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Les portes maritimes de Bordeaux
Les aménagements de l’embouchure de la Gironde au xviiie siècle
p. 69-84
Texte intégral
1Le remarquable développement du port de Bordeaux au xviiie siècle et les atouts de son site de fond d’estuaire contrastent avec les difficultés de ses accès maritimes et particulièrement l’obstacle majeur de l’embouchure de la Gironde, redouté de tous les marins1, situation bien résumée par la formule de l’officier de marine Pouyade en 1743 : « La rivière de Bordeaux est une des plus belles de l’Europe, en même temps une des plus dangereuses2. » Son entrée peut être assimilée au goulot de la bouteille, passage obligé avant d’atteindre les eaux plus paisibles du grand estuaire ou, à la sortie, le golfe de Gascogne. Ce détroit de la peur, emprunté en moyenne par quelque 2 500 voiliers par an3 (soit 5 000 passages en cumulant entrées et sorties), constitue un espace stratégique, vital pour le grand port aquitain et pour l’ensemble du commerce maritime français. L’enjeu est de taille pour le négoce bordelais et aussi pour l’État, de plus en plus soucieux de ses frontières maritimes pour des raisons à la fois politiques, stratégiques et économiques4.
2Garder ouvert et praticable avec un maximum de sécurité l’entrée de la « rivière de Bordeaux » signifie obligatoirement des travaux d’aménagements au sens large du terme, portant à la fois sur un espace maritime (les atterrages de l’estuaire, les passes, les bancs de sable, les mouillages) et littoral avec l’ensemble des rivages bordant et encadrant l’embouchure, des rivages d’Oléron, au nord, aux plages du Médoc au sud, soit les deux côtés de l’entonnoir précédant le goulot5. Les projets et les travaux ne débutent pas avec Louis XIV ; la première tour de Cordouan est médiévale et le nouveau phare date de la fin du xvie siècle6. Mais c’est à partir du dernier tiers du xviie siècle que l’on voit se multiplier les mémoires, les enquêtes et que se dessine progressivement une volonté de rendre le passage plus sûr dans sa globalité, phénomène qui ne fait que s’amplifier au xviiie siècle avec de véritables programmes de travaux coordonnés selon une démarche scientifique, générant eux-mêmes une masse documentaire croissante et diversifiée depuis les services de la Marine jusqu’à la chambre de commerce de Bordeaux7.
3Nous partirons des dangers de l’estuaire, en essayant d’en mesurer le poids réel, avant de tenter de démêler les processus de décision et de réalisation des aménagements, travaux étudiés dans leur chronologie dans un troisième temps.
« Difficile, mais pas impraticable8 »
4Pour tous les marins, l’embouchure de la Gironde et ses approches se situent parmi les passages les plus difficiles du littoral atlantique ; les routiers et portulans médiévaux n’évoquant l’estuaire et les rivages voisins que pour en écarter les navires. Pour l’ingénieur Claude Masse « la mer y est quelque fois affreuse9 », tandis que son collègue Bitry y voit lors de son séjour à Cordouan « des vagues monstrueuses10 » et Teulère en 1787 « des brisants s’élever de 40 pieds de hauteur11 », le mot danger revenant dans tous les rapports, mémoires et témoignages.
5La première difficulté, en venant du large, est celle de l’atterrage, « sujet aux plus grands dangers » pour le capitaine de vaisseau Payen de Noyan12. L’embouchure est en effet encadrée par deux rivages, au sud « la côte d’Arcachon », au nord les côtes d’Arvert et d’Oléron, pratiquement identiques vues du large, dunes grises et « rien n’est plus aisé que de les confondre » par mauvais temps. L’absence d’abris, le déferlement de la houle d’ouest sur les longues grèves n’autorisent aucune erreur de positionnement dans l’approche de la Gironde. Une faute d’estime, une confusion entre amers comme le souligne Payen, même par « des navigateurs expérimentés qui ont pris quelque fois le clocher de Marennes pour la Tour de Cordouan », dans un contexte de mauvais temps, ne pardonnent guère.
6Parvenus devant l’embouchure, une fois la tour de Cordouan repérée, les navires sont confrontés au choc de l’Océan et de la Gironde, et à la barre de bancs de sable et de rochers, redoutables « battures » qui ferment l’estuaire. Selon la belle formule de Jacques Bernard13, trois conditions doivent être réunies pour entrer dans la « rivière de Bordeaux » ou en sortir : un bon temps, un bon courant et un bon vent. Premier paramètre : les portes de l’estuaire se ferment par mauvais temps. La tempête et la houle rendent les passes impraticables, les brisants formant alors une ligne continue dissimulant les passes, et pour Teulère, tenter d’entrer dans l’estuaire « c’est vouloir périr ». Ajoutons qu’on n’entre pas dans la Gironde la nuit ou par temps de brouillard. Deuxième condition : on ne navigue pas contre le courant de marée, qui peut atteindre 4 à 5 nœuds en période de vives eaux. On entre dans la Gironde avec le flot et on en sort avec le jusant, véritable système de passage à niveau qui ne laisse ouvertes chaque jour que deux fenêtres rigides dans chaque sens. Enfin, l’obligation de bon vent, outre les « vents impétueux », exclut aussi les « calmes », particulièrement dangereux, car livrant le voilier au jeu des courants « qui portent avec une rapidité incroyable sur les dangers », sans compter l’obsession des marins, le phénomène des « brumes sèches », redouté, car alliant l’absence de vent et une énorme houle. Enfin, le bon vent qui laisse le voilier manœuvrant doit être du secteur ouest à l’entrée, cas de figure dominant ; en revanche, ces mêmes vents constituent un handicap à la sortie, obligeant les navires à attendre au mouillage du Verdon un vent favorable, parfois pendant plusieurs semaines. Ce mouillage forain, abrité médiocrement par la pointe de Grave, peut ainsi accueillir des dizaines de bateaux, jusqu’à 80 selon l’intendant Boucher en 1729, lourds temps morts pénalisant le commerce bordelais.
7Sur ces obligations nautiques qui ne laissent que d’étroits créneaux de passage, vient se greffer le problème des passes. Les quatre lieues de l’embouchure s’organisent autour du banc de Cordouan, qualifié souvent d’île, car émergeant largement à marée basse ; il se prolonge par une série de bancs de sable ou « mattes », banc des Asnes, de la Cuivre, de Montrevel, de la Mauvaise, des Olives et du Chevrier. Ces bancs sur lesquels la mer déferle, définissent des passes aux noms et de nombre variables14 : trois ou quatre au nord de Cordouan dont deux principales, le Matelier et les Charentais puis celles de L’Escameau, de la Coubre ou du Bout du Banc. Au sud de Cordouan, la passe de Grave et ses annexes de la Porte et de La Grenotière complètent le système, autant de couloirs étroits où se cumulent toutes les contraintes. Une fois franchie cette redoutable barrière qui apparaît presque en continu sur les cartes, l’estuaire devient plus calme même si les vents dominants souvent violents poussent les navires sur le banc de sable de la Barre à l’Anglais et l’inhospitalière côte rocheuse entre Saint-Palais et Royan avant d’atteindre les mouillages du Verdon, point de passage obligé.
