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    Plan détaillé Texte intégral Des « Juifs communistes » aux militants du monde juif communiste parisien après la Shoah De la prosopographie d’un groupe à l’étude de trajectoires militantes Premières conclusions et perspectives : intégration, judéité, engagement politique Notes de bas de page Auteur

    Empreintes rouges

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Immigration(s), appartenances, carrières militantes

    Les militants du monde juif communiste parisien, 1944-années 1950

    Zoé Grumberg

    p. 21-33

    Remerciements

    Nous voudrions remercier Paul Boulland pour ses conseils méthodologiques précieux, Claire Lemercier et Claire Zalc au séminaire desquelles nous avons eu l’opportunité de présenter notre travail en 2017, ainsi que Sylvain Delpeut pour ses relectures et ses conseils.

    Texte intégral Des « Juifs communistes » aux militants du monde juif communiste parisien après la Shoah Définir le groupe De la sous-section juive de la Main-d’œuvre immigrée (MOI) du PCF au monde juif communiste parisien (années 1930-années 1950) De la prosopographie d’un groupe à l’étude de trajectoires militantes Questionnements Constituer le corpus Recueillir des données : une étape qui a précisé nos objectifs Premières conclusions et perspectives : intégration, judéité, engagement politique Des « effets de génération » ? Quelques comparaisons Transmission intergénérationnelle Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1S’intéressant aux parcours et travaux de plusieurs intellectuels et révolutionnaires ayant tous en commun d’être nés juifs, Isaac Deutscher a pu les qualifier de « Juifs non-juifs1 », en référence, notamment, à leur pensée universaliste et à leur lutte contre tout particularisme. C’est ainsi, par exemple, que le jeune Trotski condamnait le Bund2 et sa lutte pour une autonomie culturelle juive. Au début du xxe siècle, beaucoup de Juifs originaires d’Europe orientale « trouvent dans le mouvement ouvrier et l’internationalisme socialiste l’instrument d’une assimilation de type universaliste, via une identification au “Prolétariat” plutôt qu’à une identité juive. Pour ces “Juifs non-juifs”, le marxisme sera l’arme de transformation du monde, et celle de leur émancipation3 ». Dans l’entre-deux-guerres, lors de leur arrivée en France, au terme de parcours d’immigration variés, ceux-ci militent toutefois rarement aux côtés de leurs camarades français, notamment pour des questions linguistiques. Après la guerre, alors que le Parti communiste français (PCF) cherche à intégrer tous les communistes étrangers dans les cellules françaises, tous ne renoncent pas à leurs structures propres, dans lesquelles ils continuent de militer parallèlement : c’est le cas d’une partie des Juifs originaires d’Europe orientale. C’est d’un questionnement initial sur leurs appartenances et les formes de leur engagement que cette réflexion sur les militants communistes du monde yiddishophone est née.

    2 Celle-ci est une des thématiques abordées dans notre thèse d’histoire contemporaine sur la reconstruction4 de la vie juive communiste à Paris, de 1944 (Libération) aux années 19505. Empruntant autant à l’histoire de la Shoah et à l’histoire juive, à l’histoire du communisme et à celle de l’engagement, à l’histoire de l’immigration et des communautés immigrées, cette recherche entend faire une place particulière aux acteurs. Une attention plus grande accordée aux « victimes » et à l’échelle individuelle dans le cadre des recherches sur la Shoah6, ainsi que des travaux sur le rôle majeur joué par des associations juives légales ou clandestines dans le sauvetage des Juifs pendant la guerre, influencent désormais les études sur l’après-guerre et la reconstruction. Les acteurs juifs sont ainsi le cœur de nombreuses recherches depuis quelques années et le monde juif – terme que l’on préfère à celui de communauté, qui postule une identité et des pratiques communes qui ne sont que chimériques – est étudié dans toute sa diversité. Les travaux les plus récents de l’histoire du communisme font quant à eux une place particulière au « sujet7 », à la « complexité des rapports qu’entretenaient les agents sociaux, communistes ou non », à leur « capacité à se distancier ou à opposer des formes d’action individuelles ou collectives », grâce à l’analyse d’égo-documents8. L’histoire de l’engagement, enfin, emprunte beaucoup à la sociologie et à la science politique. Depuis le début des années 1990, de nombreux travaux mettent l’accent sur « la question de l’engagement individuel et de ses déterminants, dans le contexte d’un regain de l’analyse biographique et du récit de vie9 ». Toutefois, dans un article méthodologique, Johanna Siméant et Frédéric Sawicki invitent les chercheurs à être plus attentifs « au lien entre transformations macrosociales et engagement et à mieux prendre en compte le façonnage organisationnel du militantisme10 », en soulignant que la fascination de certains chercheurs pour l’analyse biographique a pu les conduire à négliger la contextualisation et l’inscription de l’engagement dans le collectif11.

    3C’est pourquoi il nous semble fondamental de mener conjointement une étude des structures partisanes et associatives dans lesquelles s’insèrent les individus, du groupe dans son ensemble ainsi que des parcours individuels. Pour cela, deux niveaux d’analyses et deux chronologies sont adoptées dans la thèse : l’histoire du monde juif communiste d’origine immigrée dans le cadre de la « reconstruction » de la vie juive en France (1944- années 1950), et celle de ses acteurs, sous forme de trajectoires de vie. Les contextes divers – relatifs à l’histoire du communisme international et français, à la Shoah et à l’histoire juive, notamment – ainsi que le temps individuel sont aussi au cœur de la réflexion, tant ils peuvent être des facteurs explicatifs des carrières militantes et des « reconfigurations des engagements et des identités12 ».

