Introduction. La désinstitutionnalisation psychiatrique dans l’espace francophone
Une histoire à écrire
p. 7-20
Texte intégral
1Dans l’histoire de la psychiatrie, le milieu du xxe siècle a représenté, pour une grande partie du monde occidental, une apparente révolution. À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, le modèle asilaire, qui s’était imposé au cours du xixe siècle autour de l’idée que l’extraction du malade de son milieu social et son internement s’avéraient indispensables à son traitement, fut remis en question. Ce n’était certes pas la première fois que l’asile faisait l’objet de critiques ou de mises en cause1. Mais alors que nombre d’entre elles émanaient de la marge, c’était désormais au cœur même de la profession que la pertinence de l’inscription de l’institution asilaire au fondement des politiques nationales de santé faisait débat. L’hôpital psychiatrique, ainsi qu’on l’appela en France à partir de 1937, avait montré ses limites : conçu comme une machine à guérir et à corriger la part folle de l’humanité, il semblait incapable de tenir ses promesses ; pensé comme un espace de soin, il ne parvenait pas à s’affranchir de l’image négative qui le réduisait, aux yeux de nombre de contemporains, à n’être qu’un lieu de détention pour ces « fous » dont la société ne voulait plus. L’institution a certes pu servir d’asile – au sens noble du terme – pour quelques-uns. Mais les témoignages d’anciens malades2 ou les récits de journalistes infiltrés3 rappelaient régulièrement à l’opinion publique et aux gouvernants l’existence de conditions d’accueil souvent indignes.
2Si l’âge d’or du modèle asilaire semble bien achevé dès le début du xxe siècle4, ce n’est qu’au cours des années 1950-1960 qu’un à un les pays occidentaux s’engagèrent – avec des rythmes et des conceptions variés – dans ce que l’on a appelé la désinstitutionnalisation, c’est-à-dire dans un processus politique, médical et administratif visant la sortie des malades des hôpitaux psychiatriques au profit d’une nouvelle prise en charge de la maladie mentale fondée sur les ressources communautaires et les services ambulatoires. Ce projet de réforme a pris un visage très différent selon les pays. En Grande-Bretagne, dans le sillage des textes législatifs de 1962 et 1963, 76 000 lits ont été supprimés dans les hôpitaux à vocation psychiatrique entre le milieu des années 1950 et le début des années 19805, tandis que 112 des 126 hôpitaux psychiatriques ont été fermés en deux décennies6. En Italie en vertu d’une loi adoptée en 1978 (loi 180) interdisant de nouvelles admissions dans ce type de structures, les deux tiers des lits de soins y ont été supprimés en un temps relativement bref7 avant que l’ensemble des asiles ne soit désaffecté en l’espace d’une quinzaine d’années8. Aux États-Unis, le Community Mental Health Act de 1963 a permis le transfert de la prise en charge d’une partie des traitements des hôpitaux psychiatriques vers des Community Mental Health Centers créés sur l’ensemble du territoire9. Il popularisa également le vocable deinstitutionalization qui fut ensuite traduit directement dans les pays francophones10. Ces derniers ne furent d’ailleurs pas exclus de ce mouvement occidental. En France, la politique de secteur, esquissée par la circulaire du 15 mars 1960, confirmée par décrets dans les années 1970 et tout récemment inscrite dans la loi de janvier 2016, a été contemporaine d’une réduction progressive du nombre de lits d’hôpital dédiés au soin psychiatrique : ceux-ci sont passés de 120 000 à 55 000 en cinquante ans11, tandis que la durée d’hospitalisation a été réduite de 200 à 30 jours en moyenne12. Le système français est cependant resté longtemps centré sur l’hôpital, que les réformateurs de l’après-guerre souhaitaient transformer et non supprimer. Au Canada, les situations furent variables selon les provinces. En Ontario, entre 1961 et 1987, les hôpitaux psychiatriques provinciaux, qui dispensent des soins aux malades chroniques, virent leur nombre de lits diminuer des deux-tiers (de 14158 à 4831), une baisse non compensée par la hausse du nombre de lits psychiatriques dans les hôpitaux généraux (de 431 à 2201). Au Québec, suite à la réforme de la politique de santé mentale de 1962, le nombre de lits dans les hôpitaux psychiatriques passa de 20 000 (en 1962) à 12 000 (en 1980)13. Le dernier plan de santé mentale de la province canadienne ne parle jamais d’hôpital et est prioritairement orienté vers l’empowerment et le rétablissement des patients ainsi que la formation de pairs-aidants et la prise en charge collaborative14. Mais au-delà de ces chiffres édifiants et des annonces politiques successives, l’histoire de ce que fut la désinstitutionnalisation psychiatrique et la réalité de ce qu’elle est aujourd’hui, reste encore mal connue.
