Les ports ligériens du xvie au xviiie siècle

État des lieux, débouchés économiques, infrastructures portuaires entre Angers et Nantes

Florent Godelaine

p. 341-354


Texte intégral

1Depuis Angers/Les Ponts-de-Cé à Nantes, plusieurs ports fluviaux – servant de relais ligériens ou bien de débouchés de leurs arrière-pays – animent la Basse-Loire. Saint-Julien-de-Concelles, La Chapelle-Basse-Mer, Montjean, Chalonnes et Les Ponts-de-Cé se situent sur la rive sud. La rive nord, quant à elle, accueille – entre autres – les ports de Mauves, d’Ancenis, d’Ingrandes et de Bouchemaine-La Pointe. « Le port s’inscrit dès lors dans un des contextes spécifiques ou partagés, souvent multiples et d’échelles variables1. »

2Angers, sur la Maine, et Les Ponts-de-Cé, sur la Loire, constituent une véritable plaque tournante. Porte du Maine – son arrière-pays – Angers profite de la Mayenne, de la Sarthe, du Loir et de l’Oudon. Le tandem fluvial Angers/Ponts-de-Cé qui s’épaule mutuellement devient un pôle de redistribution dont l’essor s’accroît. À l’autre extrémité de l’espace considéré, se trouve Nantes. Le développement de la ville bretonne qui a débuté au xvie siècle, s’amplifie au xviie siècle fondé principalement sur le négoce, la traite négrière et l’armement. Réceptacle des marchandises provenant de l’amont, les négociants nantais expédient le fret fluvial vers les colonies et vers les Provinces-Unies. Les provinces ligériennes fournissent une multitude de marchandises à destination du port fluviomaritime breton. Les vins, noix, blés, fèves, cherrée, ardoises, tuffeaux, carreaux, fers, canons, ancres, bois de marine, salpêtres sont donc acheminés vers Nantes2. Le long de la Loire ancenienne et angevine, des domaines viticoles, des mines de charbons, des carrières d’ardoises et des fours à chaux utilisent le fleuve comme débouché commercial. À partir du xviie siècle, les marchands voituriers par eau assurent un fret local dans un vaste fret ligérien.

3Au xviiie siècle, les ports de la Basse-Loire sont confrontés à l’augmentation du fret proto-industriel. En effet, depuis le xvie siècle, de nombreux fours à chaux sont actifs sur ce territoire. Au xviiie siècle, la production et l’exploitation de la chaux et du charbon se développent, particulièrement sur la rive sud avec les sites de Saint-Aubin-de-Luigné, Chaudefonds, Chalonnes3, Montjean4 et Chateaupanne. Dans la seconde moitié du siècle des Lumières, des entrepreneurs se lancent dans l’exploitation du minerai de charbon à Montrelais, petite paroisse de la rive nord5. Dans les années 1760-1780, le secteur de Chalonnes est le théâtre d’une intense activité minière et chaufournière. En 1787, la paroisse de Chaudefonds « est abondante en charbon de terre et en pierre calcaire dont on fait la chaux par le secours de ce combustible6 ». L’essor de l’extraction minière a pour conséquence le développement de l’exploitation des pierres à chaux. Ce bassin industriel prend son essor à la fin du xviie siècle et, à la veille de la Révolution, il est possible de recenser une centaine de fours à chaux dans la province – principalement dans l’arrière-pays ligérien. Les ports sont rapidement engorgés et, par conséquent, inadaptés à la réception de l’ensemble du fret de leur arrière-pays. Il en est de même pour le port de Nantes qui doit faire face à l’affluence régulière et massive du fret angevin, chalonnais, montjeannais, ancenien mêlé au fret global ligérien. Le fret sur la Loire et ses affluents est assuré par un système de réseaux dont les marchands et voituriers par eau sont les acteurs. Les ports, actuels témoins de cette réalité patrimoniale disparue, en sont les vecteurs.

4Confrontés aux incessantes demandes des négociants nantais et angevins, les corps de ville envisagent la création de quais de chargement et de déchargement des marchandises dès la fin du xviie siècle. Effectivement, le potentiel industriel de la province suppose des infrastructures portuaires adaptées afin de répondre à la production massive. Dès lors, les entrepreneurs contribuent-ils pleinement à cette politique d’aménagement ? En sont-ils les initiateurs ? Bénéficient-ils des infrastructures issues d’un besoin relatif à un fret intensifié sur la Loire ? L’offre d’infrastructure portuaire répond-elle à la demande d’entrepreneurs industriels ou provient-elle d’une demande antérieure et globale relative à l’intensification du fret ligérien ? Enfin, à qui profitent ces infrastructures portuaires ? Sont-elles finalement utiles au fret industriel ?

Le xvie siècle, du bois et de la pierre à la structure appareillée

5Pour saisir un port et son rayonnement, il convient de définir sa taille, sa morphologie, sa potentialité, son rôle d’interface local, régional et national, sa place par rapport aux autres (port relai, débouché d’arrière-pays) et son implantation topographique (zone de confluence). Le port fait corps avec le paysage et l’urbanisme (anciennes cales7, rues). L’observation des aspects fonctionnels, morphologiques et spatiaux, la comparaison des sites portuaires détermine une typologie des ports ligériens. Au xviie siècle, excepté les pôles urbains comme Angers et Nantes, les structures portuaires sont naturelles. Témoignage médiéval, elles s’avèrent inadéquates et dépassées vu l’intensification que connaît le fret au Grand Siècle, ainsi que la diffusion des nouveaux produits de consommation dans les paroisses subissant l’influence des grands ports (ouriveraines d’Angers et Nantes). Dès le xvie siècle, Nantes et Angers se dotent de structures appareillées, alors que la plupart des ports situés dans les paroisses entre Nantes et Les Ponts-de-Cé sont dépourvus de structures bâties en dur et disposent seulement de pieux pour amarrer les bateaux. Ces derniers accostent à même la pente douce de la grève. Sur le fleuve, les aménagements portuaires sont limités.

