Les entrepreneurs des fortifications du littoral, stratégies et trajectoires d’un microcosme lorientais et port-louisien (1695-1815)

Benjamin Égasse

p. 127-148


Texte intégral

« il est d’un entrepreneur qui perd comme d’un homme qui se noie, qui se pend à tout ce qu’il peut. Or, se pendre à tout ce qu’il peut en matière d’entrepreneur, c’est ne pas payer les marchands chez qui il prend les matériaux, mal payer les ouvriers qu’il emploie, friponner ceux qu’il peut, n’avoir que les plus mauvais, parce qu’ils se donnent à meilleur marché que les autres, chicaner sur toutes choses et toujours crier miséricorde contre celui-ci et celui-là1. »

1Ces quelques mots, mis en lumière par Hélène Vérin ou encore par Philippe Destable dans sa thèse de doctorat, sont adressés par Vauban à Louvois en marge des travaux du Pré Carré2. Ils invitent à s’interroger et à considérer les stratégies et les trajectoires des entrepreneurs qui, une décennie plus tard, vont commencer à travailler à la construction d’un système défensif fortifié de la rade de Lorient3. Dans son Dictionnaire universel, Antoine Furetière définit l’entrepreneur comme étant « celui […] qui se charge de la construction et de la conduite d’un bâtiment ou de quelque ouvrage […]4 ». Le Dictionnaire de l’Académie précise que l’entrepreneur réalise ces opérations « pour un certain prix […]5 ». En 1771, le Trévoux complète ces définitions en ancrant l’entrepreneur dans son cadre d’intervention, le marché à prix fait6. À travers ces définitions sont clairement posées les finalités techniques et financières afférentes à l’entrepreneur et à son entreprise. Homme du hasard et du risque7, cet acteur de la construction est généralement un ex-artisan maçon, couvreur qui – au gré d’un marché – est devenu le coordinateur des différents corps de métiers intervenant sur un chantier de construction. Cet entrepreneur du bâtiment devient entrepreneur des fortifications en remportant une adjudication destinée à sélectionner celui à qui seront confiées les « affaires du roi ». Quelle place occupe-t-il dans la société littorale, et quelles stratégies développe-t-il pour réussir ? Que retire-t-il réellement de son engagement à travailler pour l’État royal ? Cette contribution s’inscrit dans la continuité d’un précédent travail dans lequel nous avions rapidement présenté un état de l’art sur la question des entrepreneurs, les sources et la méthodologie et quelques résultats8. Il convient à présent d’aller un peu plus en avant dans l’analyse des modes de fonctionnement de ces bâtisseurs des fortifications sur le littoral.

Une microsociété littorale

2Parler de microcosme ou de microsociété lorsque l’on aborde le cas des entrepreneurs des travaux de fortifications paraît être une évidence tant ces derniers sont peu nombreux. En l’état actuel des dépouillements, 20 entrepreneurs-adjudicataires ou gérants des travaux de fortifications9 peuvent être dénombrés entre 1702 et 180410. Même s’ils sont parfois originaires de paroisses éloignées du littoral, ces hommes sont majoritairement domiciliés à Port-Louis et à Lorient, les clauses des marchés contractés leur imposant un lieu de résidence à proximité des chantiers dont ils ont la charge. L’ajout, à ces entrepreneurs-adjudicataires, des associés et des cautionnaires – dont on sait qu’ils sont eux aussi entrepreneurs, porte à 30 l’effectif des individus qui sont financièrement et moralement engagées dans la construction des structures militaires défensives autour de la rade de Lorient. Si René Favier pointe des cas d’association « en grand nombre » pour la réalisation des travaux publics dans le Dauphiné11 ; il n’en est pas de même pour les fortifications où les associations restent rares, se limitant souvent aux années où la campagne de construction s’annonce dense (1747-1750) et ne regroupent jamais plus de cinq individus. Pour être un peu plus complet, il est possible d’ajouter à cet ensemble les entrepreneurs du bâtiment qui se sont présentés aux adjudications de la construction des fortifications mais qui n’ont finalement pas été retenus. L’effectif dépasse la quarantaine d’individus, 45 pour être précis. Ce recensement n’est pas exhaustif puisque les informations sur les entrepreneurs-adjudicataires et les cautionnaires sont lacunaires pour certaines années et les noms des entrepreneurs du bâtiment présents aux adjudications ne sont véritablement connus que pour la période 1729-174212. Il faut donc imaginer un ensemble un peu plus large que celui qui se dessine en cette période. Ce groupe ne constitue qu’une faible part de la population dans sa composition socio-professionnelle à Lorient ou Port-Louis. Dans sa thèse, Gérard Le Bouëdec indique que les métiers du bâtiment – dans lesquels il a sans doute inclus d’autres professions que celle d’entrepreneur – ne représentent, à Lorient, en 1757, que 1,20 % des capités de plus de cinq livres13. L’idée de l’existence d’un microcosme au sein d’une société littorale majoritairement constituée – dans le bassin lorientais – par des officiers, des soldats et employés de la Compagnie des Indes orientales et de l’armée, des négociants et autres marchands et gens de mer se confirme.

3Nous avons déjà eu l’occasion de présenter les liens qui peuvent exister entre la trentaine d’individus qui sont engagés dans la construction des fortifications de la rade de Lorient14. Il est utile de rappeler que ces relations vont de la simple marque d’amitié aux alliances matrimoniales. Dans Vie et société au Port-Louis, Henri-François Buffet mentionne que Pierre Periot, constructeur du mur de l’Enclos de la Compagnie des Indes à Lorient, est le beau-père de Guillaume Le Roy15, ce dernier ayant épousé Madeleine Periot le 21 février 1713 à Port-Louis. En choisissant Mathurin Periot comme cautionnaire à partir de 1734, Guillaume Le Roy semble faire garantir son travail soit par son beau-frère, soit par un oncle ou un cousin de sa conjointe. Yves Renaud et son épouse sont parrain et marraine du premier fils de Guillaume Le Roy ; Simon Friché, lui, choisit Hyppolite Gautier et Pierre Maurice comme témoins de mariage. De son côté, Marie-Françoise Le Roy, fille de Guillaume Le Roy, est donnée en épouse à François Gouriez. Lui-même est le fils de Guillaume Gouriez, maître-architecte à Rennes ; et le frère de Jean-Bernard Gouriez, entrepreneur qui a construit le môle du port de Granville16. À la fin du siècle, Louis Loréal choisit son neveu, Jean-Marie Loréal, comme associé ; ils sont tous les deux cautionnés par Charles Duvay, le père de Marie-Rose Charlotte Duvay, future épouse de Jean-Marie Loréal. On le constate, la sphère familiale et la sphère professionnelle sont poreuses l’une à l’autre ; et les liens tissés dans l’une permettent visiblement de se faire une place et d’évoluer dans l’autre.

4En ayant à l’esprit tout cela, il peut être intéressant d’observer les liens qui unissent cet « entre-soi » à la société dans son ensemble. Si l’on considère les « Conditions générales17 » qui servent de guide, de cadre, à l’action de l’entrepreneur et qui précisent que celui-ci

« se fournira à ses frais de tous matériaux, équipages, voitures, bâtiments de mer et généralement de tout ce qui lui sera nécessaire pour l’exécution de son entreprise, et […] payera peine et salaires aux ouvriers sans que le roi soit obligé qu’à lui payer en argent à fur et à mesure les ouvrages qu’il fera suivant les conditions de son marché18 ».

5Il est aisé de remarquer que, même s’il bénéficie de certaines ressources par son réseau familial et professionnel, l’entrepreneur des fortifications n’est pas en mesure de répondre à tous les besoins et d’effectuer lui-même l’ensemble des tâches qui lui sont imposées par son contrat. Ainsi, si Guillaume Le Roy cautionné par Mathurin Periot, entend peut-être bénéficier de ses services pour transporter les matériaux utiles aux différents chantiers ou se déplacer entre eux19. Louis Loréal, de son côté, fait le choix d’acheter sa propre chaloupe, certainement aussi pour assurer lui-même le transport de ses matériaux et ses déplacements entre son île natale, Belle-Île, et le continent où il fait ses affaires20. Mais, dans la majorité des cas, l’entrepreneur doit faire appel à des fournisseurs qui vont acheminer les matériaux aux endroits nécessaires et lui procurer les fournitures utiles et s’appuyer sur les compétences d’autres artisans et travailleurs pour mener à bien le chantier. Le plus souvent, l’entrepreneur « se contente de regarder la truelle21 » et occupe avant tout les fonctions de logisticien et de coordinateur des différents ateliers qu’il a mis en place pour assurer l’élévation de l’édifice qui lui est confié. D’une manière générale, il est extrêmement difficile de retrouver des traces de la relation entre l’entrepreneur et ses fournisseurs et employés. À ce jour, aucun rôle de paiement de journées à d’éventuels salariés n’a pu être retrouvé et seules trois traces de quittances établies entre un artisan et un entrepreneur ont été relevées22. Finalement, ce sont surtout les lettres écrites de la main des entrepreneurs qui attestent de ce lien, et donnent quelques informations sur le type de relation qui les unit. Ainsi, en avril 1718, Yves Renaud écrit au subdélégué de l’intendant de Bretagne à Hennebont. Il le

« supplie très humblement […] d’avoir la bonté de [lui] procurer [son] payement. [Étant] persécuté de [ses] créanciers auxquels [il] doit pour les matériaux qu[’il a] pris pour [les ouvrages de Port-Louis], et [qu’il] ne sait plus de quelle manière les contenter […]23 ».

