Chapitre VI. François Guillaume, dirigeant syndical devenu ministre
p. 163-173
Texte intégral
1L’analyse du clientélisme en Lorraine s’achève par le cas d’un autre député ministre : François Guillaume1. Celui-ci complète la cartographie régionale de la recommandation puisqu’il représente la Meurthe-et-Moselle sous la Ve République. Surtout, il vient clore une étude centrée sur des élus locaux aux fonctions, certes nationales, mais dont les archives n’ont permis de lire la recommandation que sous l’angle de leurs mandats de parlementaire. François Guillaume permet dès lors d’ouvrir la réflexion sous l’angle d’un ministre en exercice et de percevoir les rouages de la recommandation dans les plus hautes sphères de l’État.
François Guillaume et ses archives
2François Guillaume est né le 19 octobre 1932 à Ville-en-Vernois (Meurthe-et-Moselle). Après des études secondaires, il reprend le grand domaine familial et devient agriculteur-exploitant. Il est également une figure du monde agro-alimentaire comme président de la société Saint-Hubert, important groupe laitier, de 1981 à 1990. Sur le plan politique, François Guillaume, proche de Jacques Chirac, est élu député RPR (de la quatrième circonscription de Meurthe-et-Moselle2) pour la première fois en 1993 et conserve son mandat jusqu’en 2002, année où il ne se représente pas. Il est également engagé dans le syndicalisme agricole puisqu’il préside de 1979 à 1986 la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), la puissante confédération qui cogère pratiquement l’agriculture française en lien étroit avec le ministère de l’Agriculture depuis les années 1960. Sa position à la tête de la FNSEA n’est pas étrangère à sa nomination comme ministre de l’Agriculture dans le gouvernement de cohabitation en 1986.
3Le département de la Meurthe-et-Moselle occupe une position centrale au cœur de la Lorraine. D’une forme allongée, remodelée par les guerres franco-allemandes, il compte 711822 habitants en 19903. Comme la Moselle, la Meurthe-et-Moselle a été marquée économiquement par son développement industriel au second xixe siècle en lien avec l’extraction minière de son riche sous-sol (fer, sel et calcaire). À partir des années 1970 toutefois les friches remplacent progressivement les usines, obligeant le département à reconfigurer partiellement son économie. L’agglomération de Nancy écrase de son poids démographique et économique le département, puisqu’elle regroupe plus de 46 % de la population totale du département4. Si la Meurthe-et-Moselle constitue le département lorrain où l’activité agricole est la moins importante, l’agriculture reste dynamique dans certains cantons.

57. – Carte du département de Meurthe-et-Moselle.
4Sur le plan politique, ce département est celui qui, en Lorraine, au début des années 1980, penche le plus à gauche. Si jusqu’aux années 1970 le PCF y conserve de puissants bastions (au point que le président du conseil général est un communiste jusqu’en 1982), le parti socialiste le double ensuite en attirant à lui le vote des employés et petits fonctionnaires. Les habitants de la partie nord du département (le Pays-Haut des mineurs et des ouvriers de la sidérurgie) choisissent le plus souvent leurs représentants parmi les partis de gauche. L’agglomération de Nancy est plus partagée politiquement, la ville ayant une solide tradition « modérée ». Même si le sud du département glisse de plus en plus vers la gauche à l’époque qui nous intéresse, la quatrième circonscription (celle de François Guillaume), marquée par l’influence persistante de l’Église et d’une population ici plus rurale qu’ailleurs, continue de voter à droite.
5François Guillaume a déposé ses papiers aux Archives départementales de la Meurthe-et-Moselle et en a autorisé la consultation. Il s’agit des papiers de son action au ministère de l’Agriculture. Une partie de ceux-ci apparaissent dans l’inventaire sous le classement « interventions parlementaires » et concernent la période 1986-1988. Une autre partie est indiquée sous l’entrée : « Correspondance active et passive (demandes d’emploi, interventions pour mutations…) » et porte sur les années 1986-1988 également5. Ces deux corpus ont été regroupés pour faciliter la lecture des résultats6.