8La Gironde n’en demeure pas moins praticable, y compris par les gros vaisseaux de guerre, à condition de respecter strictement les contraintes de la mer et de savoir utiliser les différentes aides à la navigation, Pouyade considérant « qu’elle est des plus redoutables, mais que pour les ignorants et les personnes sans expérience ». L’estuaire bénéficie tout d’abord de la tour-phare la plus célèbre du littoral français, Cordouan. Au départ, c’est une simple tour construite au Moyen Âge sur un îlot rocheux, qui devient avec les travaux de l’architecte Louis de Foix à partir de 1584, un monument extraordinaire pour les contemporains comme l’ingénieur Bitry qui y voit « le plus beau phare qu’il y ait au monde15 ». Mais Cordouan constitue surtout pour les marins un amer remarquable, visible depuis la haute mer, à partir duquel on prend les passes et dont le feu par temps clair peut être vu à 5-6 lieues.
9Comme aux approches des autres ports, « la rivière de Bordeaux » possède aussi son corps de pilotes établis depuis le xvie siècle, au statut encadré par l’ordonnance de 1681. Cinq communautés de pilotes-lamaneurs, trois en amont, Bordeaux, Blaye et Pauillac et deux à l’embouchure, Saint-Palais et Saint-Georges-de-Didonne se partagent le pilotage, toujours de manière conflictuelle quant aux secteurs de compétence et d’intervention16. Ils forment de petits groupes (en théorie chacun composé de 16 titulaires et 16 postulants), accrochés à leur monopole, conscients de leur position indispensable, sur lesquels les jugements sont extrêmement variables selon les auteurs des mémoires et des lettres : « paresseux, ignorants », « négligeant d’aller au-devant des vaisseaux », pour les uns, ou au contraire pour d’autres « d’une intrépidité digne des plus grands éloges », stationnant plusieurs jours au large dans leurs petites chaloupes pour proposer leurs services. Au-delà de ces jugements qui s’inscrivent dans des luttes d’influence plus larges, ces 160 marins constituent par leur connaissance d’abord pratique et pragmatique des dangers et des chemins de l’estuaire, une aide essentielle pour les voiliers même si leur utilisation ne paraît pas généralisée notamment pour les barques dont les maîtres connaissent les tours et détours de la « rivière de Bordeaux ». Jusqu’à la fin du xviie siècle, les marins, outre l’utilisation de cartes et de routiers encore approximatifs, jouent sur leurs connaissances nautiques pratiques. L’auteur du mémoire anonyme de la fin du xviie siècle17 a en cela une approche très pragmatique ; il considère que les passes « sont assez faciles à qui les connaît », tout simplement parce que « la plupart du temps les battures marquent et servent en quelque sorte de balises » naturelles. Quant aux amers, outre Cordouan, les clochers de Saint-Palais, Royan et Soulac font l’affaire et lorsqu’il faut prendre une passe comme celle du Matelier, il suffit de « gouverner sur les dunes de la Coubre, petites montagnes de sable » en rangeant « plus ou moins » les redoutables bancs de sable avec la réserve de taille, mais intégrée par les marins, que « rien n’est assuré ». La démarche de l’auteur de la « Description de la coste de France » est la même pour entrer dans la Gironde en prenant d’abord Cordouan au sud-est quart est pour passer entre les deux bancs des Asnes « jusqu’à ce que la haute montagne ou dune de sable de blanc sur la pointe de La Coubre vous reste au Nord-Nord-Est », route coutumière des marins18.
10Les naufrages constituent pour les administrateurs et les marins la meilleure preuve de la dangerosité de l’estuaire et aussi le meilleur argument pour accélérer les travaux d’aménagement. Reviennent sans cesse les expressions « nombreux naufrages », « quantité de naufrages », le ministre Pontchartrain en rajoutant en 1698 avec « les accidents qui arrivent journellement aux vaisseaux qui entrent et sortent de cette rivière19 » ; plus précis un « état des vaisseaux et barques qui ont fait naufrage aux côtes de Royan de 1691 à 172620 » en recense 198 tandis que l’officier Kearney affirme vers 1770 avoir été témoin « en dix mois de sept à huit naufrages21 ». Nos propres estimations vont dans le même sens avec 7-8 accidents en moyenne par an de la côte du Médoc à celle d’Oléron22. De 1680 à 1789, environ 200 voiliers se perdent dans le goulot de part et d’autre de Cordouan entre la pointe de la Coubre et la côte du Médoc. Mais ce chiffre s’alourdit sensiblement si on y ajoute les hécatombes des côtes sauvages d’Arvert et d’Oléron (autour de 350 naufrages) et dans une moindre mesure des rivages médocains moins fréquentés (peut-être 150 accidents). Sept à huit cents naufrages en un siècle constituent un ordre de grandeur plausible, chiffre à première vue impressionnant, mais qui doit être relativisé, ramené à la moyenne annuelle et surtout au trafic total : sur les 2 000 à 3 000 navires qui fréquentent la Gironde chaque année, 7 à 8 seulement, si l’on peut dire, se perdent à son embouchure.
11Les naufrages frappent d’abord les petites unités du cabotage (56 % des navires accidentés jaugent moins de 50 tonneaux), françaises pour les trois quarts, dont une majorité de barques locales puis bretonnes ; ce sont donc des maîtres et capitaines connaissant parfaitement les pièges de l’estuaire qui y font naufrage. Les circonstances des « fortunes de mer » mettent en évidence quatre fois sur cinq le « mauvais temps », avec le cas de figure le plus fréquent de la tempête hivernale (83 % des naufrages ont lieu entre octobre et avril), où les vents d’ouest font des passes un piège mortel et poussent inexorablement les voiliers désemparés vers les côtes sauvages d’Oléron au Médoc. Le cas banal du Saint-Georges, en provenance de Hambourg en novembre 1729, est en cela exemplaire : aux prises avec une violente tempête de sud-ouest, le navire tente vainement d’entrer dans la Gironde et « ne pouvant plus porter de voiles », finit par être « jeté à la côte par les vagues » sur les rivages d’Oléron23, le mouillage en catastrophe des deux ancres ne faisant que reculer l’échéance fatale. Au-delà de ce contexte météorologique essentiel qui fait de la Gironde un enfer, les erreurs de navigation concernent environ 15 % des naufrages, fautes d’estime, confusion entre les amers comme le capitaine de l’Éléonore qui, en février 1747, « se trompa par le moyen des feux des tours de Chassiron et Cordouan qu’il prit l’un pour l’autre » et l’amène sur les rochers d’Oléron.
12La mer et le vent commandent les portes de la rivière de Bordeaux ; si la force de l’habitude et une certaine fatalité face aux dangers semblent longtemps l’emporter, à partir de la fin du xviie siècle, se dégage progressivement une volonté de réduire les risques d’un désordre maritime coûteux par une connaissance méthodique de l’estuaire et de lourds programmes d’aménagements.
Décideurs et acteurs des aménagements
13L’enjeu national à la fois politique et économique de l’aménagement de l’estuaire signifie un processus de décision et d’exécution complexe partant du plus haut niveau de l’État, intégrant tous les rouages de l’administration de l’Ancien Régime et les groupes de pression maritime24.