6À Nantes, à Angers, à Saumur, à Orléans et à Nevers, les quelques plates-formes portuaires plus ou moins « perrayées » sont enserrées dans des espaces urbains, densément bâtis et peuplés. Quelques rares et étroites « cales-abreuvoirs » comme à Nantes ou à Angers jouxtent les murailles urbaines équipant les ports. À Nantes, le port au vin, mis en chantier en 1503-1506 et le port Ayrault à Angers, aménagé un peu avant 1560, sont créés « sur pieux battus et palplanches8 ». Au xvie siècle, ces ports sont engorgés. Le port au vin, poumon du négoce nantais est « occupé et rempli de vins et marchandises qui y abondent de toutes parts9 ». À Nantes, le port Briant-Maillard est réalisé à la même époque que le port au vin10. Au xiiie siècle, il ne s’agissait que « d’une langue de terre longeant la ville11 ». Cette première structure doit faciliter l’accostage des navires. Reliée à la terre ferme en 1 500, elle est dotée d’une cale en 1582. En réalité, les premières installations portuaires nantaises dans le secteur du port au vin s’avèrent sommaires. Seules les embarcations plus légères peuvent « décharger aisément leurs marchandises12. »

7À Angers, depuis l’époque médiévale, le port Ligny, ancien port de l’Annone, c’est-à-dire port aux grains, fait la fonction de port au bois13. Principal port d’Angers, le quai Ligny renvoie les autres ports angevins au rang de ports secondaires14. Le port de la Poissonnerie, construit en 1566, accueille le fret du bois. Le quai Saint-Jean, port particulier de l’Hôtel-Dieu sert à l’approvisionnement de l’hôpital. Au début du xvie siècle, le quartier des Halles devient le cœur décisionnel et le poumon économique de la ville. Il regroupe les institutions telles que la mairie (1529), le présidial (1552), les prisons, les halles. Les élites laïques y résident15. Or, les édiles réclament un débouché sur la rivière. Ce port très proche servirait leurs intérêts économiques. La réalisation d’une telle plateforme utilisable en toutes saisons démontre un besoin, une situation de fait et procède d’une volonté municipale. Le corps de ville souhaite régler définitivement « les problèmes de défense au nord de la ville, en une période troublée, doublée de la réalisation opportuniste d’un aménagement fluvial sous la pression des négociants locaux16 ». Le développement d’une infrastructure portuaire au nord d’Angers servant de tête de pont vers le Maine s’avère fondamental. Ce pôle occuperait une position-tampon capable d’absorber un fret supposé conséquent en volume et en fréquence. Les édiles perçoivent bien la dynamique économique de ce secteur en lien avec le Maine et les axes fluviaux développés sur ordre de François Ier 17. Mais, leur visée est à court terme, leur intérêt primant sur la potentialité fluvio-commerciale. Avec un tel aménagement, Angers serait appelé à devenir une plaque tournante entre la Mayenne, la Sarthe et la Loire.

8Le 31 juillet 1556, le corps de ville angevin adopte donc une délibération pour remettre en état les douves du secteur Boisnet-Saint-Serge18 au nord de la ville d’Angers au niveau des portes de la Mayenne et de la Sarthe, fraîchement mises en état de navigation19. Il s’agit avant tout de mettre la ville en défense, les tensions religieuses s’intensifiant ; et, par la même occasion, de réaliser un port capable de recevoir les marchandises du Maine et d’expédier celles d’Anjou vers cette province. Commencé le 14 août 1556, le chantier du port Ayrault est achevé le 19 mars 1557. Près de huit mois sont nécessaires à sa réalisation20.

9Au début du xvie siècle, les quais urbains présentent donc une physionomie sommaire. À compter des années 1570, l’appareillage consolide des infrastructures « temporaires » à coût moindre, testées en vue de devenir permanentes. Dans le cas du port au vin, des pierres de lestage sont placées sur le devant des quais alors construit en bois. Dès 1573, les maîtres d’œuvre préconisent « de mettre en tablier le quai, de pousser la descente à la rivière le plus loin qu’il serait possible, de manière qu’on put y rouler facilement les vins, pour les charger ou les rendre dans les celliers et d’arrêter le pavé le long de l’eau par de gros grisons ou des poutres21 ». Le tablier est constitué de blocs de granit maçonnés à la chaux. L’arrière du quai est constitué de sable et de pierres22. Même si les guerres de Religion gangrènent le pays, les intérêts économiques subsistent. Le fret s’intensifie entre l’Espagne, Nantes et le Massif central. Les Ruyz, installés sur le quai de La Fosse à Nantes et résidants au Cartron, paroisse de Haute-Goulaine en constituent la pierre angulaire23. Face à cette intensification du fret hauturier et fluvial, des infrastructures portuaires aptes à le réceptionner sont indispensables. Le Grand Siècle, période d’intensification et de diversification des échanges, s’avère être le siècle de la marine de Loire. Le fleuve, devient le « chemin qui marche ». Finalement, la Basse-Loire, section à la confluence entre le négoce fluvial et international, accueille ainsi un fret en plein essor, supposant des infrastructures portuaires adaptées.

Le xviie siècle, la réponse à un fret croissant et à l’engorgement portuaire ?

10Tout au long du xviie siècle, le trafic fluvial s’intensifie ; aux xviiie-xixe siècles, les ports de Loire témoignent d’une intense activité. Ils sont les lieux du chargement et déchargement des marchandises. Des aires d’entrepôts, destinées à répondre à un fret croissant et de plus en plus diversifié aux xviie et xviiie siècles, manquent. Les denrées, sel, sucre et vins, sont stockées dans des magasins. L’insuffisant recul des cales a pour effet de rendre le chargement des marchandises difficile. Afin de pouvoir répondre au mieux à leurs missions, les ports de Loire doivent être aménagés.

11À la fin du xviie siècle, le port de Nantes, à l’instar d’autres ports ligériens, est débordé par le fret hauturier et ligérien, il est envahi de vaisseaux de retour des colonies et des Provinces-Unies, ainsi que de chalands de Loire. De plus en plus régulièrement, les vaisseaux de commerce relâchent à Paimbœuf ou au Pellerin. Une noria de gabarres assure également le chargement et le déchargement de marchandises arrivées par mer pour les entreposer. L’engorgement est tel que le corps de ville nantais envisage sérieusement d’améliorer les infrastructures. Le port Maillard, où « les bateaux qui viennent d’Angers, de Saumur et autres lieux ont coutume d’aborder », est tel que le corps de ville en évoque – le 12 mai 1682 – l’état pitoyable et envisage des travaux de réhabilitation24. Les bateaux d’Angers et de Saumur abordent également au quai Lorido25.

12Au xviie siècle, comme à Nantes, les infrastructures portuaires d’Angers sont toutes établies : les quais Ligny, de la Poissonnerie, Saint-Jean, Ayrault, Ronceray, Thomasseau. Toutefois, la ville manque « de ports et lieux commodes pour l’abord des bateaux et pour la décharge des marchandises26 ». Les quais angevins, à l’instar des nantais, sont submergés de marchandises. En 1695, La Fourcherie, maire d’Angers, évoque une remontrance du procureur du roi. Les ports y sont mentionnés comme étant encombrés de tuffeaux, de troncs, de merrains, de fumier, etc.27. Visiblement, ce phénomène semble courir tout au long du xviiie siècle, puisque le 19 août 1784, le procureur du roi assigne à comparaître un certain Besnard, marchand de bois et Tessier, voiturier par eau. Les deux hommes sont accusés d’embarrasser « les ports avec leurs bateaux qui sont en décharge » depuis plus de quinze jours. Au terme de la procédure, Besnard est condamné28.