3Car dans les faits, l’asile est-il bien mort dans les années 1960 ? Imaginons le retour du Huron, l’ingénu de Voltaire, à qui l’on tenterait d’expliquer à quel point notre manière de prendre soin des fous a été profondément transformée dans le dernier demi-siècle. Partout la priorité est à la désinstitutionnalisation donc. Le Huron tend l’oreille, car ce mot n’a d’équivalent ni dans sa langue maternelle, ni dans la nôtre d’ailleurs. L’anglicisme désigne la prise en charge communautaire et extra-hospitalière de la folie. Pour mieux lui expliquer la chose, nous tentons un néologisme francophone : l’asile est une réalité historique progressivement effacée par un processus de déshospitalisation. L’image est plus claire puisqu’elle fait appel à une disparition concrète, celle de l’hôpital comme pivot de l’institution psychiatrique. En passant, le Huron nous signale qu’il est bien étrange de définir cette histoire uniquement par des termes négatifs, comme si la nouvelle manière de soigner les fous ne pouvait s’inscrire qu’en miroir d’une histoire ancienne qu’il fallait effacer, ou bien ne pouvait naître que sur les décombres des outils qui en avaient constitué le socle. Le Huron perd définitivement son latin en admirant, au cours de ses pérégrinations, quelques hôpitaux psychiatriques flambants neufs, en constatant que l’unité de compte primordiale de la psychiatrie reste le lit d’hôpital15 ou en lisant des statistiques étonnantes de files actives démontrant que l’institution prend en charge une part toujours croissante de la population et qu’elle s’intéresse désormais à toutes les catégories d’âge et aux comportements les plus divers. Durant son séjour, cet ingénu, déjà bien déboussolé, entend à ce sujet les discours les plus contradictoires. Les uns évoquent devant lui le grand « externement » des fous : ceux-ci sont aujourd’hui dans la rue après que l’asile ait définitivement perdu sa fonction d’origine16. D’autres dénoncent au contraire la multiplication des hospitalisations forcées et le retour des chambres d’isolement17. D’autres encore lui parlent du transfert des patients dans de nouvelles institutions à vocation médico-sociale et la création de nouvelles unités en milieu carcéral18. Se pourrait-il que la désinstitutionnalisation cache en fait un nouveau déplacement des sujets dans l’espace social comme l’histoire en a tant connu, une forme de « transinstitutionnalisation » dont l’évocation achève de perturber l’ingénu ? La rencontre avec un administrateur d’hôpital lui aura finalement donné le tournis. Le voici qui brosse avec enthousiasme une nouvelle représentation de la réalité : l’heure est aux soins à domicile, aux équipes mobiles, à la réduction des formes de l’hospitalisation complète et bientôt aux consultations à distance par voie numérique19. La déshospitalisation, c’est maintenant. Pourtant, un historien érudit et de nombreux soignants lui avaient affirmé que cette évolution était un acquis du passé, une histoire amorcée simultanément des deux côtés de l’Atlantique dans les années 1960. De ce voyage, l’ingénu en sort-il plus instruit sur les principes de notre modèle de soin psychiatrique ? Il semble au contraire que des clarifications importantes restent à faire.
4C’est ce que propose ce livre qui, à partir de différents points de vue francophones, présente un récit sur l’histoire des diverses modalités historiques de sortie de l’asile au xxe siècle, à l’attention de tout lecteur curieux de comprendre ces évolutions récentes et ces apparentes contradictions. Cette période charnière pour la psychiatrie occidentale n’a jusqu’alors fait l’objet que de peu de travaux historiques. À la fin des années 1970 et au cours des années 1980, les soignants contemporains du phénomène, puis les sociologues, se sont penchés sur ce processus, interrogeant son efficacité et ses conséquences20, analysant ses échecs et ses réussites ou discutant ses enjeux sociopolitiques et philosophiques21. Si les historiens anglo-saxons s’y intéressent dès les années 199022, il faut attendre le renouveau de l’historiographie psychiatrique, son désenclavement23, voire même sa propre désinstitutionnalisation24, pour que les chercheurs s’emparent collectivement du sujet dans le cadre d’un intérêt plus large pour la psychiatrie d’après 194525. Or, à l’exception notable du Canada26, la francophonie reste singulièrement absente dans ce récit. Envisagée dans ses prémisses du temps de la Grande Guerre et de ses suites des années 192027 ou par le biais de l’histoire des réformateurs28, la désinstitutionnalisation n’est intégrée le plus souvent au récit historique qu’à partir de ses marges, notamment par l’étude de lieux spécifiques29 ou l’exposition de parcours de patients au long cours30. La période postérieure aux années 1960-1970 n’est quant à elle que rarement étudiée pour elle-même.
5Le décalage entre ce relatif vide historiographique, l’importance de l’événement historique et l’enjeu majeur qu’il représente pour nos sociétés actuelles, a été le point de départ d’une réflexion collective. Celle-ci a été amorcée à l’université d’Ottawa en mai 2015 à l’occasion du Congrès annuel de la Société canadienne d’histoire de la médecine, à partir de l’organisation d’un panel intitulé « La déhospitalisation psychiatrique au xxe siècle. Perspectives francophones transnationales ». Inscrit dans le cadre d’un vaste projet interprovincial sur la déhospitalisation psychiatrique et l’accès aux services de santé mentale en Ontario et au Québec (1950-2012), alors financé par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), ce panel entendait soutenir la recherche historique sur les expériences de déshospitalisation psychiatrique dans l’espace francophone et favoriser une mutualisation des connaissances entre chercheurs de différents pays31. Initiée au Canada, cette démarche s’est progressivement élargie par le biais d’une collaboration menée entre les universités d’Ottawa et du Mans, puis par une association de collègues français et belges spécialisés dans le champ de l’histoire de la psychiatrie. Cet ouvrage est donc l’aboutissement d’un projet de recherches (IRSC) dont les conclusions permettent d’esquisser une première histoire francophone de la désinstitutionnalisation psychiatrique.
6Il ne s’agit pas, pour les auteurs de ce livre, de présenter un état des lieux exhaustif du processus de désinstitutionnalisation, mais d’en questionner la nature – en prenant en compte la singularité des situations nationales et locales – et d’en discuter la réalité historique en ne tenant pas pour acquis les proclamations réformatrices, même lorsque celles-ci ont pu finalement avoir force de loi. Autrement dit, nous voudrions éclairer ici les conditions d’apparition de la désinstitutionnalisation, en évaluant les divers enjeux scientifiques, thérapeutiques, professionnels, sociaux et politiques d’un processus social majeur, mais également mesurer sa concrétisation effective. Notre approche collective s’est déployée selon quatre principales orientations.
La remise en question de l’asile : une histoire sur la longue durée
7L’histoire de la déshospitalisation psychiatrique, qu’elle qualifie le processus de sorties des malades des grandes institutions ou une contestation des bienfaits de l’isolement social et thérapeutique, plonge ses racines dans l’avènement même du modèle asilaire32. Les critiques qui lui sont opposées ne datent pas en effet de l’après-guerre, mais ont commencé à se faire jour dès la naissance de l’idéologie et de l’institution asilaire au xixe siècle33. Elles ont été accompagnées de solutions alternatives à l’internement, telles que les colonies familiales en milieu rural ou les services libres créés à l’interface de l’institution et de la cité.
