Les pouvoirs locaux confrontés au rouissage en Anjou aux xviiie et xixe siècles : comment arbitrer entre les intérêts de l’agriculture, de la pêche, et de l’hygiène publique ?
p. 131-143
Texte intégral
1Aux xviiie et xixe siècles, le rouissage du chanvre est couramment pratiqué en Anjou, dans la Loire ainsi que dans ses affluents l’Authion, la Sarthe et le Loir. Après la récolte, les tiges de chanvre sont assemblées en radeaux chargés de pierres ou de sable et immergées pendant une à deux semaines1, afin que les fibres soient dégagées grâce à des bactéries qui attaquent la pectose les liant au bois. C’est une étape très importante de la préparation des fibres, mais elle a une mauvaise réputation. Le rouissage, s’il est pratiqué dans des eaux mal renouvelées, les transforme en cloaques nauséabonds, accusés à tort de contribuer au développement de maladies. Les juges des Eaux et Forêts sous l’Ancien Régime, puis les préfets au xixe siècle, cherchent à réglementer cette activité pour des raisons sanitaires, mais sont aussi amenés à la tolérer en raison de son importance économique pour les vallées angevines. La prise de décision dans l’intérêt général est compliquée par l’incertitude du risque et de son ampleur. De plus, si les préfets détiennent l’essentiel du pouvoir réglementaire au xixe siècle, ils interagissent avec plusieurs acteurs et pouvoirs locaux : Eaux et Forêts, Ponts et Chaussées et maires, adoptant des positions diverses, voir contrastées, sur les arbitrages nécessaires entre les intérêts de l’agriculture, de l’hygiène, de la pêche et des finances publiques.

Figure 1. – Le rouissage en Loire à l’île de Béhuard. Carte postale, début du xxe siècle.

Figure 2. – Culture du chanvre en Maine-et-Loire vers 1874-1882.
Le rouissage a mauvaise réputation, mais sa dangerosité est contestée
2La mauvaise réputation du rouissage tient d’abord à l’odeur désagréable dégagée par les « routoirs » où est pratiqué le rouissage. L’odeur est associée aux maladies, en particulier aux fièvres intermittentes, c’est-à-dire principalement au paludisme, conformément à la doctrine aériste selon laquelle des « miasmes » en suspension dans l’air provoqueraient des maladies. De plus, un rouissage intensif dans des eaux mal renouvelées, comme c’est le cas dans l’Authion, entraîne une diminution de l’oxygène dans l’eau et l’asphyxie des poissons. Leur mortalité mécontente naturellement les pêcheurs et accroît la méfiance. Par mesure de précaution, des arrêts et ordonnances interdisent les communications entre les routoirs et les cours d’eau. Le rouissage est théoriquement interdit dans la Loire et ses affluents par un arrêt du 23 juillet 1783. On utilise aussi, pour réprimer le rouissage, l’ordonnance des Eaux et Forêts de 16692. Les juridictions locales prennent également des mesures. En Anjou, c’est le cas dans le comté de Beaufort, traversé par l’Authion, un petit affluant coulant parallèlement au fleuve : la culture du chanvre y est importante, et les matériaux utilisés pour immerger les radeaux de chanvre sont rendus responsables de l’envasement de la rivière. Des règlements donnés par la gruerie de Beaufort, tribunal des Eaux et Forêts en 1725, 1763, 1774 et 1788 interdisent de rouir le chanvre dans l’Authion car « cela ruine la dite rivière, cause l’encombrement et tue le poisson » (1725). Mais de peur que « les colons et cultivateurs sans ressource seroient necessités de cesser cette culture au grand préjudice des fabriques de toiles etablies en cette ville, et en celle d’Angers », on tolère le rouissage dans les « eaux dormantes et rouissoirs ordinaires, appelés doüets, non communicables auxdittes rivières, et à défaut » et on autorise l’utilisation « des canaux ou fossés qui ont communication auxdittes rivières » (1774). Ces arrêts et règlements sont peu respectés. Comme souvent au xviiie siècle, ils sont davantage des souhaits et des orientations, que des prescriptions appliquées avec rigueur. Concrètement, le rouissage est couramment pratiqué dans la Loire, et souvent toléré dans l’Authion. Un riverain de l’Authion, Aveline de Narcé, écrit en 1783 que « chaque habitant établit son rutoir, ou selon l’expression du pays, son rouissage, dans le milieu de la rivière. Sa superficie en est couverte, et le cour intercepté3 ». Les juges des Eaux et Forêts de Beaufort sont indulgents envers les contrevenants, car le rouissage paraît un mal nécessaire.