    4Dans cet article à caractère méthodologique, nous réfléchirons à la manière de faire l’histoire d’un groupe et de ses membres à partir de sources diverses et lacunaires. Jusqu’à présent, les rares études sur les « Juifs communistes » en France après la Seconde Guerre mondiale13 se sont focalisées sur la question de l’identité et ont présenté des réflexions au caractère parfois psychologisant, essentiellement à partir d’entretiens oraux, en faisant une place trop restreinte au collectif et aux contextes. Nous voudrions réinterroger à nouveaux frais l’histoire de l’engagement des Juifs communistes et montrer que l’étude des trajectoires militantes peut permettre d’interroger « le niveau organisationnel » et « les logiques de l’engagement au niveau individuel14 ». Dans cette perspective, nous reviendrons d’abord sur la définition du groupe et les difficultés que nous avons rencontrées dans le cadre d’un projet de prosopographie. Puis, nous présenterons notre enquête (questionnements et sources) avant de revenir sur des prolongements possibles et nos premières conclusions.

    Des « Juifs communistes » aux militants du monde juif communiste parisien après la Shoah

    5Dans un article sur la prosopographie, Claire Lemercier et Emmanuelle Picard écrivent que celle-ci « peut être un instrument fécond, qui donne à voir des trajectoires individuelles dans toute leur complexité et leurs interactions, qui permet de tester des hypothèses, de répondre à nos “pourquoi” et nos “comment” sur une population donnée, de tenir à la fois des propos sur ses tendances générales, ses normes sociales et sur l’exceptionnalité de certains parcours ». Elles rappellent ensuite que « pour décrire, classer et compter efficacement, il faut au préalable définir clairement le groupe étudié et avoir quelques hypothèses précises sur son fonctionnement à mettre à l’épreuve15 ». C’est du constat de la diversité des parcours et des appartenances organisationnelles des « Juifs communistes » en France après la Seconde Guerre mondiale que cette recherche a démarré. Ce sont ensuite certaines difficultés rencontrées lors de la constitution du groupe qui nous ont permis de préciser nos hypothèses de travail et la nature des renseignements à obtenir.

    Définir le groupe

    6Au début de notre recherche, alors que notre intérêt portait pourtant sur les Juifs communistes d’origine immigrée (Europe orientale) et du milieu yiddishophone, nous désignions nos acteurs sous le terme général de « Juifs communistes », postulant alors involontairement que les Juifs communistes partageraient tous ces mêmes origines et militeraient dans les mêmes structures. Or, de nombreux travaux l’ont montré, le monde juif français se distingue par sa grande diversité, liée notamment aux apports réguliers de l’immigration. Avant l’arrivée massive des Juifs du Maghreb, dans les années 1960 à la suite des décolonisations, les Juifs de France sont ainsi polarisés entre autochtones (les israélites, présents en France depuis la Révolution française ou bien avant) et immigrés (d’Europe centrale, d’Europe orientale – qui arrivent par vagues depuis la fin du xixe siècle – et de l’ancien Empire ottoman). Ils évoluent dans des sphères socio-économiques différentes, ont des rapports à la religion (et à sa pratique) extrêmement divers, ne partagent pas les mêmes convictions politiques. Dès lors, devant cette diversité, peut-on estimer qu’ils forment un groupe ou qu’ils ont conscience d’appartenir à un même monde ? Cela n’est pas certain et il nous semble donc impératif que le chercheur soit en mesure de décomposer le groupe et d’expliquer quelle partie du monde juif il étudie. Il en va de même pour les « Juifs communistes » qui sont issus de milieux différents, n’ont pas tous les mêmes origines géographiques ni ne font partie des mêmes associations : ce vocable, sans plus de précisions, nous semblait donc inadapté à notre étude.

    7À cette première difficulté s’ajoutait la question de l’identification des « Juifs » au sein de structures communistes diverses (parti, organisations, associations). En effet, contrairement à la période de l’Occupation « qui présente l’avantage pervers de donner une définition juridique, englobant à la fois les Juifs se considérant comme tels et les Juifs de généalogie, ayant renoncé, provisoirement ou définitivement à toute judéité16 », l’avant et l’après-guerre permettent moins facilement de savoir qui sont les Juifs de France. Toute la constitution de l’objet devient donc problématique : d’une part il n’est pas question d’identifier les Juifs par le biais de l’onomastique qui n’est ni rigoureuse ni fiable ; d’autre part le risque est d’essentialiser les individus dans telle ou telle identité au risque de surdéterminer une variable dans laquelle ils ne se reconnaîtraient pas eux-mêmes. Par exemple, désigner comme juif un membre du PCF qui ne mentionne jamais ses origines juives ni n’évolue dans un milieu « juif », n’est pas croyant, ne parle pas le yiddish, nous semblait problématique.

    8Enfin, l’engagement communiste est lui aussi potentiellement difficile à mesurer : doit-on se concentrer sur des militants encartés (au PCF et/ou dans diverses associations) ou peut-on aussi inclure les individus de sensibilité communiste, les compagnons de route ? Si oui, comment les identifier ?

    9Afin de contourner ces difficultés, nous avons décidé de nous concentrer sur des organisations spécifiquement juives et communistes, créées par des Juifs originaires d’Europe orientale et initialement yiddishophones. Celles-ci se désignent comme telles et sont perçues comme telles, ce qui permet au chercheur de ne pas décider aléatoirement qui il inclut dans le groupe. En mettant la focale sur un milieu cohérent, nous parvenions ainsi à contourner les difficultés de la définition du groupe puisqu’il nous suffisait de suivre les frontières réelles du groupe ainsi constitué. En raison de la relative complexité de ce monde, et de ses racines dans l’entre-deux-guerres, une présentation s’en impose.

