L’entretien des « ports de France » à l’époque moderne
Techniques, mise en œuvre et innovations (xviie-xviiie siècles)
p. 15-41
Texte intégral
1Les ports, selon leurs particularités topographiques, hydrographiques et hydrologiques, nécessitent des travaux d’aménagements spécifiques et une technique d’entretien adaptée, fruit d’une expérience acquise au fil du temps par une sélection progressive des méthodes les plus efficaces. Comprendre le pourquoi de l’inaccessibilité implique d’abord une observation constante des effets de la nature conjugués aux efforts des hommes. La recherche des causes du problème est donc aussi essentielle que les moyens d’y remédier. Cependant, l’étude de l’effet des courants et la recherche du point optimal d’impact d’un aménagement ne sont pas simples à formaliser pour les ingénieurs des xviie et xviiie siècles. L’historiographie portuaire a le plus souvent présenté les moyens mis en œuvre pour garantir l’accessibilité des havres comme étant dérisoires et peu répandus dans la France de l’époque moderne. Cela d’autant plus que le xixe siècle marque un saut technologique remarquable grâce à des machines beaucoup plus puissantes. Ces progrès spectaculaires liés au changement de mode de propulsion des engins ne doivent pas conduire à reléguer les méthodes et les machines en usage aux xviie et xviiie siècles dans une sorte de préhistoire technologique des travaux portuaires. Il existe trois manières d’agir pour maintenir l’accessibilité des havres, des chenaux et des bassins : creuser, chasser et détourner. Les sources imprimées permettent de prendre la mesure des méthodes en usage, elles livrent des informations détaillées sur la nature du travail nécessairement patient et jamais pérenne. Les recherches et la mobilisation des savants sur ce sujet, ainsi que les propositions inventives des techniciens, n’ont pas manqué. Les opérations de curage sont toujours longues et onéreuses, abaisser les coûts est un objectif essentiel et la recherche du qualitatif par la précision des lignes de sonde compense d’une certaine façon la relative faiblesse d’extraction. Le respect de la législation maritime, celle notamment concernant la question du délestage des navires, concourt aussi au bon entretien des ports, un bilan s’impose pour les ports de France par le biais des institutions de contrôle que sont les Amirautés. Le manque de moyens consacrés à un entretien trop irrégulier et le sous-équipement chronique en machines, à des degrés divers, expliquent probablement l’état dans lequel se trouvent certains ports français au xviiie siècle, mais tous ne souffrent pas des mêmes maux, certains sont même bien entretenus1.
Des méthodes en usage au modèle perfectible, la conception hydraulicienne de Bernard Forest de Bélidor
2Les sources imprimées de l’époque moderne livrent de précieuses informations sur les techniques d’entretien des ports au xviiie siècle. L’ouvrage de Bélidor est une référence majeure – incontournable – de l’hydraulique des Lumières en France.
3Bernard Forest de Bélidor est un ingénieur militaire membre de l’Académie royale des sciences qui publie à partir de 1725 des ouvrages remarquables2. Il est parfaitement représentatif de « l’ingénieur graphomane » de l’époque moderne dans la lignée de Vauban et des ingénieurs du Génie militaire3. C’est aussi un praticien qui souhaite diffuser ses connaissances et son expérience, doublé d’un homme de sciences qui participe aux recherches de son époque dans le cadre académique4. Parmi ces publications, citons un Nouveau cours de mathématiques5 publié en 1725 et La science des ingénieurs dans la conduite des travaux de fortification et d’architecture civile qui paraît en 1731. Son traité de balistique, Le bombardier français ou nouvelle méthode pour jeter des bombes avec précision (1737), et son Dictionnaire portatif de l’ingénieur (1758) le rendent célèbre. L’œuvre phare, la plus connue de Bernard Forest de Bélidor, est sans conteste L’architecture hydraulique, ou l’art de conduire, d’élever et de ménager les eaux pour les différents besoins de la vie publié à partir de 17376. Le calcul intégral est utilisé pour la première fois dans la résolution de problèmes techniques. Dans la seconde partie, au livre troisième, Bernard Forest de Bélidor consacre plusieurs chapitres à l’enseignement de « la construction de tous les travaux qui appartiennent aux places maritimes ». Il introduit son étude par une dissertation sur le flux et reflux de la mer « afin d’en bien connaître les effets pour élever dans l’Océan des ouvrages de conséquence ». Vient ensuite une description des ports les plus célèbres établis par les Anciens, puis ceux des Modernes et l’étude des principaux travaux qui conviennent aux places maritimes récentes avec des développements sur Dunkerque et Toulon7. Avec ces exemples précis est rappelée la distinction du mode opératoire « dans la conduite des ouvrages entre les ports de l’Océan et ceux de la Méditerranée » et « l’usage des machines qu’on y emploie pour les curer, à défaut des écluses de chasse ». Ce sont là les deux grandes techniques d’entretien des ports de la France moderne : la machine et la chasse. Il faudrait y ajouter les aménagements auxiliaires du maintien de l’accessibilité portuaire : le môle, la digue et la jetée, dont la construction est en elle-même un défi technologique qui limite les ambitions, même les plus réalistes, face à la puissance des flots marins.
4Bélidor décrit la machine à curer en usage au port de Toulon vers 1750 dont il livre le devis. Un document essentiel à ses yeux puisque l’on pourra « la construire sans d’autres secours que celui du devis que nous donnons8 ». Cette machine a été représentée par Joseph Vernet dans l’une de ses célèbres vues du port de Toulon. Elle est établie sur un ponton de 53 pieds de longueur, de 18 pieds ½ de largeur et de 4 pieds ½ de creux avec deux roues d’un diamètre de 22 pieds ½ et de 12 pieds. Deux cuillères ou godets creusent le fond et se remplissent alternativement, de vase ou de sable, par le jeu des roues que les matelots font tourner tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre.
5L’objectif de Bélidor est de permettre à tout lecteur de son ouvrage de construire une machine à curer les ports. Il faut s’arrêter un instant sur la méthode de diffusion des savoirs mécaniques et techniques destinés à un public plus vaste que les seuls praticiens. Elle nourrit la recherche dans ce domaine, elle permet la conception de nouveaux modèles, elle attire l’attention des inventeurs. Ce type de machine a par conséquent bénéficié d’une relative publicité, elle est connue, elle est modélisable, et de surcroit, elle est perfectible. Bélidor livre le mode d’emploi, soit un « exposé de la mécanique de cette machine lorsqu’elle travaille » et après sa description, le devis, le salaire des hommes et du patron d’équipage. Tout est précis et compréhensible, les coûts de construction et de fonctionnement sont évalués et pour finir, les avantages et les inconvénients sont balancés. Le prix de la machine construite en 1745 est de 10099 livres tournois comprenant l’achat de 1575 pieds cube de bois. La recherche du moindre coût s’observe dans l’armement de la machine avec le choix de cordages en sparte pour économiser ceux en chanvre. Le sparte est un jonc, un « herbage » pour reprendre le terme utilisé par l’ingénieur, qui sert à fabriquer les « libans » qui sont les écoutes des filets de pêche à la tartane en Provence. À Toulon, ce type de machine est devenu indispensable, elle a servi à creuser les darses et ensuite à enlever continuellement la vase, sans quoi le port « serait bientôt comblé ainsi que tous ceux de la Méditerranée : & c’est ce qui est arrivé à la plupart des anciens qui n’ont pas été entretenus9 ». L’équipage coûte 9 livres tournois par jour, soit un patron, trois matelots pour faire tourner la grande roue, deux mousses pour la petite roue et enfin quatre matelots pour décharger les deux petits bateaux plats ou « saloppes ». Un marché est passé avec un entrepreneur pour le « curement » du port. La Marine fournit la machine, l’entrepreneur veille à l’entretenir de telle manière qu’il la rende dans le même état qu’il l’a reçue. Selon le type de sol, l’entrepreneur est payé à la charge (cas des vases), selon le nombre de « batelets » à 48 sols la charge, ou à la journée de 9 livres tournois (creusement des darses). La capacité d’une cuillère est estimée à 12 pieds cube de matière. Selon la hauteur d’eau et la saison, la machine peut enlever en une journée entre 4 et 12 batelets (charges). En été, et pendant les six mois de la belle saison, 9 toises cube sont enlevées par jour10, ce qui équivaut à 72 m3 :
Hauteur d’eau en pieds | Nombre de charges journalières enlevées été/hiver | Volume journalier enlevé l’été en toises cube | Coût de la toise en sols |
6-7 | 11-12 / 8 | 9 | 20 |
12-15 | 8-9 / 6 | 6 | 30 |
25-30 | 6-7 / 4-5 | 5 | 36 |
Tableau 1. – Les capacités de la machine du port de Toulon d’après B.F. de Bélidor.
6À titre de comparaison, des indications sont données sur l’une des machines utilisées à Brest, plus performante que celle de Toulon, en raison de son dimensionnement. Elle mesure 50 pieds de longueur (16,25 m) et 24 pieds de largeur (7,80 m), 8 pieds de creux (2,60 m). Sa grande roue a 28 pieds (9,10 m) de diamètre et 10 pieds (3,25 m) de largeur, car il faut 16 hommes pour la mouvoir. En une heure, la machine enlève sur fond vaseux ou sableux avec 12 à 15 pieds d’eau, 4 toises cubes. Bélidor précise que cette machine doit avoir au moins 9 pieds d’eau pour travailler et peut creuser jusqu’à 50 pieds (16,25 m) en dessous de sa surface. Cette machine correspond à celle décrite par Pierre Forfait dans l’Encyclopédie méthodique marine trente ans plus tard. D’autres types de machines à creuser existent, les machines à tenaille, avec un mécanisme plus complexe et des performances inférieures par rapport aux machines à godets et roues, et celles dites à chapelets utilisées en Hollande et jugées également moins efficaces.
7Quelles observations peut-on retirer des propos de Bélidor ? L’idée de la perfectibilité qui passe sans doute par le jeu de la proportionnalité modulaire dans la conception de la machine (dimensions de la plateforme et des roues), l’existence de trois systèmes ou dispositifs en Europe pouvant faire l’objet d’un calcul de performance qui articule profondeur, puissance et volume (cubage extrait), et enfin, la présence de plusieurs unités de machines à curer dans les ports de guerre français (Toulon et Brest). Le coût de construction d’une machine à curer équivaut à ¼ du prix de la carène d’une petite frégate et à 1/17 du prix de celle d’un vaisseau de second rang vers 175011. L’on pressent que les ports de commerce français peuvent être sous-équipés dans ce domaine et sont dans l’obligation d’investir ou de demander l’aide de la marine de guerre qui aura des difficultés à déplacer ses machines parce qu’elle en a constamment besoin et parce que le remorquage en navigation côtière n’est sans doute pas des plus aisés.