13Dès le début du xviie siècle, le centre économique de la ville se déporte plus au sud, car cette dernière noue de plus en plus de contacts avec la Loire. Toutefois, les édiles font abstraction des potentialités économiques que la ville pourrait développer vers le sud. Ces dernières sont pourtant annonciatrices du déplacement du poumon économique aux siècles suivants. Dans la seconde moitié du xviiie siècle, le contexte proto-industriel intérieur, plutôt stable, favorise le lancement d’un programme de développement des voies terrestres et de canaux. La démocratisation des infrastructures portuaires appareillées, aptes à recevoir et à ventiler un fret exotique, proto-industriel et médiéval de transit ou de destination, s’avère essentielle pour répondre à cette affluence journalière.

Le port appareillé « démocratisé » comme interface indispensable au fret global massif du xviiie siècle : projet ou réalité ?

14Au xviie siècle, la réponse au fret intensifié et diversifié, car médiéval (blé, vin, sel), industriel et exotique, tarde. En ville, elle prend la forme d’opérations de réfection des quais et des cales de façon à répondre concrètement à l’afflux de marchandises. Elle peut aussi se traduire par la constitution de devis en vue de prochains perfectionnements des structures. Plus souvent encore, il s’agit – dans les paroisses riveraines de la Loire – de créations ex nihilo suppléant les cales naturelles médiévales. Ces créations n’intervenant pas avant les années 1760-1770, elles ne répondent que tardivement à l’afflux du fret décrit ci-dessus.

15À Nantes dont le port est, au xviie siècle, en plein essor, le programme vise à répondre à une nécessité29. Il s’agit d’un chantier commencé dans la décennie 1680. De 1731 à 1765, les dossiers de réfection des cales et d’aménagements du port Maillard se succèdent30. À la veille des années 1780, les espérances des négociants et des voituriers par eau sont finalement concrétisées. Des mesures sont prises pour lutter contre l’engorgement du port Maillard. L’objectif est de faciliter le débarquement et le stockage des marchandises. Dans cette opération, le corps de ville et l’Amirauté doivent faire face à l’incivilité des négociants31. L’ordonnance prise le 13 juin 1785 par l’amirauté de Nantes témoigne d’une certaine exaspération face aux négociants laissant les marchandises (bois, tufs, ancres, canons) sur les quais « pendant des années entières32 ». L’ordonnance enjoint donc aux propriétaires des marchandises « actuellement sur les quais, de les faire enlever en trois jours33 ». Elle reprend sur ce point l’article 7 de l’ordonnance de la Marine de 1684.

16En outre, aux xviie et xviiie siècles, le port de Nantes est encombré d’épaves d’embarcations. Elles jonchent les quais, entravent le chenal, la navigation et les échanges commerciaux. À Nantes, le déchargement des chalands provenant de l’amont s’avère pénible. Le 9 février 1765, le maître de quai constate au bas de la Fosse « une sapine coulée bas au fond de l’eau34 ». Le 27 juin 1766, il rapporte encore que le long du quai Brancas se trouve « un grand chaland venant du pays haut chargé de sabots de bois35 ». Le 23 juillet 1782, le maître de quai déclare avoir vu

« sur le quai et parapet, un vieux chaland abandonné en cet endroit depuis quelques jours. […] J’aurai encore vu malgré mes défenses un grand vieux chaland plein d’eau et crevé, amarré le long du quai de la dite échelle, nuisant au passage des bateaux et chalands qui monteront et descendront36 ».

17À Angers, au xviiie siècle, le port Ayrault est rapidement jugé trop petit et difficile d’accès. Des travaux de nettoiement entrepris en 1672, puis en 1716-1719 et enfin en 177837, s’avèrent peu efficaces. À l’occasion du creusement effectué en 1718, son activité s’intensifie quelque peu38. Le problème des infrastructures portuaires angevines se pose donc de manière cruciale à la fin du xviie siècle, puis à la fin du xviiie siècle, d’autant que la ville présente une évidente potentialité économique et que le fret fluvial s’y intensifie. Face aux besoins, entre 1660 et 1789, le corps de ville angevin se préoccupe de l’aménagement des quais de la rive gauche de la Maine39. Régulièrement, de grands projets sont envisagés. En 1691, la densité du fret impose la réalisation d’infrastructures d’accueil capables d’absorber le trafic. Jusqu’alors, les ports angevins offraient une capacité d’accueil insuffisante par rapport à la croissance du fret. Dès lors, le corps de ville décide de construire des quais et des magasins susceptibles d’accueillir ce fret massif et croissant40. La rive gauche de la Maine, depuis le port Ayrault jusqu’au port Ligny au pied du château, est retenue41. Les demandes du corps de ville portent principalement sur le port Ligny. Les édiles souhaitent

« rendre cette ville [Angers] marchande. […] Et depuis le quai Thomasseau jusqu’au boulevard du château, il est nécessaire de faire aussi un quai, qui aura cent quatre-vingt toises, & dans cette longueur, sur quinze de large, il sera réservé un espace propre à mettre les bateaux à couvert, lorsqu’ils seront entrez en ville, crainte qu’ils ne périssent à leur ordinaire par les orages42 ».

18Cependant, au vu de l’estimation budgétaire des travaux et le corps de ville43 manquant de subsides pour les entreprendre, la réalisation des quais est abandonnée, nuisant ainsi à l’essor économique de la ville44. Ce dossier reste en suspens pendant près d’un siècle, malgré des besoins réels. Entre 1776 et 1789, à plusieurs reprises, le corps de ville envisage la construction des quais. En 1776, les marchands et les bateliers demandent le nettoyage de la Maine45. La croissance d’un fret régulier venant de son arrière-pays et des provinces ligériennes remet à l’ordre du jour la question de l’engorgement des infrastructures portuaires. Le 9 octobre 1789,

« les marchands ainsi que les voituriers par eau […] sont obligés d’attendre avec leurs bateaux chargés de bois et de rester en décharge pendant un mois et six semaines, au bout duquel temps ennuyés d’attendre si longtemps, ils jettent à terre les bois de feu des particuliers et marchands qui restent alors exposé au vol et aux inondations sur les ports46 ».