6Avant de conclure, il affirme même être « à la veille d’être mis prisonnier ». Visiblement, les relations peuvent être tendues. Difficile également de ne pas entendre là un écho aux propos que Vauban tenait une trentaine d’années auparavant au sujet des entrepreneurs. Ces difficultés dépassées, il faut reconnaître que l’activité des entrepreneurs – certes induite par la commande royale – a un impact sur le tissu économique local et génère une activité conséquente et donc des revenus pour les exploitants de carrières, les maçons, menuisiers, charpentiers et couvreurs, ou encore pour les voituriers par eau et par terre. Toutefois, sur le littoral – interface terre-mer où la pluriactivité est un fait – l’entrepreneur des fortifications est parfois confronté à des difficultés pour trouver des artisans et une main-d’œuvre qualifiée. En effet, les chantiers de construction étant ouverts entre avril et octobre, les hommes dont il a besoin sont alors souvent occupés à la pêche ou à la moisson, des activités destinées à leur assurer des moyens de subsistance pour l’hiver. En outre, sur le littoral, les besoins de la Marine et des Ponts et Chaussées pour l’aménagement des infrastructures qui leurs étaient confiées ont pu, durant l’Empire, concurrencer les besoins de la Guerre et de ses chantiers de fortifications en puisant dans le même bassin d’emploi, voire en débauchant des manœuvres déjà recrutés par le Génie en leur proposant de meilleurs salaires24. Déjà en 1794, un « état » mentionnait les « ouvriers de Lorient [ayant] quitté les travaux des fortifications pour travailler dans le port25 ». Néanmoins, aucune opération de « débauchage » n’a, pour le moment, été observée sous l’Ancien Régime. À cette période, les expédients sont multiples pour réaliser les travaux d’aménagement : appel à la troupe26, corvée, redéploiement des ouvriers des arsenaux et autres chantiers navals27, réquisitions multiples d’artisans et de travailleurs sous la Convention28, etc. Dès lors, il est possible que la concurrence entre la Marine, les Ponts et la Guerre et donc la pression autour de la main-d’œuvre aient été moindres.

7L’observation de l’activité notariale des entrepreneurs des fortifications – grâce notamment aux registres du contrôle des actes29 – permet de prendre conscience qu’ils entretiennent aussi des relations avec des individus qui ne sont pas directement en lien avec leur activité mais dont ils retirent néanmoins quelques intérêts. Ainsi, les entrepreneurs achètent, vendent et échangent quantité de biens fonciers et immobiliers, ils peuvent également passer des baux à ferme avec les paysans locaux. Ces pratiques sont susceptibles de participer à la constitution d’une réserve de capital visant à accroître leur crédit au moment des procédures d’adjudication30. En effet, cette intense activité n’est pas sans conséquence sur la valeur des biens et donc sur les bénéfices qui en sont tirés. Gérard Le Bouëdec souligne justement que l’on retrouve « dans les métiers du bâtiment ceux qui ont su spéculer pendant la fièvre de construction qui s’est emparée [de Lorient], comme les entrepreneurs Maurice et Martinet31 ». De plus, les relations que les entrepreneurs des fortifications peuvent entretenir avec les représentants de la composante militaire présents sur le littoral sont susceptibles de leur apporter une activité complémentaire. Dans une lettre datée de juin 1723, le lieutenant du roi à Port-Louis, Ricquebourg, alors à la recherche d’un entrepreneur pour réhabiliter les casernes destinées à accueillir les soldats du régiment d’Anjou, affirme que l’entrepreneur chargé des réparations de la citadelle – qui vient de lui communiquer un plan pour la rénovation desdites casernes – est « un bon homme connu de Monsieur Robelin qui s’offre d’y faire travailler de clerc à maître32 ». Enfin, il faut mentionner le fait que certains entrepreneurs font le choix – au moment de la Révolution française – de s’insérer dans des cercles de sociabilité émergents33. Ainsi, Louis Loréal intègre la franc-maçonnerie ; il est d’ailleurs membre fondateur de la loge « La Douce Attente » à Auray en 1791-9234. Bien que soutenue lors de sa création par les deux loges lorientaises, « L’Union » et « L’Heureuse Alliance », la loge alréenne est néanmoins déclarée non active sous le Premier Empire35.

8Au terme de ce survol rapide, il semble possible d’affirmer l’existence d’une forte relation d’interdépendance et de liens jamais totalement dénués d’intérêts entre le microcosme des entrepreneurs des fortifications et l’ensemble de la société littorale. C’est donc la figure d’un entrepreneur stratège qui se dessine, voyons justement comment s’exprime ce caractère au cours des procédures d’adjudications.

Pratique des marchés publics et gestion de la concurrence36

L’adjudication des travaux de fortifications à Lorient et à Port-Louis

9Rappelons que l’entrepreneur du bâtiment devient entrepreneur des fortifications après avoir remporté un marché. Ce dernier est attribué à l’individu sorti de la procédure d’enchères publiques au rabais comme étant « le moins disant » – c’est-à-dire celui qui a proposé les plus bas prix. Ce système, comme le rappelle Hélène Vérin, est vivement critiqué par Vauban puisqu’il tend à favoriser les « écumeurs d’ouvrages » qui « emportent les contrats, en proposant des prix défiant toute concurrence37 ». Les entrepreneurs lorientais et port-louisiens correspondent-ils à ce portrait ou sont-ils plus raisonnés lorsqu’il s’agit de concéder des baisses de tarifs ? Il est important de signaler qu’au cours d’une adjudication pour des travaux de fortification – à la différence de ce qui peut être observé pour d’autres cas38 – les entrepreneurs-enchérisseurs se positionnent et proposent leurs tarifs pour les différents « lots » utiles à l’édification de l’ouvrage mais ne pratiquent pas l’enchère à la baisse à partir d’une estimation préalable de ce dernier. Ainsi, ils donnent les prix qu’ils estiment justes pour les travaux de terrassement, de maçonnerie, de couverture, de peinture et d’enduits, de plantations, etc. L’entreprise des fortifications étant une entreprise générale, dont le marché ne peut être divisé, l’entrepreneur déclaré adjudicataire est chargé de l’élévation de l’édifice depuis les fondations jusqu’aux ultimes finitions. L’entrepreneur des fortifications est donc « tous corps d’état ». L’entreprise générale comporte plus de risques pour le client, c’est-à-dire pour l’État royal, que l’entreprise particulière qui a les faveurs de Vauban ou encore de Bélidor. C’est en raison de ces risques que la validation de l’adjudication est conditionnée à la solvabilité de l’entrepreneur « moins disant » et à la fourniture d’« une bonne et suffisante caution ». Au xviiie siècle, cette dernière est généralement apportée par un tiers qui « s’oblige solidairement avec [l’adjudicataire] à l’exécution du [marché] sur l’hypothèque générale de tous [ses] biens présents et à venir […]39 ». Il convient également de préciser que les officiers royaux présidant la procédure – généralement l’intendant de la province ou son subdélégué local, assisté de l’ingénieur de la place concernée par les travaux – vérifient que les entrepreneurs « entendent » bien les opérations qu’ils ont à réaliser. Cette vérification s’opère grâce à la lecture du devis et à la présentation des plans et profils de l’ouvrage.

10Dans Entrepreneurs, entreprise…, Hélène Vérin indique que les « travaux prisés en commun » lors d’enchères publiques « ont pour objet de permettre une véritable concurrence des postulants, et donc un prix de concurrence réel40 ». Dès lors, comment – avec le si petit panel que nous avons décrit plus haut – le pouvoir royal s’assure-t-il une mise en concurrence idéale des entrepreneurs et ainsi un résultat optimal des enchères ? Le premier moyen est d’assurer une large diffusion des affiches annonçant la prochaine adjudication. Dans le cas des travaux de fortifications de la rade de Lorient, la publication s’opère dans les principales villes de la province (Nantes, Brest, Morlaix, Quimper, Concarneau, Quimperlé, Hennebont, Auray, Vannes, Saint-Malo, Rennes, et bien sûr Lorient et Port-Louis). Malgré cette large zone de diffusion, les entrepreneurs qui se présentent sont rares et ils le seront de plus en plus au fil des ans. Ainsi, sur la période où les procès-verbaux des adjudications sont les plus précis (1729-1742), le nombre d’enchérisseurs oscille entre deux et six ; le plus souvent, ils sont quatre. Fait rare, l’adjudication pour les travaux de Lorient et de Port-Louis en 1747 – année où les chantiers s’annoncent nombreux – est disputée par 13 entrepreneurs. Les adjudications des autres années mentionnent le plus souvent que « personne ne s’est présenté pour mettre en dessous » de la proposition du premier entrepreneur-enchérisseur qui est, de fait, déclaré adjudicataire. Durant la dernière décennie du xviiie siècle, en raison de l’instabilité politique et économique et des expériences plus ou moins heureuses qu’ont pu connaître certains entrepreneurs, les adjudications n’intéressent plus vraiment ces derniers. La « crise de vocations » est telle que l’État réfléchi aux moyens qui permettraient de raviver l’intérêt des entrepreneurs pour les adjudications de travaux publics. Dans une lettre du 16 nivôse an II, Edme-Henri-Victor Dupin – officier du Génie et adjoint au ministre de la Guerre41 – estime que c’est par l’application de la loi du maximum42 et par un ensemble de dispositions autorisant les réquisitions d’hommes, de matériaux, etc., que le pouvoir central sera en mesure de ramener vers lui, en les rassurant, les hommes dont il a besoin43. Un dispositif « transitoire », la gérance44, est mis en place sous la Convention pour pallier l’absence d’entrepreneur-adjudicataire en titre. Cette gérance est généralement – et paradoxalement – confiée à un entrepreneur. Le gérant occupe les mêmes fonctions qu’un entrepreneur-adjudicataire (sélection des matériaux, coordination des ateliers, etc.), la seule différence est qu’il n’est pas financièrement engagé dans l’affaire. Son statut se rapproche de celui d’un agent de l’État. Malgré tout, ces dispositions ne semblent pas suffisantes puisqu’en 1813, l’État reconnaît encore que « le défaut d’entrepreneurs […] le met quelquefois dans la nécessité de faire exécuter les travaux par voie de régie45 ».