14Les rois de France affirment d’abord symboliquement leur souveraineté et leur puissance sur « la rivière de Bordeaux » à travers le phare monumental de Cordouan, les dédicaces gravées après chaque phase de grands travaux et les bustes des monarques d’Henri III à Louis XV. Sur le terrain, les travaux d’entretien et d’aménagement ainsi que leur financement relèvent de l’État ; aucun pouvoir seigneurial concurrent n’apparaît et la seule entorse indirecte au monopole monarchique jusqu’aux années 1720 résulte de l’attribution des droits sur la navigation au gouverneur de Cordouan25, simple sinécure sans pouvoir réel. L’Amiral de France n’est pas plus présent dans les processus décisionnels même si sa compétence « sur ce qui concerne les feux et signaux établis sur les côtes » est confirmée après une longue procédure en 177626. Concrètement, les décisions relèvent de la Marine27, avec une évolution sensible dans le sens d’une précision des compétences. Colbert, avant même d’être contrôleur général des Finances puis secrétaire d’État à la Marine dirige directement « conformément à la volonté du Roy » les travaux de Cordouan entre 1661 et 1664, en utilisant simplement le relais sur le terrain du chevalier de Clerville, le commissaire général aux fortifications. Le procédé fondé sur une correspondance serrée traduit largement la méthode et les pratiques du ministre boulimique de travail de Louis XIV. Après lui, progressivement, le système se régularise et se bureaucratise. Tout part du « Ministre », titre toujours utilisé dans les correspondances, et lui revient en retour ; outre les arrêts du Conseil, qui instituent des droits exceptionnels sur les navires fréquentant la Gironde pour financer des programmes de travaux, ce sont les ministres qui, à la fois, lancent les études préliminaires puis, après l’examen des rapports, donnent leurs ordres pour la réalisation du projet et les modalités du financement. La correspondance administrative prend une ampleur surprenante dans la seconde moitié du xviiie siècle avec l’émergence des bureaux du ministère qui gèrent l’essentiel des dossiers, « direction des ports et arsenaux » avec Sartine puis « direction générale des ports » avec Castries en 1785. Si la correspondance est envoyée directement à Castries, avec son successeur La Luzerne, l’interlocuteur au quotidien devient, à partir de 1787, Fleurieu – le directeur du bureau. Ce dernier, par exemple, dirige les travaux d’exhaussement de Cordouan à raison d’une lettre hebdomadaire en moyenne où il donne l’ordre de reprendre les travaux, de reconstruire des balises, réclame les devis, le dessin de la lanterne, etc.28.
15Les choix stratégiques se font en fonction d’objectifs généraux, rendre la navigation plus sûre et plus facile ; ils s’appuient soit sur des enquêtes nationales comme celle lancée par Choiseul en 176629 « pour établir sur la côte des points de reconnaissance propres à assurer la sûreté de la navigation » ; soit, plus ponctuellement, sur des mémoires et rapports commandés par le ministère à des « experts » envoyés sur place – véritables chargés de mission. On utilise d’abord des officiers de Marine, Pouyade en 174330 ; Kearney31, capitaine de frégate de 1767 à 1772 ; Payen de Noyan, lieutenant de vaisseau autour de 1780 ; le chevalier de L’Isle, major des vaisseaux du roi chargés de lever les cartes de l’estuaire et de dresser des mémoires ou observations pour améliorer la navigation. Autour de 1770, Kearney, le plus fécond, fournit une demi-douzaine de rapports dont ses « Observations sur la navigation de la rivière de Bordeaux », tandis que de L’Isle est chargé d’une mission sur la question très controversée des techniques d’éclairage adoptées à Cordouan. À côté de ces hommes de terrain, le ministère utilise aussi à la fin du siècle les services de grands noms, qui donnent leur avis sur les projets depuis Paris. C’est le cas de Duhamel du Monceau appelé en 1772 à donner son avis sur les différents projets de cartes concurrents32, du chevalier Borda, de l’Académie des Sciences, sommité scientifique consultée pour les transformations de Cordouan dans les années 178033 ou encore de Jallier, de l’Académie royale d’architecture.
16Les projets peuvent parfois partir d’initiatives individuelles ; ainsi Compère l’Aubier, un négociant d’Oléron propose en 1783 à Castries un vaste « projet d’établissement de balises sur la côte d’Oléron34 » que le ministre adopte et fait exécuter. Plusieurs cartes sont aussi proposées au ministère avec l’objectif pour les auteurs d’être imprimés et diffusés. Les inventeurs donnent également des idées et des outils aux bureaux de Versailles : Le Moyne et Mulotin, horlogers dieppois révolutionnent ainsi l’éclairage maritime avec la mise au point des feux tournants, adoptés par le ministère notamment à Cordouan.
17La chambre de commerce de Bordeaux, lobby de poids s’il en est, entretient une correspondance abondante avec le ministère35, la navigabilité de l’estuaire entrant dans ses attributions. Mais si la chambre est consultée avec beaucoup de déférence, tenue au courant des projets et travaux par le ministère, son rôle décisionnel paraît limité pour la Gironde ; ses lettres et délibérations sont d’abord une addition de plaintes (relayant celles des armateurs et capitaines souvent), surtout sur le mauvais fonctionnement de Cordouan et d’oppositions aux changements comme l’élévation du phare et le passage aux feux à réverbères. En réalité, la chambre manifeste ainsi sa mauvaise humeur liée à son exclusion de fait de l’aménagement de l’estuaire et au refus du ministère de lui attribuer la gestion de Cordouan et donc des droits levés sur les navires ; par rétorsion, la chambre refusera toute participation financière notamment aux demandes d’emprunt en 1788 pour l’exhaussement du phare, « dans l’impossibilité où elle se trouve » et jugeant aussi les travaux inutiles.
18La réalisation, l’exécution des aménagements et leur suivi se font selon plusieurs échelons hiérarchisés. Au sommet, le roi délègue ses pouvoirs à ses représentants « provinciaux ». Si les gouverneurs n’apparaissent plus, en revanche, les commandants militaires jouent un rôle non négligeable avec la construction et l’entretien des forts et batteries. Ceux-ci censés fermer l’estuaire prennent évidemment toute leur importance en période de guerre, mais leur rôle paraît très limité dans l’aménagement de la Gironde, sinon pour les cartes36. L’intendant apparaît classiquement comme l’homme du roi ; mais la situation est complexe pour l’estuaire partagé entre une rive nord relevant de la Saintonge et de l’intendance de La Rochelle et une rive sud de la Guyenne et de Bordeaux, Cordouan se situant entre les deux, le tout compliqué par les pouvoirs de l’intendant de la Marine de Rochefort. Jusqu’aux années 1760, ce sont les intendants de Bordeaux (avec un transfert temporaire au profit de ceux de La Rochelle de 1696 à 172137), qui sont chargés d’appliquer les ordres ministériels, de diriger les travaux de la gestion financière, notamment de la levée et de l’utilisation des fonds du droit de Cordouan. Leurs pouvoirs très larges ne font que peu de place à l’intendant de la Marine, installé à Rochefort. Alors que celui-ci s’intéresse de près aux tours à feu de Chassiron et des Baleines, il intervient rarement pour Cordouan, ou pour les travaux de l’embouchure. L’inventaire de la correspondance des intendants de la Marine38 ne fait ainsi apparaître que six mentions de lettres relatives à Cordouan de 1673 à 1740. Se dégage ainsi l’impression que l’estuaire est vraiment l’affaire des Bordelais, y compris pour les aménagements de la rive saintongeaise. La logique économique tournée vers le grand port aquitain et la logique de l’unité maritime de l’estuaire l’emportent ici sur les divisions administratives. De ce fait, les intendants de Bordeaux, Claude Pellot pour les travaux de 1664, Boucher et Tourny, dirigent sans grand partage les aménagements et l’entretien du patrimoine de l’embouchure. En 1753, la bouderie des « Messieurs » du négoce bordelais, qui refusent symboliquement de signer les procès-verbaux de l’assemblée réunie par Tourny pour examiner les cartes de l’estuaire, résume leur impuissance et leur amertume : « jamais le sieur de Tourny ne demanda l’avis des députés de la Chambre de commerce » qui « n’eurent pas occasion de parler39 ».