19D’abord naturelles, puis en abreuvoir47, les cales commencent à être appareillées dans la seconde moitié du xviiie siècle. Prioritairement installées en ville à cause de la densité des échanges, les cales quittent le monde urbain et gagnent progressivement le val de Loire et ses affluents. Les pentes s’adoucissent s’adaptant ainsi mieux aux charrois. Elles présentent un plan incliné. La liaison avec la ville est assurée par des voies terrestres, en lien étroit avec le port. La pente, les dimensions et leurs prolongements par rapport à la berge ou au quai varient. 90 % du volume est constitué « de sable formant ainsi le remblai qui permet de donner la forme de la cale48 ». Le dossier de réfection du port de la ville d’Ancenis, en 1770, en donne le détail :

« Le remblai sera fait avec du sable de la grève qui forme le port lequel sera pris dans les endroits qui seront indiqués par la communauté de la ville d’Ancenis, sans faire de trous dans ladite grève. Ce remblai montera jusqu’à un pied près de la hauteur de gros sable de rivière bien grainé pour recouvrir le pavé. La pierre pour le pavé sera prise aux carrières du coteau de Saint-Men où a été tirée celle de la levée qui vient d’être faite dans la rue Villeneuve lesquelles carrières sont distantes d’environ trois lieues mais dont le transport est facile se faisant par eau. Cette pierre sera bien choisie pour être de la meilleure qualité […] Les pierres pour les bordures et duineaux seront du plus gros échantillon. Ce pavé aura au moins 8 à 10 pouces […] et les bordures à proportion : il sera posé à joint incertain et bien liaisonné sur la forme d’une couche de sable ci-dessus indiqué49. »

20Un lit de pose recouvre le remblai. Il accueille ensuite l’appareillage en pierres dures, souvent extraites de carrières voisines, jointées à la chaux et au sable de Loire. L’enrochement stabilise l’ensemble à la base de la cale. L’empierrement des cales et des quais présente une homogénéité des coloris. Les pierres de granit ou de grès gris et rose offrent un camaïeu de couleurs augmenté par les jeux de lumières. Les surfaces imposantes sont le fruit d’un travail sobre où seulement 2 à 3 systèmes d’appareillages sont employés avec pour unique matériau la pierre de taille. En 1770, le corps de ville d’Ancenis exige donc des infrastructures adaptées à la dynamique économique du port, « très fréquenté et d’une très grande utilité pour les bois de marine qui y sont transportés de toutes les provinces des environs50 ». Il convient aussi de rendre le port d’Ancenis praticable en hiver. Des travaux d’amélioration sont donc engagés.

21La dualité portuaire Ingrandes-Le Fresne offre un aspect typique de l’Ancien Régime. Ces infrastructures sont vraisemblablement un héritage des accès médiévaux au fleuve, elles présentent une forte pente (20 %)51. Ces cales sont prolongées de ruelles avec accès au fleuve. Ce site portuaire est à la fois barrière administrative, politique, douanière et donc fiscale du duché de Bretagne et du royaume de France52. Enfin, la cale du port de Montjean construite entre 1784 et 1787 présente une levée nouvellement édifiée. Elle sert de support. Cet ouvrage typique « en glacis avec plan incliné à 22 degrés » est fort répandu dans les villes portuaires au xviiie siècle. À l’origine, cette cale mesurait 225 mètres de long ; il n’en reste aujourd’hui plus que 70 mètres53. L’appareillage en pavé de granit est régulier, mais il est aussi constitué de grès irrégulier54. Particulièrement représenté dans le paysage urbain ligérien à la fin du xviiie siècle, le quai de Montjean adopte tardivement le nom fonctionnel de « cale d’abordage55 ».

22Au xviiie siècle, la création des cales-abreuvoirs permet d’accueillir le bateau parallèlement à la pente. À Montjean, le bateau peut ainsi être chargé grâce à la planche qui prend appui sur la cale-abreuvoir en long et sert de passerelle. Les portefaix assurent à la main le transbordement des marchandises des quais aux bateaux. Dans certains ports, la présence de grues permet le chargement des pondéreux. L’iconographie est pauvre sur cet aspect56. À la fin du xviiie siècle, la plupart des quais de Loire sont appareillés. Cette structure pavée en abreuvoir facilite le chargement et le déchargement des marchandises57. Cependant, ces cales peuvent présenter un accès difficile pour les charrettes, auquel s’ajoute une capacité de stockage réduite. La réception simultanée de plusieurs chalands s’avère difficile. Ces structures sont typiques des ports de Loire des années 1760-1780.

23Même s’ils sont d’une création relativement tardive (1760-1780), les quais ligériens se révèlent vite inadaptés car incapables d’absorber un fret toujours croissant. À la même époque, le développement des voies terrestres aspire les budgets initialement affectés aux travaux portuaires. Malgré la nécessité économique identifiée depuis le xviie siècle, les quais devront encore attendre… un nouveau contexte. Sera-t-il révolutionnaire ?

La période révolutionnaire, un contexte favorable à la concrétisation d’infrastructures souhaitées depuis 1680

24Le programme des infrastructures portuaires initié dans les villes et les pôles fluviaux à la fin de la décennie 1680, classé puis relancé à partir des années 1760, trouve sa concrétisation au début du Consulat. Les républicains reprennent le projet et confirment l’importance de ces travaux, près de cent trente ans après l’intensification du fret. La création tardive de telles structures répond pleinement à l’afflux des marchandises alors à l’apogée de leur diversité.

25Au xviiie siècle et au début du xixe siècle, les dossiers de demandes de créations d’infrastructures portuaires s’accumulent. Ce n’est qu’à partir des années 1780-1800, que les corps de villes choisissent d’investir dans ce type de travaux. Les investissements consistent principalement en des constructions telles qu’une « cale de travail carrossable, perré de stationnement des bateaux58 ». L’architecture actuelle des ports de Loire est donc la réponse tardive aux activités portuaires de la fin du xviiie siècle et du début du xixe siècle.

26Parmi ces aménagements, le quai désigne la voie riveraine et le port maritime. En ce sens, il fait aussi référence aux activités portuaires, tels le chargement et le déchargement des marchandises, le mouillage, les naufrages, la densité du fret, etc. La morphologie portuaire induit une activité qu’il faut connaître pour saisir sa fonction et sa valeur patrimoniale. Plusieurs types de ports de Loire existent dans le paysage fluvial : ports de levée, de fronts de Loire, de plate-forme, de cale naturelle. Les cales qui constituent une limite spatiale, avec les quais, reflètent bien l’activité ligérienne.