6Au sein de notre étude sur la recommandation politique en Lorraine, l’exemple de François Guillaume constitue le seul exemple où il est possible d’étudier la recommandation au travers d’un ministre en exercice. Son cas est donc passionnant et original, même si le nombre de recommandations reçues et/ou envoyées reste réduit (253 demandes).
Un ministre « solliciteur » et « sollicité »
7Comme tous les autres élus lorrains déjà abordés, François Guillaume reçoit lui aussi des sollicitations qu’il traite et fait remonter selon différents circuits. Au total, 253 demandes adressées au ministre ont été identifiées pour les années 1986-1988. C’est très peu au regard des corpus déjà étudiés, et il est donc fort probable qu’un tri ait été réalisé dans ses archives même s’il n’occupe pas, à ce moment, de mandats politiques locaux.
8Le ministre Meurthe-et-Mosellan rejoint ses confrères dans le profil des demandeurs, puisqu’il s’agit à 75 % de demandes adressées par des hommes et dans 23,5 % par des femmes. Au sein du groupe des femmes, près de 7 % sont le fait de jeunes femmes célibataires, un profil qui n’était que peu présent jusqu’aux années 1980. Les transformations socio-culturelles de fond qui affectent la société française depuis les années 1960 n’épargnent donc pas cette circonscription lorraine rurale. Sur le plan géographique aussi les changements sont notables, la provenance des recommandations se modifie, celle-ci semble désormais moins locale. Il est vrai que c’est probablement le ministre de l’Agriculture qui est ici sollicité.

58. – Carte de la répartition géographique des demandes reçues par François Guillaume (1986-1988).
9Près de 70 % de l’échantillon est géographiquement localisable. Les archives provenant du ministère de l’Agriculture, Paris est logiquement le premier pôle d’émission des demandes. Puis vient son département d’origine, la Meurthe-et-Moselle. Ces deux départements réunissent 48 % des sollicitations. D’autres régions apparaissent, toutes marquées par l’importance de l’activité agricole : terres céréalières du Bassin Parisien et du Nord de la France, terres d’élevage et de maraichage de la Bretagne, terres d’agriculture de montagne des Pyrénées et de l’Auvergne, etc.
10Seules deux demandes proviennent de l’étranger (USA et Belgique). Même si la provenance géographique n’est pas totalement connue, certaines tendances se dégagent. Des régions sont absentes : notamment une bande qui s’étend des Ardennes jusqu’à l’Allier, mais aussi les départements frontaliers du territoire à l’Est (Alsace, Savoie, Alpes maritimes, etc.). A contrario, le département champion de la recommandation après Paris et la Meurthe-et-Moselle est celui du Rhône avec près d’un tiers des demandes, puis les Vosges (14 demandes), la Drôme (neuf demandes), et la Réunion (sept demandes). Il n’est pas possible d’expliquer la surreprésentation du Rhône. Toutefois, les liens avec Philippe Seguin et Michel Debré peuvent expliquer ceux avec les Vosges et la Réunion. Constat étonnant, la Lorraine n’est finalement que peu représentée. Aucune demande ne provient de la Moselle ou de la Meuse, pourtant frontalières. L’effet de proximité lié à l’élu local ne joue pas encore.
11Le profil socio-professionnel de ces demandeurs (connu dans 63 % des cas) rejoint les hypothèses présentées plus haut et liées aux fonctions de ministre de l’Agriculture de François Guillaume. Le premier groupe, 42 % des cas, est constitué par les agriculteurs, auxquels on peut ajouter (pour 9 % des cas) les ingénieurs agricoles. 9 % sont des demandes émanant d’élus (Louis Jacquinot pour la période 1965-1974 réalise 8 % de demandes en leurs faveurs). 9 % également sont issus des professions libérales (notamment des vétérinaires), mais aussi 7,5 % par des hauts fonctionnaires et des assistants et/ou attachés parlementaires.
12Fait-on dès lors appel au ministre de l’Agriculture pour obtenir des faveurs en lien avec ce sujet ou bien les motifs des requêtes sont-ils plus variés ?