19Brusquement après 176540, les intendants de Bordeaux disparaissent pratiquement des correspondances et des processus exécutifs au profit du commissaire général de la Marine en poste à Bordeaux, subordonné normalement à l’intendant de Marine de Rochefort, mais qui dans ce domaine de compétence paraît doté d’une large autonomie. Ces officiers généraux, jusque-là assez effacés, reprennent pour l’essentiel les pouvoirs des intendants et deviennent le relais privilégié et obligé du ministère avec une marge de manœuvre importante dans la conception et la réalisation des projets à l’image de Prévost de la Croix au cœur des travaux d’exhaussement de Cordouan à partir de 1786. Quant à leur titre d’ordonnateur, il renvoie à l’ensemble de la gestion financière, devis, marchés, paiements et gestion de la recette des droits.
20La réalisation des plans, l’organisation des travaux et leur suivi relèvent ensuite de la compétence des ingénieurs de la Marine. Certains, comme Magin, en 1753, sont envoyés par le ministère avec une mission précise : dresser une carte de l’embouchure et proposer un système de balises. Plus fréquemment, on utilise les ingénieurs de la Marine en place à Bordeaux et chargés de la direction des ouvrages de Cordouan. Ainsi Bitry, ingénieur en chef des châteaux de Bordeaux, est nommé directeur des ouvrages de la tour de Cordouan pour concevoir et diriger, de 1722 à 1727, la reconstruction de la partie haute du phare et d’une lanterne en fer. À la fin du siècle, l’homme-clé est Joseph Teulère ; architecte d’origine, « faisant fonction d’ingénieur des bâtiments civils à Bordeaux » à partir de 1776 avec le titre modeste de sous-ingénieur des ouvrages civils de la Marine ; il n’en est pas moins chargé, dès 1781, « des travaux des tours et balises de la Gironde ». Pendant plus de dix ans, il déploie une activité intense dans l’estuaire sous la direction de Prévost de la Croix, mais fait aussi preuve de beaucoup d’initiatives dans la conception de la nouvelle tour41. En même temps, il joue pleinement son rôle de coordinateur et de surveillant des travaux, résidant de longs mois au phare, ingénieur de terrain qui donne l’impression dans sa correspondance d’accomplir une véritable mission dans la ligne des architectes de Cordouan depuis Louis de Foix, au xvie siècle. Ses compétences sont d’ailleurs largement reconnues par Prévost qui en fait son homme de confiance et sa référence scientifique vis-à-vis du ministère.
21Les travaux sont, quant à eux, exécutés par des entrepreneurs privés après appel d’offres. Ainsi, le 15 mars 1727, l’intendant Claude Boucher adjuge les travaux de construction de la nouvelle lanterne de Cordouan à Dardan, un architecte bordelais pour 37 975 livres après enchères entre cinq architectes pour un devis situé au départ à 50 000 livres42. Ces architectes ou « entrepreneurs », comme Bernard Burguet qui obtiendra les marchés de la fin du siècle, sont tous bordelais mis à part Sangrain « entrepreneur d’illuminations » qui équipe plusieurs phares français en réverbères et obtient le marché de Cordouan, en 1782. Ils travaillent sous la direction des ingénieurs et le contrôle de l’intendant puis du commissaire de la Marine chargé des paiements. Ce dernier, toujours en retard, met Burguet, criblé de dettes, incapable de régler ses créanciers, dans « la détresse la plus grande43 ». Ce sont ces entrepreneurs qui se chargent enfin de l’exécution concrète des travaux par leurs équipes d’ouvriers, très peu connus, sinon par quelques chiffres (64 ouvriers sur le site de Cordouan en mai 1789) et quelques données sur la difficulté du recrutement liée aux conditions de travail et de vie, sujets qui ne peuvent être traités dans ce cadre.
22Parallèlement, la gestion quotidienne de Cordouan et de l’estuaire est assurée par l’administration de la Marine, sous l’autorité du commissaire général, installée à Bordeaux dans l’Hôtel de la Marine44. Personnage important, le trésorier ou receveur « des droits de la tour de Cordouan », Delbos de La Borde – à la fin du siècle – tient sous la responsabilité du commissaire de la Marine la comptabilité de la recette des droits, autour de 50 000 livres par an et règle l’ensemble des dépenses, frais de personnel, entretien, réparations, régie de la tour… Gravite autour de lui un petit groupe d’au moins 5 à 6 secrétaires et commis bordelais dont Garat, « chargé de tout ce qui regarde la tour de Cordouan ». Ils assistent cette administration et l’ingénieur. Comme pour les travaux, l’entretien du phare et de son « illumination » est adjugé à un entrepreneur privé : c’est Sangrain, déjà aperçu, qui enlève le marché en 1782, pour 8 500 livres par an, ce dernier confiant ensuite le travail à un fondé de pouvoir, André. À côté de cette administration bureaucratique, et faisant aussi appel au secteur privé, persiste la structure ancienne des amirautés, dont les officiers ont en charge la police de la navigation et du littoral, notamment la gestion des naufrages et des contentieux maritimes ; seul problème, l’estuaire est partagé entre la juridiction de l’amirauté de Marennes pour la rive saintongeaise, et de Bordeaux pour le reste, source de conflits permanents45 qui contrastent avec la relative unité de la gestion de l’estuaire.
23Dernier « contremaître », homme en contact direct permanent avec les problèmes quotidiens, le commissaire des classes de Royan, à qui est confié la « police de la tour de Cordouan », autrement dit, toute la logistique, l’approvisionnement et le contrôle direct des gardie, joue un rôle essentiel, surveillant au quotidien la lumière du phare, l’approvisionnement, dirigeant l’équipage de la gabarre du phare, sentinelle avancée pour l’ingénieur et le commissaire de la Marine, présent dans toutes les expéditions maritimes à Cordouan et pour vérifier l’état des passes.