    De la sous-section juive de la Main-d’œuvre immigrée (MOI) du PCF au monde juif communiste parisien (années 1930-années 1950)

    10Dans l’entre-deux-guerres, les Juifs communistes de Paris sont pour l’essentiel des immigrés récents ou des enfants d’immigrés. La France est alors un pays d’immigration et attire de nombreux Juifs d’Europe centrale et orientale. Ceux-ci sont séduits par l’image de la France de la Révolution et des droits de l’homme17 et fuient les politiques répressives et/ou antisémites. Parmi eux se trouvent des communistes qui étaient déjà des militants politiques dans leurs pays d’origine, avaient connu la prison et la répression politique. Désireux de militer dans leur pays d’adoption, ils sont groupés dans la MOI du PCF18. En effet, constatant la difficulté d’une intégration immédiate des nombreux immigrés communistes dans les structures françaises, le PCF décide, lors de son cinquième congrès en 1926, de mettre en place une section centrale du travail parmi les étrangers, section placée sous le contrôle du Comité central. Les communistes immigrés doivent s’affilier à une cellule du PCF, mais ils ont parallèlement la possibilité de s’organiser en sous-sections par nationalité ou sous-sections de langue. En 1932, la MOI est réorganisée en une dizaine de « groupes de langue » qui disposent chacun d’une direction et d’un journal.

    11La sous-section juive, constituée pour l’essentiel de Juifs polonais yiddishophones, se distingue par son dynamisme19. Dans les années 1930, 250 Juifs y sont affiliés et ce nombre double au moment du Front populaire20. La sous-section se développe et cherche à influencer le monde yiddish parisien par le biais d’un réseau très dense d’institutions sociales, culturelles ou sportives. En 1939, le PCF est interdit et la MOI est de facto dissoute. Très vite, toutefois, la sous-section juive se reforme dans l’illégalité, crée une organisation intitulée « Solidarité », et se spécialise dans l’aide aux immigrants juifs dans le besoin tout en cherchant à diffuser parmi eux les idéaux progressistes. Sous l’Occupation, la sous-section crée une organisation spéciale centrée sur le sabotage, puis devient une des unités les plus actives dans la lutte armée (dans le cadre des FTP-MOI), tout en fondant plusieurs organisations pour aider les Juifs à échapper aux arrestations et aux déportations. L’Union des juifs pour la résistance et l’entraide (UJRE) naît ainsi à Paris en avril 1943, sous l’impulsion de plusieurs membres de la section juive des FTP-MOI. Elle prévoit de rassembler toutes les organisations juives résistantes et d’étendre son influence aux Juifs français afin d’unifier la Résistance juive.

    12Devant le foisonnement des organisations immigrées, le PCF clandestin craint d’éventuelles velléités d’indépendance à l’issue de la guerre. À la Libération, il redéfinit par ailleurs « sa doctrine sur la place et les objectifs des organisations immigrées » et adopte une perspective intégrationniste : tous les immigrés peuvent désormais accéder aux structures françaises. En conséquence, le maintien d’organisations spécifiques ne se justifie plus et serait perçu comme « un isolement sectaire ». La MOI, affaiblie numériquement du fait de transfuges vers le PCF dès 1944, l’est bientôt structurellement21. Le PCF exige ainsi qu’elle soit dirigée par des permanents français ou naturalisés, son siège quitte le Comité central et déménage dans le quartier des Halles en 1945. Si des journaux et quelques organisations subsistent, la commission centrale de la MOI disparaît. La sous-section juive est quant à elle dans une situation particulière : elle apparaît désormais sous le nom d’UJRE, organisation à laquelle ses dirigeants ne semblent pas prêts à renoncer – au regard notamment des difficultés particulières que les Juifs rencontrent à l’issue de la guerre et que seule une organisation juive sera en mesure de prendre en charge, mais aussi pour éviter de perdre de nombreux militants juifs dont le niveau de langue ou d’intégration ne permettrait pas d’intégrer les structures françaises. Les membres de l’UJRE militent donc à la fois dans des cellules françaises du PCF et parmi les « masses juives22 ». Cela ne modifie en rien la volonté du PCF de contrôler les organisations « satellites23 ». En 1947, l’UJRE quitte ainsi la MOI et est rattachée au Comité central du Parti qui souhaite par là limiter son rôle politique. L’UJRE, qui rassemble alors l’essentiel des associations juives-communistes (syndicales, mutualistes, culturelles, d’anciens résistants, combattants et déportés) de Paris, s’impose comme une des « organisations de masse24 » juives en charge de la reconstruction de la vie juive. C’est sur l’UJRE et sur les associations qui gravitent autour d’elle que porte notre thèse.

    De la prosopographie d’un groupe à l’étude de trajectoires militantes

    13Si notre projet initial était de mener une biographie collective du groupe dans son ensemble, nos objectifs ont été progressivement redéfinis, au fur et à mesure de l’exploration des sources. Nous avons ainsi choisi d’adopter une approche par les trajectoires militantes dans laquelle l’analyse quantitative sera limitée.

    Questionnements

    14À l’origine de ce travail, se trouve la volonté d’avoir une vue d’ensemble des acteurs du monde juif communiste parisien entre 1944 et la fin des années 1950, d’identifier leurs caractéristiques communes et leurs différences, de saisir leurs « carrières militantes ». Plus particulièrement, deux questions principales nous guidaient et restent les nôtres aujourd’hui.

    15La première concerne les militants et leurs itinéraires, au cœur de notre recherche : leurs origines (géographiques, ethnoculturelles, sociales/socioprofessionnelles), leur génération ainsi que leur engagement sur le temps long (à partir de leur situation avant le début de notre période d’étude, jusqu’à la fin de leur vie si cela est possible). Quelles sont les modalités de cet engagement ? Comment se perpétue-t-il (engagement qui n’évolue pas ; désengagement ; réengagement sous une forme différente) et comment l’expliquer ? Quelles sont les conséquences biographiques de celui-ci25 ?

    16La seconde question est relative au fonctionnement et à la composition du monde juif communiste parisien après la Shoah, monde juif au centre duquel se tient l’UJRE. Nous nous intéressons ainsi à la multipositionnalité de ses membres (appartenances à plusieurs associations autres que l’UJRE et/ou au PCF) ou encore à la répartition des tâches au sein des bureaux et secrétariats. Dans quelle mesure les cadres de l’UJRE et des associations partenaires ont-ils aussi des rôles de cadres au sein du PCF ? Les expériences passées (notamment le militantisme dans l’entre-deux-guerres, la Résistance) fonctionnent-elles comme des ressources pour les militants, en leur donnant un prestige particulier et en leur permettant de jouer un rôle de premier plan dans les organisations ? Les rôles sont-ils significativement genrés dans ces organisations ?