27À Angers, en 1790, les marchands se plaignent à nouveau des problèmes sur les ports de la Basse-Chaîne et le quai Ligny « pour la charge et décharge des marchandises que l’on préfère abandonner à cause de difficultés qu’on éprouve59 ». La municipalité commence les travaux du quai Ligny60. À l’instar de Nantes à la veille des années 1780, les espérances des négociants et des voituriers par eau angevins sont finalement concrétisées à compter des années 1790-1800. Dénonçant l’absence de réalisme et d’initiative des corps de ville précédents, le nouveau pouvoir révolutionnaire entérine la construction des quais61. « La nécessité d’un quai dans la commune d’Angers était trop bien sentie, depuis trop longtemps […]62. » Dès lors, la commune dispose de 90 000 livres tournois de budget pour faire aboutir le projet. Les révolutionnaires constatent la situation de carrefour idéal dans laquelle se situe la ville :

« Angers chef-lieu du département de Mayenne et Loire est arrosé par trois rivières considérables le Loir, la Sarthe et la Mayenne à une distance d’une demi lieue de la Loire. Par-là, il devient l’entrepôt naturel des denrées territoriales des départements arrosés par la Seine, la Loire, le Loir, la Sarthe, l’Oudon, l’Authion, le Cher, le Layon, la Vienne, l’Indre, la Vilaine. Et cependant cet intéressant entrepôt est sans aucun ports navigables, sans quai63. »

28Ils déplorent cependant que le quai Ligny indispensable pour le commerce n’ait aucun port d’embarquement commode64. Or, au vu du budget prévisionnel, le corps de ville manque d’argent. La municipalité est hors d’état de faire continuer à ses frais « cet ouvrage important qui couterait au moins 400 000 à 500 000 lt65 ». Néanmoins, pour pallier les absences récurrentes de fonds, le corps de ville a pu s’appuyer, à certains moments, sur des initiatives privées pour réaliser des infrastructures portuaires. Ainsi, en 1770, Étienne Oger obtient la permission de « faire un quai au-devant de la maison numérotée 2041, lequel a vingt-trois pieds six pouces de longueur d’un angle à l’autre de dix pieds de largeur » et « demande que l’assemblée lui permette de faire un autre quai au-devant de sa seconde maison numérotée 204266 ». Il finance ces deux constructions grâce à ces deniers personnels. Toutefois, le corps de ville se réserve la possibilité d’en demander la démolition. Si une telle mesure doit être prise, Étienne Oger devrait prendre à sa charge l’opération.

Les infrastructures portuaires, des outils stratégiques pour assurer un débouché aux productions du Val de Loire

29Dès la décennie 1680-1690, l’intensification des échanges commerciaux, sensible à partir du xviie siècle, amène les négociants ligériens, nantais et angevins à multiplier les demandes de créations d’infrastructures portuaires. L’objectif est alors d’aménager des ports aux capacités suffisantes pour accueillir un fret en plein essor. Le handicap d’accueil des produits ligériens sur les quais nantais, souligné par le corps de ville de Nantes, se reporte inévitablement en Val de Loire et en premier lieu sur le tandem portuaire Angers/Ponts-de-Cé. Dès la fin du xvie siècle, le port fluviomaritime nantais entre dans une phase ascensionnelle et au xviie siècle, il dépasse la sphère provinciale et nationale pour s’inscrire dans un vaste réseau d’échange européen, voire mondial. Les négociants souhaitent alors disposer d’infrastructures portuaires adaptées à la potentialité et à l’aire économique du territoire et de la ville où ils résident et développent leur activité. Or, la frilosité des édiles et l’absence de hauteur de vue quant au potentiel économique des cités ligériennes s’avèrent néfastes au développement portuaire de villes pourtant promises – par leur situation – à un certain essor. Les choix effectués par les élites angevines aux xvie-xviiie siècles, nuisent aux intérêts économiques. Alors que le développement de la relation des ports avec leurs arrière-pays, aurait participé à leur rayonnement, source de profits pour les édiles municipaux – issus du monde marchand – et pour la ville.

30Finalement, les structures portuaires apparaissent concomitantes à la révolution industrielle, au développement des transports et à l’afflux massif et diversifié des marchandises. Même si les entrepreneurs industriels peuvent faire partie des édiles municipaux, ils ne semblent pas être à l’origine des infrastructures portuaires, à l’exception du cas d’Ingrandes où les intérêts industriels et commerciaux sont étroitement mêlés. D’une manière générale, les centres industriels de la Loire montjeannaise et de l’ancenienne expédient leurs productions à destination des ports les plus proches. Certains sites ne jouxtent pas immédiatement les rivières et les ports. Ainsi, les mines de charbon de Montrelais sont éloignées du « port d’Ingrande sur la rivière de Loire » de 3600 toises67. Pourtant, ce port devient le débouché du charbon de Montrelais68. D’autres lieux de production et d’exploitation sont, quant à eux, particulièrement appréciés en raison de leur proximité avec les cours d’eau. Ainsi, la production du puits de Poirier-Samson peut aisément être exportée par la Loire, « le charbon peut pendant le temps de l’eau basse, en être charroyé et transporté à port chargeable à peu de frais que celui des autres mines parce que celle-ci est beaucoup plus proche des gros bras et canaux de la rivière de Loire69 ». De même, depuis Chaudefonds des barques descendent le Layon remplies de charbon ; arrivées à Chalonnes, elles sont déchargées sur des chalands70 ou des trains de bateaux qui acheminent la cargaison jusqu’à Nantes en descendant la Loire, ou jusqu’à Angers en remontant la Loire et la Maine. Le transport du charbon de Montrelais, de la chaux produite à Chalonnes, Chaudefonds-sur-Layon et Montjean est effectué par les voituriers de la Basse-Loire.

31Les propriétaires des mines chargent ces hommes de convoyer les charbons jusqu’à « Nantes, d’où on les transporte dans tous les ports de France depuis Bayonne jusqu’à Rouen71 ». Les bateliers prennent généralement en charge ce fret pour le compte des entrepreneurs72. Ils s’insèrent dans un réseau de redistribution des marchandises à l’intention d’autres marchands pour lesquels un marché de voiture est contracté. En quelques mois, de mai à juillet 1717, les voituriers par eau chalonnais et dans une moindre mesure montjeannais transportent à destination de Nantes 1412 pipes de chaux73 : 412 pipes de chaux, en 15 passages, en mai 1717 ; 372 pipes, en 9 passages, en juin 1717 ; et 628 pipes, en 19 passages, en juillet 1717. La chaux est la seconde marchandise voiturée sur la Loire puisqu’elle représente 21 % des passages à la douane. Les blés sont les produits les plus transportés sur la Loire, ils représentent 61 % des contrôles à Ingrandes ; le vin arrive en 3e position à hauteur de 15 %. Ainsi connectés au fleuve, les sites charbonniers de Montrelais, les industriels-ardoisiers d’Angers-Trélazé, les tuffeliers du Saumurois, les fours à chaux de Montjean-Chalonnes et les terres viticoles de l’Anjou et du Saumurois des xviie-xixe siècles, exportent leurs productions via une multitude de bateaux et de bateliers. Ces types de marchandises se mêlent au fret métallurgique de l’amont Nivernais et charbonnier du Stéphanois.