L’accessibilité des ports « factices » ou l’exercice de la causalité environnementale et la définition d’écosystèmes techniques chez l’ingénieur Pierre Forfait
8Les articles de l’Encyclopédie méthodique marine rédigés par Pierre-Alexandre Forfait, ingénieur-constructeur de la Marine, offrent aussi de manière synthétique un état des techniques et de leur perfectibilité durant les années 1780. Dans le premier tome de l’Encyclopédie méthodique, l’article « Curer un port, une rivière, un canal » reproduit un mémoire de cet ingénieur, membre de l’Académie de marine à Brest et de celle de Rouen12. Celui qu’il a rédigé sur le « Port » au troisième tome présente les traits communs et les caractéristiques fonctionnelles des ports français au xviiie siècle et livre des informations sur leur état.
9La définition du bon port (surtout de guerre) chez Pierre Forfait associe plusieurs qualités : l’emplacement, l’orientation par rapport aux vents, une rade ou « un espace de mer assez vaste », un bassin à flot et la moindre capacité à se remplir par les sables, les galets ou la vase. La qualité prépondérante étant que les navires puissent rester à flot, qu’il y ait assez d’eau de mer à marée basse, car dans le cas contraire, l’échouage répété les fragilise. Cette observation suggère un point fondamental que l’historien ne doit pas négliger : l’adaptation des bateaux, en usant de techniques de construction différentes selon le rythme des échouages et la nature des fonds entre l’Atlantique et la Méditerranée13. Pierre Forfait indique qu’il « serait bon que la nature eût presque tout fait pour un port », mais cette configuration est finalement assez rare, ainsi l’homme a dû suppléer la nature en aménageant des « ports factices » qui coûtent « des sommes immenses et un entretien ruineux ». On comprend d’ailleurs après avoir lu tout l’article, que c’est la nature qui commande la qualité d’un port, le choix du meilleur site résultant au préalable d’un très bon compromis naturel. Ainsi, à propos des ports bretons – Vannes, Le Conquet, Saint-Brieuc, Roscoff et « autres de cette espèce » – il explique que « la nature leur a tout refusé » et que « l’art ne pourrait jamais réparer ses torts14 ». Ce qui signifie que les ports factices sont encore plus sujets à se remplir que ceux que la nature a creusés ! Pourtant, dans sa célèbre Hydrographie, le père Fournier estimait un siècle et demi plus tôt que la Nature avait plutôt avantagé le royaume de France :
« Quantité de ports. La troisième est la quantité des Ports de Mer naturels, des Plages commodes, & Retraites asseurées que nous avons tout le long de nos Provinces de Picardie, Normandie, Bretagne, Poitou, d’Aulnis, Xaintonge, & Guienne : la seule Bretagne & pays d’Aulnis en ont, & en plus grand nombre, & de plus capables et asseurez que toute l’Espagne, & en des lieux les plus avantageux de toute l’Europe : Pour la Méditerranée, depuis Locate jusques au-delà d’Antibe, tout le bas Languedoc est couvert d’une péninsule, qui luy sert de rempart, & de sentinelle ; Et la Provence a tant de bons ports, de Golphes & autres commoditez naturelles de Mer, qu’on peut dire que c’est la Plage la plus avantageuse de toute la Méditerranée15 […]. »
10C’est donc que les ports naturels ne s’entretiennent pas sans artifice. Après avoir décrit les ports du roi – les ports de guerre – Pierre Forfait présente les principaux ports marchands, ceux où l’on observe « les efforts de l’art pour les défendre contre les entreprises des éléments qui concourent souvent à les détruire ou les boucher16 ». Il les considère sous différents aspects : situation topographique, distribution intérieure, dangers et moyens « de l’industrie humaine employés pour les en garantir ». La question de l’accessibilité est déterminante et demeure un problème pour les principaux ports de commerce français. L’article le suggère avec des arguments convaincants en raison des barres, mascarets, vases, sables et galets qui rendent les passes des ports fluviaux et d’estuaire trop étroites et fluctuantes. Le parcours géographique portuaire commence par les rivages sud-ouest du royaume avec Bayonne. On ne saurait trouver meilleur exemple de difficulté d’accès pour ce port mixte où la marine de guerre est présente, car la barre a nécessité force de travaux, que Josette Pontet a bien étudiés et notamment chiffrés pour le xviiie siècle17. Vient ensuite, la rivière de Bordeaux, où « le plus beau port du royaume » a aussi ses inconvénients avec son mascaret, ses courants et ses crues. Il faut savoir prendre les passes qui changent fréquemment, c’est un travail de reconnaissance incessant pour les pilotes lamaneurs18. Les estuaires sont donc associés à bien des difficultés :
« On ne connaît aucun moyen de remédier à la trop grande largeur qu’à la Garonne à son embouchure. Les travaux qu’une pareille entreprise exigerait sont trop considérables, trop dispendieux et trop peu sûrs pour qu’on les entreprenne19. »
11Ces travaux d’estuaire si difficiles, l’ingénieur va les évoquer lorsqu’il présente les ports du Havre et de Rouen. La Seine est encore plus dangereuse que la rivière de Bordeaux, car « des prairies immenses sont enlevées en une marée ». Les pilotes de la Seine, de la Loire et de la Gironde sont donc des « hommes intrépides » sans cesse occupés à reconnaître les chenaux d’accès. Pierre Forfait présente les projets qui permettraient à Rouen d’accueillir de plus grands navires, alors qu’il ne peut plus recevoir que des navires de 300 tonneaux tout au plus avec des formes de carène française et de 350 tonneaux avec des formes de carène hollandaise. La célèbre flûte hollandaise, navire passe-partout, conserve la primauté, mais le seuil des 300 tonneaux est devenu la norme du tirant d’eau maximal. L’Académie de Rouen a proposé plusieurs fois pour son prix annuel un sujet sur les « moyens les plus sûrs et les plus économiques » de rendre la Seine navigable. Divers mémoires et projets sont cités : la dérivation (canal), le rétrécissement du lit (digue), l’obturation de passes entre les bancs (digues de fascinage). Nantes, autre grand pôle maritime, « n’est plus un port de mer » ; un bâtiment construit ici « ne revoit jamais le lieu qui l’a vu naître ». L’ingénieur n’exclut pas la possibilité de rendre à ce port « son ancienne splendeur ». Il évoque les digues construites « à la hâte et à peu de frais » parce qu’il s’agissait d’une expérience, expérience qui a connu un heureux succès et qui devrait donc permettre de poursuivre ses travaux en grand20. La question de l’accessibilité des trois grands estuaires et fleuves de la façade atlantique et de la Manche est donc bien posée. La solution préconisée est celle du rétrécissement du lit du fleuve pour approfondir un canal de navigation. Quid des ports de la Méditerranée que Pierre Forfait connaît assez mal ?
12Le seul port qu’il évoque est celui de Marseille, en faisant référence au passé antique et à la beauté de la cité phocéenne. Marseille a cependant quelques inconvénients : des quais trop étroits, une entrée difficile, surtout depuis que « trois môles qui la fermaient en partie » ont été détruits. La suppression de ces môles21 favorise l’entrée dans le port des sables contenus dans le chenal de la rade. Pierre Forfait indique que l’on a déjà dressé des plans pour agrandir le port de Marseille et pour le débarrasser des dépôts qui s’y forment. Il est assez plaisant de souligner que l’ingénieur sacrifie toujours à l’admiration du savoir des Anciens, soit l’art de bâtir dans l’eau et de lier la maçonnerie avec du cuivre, métal le « moins dissoluble dans la mer ». Les Anciens savaient donc se garantir des alluvions par des môles qui coupent les courants. Et d’en conclure, que le siècle des Lumières où les « sciences physico-mathématiques » ont fait tant de progrès, détruit des ouvrages élevés par la sagesse. Arrêtons-nous un instant sur ces progrès, ceux de l’hydraulique, « science reine », science des Anciens, qui renvoie aux études des principes généraux du mouvement des fluides avec ses bonnes et mauvaises théories. La machine hydraulique sert l’expérience du savant, de grands noms – Euler, Bernoulli et d’Alembert – y sont attachés22. La prise en compte de l’historicité des aménagements dans la démonstration de Pierre Forfait est à relever, même si l’héritage antique marseillais exige quelques précautions. Elle est également présente chez Bélidor qui relate l’histoire du port de Dunkerque depuis le viie siècle et surtout xie siècle et cela dans la perspective d’une démonstration dynamique du progrès technique chez les Anciens comme chez les Modernes. L’histoire technique de l’aménagement portuaire est donc une pratique ancienne, assurément depuis le xviie siècle en France, comme l’attestent les chapitres que le père Fournier consacre aux « plus célèbres ouvrages bâtis sur mer », les ports des Romains avec leurs digues et môles, construits et reconstruits23. Au sujet de l’utilisation du cuivre dans la liaison des matériaux sous l’eau par les Anciens, rappelons que les recherches sur le cuivre laminé en feuilles pour le doublage des carènes des vaisseaux intéressent particulièrement la Marine durant la décennie 1780, en témoignent les articles de l’Encyclopédie méthodique dont le rédacteur est également Pierre Forfait24. L’action anthropique conjuguée aux conditions naturelles explique l’engorgement des ports méditerranéens, lesquels pâtissent aussi de diagnostics insuffisamment étayés par l’observation précise, le retour d’expérience et une meilleure connaissance du littoral. D’où l’impression d’une sorte de plafond technologique atteint et qui paraît difficile à dépasser sans la mise au point de machines plus performantes. Pourtant, l’ingénieur explique longuement les nouveaux travaux faits à Cherbourg avec l’aménagement de la plus grande rade artificielle jamais entreprise. La construction des cônes nécessaires à l’établissement de la digue est « une mémorable entreprise », et grâce à un monarque « qui met sa gloire à faire fleurir les arts et à se préparer par leur secours, des moyens d’en imposer à ses rivaux : non pour abuser de la puissance mais pour s’opposer à leurs entreprises et entretenir avec la paix le bonheur de ses peuples25 ».