11Les entrepreneurs qui participent aux adjudications sont tous domiciliés soit à Lorient, soit à Port-Louis ; ce qui laisse penser que les entrepreneurs bretons limitent leurs candidatures aux chantiers situés à proximité de leur résidence et qui ne leur imposent pas un « déménagement » de leur entreprise en cas de réussite à l’adjudication à laquelle ils postulent. Néanmoins, il faut mentionner le cas de François Gouriez, habitant de Port-Louis, et adjudicataire – en 1777 – des travaux du fort de Châteauneuf situé près de Saint-Malo46. C’est le seul exemple d’entrepreneur à envergure « provinciale » que nous avons pu relever parmi les individus de notre corpus.

12Le second moyen de garantir le bon déroulement des enchères est d’empêcher les ententes illicites entre entrepreneurs et ingénieurs en charge des projets. À ce sujet, Hélène Vérin rappelle l’existence de deux ordonnances : une de février 1681 et surtout celle du 19 avril 1683 qui condamnait aux galères perpétuelles

« les ingénieurs et entrepreneurs des fortifications convaincus d’intelligence entre eux pour abus et malversations commises du fait des toisés ou l’inexécution des devis et promettait une somme de 3 000 livres à celui qui en donnerait avis à Sa Majesté, même vingt ans après que lesdits abus auraient été commis47 ».

13Elle pointe d’ailleurs la succession des textes qui montre leur inefficacité. Loin d’observer de réelles ententes entre entrepreneurs et ingénieurs sur le littoral lorientais, il faut néanmoins reconnaître qu’il peut exister des « relations de confiance » entre ces derniers ; dès lors, les prises de contact peuvent être plus directes. Ainsi, le procès-verbal de l’adjudication des travaux à faire à Port-Louis en 1712 mentionne le fait que Jean Bachelier de Bouridal, conseiller du roi chargé du soin des fortifications des places de la province de Bretagne, a « écrit au sieur Renaud, entrepreneur des années dernières […] de se rendre près de Nous […]48 » afin que lui soient communiqués les détails concernant les travaux à réaliser. Une « convocation » qui s’explique aussi par le contexte diplomatique, les « bruits de paix » empêchant de faire une adjudication en bonne et due forme en raison de la diminution attendue des prix des matériaux une fois la paix signée.

L’efficacité de l’enchère au rabais

14L’étude des adjudications passées pour les travaux à faire à Port-Louis entre 1729 et 1742 permet d’observer l’efficacité réelle de ces procédures d’enchères au rabais et d’étudier plus finement la mise en concurrence des entrepreneurs. Nous avons fait le choix de rassembler dans le tableau de synthèse ci-dessous quelques-unes des informations recueillies après le traitement des procès-verbaux.

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Tableau 1. – Synthèse des taux de diminutions calculés lors des adjudications des travaux à faire à Port-Louis (1729-1742 et 1747)49.

15La différenciation faite entre les entrepreneurs présents et les entrepreneurs-enchérisseurs permet de voir que tous les entrepreneurs se déplaçant aux adjudications ne prennent pas pour autant part à l’enchère. En 1733, seuls deux des cinq entrepreneurs présents participent, les autres « n’ont voulu rien dire n’y parler50 ». Dès lors, pourquoi viennent-ils ? Ont-ils pour objectif d’observer le déroulement de la procédure et de jauger la concurrence pour éventuellement tenter de se positionner l’année suivante ? Visiblement, ce n’est pas le cas puisqu’aucun des trois ayant gardé le silence ne refait le déplacement durant les années qui suivent. Notons cependant que Pierre Mais, un de ceux s’étant tu, repart de l’adjudication en étant cautionnaire d’Yves Renaud. Il faut peut-être voir ici un cas d’entente préalable entre les deux entrepreneurs. René Favier évoque un cas similaire où « les prétendants s’accordent d’avance pour [obtenir un] meilleur marché [et] s’interdisent de faire des enchères pour ne pas se nuire […]51 ». Si certains gardent le silence, c’est peut-être aussi parce qu’ils jugent les prix avancés dès la première offre trop bas pour pouvoir s’aligner tout en maintenant la rentabilité de leur entreprise. Malgré ces offres d’entrée trop basses pour certains entrepreneurs, l’enchère fait son office et les enchérisseurs concèdent des baisses allant jusqu’à 50 % sur certains articles (pied courant de verge de fer, pied carré de vitres en plomb) et même au-delà en 1747. Il est intéressant de constater que ces articles sont ceux qui ne subissaient, avant 1735, aucune offre de rabais ; le prix proposé par le premier entrepreneur à se prononcer n’était alors jamais « rabaissé ». En dehors de ces deux extrêmes, les taux de diminution qu’il est possible d’observer sur les différents articles oscillent généralement entre 10 et 30 %. Si l’on se focalise sur deux des articles récurrents dans toutes les adjudications de la période considérée, on remarque une tendance légère à l’augmentation du rabais concédé. Celle-ci est souvent proportionnelle à l’augmentation des tarifs demandée par les entrepreneurs en 1re offre (prix de départ). Ainsi, avec ce système d’enchère, l’État royal semble être en mesure de contenir – au moins entre 1729 et 1742 – l’augmentation des prix souhaitée par les entrepreneurs et d’éviter toute envolée des coûts de construction des fortifications.

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Tableau 2. – Prix pratiqués et taux de diminution calculé pour « la toise cube de terre, pierraille et roc pourri à la réserve de la citadelle, portée dans les lieux indiqués par l’ingénieur et toisée une fois seulement en déblai » (1729-1742).

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Tableau 3. – Prix pratiqués et taux de diminution calculé pour « la toise cube de maçonnerie exposée aux marées dosées d’un tiers de chaux vive éteinte et de deux tiers de sable » (1729-1742).

16Pour les enchères pratiquées entre 1729 et 1742, les moyennes calculées des taux de diminution varient entre 14 % et 22,5 %. L’année 1747 sort quelque peu du lot avec une moyenne des taux de diminution légèrement supérieure à 29 %. Sans pour autant pouvoir en conclure une règle générale, il est possible de remarquer que plus le nombre d’enchérisseurs est élevé, plus les prix ont tendance à baisser. Le système d’enchères est donc véritablement opérationnel. Pour avoir une vision encore plus fine de la stratégie des entrepreneurs quant à la détermination de leurs tarifs, il conviendrait de corréler les taux de diminutions calculés avec le volume d’activité de chaque année, afin de voir si sur une année qui s’annonce riche en chantiers les prix pratiqués ont une tendance à être plus élevés ou plus bas par rapport à une année témoin. De même, il faudrait analyser l’évolution de ces prix de manière plus globale en les rapportant à la conjoncture économique d’alors (inflation/déflation des prix) pour observer si les tarifs des entrepreneurs sont au-dessus, au-dessous ou au prix du marché.

Entrepreneurs et concurrence

17L’absence de concurrence lors de certaines adjudications est-elle pour autant synonyme d’entente préalable entre entrepreneurs ? L’élimination d’un ou deux concurrents par ce moyen peut paraître plausible mais l’éradication totale des adversaires potentiels semble peu probable. Dès lors, s’il n’y a pas de concurrence, c’est soit que cette dernière n’existe pas, soit que ses représentants ne sont pas intéressés par ce type de chantier. En effet, l’envergure de l’entreprise de fortification peut effrayer et éloigner un certain nombre de prétendants. De même, cela peut être un signe de la rareté du savoir-faire requis pour édifier ce type de structure qui est, somme toute, assez éloigné de la maison d’habitation lambda. Au début du xviiie siècle, certaines adjudications ont pu être repoussées plusieurs jours d’affilée faute d’une concurrence suffisante et donc de rabais suffisamment importants aux yeux de l’administration. Ainsi, en 1702, une première prisée pour l’adjudication des travaux à faire à Port-Louis a lieu le 29 avril, aucun des entrepreneurs présents ne souhaitant enchérir à la baisse sur la première offre, la procédure est repoussée au 4 mai et enfin au 5 dudit mois. Il en est de même en 1715 où l’adjudication, initialement prévue le 9 avril, est successivement reportée au 11 puis au 13 du même mois. Néanmoins, même si la concurrence et les rabais sont estimés insuffisants au moment de la clôture, aucun cas d’ajournement d’adjudication n’est à signaler ; les travaux de fortifications ayant toujours été confiés à des entrepreneurs52. Durant la seconde moitié du xviiie siècle, l’administration ne s’encombre plus de ces reports et adjuge les travaux au seul entrepreneur-enchérisseur présent le jour de l’adjudication.