8C’est ce que rappellent Aude Fauvel et Wannes Dupont dans leur étude de l’histoire de la colonie de Gheel et de ses usages comme contre-modèle au système asilaire tout au long des xixe et xxe siècles. L’image de ce lieu idyllique où les « fous » vivaient en liberté au sein même des familles du village et sans l’appui d’un dispositif médical complexe, a alimenté les fantasmes en tout genre et servi depuis près de 150 ans d’instrument idéologique dans les débats sur la désinstitutionnalisation psychiatrique qui ont eu lieu un peu partout dans le monde.
9Les deux guerres mondiales furent également des terreaux fertiles au développement des premières initiatives de déshospitalisation. Marie Derrien nous rappelle que la Grande Guerre fut à cet égard un moment pionnier d’expérimentation qui inaugura une transformation du modèle asilaire en France, certes limitée dans ses effets à moyen terme, mais décisive sur le plan des principes. Confrontés dès le début du conflit à l’arrivée massive de militaires atteints de troubles mentaux variés au sein d’institutions non préparées à cet afflux, certains psychiatres furent contraints d’inventer de nouvelles formes et de nouveaux lieux de prise en charge, à proximité du front afin de renvoyer au plus vite les soldats au combat, ou à l’arrière afin de les retourner après réforme dans la communauté. Dans ce contexte, leurs efforts venaient accélérer une réorganisation de l’assistance psychiatrique que quelques-uns avaient déjà commencé à mettre sur pied depuis le début du siècle sans attendre une toujours hypothétique modification de la loi de 1838, notamment à la demande de dirigeants inquiets pour les finances de la collectivité et sous la pression d’une société de plus en plus dubitative sur la vocation soignante de l’institution asilaire. Les asiles surpeuplés de la Belle Époque gérés par des aliénistes désespérés n’étaient-ils pas plutôt des machines à fabriquer de la chronicité ? L’optimisme et l’innovation institutionnelle seront cependant de courte durée et l’expérience du temps de guerre relativement peu transposée dans le champ civil34.
10Isabelle von Bueltzingsloewen poursuit cette analyse en montrant comment les évènements de la Seconde Guerre mondiale ont conduit les psychiatres français à relativiser l’importance de l’asile dans la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux35. Ce fut d’abord l’exode qui conduisit à la fermeture de plusieurs hôpitaux psychiatriques et à la libération de nombreux patients36, puis ensuite la famine sous l’occupation qui favorisa le renvoi de malades vers la communauté sous la forme des sorties d’essai37. L’usage de nouvelles technologies comme l’électrochoc, en offrant l’opportunité d’une prise en charge sur une courte durée de grands états mélancoliques a permis d’envisager, bien avant l’ère des neuroleptiques, la réduction des durées de séjours de certains malades.
11Ainsi, avant même le mitan du siècle, la déshospitalisation psychiatrique avait, en France comme ailleurs, été expérimentée sous différentes formes, le plus souvent sous la pression du contexte, mais aussi pour répondre structurellement aux problèmes de surpopulation des hôpitaux psychiatriques, aux demandes de réduction des coûts des gouvernants, mais également aux aspirations d’une psychiatrie dont les méthodes et les modèles étaient en train de changer. La déshospitalisation comme idée, comme pratique et comme inquiétude sociale n’était donc pas une question totalement nouvelle lorsque les législateurs occidentaux s’en emparèrent officiellement à partir des années 1960.
La déshospitalisation dans les faits : retour aux sources du phénomène
12Ces années ont été jusqu’alors considérées comme déterminantes dans cette histoire parce qu’elles marquèrent la mémoire professionnelle de la psychiatrie d’une double manière : d’une part, elles ont produit des textes jugés fondateurs de la nouvelle politique de déshospitalisation – le rapport canadien More for the mind en 1963, la circulaire de la sectorisation en France en 1960 –, et d’autre part, elles élevèrent la diffusion massive de l’emploi des neuroleptiques, contemporaine de ces textes, au rang de révolution thérapeutique et institutionnelle. Les contributeurs de cet ouvrage interrogent de plusieurs manières ce récit dominant : en redonnant une place à des acteurs négligés, en révisant les rythmes du processus, en revenant aux sources diverses de cet événement historique, ou en comparant les situations locales et nationales. L’engagement du mouvement dit de désinstitutionnalisation n’est en effet ni soudain, ni univoque. Il répond à des enjeux pluriels relevant tant de l’évolution scientifique et professionnelle de la psychiatrie que des transformations des représentations sociales et des intérêts des gouvernants. C’est ce dont témoigne la seconde partie de l’ouvrage consacrée, à travers l’exposition de divers acteurs de la déshospitalisation, à l’évocation des facteurs multiples de son émergence en tant que projet social et thérapeutique.
13La pensée et l’action du psychiatre canadien Charles A. Roberts, sur lesquelles revient Alexandre Klein, illustrent la pluralité de ces influences. Représentant de conceptions psychiatriques nouvelles et militant pour la transformation du regard porté sur l’asile et le malade mental, il fut aussi un moteur de la professionnalisation de la psychiatrie à l’échelle du Canada. Le rôle majeur que joua ce médecin anglophone dans l’établissement du rapport Bédard, à l’origine de la transformation du système de santé mentale au Québec en 1962, montre la multiplicité des forces à l’œuvre dans l’engagement des politiques publiques de désinstitutionnalisation, ce qui permet de relativiser le récit courant selon lequel la réforme psychiatrique québécoise fut avant tout le résultat de l’action de quelques professionnels francophones stimulés par le contexte plus global de réforme du temps de la Révolution tranquille.