13Quel bilan peut-on tirer des articles de l’Encyclopédie méthodique sur la question de l’emplacement des ports et de leur entretien ? Il apparaît que les grands travaux d’aménagements l’emportent dans la résolution des problèmes d’accessibilité, plus que les travaux courants d’entretien. Parmi les principales causes de l’encombrement figurent : la forme du lit de la rivière, les marées, l’éboulement des rives, les vents, les herbes, la diminution des eaux, les ravines, les aqueducs des villes, « la chute des corps étrangers comme pierre, bois, qu’on laisse tomber par négligence, ou par maladresse ; et à plus forte raison que celle des corps d’un certain volume, comme des carcasses de navires qui périssent par accident ou qui tombe de vétusté26 ». Même avec une attention très ferme portée à l’éradication de ces regrettables pratiques, il reste que la Nature est plus forte que l’homme et qu’il doit lui céder :
« se contenter de détourner si possible la source de ces fléaux, puisqu’on ne peut la contraindre ; quoiqu’il soit physiquement possible de détruire entièrement les autres, souvent bien des raisons obligeront à les laisser subsister au moins en partie27 ».
14Un siècle plus tôt, aurait-on écrit différemment ? Non plus, car l’accessibilité des ports et la lutte contre leur comblement étaient déjà un des objectifs de la politique de Colbert, laquelle reprenait également celle de Richelieu. Tel Sisyphe, inlassablement, l’entretien des ports renvoie à la question de leur obsolescence et de leur possible déclassement. Pourtant, et Pierre Forfait le souligne, les mauvaises pratiques semblent éradiquées à la veille de la Révolution. Ne resterait-il donc que la Nature à contrarier pour progresser ? Et d’ailleurs, à propos de la construction de la digue de Cherbourg, l’ingénieur se demande « avec quelles armes combat-on la nature28 ? »
La police des ports ou l’entretien par les bonnes pratiques
15La protection des ports et des havres contre les risques naturels et anthropiques se concrétise par une réglementation sur leur entretien depuis l’époque médiévale et synthétisée dans la grande ordonnance de Marine de 1681. Toutefois, les prescriptions de l’ordonnance ne dispensent pas de rechercher la législation locale qui reste applicable là où elle existe. Il serait sans doute utile de recenser tous les textes réglementant l’entretien des ports et des havres en France à l’époque moderne à propos des vases, sables, lests et déversements des boues et égouts. Au niveau local, la perception de droits de lestage et délestage, supprimés par l’édit de 1787, est un bon révélateur des pouvoirs réels des amirautés pour contraindre les fraudeurs et faire appliquer les prescriptions de l’ordonnance de 1681. L’inspection Chardon (1781-1785) dans les amirautés y consacre même dans son inventaire de la fiscalité maritime un item spécifique29.
16La question de l’entretien des ports ne se limite donc pas au seul contrôle de l’État par les officiers des amirautés. Les institutions locales ou provinciales, États, Chambres de commerce ou Villes, ont souvent pris des décisions en prévention des risques d’envasement ou pour préserver les résultats des travaux de curages qui sont très onéreux. Il existe des règlements spécifiques sur les rejets des lests des navires dans tous les ports et sur les lieux de déversement des vases curées30. De même, selon la configuration géographique des littoraux, la nature des problèmes diffère, aussi la collecte des différents textes permettrait de révéler et de comparer des réglementations originales dans le temps et dans l’espace, adapté à l’environnement côtier, maritime (Ponant/Levant), topographique et climatique. Dans l’attente de la mise en forme d’un tel projet, nous pouvons rappeler quelques jalons chronologiques de la législation et présenter les pratiques du délestage dans les ports.
17Le texte de l’ordonnance de marine de 1681 présente au livre iv la réglementation sur la police des ports, des côtes et rades et rivages de la mer. Il est précisé que les ports et les havres seront entretenus dans leur profondeur et netteté. Le texte de l’ordonnance commence par la question des dépôts sauvages de toutes sortes de matériaux, en particulier les immondices, c’est-à-dire les ordures de la ville, et tout ce qui peut tomber des quais et des bateaux. La question du lest n’apparaît que plus loin dans le texte. Il est formellement interdit de jeter des immondices dans les ports. Une peine de 10 livres d’amende est prévue « lorsque quiconque – les valets pour leur maître, les enfants pour leur père et mère – jettera des ordures ou quoi que ce soit dans le port31 ». René Josué Valin dans son Commentaire de l’ordonnance de Marine rappelle que la police des ports et des havres est un « objet extrêmement important32 ». De fait, il existe toute une série de règlements particuliers antérieurs ou postérieurs à l’ordonnance de 1681. Ces règlements particuliers ne sont pas supprimés par l’ordonnance, celle-ci fournit un cadre général qui n’empêche pas des règlements adaptés aux ports. Valin utilise comme toujours l’exemple de La Rochelle, qui a son règlement particulier fait en 1676, et qui stipule qu’il ne doit y avoir aucun tas d’ordures sur les quais pour des raisons de sécurité, il cite aussi le règlement du port de Dunkerque. Cette surveillance est confiée aux maîtres de quai. Certains ports exigent plus de vigilance que d’autres, si les ports de l’Atlantique sont soumis à l’envasement, ceux de la mer du Nord subissent les galets qui encombrent les chenaux d’accès, quant aux ports méditerranéens, ils connaissent des problèmes avec les rejets des particuliers dans les ports et les déjections des rivières dans les baies. À l’article 13, l’on peut lire qu’il est demandé aux maçons et à tous les employés qui s’occupent des réparations des digues et des jetées, des murailles, des havres et des bassins, d’enlever les décombres, « de faire place nette incontinent » lorsque les travaux seront terminés. L’article 12 de l’ordonnance enjoint aussi aux maires, échevins, syndics, jurats, capitouls et consuls des villes dont les égouts ont leur décharge dans les ports et havres, de la faire garnir de grilles de fer. Ce sont les officiers d’amirauté qui doivent faire respecter l’ordonnance. Ils n’ont pas toujours l’inspection des grilles d’égouts comme à Bordeaux où les jurats s’occupent de toute la police du port33. Tous les règlements particuliers sont, en théorie, transmis au Département de la Marine pour être autorisés, ce qui n’exclut pas des règlements postérieurs, soit par les villes, soit par les officiers des amirautés. Il faut rappeler que les exceptions ne le sont que parce que l’autorité royale les a autorisées et que tous les droits de l’amiral sont royaux, ils ne peuvent être possédés légitimement qu’en vertu d’une concession du roi. L’ordonnance prescrit que le maître de quai doit visiter une fois par mois et après chaque tempête « les passages ordinaires des vaisseaux pour reconnaître si les fonds n’ont point changé », il doit ensuite faire un rapport à l’amirauté. Ce qui vaut aussi pour les pilotes lamaneurs. René Valin parle des actes de malveillance de maîtres de bâtiments, étrangers le plus souvent, qui déposent la nuit le lest aux approches de l’entrée du port ou dans le chenal.
18Le problème du délestage des navires est essentiel dans la police des ports, René Valin rappelle qu’il doit être organisé et qu’il y a eu tout au long du xviie siècle une succession de règlements34.
Réglementation | Date |
Le code Michau ou Ordonnance | Janvier 1629 |
Lettres patentes | 9 janvier 1640 |
Règlements du duc de Vendôme | 1er octobre 1660 |
Arrêt du conseil | 24 janvier 1665 |
Arrêt du conseil | 29 mars 1670 |
Ordonnance | 1681 |
Ordonnance | 1689 |
Arrêt du conseil | 29 octobre 1734 |
Arrêt du conseil | 28 mars 1739 |
Ordonnance | 25 mars 1765 |
Tableau 2. – Réglementation sur le lestage et délestage des navires35.
19Le code Michau de 1629 condamne les contrevenants à une peine de confiscation de navires. L’ordonnance de 1681 défend à tous les capitaines de jeter leur lest dans les ports, les canaux, les bassins et rades, à peine de 500 livres d’amende pour la première fois, de saisie et confiscation du bâtiment en cas de récidive. De même, il est défendu aux délesteurs de porter ailleurs que dans les lieux destinés au délestage, « à peine de punitions corporelles ». La répétition des règlements, y compris localement, laisse supposer que la pratique du délestage sauvage a perduré. C’est surtout à partir des années 1670 que l’État décide de réglementer et c’est aussi à cette époque que toutes les concessions faites à des particuliers ou des communautés ont été révoquées précise René Valin. L’arrêt du Conseil du 29 mars 1670 met en exergue que les grands vaisseaux ne peuvent plus entrer dans les ports, cela « au préjudice de Sa Majesté et du commerce général du royaume ». Il réglemente en dix articles la manière de procéder au lestage et délestage des navires, les contrevenants peuvent être condamnés à des peines pécuniaires, voire même corporelles. Par ailleurs, ces affaires sont confiées aux commissaires départis dans les provinces et aux intendants de la Marine dans les ports de guerre. René Valin explique que plusieurs dispositions de ces articles sont demeurées sans effet, car certains ont été révoqués par l’ordonnance de 1681, de même par celle de 1689. La juridiction a d’ailleurs été rendue aux officiers de l’amirauté, à l’exception des ports militaires, où les intendants de la Marine continuent de connaître les affaires de lestage et délestage. Au passage, on relève que l’amiral a été rétabli dans son ancien droit, c’est-à-dire qu’il n’existe plus de « délesteur » avec commission ou provision du roi, comme il était prévu par l’arrêt de 1670, c’est donc l’amiral qui commet les délesteurs de même que les sujets « propres à remplir les autres fonctions relatives à la police des ports et havres ».
