catherine Maire, dans un cadre eschatologique millénariste « qui garantit en dernière analyse le rétablissement de l’unité et de l’universalité de l’Église sur terre, c’est-à-dire l’anéantissement des sectes, des hérésies, des schismes, des disputes théologiques1 ».

2Son attention s’est néanmoins concentrée sur tout ce qui touche à l’Église de France et, dans le contexte de la Restauration, à la montée des grands débats et aux mutations en cours dans les relations Église/État. Une question qui est plus que jamais objet politique et prend sa place dans la guerre des deux France. L’engagement politique du clergé est un fil rouge dans la critique de Rondeau qui adhère, à de rares exceptions près, à la prose libérale. Son journal permet non seulement de suivre la dénonciation de plus en plus virulente de l’alliance du Trône et de l’Autel, mais également de saisir le glissement et la récupération du jansénisme dans le camp libéral et les débuts de la mythification libérale et républicaine de Port-Royal.