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32En réalité, du xvie au xviiie siècle, les édiles négociantes et municipales des pôles urbains, hors les édiles issus du monde de l’entreprise industrielle, sont à l’origine des infrastructures portuaires ligériennes ; alors que les structures appareillées des paroisses riveraines proviennent d’intérêts croisés des entrepreneurs industriels et des marchands.

33Dans les années 1760-1770, les industriels ligériens profitent des structures établies. Elles s’avèrent être la résultante d’un programme et de projets envisagés à partir des années 1680, et seulement concrétisés à partir de 1790-1800. En revanche, les textes font abstraction de la satisfaction des conditions de chargement et de déchargement des produits industriels.

34À l’époque du Consulat, les infrastructures portuaires nantaises et angevines sont achevées ou en cours d’achèvement. Le fret fluvial est à son apogée. Il est massif et sa diversification tend à se réduire. En 1853, le train arrive en gare de Nantes. Cette arrivée nuit inexorablement au fret ligérien qui, certes, se maintient en Basse-Loire mais diminue par paliers74. Les quais demandés inlassablement pendant près de cent trente ans équipent tardivement les rives ligériennes. Les derniers programmes d’infrastructures portuaires envisagés dans la décennie 1840, sont achevés en 1850-1860. En 1895, le dernier marinier de Neuvy-sur-Loire (Nièvre) effectue son dernier voyage pour Nantes75. Les mariniers angevins issus des rives rochefortaises deviennent charpentiers de bateaux puis se reconvertissent à l’aube du xxe siècle76. L’équipement portuaire, la batellerie, la société marinière et l’activité résolument industrielle (fret d’ardoises, de tuffeaux, de bois) perdurent jusqu’au premier tiers du xxe siècle sur la Basse-Loire. Seule la communauté marinière montjeannaise étroitement liée aux activités industrielles de la commune poursuit son activité jusque dans la seconde moitié du xxe siècle77. Certains sont charpentiers de bateaux, d’autres sont mariniers et assurent un fret sur le canal de Nantes à Brest78. Malgré tout, l’activité fluviale diminue inexorablement. À l’heure où la mémoire marinière et le patrimoine industriel lié à cette activité ont disparu, seules subsistent les infrastructures portuaires devenues vides d’activité si la restitution des bateaux, la valorisation du patrimoine immatériel n’en transmettent pas le sens, les activités et la signification. Actuellement, l’observation des quais le long de la Basse-Loire livre des clés de lecture sur le chargement, le déchargement, l’entreposage des marchandises ainsi que sur l’appareillage et la structure-même des quais. Ils s’avèrent être des témoins d’une réalité disparue79. La lecture de ce potentiel patrimonial et sa compréhension, propres à l’activité de médiation culturelle, permettent d’en restituer l’épaisseur historique.

Notes de bas de page

1  Cayla Ph., « Les ports de la Loire marinière », La Loire et ses terroirs, n° 55, Combleux, Éditions Loire et Terroir, 2005, p. 24.

2  Sur le sujet des approvisionnements de la Marine, voir l’ouvrage de Plouviez D., La Marine française et ses réseaux économiques au xviiie siècle, Paris, Les Indes Savantes, 2014, 541 p. ; Godelaine F., « Du Maine à l’océan : l’approvisionnement en bois de marine des arsenaux du Ponant. Une aire, un fret, un mode de voiture (xviie-xviiie siècles) », actes du colloque La Loire, les hommes, la guerre tenu au musée du Génie d’Angers le 22 mars 2012, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Enquêtes et documents », 2012, p. 229-259. À paraître, Godelaine F., « Marchands voituriers par eau, commanditaires et approvisionnement naval des arsenaux ponantais : relations, réseaux et ascension sociale d’un “groupe” au service de l’État (xviie-xviiie siècles) », Revue d’histoire maritime, n° 22 – L’économie de la guerre navale de l’Antiquité au xxe siècle, sous la direction de Plouviez D., Paris, PUPS.

3  Maillard J., Histoire de l’Anjou. L’Ancien Régime et la Révolution en Anjou, t. III, Paris, Picard, 2011, p. 241. Une fourniture de charbon, mesure de Saumur pèse environ 30 000 livres.

4  AN F14 7782. Mines de Maine-et-Loire (1763-1872) ; F14 7786. Mines de Montjean (1754-1846).

5  AD Loire-Atlantique, C 138. Montrelais, mémoires des associés de l’exploitation des mines de Montrelais sur l’utilité de rétablir le chemin des mines de Montrelais au port d’Ingrandes (1707-1789).

6  AN F14 7782. Mine de Houille-Chaudefonds, 12 août 1787.

7  Cale naturelle : cale naturelle en eau et sans appareillage typique des ports de Loire au xviie siècle. Cales en abreuvoir : quai particulièrement répandu dans les ports du fleuve royal au xviiie siècle. Ce type d’équipement en plan incliné et de forte pente permet l’accès direct des frets légers au fleuve depuis la route.

8  Lors des travaux du parking de La Bourse à Nantes, l’ancien port au vin est mis au jour. Il s’agit d’une structure de quai sur pieux battus et palplanches comme le port Ayrault à Angers, elle est datée du xve siècle. Voir à ce sujet, Cayla Ph., « Les ports, monuments de la marine de Loire », ARRA, n° 16, spécial Loire, 2001, p. 90 ; Fehrnbach X., « Le port au vin à Nantes (xve-xixe siècle), Revue de la société archéologique et historique de Nantes et de la Loire-Atlantique, 1990, t. CXXVI, p. 80 ; Courant H., « Un grand chantier de construction à Angers au xvie siècle : la construction du port Ayrault », Archives d’Anjou, n° 6, 2002, p. 78. Les palplanches sont des pieux en bois plus larges qu’épais battus dans le sol constituant une enceinte de batardeau.

9  Fehrnbach X., op. cit., p. 82-85.

10  Le port au vin porte le nom d’un sénéchal de Nantes. Voir Croix A., La Bretagne d’après l’itinéraire de monsieur Dubuisson-Aubenay, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 544, note 23.

11  Ibid., p. 544, note 23.

12  Fehrnbach X., op. cit., p. 80.

13  Courant H., La Maine à Angers de 1450 à 1720. Organisation de l’espace et enjeux du paysage d’une rivière urbaine, mémoire de DEA sous la direction de J. Maillard, université d’Angers, septembre 1998, p. 69.

14  Ibid., p. 70.

15  Courant H., « Un grand chantier de construction à Angers au xvie siècle : la construction du port Ayrault », Archives d’Anjou, n° 6, Angers, 2002, p. 75.

16  Ibid., p. 75.

17  En février 1537, le roi ordonne la canalisation de la Mayenne, « chenalisée entre Château-Gontier et Laval » et à partir de 1542, il encourage la canalisation de la Sarthe entre Sablé et Le Mans. Le prince focalise son intérêt principalement sur la Mayenne puis sur la Sarthe, considérant l’importance des échanges du Maine par Laval avec Angers.