20Théoriquement, tous les capitaines ou maîtres de navires doivent déclarer la quantité de lest qu’ils ont à bord en faisant leur rapport aux officiers de l’amirauté, le défaut de déclaration étant passible d’une amende de 20 livres. Ce qui implique un examen de la présence du lest à bord du navire et l’organisation d’une visite pour vérifier si la déclaration est juste et si la quantité de lest est suffisante eu égard à son tonnage. Un maître de navire peut avoir une contravention s’il est suspecté d’avoir jeté frauduleusement une partie de son lest en arrivant. La déclaration, qui doit être faite dans les vingt-quatre heures suivant l’arrivée du navire, accompagne le rapport qui est déposé au greffe de l’amirauté. Sans cette déclaration, il ne peut pas y avoir d’opération de délestage. Ici, apparaît la question des droits ou taxes ; ceux-ci sont plus ou moins forts suivant les difficultés, en fonction du site et des coûts de délestage et lestage. Les variations de tarif s’expliquent aussi en raison de la différence de salaire des ouvriers employés à ces opérations. Ces salaires peuvent être confondus ou non dans les droits prélevés selon les ports. Ajoutons qu’un capitaine est libre de procéder à cette manutention avec son propre équipage ; et si l’ordonnance le précise c’est que cette liberté n’était sans doute pas acquise. Là encore, le service payant d’une main-d’œuvre préposée à ces tâches peut devenir obligatoire, surtout dans les grands ports où la gestion des flux entrants et sortants exige un effort de rationalisation et de rapidité dans toutes ces opérations. L’ordonnance de 1681 montre que si l’on doit mettre le lest à un endroit précis, il est de même interdit de le prendre n’importe où. Les échevins des villes et communautés doivent désigner ces lieux destinés à recevoir le lest de telle façon qu’il ne soit pas emporté par la mer. Des précautions doivent être prises pour embarquer le lest en utilisant une voile placée au bord du navire pour éviter qu’une partie du lest ne tombe dans l’eau. Les opérations de lestage et délestage doivent se faire en public et en plein jour, la question du témoin est fondamentale pour René Valin, car faire le travail « sous les yeux de », c’est la garantie pour contenir celui qui serait « d’humeur de prévariquer ».
21Le délestage sauvage a donc été perçu comme une cause majeure de l’engorgement des ports, rades et chenaux de navigation du royaume. Faut-il vraiment admettre cela comme cause majeure et durable ? Personne n’a semble-t-il jamais estimé les volumes de lest potentiellement rejetables au cours des xviie et xviiie siècles dans les ports français, même grossièrement. L’augmentation du tonnage des navires et de leur tirant d’eau sur deux siècles doit aussi être prise en compte. On remarquera, comme René Valin, que les peines diminuent au fil du temps pour les capitaines au comportement délictueux. Ainsi, entre 1640 et 1660, la première contravention à la réglementation entraînait la condamnation à une amende de 2 000 livres tournois, la seconde engendrait la confiscation du navire, et la troisième, une peine corporelle ; en 1670, l’amende passe à 1 500 livres et, en 1681, à 500 livres. Que disent les archives des amirautés à ce sujet ? Il faudrait là aussi une étude qui synthétise les sentences rendues pas les sièges. Les contraventions en matière de pêche sont toujours les plus importantes, 42 % à La Rochelle entre 1740 et 1753, contre 22 % pour celles des infractions à la police du port ; même remarque dans l’amirauté de Vannes où les infractions au délestage sont tout de même observables, soit une vingtaine de cas, essentiellement durant la première moitié du xviiie siècle36. La législation et la répression, même modérée, n’expliquent sans doute pas tout. Le lest a une valeur marchande, qui peut justement mieux organiser, économiquement s’entend, la gestion de celui-ci dans les ports. Cette donnée nous paraît essentielle et peu mise en avant jusqu’à présent, le réemploi du lest est conditionné par sa qualité. René Valin en donne la liste non exhaustive : la pierre, le sable, le gravier, tous les matériaux bons pour bâtir ou en gravier pour sabler des allées et qu’il appelle le « lest utile au public37 ». Dans les procès-verbaux de l’inspection Chardon (1781-1785), les renseignements recueillis dans les amirautés au sujet du lestage et délestage mentionnent cette utilisation du lest en tant que matériau de construction, ainsi que d’autres usages, avec la chaux, le plâtre et les galets. Dans les années 1780, selon les régions littorales, il existe bel et bien un commerce du lest qu’il ne faut sans doute pas sous-estimer. Ainsi, à Boulogne, en 1782 :
« Aucun navire ne vient sur son lest au port de Boulogne, parce qu’il ne s’y trouve rien à exporter ; tous ceux qui y entrent sont chargés ; et par la même raison obligés de prendre du lest pour s’en retourner. À cet égard les capitaines préviennent le maître de quai, qui leur indique les bancs de sable dans le canal où les voituriers vont prendre ce qu’il faut pour lester. Lorsqu’on embarque le lest, le maître de quai a le soin conformément à l’article 4 du livre 4 titre 4 concernant le lestage et délestage, de faire mettre une voile de navire aux quais. Mais tous les bateaux smoggleurs viennent au port avec leur lest qui est en sacs. Ils le vendent dans un endroit indiqué, et comme ce lest est un gravier, les entrepreneurs des chemins l’enlèvent. Il ne se perçoit aucun droit à ce sujet38. »
22Ou encore à Rouen :
« Les capitaines de bâtiments qui partent à lège prennent pour leur lest à Rouen, soit du plâtre en pierre soit des pierres à meule, à une lieue de Rouen, des futailles remplies de craie en petits pains qui se fabriquent le long de la côte et ils vendent ces denrées comme marchandises dans les différents ports où ils abordent39. »
23La question du lestage des navires soulève deux problèmes : sa nature et son conditionnement, en les reliant à la problématique des cargaisons et du jaugeage40. Les procès-verbaux de l’inspection Chardon ne signalent que très peu d’abus dans les amirautés de Dunkerque à Honfleur, à l’exception de Saint-Valery-en-Caux (en 1783) dont le port est en si mauvais état, que les pêcheurs déposent leurs poissons à Fécamp. Ici, la négligence du maître de quai, un vieil homme âgé de 80 ans, est mentionnée. Et cela, malgré la sentence du 8 août 1772 qui ordonne de faire porter le lest le long de la jetée du port ou sur la chaussée du canal. Une prescription non respectée puisque le lest est porté à « l’endroit où la mer monte, de sorte qu’il rentre dans le port ». Ce lest est de sable, déchargé à la pelle, sans toile à voile entre le bord et le quai, si bien qu’une partie du sable tombe dans le port, et « l’autre y est jetée par les enfants41 ». Ajoutons que « la modicité des émoluments », 150 à 200 livres n’encourage pas les vocations de capitaine de port. Dans un grand port comme Le Havre, l’organisation du lestage et délestage prend une tout autre dimension. Les 24 bateaux lesteurs existants sont d’ailleurs jugés très insuffisants, il en faudrait au moins 40 d’après les officiers de l’amirauté qui estiment que les maîtres lesteurs travaillent à perte et sont dans l’obligation d’entretenir chacun quatre bateaux de 15 à 20 tonneaux. La perception de droits de lestage et délestage ne se fait pas à Dieppe, alors qu’à Dunkerque l’on paie des droits à la sortie et rien à l’entrée. Au Croisic, un droit est perçu par bâtiment pour les frais de délestage et de nettoiement du port, c’est aussi le cas à La Ciotat sur les deux opérations de lestage et délestage. Toutefois, il ne faut pas confondre les frais liés à la manutention du lest qui varient selon les ports et la fiscalité, ou les taxes, qui y sont attachées.
Prix de la manutention | Droits de l’inspecteur | Droits normaux (de l’Amiral) | |
Lestage | 19 sols par tonneau | 2 sols 6 deniers | – |
Délestage | 11 sols par tonneau | 1 sol 3 deniers | – |
Lestage et délestage | – | 8 sols par livre | 6 sols pour livre |
Tableau 3. – Prix de la manutention du lest et droits perçus au Havre en 1783.
24L’on pourrait multiplier les exemples dans chacune des amirautés visitées entre 1781 et 1785 lors de la grande inspection42 faite par le commissaire Daniel Chardon, qui se conclut, entre autres réformes, par la suppression de tous les droits de lestage et délestage dans l’édit de juin 1787, quel que soit le percepteur (amiral, villes) et à celle des offices de lesteurs et délesteurs dans les ports du royaume43. Restent alors, pour assurer la police du port, les capitaines de port et les inspecteurs du lestage et délestage, dont les salaires seront fixés par un tarif uniforme.
Améliorer la résistance à l’usure des machines, inventer et combiner les causes
25Outre la saine gestion du lest dans les ports, le curage régulier des vases par des machines est indispensable. Il est mentionné par Pierre Forfait pour Lorient et Port-Louis, comme étant une « nécessité régulière », à laquelle la Compagnie des Indes avait dû remédier44. À Dieppe et au Tréport qui « ne sont plus praticables aujourd’hui » (donc vers 1787), les travaux effectués avec des écluses de chasse laissent espérer un meilleur accès. À Dieppe, où les galets s’accumulent, Pierre Forfait expose « qu’une seule marée faisait plus de mal que le travail de mille hommes ne produisait de bien ». Le Tréport bénéficie de l’intérêt du duc de Penthièvre, seigneur des lieux et grand amiral de France ; une écluse fonctionne à partir de 1782 donnant des résultats encourageants : 70 chasses ont emporté 2160 toises cubes de galets mêlés de sables et de coquillages depuis longtemps « amalgamés et mastiqués ensemble45 ». Les techniques hydrauliques des écluses de retenues, de chasse, des sas et autres, sont empruntées au génie industrieux des Hollandais, indique Pierre Forfait, procédé qu’il date du commencement du xviie siècle. Toutefois, le nettoyage des bassins et des chenaux par les chasses d’eau ne fonctionne pas toujours car il faut constamment un volume d’eau suffisant, c’est le cas avec le deuxième bassin du port de Honfleur. Ici, les chasses ont peu de prise sur la vase et les sables : « elles ne font que les comprimer au lieu qu’elles enlèvent le sable gros et le galet ».