    17Il nous fallait ensuite identifier plus précisément les individus sur lesquels allait porter notre recherche. Or, dans le travail prosopographique, il importe de ne pas confondre deux étapes qui ne reposent pas nécessairement sur le même type de sources : la première, qui consiste à constituer le corpus ; la seconde qui est relative à la recherche d’informations sur les individus retenus.

    Constituer le corpus

    18Contrairement à certaines études prosopographiques, basées sur une source unique sérielle, le chercheur qui étudie les membres des organisations juives-communistes après 1944 est contraint de multiplier les sources s’il veut identifier un nombre d’individus supérieur à une dizaine. Nous voulions toutefois éviter la dispersion et avons donc fait le choix de nous fonder sur plusieurs listes, conçues à diverses dates dans le cadre des bornes chronologiques de notre étude. Celles-ci furent trouvées dans un seul fonds d’archives : le fonds David Diamant (la partie déposée aux archives départementales de Seine-Saint-Denis, dans le fonds du PCF) et plus particulièrement les cotes consacrées à l’UJRE26. En effet, celle-ci est l’organisation au cœur du monde juif communiste parisien : la plupart des cadres des associations satellites y sont affiliés et leurs noms apparaissent aussi dans les archives des congrès, conférences et conseils nationaux de l’UJRE.

    19Nous avons ainsi constitué une première liste à partir d’un recensement des membres du conseil national de l’UJRE en 1945, liste que nous avons ensuite complétée à partir des procès-verbaux (PV) de réunions du bureau exécutif et du secrétariat de l’UJRE de 1945 à 1946 (afin de pouvoir intégrer à notre réflexion les individus de retour des camps). Nous avons ensuite apporté un complément à partir des comptes rendus des congrès, conseils nationaux et conférence nationales de l’UJRE entre 1945 et 1953 (dans lesquels on trouve des listes des participants, membres de l’UJRE et des autres associations du monde juif communiste parisien27), des responsables de la Commission centrale de l’enfance (CCE) et enfin des responsables du Centre de documentation auprès de l’UJRE. Nous avons ainsi pu constituer un corpus d’une centaine de personnes. Il s’agit essentiellement des dirigeants de ces associations car nous ne disposons pas de listes des adhérents de base, ce qui constitue bien évidemment un biais à ne pas perdre de vue dans l’analyse.

    Recueillir des données : une étape qui a précisé nos objectifs

    20Il nous fallait ensuite rassembler des informations sur ces individus. Toutefois, nous avons vite pris conscience de l’hétérogénéité des sources que nous allions devoir utiliser si nous voulions être en mesure de recueillir des informations sur plus d’une dizaine d’individus. Toutes les sources n’ont pas les mêmes biais ni ne se traitent de la même façon : il importe donc de toujours garder la trace des sources que nous utilisons. Surtout, au vu de la grande variabilité des informations en fonction des individus, nous avons dû renoncer à répondre à certaines questions et distinguer deux types d’approches.

    21Tout d’abord, pour tous les individus du corpus, l’idée est de répondre à des questions d’ensemble sur la composition des organisations ainsi que sur le fonctionnement du monde juif communiste. Nous avons recours aux sources de l’UJRE nous ayant permis de constituer le corpus : elles nous permettent de savoir qui est membre de telle ou telle association, qui occupe telle position, participe aux réunions, prend la parole, etc. Dans le même fonds d’archives, ainsi que dans les autres parties du fonds David Diamant28, nous avons aussi regardé les cotes réservées aux autres associations du monde juif communiste, et avons recherché si des listes de membres existent afin de mesurer la multipositionnalité de membres de l’UJRE qui n’auraient pas été mentionnés dans les comptes rendus de congrès/conférence/conseils nationaux (seuls les représentants des associations y apparaissent, pas tout le bureau). La perspective est donc organisationnelle car ces sources ne permettent pas d’obtenir d’informations personnelles sur les individus.

    22Seuls quelques parcours (une quinzaine pour le moment) peuvent faire l’objet d’un traitement qualitatif approfondi : il ne s’agit donc plus stricto sensu d’une biographie collective mais de trajectoires de vie. En effet, seuls certains individus sont mentionnés dans des sources riches en données et/ ou sont à l’origine d’un certain nombre d’archives qui rendent possible le suivi de trajectoires. Afin de reconstituer des trajectoires de militants, généralement originaires de Pologne, se déplacer dans différents centres d’archives en France et en Europe est nécessaire. Avant d’arriver en France, une partie des militants est passée par la Belgique, où les dossiers de la Police des étrangers29 nous permettent de recueillir des informations sur leurs trajectoires d’immigration et leur vie en Belgique. En Pologne, où quelques militants sont retournés après la guerre, des sources de police ou les dossiers individuels des militants du Parti communiste nous donnent un certain nombre d’informations. En France, les archives de police, notamment les dossiers constitués par les Renseignements généraux30, qui procédaient à un véritable travail de surveillance des communistes, donnent beaucoup d’informations sur les individus. Toutefois, ces sources ne sont pas exemptes de biais – une tendance à voir un complot communiste affleure très souvent – ou d’erreurs, ce qui implique de chercher systématiquement à recouper les informations recueillies. Pour les membres du monde juif communiste ayant aussi été membres du PCF, l’existence d’autobiographies communistes constitue aussi une source, à analyser là aussi avec les précautions nécessaires31. Les écrits de certains militants ou les entretiens oraux complètent cet ensemble de sources : il est toutefois nécessaire de les analyser en les replaçant dans leur contexte de production et en s’interrogeant sur d’éventuelles reconstructions mémorielles a posteriori (particulièrement dans le cadre des entretiens oraux, lorsque les informations proviennent des enfants de militants)32.