18  Courant H., « Un grand chantier de construction à Angers… », op. cit., p. 75.

19  Cayla Ph. et Godelaine F., « Marines et moulins de la Mayenne et de la Sarthe : mille années d’utilisation humaine des rivières du bassin de la Maine », 303, n° 128, Nantes, Éditions 303, 2013, p. 26-40 ; Roussier P., Notes historiques sur la rivière de Maine ou Mayenne et sa navigation, Laval, s. e., 1926, p. 88.

20  Courant H., « Un grand chantier de construction à Angers… », op. cit., p. 78.

21  Fehrnbach X., op. cit., p. 81-82. Au xvie siècle, deux périodes de transport existent. De septembre à novembre, le port accueille les vins nouveaux des régions limitrophes. De février à mai, il reçoit les vins de l’Orléanais, de l’Auvergne et de Touraine. Ces vins sont consommés par les Nantais ou sont réexpédiés.

22  Fehrnbach X., op. cit., p. 81.

23  Lapeyre H., Une famille de marchands : les Ruiz, Paris, Armand Colin, coll. « Affaires et gens d’affaires », 1955, 671 p. ; Mondanel P., « L’ancienne batellerie de l’Allier et de la Dore », Bulletin historique et scientifique de l’Auvergne, tome LXXXVI, n° 642-643, juillet-décembre 1974, p. 326. Les Ruiz de Nantes nouent des échanges commerciaux en particulier avec la ville de Thiers.

24  AM Nantes, DD 182. Port Maillard, prise de toisé. Il est précisé « on ne peut décharger aucune marchandise », 12 mai 1682.

25  AM Nantes, DD 204. Port Lorido, lettre du 24 décembre 1721 défendant aux voituriers d’aborder au quai Lorido. Au xviiie siècle, et peut-être même avant, le quai Lorido s’avère également être un lieu de déchargement des frets ligériens.

26  AM Angers, BB 99, f° 96r°. Décision municipale de 1691, cité par Maillard J., Le pouvoir municipal à Angers de 1657 à 1789, Angers, Presses de l’université d’Angers, 1984, t. II, note 130, p. 47.

27  AM Angers, DD 19. Voirie, remontrance du procureur du roi sous forme d’arrêt contre les encombrements des ports d’Angers, le 15 avril 1695.

28  AM Angers, FF 7. Plumitifs, affaire du 19 août 1784.

29  Tanguy J., Le commerce du port de Nantes à la fin du xvie siècle et au début du xviie siècle, thèse de doctorat de 3e cycle sous la direction de J. Delumeau, université de Rennes, 1967, 2 volumes, vol. 1, 404 p., vol. 2, 133 p. ; Roblin L., Le commerce et la mer, Nantes 1680-1730, thèse de 3e cycle sous la direction de J. Meyer, université Paris Sorbonne-Paris IV, 1987, 2 volumes, vol. 1, 354 p., volume 2, 733 p. ; Michon B., Le port de Nantes au xviiie siècle. Construction d’une aire portuaire, Rennes, PUR, 2011, 397 p. ; Tanguy M., L’essor d’un port atlantique connecté : Nantes et le commerce des « Isles de l’Amérique » durant le règne de Louis XIV (1661-1697), thèse de doctorat d’histoire sous la direction de G. Saupin, université de Nantes, 2014, 3 volumes, 1068 p.

30  AM Nantes, DD 196. Procès-verbal des quais et cales en date du 26 novembre 1731, et livraison de pierre de grison datée du 10 décembre 1765.

31  Godelaine F., « De la Loire à l’océan : Nantes, port fluviomaritime (xviie-xviiie siècles) », Archeothema, n° 21, 2012, p. 82.

32  AD Loire-Atlantique, B 4976. Ordonnance du siège royal de l’Amirauté de Nantes, 13 juin 1785.

33  AD Loire-Atlantique, B 4976. Ibid.

34  AD Loire-Atlantique, B 4973. Procès-verbal d’une sapine coulée, le 9 février 1765.

35  AD Loire-Atlantique, B 4973. Rapport, le 27 juin 1766.

36  AD Loire-Atlantique, B 4976. Affaire du chaland abandonné, le 23 juillet 1782.

37  Pean de La Tuilerie J., Description de la ville d’Angers et de tout ce qu’elle contient de plus remarquable, Angers, 1re édition en 1778, rééd. en 1869, p. 382-386.

38  Maillard J., Le pouvoir municipal à Angers…, op. cit., t. II, note 128, p. 47. L’échevinage attend que les bateaux ne passent plus et que les plaintes des marchands s’accumulent pour entreprendre les travaux.

39  Maillard J., ibid., t. II, p. 47.

40  AM Angers, DD 37. Quai à construire entre le port Ayrault et le quai Ligny, extrait des registres de la mairie d’Angers, le 23 juin 1691.

41  AM Angers, BB 99 f° 96r°. En mars 1693, le prix des travaux est évalué à 127 000 livres ; AM Angers, BB 99, f° 109, cité par Maillard J., ibid., t. II, note 130, p. 47.

42  AM Angers, DD 37. Quai à construire entre le port Ayrault et le quai Ligny, extrait des registres de la mairie d’Angers, le 23 juin 1691.

43  Maillard J., Le pouvoir municipal à Angers…, op. cit., tome II, p. 47. Pour faire face à une telle dépense, la recette des deniers patrimoniaux est insuffisante. Au xviiie siècle, il n’est jamais envisagé d’utiliser l’argent de la caisse des lanternes pour construire les quais.

44  AM Angers, DD 37. Ibid. Estimé à 127 100 lt, le projet – jugé trop coûteux – est abandonné.

45  AM Angers, BB 127, f° 105. Demande de nettoyer la Maine, le 7 septembre 1776.

46  AM Angers, HH 30. Requête des marchands de bois, le 9 octobre 1789.

47  Cayla Ph., art. cité, p. 24. Les cales en abreuvoir plongent « en Loire parallèlement au rivage. La surface pavée descend dans toute sa longueur en plan incliné vers l’eau. La pente est variable ».

48  Conservatoire régional des rives de la Loire et de ses affluents, « Quais au fil de la Loire : histoire, état et usages, aspects juridiques… », Les cahiers du Conservatoire, Quais et levées de Loire, Nantes, 1998, p. 8.

49  Ibid., p. 13-14.

50  Conservatoire régional des rives de la Loire et de ses affluents, op. cit., p. 13-14.

51  Cayla Ph., « Les ports, monuments de la marine de Loire », ARRA, n° 16, spécial Loire, 2001, p. 89.

52  Actuellement Ingrandes délimite toujours le Maine-et-Loire et la Loire-Atlantique, limite héritée de l’Ancien Régime.