3Cette tolérance s’explique aussi par les doutes sur la nocivité réelle du rouissage, aussi bien localement que dans le milieu scientifique. Alors que l’abbé Rosier met en garde contre ses effets en 17854, Roland de la Platière écrit la même année dans l’Encyclopédie méthodique qu’il est sans danger en eau courante. Lavoisier estime pour sa part, en 1788, que l’on manque de données pour se prononcer5. Au début du xixe siècle, des avis discordants se font encore entendre. La théorie des miasmes rencontre une opposition croissante. Le Conseil de salubrité de Paris change d’avis sur la dangerosité du « miasme olfactif contagieux ». Une commission consultée en 1827 au sujet de l’impact du rouissage dans la rivière de Sarthe sur la prise d’eau du Mans conclue que « le danger sera nul ou presque nul » car il s’agit d’eau courante6. La polémique s’intensifie en 1828-1829, lors de la préparation d’une loi relative à la pêche fluviale. Il est envisagé d’interdire le rouissage, mesure qui ne sera finalement pas adoptée7. La revue des Annales d’hygiène publique et de médecine légale, fondée en 1829, publie plusieurs articles s’attaquant à la mauvaise réputation du rouissage, dont celui de Parent-Duchatelet qui a un grand retentissement. Il explique les maladies par l’influence des « localités » : marais, fossés, petites rivières, où est pratiqué le rouissage. Théodore Mareau, dans un rapport important sur l’industrie linière de 1859, abonde dans le sens de Parent-Duchatelet8. Deux autres auteurs, Marc et Giraudet apportent des éléments troublants, suggérant, pour quelques communes étudiées, un rapport inverse entre l’importance des récoltes de chanvre et celle des fièvres9. Peut-être est-ce dû à un effet nocif de l’eau de rouissage sur les larves d’anophèles (moustiques), vecteurs du paludisme, qui ont besoin d’une eau claire. C’est une hypothèse avancée par Sforza en 1902. Lors des mauvaises récoltes de chanvre, l’abandon des trous d’eau servant au rouissage favoriserait la diffusion des anophèles, comme semble le montrer l’exemple des mares à poisson dans les Dombes (Le Lannou)10. Cependant les auteurs du début du xixe siècle ignorent encore le rôle de ces insectes dans la propagation du paludisme. Le comte de Narcé remarque dès les années 1780, à Brain-sur-l’Authion, l’existence d’un lien entre les piqûres de moustiques et les fièvres, mais ces observations ne sont pas diffusées à l’époque, et leur signalement en 1840 dans un livre de Dureau de la Malle ne retient pas l’attention11.
4En Anjou aussi, les avis sont partagés. Oscar Leclerc-Thouin, dans un ouvrage de 1843, doute du lien entre fièvres intermittentes et rouissages12. De son côté, le docteur Ridard, maire de Corné (1837-1849), défend l’innocuité du rouissage lors d’une communication au Congrès Scientifique de France de 184313. Ce jour-là, les réactions des auditeurs sont contrastées, et on trouve parmi les sceptiques, Grandlaunay, qui habite lui aussi près de l’Authion. En 1852, un autre médecin des environs de l’Authion, Lizé, attribue dans un article les fièvres des terres basses proches de Beaufort à l’eau croupissante des routoirs14. Globalement, le rouissage garde une mauvaise réputation15. Faute d’informations probantes, la conviction personnelle et la prudence l’emportent souvent, en particulier lors des épidémies. En 1832, quand sévit le choléra, le ministre du Commerce et des Travaux Publics, met en garde les préfets contre le rouissage16.