14Sandra Harrisson et Marie-Claude Thifault précisent pour leur part le rôle, souvent oublié et parfois volontairement occulté de l’infirmière (en témoigne la maltraitance dont leurs notes archivées ont fait l’objet) dans la gestion effective de la déshospitalisation des malades. À partir d’une étude des dossiers de patients de l’Hôpital Montfort, seul hôpital francophone de la région d’Ottawa (Ontario), elles montrent comment le travail de ces personnels, unique référent constamment présent aux côtés du patient, peut être considéré comme le pilier de l’expérience de la déshospitalisation psychiatrique. Celui-ci permet en effet d’assurer l’observation quotidienne préalable à l’élaboration de tout projet de sortie, la transmission d’information aux nombreux intervenants des nouvelles équipes multidisciplinaires de la fin du xxe siècle. La durée moyenne de séjour hospitalier se réduisant radicalement, la fonction des infirmières en est devenue essentielle, particulièrement dans la relation aux familles dont il est nécessaire d’évaluer le rôle dans le retour du patient au foyer.
15En se situant lui aussi au plus près des acteurs et en rétablissant le point de vue du patient dans cette histoire, Hervé Guillemain met en évidence la manière dont la nouvelle technique du neuroleptique retard a été centrale dans la gestion de la sortie des patients dans la France des années 1970-1980. La mise au point de cette chimiothérapie d’action prolongée, élaborée pour contrer la résistance de nombreux patients envers les neuroleptiques dont les effets secondaires sont puissants, va changer le destin de ces « enkystés » asilaires. Elle offre en effet à l’institution la possibilité de rendre effective une prise en charge psychiatrique « hors les murs » espérée depuis la circulaire de 1960. L’étude de cet épisode méconnu de l’histoire de la psychiatrie montre que loin d’avoir représenté une panacée et une révolution, l’avènement des neuroleptiques sous forme de comprimés a pu engendrer de nouveaux problèmes pour une institution engagée dans l’extériorisation des patients chroniques. Elle révèle également à quel point la fin de l’asile a pu, sous cette forme, susciter des inquiétudes chez les soignants mais aussi chez les patients confrontés pour certains à une forme d’abandon.
16Enfin, en explorant la presse québécoise et ontarienne des années 1960 et 1970, Maria Neagu questionne le rôle des médias dans l’émergence d’un mouvement de désinstitutionnalisation au Canada. L’image nouvelle du « fou » promue par les journaux, notamment au sein des petites communautés linguistiques minoritaires, contribue en effet aux conditions d’un retour des malades mentaux dans le tissu social. En contribuant à démystifier la maladie mentale, en appelant à la solidarité communautaire ou en dénonçant les manques des politiques ou des institutions publiques, les médias s’affirment comme un vecteur central de la désinstitutionnalisation et notamment de la réussite de son objectif d’insertion sociale, bien au-delà de la simple déshospitalisation.
17Ainsi, loin des récits et des analyses qui font reposer uniquement sur les politiques publiques ou sur les avancées de la psychopharmacologie les transformations à l’œuvre dans la prise en charge de la santé mentale au cours de la seconde moitié du xxe siècle, on observe que la désinstitutionnalisation psychiatrique, et en particulier son volet premier, la déshospitalisation, s’appuie sur des facteurs divers – idéologiques, professionnels, techniques, culturels – qui, s’ils furent communs aux différents territoires francophones, ne s’y déployèrent pas de la même manière et avec le même rythme.
La désinstitutionnalisation psychiatrique, un mythe38 ?
18Néanmoins, au-delà des différences nationales, et comme le constataient déjà les premiers analystes à la fin des années 198039, il semble que la désinstitutionnalisation, comme projet global de sortie des malades des hôpitaux (déshospitalisation) et de réintégration dans la communauté (sans recours à d’autres institutions) ait été souvent plus théorique que concrète. Si certains malades ont bien été réintégrés dans la communauté, d’autres en restèrent simplement à la marge, tandis que beaucoup ont seulement retrouvé à court ou plus long terme d’autres institutions, les hôpitaux psychiatriques y compris40. C’est à ce titre qu’alors que nous avons choisi de parler d’une effective déshospitalisation dans le monde francophone, la désinstitutionnalisation nous semblent être un mirage, ainsi qu’entend le démontrer la troisième partie de l’ouvrage.
19Emmanuel Delille y analyse tout d’abord, à l’échelle d’un département rural français, les différentes réformes engagées entre 1947 et 1972. Partant de l’exemple du Centre hospitalier Henri-Ey de Bonneval, il constate que loin d’abandonner le vieux modèle asilaire, les transformations successives de l’institution ont surtout conduit à la rénovation de l’établissement et à sa modernisation, non à un processus de déshospitalisation. Révisant un récit fondé sur la geste réformatrice promise et vantée par les apôtres du secteur, il invite à une lecture continuiste de l’histoire de la psychiatrie au xxe siècle dans laquelle les projets de réforme débutent dès les années 1940 et la désinstitutionnalisation rêvée se limite dans les faits à l’ouverture de nouveaux services hospitaliers et à la réorganisation de certains services sur le territoire, au profit des centres urbains. En lieu et place d’une révolution de l’institution, c’est bien à une modernisation de l’ancien système que l’on assiste jusque dans les années 1970 en Eure-et-Loir comme dans beaucoup d’autres départements français.
20À partir de l’exemple belge, l’étude de Benoît Majerus conduit à des conclusions similaires. Cherchant la désinstitutionnalisation dans les années 1960-1970, il découvre certes l’existence d’initiatives contestataires et l’émergence de nouvelles utopies extra-hospitalières, telles que les Centres de santé mentale, qui ont été rapidement contestés. Mais il révèle aussi une baisse toute relative du nombre de lits dans les hôpitaux psychiatriques, limitée par l’ouverture de plusieurs services psychiatriques dans les hôpitaux généraux et par la résistance des grandes congrégations religieuses qui gèrent toujours une importante part de l’hospitalisation psychiatrique du pays. Au final, c’est une double « transinstitutionnalisation » dont il fait état puisqu’au sein du dispositif psychiatrique belge, les grands établissements ont été partiellement remplacés par de plus petites structures décentralisées, tandis qu’en dehors de l’institution, on constate la multiplication des lieux de prises en charge de populations qui autrefois relevaient de l’asile.