26La difficulté pour les ports est autant technique que financière. Ainsi, les consuls de La Ciotat46 pétitionnent pour obtenir l’aide de la Marine en 1782, ou encore Cassis demande la machine à creuser du port de Toulon à l’intendant de la Marine en 177247. La Ciotat est un cas particulièrement intéressant, en ce sens qu’il éclaire la question du financement des travaux portuaires, les demandes récurrentes d’aide, l’argumentation mettant en avant l’importance pour la Marine et le commerce du port, bien supérieur en tous points à Cassis, vu comme rival, et dont on déplore l’aide généreuse de la Province :
« Le port de La Ciotat, après celui de Marseille, est le plus considérable de la Provence pour la marine marchande, un bureau des classes, une amirauté, un bureau des fermes du Roy, un grenier à sel, un entrepôt du tabac, tout cela n’est rien, en comparaison des autres avantages dont le Roy et le commerce jouissent. Nous avons une quantité de matelots au service du Roy, 260 bâtiments tant gros que petits, une pêche des plus considérables, un chantier de construction que lequel on a vu douze bâtiments en même temps, objet très intéressant qui mérite votre attention48 […]. »
27La communauté de La Ciotat a ainsi construit à ses frais deux digues qui « défendent son port », dépensé plus de 200 000 livres tournois depuis 1752 pour détourner des torrents qui comblent le port, auxquels s’ajoute la dépense du curage du port « qu’elle suit avec zèle49. » Reste à faire un môle pour marquer un haut-fond rocheux à l’entrée du port et en sécuriser l’accès. La réalisation de ce nouvel aménagement explique les demandes d’aide faites en 1783 et surtout, plus intéressant encore pour notre propos, une demande spécifique au ministre de la Marine pour la réparation de la machine à curer du port, qui offre un bel exemple de déplacement et d’entretien de matériel :
« En l’année 1764, Monsieur de Montaynard, ayant été nommé inspecteur de la côte et port de mer de Provence, accompagné du Chevalier de Fabry, vient en cette ville pour examiner notre port, il en fit lever le plan, et fit sonder partout pour en connaître exactement sa profondeur, à son arrivée à Versailles, il en fit un rapport si juste et si avantageux au ministre de la Marine que le Roy donna ordre dans la même année à Monsieur le commandant de la Marine de Toulon de choisir dans son arsenal le plus beau ponton, ou machine à creuser, et de le faire conduire par deux galères au port de La Ciotat, le tout au frais de Sa Majesté50. »
28La machine est finalement donnée par le roi à la ville de La Ciotat par lettres patentes, à la condition qu’elle l’utilise pour creuser le port. Elle est alors estimée à 40 000 livres tournois. Son emploi est attesté depuis 1765 pour les opérations de curage qui se font avec succès. En 1777, le maire alerte la Marine sur l’usure de la machine, et notamment celle des cuillères, consécutive à douze années de travail. Toulon envoie alors deux cuillères neuves. Toutefois, en 1779, elle est à nouveau défaillante, pire, le ponton a même été tiré à terre « abandonné au soleil et à la pluie ». L’ancien maire déplore son abandon par des « administrateurs indolents ». En deux ans, la suspension du curage-creusage du port lui a fait perdre 18 pouces (48,72 cm) de profondeur dans toute son étendue. Il est demandé au ministre de la Marine d’ordonner la réparation sans délai et de procéder le plus rapidement possible au creusage du port. Précisons que l’ancien maire s’inquiète pour la mise à l’eau de sa frégate de 110 pieds de longueur sur chantier et destinée pour la course. La demande est réitérée en février 1782 par les consuls de La Ciotat, le devis estimatif des pièces (cuillères, cordages, bois) est estimé par Toulon à 2382 livres tournois51.
29Dans son mémoire sur le curage des ports, rivières et canaux, Pierre Forfait indique qu’il est indispensable pour la sûreté de la navigation et pour les progrès du commerce de connaître les moyens sûrs et faciles, peu coûteux, pour les rendre praticables :
« On a bien vu des machines propres à nettoyer le fond des canaux ; mais elles ont été aussitôt oubliées qu’inventées, parce que sans doute elles étaient susceptibles d’inconvénients inévitables : et il paraît qu’on ne s’est jamais donné la peine de traiter d’une manière générale, une partie inutile de la mécanique navale. Peut-être ne doit-on s’en prendre qu’à la nature du problème, qui ne paraît pas trop susceptible d’une solution applicable à un grand nombre de cas : en effet ce qui peut prévenir ou détruire l’engorgement des canaux dépend si immédiatement des causes qui le produisent, et ses causes sont si différentes entre elles, en si grand nombre, et combiné de tant de diverses manières que la méthode qui aura bien réussi dans certains lieux et dans certaines circonstances, sera sans succès et même impraticable dans une infinité d’autres cas52. »
30Avec regret, il constate qu’il est encore très difficile et « même comme impossible, d’assigner des règles générales pour le curage et de faire des machines qui conviennent à tous les cas sans exception53 ». Malgré tout, la recherche du perfectionnement n’est pas irréaliste. Il propose trois modèles de machines à curer, distinguées par leur mode de propulsion : la force humaine, la force du courant et la force animale des bœufs ou des chevaux. L’on retrouve l’idée de la classification des machines, vue précédemment chez Bélidor, mais avec une typologie différente car ce n’est plus le système de curage qui est retenu comme déterminant, ce qui rend compte du plafond technologique atteint et de l’utilisation devenue nécessaire d’une nouvelle énergie. On cherchera en vain dans l’article, une drague à godet mue à la vapeur. Il est vrai que Pierre Forfait n’a pas encore visité en compagnie de Daniel Lescallier les chantiers et docks de Londres (1789)54. Toutefois, il faut attendre le retour de l’ingénieur du Génie maritime Charles Dupin, qui visite les ports d’Angleterre en 1816, et la publication de ses observations pour que la France commence à utiliser la machine à vapeur dans les travaux de curage des ports55. En un quart de siècle, souligne Charles Dupin, tout a changé dans les travaux hydrauliques avec l’usage de la vapeur. Manque chez Pierre Forfait, la mention de l’énergie éolienne ; et l’on songe aux moulins de Rochefort, dont celui construit en 1806 par l’ingénieur Hubert qui sert à draguer la vase. D’autres machines sont aussi décrites par Pierre Forfait, l’une sert à briser les hauts-fonds et les rochers se trouvant au-dessous de l’eau pour aplanir les fonds, l’autre est destinée à saisir des corps submergés pour les enlever.
31En parfait ingénieur, Pierre Forfait donne pour chaque machine une description, un devis estimatif des bois et des fers qui entrent dans leur construction, sans prétendre en donner un modèle. Il veut démontrer, par des calculs « assez exacts », le rapport entre la puissance et la résistance, ainsi que le produit de chacune des machines. Il cherche un point de comparaison pour analyser ses résultats en utilisant une machine existante. Le but étant d’arriver à un effet plus grand que celui des machines en usage qui sont « les meilleures qu’on connaisse ». Ces machines sont actives dans les ports de guerre, à Brest et à Toulon. L’ingénieur a vu fonctionner celle de Brest au quotidien. Des maquettes de ces machines existent, elles figurent sur les inventaires de l’Académie de Marine à Brest, dont celui daté de 1761 mentionnant une « machine à tenaille » et une « machine à cuillers » pour curer le port56. Les registres de l’Académie de marine contiennent aussi un rapport de Pierre Forfait daté du 16 décembre 1784 sur l’invention d’une machine à curer les canaux des frères Eckhardt dont les gazettes hollandaises ont fait écho57 :
« Non seulement, il me paraît qu’on a gratuitement surchargé la machine française de reproches mal fondés [à cuillères, celle en usage à Brest, celle décrite par Bélidor], je crois encore qu’on s’est plus à exagérer aussi gratuitement les avantages de la machine hollandaise [roue à palette]58. »
32L’argumentation du rapport offre quelques éléments intéressants sur le fonctionnement de la machine de Brest, notamment sur la difficulté à observer ce qu’elle produit, parce que les forçats qui la manœuvrent n’ont « pas d’intérêt à faire une grande dépense de force ». Et aussi, parce que la nature du sol et la profondeur à laquelle il faut curer n’ont rien de comparable avec les canaux de Hollande ; à Brest, à marée haute, le fond se situe entre 40 et 50 pieds sous la surface, et « tous les jours en curant le port de Brest, on arrache des carcasses de bateaux ; des morceaux de bois d’un volume considérable59 ». Pierre Forfait conclut son rapport en évoquant son propre mémoire rédigé sur l’entretien des canaux navigables, que l’Académie de Mantoue a fait imprimer en 1777. Le système des machines de Brest et de Toulon reste, à ses yeux, le plus approprié aux grandes profondeurs et le seul qui soit employable dans les ports à marée. Il ajoute que l’on ne doit pas en attendre un effet bien considérable, qu’il faut que ces machines soient simples et solides pour résister aux efforts qu’elles feront dans un service journalier. Il faut donc se contenter d’un produit assez modique, si l’on ne veut pas être obligé de réparer ces machines tous les jours. C’est bien un travail patient qui caractérise l’usage des machines à curer, des mécaniques fragiles pour de minces résultats. Les données quantitatives fournies par les sources ont de fait construit l’image d’une technique peu performante, mais qu’en est-il dans la réalité ? Sans ses moyens dérisoires, les ports de guerre seraient moins praticables, la moindre performance est donc compensée par la permanence de l’effort d’entretien.
33La première machine décrite par Pierre Forfait est celle en usage dans les ports de guerre60, elle est établie sur un ponton, sa structure est connue, elle consiste en une grande roue et une cuillère attachée à un manche très long. Sa description est minutieuse : la roue est actionnée, la cuillère descend jusqu’à ce qu’elle porte sur le fond, on la retire au moyen d’une corde, on tourne ensuite la grande roue en sens contraire et la cuillère se remplit de vases, enfin, on continue de tourner la roue et on fait monter cette cuillère de telle manière qu’on puisse jeter les matières dont elle est chargée dans un bateau. Ces cuillères sont faites de lames de fer, leur fond est mobile, fermé par un loquet à ressort, la vase tombe en fait de son propre poids. Point très intéressant, les calculs précis que donne Pierre Forfait sur l’estimation de la force humaine : c’est-à-dire l’effort produit par le poids des hommes, soit pour neuf hommes, un effort total de 17280 livres :

Tableau 4. – Évaluation du temps de travail, pour un canal profond de 22 pieds61.
34Cette machine n’est pas sans défaut, la cuillère pouvant se bloquer dans la vase ou rencontrer un obstacle, ce qui s’avère extrêmement dangereux pour les hommes présents dans la grande roue, ils seront culbutés les uns sur les autres et ballottés par les oscillations quand l’obstacle cède :
« il n’est pas extraordinaire de voir des blessés, quelquefois même des tués, quand cela arrive : aussi l’on emploie ordinairement à ce travail que des criminels, privés de leur liberté : mais l’humanité souffre toujours en voyant ces malheureux exposés à un danger qu’on pourrait éviter62 ».
35Ce type de machine, utilisé pour curer les rades et les bassins destinés à recevoir des navires ayant un tirant d’eau important, creuse de manière irrégulière le fond, « en sorte que l’on ne peut jamais avoir une surface plane », et qu’il n’y a pas une hauteur d’eau régulière. Néanmoins, ces inconvénients sont atténués par les qualités premières de la machine. Elle est d’un « service facile », elle se transporte en peu de temps partout où elle est nécessaire, on peut l’employer à toutes sortes de profondeur, et sur des fonds quelconques, et enfin, les dimensions des cuillères permettent de rapporter des masses d’un assez gros volume. Le projet de Pierre Forfait est donc de conserver cette machine avec ses avantages tout en lui retirant ses principaux inconvénients.