L’expansion de la culture du chanvre pousse le préfet à encadrer le rouissage
5Le rouissage est un sujet particulièrement sensible en Maine-et-Loire et en Sarthe, car la culture du chanvre augmente très fortement dans ces départements au xixe siècle, alors même qu’elle régresse à l’échelle de la France17. Vers 1870, plus de 50 000 tonnes de chanvre sont rouies chaque année en Anjou, principalement en Loire et dans les routoirs de l’Authion, soit environ 10 % de la production nationale. Ce chanvre est roui par les cultivateurs eux-mêmes ou par des travailleurs saisonniers, qui peuvent être des artisans, des pêcheurs, ou d’autres cultivateurs. Les préfets cherchent à encadrer cette pratique et à la circonscrire, à une époque où l’État renforce son action sur les cours d’eau, par le biais des Eaux et Forêts et des Ponts et Chaussées. Le rouissage en eaux courantes est en principe seulement toléré18. De plus, un décret de 1810 interdit les « routoirs en grand » sans les définir, ce qui renforce encore les possibilités d’action du préfet19. Cette même année 1810, le préfet prend un arrêté demandant aux maires de régler avec les fermiers de la pêche les lieux où les routoirs seront établis, sous le contrôle des Eaux et Forêts. Par ailleurs, l’arrêté interdit le rouissage au voisinage des habitations (particulièrement à Angers sur la Maine), là où s’abreuvent les animaux et dans les eaux stagnantes20. D’autres arrêtés sont pris dans les années suivantes. Ils deviennent réguliers dans les années 1830, et fixent chaque année les lieux où le rouissage est toléré, dans la Loire et dans ses affluents. Lors du rouissage dans les bras morts de la Loire, les ingénieurs demandent que soit garanti le renouvellement des eaux, afin d’éviter que le poisson en souffre, ainsi que le voisinage. Ponctuellement, le rouissage est interdit en 1832 dans l’Authion, en raison de l’épidémie de choléra, ainsi qu’en 1825 et 1833 lors de sécheresses21. En 1841 et 1845, le préfet tente aussi, maladroitement, de réglementer le choix des matériaux utilisés pour charger les radeaux de chanvre22, ce qui donne lieu à quelques cafouillages.
6Les particuliers peuvent déposer plainte au civil en cas de préjudice dû au rouissage, mais je n’ai pas trouvé trace de cas semblable en vallée de l’Authion, dans les dossiers de la justice de paix. De leur côté, les maires sont investis du droit d’interdire le rouissage dans l’intérêt de la salubrité publique23. Celui de Beaufort, en 1822, proscrit le rouissage dans l’Authion à moins d’un kilomètre du clocher de l’église, réactivant une sentence de la sénéchaussée de Beaufort de 177424. D’autres maires sont favorables à des restrictions pendant les épidémies, en particulier celle du choléra de 1832 : les maires de Brain-sur-l’Authion, Andard et Chalonnes, demandent alors l’interdiction du rouissage dans l’Authion et le Layon. À Bourgueil, dans la haute vallée de l’Authion, le maire procède à une enquête au sein de la population afin de connaître les avis sur la suppression des routoirs pour le chanvre25. Cependant, en temps normal, la plupart des maires défendent les intérêts des cultivateurs, en particulier en vallée de l’Authion où la majorité des habitants tire du chanvre ses principaux revenus. Les maires relaient les plaintes relatives aux arrêtés préfectoraux : les zones désignées pour le rouissage sont souvent considérées comme trop petites, ce qui entraîne des pertes de temps et des dégâts sur le chanvre car il s’abîme rapidement hors de l’eau. Certains lieux sont inaccessibles, faute de chemins ou de points d’abordage, ou à cause des divagations des bancs de sable de la Loire. La situation peut évoluer rapidement, en fonction des crues et des sécheresses, dans la Loire comme dans l’Authion26. Une bonne récolte peut aussi augmenter fortement les besoins en eau.