    Premières conclusions et perspectives : intégration, judéité, engagement politique

    Des « effets de génération33 » ?

    23Après la Libération, le monde juif communiste est constitué, entre autres, d’anciens membres de la sous-section juive de la MOI et de résistants des FTP-MOI. Mais à la Libération, parmi ces derniers, tous n’ont pas choisi de rester dans les organisations juives communistes alors que le PCF leur offrait la possibilité de devenir membre à part entière d’un parti français, et de militer côte à côte avec leurs camarades français non-juifs. Leur décision suscite notre intérêt, en comparaison avec ceux qui choisissent la double affiliation au PCF et au monde juif communiste, et c’est pourquoi nous avons décidé de les intégrer à notre réflexion.

    24Une brève analyse des dates de naissance des membres identifiables du monde juif communiste nous a ainsi permis de constater qu’ils étaient, à une exception près, tous nés entre les dernières années du xixe siècle et les années 1910, en Europe orientale ou en France de parents récemment immigrés. En revanche, quasiment tous les militants juifs membres uniquement du PCF après-guerre – ayant fait partie ou non de structures comme les FTP-MOI pendant la guerre mais s’engageant uniquement dans des structures françaises à l’issue de celle-ci – sont nés dans les années 1925-1930. Cette génération34, constituée d’individus nés en France (souvent de parents immigrés), Français pour la plupart, trop jeunes pour avoir participé à la Résistance ou l’ayant rejoint très tardivement, semble avoir un rapport différent à ses origines juives et immigrées. L’engagement politique prend donc des formes distinctes que celui de la génération précédente. Nous chercherons donc à intégrer à notre réflexion quelques trajectoires d’individus issus de cette génération née dans les années 1920-1930. Nous les sélectionnerons à partir des écrits autobiographiques des membres déjà identifiés du monde juif communiste ou de leurs questionnaires biographiques au PCF, dans lesquels ils mentionnent très souvent leurs camarades de lutte pendant la guerre. Nous réunirons ensuite des informations sur eux à partir des questionnaires biographiques existants, d’éventuels témoignages et articles35 ainsi que d’entretiens oraux.

    Quelques comparaisons

    25La comparaison a une valeur heuristique et permet d’évaluer si ce que l’on observe chez les individus qui composent un groupe est « normal ou exceptionnel36 ». Afin de mesurer la spécificité de l’engagement et des appartenances des militants du monde juif communiste parisien après la Shoah, nous souhaiterions donc comparer leurs trajectoires avec celles d’autres types d’acteurs, particulièrement des membres du PCF d’origine juive, mais issus de familles françaises ou séfarades. Un problème d’identification se pose toutefois puisque les dossiers de ces derniers (questionnaires biographiques) au PCF ne sont pas censés porter la mention « Juif », tandis que la méthode onomastique n’est pas envisagée pour les identifier. Afin de les identifier, nous nous fonderons donc sur l’existence de mémoires ou d’ouvrages autobiographiques37, qui nous serviront aussi de sources et que nous compléterons par les questionnaires biographiques du PCF, si toutefois ils existent.

    26Au sujet de l’immigration, il pourrait éventuellement être intéressant d’avoir un corpus de contrôle, à savoir celui de militants issus d’autres mouvements migratoires (les Italiens ou Espagnols, en particulier) en région parisienne, afin de mesurer leur rapport au PCF et à l’intégration, ainsi que pour étudier les formes de leur militantisme. Nous ne pouvons toutefois pas mener une véritable recherche sur ce sujet, c’est pourquoi nous nous fonderons sur des sources secondaires. Cette comparaison se veut volontairement partielle, l’idée est plutôt d’apporter un éclairage complémentaire sous forme qualitative, à partir d’un nombre limité d’individus.

    Transmission intergénérationnelle

    27Nous prolongerons par ailleurs cette recherche principale par une réflexion sur la transmission intergénérationnelle, dans une perspective uniquement qualitative. Des entretiens avec les descendants des membres de notre corpus et d’enfants membres des organisations de jeunesse créées après-guerre au sein du monde juif communiste nous permettent d’étudier leur rapport au communisme, à la judéité ainsi que leur éventuel engagement politique. Cette deuxième génération a-t-elle rejoint les organisations du monde juif communiste ? Comment ce dernier se transforme-t-il au fil du temps ? La constitution de notre corpus nous a permis de réaliser que le personnel militant de l’UJRE, de la CCE et des journaux comme la Naïe Presse se renouvelait extrêmement peu. Ces structures se distinguent par une direction partageant des origines communes, une langue et un attachement à la culture yiddish. Or, la Shoah a touché particulièrement le monde juif yiddishophone qui, à Paris, se reconstitue difficilement après la guerre. À cela s’ajoute une transmission de la langue extrêmement limitée dans le milieu des Juifs immigrés originaires d’Europe orientale et une jeune génération qui semble préférer un engagement dans des structures françaises. Ces questions nous conduiront à réfléchir aux conséquences de l’intégration/assimilation sur les formes d’engagement politique des immigrés juifs d’Europe orientale et de leurs enfants dans la deuxième moitié du xxe siècle, ce qui constitue une des thématiques principales de notre thèse de doctorat.

    Notes de bas de page

    1 Deutscher Isaac, The Non-Jewish Jews and other Essays, éd. Tamara Deutscher, Londres/Oxford/ New York, 1968.

    2 L’Union générale des travailleurs juifs de Lituanie, Pologne et Russie est un mouvement socialiste juif, antibolchévique et antisioniste, fondé à Vilnius en 1897. Tout en défendant les droits des travailleurs juifs en Europe orientale, le Bund militait pour la reconnaissance d’une nationalité juive et du yiddish comme langue nationale.