93 sujets sont connus sur les 102 courriers.
59. – Tableau des cinq demandes les plus récurrentes (1986-1988).
13L’emploi réunit près d’une demande sur deux. Le profil des demandes rejoint celui des autres élus. Il existe cependant une différence notable liée à l’importance des demandes de décorations. Cette singularité s’éclaire à la vue des décorations sollicitées : 70 % des courriers concernent l’obtention du Mérite agricole, tandis que 20 % portent sur l’Ordre national du mérite et 10 % seulement les décorations militaires. Il n’y a aucune demande de Légion d’honneur quand elle était en tête chez tous les autres élus.
14En troisième position arrivent les affaires militaires (11 % des courriers), en lien indirect avec la fonction du ministre, puisqu’il s’agit dans la plupart des cas de demandes de libérations anticipées ou d’affectations rapprochées sollicitées par des agriculteurs désireux d’obtenir une permission agricole pour participer aux travaux des champs dans l’exploitation familiale (un type de sollicitations également fréquent chez Louis Jacquinot).
Un système de suivi des recommandations
15Le fonds François Guillaume est original à un autre titre : c’est la première fois qu’il est possible de trouver des tableaux récapitulant les demandes réalisées par celui-ci auprès du ministère de la Défense uniquement. Ces tableaux quantifient ces courriers et surtout les suites données à ces demandes.
16Le premier est un tableau récapitulant les démarches réalisées pour l’année 1986, et qui s’intitule : « Interventions de notre administration auprès du ministre de la Défense en 1986 ».

60. – Tableau des interventions du ministère de l’Agriculture auprès du ministre de la Défense (1986).
17Ce premier tableau indique que ces démarches connaissent autant de réussites que d’échecs. Ces résultats permettent de confirmer la tendance amorcée avec Louis Jacquinot et Pierre Messmer. Cependant, si on ajoute aux réponses positives celles des réponses « négatives mais avec affectations rapprochées », c’est-à-dire un refus d’exemption du service militaire tempéré par une affectation de proximité, le pourcentage de réussite atteint dès lors les 57 %.
18Ce premier tableau est ensuite suivi d’un second (page suivante), plus détaillé, depuis avril 1986 et jusqu’à la fin de l’année probablement.
19La répartition des demandes militaires s’établit ainsi : 40 % des demandes concernent des affectations rapprochées et 46 % des libérations anticipées. À elles seules, ces sollicitations occupent plus des trois quarts des courriers que François Guillaume adresse au ministère de la Défense. Ce tableau montre encore le caractère équilibré des résultats obtenus avec 20 % de réussites et 23 % d’échecs.

61. – Tableau détaillé des types de demandes concernant les affaires militaires (1986).
20Les raisons expliquant la création de ces tableaux ne sont pas connues. Peut-être s’agit-il des effets d’une note reçue en 1986. Une lettre du ministère de la Défense, retrouvée dans le fonds d’archives François Guillaume7, indique en effet que les interventions à caractère militaires sont nombreuses, voire trop importantes, au goût du ministre de la Défense. Cette lettre rappelle également les délais à respecter par les autres ministères dans ce type de démarches :
« Ministère de la Défense
16 décembre 1986,
Note
À l’attention de Mesdames et Messieurs les Chefs de cabinet des Ministres et des Secrétaires d’État
Votre cabinet nous saisit de nombreuses interventions relatives au service national et notamment de demandes d’affectations préférentielles, de reports et de dispenses.
Le traitement de ces interventions pour l’incorporation de décembre s’est révélé très difficile en raison des délais tardifs dans lesquels vous nous avez saisis.
Je souhaite appeler à nouveau votre attention sur la nécessité de nous signaler les cas auxquels vous vous intéressez 45 jours avant [souligné en gris] l’incorporation.
Je vous remercie de bien vouloir veiller au strict respect de cette règle qui nous permettra de vous répondre dans de meilleures conditions.
Pierre Mirabeau »
21Ce document ne demande pas aux parlementaires de réduire ce type de demandes mais de les effectuer dans le délai imparti.