7Pendant plusieurs décennies, les cultivateurs, les rouisseurs et les maires s’opposent aux fermiers de la pêche et aux agents des Eaux et Forêts. Les sources de conflits sont multiples : prétentions des fermiers de la pêche en Loire et en Authion de se réserver le monopole du rouissage ou de percevoir un droit sur cette activité, par exemple sous la forme d’une licence de pêche27 ; usage des grèves de la Loire pour le séchage du chanvre ou sa manutention (1838), usage du pied de la « levée » ou digue (1841), droit de rouir gratuitement pour les acquéreurs de récoltes de chanvre sur pied (1845)28, etc. De plus, les agents des Eaux et Forêts veulent limiter le rouissage en Authion, en raison du comblement progressif de la rivière et surtout des pertes pour les fermiers des droits de pêche, qui pourraient demander des dédommagements à l’État. Ces conflits n’ont pas pour enjeux un problème sanitaire. Bien que le rouissage soit finalement toléré la plupart du temps en raison de son importance économique29, ces conflits entraînent des relations exécrables entre les deux camps. Les communautés rurales sont généralement soudées, en raison de la diffusion générale de la culture du chanvre en bords de Loire30.
Les municipalités interviennent pour aider les agriculteurs
8Les difficultés matérielles rencontrées par les cultivateurs poussent les municipalités à réaliser des aménagements pour faciliter le rouissage. Le développement de la culture du chanvre dans la vallée de l’Authion provoque un encombrement croissant des routoirs et une dégradation de l’état de la rivière. Les préfets prennent alors des mesures. À partir de 1839, les arrêtés réservent le rouissage dans l’Authion aux cultivateurs des communes de la rive droite (Beaufort, Mazé, Corné, Brain… )31. Ceux de la rive gauche (Saint-Mathurin, La Bohalle, La Daguenière) doivent rouir dans la Loire, à moins d’obtenir une autorisation formelle des maires de la rive droite32. Cependant, une partie des cultivateurs concernés rencontre des difficultés pour transporter les chanvres jusqu’à la Loire, pour surveiller le chanvre et pour le renouveler sur les radeaux : non seulement le rouissage requiert une grande attention, pour déterminer le meilleur moment pour enlever les tiges de chanvre, ni trop tôt ni trop tard, mais il faut aussi se méfier des crues de la Loire, et se tenir prêt à rentrer dans l’urgence les chanvres des radeaux, ou ceux mis à sécher sur les grèves. En 1829, de grandes quantités de chanvre sont emportées par une crue soudaine. C’est pourquoi les riverains de la Loire préfèrent rouir leur chanvre dans les bras morts, à l’abri du courant. Le rouissage en Loire présente aussi des avantages, qui compensent en partie les contraintes subies : il est deux fois plus rapide que dans les eaux stagnantes de l’Authion, ce qui réduit les pertes. De plus, la filasse obtenue en Loire est d’une blancheur qui lui confère une valeur supérieure, ce qui tient probablement à la clarté de l’eau (celle des routoirs mal renouvelés est noircie). Selon les auteurs, la différence de valeur est d’un sixième ou un septième33. Les restrictions pesant sur les cultivateurs de la rive gauche ne sont pas strictement appliquées, pas plus que les interdictions ponctuelles de tout rouissage dans l’Authion en 1825, 1832 et 183334. Ces arrêtés deviennent, à l’usage, avant tout des outils utilisables en cas de besoin par les autorités.