18L’étude des procès-verbaux des adjudications qui ont eu lieu entre 1729 et 1742, époque où la mise en concurrence avait encore une existence relative, montre que la pratique de la « folle enchère » semble assez policée au xviiie siècle. Chaque article ne fait généralement l’objet que de 2 à 5 offres, ce qui – rapporté au nombre d’enchérisseurs enregistrés sur chaque adjudication – équivaut à 1 à 2 offres par intervenant. L’atmosphère doit donc être relativement calme, même si certains articles (maçonnerie, bois, couverture) peuvent être un peu plus disputés et approcher voire parfois dépasser les 10 offres. Les entrepreneurs-enchérisseurs prennent la parole les uns après les autres en respectant une certaine préséance. Au début du siècle, la première offre sur chaque article est généralement du fait de l’entrepreneur-adjudicataire sortant, puis viennent celles de son associé, de son cautionnaire – s’ils participent –, et enfin celles des autres entrepreneurs présents. À cette époque, le dernier mot revient souvent à l’entrepreneur-adjudicataire sortant, celui-ci « tient » véritablement l’adjudication. Il est intéressant de signaler que parfois les entrepreneurs-enchérisseurs peuvent « bousculer » cet ordre établi pour formuler en premier une offre sur des articles liés à leur formation initiale. Ainsi, en 1729, alors qu’il n’est qu’un « jeune » entrepreneur, Guillaume Le Roy, couvreur de formation, grille la politesse à Yves Renaud et propose le premier une offre sur les articles liés à la couverture. À compter des années 1740, les prisées sont un peu plus « mouvementées » et l’entrepreneur-adjudicataire sortant est plus régulièrement attaqué et doit donc réagir en baissant ses prix s’il veut conserver son marché. Durant la majeure partie de la première moitié du xviiie siècle, les verdicts des adjudications sont clairs, nets et acceptés de tous. La réalisation de tableaux de synthèse des procédures d’enchères permet de mettre en lumière ces éléments.

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Tableau 4. – Tableau de synthèse des résultats de l’adjudication pour les travaux de Port-Louis en 1729 (41 articles).

19L’entrepreneur qui était le « moins disant » sur le plus grand nombre d’articles de l’adjudication remportait cette dernière. D’ailleurs, entre 1700 et 1740, l’entrepreneur « moins disant » l’était souvent sur tous les articles de l’adjudication. Après 1740, quelques cas d’adjudications où l’entrepreneur ne remporte pas l’ensemble des articles sont à mentionner. En 1742, par exemple, trois entrepreneurs se retrouvent chacun adjudicataire d’un article sur les 42 que compte l’adjudication ; tandis que Guillaume Le Roy est le « moins disant » sur les 39 restants. Le marché ne pouvant être séparé, dès la fin de la procédure, les trois premiers se désistent au profit du « moins disant » majoritaire. Mais cette logique n’est pas toujours respectée. Ainsi, en 1747, après association ou désistement de l’un des deux, Honoré Aubert et/ou Loisel aurait dû être déclaré adjudicataire des travaux de Lorient et de Port-Louis eu égard au résultat de l’adjudication présenté ci-dessous.

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Tableau 5. – Tableau de synthèse des résultats de l’adjudication pour les travaux de Lorient et de Port-Louis en 1747 (22 articles).

20Or, la lecture du procès-verbal permet d’apprendre que l’intendant adjuge les travaux de Lorient à Simon Friché et ceux de Port-Louis à Jacques Robinet. Que faut-il en déduire ? Faut-il voir là un effet des « relations de confiance » qu’auraient pu nouer Friché et Robinet avec les officiers royaux en charge des fortifications, ou bien faut-il y voir l’acte d’autorité de l’intendant qui estime les propositions de prix des deux entrepreneurs majoritairement « moins disant » comme irréalistes et leurs compétences insuffisantes pour leur confier les travaux prévus ? Au stade actuel de notre réflexion, cette décision de l’intendant et du directeur des fortifications de Bretagne reste inexpliquée.

21En avril 1751, ce sont Simon Friché et Hyppolite Gautier qui n’acceptent pas le verdict de l’adjudication qui vient d’être prononcé. Cette dernière attribue à Clément Martinet, leur ancien associé, le marché des ouvrages de fortifications à faire à Lorient en 1751 et 1752. Loin d’accepter de se voir ainsi dépouillés, Friché et Gautier présentent un tiercement pour « récupérer » le marché fraîchement adjugé. Procédure tout à fait légale, le tiercement doit être réalisé dans les 24 heures qui suivent l’adjudication. Il s’agit d’effectuer, suivant le cas, une enchère un tiers au-dessus ou au-dessous du prix de l’adjudication. Dans ce cas, l’enchère étant au rabais, Friché et Gautier proposent de diminuer « les quatre articles des terres, tufs et rocs de deux sols chacun au-dessous des six sols de rabais mis par Martinet, et les autres ouvrages de 4 d. pour livre au-dessous du sol pour livre du prix auquel ils ont été adjugés au Port-Louis ». Martinet contre-attaque et propose :

« quatre sols pour livre au-dessous du tiercement desdit Gautier et Friché sur tous les articles portés en ladite adjudication. Ledit Simon Friché a mis un trentième de diminution sur tous les articles au dessous des 4 s pour livre de rabais mis par ledit Martinet, lequel ayant déclaré n’en vouloir plus et le feu éteint, Nous avons sous le bon plaisir de M. l’Intendant définitivement adjugé audit Simon Friché les ouvrages53 ».

22Par moments, le courtois désistement peut donc laisser sa place à un combat plus affirmé entre les entrepreneurs. Hormis ce cas, un peu exceptionnel, ces derniers ne semblent pas s’être engagés dans une baisse inconsidérée de leurs tarifs. En tant que praticiens, ils connaissent la valeur du travail et savent définir le seuil de rentabilité de leur intervention. Ainsi, lorsque les prix descendent trop bas certains renoncent et laissent la place à ceux qui ont les « reins » les plus solides. C’est une sorte de « sélection naturelle » qui s’opère. Qui plus est, l’État veille à ce que les prix restent à un niveau honorable, gage de la qualité des travaux exécutés. La technicité à un prix. Ainsi, suite au tiercement évoqué ci-dessus, l’intendant de Bretagne adresse une lettre à son subdélégué à Lorient en précisant qu’il

« ne manquera pas de résulter bien des embarras et des inconvénients par la modicité de ces prix et qu’il parait convenable de ne pas ruiner des entrepreneurs [sic]54 suivant votre avis et celui de M. de La Sauvagère, de ne pas mettre des entrepreneurs, sur l’exactitude et la probité desquels on peut d’ailleurs compter, dans le cas de se ruiner. J’estime que vous pouvez différer de rédiger jusqu’à nouvel ordre l’adjudication dont il s’agit pour Lorient, attendu que je vais rendre compte de cette affaire au ministre […]55 ».

23De plus, les entrepreneurs en agissant dans le cadre de ces marchés passés avec l’État bénéficient d’une certaine protection de la part de ce dernier. Ainsi,

« Il a de plus été convenu qu’en cas de discontinuation [des travaux de fortifications] soit à l’occasion d’attaque ou de surprise de la part de l’ennemi, prise ou destruction de l’ouvrage, l’entrepreneur sera indemnisé des pertes d’outils, matériaux et autres ustensiles, suivant l’estimation qui en sera fait par l’ingénieur du roi chargé de la conduite des travaux56. »

24Finalement, si les entrepreneurs ont du faire preuve de stratégie, ce n’est pas forcément pour écarter certains de leurs congénères – la concurrence semblant être toute relative au xviiie siècle – mais bien plus pour devenir un partenaire privilégié de l’État royal dans sa politique d’aménagement. La procédure d’enchère constitue un moment clé où le pouvoir royal va sélectionner les plus fiables des entrepreneurs pour limiter au maximum les risques qu’il prend en faisant appel à leurs entreprises pour la construction des fortifications dont il a besoin. À cet effet, l’État renforce les « clauses et conditions générales » faites à l’entrepreneur-adjudicataire. Là où elles ne consistaient qu’en un paragraphe d’une vingtaine de lignes avant 1740, elles s’égrènent dans un long développement tenant sur une dizaine de pages après cette date. La volonté d’encadrement de l’action des entrepreneurs par l’État royal est totale. Néanmoins, l’État est-il le seul à prendre des risques à cette occasion ? Fidèles à notre objet d’étude, tâchons de voir maintenant quels sont les risques encourus – et les bénéfices visés – par les entrepreneurs des fortifications.