36La méthode, le protocole et l’expertise, correspondent parfaitement à la culture de l’ingénieur dont la formation se fait de plus en plus savante et qui, rappelons-le dans le cas de Pierre Forfait, est destinée à la construction de navires de guerre. Il oppose d’ailleurs la détermination rigoureuse et l’approximation suffisante pour la pratique. Son projet de nouvelle machine paraît avantageux, celle-ci donne « un produit considérable sans fatiguer les ouvriers » et elle peut servir à toutes sortes de profondeur. Son avantage principal fait que le produit augmente dans un grand rapport à mesure que l’on diminue de hauteur d’eau. Un service aisé, une construction facile, solide et peu chère, voilà qui résume assez bien ce que l’on attend du progrès des arts et des techniques à l’époque moderne : dimensionnement, accroissement du rendement, réduction des coûts. Reste le problème principal, celui de la durée, donc du temps nécessaire pour enlever les dépôts. L’ingénieur confirme, si besoin, que le courant a évidemment bien plus d’effet pour désengorger le lit des rivières que les machines les plus ingénieuses, le courant étant dix fois plus efficace, estime-t-il, que sa machine.
37Les projets et les inventions existent depuis la Renaissance, l’on se souvient que Léonard de Vinci dessine des machines à creuser les canaux qui lui sont nécessaires pour l’aménagement de la plaine du Pô. De même, le Théâtre des machines de Jacques Besson, publié en 1569, donne à voir des machines à double pince qui ne sont pas très différentes de celle présentée par Pierre Forfait dans l’Encyclopédie méthodique Marine deux siècles plus tard. Les projets de machine pour le relèvement des épaves témoignent d’un imaginaire fécond pour des opérations spectaculaires, puisqu’il s’agit de récupérer des canons et de précieuses cargaisons. Dès la fin du xviie siècle, l’Académie royale des Sciences examine des procédés assortis de demande de privilèges exclusifs sur les côtes de France. Brest a aussi ses plongeurs qui officient dans le port, la Marine en entretient dès le xviie siècle. Les plongeurs sont recherchés pour leur capacité à rester sous l’eau et à une certaine profondeur, on leur demande notamment de dégager les ancres et des projets d’équipements spécifiques sont présentés63. Parmi les opérations moins sensationnelles que celles du renflouement de trésors ou de canons, citons quelques exemples de celles qui concernent l’entretien de ports, l’accès aux bassins, aux rades, aux quais et aux chenaux de navigation. En 1752, à Bordeaux, le renflouement du navire l’Invincible, coulé devant le château Trompette, est décidé par les jurats ; l’opération est une réussite ; en 1775, c’est au Pouliguen que l’on relève un navire espagnol ; en 1778, c’est le navire délesteur même de Paimbœuf que l’on renfloue ! D’ailleurs en 1784, le maître du port de Brest est envoyé par le comte d’Hector, commandant du port, à Paimbœuf pour trouver le moyen de nettoyer la rade des navires coulés. Pierre Forfait dans l’article « Plonger » de l’Encyclopédie méthodique considère que le succès des travaux hydrauliques serait moins incertain avec les progrès de la science du plongeur et l’amélioration des procédés mécaniques de plonger64.
38Pour les inventeurs de machines qui espèrent obtenir un privilège d’exploitation, précisément une concession ou un marché pour l’entretien des ports, il devient difficile de présenter un projet sans faire la démonstration, par le calcul, de ses avantages. Cela suppose aussi au préalable une bonne connaissance des problèmes de curage des ports de mer et une étude de marché pour en assurer la viabilité économique. Le rôle d’expertise dévolu à l’Académie royale des Sciences s’est accru au cours du xviiie siècle en France, imposant aux ingénieurs, aux savants, aux amateurs, la preuve par l’expérience et le calcul, la mémoire inventive par l’enregistrement des procédés et des mécanismes65. La marine de guerre procède de la même manière, car c’est au secrétariat d’État de la Marine, au ministre, que l’on demande les autorisations pour construire des prototypes, pour expérimenter, pour faire des tests grandeur nature, une confrontation en vrai, là où cela est possible, là où se trouvent des machines en activité régulière. Le tableau en annexe présente les projets de machines à curer les ports et d’engins de dragages présents dans la série G du fonds Marine des Archives nationales66. Il n’est pas exhaustif, pour une vue d’ensemble, il faut ajouter ce qui a été expertisé par l’Académie royale des sciences et officiellement approuvé :
PORT. Obs. sur un nouveau ponton pour curer les ports de mer, par M. de la Balme | a.d.s. | 1718 |
– Obs. sur une machine pour nettoyer les ports, présentée par M. Dubois | a.d.s. | 1726 |
– Obs. sur une machine à nettoyer les ports de mer & les grands canaux présentée par M. Guyot | a.d.s. | 1733 |
– Obs. sur une machine à nettoyer les ports, présentée par M. Macary | a.d.s. | 1744 |
– Obs. sur une machine à curer les ports & les rivières, présentée par M. Lavier | a.d.s. | 1745 |
– Machine pour nettoyer les ports par M. Gouffé | mac. | t. 2. |
– Machine pour nettoyer les ports | mac. | t. 3. |
– Machine pour curer les ports, par M. Guyot | mac. | t. 6. |
Tableau 5. – Machines ou inventions approuvées par l’Académie, 1718-174567.
39La correspondance portuaire de la Marine de la série B et la série D2 sur les ports permettent de compléter les données issues de la série G, ainsi qu’un dossier de la série 6 JJ sur les engins portuaires et travaux maritimes contenant des dessins de machines à draguer68.
40Le texte qui accompagnait l’exposition sur les inventions dans la Marine aux Archives nationales en 1986 indiquait que la plupart des dessins présentés datent des années 1680-1730 et qu’ensuite il n’y eut que peu de recherche, ce n’est qu’après 1760 que réapparaissent les dessins et les projets dans les fonds d’archives de la Marine, « qui ne font que répéter des projets anciens et apportent peu d’innovations69 ». Si l’on peut souscrire aux deux temps forts de l’inventivité 1680-1720 et 1770-1790, l’on ne peut plus écrire en revanche que ce qui est proposé à la fin du xviiie siècle n’apporte rien de nouveau, car l’on pourrait dire la même chose pour le xviie siècle en se référant aux projets des xve et xvie siècles. Pour ne pas se perdre en conjecture dans le curriculum technique des engins de dragages, il faut dépasser l’approche internaliste, et voir large, à l’échelle de l’Europe et même plus loin encore. Ainsi, l’ingénieur Durocher-Puel rédige un mémoire daté de 1712 sur les différents procédés en France, en Hollande, aux Indes, même en Chine et en Corée pour « faire s’enfuir les bancs de sable, vaze et rocaille avec le courant de la mer, compris la manière de pouvoir miner et escarteler les loupes et bourgeons de rochers qui coupent les câbles… et rompt les ancres sous l’eau70… ». Les connaissances et les projets se diffusent plus rapidement et plus largement, constituant ainsi une sorte de capital technique commun et partagé en Europe, de Venise à Dantzig, de Brest à Cadix, de Londres à Amsterdam, etc. La veille et le transfert technologiques, et surtout les conditions du financement de l’expérimentation, font ensuite la différence.
41Le tableau des projets71 donne des exemples de construction de prototypes et d’expérimentation sur la Seine, à Rochefort, à Toulon, et à Marseille. On relève une plus forte émulation en France à partir des années 1770, plus de projets et plus de besoins aussi, en lien avec la politique maritime et l’état des ports marchands. L’urgence des travaux de déblaiement du port de Marseille fait la publicité de la recherche d’une machine plus performante. En 1783, l’ingénieur Morainville présente dans la lettre qu’il adresse au maréchal de Castries, ministre de la Marine, les résultats de la machine qu’il a inventée « pour rendre le curage et le creusage des ports infiniment plus prompts ». Malgré un contexte difficile, une cabale et des intrigues, Morainville a pu démontrer par des essais les « 4 levées et vidées » en 35 minutes pour un volume d’une toise ½, ce que les pontons en usage ne font qu’en quatre heures. Une autre machine « un défonçoir en espèce de charrue » permet d’attaquer les fonds les plus durs, comme la pierre, et prouve son efficacité en faisant passer de 9 pieds à 14 pieds la hauteur d’eau. Il y a urgence, car des bâtiments s’échouent par 8 à 9 pieds de fond dans une partie du port, là où il y avait autrefois 16 à 17 pieds. Morainville espère que la Chambre de commerce de Marseille lui passera le bail des travaux aux conditions agréées par le ministre de la Marine, conditions très avantageuses pour la Chambre de commerce, et cela dans les plus brefs délais. Il propose également d’établir sa machine à Cherbourg, au Havre, à Dunkerque, « sans aucun intérêt » si le ministre le lui demande72. En 1783, d’autres projets parviennent aux bureaux de Versailles, celui du Sieur Jacquet, horloger à Liège, pour curer des rivières ; celui du Sieur Le Boëdec, expert, proposant une invention « pour rendre praticable un port à peu de frais73 », une « machine tout en fer » pour construire une jetée ne coûtant rien moins que 5 350 000 livres ! Et encore un, en 1786, signé par Louis Viaud et imprimé à Nantes, présentant une machine pour creuser le lit de la rivière.
Conclusion
42La question de l’entretien des ports français à l’époque moderne permet de travailler dans plusieurs directions et ouvre un champ de recherche prometteur qui contribue à renouveler l’historiographie portuaire d’une part éclatée en études de cas au travers de monographies et d’autre part en lissant la dualité prégnante marine de guerre/ marine de commerce qui met en miroir une technologie de pointe coûteuse dans les arsenaux et un attentisme économe des milieux négociants, trop timorés, promouvant un archaïsme confortable. L’État a cependant joué son rôle en légiférant sur la police des ports et le délestage sauvage, en évaluant et conservant la mémoire des projets. La Marine toujours intéressée par la fonctionnalité des ports autres que les siens, détient le capital technique et l’expertise des méthodes de curage. Progressivement, elle acquiert une forme de contrôle sur les travaux projetés et réalisés, aidant, appuyant, relayant les demandes. Un autre aspect doit être pris en considération, tous les ports européens connaissent des difficultés et font l’objet de travaux d’entretien. La France, avec ses 80 ports, n’est pas plus ou moins défavorisée. C’est la régularité des travaux qui est essentielle car l’entretien au coup par coup, dans l’urgence, ne règle pas les problèmes d’engorgement et d’obstruction des chenaux d’entrée, pas même en déplaçant les trafics vers des avant-ports. Cette prise en compte de la temporalité et de la permanence de l’entretien est décisive. Il semble qu’en France, le rapport à l’aménagement conçu pour durer puisse aussi favoriser son abandon, lui-même amplifié par le calcul du coût des travaux que l’on trouve toujours exorbitant. Toute l’époque raisonne avec la maxime « faire plus avec moins » (Bélidor), mettant au point statistiques, normes, codification, et généralisant l’expérience, la mesure et sa mathématisation (Forfait).