9Vers 1852-1855, un grand curage de l’Authion conduit à une remise en cause du principe même du rouissage dans cette rivière. Il s’agit d’abord de permettre les travaux35, puis d’éviter un nouvel envasement et une dégradation des rives. La municipalité de Corné décide alors la création de routoirs dans un bras latéral de l’Authion. Elle loue ces routoirs aux cultivateurs36, ce qui leur évite d’aller rouir dans la Loire. La municipalité est aussi motivée par la crainte que le curage augmente la vitesse du courant dans l’Authion, et contribue à baisser le niveau, ou à accroître sa variabilité, ce qui compliquerait le rouissage s’il était toléré. Elle établit en 1856-1857, un barrage mobile sur l’Authion, afin de retenir l’eau à une certaine hauteur, pendant la saison du rouissage, et de remplir ainsi les routoirs. Il contribue aussi à l’irrigation des prairies37. Dans les années suivantes, les consignes préfectorales s’adoucissent parfois et fluctuent selon les années et les lieux38, en fonction des idées des préfets, des ingénieurs des Ponts et Chaussées, et des inspecteurs des Eaux et Forêts. L’incertitude qui en découle pousse les communes voisines de Corné (Mazé, Andard, Brain et Beaufort) à créer à leur tour des routoirs latéraux et des barrages sur l’Authion39. Les préfets favorisent alors souvent leur utilisation en interdisant le rouissage dans l’Authion. Comme le fonctionnement de ces routoirs latéraux rencontre des difficultés, onze communes de la vallée s’associent pour réaliser en 1884 une prise d’eau dans la Loire à Varenne-sur-Loire, afin de renforcer le débit de l’Authion.
10Le développement de la culture du chanvre provoque aussi un encombrement des ports de Loire. Des milliers de cultivateurs ont besoin d’espace pour entasser le chanvre amené au fleuve, ou tiré de l’eau. De plus, les bancs de sable, à la position changeante, peuvent rendre certains ports inutilisables. Enfin, des cultivateurs de la vallée réclament des accès à la Loire aux endroits où les chemins rejoignent la « levée » (digue) de la Loire, afin de limiter les déplacements. À certains endroits, les cultivateurs, faute de rampe d’accès, jettent leurs chanvres par-dessus le parapet, pour qu’il atterrisse au pied40, ou bien transportent leurs chanvres par les escaliers de la digue. Afin de faciliter le travail des cultivateurs, des municipalités lancent de nombreux chantiers de construction et de réaménagements de ports de Loire entre 1840 et 1885. Les besoins du commerce local jouent certes un rôle très important, mais dans la vallée d’Anjou, entre la Daguenière et les Rosiers, le rouissage est l’enjeu principal, même si les municipalités cherchent à convaincre les Ponts et Chaussées de l’intérêt des aménagements projetés pour la navigation et le commerce, car des aides de l’État en dépendent. Parmi les ports aménagés, celui de la Ménitré (entre 1877 et 1881) est équipé d’un quai en escalier facilitant le travail des rouisseurs41. La culture du chanvre, dont l’importance historique est maintenant largement oubliée par la population de la vallée, a laissé des traces, aussi bien sur les rives de la Loire qu’au voisinage de l’Authion.

Figure 3. – Port de rouissage de la Ménitré. Photo Emmanuel Brouard.

À l’origine, 4 routoirs de ce type sont créés côte à côte. Photo Emmanuel Brouard.
Figure 4. – Routoir public du pré d’Asnière, à Brain-sur-l’Authion.