24Enfin, le fonctionnement de l’estuaire repose sur deux groupes : le premier, celui des pilotes, déjà aperçu, dépend à la fois des amirautés, de la chambre de commerce et du commissaire général. Peu maniables, les 160 lamaneurs des cinq communautés constituent un monde à part, essentiel pour la vie de la Gironde, à la fois peu considérés, cependant systématiquement consultés en compagnie de quelques « anciens capitaines » pour toutes les campagnes de travaux maritimes (balisage, éclairage, cartes), meilleure preuve de leur compétence pratique irremplaçable même si le lieutenant de vaisseau Payen ressent « une espèce d’humiliation qu’il y a de s’en rapporter aux pilotes côtiers ignares46 ». Quant aux trois ou quatre gardiens du phare de Cordouan, dirigés par un chef gardien, ils forment un groupe isolé, ne descendant à terre « pour se rafraîchir » qu’une fois par an, à la fois très surveillés (soumis à un règlement draconien avec un système de quarts rigoureux47), mais, de fait, largement livrés à eux-mêmes pour un travail et des conditions de vie pénibles, de marins rivés dans leur vaisseau de pierre. L’étude passionnante de ces « travailleurs de l’estuaire » reste à faire48.
25Le processus de décision et d’exécution est complexe, mais pour l’essentiel il fonctionne avec une relative efficacité, la mainmise de l’État étant finalement peu contestée par les administrations traditionnelles d’Ancien Régime. Trois pôles se dégagent de ce système centralisé : le ministère de la Marine et ses bureaux, Bordeaux relais provincial et l’estuaire des agents d’exécution. En même temps, on est surpris par le réseau de conseils dont s’entoure chaque échelon : sommités scientifiques nationales, « Messieurs » du commerce de Bordeaux, gens de mer depuis l’officier de Marine jusqu’au pilote, autant d’intervenants d’origines différentes, symboles des enjeux des aménagements de l’estuaire.
Les travaux de l’estuaire
26La monarchie s’est toujours préoccupée directement de l’aménagement de l’estuaire, d’abord avec la construction de la tour de Cordouan, puis, au xviie siècle, avec la mise en place d’un système de balisage couplé avec une cartographie précise de l’embouchure.
27Le financement, à la charge du Trésor royal jusqu’au début du xviiie siècle, bascule en 1726, à l’occasion d’une campagne de travaux, sous la forme d’un droit de 5 sols par tonneau pour tous les navires entrants dans l’estuaire, taxe variant selon les besoins : 4 sols en 1737, 6 sols en 1768, fiscalisation supportée par les utilisateurs de l’estuaire. Les 30 000 à 50 000 livres annuels couvrent les frais de fonctionnement et les réparations, mais les travaux lourds (en 1768, 126 000 livres et en 1787, près de 200 000 livres) nécessitent le financement direct de la monarchie ou le recours à l’emprunt, 100 000 livres par exemple à la Caisse des Invalides à la fin du siècle49.
28Les travaux consistent d’abord en réparations ordinaires à Cordouan où les attaques de la mer signifient chaque année, des « fontaines » et des brèches dans le mur d’enceinte, notamment en 1791 où « le mortier rongé et enlevé » est à réparer avant la mauvaise saison sous peine d’aggravation catastrophique. Bon an mal an, 10 000 livres couvrent péniblement les travaux de première urgence. De manière plus épisodique, il faut aussi procéder à de grosses réparations ou reconstructions. C’est le cas en 172750 où il faut tout à la fois reprendre l’enceinte, rehausser et reconstruire la lanterne en fer, soit une facture de plus de 30 000 livres. De la même façon, les balises édifiées sur la côte sont régulièrement renversées par les tempêtes : la balise de la Pointe de Grave est ainsi détruite trois fois dans la dernière décennie du siècle, tout comme celles de la Coubre et de Soulac. Mais dans l’ensemble, sous la pression notamment de la chambre de commerce et des pilotes privés de leurs amers, les travaux de reconstruction se font dans d’assez brefs délais : les balises de la pointe de Grave et de Soulac sont redressées en trois mois en 1788 et le clocher de Saint-Palais, foudroyé en 1787, est réparé en moins d’un an, autant d’illustrations de l’importance attachée à l’entretien des amers de l’estuaire.
29Parallèlement, on peut dégager plusieurs phases de gros travaux d’aménagement destinés à améliorer les accès et la sécurité de la Gironde. La première vague se situe sous Louis XIV avec les gros travaux de réhabilitation de Cordouan et toute une série d’enquêtes et de campagnes cartographiques, où émerge la nouvelle génération d’ingénieurs du roi. Il faut ensuite attendre un bon demi-siècle pour voir se mettre en place un véritable plan d’aménagement global de l’estuaire autour de l’enquête de Choiseul de 1766, suivie des mémoires et projets de Kearney51, avec une nouvelle approche cartographique et surtout un système cohérent de balisage couvrant l’embouchure. Enfin, tout en prolongeant le programme des décennies précédentes, les années 1780 concentrent les efforts et investissements sur Cordouan, littéralement reconstruit et surtout doté de nouveaux systèmes d’éclairage, selon une démarche scientifique, source de débats et conflits.
30Cordouan constitue un cas à part, monument monarchique emblématique marquant une des portes maritimes du Royaume. La tour a acquis, selon l’expression du chevalier Isle en 1787, le statut de « monument national », ce qui signifie un traitement privilégié dépassant la seule dimension fonctionnelle. De ce fait, il convient, comme le souligne le frère de l’intendant Pellot dans son projet d’inscription en 1664, de montrer à la postérité que le roi « joint autant qu’il peut à l’utile le magnifique », la tour « estant le plus beau chef-d’œuvre d’architecture qu’il y ait en France52 ». La dimension architecturale et décorative a toujours une part importante dans les travaux, Louis de Foix ayant en quelque sorte placé la barre très haut dès le départ. Les gros travaux louis-quatorziens des années 1664-1665 se situent parfaitement dans cet esprit ; il convenait à la fois pour Pellot de « rétablir et consolider cette tour », de reprendre l’ensemble du gros œuvre d’un édifice en très mauvais état, « rebâti à neuf » et aussi restaurer « les parements et ornements qui sont au dedans et au dehors » en y laissant la marque du grand roi. Un siècle plus tard, le commissaire de la Marine La Porte donne un jugement très critique, en homme des Lumières et en marin, sur les travaux de 1665 où « on s’est alors plus attaché à la magnificence qu’à la solidité53 » avec notamment une profusion de sculptures qui chargent l’édifice.