21Le constat d’Hervé Guillemain, obtenu à partir d’une étude sur trois échelles – les statistiques nationales, le cas précis du département de la Sarthe et l’expérience des patients – n’est pas fort différent : tout laisse entrevoir une déshospitalisation trompeuse. En effet, dans les années 1960, alors que la politique de secteur s’impose en France, Guillemain constate une tendance certaine à la réhospitalisation. Pour la décennie suivante, la déshospitalisation n’est aussi qu’apparente puisque les grands établissements se vident au profit des nouvelles structures de prises en charge créées sur le territoire ou des hospices où les vieillards viennent désormais s’entasser. Ce n’est qu’à partir des années 1980, grâce notamment à l’ouverture de nouvelles lignes budgétaires qu’une déshospitalisation de crise voit le jour, sans avoir grand-chose à voir avec une volonté de rompre avec le modèle asilaire. La déshospitalisation est donc non seulement tardive et partielle, rarement conforme à l’idéologie du secteur, mais elle s’accompagne aussi de mouvements contradictoires de réhospitalisations.
22Cette quête de la désinstitutionnalisation, Marie LeBel la mène également, à partir de nombreux entretiens avec d’anciens soignants, en vain dans la région du Nord-Est de l’Ontario qui, à rebours du reste du Canada, ouvre des hôpitaux quand partout on parle de les fermer. La création de grandes institutions est en effet un moyen de répondre à la demande de réorganisation territoriale de l’offre de soins en santé mentale autant qu’à la requête de la minorité francophone locale d’avoir accès à des soins de santé mentale en français. Leur fermeture et l’ouverture, au début des années 1980, de plus petites structures de counseling répond également à des enjeux plus financiers, administratifs et linguistiques qu’au soutien d’une idéologie désaliéniste. Un des témoignages recueillis par LeBel résume à merveille le propos des auteurs de cette partie : « rappelle-toi, on voulait désinstitutionnaliser puis on a créé une institution ».
23Au final, ce que montrent ces approches menées à différentes échelles et en divers lieux de la francophonie, c’est la force d’un mythe enraciné dans la mémoire professionnelle, celui d’une transformation radicale de l’institution menée dès les années 1960 et conduisant à la fin rapide de l’asile. Si la déshospitalisation a effectivement produit des effets, bien plus tardifs que l’on ne croit, selon des modalités et des chronologies diverses, pas toujours de manière homogène et linéaire, force est de constater que la désinstitutionnalisation, comme démarche volontaire de fermeture des grands hôpitaux pour engager le système de santé mentale vers un paradigme autre que le modèle asilaire traditionnel, n’a pas réellement existé. Elle n’est restée qu’un mot d’ordre, un drapeau à agiter, une idéologie41.
Après la déshospitalisation
24Lorsque des changements ont effectivement eu lieu, ils ont eu un impact sur les malades comme sur les soignants des établissements ou structures de soins psychiatriques. Sans vouloir dresser un quelconque bilan, la dernière partie de l’ouvrage entend se pencher, comme a posteriori, sur ces transformations qu’a connues la prise en charge de la santé mentale dans le monde francophone.
25C’est tout d’abord Marie-Claude Thifault qui nous offre, à partir de l’histoire singulière de Françoise, une patiente atteinte de troubles schizo-affectif hospitalisée à plusieurs reprises entre 1979 et 1999, un portrait vivant de la déshospitalisation en Ontario. Le portrait dressé est celui d’une femme au parcours transinstitutionnel complexe, entrant à l’hôpital ou accédant à la clinique externe au fil des crises personnelles ou familiales, et profitant régulièrement de multiples soutiens et recours au sein de centres d’activités extra-hospitaliers. Un parcours fait de haut et de bas, de mieux et de moins bien, où les conditions d’amélioration de la santé mentale apparaissent plurielles, relevant tant d’une famille parfois à bout que d’un système de santé qui gère difficilement les allers et retours transinstitutionnels.
26Finalement, Laurie Kirouac, Alexandre Klein et Henri Dorvil présentent, à partir d’entrevues réalisées avec des intervenants en santé mentale de l’ancien Hôpital des Laurentides au Québec, ce qu’est devenu, dans les faits, le mot d’ordre de la désinstitutionnalisation lancé par les politiques publiques dans les années 1960-1970. Se concentrant sur les années 1990-2000, lorsque les financements commencèrent à baisser dans cet établissement qui fut pourtant privilégié parce que pilote de la mise en place de la sectorisation dans la province canadienne, ils constatent que si la déshospitalisation s’est bien opérée, la réinsertion sociale des malades, deuxième volet de la désinstitutionnalisation, a connu des ratés. Outre la diminution des budgets, qui ici comme ailleurs a mis à mal les projets de retours des ex-psychiatrisés vers la communauté, ils démontrent que c’est la conflictualité des objectifs, des logiques et des intérêts affichés ou sous-jacents à la politique de désinstitutionnalisation qui a été un frein à sa mise en place effective. Entre la volonté affichée de rompre avec l’asile, la nécessité pour la communauté de maintenir l’hôpital qui s’avère une source importante d’emploi dans cette région rurale, l’intérêt des psychiatres de ne pas libérer tous leurs patients au risque de voir fermer leurs services et les difficultés à mettre en place des ressources communautaires dignes, la déshospitalisation psychiatrique décrite, ici comme dans le reste de l’ouvrage, montre la dureté de la confrontation entre un rêve de désinstitutionnalisation et une réalité financière, pratique et sociopolitique qui mine les possibilités de réinsertion sociale des malades.