À la fin du xixe siècle, le rouissage devient moins conflictuel en Anjou42
11Les techniques de rouissage évoluent peu. Des procédés mécaniques, chimiques et bactériologiques sont expérimentés au xixe et au début du xxe siècle, mais ils restent marginaux, principalement en raison de leur coût, et malgré quelques réalisations43. Pourtant, les tensions liées au rouissage s’apaisent en Anjou. Cela tient en partie à l’amélioration des connaissances. Guéranger, auteur Sarthois, attribue en 1858 la mortalité du poisson à la diminution de l’oxygène, et non à une « influence toxique44 ». Puis, en 1872, il signale des découvertes sur le rôle des germes microscopiques dans la propagation des maladies45. Vers 1880, l’absence de lien entre l’odeur et la nocivité paraît faire consensus. À la fin du siècle sont découverts le mode de transmission du paludisme, et le rôle des bactéries dans le rouissage. Les craintes relatives aux effets du rouissage sur la santé humaine ou animale régressent. Ne reste plus que la question des nuisances de voisinage, et dans une moindre mesure, celle des intérêts des pêcheurs46. De plus, dès le milieu du siècle les droits des fermiers de la pêche sur le rouissage sont supprimés47, alors que dans le même temps les agents des Eaux et Forêts perdent en influence au profit de ceux des Ponts et Chaussées. Or, les ingénieurs entretiennent de bien meilleures relations avec les populations et les municipalités que les agents des Eaux et Forêts, jugés cassants et autoritaires. Ils se révèlent aussi généralement un peu plus favorables au rouissage. S’ils se montrent à l’occasion relativement hostiles au rouissage dans l’Authion, en raison du risque d’envasement de la rivière, les intérêts économiques finissent par l’emporter. Quant aux intérêts de la pêche, ils passent largement au second plan. Enfin, une des principales raisons de cet apaisement est l’effondrement de la culture du chanvre en France et notamment en vallée de l’Authion à la fin du xixe siècle, suite à une grave crise commerciale. Les chanvres importés de Russie et d’Italie prennent le pas sur la production locale, alors même que les besoins diminuent. Les prix s’effondrent et les cultivateurs de la vallée de l’Authion se reconvertissent massivement dans la production de semences. La culture du chanvre perdure près de la Loire, en aval des Ponts-de-Cé, à Chalonnes et Montjean notamment, jusqu’aux années 1960, mais les grands volumes d’eau courante disponibles en Loire limitent les problèmes48.
Conclusion
12Le rouissage du chanvre est au xixe siècle un sujet délicat pour les autorités en Maine-et-Loire. Les préfets ne peuvent rester indifférents au risque sanitaire supposé, mais ils sont partagés entre la prise en compte des intérêts de l’agriculture et la volonté de limiter les inconvénients du rouissage. L’absence de consensus sur sa dangerosité gêne aussi leur action. Le rouissage est finalement toléré, même si des contraintes variables sont imposées aux agriculteurs. La prospérité liée à la culture du chanvre paraît alors plus importante que les effets sanitaires incertains et probablement limités du rouissage. On sait maintenant que ce rouissage n’est pas nocif pour la santé humaine, si ce n’est le risque d’attraper un coup de froid en travaillant dans l’eau à l’automne. Rapidement, avec l’essor du chanvre en Anjou, l’administration a surtout pour but de mettre de l’ordre dans cette pratique, en répartissant l’accès à la ressource en eau, et en limitant les dégâts sur les rives de l’Authion ainsi que l’envasement de la rivière. Un conflit d’autorité surgit aussi entre les Eaux et Forêts et des municipalités dont la légitimité et la volonté d’autonomie s’accroissent en 1832 avec leur élection par un suffrage censitaire élargi. De plus, les résistances de la paysannerie, soutenue par les municipalités, l’emportent souvent à l’usure sur les ambitions de l’administration. Les règlements locaux, y compris les arrêtés préfectoraux, ne sont pas destinés à être appliqués à la lettre, ou ne le restent pas longtemps. La souplesse dans l’application des règles et l’arrangement ne sont d’ailleurs pas propres au rouissage mais elle caractérise la société rurale angevine comme les relations entre les pouvoirs locaux et la population49. Dans le même temps, cette simple tolérance à l’égard du rouissage entraîne une dépendance des cultivateurs vis-à-vis des velléités de l’administration : les arrêtés préfectoraux peuvent varier d’une année à l’autre et sont parfois mal conçus. Les conflits, les tiraillements, poussent les municipalités, représentant les intérêts d’une population essentiellement agricole, à réaliser des aménagements pour sécuriser les cultivateurs de chanvre. Sur l’Authion, ces réalisations s’insèrent dans un ensemble de grands et de petits travaux destinés à maîtriser l’eau dans la vallée.