Risques et bénéfices

25Dans son article consacré à l’évaluation des avantages du recours à l’entreprise dans les grands travaux de l’État au xviiie siècle, Hélène Vérin rappelle – en citant Vauban – que « les entrepreneurs se porteront à leur travail avec le maximum de soins et de diligence parce qu’“ils sont puissamment exaltés par l’espoir du gain et la crainte de la perte”57 ». Être entrepreneur, c’est donc accepter ces deux réalités et être capable de les maîtriser. Dans Entrepreneurs, entreprise…, Hélène Vérin reconnaît « le rôle décisif que jouent les enchères publiques, le prix fait, dans l’apparition d’un profit moyen […]58 ». Il est difficile de connaître avec précision le profit réalisé et le degré de réussite des entrepreneurs des fortifications. En effet, aucun document concernant leurs entreprises, aucun livre de compte, ou autre document témoignant d’une éventuelle faillite n’a pu être retrouvé dans les archives. Il faut donc utiliser des moyens détournés et s’appuyer sur leurs « signes extérieurs de richesse » pour estimer le succès économique de ces derniers. René Favier indique – en citant un entrepreneur – qu’il y a « au moins dix pour cent à gagner » lors d’un chantier de travaux publics et souligne que « le profit n’[est] certes pas mince, mais […] [que] le bénéfice n’[est] pas toujours au bout du chantier, soit parce que les entrepreneurs acceptaient des adjudications à des prix trop bas, soit du fait de leur mauvaise gestion ou de leur insuffisante compétence59 ». Effectivement, certains constructeurs ont pu connaître quelques déconvenues dans leur relation avec l’État. Ainsi, il n’est pas rare qu’un entrepreneur doive attendre plus d’un an avant d’être remboursé de ses avances et rémunéré pour son travail. En 1718, Yves Renaud demande « le payement d’une somme de 2460 lt qu’il pretend lui estre düe de reste des ouvrages qu’il a faits [en 1717 à Port-Louis] et [au port] de L’Orient60 ». Cette même année, il attend également le paiement de travaux effectués en 1706 ; ce n’est finalement qu’en 1725 que l’État et Yves Renaud finissent par être quittes61. Souvent, l’administration rejette la responsabilité de ces délais de paiement sur l’entrepreneur et le taxe, au passage, d’impéritie. Ainsi, Robelin, directeur des fortifications de Bretagne, affirme dans une lettre que si l’entrepreneur Le Sourd n’a pas touché une partie de son marché :

« c’est sa faute […] comme il est fort négligent dans son travail ; l’ingénieur [de la place] n’a pu [me] donner son certificat que fort tard […] mais on ne manquera pas de lui payer ce qui pourra lui revenir a proportion des autres entrepreneurs […]62 ».

26À vrai dire, le problème repose aussi partiellement sur l’État. Ainsi, dans le cas d’Yves Renaud, malgré la transmission des pièces utiles à son paiement (toisés, etc.) et la disponibilité des fonds dédiés à sa rémunération dans les caisses du commis local du trésorier général des Fortifications, l’intendant ne délivre pas suffisamment rapidement les ordonnances de paiement. Sans ces dernières, le commis du trésorier est dans l’impossibilité de décaisser une quelconque somme d’argent pour l’entrepreneur. Ces décalages de paiement entraînent des difficultés en cascade, notamment en ce qui concerne la rétribution des fournisseurs, artisans et ouvriers employés par les entrepreneurs. D’autres constructeurs peuvent enregistrer des pertes réelles. Ces dernières ne sont pas forcément dues à la faiblesse des prix adjugés ; elles peuvent aussi dépendre de retournements de contexte (déclenchement d’une guerre, etc.) intervenant entre l’adjudication et la réalisation du chantier. Aussi, en 1757, François Gouriez fait modifier in extremis son marché afin de ne pas subir de plein fouet le renchérissement « des frets de barques, de chaloupes et des journées d’ouvriers63 ». De telles situations peuvent, à terme, menacer la viabilité des entreprises et conduire ces dernières à la faillite. Parfois, elles poussent les entrepreneurs-adjudicataires à dénoncer leurs contrats avant leurs termes ou à renoncer à un nouvel engagement. D’ailleurs, au début de l’année 1785, Yves-Marie Carriou refuse une nouvelle adjudication triennale. Faute de candidats, la prolongation – aux mêmes conditions – de son ancien marché (1782-1784) lui est proposée ; il la refuse également invoquant le fait qu’il a

« perdu dans l’exécution de ses trois années la somme de cinq mille livres, et être encore au moment présent en avance de la somme de cinq milles neuf cents livres en ouvrages faits, parfaits et reçus en 1784 […]. [Qu’il lui est] encore dû sur les toisés de 1784 la somme de trois mille sept cents dix livres, laquelle dite perte et retard de la rentrée de [ses] avances, [le] met hors d’état de pouvoir entreprendre un nouveau marché […]64 ».

27Travailler pour l’État met donc la trésorerie des entrepreneurs à flux tendu et semble même placer certains de ces derniers au bord de la cessation de paiement. Néanmoins, les affaires ne devaient pas être si mauvaises si l’on en juge par les durées d’exercice d’Yves Renaud, d’Hyppolite Gautier, de Guillaume Le Roy ou de Simon Friché qui restent respectivement adjudicataires des travaux de fortifications durant vingt-huit, vingt et un, douze et presque dix ans au gré des renouvellements et prorogations d’adjudications. Si leurs entreprises avaient été en si mauvaises postures, ils auraient du disparaître du paysage bien plus rapidement. Grâce à l’observation de l’activité notariale des entrepreneurs, du montant des dots concédées, de leurs successions ainsi que par l’étude des registres de la capitation, il semble possible d’affirmer que ces entrepreneurs des fortifications se hissent dans le haut de la pyramide sociale des villes où ils résident65.

28Au-delà de la réussite économique, les bénéfices engrangés par les entrepreneurs des fortifications du xviiie siècle relèvent aussi certainement du domaine du social et du symbolique. Dans une lettre datée du 5 mai 1751, La Sauvagère – ingénieur de la place de Port-Louis – indique que « le titre d’entrepreneurs du Roy flatte [ces hommes], leur fait trouver d’autres entreprises dans la ville pour des particuliers66 ». Certains entrepreneurs entendent effectivement capitaliser sur ce titre d’« entrepreneur du roi » et sur l’expérience acquise lors de chantiers de construction prestigieux pour « dépasser » leur condition de « simple » artisan ou entrepreneur du bâtiment. L’âge auquel ils deviennent entrepreneur-adjudicataire pour la première fois, généralement entre 40 et 50 ans, montre que l’accession à ce statut constitue pour eux l’aboutissement d’une carrière. L’observation des passages de relais entre entrepreneurs renforce cette idée. Les cautionnaires ou associés succèdent souvent aux entrepreneurs-adjudicataires sortants lorsque ceux-ci arrêtent leur activité ; dès lors, on peut émettre l’hypothèse de l’existence d’une sorte de cursus honorum qui leur permet d’accumuler de l’expérience – et un capital – susceptibles de leur permettre de devenir à terme entrepreneur-adjudicataire. Ces hommes semblent donc être à la recherche d’une reconnaissance sociale, c’est assez perceptible lorsque l’on prête attention à la façon dont ils se présentent dans leurs courriers, lors des déclarations de naissance de leurs enfants, etc. Les termes et expression d’« architecte », d’« ingénieur », d’« entrepreneur des travaux militaire » reviennent souvent ; parfois, ces mentions sont suivies du nombre d’années d’expérience. Héritier de l’expertise de son père, Simon Friché, Jean-Simon Friché est nommé en 1792 comme membre d’une commission de visite sur les côtes en vue de leur mise en état de défense67. À cette occasion, il procède à l’estimation des réparations à effectuer sur les forts et batteries situées entre Le Pouldu et Kernevel. Cette expertise n’est sans doute pas étrangère à sa désignation comme gérant des fortifications de Lorient en 1794. L’ascension sociale de ces hommes a pu prendre des formes différentes et s’exprimer également en dehors du secteur du bâtiment, ainsi Jean-Simon Friché intègre le conseil municipal de Lorient à compter de 1792. Il est, entre autres choses, chargé de la défense de la ville. Jean-Marie Loréal, de son côté, est nommé adjoint au maire du Palais en 1800.

29Les entrepreneurs des fortifications cherchent aussi à faire reconnaître leur savoir-faire, leurs compétences dans une société où la culture de l’ingénieur est prégnante. Dans La gloire des ingénieurs, Hélène Vérin évoque le fait que tous les travaux préparatoires de tracé, de quantification sont effectués par l’ingénieur seul, et qu’à aucun moment les entrepreneurs n’y sont associés68. Cette exclusion est de moins en moins acceptée et l’agacement point chez ces derniers. Il est d’ailleurs assez clairement exprimé dans un mémoire anonyme daté de 1760. Il y est dit que :

« [tout] se fait toujours avant que [l’entrepreneur] ne soit nommé, il y serait même que par le peu de confiance, ou l’espèce de mépris que l’on a, qui fait que l’on dédaigne son avis, il ne serait point écouté ; aussi en résulte-t-il des inconvénients ; le trop de zèle emporte souvent Messieurs les ingénieurs à des spéculations trop rigides et trop recherchées […]69 ».