22À qui s’adresse dès lors François Guillaume, ministre de l’Agriculture, pour traiter ces demandes ? Sans surprise, le parcours de ses recommandations correspond à celui des autres élus, et en particulier de ceux de son parti politique. Les ministères arrivent en tête (les deux tiers des courriers leur sont adressés). Le ministère que sollicite le plus François Guillaume (27 % des cas) est celui des Affaires sociales et de l’Emploi, poste occupé alors par le député gaulliste vosgien Philippe Seguin. Cela explique la surreprésentation de ce département. Puis vient le ministère de l’Éducation nationale (25,6 %), de la Culture (13 %), de l’Intérieur (10 %) et enfin des Affaires étrangères (4,3 %) dans une moindre mesure.
23Certaines administrations sont aussi sollicitées, comme les conseils de Région (11 %). Les préfets (3,77 %) ne reçoivent que peu de demandes.
24Le tiers restant est constitué de demandes transmises par des élus : députés (52 %), sénateurs (37 %), et maires et/ou adjoints (11 %), avec notamment plusieurs demandes adressées à Alain Juppé ou Jean Tibéri, tous deux adjoints au maire de Paris. Le poids de Michel Debré (près de 40 % des demandes des députés) doit être signalé parmi les parlementaires (il lui apporte aussi plusieurs courriers en provenance de La Réunion). Les autres intermédiaires sont des hauts fonctionnaires ou des figures politiques comme le président du groupe RPR à l’Assemblée, Roger Romani (2,7 % des cas), ou le président de l’Assemblée nationale, Jacques Chaban-Delmas (2,7 %). La communication des demandes au sommet de l’État ne se fait donc finalement que de deux manières : par les ministres ou les élus.
25L’issue de ces demandes peut être connue précisément pour les affaires militaires : le taux d’échec comme de succès est presque équivalent. Le ministre François Guillaume ne semble pas particulièrement plus performant dans ce registre. Mais quels sont les résultats obtenus sur la totalité du corpus par le ministre ? Seuls 10 % des résultats des recommandations sont connus, cependant, le constat est sans appel : 62,5 % des demandeurs obtiennent une réponse négative du cabinet de François Guillaume, soit seulement un tiers de solliciteurs satisfaits. L’appui du ministre semble en réalité peu efficace, la démarche paraît parfois réalisée pour le principe, d’autant que l’enjeu de la réélection locale n’existe pas.
Les mots du « solliciteur »
26Le vocabulaire des demandeurs reste le même : les termes « bienveillance », « gratitude », « sollicitude », « aide », sont toujours récurrents. Les demandeurs s’adressent au ministre de l’Agriculture pour trouver une solution à leur situation, estimant que ce dernier pourra résoudre par son envergure politique nationale des problèmes que d’autres n’ont pu régler. Parmi ces solliciteurs, citons cet habitant de Corse qui demande une médaille agricole. « Petit-fils et fils d’agriculteur, dévoué pour l’agriculture française, c’est le militant qui écrit à son ancien président, fier que celui-ci soit enfin devenu ministre, car à travers lui c’est un peu nous tous qui siégeons8 ! » La médaille est demandée en « récompense d’efforts » et avec la « fierté d’être reconnu par le seul ministre de l’Agriculture qui était un des nôtres ». Le rappel des origines professionnelles de François Guillaume est fréquent, sans doute pour créer un lien de solidarité.