31Dans la seconde moitié du xviiie siècle, la dimension fonctionnelle prend le pas sur la monumentalité ; le chevalier Isle, chargé d’examiner les plans de rehaussement en 1787, s’étonne encore à Cordouan de « ce que l’architecture peut fournir de richesse dans la beauté des proportions et la sculpture de goût dans les ornements », mais ne peut que manifester « ses regrets sur la nécessité où l’on est de changer la forme de ce chef d’œuvre54 ». En effet, Cordouan, point de reconnaissance obligé pour entrer dans l’estuaire, ne remplit plus qu’imparfaitement sa fonction au xviiie siècle. Trop bas, doté d’un feu au charbon de terre irrégulier, mal entretenu, il génère un flot de plaintes tant des marins que de la chambre de commerce. La recherche expérimentale puis appliquée des années 1770 touche Cordouan avec le système des feux à réverbère alimentés à l’huile, puis, la décennie suivante, des feux tournants à éclipses. Cette révolution de la lumière où Cordouan est pris dans un mouvement national se fait en deux temps avec l’installation en 1782 d’une nouvelle lanterne avec 80 réverbères et lampes, puis, en 1790, la mise en place de « la machine » de l’horloger de Dieppe Mulotin, mécanisme complexe qui s’accompagne d’un nouveau système de réverbères très sophistiqués. Le passage du vieux feu traditionnel au feu tournant se fait difficilement, révélateur d’un véritable choc culturel : d’un côté, le bloc unanime des capitaines, des pilotes appuyés par la chambre de commerce bombarde l’administration et le ministère de plaintes virulentes avec pétitions répétées (plus de 300 déclarations de capitaines entre 1783 et 1785) contre le nouveau feu « pâle, très faible », « ne se voyant qu’à la distance d’une lieue et demy contre 5 à 6 lieues pour l’ancien55 » et réclame à cor et à cri le retour au feu de charbon de terre. En face, les commissaires de la Marine La Grandville et Prévost, l’ingénieur Teulère, multiplient les observations à terre et en mer en compagnie des marins locaux, font fonctionner en même temps les deux types de feux, débat surprenant mais finalement très ouvert, qui dure presque dix ans. La comparaison est jusqu’en 1790 en faveur du feu traditionnel en attendant l’arrivée des nouveaux réverbères et de la « machine », mais en hommes des Lumières et en « fonctionnaires » zélés, relais de la référence scientifique qu’est Borda, ils s’inscrivent dans le processus de progrès scientifique qu’implique la nouvelle « illumination ». L’addition de perfectionnements de détails et de réglages du système finit par l’emporter et en 1793 le ministre de la Marine clôt le débat en qualifiant les arguments du feu à charbon de « prévention sans fondement56 ».
32Parallèlement, Cordouan subit une véritable reconstruction avec son exhaussement, motivé par des raisons techniques, afin « qu’il soit aperçu au-delà des dangers les plus éloignés » selon Teulère. Les projets, présentés par Teulère et supervisés par Borda donnent lieu à des débats contradictoires entre les différentes références scientifiques. Ils mettent aussi en évidence une démarche scientifique méthodique fondée à la fois sur des calculs théoriques quant aux résistances, quant aux équilibres et sur l’expérimentation de terrain, depuis les sondages dans la maçonnerie ancienne jusqu’aux observations en mer pour déterminer la hauteur de la nouvelle tour57. Les travaux, lancés en 1788, en s’appuyant sur la base ancienne de l’édifice, transforment toute la partie haute et y « emboîtent » un fût de 60 pieds de hauteur beaucoup plus sobre, transformant radicalement le curieux monument en phare classique. Le chantier, énorme, réalisé dans des temps record, soit deux saisons58, signifie à la fois une logistique très complexe quant aux transports, manutentions, ravitaillement et la résolution de problèmes de structure architecturale extrêmement délicats59. En août 1790, le commissaire Prévost peut témoigner lors de la réception des travaux de son « sentiment d’admiration pour la perfection de l’exécution, la solidité, la hardiesse, la légèreté » de l’architecture et en même temps de l’efficacité des feux à réverbères tournants que Teulère observe en mer à près de 6 lieues, symbole d’une transformation technologique et du passage de la tour à feu au phare moderne60.
33Si Cordouan demeure le pivot de l’embouchure, à partir de Louis XIV se met en place un système global d’aide à la navigation qui se renforce tout au long du xviiie siècle.
34Premier volet, celui des cartes et de leurs manuels, sujet qui mériterait une étude exhaustive. Les unes s’intègrent dans des campagnes nationales, commandes royales, comme la carte de l’ingénieur La Favollière, réalisée en 1677 pour l’ensemble du littoral61 et accompagnée d’une « description », véritable mode d’emploi pour entrer dans l’estuaire à partir des amers existants. L’ingénieur Claude Masse, Guillaume de L’Isle, Fortin – maître géographe à Bordeaux –, Arnaud – pilote royannais – fournissent, sous Louis XIV, un premier corpus de cartes62, certaines remarquables (Masse), d’autres contestées (celle d’Arnaud où les pilotes de l’estuaire remarquent de grosses erreurs). Tout au long du siècle, le ministère lance plusieurs opérations de reconnaissance et de cartographie de l’estuaire. L’ingénieur Magin en 1751, le courtier bordelais Lamothe, Kearney en 1768 construisent ainsi chacun leur carte, examinée ensuite systématiquement par une commission ad hoc. Par exemple, en 1753, l’intendant Tourny réunit le commissaire de la Marine, les représentants de l’Amirauté, de la chambre de commerce, l’ingénieur des Ponts et Chaussées et quelques capitaines et pilotes pour examiner les cartes de Magin et Lamothe63. La concurrence est vive entre les auteurs soucieux d’obtenir l’autorisation royale et les contestations nombreuses ; Magin publie ainsi une seconde édition de sa carte en 1785 sans aucune modification, « petite supercherie… pour en obtenir un débit plus prompt64 ». Quand les cartes de Magin et de Kearney sont comparées par le lieutenant de vaisseau Payen, il constate que la première est « parfaite pour le gisement des terres », mais est truffée d’erreurs pour la partie maritime et celle de Kearney l’inverse, concluant que les deux cartes pourraient en faire « une exacte65 ». Là aussi, on remarque un souci croissant de rigueur scientifique avec la pratique des relèvements en mer à l’aide de plusieurs chaloupes positionnées autour des bancs, croisés avec des repères terrestres, opérations mobilisant de petites troupes. Le sondage des fonds, l’utilisation des travaux de triangulation de l’Académie aboutissent à des instruments de navigation fiables, loin des cartes-dessins du xvie siècle.
35Second volet, complémentaire du premier, la construction méthodique d’un réseau de balises permettant de prendre avec précision les différentes passes de l’embouchure. Jusqu’à la fin du xviie siècle, hormis Cordouan, on se contente d’amers de fortune : clochers de Saint-Palais, de Royan et de Soulac, moulins de Saint-Georges, de Meschers, bois de chênes verts de Saint-Palais et dunes ou « terriers » de La Coubre. Il faut attendre 1699 pour voir la construction d’une « pyramide de charpenterie66 » à la pointe de La Coubre donnant l’alignement avec une seconde balise de la passe du Matelier. Ce premier amer, reconstruit à plusieurs reprises, est complété par un surhaussement des clochers de Soulac, Royan et Saint-Palais. Mais jusqu’à la fin des années 1760, on a l’impression d’un système de bric et de broc, Magin en 1756 évoquant la plantation, à La Coubre, à Terre-Nègre près de Saint-Palais, à la pointe de Grave « de pins enfouis dans le sable comme marques qui donnent les alignements les plus avantageux67 ». C’est seulement avec l’enquête lancée par Choiseul en 176668 et son vaste programme « d’établir des points de reconnaissance tels que des feux, balises et autres signaux propres… à diriger la route des bâtiments » que les autorités passent à la vitesse supérieure avec un plan systématique de balisage unifié pour l’embouchure et ses approches. La mission de Kearney69 à partir de 1768 aboutit à un vaste programme de construction de balises, huit tours de bois de 80 pieds de haut, de rehaussement de trois clochers et d’installation de 32 bouées. L’ensemble des tours est réalisé très rapidement, achevé en 1771, plus important même que le projet initial : outre la surélévation des clochers de Soulac, Royan et Saint-Palais, on construit, selon un plan type, cinq tours en bois surmontées d’un mât à pavillon et deux tours en pierre (Terre-Nègre et Le Chay) pour un investissement dépassant les 100 000 livres. Ces dix amers bien identifiables, construits par paires, constituent autant d’alignements qui permettent de prendre les différentes passes d’entrée dans la Gironde. Ce balisage global de l’embouchure, amélioré par une tour de pierre à La Coubre, est complété par la réalisation du projet de balisage de la côte occidentale de l’île d’Oléron proposé par Compère L’Aubier en 178370, et destiné à améliorer l’accès à neuf anses refuges pour les vaisseaux en détresse devant l’embouchure. La construction d’une jetée dans l’anse de La Perroche, destinée principalement aux pilotes de la Gironde, va dans le même sens d’une meilleure sécurisation des approches de l’estuaire.