30Sur les chantiers, le savoir théorique rencontre le savoir empirique et cela peut donner lieu à des vifs échanges. Notre réflexion rejoint ici celle qu’a développée Valérie Nègre dans son habilitation à diriger des recherches70. Selon elle, les entrepreneurs cherchent à s’insérer dans des débats techniques en dialoguant avec les ingénieurs et les architectes, d’égal à égal. Dans le domaine de la fortification, ces discussions portent notamment sur les profils des murs d’escarpe et de contrescarpe qui doivent résister à la poussée des terres tout en étant les plus fins possible pour éviter un accroissement excessif des coûts de construction. Dans ces relations, c’est aussi la figure de l’entrepreneur schumpéterien, tourné vers l’innovation, qui se dessine. À la fin du xviiie siècle, ce trait de caractère est particulièrement perceptible chez Louis Loréal. À partir de 1788, l’homme s’adonne à un important lobbying auprès du ministre de la Marine et de l’Académie royale des sciences pour faire reconnaître l’utilité et le caractère innovant de son projet de brûlots insubmersibles destinés à protéger les côtes de France71. Son projet est examiné par Borda et Monge, Loréal est tenu informé de l’avancement de son dossier par le comte de Rostaing, inspecteur général de l’Artillerie. Dans une lettre, datée de juin 1791, il relance le président de l’Assemblée nationale, Alexandre de Beauharnais, au sujet de son projet de brûlot qui semble au point mort et profite du courrier pour mettre en valeur ses nouvelles « inventions ». Pour ces dernières, il a très certainement été inspiré par des problématiques liées à son activité d’entrepreneur sur le littoral. Ainsi, il présente une caisse utile « pour porter au fond de l’eau un grillage sur les têtes des pilots » ; ou encore « une machine pour enfoncer plusieurs pilots à la fois depuis un bateau72 ». Deux ans plus tard, c’est le ministre de la Guerre qui est démarché ; Loréal lui présente « une espèce de chevaux de frise inconnue jusque là73 ». L’entrepreneur-ingénieur prend souvent le soin de conclure ses courriers en proposant à son correspondant de lui « adresser des exemplaires dessinés de ces différentes machines, ou des modèles, pour [lui] assurer […] combien [il a] à cœur de [se] rendre utile à [sa] patrie. » Finalement, comme le souligne Valérie Nègre, cette volonté d’investir « l’espace de la technique les conduits à dépenser beaucoup d’argent, d’énergie et les pousse dans des domaines qui ne sont plus simplement ceux de l’entreprise et du commerce74. »

*

31Au terme de cette étude, il faut retenir que les entrepreneurs des fortifications semblent être connus et reconnus dans la société littorale. Leur petit nombre et la nature, prestigieuse, des ouvrages sur lesquels ils travaillent semblent leur permettre d’acquérir une certaine renommée qui les autorise à développer leurs affaires, à sortir de leur milieu et à connaître une ascension sociale relativement sensible. Les liens familiaux et professionnels entre entrepreneurs sont avérés. Comme Valérie Nègre, nous reprenons à notre compte les constatations de Jean-Pierre Daviet qui avait résumé les traits « à la fois psychologiques et sociaux de l’entrepreneur ». Pour lui, « l’entrepreneur est l’homme de l’innovation et du risque, il s’oppose souvent à son milieu, il cherche à fonder une dynastie, il fait appel à des frères ou à des sœurs ou à son cousinage. Ces alliances matrimoniales sont stratégiques soit que le gendre soit choisi comme un continuateur soit qu’il serve à un rapprochement entre deux dynasties d’affaire75 ».

32Les réussites enregistrées par certains entrepreneurs ne doivent pas cacher les difficultés que d’autres ont pu connaître. Celles-ci ont pu participer à la raréfaction de la concurrence au moment des procédures d’adjudication des travaux de fortifications de Lorient et de Port-Louis. L’étroitesse de cette dernière amène à la structuration d’un marché à mi-chemin entre le monopsone contrarié et le monopole bilatéral. Loin d’être les « chassebours, fols, enragés ou fripons qui s’engagent que sur des idées chimériques qui leur troublent l’imagination et leur font voir des montagnes d’or où ils ne trouvent après que des précipices pour s’abîmer76 », les entrepreneurs des fortifications lorientais et port-louisiens ne semblent pas avoir été prêts à tout – y compris une banqueroute familiale – pour décrocher un marché. Ils savent saisir les opportunités et semblent être un peu plus « raisonnés » que leurs prédécesseurs de la fin du xviie siècle, si décriés par Vauban. Praticiens, ils connaissent la valeur des actions qu’ils ont à opérer et savent, en tant que « chef d’entreprise », définir les marges nécessaires à la viabilité de cette dernière et la ligne à ne pas franchir où l’excès de compétitivité pourrait, à terme, se retourner contre eux. De plus, au fil du xviiie siècle, la vision que porte l’État sur eux évolue ; là où ils étaient très critiqués, les responsables des fortifications louent désormais leur « probité », leur « exactitude » et leur « sérieux ».

33Enfin, cette étude autorise peut-être un renouvellement de la lecture que l’on peut avoir de la procédure d’adjudication au xviiie siècle. Bien sûr, la nature économique et juridique de cette dernière reste entière, mais elle possède aussi une fonction « sociale » et « symbolique ». Par la nature des travaux qu’elle adjuge, l’adjudication a la capacité de faire de « simples » artisans et entrepreneurs du bâtiment des « entrepreneurs du roi ». Seule cette dernière peut leur conférer cette sorte d’onction sur laquelle ils entendent capitaliser pour accroître leur épaisseur économique, améliorer leur positionnement social, revendiquer leur expertise technique, etc. Dès lors, pour eux, l’adjudication est un véritable moyen de légitimation.

Annexe

Annexe I. Tableau de synthèse des adjudicataires, associés et cautionnaires des travaux de fortifications de Lorient, Port-Louis et de la côte sud de la Bretagne (entre Concarneau et Quiberon) (1702-1804). Sources : AD Ille-et-Vilaine, C 989, 991, 993-996 ; AD Morbihan, 1C 2 ; SHD Vincennes, 1 VH 983, 1 VH 1471 ; SHD Lorient, 1E4 41, 1E4 43

AnnéeLieuAdjudicataireAssociésCautionnaires
1702 à 1704Port-LouisJean RondelNéantN. R.
1705 à 1711Port-LouisYves Renaud, Jean Penec et La LandeNéantMarie Le Morillon (épouse de Y. Renaud) et Thomas Dumont
1712 à 1714Port-LouisYves RenaudNéantMarie Le Morillon et Thomas Dumont
1715 à 1723Port-LouisYves RenaudNéantMarie Le Morillon
1724 à 1728Port-LouisYves RenaudNéantMathurin Periot puis Jean
Le Floch à partir de 1727
1729Port-LouisYves RenaudNéantJean Le Floch
1730 à 1731Port-LouisYves RenaudNéantJean Le Floch
1732Port-LouisYves RenaudNéantJean Le Floch
1733Port-LouisYves RenaudNéantPierre Mais
1734Port-LouisGuillaume Le Roy dit la FleurNéantMathurin Periot
1735Port-LouisGuillaume Le Roy dit la FleurNéantMathurin Periot
1736Port-LouisGuillaume Le Roy dit la FleurNéantMathurin Periot
1737Port-LouisGuillaume Le Roy dit la FleurNéantMathurin Periot
1738Port-LouisGuillaume Le Roy dit la FleurNéantMathurin Periot
1739Port-LouisGuillaume Le Roy dit la FleurNéantMathurin Periot
1740Port-LouisGuillaume Le Roy dit la FleurNéantMathurin Periot
1741Port-LouisGuillaume Le Roy dit la FleurNéantAntoine Padellec
1742Port-LouisGuillaume Le Roy dit la FleurNéantAntoine Padellec
1743Port-LouisGuillaume Le Roy dit la FleurNéantAntoine Padellec
1744CôtesGuillaume Le Roy dit la FleurNéantN. R.
1744GroixGuillaume Le Roy dit la FleurNéantN. R.
1744/1745Port-LouisGuillaume Le Roy dit la FleurNéantAntoine Padellec
AnnéeLieuAdjudicataireAssociésCautionnaires
1746Port-LouisGuillaume Le Roy dit la FleurNéantJoseph Periot
1746CôtesJoseph TanguyNéantJacques Robinet dit Bourbonnais
1747LorientSimon FrichéClément Martinet/
Pierre Maurice/Jean-Baptiste Lerrot
Hyppolite Gautier
1747Port-LouisJacques Robinet dit BourbonnaisJoseph Tanguy/
Guillaume Gouriez
Guillaume Le Roy dit la Fleur
1748LorientSimon FrichéClément Martinet/
Pierre Maurice
Hyppolite Gautier
1748Port-LouisJacques Robinet dit
Bourbonnais
NéantGuillaume Le Roy dit la Fleur
1749LorientSimon FrichéClément Martinet/
Pierre Maurice
Hyppolite Gautier
1750LorientPierre MauriceSimon FrichéHyppolite Gautier
1749 à 1750Port-LouisJacques Robinet dit Bourbonnais et François GouriezNéantJoseph Gambert
1751 à 1752LorientSimon FrichéNéantHyppolite Gautier/
Pierre Maurice
1751 à 1752Port-LouisFrançois GouriezNéantSimon Friché
1753 à 1754LorientSimon FrichéNéantHyppolite Gautier
1753 à 1754Port-LouisFrançois GouriezNéantHyppolite Gautier
1755CôtesFrançois Gouriez et Simon FrichéNéantHyppolite Gautier/
Pierre Maurice
1755 à 1756LorientSimon FrichéNéantHyppolite Gautier
1755 à 1756Port-LouisFrançois GouriezNéantPierre Maurice
1757CôtesFrançois GouriezNéantHyppolite Gautier
1757 à 1758LorientHyppolite GautierNéantFrançois Gouriez
1757 à 1758Port-LouisFrançois GouriezNéantHyppolite Gautier
1759 à 1762LorientHyppolite GautierNéantFrançois Gouriez
1761 à 1763CôtesFrançois GouriezNéantLaurent Lacour
1763 à 1764LorientHyppolite GautierNéantFrançois Gouriez
1765 à 1768LorientHyppolite GautierNéantFrançois Gouriez
1769 à 1775LorientHyppolite GautierNéantFrançois Gouriez
1776 à 1778LorientHyppolite GautierNéantSimon Friché
1779 à 1781LorientFrançois GouriezNéantN. R.
1782 à 1784LorientYves-Marie CarriouNéantBlaise Crozet de Maisonneuve
AnnéeLieuAdjudicataireAssociésCautionnaires
1782 à 1784Port-LouisYves-Marie CarriouNéantBlaise Crozet de Maisonneuve
1785LorientYves-Marie CarriouNéantBlaise Crozet de Maisonneuve
1785Port-LouisYves-Marie CarriouNéantBlaise Crozet de Maisonneuve
1786 à 1788LorientLouis LoréalNéantN. R.
1786 à 1788Port-LouisLouis LoréalNéantN. R.
1789 à 1791LorientLouis LoréalJean-Marie LoréalCharles Duvay
1789 à 1791Port-LouisLouis LoréalJean-Marie LoréalCharles Duvay
1792LorientLouis LoréalNéantN. R.
1792Port-LouisJoseph GonnetteNéantN. R.
1793LorientJulien BrégeonArmel QuenotN. R.
1793Port-LouisJulien BrégeonArmel QuenotN. R.
1794LorientJean-Simon Friché (comme gérant)NéantNéant
1794Port-LouisJaffray (comme gérant)NéantNéant
1795LorientArmel Quenot (comme gérant) (supp.)aNéantNéant
1795Port-LouisArmel Quenot (comme gérant) (supp.)NéantNéant
1797LorientLouis Anger (comme gérant) (supp.)NéantNéant
1798LorientNéantN. R.
1798Port-LouisNéantN. R.
1803-1804Port-LouisRibotNéantN. R.