    3 Johsua Florence, « “Nous vengerons nos pères…” De l’usage de la colère dans les organisations politiques d’extrême gauche dans les années 1968 », Politix 4/2013 (n° 104), p. 203-233.

    4 À l’issue de la guerre, le terme est employé à de nombreuses reprises par les acteurs de la reconstruction de la vie juive communiste d’origine immigrée. Voir : fonds David Diamant.

    5 Les années 1950 sont un moment pertinent pour terminer une telle étude car de nombreuses ruptures propres au monde communiste ont des conséquences certaines sur le monde juif communiste parisien. Ainsi, en 1952-1953, les procès antisémites en URSS (procès Slanski et procès des blouses-blanches) et l’attitude des Juifs communistes des organisations étudiées – qui refusent pour la plupart de reconnaître l’existence d’un éventuel antisémitisme en URSS – conduisent à leur marginalisation dans le monde juif parisien. 1953 est aussi l’année de la mort de Staline et constitue une date fondamentale de l’histoire du communisme. Le rapport Khrouchtchev, présenté lors du XXe congrès du Parti communiste d’Union soviétique le 24 février 1956, fuite rapidement en Europe occidentale et conduit à des débats intenses au sein du monde juif communiste. Enfin, les évènements de Hongrie en 1956 conduisent certains communistes à se détacher du Parti communiste, il s’agirait de voir ce qu’il en est pour les Juifs communistes des organisations au cœur de notre thèse.

    6 Zalc Claire, Bruttmann Tal, Ermakoff Yvan et Mariot Nicolas (dir.), Pour une micro-histoire de la Shoah, Paris, Le Genre humain/Seuil, 2012.

    7 Pennetier Claude et Pudal Bernard (dir.), Le sujet communiste. Identités militantes et laboratoires du « moi », Rennes, PUR, coll. « Histoire », 2014.

    8 Il s’agit par exemple d’autobiographies communistes, des rapports d’enquêtes individuels (archives judiciaires et de polices), d’entretiens oraux, etc.

    9 Mayer Nonna et Fillieule Olivier, « Introduction », Revue française de science politique, 51e année, n° 1-2, 2001, p. 19-25.

    10 Sawicki Frédéric et Siméant Johanna, « Décloisonner la sociologie de l’engagement militant.
    Note critique sur quelques tendances récentes des travaux français », Sociologie du travail, 51 (1), 2009, p. 97-125.

    11 Or, « le risque est grand d’oublier que ce qui permet souvent la réussite des mobilisations collectives, leur inscription dans la durée, est précisément l’existence d’expériences sociales partagées par des groupes d’individus aux propriétés analogues sinon similaires » (ibid., p. 107).

    12 Heiniger Alix, Exil, résistance, héritage. Les militants allemands antinazis pendant la guerre et en RDA (1939-1975), Neuchâtel, Alphil, 2015, p. 19.

    13 Spire Alexis, Identités communistes juives en France après la Seconde Guerre mondiale, mémoire de maîtrise sous la direction de Marc Lazar, Paris, université Paris 10, 1995 ; Frémontier Jacques, L’étoile rouge de David : les Juifs communistes en France, Paris, Fayard, 2002.

    14 Johsua Florence, « Chapitre i – Les conditions de (re)production de la LCR. L’approche par les trajectoires militantes », in Florence Haegel (dir.), Partis politiques et système partisan en France, Paris, Presses de Sciences Po, coll. « Références », 2007, p. 25-67.

    15 Lemercier Claire et Picard Emmanuelle, « Quelle approche prosopographique ? », in Laurent Rollet et Philippe Nabonnand (dir.), Les uns et les autres… Biographies et prosopographies en histoire des sciences, Nancy, 2012, p. 605-630.

    16 Wieviorka Annette, « Les années noires », in J.-J. Becker et A. Wieviorka (dir.), Les Juifs de France de la Révolution française à nos jours, Liana Levi, 1998, p. 197-201.

    17 Poznanski Renée, « On Jews, Frenchmen, Communists, and the Second World War », Studies in Contemporary Jewry, XX, 2004, p. 2. Voir aussi Green Nancy, « La révolution dans l’imaginaire des immigrants juifs », in Pierre Birnbaum (éd.), Histoire politique des Juifs de France : Entre universalisme et particularisme, Paris, Presses de la FNSP, 1990, p. 153-162 ; Zaagsma Gerben, « The Local and the International. Jewish Communists in Paris between the Wars », Simon Dubnow Institute Yearbook, 8, 2009, p. 345-363.

    18 Les lignes qui suivent s’appuient sur : Courtois Stéphane, Peschanski Denis et Raysky Adam, Le sang de l’étranger. Les immigrés de la MOI dans la Résistance, Paris, Fayard, 1989.

    19 Au milieu des années 1930, si 600 Juifs sont répartis dans les différentes sections de langue, 250 d’entre eux font partie de la section juive, appelée ainsi en raison de l’utilisation du yiddish (Poznanski Renée, op. cit., p. 168-198).

    20 Ibid., p. 10.

    21 Courtois Stéphane, Peschansky Denis et Raysky Adam, op. cit., p. 413.

    22 Archives départementales de Seine-Saint-Denis (AD 93), fonds David Diamant (DD), 335 J 65-86 Union des juifs pour la résistance et l’entraide (UJRE), 335 J 65 historique et fonctionnement 1944-1949, dossier « correspondance, 1945-1951 », lettre de « Marcel » (Adam Rayski) au responsable de la section UJRE de Toulouse, le 15 octobre 1944.

    23 Brodiez Axelle, Le secours populaire français 1945-2000. Du communisme à l’humanitaire, Paris, Presses de la FNSP, 2006.

    24 AD 93, DD, 335 J 65, dossier « correspondance, 1945-1951 », lettre du 21 septembre 1944 de « Marcel » (Rayski) à Yvonne et Roger.