43Reste une question que nous n’avons pas évoquée, plus environnementale. Que deviennent les boues et les vases curées dans les ports par des dragues aux mécanismes si compliqués et capricieux ? Un mémoire de Philippe Bertrand74, inspecteur général des Ponts et Chaussées, daté de l’an VII (juillet 1799), évoque l’exhalaison de ces « boues infectes » remuées en plein air et nuisible aux habitants et aux riverains des quais. Il dit avoir été frappé par tous ces inconvénients lors de l’inspection des travaux qu’il a faite à Port-Vendres en 1787. Il propose de remplacer les pontons « qui se trouvent presque tous détruits » par des « sabots-dragues de différentes forces ». L’on apprend aussi que le transport des boues en rade coûte cher, et qu’il lui paraît incohérent de les jeter dans la rade pour les « livrer à la tempête qui en rapporte toujours une partie ». Ces boues peuvent être utiles à l’amélioration des jardins et des champs. Il serait facile de les décharger à Marseille et surtout à Toulon, la dépense de cette manutention supplémentaire à quai serait compensée par la valeur de ce « précieux engrais75 ». Les avis demandés à Brest sur cette invention sont critiques et bien argumentés. Il semble inconcevable de remplacer les gabarres à vase (à clapet) qui vont en rade, par des barques « destinées à trainer suspendu le sabot-drague », le clapage se faisant à six ou sept kilomètres, avec l’obligation de tirer le plus souvent des bords. De plus, on ne trouvera aucune plage à Brest pour établir une cale permettant d’échouer et de décharger à la pelle ces vases. Enfin, compte tenu du climat doux et humide de Brest, les exhalaisons de boues ne sont pas à redouter. Il est jugé préférable de conserver les quatre cure-moles en action l’été et deux seulement en hiver. Personne ne semble donc incommodé à Brest par les odeurs de boues, et pas même ceux qui travaillent sur les machines. La conclusion sur la question de l’insalubrité est identique à Lorient, où l’on met en évidence l’absence de stagnation des eaux et la douceur du climat76. Ici, l’ingénieur, qui manifestement tue le temps, rédige un long mémoire avec dessins et calculs à l’appui de sa démonstration, à défaut de construire des frégates.
44Les inventions de machines n’ont donc pas manqué, d’autant que le domaine de l’hydraulique depuis la Renaissance est devenu une science de l’aménagement du territoire avec la réalisation de grands travaux. Le saut technologique dépend d’un gain de puissance supérieur à ce qui est obtenu par la force humaine ou animale, par l’énergie hydraulique ou éolienne, ce sera l’adoption de la machine à vapeur. La connaissance des phénomènes naturels est aussi une condition majeure de l’aménagement portuaire, autant correcteur que protecteur. La combinaison de tous les moyens laisse tout de même à l’historien quelques raisons de penser que ce que l’homme tente de faire dans l’entretien des ports maritimes à l’époque moderne n’est pas totalement dérisoire, mais exige de la constance.
Annexe
Annexe I. Machine à curer en usage dans les ports du roi
Planche de l’Encyclopédie méthodique marine, Paris, Panckoucke, tome I, 1783, article « Curer un port », p. 651-654.

Annexe II. Projets de machines à curer les ports et les rivières (AN Marine G 110)

Annexe III. Projet de Pierre Raby Desgenets77 écrivain de la Marine, d’une « machine à trois cuillères », 1764 (AN Marine G110)

Notes de bas de page
1 L’entretien des quais et des pontons ne sera pas traité ici, seule la problématique de l’accessibilité des ports, des chenaux, des havres et des bassins est retenue.
2 Bernard Forest de Bélidor (1698 Catalogne-1761 Paris), fils d’un officier français mort en Espagne, nommé correspondant de Saulnon le 13 mai 1722, puis de Pitot le 24 mars 1734, enfin de Pierre Bouguer avant 1748, associé libre surnuméraire le 30 mars 1756, associé libre le 26 octobre 1756.
3 Voir à ce sujet Vérin H., La gloire des ingénieurs. L’intelligence technique du xvie au xviiie siècle, Paris, Albin Michel, 1993 ; Picon A. et Yvon M. L’Ingénieur artiste, dessins anciens de l’École des ponts et chaussées, Paris, Presses de l’ENPC, 1993 ; Picon A., L’invention de l’ingénieur moderne : l’École des ponts et chaussées, 1747-1851, Paris, Presses de l’ENPC, 1993.
4 Bernard Forest de Bélidor est membre de l’Académie de Berlin, il s’intéresse à la mesure des arcs de la terre.
5 Où apparaît pour la première fois le mot « sinusoïde ».
6 L’architecture hydraulique est publié en 2 volumes entre 1737-1739 à Paris chez Jombert ; il existe d’autres éditions enrichies : 4 volumes (1737-1753) ; 5 volumes (1739-1770) ; réédité en 5 volumes chez Barrois et Didot à Paris en 1788-1790 (exemplaire numérisé de la BnF) ; réimprimé avec des additions par Henri Navier en 1819.
7 Bélidor, op. cit., 1790. « Ports des Anciens : Tyr, Carthage, Alexandrie, Athènes, Syracuse, Messine, Rhodes, Tarente, Ostie, Ancône. Ports des Modernes : Naples, Livourne, Gênes, Civitavecchia, Toulon, Marseille, Antibes, Gibraltar, Malte, Cadix, Rochefort, Brest, Cherbourg, Grandville, ceux des côtes d’Angleterre et des Pays-Bas, Carthagène, Porto-Bello, Rio de Janeiro, baie de Chibouctou. » Voir aussi ses maximes portuaires au chapitre v, « Des qualités propres aux ports de mer », p. 73 et suiv.
8 Ibidem, chapitre ix, « Comprenant une description détaillée des machines pour approfondir les ports de mer, principalement de celle qui est employée à Toulon », p. 156 et suiv.
9 Ibid., chapitre ix, p. 158.
10 De nos jours, le gigantisme (200 m de longueur) des dragues aspiratrices (sable et vase) se traduit par la capacité de stockage du navire, soit près ou plus de 40 000 m3.
11 D’après les estimations données par Acerra M. et Zysberg A., L’essor des marines de guerre européennes, 1680-1790, Paris, SEDES, 1997, p. 80-81,
12 Encyclopédie méthodique marine, Paris, Panckoucke, 1783-1787, tome I, p. 645-661 (1783) ; tome III, p. 189-211 (1787).
13 Manœuvre L. et Rieth É., Joseph Vernet 1714-1789, les ports de France, Paris, Anthèse, 1994.
14 Encyclopédie méthodique marine, Paris, Panckoucke, tome III, 1787, p. 197.
15 Hydrographie contenant la théorie et la pratique de toutes les parties de la navigation. Composé par le père Georges Fournier de la Compagnie de Jésus, Paris, chez Michel Soly, ruë sainct Iacques au Phoenix, 1643, « Avantages que la France a par Mer », chap. xxxii, p. 91.
16 Encyclopédie méthodique marine, op. cit., tome III, p. 195.
17 4 millions de livres tournois ont été dépensés. Pontet J., « Le poids de l’Adour dans les finances de Bayonne de la fin du xviie siècle au xviiie siècle », Bayonne, un destin de ville moyenne, actes du congrès du 4e centenaire du détournement de l’Adour qui s’est tenu à Bayonne en 1978, Biarritz, 1990, p. 187-199 ; « Bayonne port moyen à l’époque moderne », dans M. Colin (dir.), Ville et Port (xviiie-xxe siècles), Paris, 1994, p. 25-40.
18 Voir la contribution de Jacques Péret sur l’entrée de la Gironde dans le présent ouvrage.
19 Encyclopédie méthodique marine, op. cit., tome III, p. 196.
20 Voir les contributions de Gilles Bienvenu et Bernard Michon sur le port de Nantes.
21 Un môle est un ouvrage de protection d’un port, le plus souvent un brise-lames, qui peut ne pas être accessible par la terre, ou se trouver au bout d’une jetée. Il est généralement maçonné.
22 Guillerme A., Les temps de l’eau : la cité, l’eau et les techniques, Seyssel, Champ Vallon, 1993.
23 Fournier G., op. cit., 1643, p. 74-83.
24 Voir à ce sujet Llinares S., Marine, propulsion et techniques. L’évolution du système technologique du navire de guerre français au xviiie siècle, vol. 1, chap. ii, « Techniques nouvelles, réussites et blocages », Paris, Libraire de l’Inde, 1993, p. 127-143.
25 Encyclopédie méthodique marine, op. cit., tome III, p. 211. Sur les travaux de Cherbourg, voir les pages 205-211 avec l’historique de ceux-ci (constructions des cônes, mise à l’eau des cônes, remplissage des cônes et construction des digues intermédiaires).
26 Encyclopédie méthodique marine, op. cit., tome I, p. 646.
27 Ibid.
28 Encyclopédie méthodique marine, op. cit., tome III, p. 205.
29 Llinares S., Mer, techniques et modernité. La politique maritime de la France sous Louis XVI : enquête, réforme et modernisation autour de l’inspection Chardon (1781-1785), HDR, université Bretagne Sud, 2011, 2 vol., 208 p. et 210 p., à paraître dans une édition remaniée.
30 Nouveau commentaire sur l’ordonnance de la Marine, du mois d’août 1681, où se trouve la conférence des anciennes ordonnances, des us et coutumes de la mer… avec des explications prises de l’esprit du texte… et des notes historiques et critiques tirées… de divers recueils de manuscrits… dédié à… Mgr le duc de Penthièvre,… par M. René-Josué Valin…, La Rochelle, J. Legier, 2 vol., in-4°, 1760.
31 Nouveau commentaire sur l’ordonnance de la Marine, op. cit., livre IV : « De la police des Ports, Côtes, Rades et Rivages de la mer », titre I : « Des ports et des Havres », Article premier, p. 447.