a. (supp.) pour supposé.

Notes de bas de page

1 Lettre de Vauban à Louvois, le 17 septembre 1685. Bib. SHD, ms. in-f° 31/VI citée par H. Vérin dans Entrepreneurs, entreprise : histoire d’une idée, Paris, PUF, 1982, p. 107 et par Ph. Destable dans Les chantiers du roi. La fortification du « pré carré » sous le règne de Louis XIV, thèse inédite de doctorat en histoire rédigée sous la direction de Gérard Gayot et soutenue à l’université Lille III, 2006, p. 293.

2 Pour rappel, le « Pré Carré » désigne une double ligne de places fortes destinées à stabiliser la nouvelle frontière nord du royaume de France et à protéger les territoires nouvellement conquis par Louis XIV.

3 Égasse B., « Concevoir, construire et entretenir un système fortifié de défense des côtes au xviiie siècle : l’exemple de la rade de Lorient (1706-1815) », Mémoires de la SHAB, tome XCIII, Rennes, SHAB, 2015, p. 75-105.

4 Furetière A., Dictionnaire Universel, vol. 2, Arnoud et Reiner Leers, 1701, « Entrepreneur ».

5 Cité par Vérin H., Entrepreneurs, entreprise, op. cit., p. 16.

6 Ibid., p. 17-22.

7 Voir au sujet de ces deux notions centrales de la figure de l’entrepreneur les travaux de Vérin H., Entrepreneurs, entreprise, op. cit., 262 p. ; de Favier R., « Les risques du métier. Les entrepreneurs et les marchés publics en Dauphiné au xviiie siècle », Tisser l’Histoire. L’industrie et ses patrons (xvie-xxe siècles). Mélanges offerts à Serge Chassagne, études réunies par R. Favier, G. Gayot, J.-F. Klein, D. Terrier et D. Woronoff, Valenciennes, Presses universitaires de Valenciennes, 2009, p. 183-194 ; et plus anciennement, ceux de J. Letaconnoux, « Des adjudications de travaux publics en Bretagne au xviiie siècle », Annales de Bretagne, Mélanges bretons et celtiques offerts à M. J. Loth, hors-série, Rennes/Paris, Plihon et Hommay/Champion, 1927, p. 126-134.

8 Égasse B. et Soubeiroux-Cartigny C., « Les entrepreneurs de l’aménagement du littoral de la Bretagne atlantique (xviiie-xixe siècles) », La maritimisation du monde. De la préhistoire à nos jours, GIS-CNRS d’histoire maritime, Paris, PUPS, coll. « Histoire maritime », p. 217-233.

9 Nous reviendrons plus bas sur cette question de la gérance des fortifications au moment de la période révolutionnaire.

10 Voir annexe I.

11 Favier R., « Les risques du métier… », op. cit., p. 184.

12 Seules les adjudications pour les travaux de Port-Louis entre ces deux dates mentionnent les noms et les offres des entrepreneurs qui se sont présentés à l’enchère et non uniquement le nom de l’entrepreneur sorti vainqueur de cette dernière.

13 Le Bouëdec G., Le port et l’arsenal de Lorient de la Compagnie des Indes à la marine cuirassée. Une reconversion réussie (xviiie-xixe siècles), vol. 2, Paris, Librairie de l’Inde, 1994, p. 175.

14 Égasse B. et Soubeiroux-Cartigny C., « Les entrepreneurs de l’aménagement du littoral… », op. cit., p. 226.

15 Buffet H.-F., Vie et Société au Port-Louis, des origines à Napoléon III, Rennes, Bahon-Rault, 1972, p. 270.

16 Ibid., p. 270.

17 Ces « Conditions générales » sont précisées à la fin de chaque devis dressé par les ingénieurs des fortifications et sont généralement recopiées dans le procès-verbal d’adjudication.

18 AD Ille-et-Vilaine, C 995, Procès-verbal de l’adjudication pour les travaux à réaliser à Port-Louis durant l’année 1737, 27 mai 1737.

19 Mathurin Periot est recensé parmi les bourgeois de navires du Port-Louis par H.-F. Buffet dans Vie et société…, op. cit., p. 201-202. Ce titre de « bourgeois » est honorifique et désigne généralement un négociant propriétaire de tout ou partie du navire qu’il utilise pour ses affaires.

20 AD Morbihan, 6E 16161, répertoire d’Étienne Obriet, notaire au Palais, Cahier 7, f° 7, « Art. 76, du 29 (messidor an II), acte de propriété de la chaloupe La Messidor appartenant au citoyen Louis Loréal, architecte et entrepreneur [à Belle-Île-en-mer], enregistré le 1er thermidor par Le Bescon reçu 20 s ».

21 Nègre V., « Les figures de l’entrepreneur. Inventer et représenter la technique au tournant des xviiie et xixe siècles », séminaire d’histoire de la construction, séance du 2 juin 2014 consacrée aux entrepreneurs, ENSA-Paris-Malaquais.

22 AD Morbihan, 6E 4260, répertoire de René Personic, notaire au Port-Louis, dossier orange (4 janv. 1767- 14 déc. 1773), f° 64, « Quittance […] du 11 [janv. 1771] par Olivier Le Floch, paveur de profession de Riec en Quimper au sieur Gouriez du Rocher pour solde des ouvrages qu’il a fait aux pavés de Port-Louis pour 132 lt 4 s 9 d » ; f° 67, « Quittance […] du 25 mars [1771] par Yves Galiot, forgeron au sieur Gouriez du Rocher, entrepreneur des fortifications pour le roi au Port-Louis pour divers ouvrages faits et fournis pour le compte du roi depuis 1768 jusqu’au 3 mars 1770 pour 441 lt » ; dossier orange (11 janv. 1774-3 sept. 1790), p. 102, « Quittance [du 16 nov. 1779] […] par Élie Le Crom, paveur à Lorient à sieur François Gouriez du Rocher, entrepreneur au Port-Louis pour pavages faits à Lorient pour 143 lt ».

23 AD Ille-et-Vilaine, C 994. Lettre d’Yves Renaud à Bréard de Boisanger, subdélégué de l’intendant de Bretagne à Hennebont, 11 avril 1718.

24 AN F14 752. Extrait du registre de délibération du conseil de préfecture du Morbihan, séance du 24 ventôse an XII (15 mars 1804) durant laquelle est fait lecture d’une pétition d’entrepreneur affirmant que les « travaux […] [du port de Brest] viennent de donner lieu à publication à son de caisse, par laquelle on invite tous les tailleurs de pierre et maçons à se rendre à Brest pour les travaux des bassins, en leur promettant de les payer à raison de 3 FR 50 par jour et de les indemniser des frais de route ».

25 AD Morbihan, L 789, Administrations et tribunaux de la période révolutionnaire (1790-1800). Lettre d’Ulliac, capitaine du Génie à Port-Louis aux administrateurs du district d’Hennebont, 15 ventôse an II (5 mars 1794). Ces ouvriers-manœuvres quittent le chantier de l’ouvrage de Pen-Mané pour travailler au déchargement des vaisseaux auprès des négociants lorientais.

26 Voir notamment l’ensemble des documents conservés au SHD Vincennes, série V, 1 VB 5, Emploi des troupes dans les travaux (1688-1842).

27 Voir notamment les rôles de journées des ouvriers du port et des chantiers navals des environs de Lorient (Caudan) employés aux fortifications qui sont conservées au SHD Lorient, série P, 1 P 269, liasse 3 à 6, 8 et 9 : Fortifications de la ville et de la côte (1756-1763).

28 Voir notamment les ordres de réquisition envoyés par les instances du département du Morbihan conservés aux AD Morbihan, L 789 et 790, Administrations et tribunaux de la période révolutionnaire (1790-1800), Fortifications (1791-an X).

29 Les registres sont conservés aux archives départementales du Morbihan au sein de la série 17 C.

30 Égasse B. et Soubeiroux-Cartigny C., « Les entrepreneurs de l’aménagement du littoral… », op. cit., p. 229 et suiv.