Notes de bas de page
1 À l’est des Ponts-de-Cé, l’arrachage du chanvre en deux temps, mâles puis femelles, afin de récolter la graine, entraîne deux périodes de rouissage distinctes : en juillet-août, puis en septembre-octobre. On ne pratique pas, dans la vallée de la Loire, le rouissage sur prés utilisé pour le lin dans les régions de Segré et du Lion-d’Angers.
2 L’ordonnance de 1669 prohibe de « faire aucun amas de pierres ou de fascines, ni autres choses qui nuisent au cours de l’eau, ni même jeter dans les fleuves et rivières navigables ou flottables aucune ordure ou immondice ».
3 Malgré une ordonnance du grand maître des eaux et forêts de la généralité de Tours interdisant en 1763 le rouissage des chanvres et lins dans les eaux courantes. La non-application des règlements s’observe aussi en Bretagne (Lagadec). Archives départementales du Maine-et-Loire (ci-après ADML), 83 AC/DD11. ADML, 83 AC/4 B 36. Grurie de Beaufort (1725, 1763, 1774, 1788). ADML, 4 B 49. Idem. (Procès-verbal de 1768 expliquant que le rouissage est communément pratiqué en Loire et en Authion). De Narcé A., Mémoire dans lequel on établit les avantages du nettoiement de la rivière d’Authion, le desséchement des Marais & Communes du Comté de Beaufort…, s. l. n. d. [1783], 20 p. ; Lagadec Y., « La production des toiles à voiles en Bretagne au milieu du xviiie siècle d’après un rapport de l’Inspection des manufactures », Bulletins et mémoires de la Société archéologique et historique d’Ille-et-Vilaine, 2006, vol. 110, p. 156-157, notes 72 et 73.
4 Jarrige F., « La guerre du rouissage. Environnement, économie et société dans la France de l’Ouest au xixe siècle », contribution au colloque Terrains communs, regards croisés. Intégrer le social et l’environnement en histoire, EHESS, Paris, 11-13 sept. 2008.
5 Par contre, les articles « routoirs » et « rouissage », dans un volume consacré à l’agriculture (1816), signalent la nocivité du rouissage tout en restant vagues quant à ses effets. Platière R. de la, Encyclopédie méthodique. Manufactures, arts et métiers, Paris, Panckoucke, 1785, t. 1 : Chanvre, p. 139-140 et 144 ; Henri-Tessier A., Thouin A. et Bosc, Encyclopédie Méthodique. Agriculture, t. VI, Paris, Veuve Agasse, 1816, « Rouissage » p. 190 et 192. Lavoisier A., « Rapport sur le rouissage », Œuvres, t. 4, Paris, Imprimerie impériale, 1868, article p. 498-500. Rapport du 3-9-1788.
6 Le Roux T., Le laboratoire des pollutions industrielles. Paris 1770-1830, Paris, Albin Michel, 2011, p. 292 et 337 (Conseil de salubrité). Robiquet, « Hygiène publique ; rouissage du chanvre, eau pour des fontaines », Archives générales de médecine, 1827, série 1, n° 15, p. 605-607.
7 Roucher O., « Du rouissage considéré au point de vue de l’hygiène publique et de son introduction en Algérie… », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, série 2, n° 22, 1864, p. 312.
8 Parent-Duchatelet A., « Le rouissage du chanvre considéré sous le rapport de l’hygiène publique », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, série 1, n° 7, 1832, p. 238-337 ; Mareau Th., Industrie linière : rapport à M. Dumas, ministre de l’Agriculture et du Commerce, Paris, Imprimerie nationale, volume 2, 1859, p. 21-22.
9 Marc, « Consultation sur les questions de salubrité relatives au rouissage près de Gatteville », Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 1829, t. 1, p. 335-342 (Étude sur Gatteville, en Normandie) ; Giraudet A., « Recherches sur l’influence que peut avoir sur la santé publique, l’opération du rouissage », Annales d’hygiène et de médecine légale, série 1, n° 7, 1832, 24 p.