    25 Fillieule Olivier, « Conséquences biographiques de l’engagement », in Olivier Fillieule, Lilian Mathieu et Cécile Péchu (dir.), Dictionnaire des mouvements sociaux, Paris, Presses de Sciences Po, coll. « Références », 2009, p. 131-139.

    26 AD 93, DD, 335 J 65-86 UJRE. Ces cotes comprennent donc des documents sur l’UJRE elle-même ainsi que sur les structures qu’elle a créées : la Commission centrale de l’enfance (CCE), le Centre de documentation et l’organe de presse Droit et Liberté.

    27 On y trouve notamment les noms de : membres d’associations du monde juif communiste ; de responsables de journaux comme Droit et Liberté – l’organe de presse de l’UJRE jusqu’en 1948 – ou la Naïe Presse, le journal du monde juif communiste, qui devient au fil du temps l’organe de presse officieux de l’UJRE.

    28 Au musée de la Résistance nationale à Champigny ainsi qu’au Centre de documentation juive contemporaine au Mémorial de la Shoah.

    29 Belgique, Archives générales du Royaume, Police des étrangers, ministère de la Justice.

    30 Archives de la préfecture de Police de Paris (PP), série B (fonds issus du cabinet du préfet de Police, 1869-1970), sous-série BA (Affaires générales) ; série W (fonds contemporains), sous-série 1W et 77W (Renseignements généraux).

    31 Pennetier Claude et Pudal Bernard (dir.), Autobiographies, autocritiques, aveux dans le monde communiste, Paris, Belin, 2002.

    32 Pollak Michael et Heinich Nathalie, « Le témoignage », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 62-63, juin 1986, p. 3-29 ; Pollak Michael, L’expérience concentrationnaire. Essai sur le maintien de l’identité sociale, Paris, Métailié, 1990 ; Beaud Stéphane et Weber Florence, Guide de l’enquête de terrain, Paris, La Découverte, 2003.

    33 Juhem Philippe, « Effets de génération », in Fillieule Olivier et al., Dictionnaire des mouvements sociaux, Presses de Sciences Po (PFNSP), coll. « Références », 2009, p. 188-197.

    34 Évoquée notamment dans les travaux de Vanessa Codaccioni et Paul Boulland.

    35 À titre d’exemple : Endewelt Robert, « L’engagement dans la Résistance des jeunes juifs parisiens avec la MOI (1940-1945) », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 129, 2015, p. 139-150.

    36 Lemercier Claire et Picard Emmanuelle, op. cit., p.

    37 À titre d’exemple : Wurmser André, L’éternel, les Juifs et moi, Paris, Le Pavillon, 1970.

    Auteur

    • Zoé Grumberg
      Professeur agrégée d’histoire et doctorante en histoire contemporaine (Sciences Po/EHESS).
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    1 Deutscher Isaac, The Non-Jewish Jews and other Essays, éd. Tamara Deutscher, Londres/Oxford/ New York, 1968.

    2 L’Union générale des travailleurs juifs de Lituanie, Pologne et Russie est un mouvement socialiste juif, antibolchévique et antisioniste, fondé à Vilnius en 1897. Tout en défendant les droits des travailleurs juifs en Europe orientale, le Bund militait pour la reconnaissance d’une nationalité juive et du yiddish comme langue nationale.

    3 Johsua Florence, « “Nous vengerons nos pères…” De l’usage de la colère dans les organisations politiques d’extrême gauche dans les années 1968 », Politix 4/2013 (n° 104), p. 203-233.

    4 À l’issue de la guerre, le terme est employé à de nombreuses reprises par les acteurs de la reconstruction de la vie juive communiste d’origine immigrée. Voir : fonds David Diamant.

    5 Les années 1950 sont un moment pertinent pour terminer une telle étude car de nombreuses ruptures propres au monde communiste ont des conséquences certaines sur le monde juif communiste parisien. Ainsi, en 1952-1953, les procès antisémites en URSS (procès Slanski et procès des blouses-blanches) et l’attitude des Juifs communistes des organisations étudiées – qui refusent pour la plupart de reconnaître l’existence d’un éventuel antisémitisme en URSS – conduisent à leur marginalisation dans le monde juif parisien. 1953 est aussi l’année de la mort de Staline et constitue une date fondamentale de l’histoire du communisme. Le rapport Khrouchtchev, présenté lors du XXe congrès du Parti communiste d’Union soviétique le 24 février 1956, fuite rapidement en Europe occidentale et conduit à des débats intenses au sein du monde juif communiste. Enfin, les évènements de Hongrie en 1956 conduisent certains communistes à se détacher du Parti communiste, il s’agirait de voir ce qu’il en est pour les Juifs communistes des organisations au cœur de notre thèse.

    6 Zalc Claire, Bruttmann Tal, Ermakoff Yvan et Mariot Nicolas (dir.), Pour une micro-histoire de la Shoah, Paris, Le Genre humain/Seuil, 2012.

    7 Pennetier Claude et Pudal Bernard (dir.), Le sujet communiste. Identités militantes et laboratoires du « moi », Rennes, PUR, coll. « Histoire », 2014.

    8 Il s’agit par exemple d’autobiographies communistes, des rapports d’enquêtes individuels (archives judiciaires et de polices), d’entretiens oraux, etc.

    9 Mayer Nonna et Fillieule Olivier, « Introduction », Revue française de science politique, 51e année, n° 1-2, 2001, p. 19-25.

    10 Sawicki Frédéric et Siméant Johanna, « Décloisonner la sociologie de l’engagement militant.
    Note critique sur quelques tendances récentes des travaux français », Sociologie du travail, 51 (1), 2009, p. 97-125.

    11 Or, « le risque est grand d’oublier que ce qui permet souvent la réussite des mobilisations collectives, leur inscription dans la durée, est précisément l’existence d’expériences sociales partagées par des groupes d’individus aux propriétés analogues sinon similaires » (ibid., p. 107).

    12 Heiniger Alix, Exil, résistance, héritage. Les militants allemands antinazis pendant la guerre et en RDA (1939-1975), Neuchâtel, Alphil, 2015, p. 19.