36L’aménagement de l’estuaire n’en comporte pas moins encore quelques gros points noirs. L’ambitieux projet de balisage des bancs de sable par 32 bouées « avec chaînes et ancres » se heurte aussitôt à la rudesse de la mer. Les premières bouées, posées à titre d’essai, sont balayées en quelques jours par les vagues et les courants, repoussant sine die leur installation de plus très coûteuse. L’autre gros dossier concerne les mouillages de l’estuaire. Celui du Verdon, peu commode, sans aucune infrastructure terrestre, mise à part l’existence d’une chapelle « établie pour donner les secours spirituels aux équipages des navires retenus par les vents contraires71 », ne connaît aucun aménagement nouveau ; sur l’autre rive, les petits ports de Saint-Palais et Saint-Georges, stations des pilotes sans aucune protection, restent en l’état et les différents projets de construction de digues ou de bassins restent au stade d’études, les pilotes de Saint-Palais finissant par quitter leur anse pour se réfugier à Royan. Cependant l’abri de Royan, seul port de l’embouchure, demeure lui aussi très médiocre72. Depuis la démolition de la jetée sous Louis XIII, le port, très mal abrité, asséchant à mi-marée, ne peut pas jouer son rôle de poste de service de l’embouchure. La reconstruction de la jetée, jugée essentielle par tous les acteurs de l’estuaire bute à la fin du siècle sur le problème financier (le devis de Teulère en 1789 dépasse les 200 000 livres). Ni l’État, « le ministère ne pouvant faire aucune dépense extraordinaire » selon Prévost, ni les négociants par le biais de la chambre de commerce une nouvelle fois sollicitée, ne mettront la main à la poche, stoppant là provisoirement les travaux d’aménagement, l’éclipse provisoire du commerce bordelais ne faisant qu’accentuer le phénomène.
*
37L’entrée de la rivière de Bordeaux reste redoutable et redoutée à la fin du xviiie siècle. Les brisants qui blanchissent les battures, les courants traversiers qui entraînent sur les bancs de sable, la tempête conditionnent toujours étroitement la traversée des passes. Mais au-delà de la puissance incontrôlable de la mer, se dégage progressivement une préoccupation puis une volonté de sécurisation de l’estuaire de la part de l’État, pour lequel l’accès à une des portes maritimes majeure du royaume doit être assuré. Cordouan et sa monumentalité architecturale a symbolisé longtemps à lui seul l’entrée dans la Gironde ; à partir de la fin du xviie siècle, sous l’impulsion des ministres de la Marine relayés de manière centralisée et finalement efficace à Bordeaux par les intendants, commissaires généraux de la Marine et ingénieurs, avec toujours la volonté de prise de conseils aussi bien au sommet (Borda) qu’à la base (les pilotes), se met progressivement en place, par étapes, une politique cohérente d’aménagement de l’estuaire. La démarche scientifique à la fois théorique et appliquée des différents travaux, l’investissement réel de l’État même si les payeurs sont d’abord les utilisateurs, aboutissent à la construction d’un réseau d’équipements coordonnés d’aide à la navigation. Du feu au charbon brûlant au sommet de la tour de Cordouan, de l’entrée dans la Gironde en se repérant sur « la montagne de sable de La Coubre » et en utilisant les recettes des « routiers », à nos yeux hasardeuses, mais finalement globalement efficaces, on passe au xviiie siècle à un véritable phare avec son feu tournant à éclipses, au cœur d’un système de balisage construit méthodiquement fixant l’entrée de chaque passe, étape décisive dans la modernité maritime.
Annexe
Annexe I. La gouvernance de l’embouchure et de la tour de Cordouan

Notes de bas de page
1 Noté déjà par les principaux ouvrages sur le commerce bordelais : Bernard J., Navires et gens de mer à Bordeaux, 1400-1550, Paris, SEVPEN, 1968, chap. 1 ; Huetz de Lemps C., Géographie du commerce de Bordeaux à la fin du règne de Louis XIV, Paris, Mouton, 1975. Sur la prospérité bordelaise au xviiie siècle, Butel P., Les négociants bordelais, l’Europe et les îles au xviiie siècle, Paris, Aubier, 1974.
2 AN Marine, D 2 57, « Mémoire des désordres qui dérangent la navigation de la rivière de Bordeaux », par le sieur Pouyade, 25 mai 1743.
3 Chiffres oscillant entre plus de 3 000 navires quittant Bordeaux en 1700-1701 (Huetz de Lemps C., op. cit.) et durant le xviiie siècle, près de 2 300 en 1726-1727 et 2 500 en 1790 (comptes de la recette du droit de Cordouan) mais avec une forte hausse du tonnage moyen.
4 Voir la synthèse Les Français, la terre, la mer, xiiie-xxe siècle, Cabantous A., Lespagnol A. et Peron F. (dir.), Paris, Fayard, 2005.
5 Sur cet espace, Péret J., « Entre l’océan et l’estuaire, les paroisses saintongeaises de l’embouchure de la Gironde aux xviie et xviiie siècles », dans J.-G. Petit et A.-L. Sanguin (dir.), Les fleuves de France atlantique, Paris, L’Harmattan, 2003, p. 115-128 et « Sécuriser l’estuaire de la Gironde du xvie au xviiie siècle : une mission impossible ? » Revue d’Histoire maritime, n° 9, 2008, p. 163-176. Voir aussi deux bonnes monographies : Binot G., Histoire de Royan et de la presqu’île d’Arvert, Le Croît vif, 1994, et Nappee J., Histoire de Saint-Palais-sur-Mer, Rumeur des Âges, 1998. Nombreux articles dans les cahiers de L’Estuaire de la Gironde. Problématique renouvelée par le doctorat de Caillosse P., La paroisse de Soulac de la fin du xvie siècle au milieu du xixe siècle. Les transformations d’un territoire littoral entre la Gironde et l’Atlantique, 3 vol., université de La Rochelle, 2015.
6 Faille R., Les trois plus anciens phares de France. Cordouan, les Baleines, Chassiron, Chauray, Patrimoines et médias, 1993.
7 AN Marine, séries C4, D2, 3 JJ. ; SHD Vincennes, SHD Rochefort ; AD Gironde, série C (intendance et chambre de commerce) ; AD Charente-Maritime, série C.
8 AN Marine, 3 JJ 170. « Mémoire sur la navigation des vaisseaux de guerre », s. d. (vers 1770).
9 « Mémoire géographique de Claude Masse… », 1716, médiathèque de La Rochelle, ms. 31.