27Alors oui, on a fermé quelques asiles42, oui on a libéré, un peu partout dans le monde francophone, des malades mentaux pour leur permettre de retrouver leur famille ou de réintégrer leur communauté et oui, on est bien passé d’un modèle psychiatrique hospitalo-centré à un modèle de prise en charge plurielle, locale et diffuse. Pourtant on est bien loin de la désinstitutionnalisation rêvée par certains acteurs dès les débuts de l’histoire de l’asile, expérimentée par quelques pionniers dans la première moitié du xxe siècle, annoncée par de nombreux réformateurs de l’après-guerre et formalisée un peu partout en Europe et en Amérique du Nord dans les années 1960.
28L’histoire de la déshospitalisation psychiatrique telle qu’elle est présentée ici à partir d’une perspective de long terme, d’une diversification des échelles, de la dimension transnationale de l’espace francophone, de l’appui sur les sources les plus variées – des dossiers patients à l’enquête orale, des fonds privés des réformateurs aux archives institutionnelles –, permet de décrire un phénomène social qu’il est nécessaire d’apprécier dans sa diversité et ses limites. La déshospitalisation s’est déployée tardivement par rapport aux proclamations théoriques et aux injonctions légales, à des rythmes différents selon les pays ou selon les régions, de manière rarement massive, toujours de manière conflictuelle.
Notes de bas de page
1 Fauvel Aude, « Le crime de Clermont et la remise en cause des asiles en 1880 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 49, vol. 1, 2002, p. 195-216 ; Ripa Yannick, L’Affaire Rouy. Une femme contre l’asile au xixe siècle, Paris, Tallandier, 2010 ; Hochmann Jacques, Les antipsychiatries : une histoire, Paris, Odile Jacob, 2015.
2 Le plus célèbre d’entre eux fut certainement Clifford Beers (1876-1943), auteur en 1908 d’un ouvrage (A Mind That Found Itself) et fondateur du comité national d’hygiène mentale, acteur important de réforme de la prise en charge de la maladie mentale aux États-Unis. Au Québec, Jean-Charles Pagé et son livre Les fous crient au secours ! (1961) joua également un rôle important dans l’évolution de la politique de santé mentale de la province québécoise.
3 Bly Nellie, 10 jours dans un asile, traduit de l’anglais (États-Unis) par Hélène Cohen, Paris, Éditions du sous-sol, 2015 (1888) ; Londres Albert, Chez les fous, Paris, Arléa, 2009 (1925) ; Roubaud Louis, Démons et déments, Bordeaux, L’éveilleur, 2017 (Paris, Gallimard, 1933).
4 Castel Robert, L’ordre psychiatrique. L’âge d’or de l’aliénisme, Paris, Minuit, 1976.
5 Bennett Douglas et Morris Isobel, « Deinstitutionalization in the United Kingdom », International Journal of Mental Health, vol. 11, n° 4, 1983, p. 5-23.
6 Coldefy Magali, « L’évolution des dispositifs de soins psychiatriques en Allemagne, Angleterre, France et Italie : similitudes et divergences », Questions d’économie de la santé, n° 180, oct. 2012, p. 3.
7 Girolamo Giovanni et al., « The Current State of Mental Health Care in Italy : Problems, Perspective and Lessons to Learn », European Archives of Psychiatry and Clinical Neurosciences, n° 257, 2007, p. 220-225.
8 Voir à ce propos, Foot John, The Man who Closed the Asylums. Franco Basaglia and the Revolution in Mental Health Care, Londres/New York, Verso Book, 2015.
9 Bassuk L. Ellen et Gerson Samuel, « Désinstitutionnalisation et services de santé mentale », traduit de l’américain par E. Piel, Transitions, 3, juin 1980, p. 29-39.
10 En 1980, Jean-François Reversy critiquait cette « appellation dont la traduction littérale évoque par trop le franglais », lui préférant le mot de « désinstitution » (Reversy Jean-François, « Pour introduire la désinstitutionnalisation », Traverse, 3, juin 1980, p. 10-23, ici, p. 10).
11 La densité du nombre de lits d’hospitalisation psychiatrique pour 100 000 habitants (pas toujours absolument comparable) oscille dans les grands pays européens entre 17 lits et 88 lits. Chiffres donnés par Coldefy Magali, « L’évolution des dispositifs de soins… », art. cité, p. 4.
12 Coldefy Magali, « L’évolution de la psychiatrie en France : novatrice, mais contrastée et inachevée », La santé de l’homme, n° 413, mai-juin 2011, p. 16-17, ici, p. 16.
13 Losson J.-P. et Parratte J., « La désinstitutionnalisation psychiatrique au Québec », L’Information psychiatrique, vol. 64, décembre 1988, p. 1289-1298. La province apparait ainsi comme un exemple au niveau du Canada, avec peut-être la Saskatchewan où le nombre de patients hospitalisés pour de longues durées est passé de 4000 en 1955 à moins de 200 en 1983. (Silzer Kent, « La désinstitutionnalisation des personnes souffrant d’invalidité psychiatrique », La désinstitutionnalisation : coûts et incidences, Ottawa, Conseil canadien de développement social, 1985, p. 1-5, ici, p. 1).
14 Faire ensemble et autrement. Plan d’action en santé mentale. 2015-2020, édition de la direction des Communications du ministère de la Santé et des Services sociaux, Québec, 2015.
15 Majerus Benoît, « La baignoire, le lit et la porte. La vie sociale des objets de la psychiatrie », Genèses, n° 82, 2011/1, p. 95-119.
16 Coupechoux Patrick, Un monde de fous. Comment notre société maltraite ses malades mentaux, préface de Jean Oury, Paris, Seuil, 2006.