27Les relations plus ou moins ténues avec l’élu sont toujours mises en avant : ils sont électeurs, amis, fidèles, etc. Telle cette jeune femme originaire de Tomblaine en Meurthe-et-Moselle et désirant un emploi : « Vous avez bien connu ma grand-mère […] elle vous appréciait beaucoup ! […] depuis toujours ma grand-mère, mes parents ont soutenu la droite et moi-même depuis ma majorité… vous pouvez compter sur nous, ma famille et moi voterons pour la droite9. »
28Si les compliments, la flatterie et le rappel de souvenirs plus ou moins communs peuvent faire sourire, certaines lettres exposent des situations désespérées et touchantes :
« Je fais encore appel à vous car je me trouve dans une situation qui devient insupportable qui dure depuis un an, vous m’avez dit d’avoir beaucoup de courage mais je perds tout espoir de me sortir de ma situation, j’ai les nerfs qui lâchent et je comprends qu’il y a tant de gens qui se suicident, on arrive à ne plus espérer de la vie. […] Vous êtes mon dernier espoir, j’en ai “marre” de me battre, j’aurais tué quelqu’un je ne serai pas plus harcelée […]. Je ne sais plus où me diriger, il faut que je sorte de ce cauchemar où je vais devenir folle, quand une chose vous persécute le jour et la nuit un jour elle vous détruit10. »
29Dans ce courrier, cette femme originaire de Toul et qui rencontre des difficultés financières, demande au député de ne pas mentionner dans sa réponse le passage d’un huissier car son époux ne le sait pas…
30Mais, comme pour d’autres élus, les critiques et l’amertume ont aussi leur place dans ces lettres de sollicitation : « Nous nous permettons aujourd’hui de revenir vers vous, tant il est vrai que votre intervention ne semble pas avoir ébranlé cette administration11. » Ou encore : « Un “pecor” ne sert pas uniquement à produire du lait et des céréales en dévorant des subventions […]. Votre rôle de responsable consiste-t-il à essayer de ramener le niveau de l’agriculture de la France à celui lamentable de l’Allemagne, du Japon, des USA12 ? » D’autres sont plus nuancés mais conscients que ce type de démarche peut s’avérer infructueuse, voire inutile. « Il ne demande pas un appui important, mais souhaiterait que la candidature de son frère ne reste pas “sous un coude”13. »
31Comment s’expriment les ministres ou les autres élus lorsqu’ils s’adressent à François Guillaume pour solliciter des faveurs ? Les arguments restent les mêmes. Ce sont toujours des démarches effectuées pour des protégés, des proches, voire des amis personnels. Dans une lettre provenant du ministère des Affaires sociales, Philippe Seguin note : « Cette personne est une amie et bienfaitrice de la communauté14. » Il existe d’ailleurs tout un dossier de demandes adressées par celui-ci entre 1986 et 1988, demandes auxquelles il : « Attache une grande importance15. » Le Premier ministre Jacques Chirac sollicite le soutien du ministre pour une personne que « Mme Chirac connaît de longue date16 ». S’agissant d’Antoine Pinay, alors député européen, le père de la personne pour laquelle il demande la médaille du Mérite agricole est un « ami personnel du président17 ».
32La retombée électorale que pourrait apporter une intervention est parfois clairement mise en avant par ces ministres qui sont aussi des élus locaux. Le ministre des Relations avec le Parlement, André Rossinot, utilise ainsi cet argument auprès de François Guillaume : « Il faut être gentil avec C. […] à chaque élection […] il bataille contre les communistes18. » Le ministre des Affaires étrangères Jean-Bernard Raimond y a également recours : « sa nomination serait, sans nul doute, très bien accueillie dans le département19 », ou encore pour le maire de Paris, Jacques Chirac : « Les trois mérites agricoles que vous avez bien voulu m’accorder ont fait merveille dans la commune de Mauriac qui n’en avait pas vu depuis 5 ans20. »
33Dans leurs demandes d’interventions, ces ministres restent des élus locaux comme le confirme cette formule tirée d’une lettre du cabinet de Jean Arthuis, sénateur de la Mayenne et secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires sociales et de l’Emploi (le 20 mars 1986 dans le second gouvernement Chirac) : « les intéressés qui sont originaires de la Mayenne, département dont Monsieur Arthuis est l’élu21 » ou encore celle émanant du cabinet de René Monoury, sénateur de la Vienne et président du conseil général, ministre de l’Éducation nationale, et qui porte sur une extension de terrain : « L’intérêt que porte le ministre à toute extension d’entreprise dans la région Poitou-Charentes22. » La nécessité de la réussite est parfois clairement indiquée. Confronté à un conflit entre les producteurs laitiers et la société Onilait, le ministre Philippe Séguin fait intervenir son cabinet qui contacte celui de François Guillaume, il commence par noter que « ce conflit suscite une vive émotion dans le département de Philippe Seguin23 » avant de demander au ministre de l’Agriculture qu’il fasse en sorte d’accélérer la tenue d’une réunion de conciliation.