10 AN Marine, D2 50. « Mémoire sur la nécessité de fortifier l’enceinte de Cordouan… », par Bitry, 1727.
11 AN Marine, 3 JJ 171. Projet d’exhaussement de Cordouan par Teulère, 1787.
12 Idem, D2 38. « Mémoire sur la sûreté de la navigation… », par Payen de Noyant, vers 1770.
13 Bernard J., op. cit.
14 Passes qui se déplacent en plus en fonction des tempêtes et des courants. En 1815, le plan de l’ingénieur Raoul indique que « la passe du nord qui est aujourd’hui praticable pour des vaisseaux à trois ponts était la plus mauvaise des passes » au milieu du siècle, tandis que la passe du Matelier « qui était la meilleure » est devenue la plus difficile (AN Marine, D2739).
15 AN Marine, D2 50. Mémoire de l’ingénieur Bitry, 24 octobre 1727.
16 Sources très nombreuses du fait des contentieux entre communautés de pilotes et d’une abondante réglementation.
17 AN Marine, D2 57. Mémoire anonyme sur la navigation de la rivière de Bordeaux.
18 Idem, 3 JJ 165. « Description de la coste de France… », anonyme, s. d. (milieu xviie siècle ?).
19 AD Charente-Maritime, B 55.
20 AD Gironde, C 3717.
21 AN Marine, 3 JJ 170.
22 Voir notre ouvrage, Naufrages et pilleurs d’épaves sur les côtes charentaises aux xviie et xviiie siècles, La Crèche, Geste Éditions, 2004, chap. 1, et Pontet J., « Naufrages et naufragés dans le golfe de Gascogne », actes du colloque Le naufrage, Paris, Champion, 1999, p. 327.
23 Exemple, comme les suivants, extrait de Peret J., op. cit., AD Charente-Maritime, amirauté de Marennes.
24 Voir annexe I : organigramme de la gouvernance de l’embouchure et de la tour de Cordouan.
25 Voir Faille R., op. cit., p. 49-50.
26 AN Marine, C4158. Arrêt du Conseil du 15 décembre 1776.
27 Sur les pouvoirs en matière de signalisation maritime : Fichou J.-C., « Les phares et la signalisation maritime ou l’étonnante autorité des ingénieurs des Ponts et Chaussées au xixe siècle », dans G. Le Bouëdec et F. Chappe (dir.), Pouvoirs et littoraux, Rennes, PUR, 1998, p. 265.
28 AN Marine, 3 JJ 174. 1787-1789.
29 AN C4157. Avec assemblée dans chaque quartier sous l’autorité du commissaire général ou des officiers de l’Amirauté, d’une commission de capitaines et pilotes chargée de proposer l’implantation de balises et de feux.
30 AN D2 57. Mémoire du sieur Pouyade, 25 mai 1743.
31 AN 3 JJ 170.
32 AN D2 37. Lettre du 28 mars 1772.
33 AN D2 50 et 3 JJ 100. Voir aussi Faille R., op. cit.
34 AN D2 55. Gros dossier à partir de 1783. Se retrouve aussi aux AD Charente-Maritime, C 34.
35 Voir d’abord le fonds de la chambre de commerce de Guyenne, AD Gironde, série C (consulté à travers « L’inventaire sommaire des Archives Municipales, antérieures à 1790 » de Brutails J. A., 1893), avec de nombreuses pièces et copies dispersées dans les fonds Marine, notamment sous la cote 3 JJ 100.
36 Rôle de l’armée à préciser à partir des fonds du SHD, notamment cartographiques.
37 Retour à l’intendance de Bordeaux réclamé avec véhémence par la chambre de commerce à plusieurs reprises.
38 SHD Rochefort, « Tables Ardouin », 1673-1740.
39 AD Gironde, C 4263. « Compte rendu d’une assemblée tenue à l’intendance » par les députés de la chambre de commerce, publié par Brutails, op. cit.
40 En relation avec les réformes de Choiseul de 1765 allant dans le sens d’une militarisation des services.
41 Abondante correspondance dispersée notamment dans AN Marine, 3 JJ 100, 171 et 174 ; D2 57, etc.
42 Idem ; D2 50.
43 SHD Vincennes, DD 2743, an IX et AN Marine, 3 JJ 174.
44 Personnel qui apparaît de manière ponctuelle au travers de multiples lettres, mémoires, procès-verbaux, les revues d’officiers de la marine (AN C2 90-92) et dans les comptes, par exemple en 1791 (AN Marine, 3 JJ 174).
45 Conflits attisés par les groupes de pression bordelais (chambre de commerce, Parlement) qui cherchent à prendre en main l’administration de l’estuaire et à en éliminer les Saintongeais.
46 AN Marine, D2 37. Lettre de Payen de Noyan 18 mai 1772.
47 Par exemple service des gardiens pour l’année 1791 (AN Marine, 3 JJ 100).
48 Éléments dispersés à travers les comptes, les règlements, les inventaires du phare.
49 Sur les problèmes de financement au xviiie siècle, nombreuses pièces dans AN Marine, D2 50.
50 Sur les réparations et travaux : AN Marine, D2 50, 54, 57 ; 3 JJ 100, 170, 174.
51 AN Marine, 3 JJ 170.
52 Cité par Faille R., op. cit., p. 31.
53 AN Marine, D2 50. Compte rendu de La Porte, commissaire général, 6 juillet 1771.
54 AN Marine, 3 JJ 100. Lettre du chevalier Isle, 7 juillet 1787.
55 AN Marine, 3 JJ 99, 100 et 174. Abondante correspondance, procès-verbaux, rapports, entre 1783 et 1793.
56 AN Marine. Lettre du ministre de la marine aux administrateurs de la Gironde, 27 mai 1793.
57 AN Marine, 3 JJ 100, 174 ; D2 50. Analyse très précise des éléments techniques dans Faille R., op. cit.
58 Généralement d’avril à septembre avec de nombreuses interruptions liées aux intempéries et à la coupure des relations avec le continent.
59 Sujet qui reste à étudier avec notamment l’énorme volume de matériaux transporté par gabarres.
60 AN Marine, 3 JJ 100. Procès-verbal de visite, 30 août 1790.
61 AN Marine, 3 JJ 165.
62 Cartes dispersées dans plusieurs fonds : AN fonds Marine, cartes et plans, SHD Vincennes.
63 AD Gironde, C 4263. Publié par Brutails, op. cit., réunion du 18 janvier 1753.
64 AN Marine, 3 JJ 97. « Examen de diverses cartes de l’entrée de la rivière de Bordeaux », 10 juillet 1787.
65 Idem, D2 37. Correspondance 1772.
66 AN Marine, 3 JJ 170. Visite des entrées de la rivière de Bordeaux en 1700.
67 AD Gironde, dans Brutails, op. cit., p. 221, mémoire de Magin, 22 novembre 1756.
68 AN Marine, C4157, lettre de Choiseul du 14 janvier 1766.
69 AN Marine, 3 JJ 17O et D2 50.
70 AN Marine, D2 55, 1783 et AD Charente-Maritime, C 34.
71 AN Marine, 3 JJ 171, mémoire de Prévost, 18 juin 1790.
72 Sur Royan outre l’ouvrage op. cit. de Binot G., AN Marine, 3 JJ 100 et 3 JJ 170.
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