32 Ibid.
33 Valin précise que de tous les opposants à l’ordonnance, les plus virulents furent les jurats de Bordeaux, ils réclamaient toute la police du port : le droit de lestage et délestage, la vente et l’achat de poissons dans les bateaux et sur les grèves, les corps noyés, les crimes commis sur le port et dépendances, les fonctions du maître des quais, la réception des maîtres charpentiers, l’entretien des tonnes et balises, etc. Un arrêt du Conseil du 7 juillet 1687 leur donne en partie satisfaction, la juridiction de l’amirauté dans le port de Bordeaux est « fort resserrée ».
34 Valin R., op. cit., livre IV, titre IV – « Du lestage et délestage », p. 509.
35 Ibid.
36 Voir à ce sujet, Schnakenbourg C., L’amirauté de France à l’époque de la Monarchie administrative (1669-1792), thèse de doctorat d’État de droit inédite, université Paris II, 1975, 2 vol., 323 p. et 328 p., tome II, p. 67 ; Allain V., Les contraventions concernant la pêche et le délestage dans l’amirauté de Vannes au xviiie siècle, mémoire de master 1 en histoire, sous la dir. de Sylviane Llinares, université Bretagne Sud, Lorient, 2012, 137 p.
37 Valin R., op. cit., livre IV, titre IV – « Du lestage et délestage », p. 518.
38 Llinares S., op. cit., 2011 : AN Marine C4174-176, f° 281 « Droits de lestage et délestage », Boulogne 1782, f° 101-102.
39 AN Marine C4174-176, f° 242, Rouen, 1783.
40 Sur l’histoire du lest, voir l’ouvrage de E. Nantet, Phortia. Le tonnage des navires de commerce en Méditerranée du viiie siècle av. l’ère chrétienne au viie siècle de l’ère chrétienne, Rennes, PUR, 2016, p. 201-205 (lest fixe et lest mobile, choix des matériaux, chargement et déchargement du lest, lavage du lest, délestage, seconde vie du lest : remploi et vente).
41 AN Marine C4174-176, f° 256, Saint-Valery-en-Caux, 1783.
42 Un projet éditorial de l’inspection Chardon est en préparation, pour une publication en 2018.
43 AN Marine A1143, n° 30. « Édit du roi donné à Versailles au mois de juin 1787. Registré par le Parlement le 28 desdits mois & an. »
44 AN Marine D2 28. « Notes sur la construction de la machine ordonné par la Cie pour enlever les vases », 1729 ; et Marine D2 32, « Minute d’un mémoire sur le curage du port », 1811.
45 Environ 16 000 m3 pour une toise cube égale à 216 pieds cube, soit 7,404 m3.
46 AN Marine D2 50, f° 18. « Copie du mémoire des Maire et Consuls de La Ciotat », 17 mars 1779.
47 AN Marine B3602, f° 121.
48 AN Marine D2 50, f° 21-26. Lettre de M. Payan, La Ciotat, 13 avril 1779.
49 AN Marine, D2 50 n° 30-32. Lettre de l’intendant La Tour, Aix, le 15 décembre 1783 et copie de la « Délibération de l’Assemblée générale des communautés des Pays de Provence, 7 et 12 décembre 1783 ».
50 AN Marine, D2 50 f° 21-26. Lettre de M. Payan, La Ciotat, 13 avril 1779.
51 AN Marine, D2 50 f° 28-29. La Ciotat, le 27 février 1782.
52 Encyclopédie méthodique marine, op. cit., tome I, article « Curer un port », p. 646.
53 Ibid.
54 Llinares S., « Les mémoires et les correspondances des marins français voyageurs en Angleterre (1764-1785) », Documents pour l’histoire des techniques, les techniques et la technologie entre la France et la Grande-Bretagne (xviie-xixe siècle), Bret P., Gouzévitch I. et Pérez L. (éd.), n° 19, mai 2010, p. 177-185. Référence électronique : Documents pour l’histoire des techniques, 19 | 2e semestre 2010, mis en ligne le 21 juin 2011 [http://dht.revues. org/1418].
55 Dupin Ch., Mémoires sur la marine et les ponts et chaussées de France et d’Angleterre contenant deux relations de voyages par l’auteur dans les ports d’Angleterre, d’Écosse, d’Irlande, dans les années 1816, 1817 et 1818 ; la description de la jetée de Plymouth, du canal calédonien, etc., Paris, Bachelier, 1818.
56 SHD Vincennes, département Marine, MS 109, pièces 11 et 13. « Inventaire des livres, cartes, plans, journeaux, instrumens, modelles, meubles appartenants à la Marine, qui sont dans la salle de l’Académie », signé par Rochon, Chevalier (Brest, 30 décembre 1766). – Autre, signé par Gilles Hocquart (de Champerny, intendant) et Choquet (9 juin 1761).
57 SHD Vincennes, département Marine, MS 078 – t. III, p. 99-109. « Conjecture sur le mémoire extrait des papiers publics hollandais, concernant une machine propre à curer et creuser les canaux, rivières ou ports, nouvellement inventée par les frères F. et A. Eckhardt et octroyée par les États de Hollande et West-Frises », signé Forfait, Brest, 16 décembre 1784. Sur Antoine George Eckhardt, inventeur et fellow de la Royal Society, on pourra lire l’article de J. Harland, « M. Eckhardt an his Geared Capstan Forgotten Genius », Nautical Research Journal, Spring 2013, vol. 58, Issue 1, p. 19. Le texte relate les essais, en 1772, d’un capestan de son invention sur le HMS Défiance, vaisseau de 64 canons. Le Mémoire sur une machine propre à creuser, et curer les canaux, rivières ou ports, nouvellement inventée par les frères F. & A. Eckhardt, a été publié à Leyden en 1781. Antoine George Eckhardt est connu pour avoir lancé un « Plan de souscription pour le graphomètre universel, nouvel instrument mathématique propre à dessiner toutes sortes d’objets de la manière la plus exacte, et la plus prompte », publié à La Haye en 1777. La plupart des journaux français parlent des inventions d’Antoine George Eckhardt : le Mercure, la Gazette de France, évoquent les épreuves de moulins à eau près de La Haye en 1774, le Journal de physique de l’abbé Rozier en 1778, le graphomètre.
58 Ibid., p. 104.
59 Ibid., p. 108.
60 Voir l’annexe I.
61 Encyclopédie méthodique marine, op. cit., tome I, article « Curer un port », p. 651.
62 Ibid., p. 652.
63 AN Marine, 6 JJ 89, p. 118E, 1715. Voir également le catalogue de l’exposition Sur l’eau, sous l’eau. Imagination et technique dans la Marine (1680-1730), Paris, Archives nationales, 1986 ; et plus particulièrement les pages 17 à 24 sur l’entretien des ports.
64 Encyclopédie méthodique marine, op. cit., tome III, article « Plonger », p. 130.
65 Hilaire-Perez L., L’Invention technique au siècle des Lumières, Paris, Albin Michel, 2000.
66 Llinares S., « Les archives de l’invention de la marine de guerre, réflexion pour une exploitation de la série G (xviie-xixe siècles) », dans M.-S. Corcy, C. Demeulenaere-Douyère et L. Hilaire-Pérez (éd.), Les archives de l’invention : écrits, objets et images de l’activité inventive, des origines à nos jours, actes du colloque international tenu à Paris CNAM-CHAN, 26-27 mai 2003, Toulouse, CNRS/université de Toulouse-Le Mirail, coll. « Méridiennes », série « Histoire et techniques », 2006, p. 363-377.
67 Nouvelles tables des articles contenus dans les volumes de l’Académie royale des Sciences de Paris, depuis 1666 jusqu’en 1770, tome III, 1775, p. 402.
68 AN Marine, 6 JJ 89. Voir également le catalogue de l’exposition Sur l’eau, sous l’eau. Imagination et technique dans la Marine (1680-1730), Paris, Archives nationales, 1986 ; et plus particulièrement les pages 17 à 24 sur l’entretien des ports.
69 Sur l’eau, sous l’eau. Imagination et technique dans la Marine (1680-1730), Paris, Archives nationales, 1986, p. 14.
70 AN Marine, G 110, f° 5-15. Honfleur, 22 juin 1712.
71 Voir les annexes II et III.
72 AN Marine, G 110, f° 76-78. Marseille, le 7 juillet 1783. Réponse proposée à la lettre : « Féliciter M. de Morainville sur la réussite de son expérience et sur le succès de sa machine, si elle est nécessaire à Cherbourg on verra à en faire usage. »
73 AN Marine, D2 58, f° 101. Le 30 octobre 1783, au bourg de Ploneour près Quimper, signé Le Boëdec, expert.
74 Philippe Bertrand (1730-1811), ingénieur et géologue, travaille à la liaison de la Saône au Rhin, nommé inspecteur général des Ponts et Chaussées en 1786 et inspecteur général des Travaux publics pour l’Est et le Sud-Est en l’an II. Il est l’auteur d’un ouvrage intitulé Nouveaux principes de géologie, publié à Paris en 1797.
75 AN Marine, G 110, f° 79-80. Sabot-drague ou nouveau moyen de curer les ports de mer, par Bertrand, Inspecteur-Général des Ponts et Chaussées, Extrait du Journal de Physique, Floréal an VII [avril-mai 1799], Paris, imprimerie Belin.
76 Ibid., f° 80-83. Brest, le 13 Messidor de l’an VII (1er juillet 1799) de la République, une et indivisible, signé Guignace, Lamothe et Geffroy ; f° 88-96, Lorient, le 20 Messidor an VII (8 juillet 1799), signé Lancelin. Pierre-François Lancelin (1768-1808) est l’auteur d’une Introduction à l’analyse des sciences, ou De la génération, des fondements, et des instruments de nos connaissances, publiée à Paris, chez Didot, en deux vol., in-8°, 1801-1803. Lors de l’expédition de Nicolas Baudin (1801-1803), le capitaine Jacques Hamelin a donné son nom à une île se trouvant devant l’actuel petit port de pêche de Lancelin sur la côte sud-ouest de l’Australie.
77 Pierre Raby Des Genets est né vers 1730 et décède en 1766 à Saint-Domingue, assassiné par 2 brigands – il est alors sous-commissaire à la Marine – après vingt ans de service, laissant une veuve avec trois enfants en bas âge. Il est membre adjoint de l’Académie de marine le 31 août 1752. Voir Doneaud Du Plan A., Histoire de l’Académie de marine, Paris, Berger-Levrault, 1878 ; et la notice de P. Henrat mise à jour le 25-10-2015 [http://cths.fr/an/ prosopo.php?id=116838#], consulté le 30-10-2016.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008