31 Le Bouëdec G., Le port et l’arsenal de Lorient, op. cit., p. 175.

32 AD Ille-et-Vilaine, C 994. Lettre de Ricquebourg, lieutenant de roi à Port-Louis au sujet des logements à prévoir pour les troupes du régiment d’Anjou, le 7 juin 1723.

33 Halévi R., Les loges maçonniques dans la France d’Ancien Régime aux origines de la sociabilité démocratique, Paris, Armand Colin/EHESS, coll. « Cahiers des Annales », 1984, 118 p.

34 Rome Y., 1744-2006 : la Franc-maçonnerie en Morbihan. Lorient, Vannes, Auray, Belle-Île, Ploërmel, Port-Louis, Pontivy, Le Faouët, Liv’Éditions, 2006, p. 193.

35 Rome Y., 1744-2006 : la Franc-maçonnerie en Morbihan…, op. cit., p. 198.

36 La réflexion sur ces notions nous a été en partie inspirée par l’intervention de Durand S., « Les entrepreneurs des travaux portuaires en Languedoc au xviiie siècle : de la concurrence à la défaillance » lors de la journée d’études consacrée aux entrepreneurs de l’aménagement du littoral (xviiie-xixe siècles) qui s’est tenue le 17 septembre 2014 à l’université Bretagne Sud.

37 Vérin H., Entrepreneurs, entreprise…, op. cit., p. 117.

38 Voir à ce sujet la contribution de Caillosse P., « L’adjudication des petits travaux maritimes : évolution, spécialisation et contrôle. Le cas de la pointe du Médoc (milieu xviiie siècle-milieu xixe siècle) » publiée dans ce volume ou encore Letaconnoux J., « Des adjudications de travaux publics en Bretagne au xviiie siècle », op. cit., p. 126-134.

39 AD Ille-et-Vilaine, C 993. Prorogation de l’adjudication des travaux à faire à Port-Louis, 1er mai 1706. On retrouve la même formulation dans la grande majorité des procès-verbaux et prorogation d’adjudications tout au long du xviiie siècle.

40 Vérin H., Entrepreneurs, entreprise…, op. cit., p. 19.

41 L’homme dirige, depuis le début du mois de juillet 1793, la 3e division du ministère en charge du personnel et du matériel de l’Artillerie et du Génie. Favorable à une refonte générale du corps du Génie, il a notamment travaillé à un projet de fusion entre ce dernier et le corps des Ponts et Chaussées. Voir Belhoste B., « Les origines de l’École polytechnique. Des anciennes écoles d’ingénieurs à l’École centrale des travaux publics », Histoire de l’éducation, vol. 42, Paris, Institut français de l’éducation, 1989, p. 13-53.

42 Loi votée le 29 septembre 1793 visant à plafonner le prix d’un certain nombre de denrées de première nécessité et de matières premières.

43 AD Morbihan, L 789. Lettre de Dupin, adjoint au ministre de la Guerre, à Petiet, commissaire-ordonnateur en chef à propos des procédures à suivre en cas de défaillance lors du renouvellement des marchés, 16 nivôse an II (5 janvier 1794).

44 AD Morbihan, L 789. Lettre de Dubourg, directeur des fortifications du Port-Liberté, aux administrateurs du district d’Hennebont à propos de la désignation des gérants des fortifications de Lorient et Port-Liberté, 8 brumaire an III (29 octobre 1794) : « dans les places où la prorogation des marchés pour l’exécution des travaux de fortifications ne pourrait avoir lieu et dans celles où il n’existe point d’entrepreneur pour l’exécution desdits ouvrages, il sera nommé un préposé sous le nom de gérant ».

45 AN F1 a65. Circulaire n° 9, mesures générales : mode de régie à suivre lorsqu’à défaut d’entrepreneurs, les travaux sont exécutés par économie pour le compte du Gouvernement, 11 juin 1813.

46 AD Morbihan, 6E 4260, répertoire de René Personic, notaire au Port-Louis, dossier orange (11 janv. 1774- 3 sept. 1790), p. 65, « Cautionnement du 7 juillet [1777] a été contrôlé par idem qui a reçu 56 s. Cautionnement du 7 par le sieur Jean-Bernard Gouriez en faveur du sieur François Gouriez pour l’entreprise du fort de Châteauneuf ».

47 Vérin H., Entrepreneurs, entreprise…, op. cit., p. 184.

48 AD Ille-et-Vilaine, C 994. Procès-verbal de l’adjudication des travaux à faire à Port-Louis en 1712, 27 juin 1712.

49 AD Ille-et-Vilaine, C 994 et C 995. Procès-verbaux d’adjudications pour les travaux à faire à Port-Louis (1729- 1742 et 1747).

50 AD Ille-et-Vilaine, C 995. Procès-verbal d’adjudication pour les travaux à faire à Port-Louis en 1733, 30 mai 1730.

51 Favier R., « Les risques du métier… », op. cit., p. 186.

52 À vrai dire, seul un cas de travaux exécutés en régie peut être signalé. Il s’agit des travaux pour la construction, entre 1744 et 1746, du premier mur d’enceinte de Lorient. Celui-ci a été majoritairement financé et réalisé grâce aux propres moyens de la Compagnie des Indes orientales.

53 AD Ille-et-Vilaine, C 990. Tableau de l’adjudication des ouvrages de fortifications à faire à Lorient les années 1751 et 1752 après la clôture de l’adjudication à Martinet du 27 avril 1751.

54 Le passage est rayé dans la source. Nous avons choisi de transcrire fidèlement celle-ci, trouvant intéressant de laisser une trace de la première intention de la lettre, du fond de la pensée de son auteur.

55 AD Ille-et-Vilaine, C 990. Lettre du subdélégué de l’intendant à Lorient à l’intendant de Bretagne à Rennes, 28 mai 1751.

56 AD Ille-et-Vilaine, C 995. Procès-verbal d’adjudication des travaux à réaliser à Lorient et à Port-Louis en 1747, 2 février 1747.

57 Vérin H., « Évaluation des avantages du recours à l’entreprise dans les grands travaux de l’État (xviiie siècle) », Politiques et management public, vol. 7, Paris, Institut du management public, 1989, p. 64.

58 Vérin H., Entrepreneurs, entreprise…, op. cit., p. 117.

59 Favier R., « Les risques du métier… », op. cit., p. 185.

60 AN Marine, B1 34. Délibérations du Conseil de Marine, 1718.

61 AD Ille-et-Vilaine, C 994. Papiers et lettres diverses d’Yves Renaud concernant les retards de paiement qu’il enregistre.

62 AN Marine, B1 34. Délibérations du Conseil de Marine, 1718, f° 227 v°.

63 SHD Lorient, 1E4 50. Lettre de Peyrenc de Moras, contrôleur général des Finances, à l’ordonnateur du port de Lorient, 8 juin 1757.

64 AD Ille-et-Vilaine, C 991. Lettre d’Yves-Marie Carriou, 18 mai 1785.

65 Égasse B. et Soubeiroux-Cartigny C., « Les entrepreneurs de l’aménagement du littoral… », op. cit., p. 229 et suiv.

66 AD Ille-et-Vilaine, C 990. Lettre de La Sauvagère à l’intendant de Bretagne, 5 mai 1751.

67 AD Morbihan, L 787. Procès-verbal de la visite faite sur la côte depuis Le Pouldu jusqu’au Kernevel par Laurent Macé, officier municipal ; Jean-Simon Friché, notable et M. Macort, lieutenant-colonel commandant l’artillerie des colonies, 9 août 1792.

68 Vérin Hélène, La gloire des ingénieurs : l’intelligence technique du xvie au xviiie siècle, Paris, Albin Michel, coll. « L’évolution de l’humanité », 1993, p. 235.

69 Vérin Hélène, « Un “Document technographique” : le devis », Techniques et culture, Des idées pour observer, n° 9, Paris, Maison des sciences de l’homme, 1987, p. 158.

70 Nègre V., L’Art et la matière. Les architectes, les artisans et la technique (1770-1830), Paris, Classiques Garnier, coll. « Histoire des techniques », 2016, 324 p. et Les figures du constructeur. Inventer et représenter la technique (xviiie-xixe siècles), Genève, MétisPresses, à paraître en 2017.

71 AD Morbihan, L 789. Projet de défense des côtes de France par L. Loréal, ingénieur, mémoire adressé à M. de La Luzerne, ministre de la Marine présentant une machine nommée L’Incendiaire, censée protéger la vie de ceux qui la mettent en action, 11 février 1788.

72 AD Morbihan, L 787. Lettre du sieur Loréal à l’Assemblée nationale, sous la présidence de M. Alexandre de Beauharnais, le 15 juin 1791.

73 AD Morbihan, L 789. Lettre de Louis Loréal, ingénieur, au ministre de la Guerre, 25 janvier 1793.

74 Intervention de V. Nègre, « Les figures de l’entrepreneur. Inventer et représenter la technique au tournant des xviiie et xixe siècles », lors du séminaire d’histoire de la construction, séance du 2 juin 2014 consacrée aux entrepreneurs, ENSA-Paris-Malaquais.

75 Cité par V. Nègre lors de son intervention « Les figures de l’entrepreneur. Inventer et représenter la technique au tournant des xviiie et xixe siècles ».

76 Vérin H., « Évaluation des avantages… », op. cit., p. 64. L’auteur cite le « Premier mémoire sur le port de Toulon », 1679.


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