*
34Avec l’exemple de François Guillaume apparaît le « système Guillaume, ministre de l’Agriculture » et non pas encore député comme pour les autres cas de ce recueil. L’intéressé est selon les circonstances « réceptionneur » de demandes, intermédiaire de celles-ci, mais aussi intercesseur. Le profil de François Guillaume rejoint cependant ceux des autres élus lorrains : poids des hommes dans ces demandes, priorité à l’emploi dans les objets, usage d’un vocabulaire commun. Il diffère cependant sur certains points : l’absence d’une partie de la Lorraine dans ces demandes, la place des demandes de décorations dans ces courriers, mais aussi l’absence de demandes de Légion d’honneur. Le traitement de la recommandation a pu être observé jusqu’aux plus hauts échelons de l’appareil politico-administratif français. Il démontre également un flux constant de recommandations entre les différents ministères.
Notes de bas de page
1 [http://www.assemblee-nationale.fr/11/tribun/fiches_id/1582.asp], consulté en octobre 2016.
2 Composée des cantons de : Baccarat, Badonviller, Bayon, Blâmont, Cirey-sur-Vezouze, Gerbéviller, Lunéville-Nord, Lunéville-Sud et Saint-Nicolas-de-Port.
3 Jean-Claude Bonnefont (dir.), Meurthe-et-Moselle, Paris, Éditions Bonneton, 1996, p. 245.
4 Ibid., p. 248.
5 Ce fond n’est pas classé, un inventaire existe, mais les cartons sont encore en l’état et il est difficile de localiser les recommandations au milieu de quantité de dossiers.
6 D’autres fonds d’hommes politiques sont disponibles pour ce département, notamment celui de Michel Dinet (PS), député de Meurthe-et-Moselle (1988-1993) et président du conseil général. Un fonds entré par voie extraordinaire en 2014, suite au décès accidentel de celui-ci. Mais, pour le moment, ce fonds est non communicable. Il est possible qu’il existe une partie consacrée aux recommandations, toutefois, sa taille réduite indique que la quantité de courriers, si elle existe, n’est que peu conséquente. Le fonds Jean-Yves Le Déaut (148 J), premier adjoint au maire de Pont-à-Mousson (1989-1995), conseiller général de Nancy-Nord (1998-2004) mais aussi député de la sixième circonscription de Meurthe-et-Moselle (PS) ne contient, quant à lui, pas de recommandation.
7 ADMM, 55 J 24, lettre du ministère de la Défense, 16 décembre 1986.
8 ADMM, 55 J 242, lettre du 9 juin 1987.
9 ADMM, 55 J 242, lettre du 25 avril 1988.
10 ADMM, 55 J 242, lettre du 6 avril 1988.
11 ADMM, 55 J 243, lettre du 20 mars 1987.
12 ADMM, 55 J 243, lettre du 2 mars 1987.
13 ADMM, 55 J 38, sans date.
14 ADMM, 55 J 244, lettre du 8 septembre 1987.
15 ADMM, 55 J 243, lettre du 4 mai 1987.
16 ADMM, 55 J 242, lettre du 2 décembre 1986.
17 ADMM, 55 J 247, lettre du 28 août 1987.
18 ADMM, 55 J 241, lettre du 9 septembre 1986.
19 ADMM, 55 J 242, lettre du 6 juillet 1987.
20 ADMM, 55 J 242, lettre du chef de cabinet de la mairie de Paris, 15 avril 1987.
21 ADMM, 55 J 243, lettre du directeur de cabinet, 4 juin 1986.
22 ADMM, 55 J 242, lettre 16 mars 1988.
23 ADMM, 55 J 242, lettre du 8 décembre 1986.
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