17 Favereau Éric, « Les chiffres affolants des soins psy sans consentements », Libération, 15 février 2017.
18 Le film Aiguilles au fil du temps, projeté lors du colloque Chronipsy en décembre 2016, relate le transfert de patients chroniques au long cours dans un petit hôpital de montagne, Aiguilles en Queyras.
19 L’article 78 de la loi du 21 juillet 2009 reconnaît la télémédecine comme une pratique médicale à distance qui peut constituer une réponse aux problèmes d’accessibilité aux soins.
20 Au Québec, ce fut le cas des travaux de Boudreau Françoise, De l’asile à la santé mentale : les soins psychiatriques : histoire et institutions, Montréal, Éditions Saint-Martin, 1984, ou Dorvil Henri, De L’Annonciation à Montréal. Histoire de la folie dans la Communauté 1962-1987, Montréal, Les Éditions Émile-Nelligan, 1988. Pour la France, citons Castel Robert, La gestion des risques, Paris, Minuit, 1981 ; Jaeger Marcel, Le désordre psychiatrique. Des politiques de la santé mentale en France, Paris, Payot, 1981. En Suisse, remarquons le travail unique de Bovier Philippe, De l’asile à la cité : histoire de la Clinique psychiatrique de Bel-Air et des transformations des domaines de la folie, Genève, Clinique psychiatrique de Bel-Air, 1982. Aux États-Unis, voir par exemple Talbott J. A., « Deinstitutionalization : Avoiding the Disasters of the Past », Hospital and Community Psychiatry, 30 (9), 1978, p. 621-624 ou Ozarin L. D. et Sharfstein S.S., « The Aftermaths of Deinstitutionalization : Problems and Solutions », Psychiatric Quarterly, 50 (2), 1978, p. 128-132.
21 C’est notamment le cas des travaux de Castel Robert consacrés à la désinstitutionnalisation aux États-Unis (La société psychiatrique avancée : le modèle américain, (avec F. Castel et A. Lovell), Paris, Grasset, 1979) et en France (La gestion des risques, op. cit.).
22 Pour ne citer que quelques références : Grob Gerald, From Asylum to Community : Mental Health Policy in Modern America, Princeton, NJ, Princeton University Press, 1991 ; Barlette Peter et Wright David, Outside the Walls of the Asylum : The History of Care in the Community 1750-2000, Londres, Athlone Press, 1999.
23 Bueltzingsloewen Isabelle von, « Vers un désenclavement de l’histoire de la psychiatrie », Le Mouvement social, n° 253, 4/2015, p. 3-11.
24 Eghigian Greg, « Deinstitutionalizing the History of Contemporary Psychiatry », History of Psychiatry, 2011, n° 22, p. 201-214 ; Hess Volker et Majerus Benoît, « Writing the history of psychiatry in the 20th century », History of Psychiatry, 2011, vol. 22, n° 2, p. 139-14.
25 Voir par exemple, Long Vicky, « Heading up a Blind Alley’ ? Scottish Psychiatric Hospitals in the Era of Deinstitutionalization », History of Psychiatry, vol. 28, n° 1, 2017, p. 115-128 ; Kritsotaki Despo, Long Vicky et Smith Matthew (éd.), Deinstitutionalisation and After. Post-War Psychiatry in the Western World, New York, Palgrave Macmillan, 2016 ; Dyck, Erika (éd.), « After the Asylum/ Après l’asile », Histoire Sociale/Social History, vol. 44, n° 88, 2011 ; Dyck Erika, « Spaced-Out in Saskatchewan : Modernism, Anti-Psychiatry, and Deinstitutionalization, 1950-1968 », Bulletin of the History of Medicine, vol. 84, n° 4, 2010, p. 640-666 ; Dyck Erika, « Dismantling the Asylum and Charting New Pathways into the Community : Mental Health Care in 20th century Canada », Histoire Sociale/Social History, vol. 88, n° 2, 2011, p. 181-196 ; Fussinger Catherine, « “Therapeutic Community”, Psychiatry’s Reformers and Antipsychiatrists : Reconsidering Changes in the Field of Psychiatry After World War II », History of psychiatry, vol. 22, n° 2, 2011, p. 146-163 ; Mills John A., « Lessons from the periphery : psychiatry in Saskatchewan, Canada, 1944-1968 », History of Psychiatry, vol. 18, n° 2, 2007, p. 179-201 ; Ablard Jonathan D., « Authoritarianism, Democracy and Psychiatric Reform in Argentina, 1943-1983 », History of Psychiatry, vol. 14, n° 3, 2003, p. 361-376.
26 Thifault Marie-Claude et Dorvil Henri (dir), Désinstitutionnalisation psychiatrique en Acadie, en Ontario francophone et au Québec, 1930-2013, Montréal, Presses de l’université du Québec, 2014 ; Thifault Marie-Claude et Perreault Isabelle, « The Social Integration of the Mentally Ill in Quebec Prior to the Bédard Report of 1962 », Canadian Bulletin of Medical History/Bulletin canadien d’histoire de la médecine, vol. 29, n° 1, 2012, p. 125-150 ; Thifault Marie-Claude et Perreault Isabelle, « Premières initiatives d’intégration sociale des malades mentaux dans une phase de pré-désinstitutionnalisation : l’exemple de Saint-Jean-de-Dieu, 1910-1950 », Histoire sociale/Social History, vol. 44, n° 88, 2011, p. 197-222 ; Duprey Catherine, La crise de l’enfermement asilaire au Québec à l’orée de la Révolution tranquille, thèse de maîtrise en histoire, université du Québec à Montréal, 2007.