53  Cayla Ph., « Les ports de la Loire marinière », op. cit., p. 30.

54  Conservatoire régional des rives de la Loire et de ses affluents, op. cit., p. 8.

55  Cayla Ph., « Les ports, monuments de la marine de Loire », op. cit., p. 90.

56  La seule grue retrouvée à ce jour dans l’iconographie est au port de Cosne-sur-Loire (Nièvre). Elle sert à charger les bateaux des ancres de marine produites aux forges Babaud de La Chaussade.

57  Godelaine F., « L’axe ligérien. La construction d’une identité patrimoniale en région Pays-de-la-Loire », dans G. Saupin, M.-R. Morice et N. Vivier (dir.), Les nouveaux patrimoines en Pays-de-la-Loire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 56-57 ; Godelaine F., « De la Loire à l’océan : Nantes, port fluviomaritime (xviie-xviiie siècles) », Archeothema, n° 21, 2012, p. 81 ; Cayla Ph., « Les ports de la Loire marinière », La Loire et ses terroirs, n° 55, Combleux, Éditions Loire et Terroir, 2005, p. 24-39 ; Cayla Ph., « Identité ligérienne : la personnalité patrimoniale et l’aménagement culturel de la Loire entre Angers et Nantes », dans J.-G. Petit et J.-L. Sanguin (dir.), Les fleuves de France Atlantique. Identités, espaces, représentations, Paris, L’Harmattan, coll. « Mémoires, géographie et cultures », 2003, p. 169-191 ; « Quais au fil de la Loire : histoire, état et usages, aspects juridiques », Quais et levées de Loire, Nantes, Conservatoire régional des rives de la Loire et de ses affluents, coll. « Les cahiers du Conservatoire », 1998, p. 5-23.

58  Cayla Ph., « Les ports de la Loire marinière », La Loire et ses terroirs, n° 55, Combleux, Éditions Loire et Terroir, 2005, p. 26.

59  AM Angers, DD 10. Requête des négociants pour la facilité des abords et des communications des ports Ligny et de la Basse-Chaîne, avril 1790.

60  AN F14 564, Maine-et-Loire, navigation. Document envoyé à De Marie, ingénieur en chef du département du Maine-et-Loire, le 16 thermidor an II.

61  Maillard J., op. cit., t. II, p. 48, note 132. En 1758, il est décidé de construire un quai « du coté de Boisnet et de la Poissonnerie […] sur le terrain déjà appelé quai de La Poissonnerie entre les Grands ponts et le Pont des Treilles » ; AM Angers, BB 118, f° 11 et 25. Commencés en 1762, les travaux sont interrompus par une crue de la rivière. Entre 1764 et 1789, se succèdent les décisions de reprendre les travaux et de les arrêter ; AM Angers, BB 118, f° 60 r° ; BB 121, f° 90 v° ; BB 122, f° 155 r° ; BB 122, f° 167 r° ; BB 126, f° 14 v°. Sauf en 1757, une partie des rives est aménagée au lieu-dit de « L’Abreuvoir » ; AM Angers, BB 117, f° 152. Le 23 décembre 1788, le corps de ville se réunit pour examiner les plans et devis « du quai projeté depuis le port Ayrault jusqu’à la Basse-Chaîne », AM Angers, BB 132, f° 91 v°. Ce projet est identique à celui adopté en 1691, cité par Maillard J., op. cit., t. II, p. 48, note 132.

62  AN F14 564, Maine-et-Loire : navigation. Aux citoyens composant la commission des travaux de la Convention nationale, 12 thermidor an II.

63  AN F14 564, Maine-et-Loire : navigation. Aux citoyens composant la commission des travaux de la Convention nationale, 12 thermidor an II.

64  AN F14 564, Maine-et-Loire : navigation. Document envoyé à De Marie, ingénieur en chef du département du Maine-et-Loire, le 16 thermidor an II.

65  AN F14 564, ibid.

66  AM Angers, BB 124, f° 53. Permission à Étienne Oger de faire deux quais, le 23 juillet 1770.

67  AD Loire-Atlantique, C 138. Mines de charbon de Montrelais, ibid., 7 août 1764.

68  AD Loire-Atlantique, C 138. Mines de charbon de Montrelais, mémoire sur l’utilité de rétablir le chemin des mines de Montrelais au port d’Ingrandes, 7 août 1764.

69  AN F14 7782. Mine de Houille-Le Poirier Samson, 14 novembre 1786.

70  Chaland : bateau de Loire d’une moyenne de 11 à 12 toises (29 à 31 m) de long. À fond plat, en chêne, sa largeur atteint en moyenne 4,50 m.

71  AD Loire-Atlantique, C 138. Mines de charbon de Montrelais, mémoire, 2 mars 1765.

72  AD Maine-et-Loire, 11 B 745. Affaire Clemenceau de La Lande contre Jean Hubert, mineur de charbon de Montjean, 6 mai 1775.

73  AD Loire-Atlantique, 2 C 138. Recettes des droits de péage, rabillotage perçus au bureau d’Ingrandes sur les marchandises descendant la Loire, 1719.

74  Dubois-Richir A., « Le trafic sur la Loire de Saumur à Bouchemaine au xixe siècle », dans J.-G. Petit et A.-L. Sanguin (dir.), Les fleuves de France atlantique, identités, espaces, représentations, mémoires, Paris, L’Harmattan, 2003, p. 90-93.

75  Martin L., Au temps de la marine de Loire, les souvenirs d’un vieux batelier, Orléans, Librairie Houze, in-f°, 1943, p. 35. Le 20 mars 1895, la Salmabarde d’Auguste Léger se rend à Nantes et n’en reviendra pas.

76  En Anjou, la famille Legros de Denée, non loin de Rochefort-sur-Loire, s’adonnant à la pêche au xvie siècle s’oriente vers la batellerie au xviie siècle. Cette famille se divise en deux branches. Une fait souche à Angers, dans les années 1670, fait fortune et acquiert des métairies, des closeries et quelques vignes à Rochefort-Denée. L’autre rameau, resté à Rochefort, semble moins fortuné. À la fin du xixe siècle, la branche angevine quitte Angers et s’installe au nord de la ville, sur les affluents. Vers 1880, ils abandonnent les activités de fret et deviennent charpentiers de bateaux. Ils finissent par quitter définitivement la batellerie au début du xxe siècle.

77  Leduc A., « Ma vie de marinier », présenté par Ph. Cayla, 303, 4e trimestre 1984, n° 37, p. 55-85.

78  Famille Leduc, mariniers de Loire ; famille Gandon, charpentiers de bateaux.

79  Godelaine F., « De l’identité fluviale ligérienne à la médiation culturelle : et si tout partait du patrimoine… », Études ligériennes, n° 24, Orléans, 2014, p. 10-16.


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