    13 Spire Alexis, Identités communistes juives en France après la Seconde Guerre mondiale, mémoire de maîtrise sous la direction de Marc Lazar, Paris, université Paris 10, 1995 ; Frémontier Jacques, L’étoile rouge de David : les Juifs communistes en France, Paris, Fayard, 2002.

    14 Johsua Florence, « Chapitre i – Les conditions de (re)production de la LCR. L’approche par les trajectoires militantes », in Florence Haegel (dir.), Partis politiques et système partisan en France, Paris, Presses de Sciences Po, coll. « Références », 2007, p. 25-67.

    15 Lemercier Claire et Picard Emmanuelle, « Quelle approche prosopographique ? », in Laurent Rollet et Philippe Nabonnand (dir.), Les uns et les autres… Biographies et prosopographies en histoire des sciences, Nancy, 2012, p. 605-630.

    16 Wieviorka Annette, « Les années noires », in J.-J. Becker et A. Wieviorka (dir.), Les Juifs de France de la Révolution française à nos jours, Liana Levi, 1998, p. 197-201.

    17 Poznanski Renée, « On Jews, Frenchmen, Communists, and the Second World War », Studies in Contemporary Jewry, XX, 2004, p. 2. Voir aussi Green Nancy, « La révolution dans l’imaginaire des immigrants juifs », in Pierre Birnbaum (éd.), Histoire politique des Juifs de France : Entre universalisme et particularisme, Paris, Presses de la FNSP, 1990, p. 153-162 ; Zaagsma Gerben, « The Local and the International. Jewish Communists in Paris between the Wars », Simon Dubnow Institute Yearbook, 8, 2009, p. 345-363.

    18 Les lignes qui suivent s’appuient sur : Courtois Stéphane, Peschanski Denis et Raysky Adam, Le sang de l’étranger. Les immigrés de la MOI dans la Résistance, Paris, Fayard, 1989.

    19 Au milieu des années 1930, si 600 Juifs sont répartis dans les différentes sections de langue, 250 d’entre eux font partie de la section juive, appelée ainsi en raison de l’utilisation du yiddish (Poznanski Renée, op. cit., p. 168-198).

    20 Ibid., p. 10.

    21 Courtois Stéphane, Peschansky Denis et Raysky Adam, op. cit., p. 413.

    22 Archives départementales de Seine-Saint-Denis (AD 93), fonds David Diamant (DD), 335 J 65-86 Union des juifs pour la résistance et l’entraide (UJRE), 335 J 65 historique et fonctionnement 1944-1949, dossier « correspondance, 1945-1951 », lettre de « Marcel » (Adam Rayski) au responsable de la section UJRE de Toulouse, le 15 octobre 1944.

    23 Brodiez Axelle, Le secours populaire français 1945-2000. Du communisme à l’humanitaire, Paris, Presses de la FNSP, 2006.

    24 AD 93, DD, 335 J 65, dossier « correspondance, 1945-1951 », lettre du 21 septembre 1944 de « Marcel » (Rayski) à Yvonne et Roger.

    25 Fillieule Olivier, « Conséquences biographiques de l’engagement », in Olivier Fillieule, Lilian Mathieu et Cécile Péchu (dir.), Dictionnaire des mouvements sociaux, Paris, Presses de Sciences Po, coll. « Références », 2009, p. 131-139.

    26 AD 93, DD, 335 J 65-86 UJRE. Ces cotes comprennent donc des documents sur l’UJRE elle-même ainsi que sur les structures qu’elle a créées : la Commission centrale de l’enfance (CCE), le Centre de documentation et l’organe de presse Droit et Liberté.

    27 On y trouve notamment les noms de : membres d’associations du monde juif communiste ; de responsables de journaux comme Droit et Liberté – l’organe de presse de l’UJRE jusqu’en 1948 – ou la Naïe Presse, le journal du monde juif communiste, qui devient au fil du temps l’organe de presse officieux de l’UJRE.

    28 Au musée de la Résistance nationale à Champigny ainsi qu’au Centre de documentation juive contemporaine au Mémorial de la Shoah.

    29 Belgique, Archives générales du Royaume, Police des étrangers, ministère de la Justice.

    30 Archives de la préfecture de Police de Paris (PP), série B (fonds issus du cabinet du préfet de Police, 1869-1970), sous-série BA (Affaires générales) ; série W (fonds contemporains), sous-série 1W et 77W (Renseignements généraux).

    31 Pennetier Claude et Pudal Bernard (dir.), Autobiographies, autocritiques, aveux dans le monde communiste, Paris, Belin, 2002.

    32 Pollak Michael et Heinich Nathalie, « Le témoignage », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 62-63, juin 1986, p. 3-29 ; Pollak Michael, L’expérience concentrationnaire. Essai sur le maintien de l’identité sociale, Paris, Métailié, 1990 ; Beaud Stéphane et Weber Florence, Guide de l’enquête de terrain, Paris, La Découverte, 2003.

    33 Juhem Philippe, « Effets de génération », in Fillieule Olivier et al., Dictionnaire des mouvements sociaux, Presses de Sciences Po (PFNSP), coll. « Références », 2009, p. 188-197.

    34 Évoquée notamment dans les travaux de Vanessa Codaccioni et Paul Boulland.

    35 À titre d’exemple : Endewelt Robert, « L’engagement dans la Résistance des jeunes juifs parisiens avec la MOI (1940-1945) », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 129, 2015, p. 139-150.

    36 Lemercier Claire et Picard Emmanuelle, op. cit., p.

    37 À titre d’exemple : Wurmser André, L’éternel, les Juifs et moi, Paris, Le Pavillon, 1970.

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    Manessis, Dimitri, et Guillaume Roubaud-Quashie, éditeurs. Empreintes rouges. Presses universitaires de Rennes, 2018, https://doi.org/10.4000/books.pur.171867.
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