27 Thomas Gregory M., Treating the Trauma of the Great War : Soldiers, Civilians, and Psychiatry in France, 1914-1940, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 2009, chap. 5 ; Thomas Gregory M., « Open Psychiatric Services in Interwar France », History of Psychiatry, vol. 15, n° 2, 2004, p. 131-154 ; Derrien Marie, « La tête en capilotade » : les soldats de la grande guerre internés dans les hôpitaux psychiatriques français, thèse de doctorat en histoire, université Lyon 2, 2015 ; Richelle Sophie, Les « folles » de Bailleul. Expériences et conditions d’internement dans un asile français (1880-1914), Bruxelles, Cahiers de l’université des Femmes, 2014 ; Tison Stéphane et Guillemain Hervé, Du front à l’asile. 1914-1918, Paris, Alma, 2013 ; Bueltzingsloewen Isabelle von, L’hécatombe des fous. La famine dans les hôpitaux psychiatriques français sous l’Occupation, Paris, Flammarion, 2009 (2e édition) ; Delaporte Sophie, La psychiatrie pendant la Grande Guerre, mémoire de DEA, université de Picardie, 1993.
28 Henckès Nicolas, Le Nouveau Monde de la psychiatrie française. Les psychiatres, l’État et la réforme des hôpitaux psychiatriques en France de l’après-guerre aux années 1970, thèse de doctorat de sociologie, Paris, EHESS, 2007.
29 Roekens Anne (dir.), Des murs et des femmes. Cent ans de psychiatrie et d’espoir au Beau-Vallon, Namur, Presses universitaires de Namur, 2014 ; Majerus Benoît, Parmi les fous. Une histoire sociale de la psychiatrie au xxe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013 ; Guérin Vincent, « Ne plus être un monde à part ». La transformation d’un hôpital psychiatrique : Sainte-Gemmes-sur-Loire (1910-1977), thèse de doctorat en histoire, université d’Angers, 2011 ; Guillemain Hervé, Chronique de la psychiatrie ordinaire. Patients, soignants et institutions en Sarthe du xixe au xxie siècle, Le Mans, Éditions de la reinette, 2010 ; Cellard André et Thifault Marie-Claude, Une toupie sur la tête. Visages de la folie à Saint-Jean-de-Dieu, Montréal, Boréal, 2007.
30 Bueltzingsloewen Isabelle von et Eyraud Benoît, « Changements institutionnels et parcours individuels : itinéraires croisés de deux patients psychotiques “au long cours” (années 1950 à nos jours) », in Brodiez-Dolino Axelle (dir.), Vulnérabilités sanitaires et sociales. De l’histoire à la sociologie, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 103-117 ; Guignard Laurence, Guillemain Hervé et Tison Stéphane (dir.), Expériences de la folie. Criminels, soldats, patients en psychiatrie (xixe-xxe siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013 ; Bueltzingsloewen Isabelle von, « D’un lieu de vie à un lieu de soins ? Les transformations du recours à l’hôpital psychiatrique dans la France de l’après-guerre (1945-1960) », in Sassolas Marcel (dir.), Quels toits pour soigner les personnes souffrant de troubles psychotiques ?, Paris, Érès, 2012, p. 13-24.
31 Bien que nos premiers projets aient utilisé le terme « déhospitalisation » issu de l’anglais « dehospitalization », nous avons opté, après étude du champ et suivi de l’origine linguistique du terme, pour sa francisation par l’ajout d’un « s ».
32 Castel Robert, L’ordre psychiatrique, op. cit., p. 266-293.
33 Fauvel Aude, Témoins aliénés et « Bastilles modernes » : une histoire politique, sociale et culturelle des asiles en France (1800-1914), thèse de doctorat en histoire, Paris, EHESS, 2005.
34 Thomas Gregory M., Treating the Trauma of the Great War…, op. cit.
35 Elle rejoint ainsi les analyses menées autour de l’exemple canadien. Voir Pelletier-Audet Alexandre et Cellard André, « Le second conflit mondial et la genèse de la désinstitutionnalisation au Canada, 1939-1961 », in Thifault Marie-Claude et Dorvil Henri (dir.), op. cit., p. 13-41, notamment p. 30-38.
36 Guillemain Hervé, « La psychose est-elle le fruit de l’histoire ? À propos des crises de septembre 1938 et de l’exode de mai-juin 1940 », Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 257, 2015, p. 37-52.
37 On retrouve des pratiques similaires dans d’autres pays francophones comme le Canada ou la Belgique. Voir à ce propos, Majerus Benoît, Parmi les fous, op. cit., et Thifault Marie-Claude et Perreault Isabelle, « Premières initiatives d’intégration sociale des malades mentaux … », art. cité.
38 C’était déjà le questionnement de Jean-François Reverzy à la lecture de l’ouvrage de Robert et Françoise Castel sur la désinstitutionnalisation psychiatrique aux États-Unis (La société psychiatrique avancée, op. cit.). Voir Reverzy Jean-François, Serpaggi Marc et Renaut Pierre, « Les mythes et les pièges de la désinstitutionnalisation. Interview de Robert et Françoise Castel », Transitions, 3, juin 1980, p. 99-107.
39 En 1986, un comité d’experts québécois se penchant sur les politiques pratiques de désinstitutionnalisation dans plusieurs pays étrangers (France, Grande-Bretagne, Italie, États-Unis) constatait que « cette unité d’orientation des services psychiatriques » apparaissait dans les pays occidentaux « plus apparente que réelle » (Corin Ellen, Tessier Lise et Séguin-Tremblay Guylaine [dir.], Sortir de l’asile. Des politiques et pratiques en pays étrangers, Québec, Les publications du Québec, p. 1).
40 Silzer Kent, « La désinstitutionnalisation des personnes souffrant d’invalidité psychiatrique », op. cit., p. 2.
41 Wallot Hubert, « L’idéologie de la désinstitutionnalisation en psychiatrie », L’Information psychiatrique, vol. 64, n° 10, décembre 1988, p. 1 281-1 286.
42 Au point que l’usage des asiles fermés a fait l’objet d’une récente monographie Moon Graham, Kearns Robin et Alun Joseph, The Afterlives of the Psychiatric asylum : the Recycling of Concepts, Sites and Memories, Farnham, Ashgate, 2015.
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