10 Sforza, « Maceratoi e zanzare nell contado di Bologna » (Fosses de rouissage et moustiques dans les environs de Bologne), Rivista d’igiene e sanita pubblica, 1902, p. 59, analyse dans Revue d’hygiène et de police légale, n° 24, 1902, p. 479-480 ; Le Lannou M., « Le rôle géographique de la malaria », Annales de géographie, 1936, t. 45, n° 254, p. 113-135. Il semble tirer ses informations d’un article de Laveran, paru dans la revue Janus en 1897-1898. Guiart, « Recherche et identification des anophèles », Journal médical français, volume 7, 1917-1918, p. 3-12.
11 Dureau de la Malle A. J. C., Économie politique des Romains, Livre 3e, Arboriculture-produits, état physique de l’Italie, 1840, p. 19. Le père de l’auteur, beau-frère du comte de Narcé, allait passer l’été dans le château de ce dernier, près de l’Authion. « Les maitres, pendant l’été, pour se délivrer des insectes tipulaires, faisaient toujours entretenir dans leurs chambre des fumigations de plantes aromatiques, et couchaient sous une moustiquaire exactement fermée. Les domestiques ne prenaient pas ces précautions ; tous les ans, dans l’automne et l’été, ils étaient attaqués de la fièvre des marais, tandis que les maitres en étaient exempts. Ces différences ont été observées avec soin pendant plus de dix années consécutives. »
12 Leclerc-Thouin O., L’agriculture de l’ouest de la France étudiée plus spécialement dans le département de Maine et Loire, Paris, Bouchard-Huzard, 1843, p. 33.
13 Archives de Corné, 3 O 5. 23-8-1837, certificat de Ridard, peu avant d’être nommé maire ; Ridard, « Mémoire de M. le Dr Ridard, de Corné (Maine-et-Loire) sur cette question : le rouissage des chanvres qui a lieu chaque année dans une grande étendue du département de Maine-et-Loire, y donne-t-il lieu à des maladies ? », Congrès scientifique de France, Onzième session, à Angers, sept. 1843. T. 2 : mémoires, 1843, p. 153-169. T. 1 : procès-verbaux des sections. Cinquième séance, 6-09-1843, p. 271-275.
14 Lizé D.-M., « Les marais dans leurs rapports généraux avec la santé », Bulletin de la Société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe, 1852-1853, p. 239-241.
15 Horn I. E., La crise cotonnière et les textiles indigènes, Paris, E. Dentu, 1863, 44 p. ; Alcan M., Essai sur l’industrie des matières textiles…, Paris, L. Mathias, 1847.
16 Jarrige F., op. cit.
17 Brouard E., « Essor et déclin de la culture du chanvre dans la vallée de l’Authion (xviiie-début du xxe siècle) », Archives d’Anjou, n° 14, 2010, p. 47-59.
18 En 1841, l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées de Maine-et-Loire fait encore référence à l’arrêt de 1783 interdisant le rouissage dans tous les cours d’eau en Anjou, mais il souligne la nécessité d’une tolérance de fait. Cette simple tolérance est encore la règle en 1947 ; ADML, 121 S 14. Le 13-5-1841, rapport sur le rouissage ; Lévêque P.-F., Le Chanvre : culture, rouissage, broyage et teillage, Paris, Librairie de l’Académie d’agriculture, 1947, p. 30.
19 Les dispositions de l’ordonnance de 1669, reprises dans une loi du 20 floréal an X, sont parfois utilisées. Le rouissage est une contravention de grande voirie à partir de 1824 ; Deville Ch., « Du rouissage des plantes textiles, considéré au triple point de vue de la pêche, de la salubrité publique et de la grande voirie », Annales forestières et métallurgiques, t. 6, 1847, p. 118-121.
20 ADML, 121 S 14. Arrêté du 23-06-1810.
21 Archives de La Ménitré, 3 O 17. 8-09-1825, arrêté du maire de La Ménitré ; Archives de Mazé, 1 J 44. 2-08-1833, arrêté du 1er adjoint de Mazé (vu arrêté du préfet du 3-07-1833) ; AD Maine-et-Loire, 83 AC/6 O 2. 3-09-1825, sous-préfet de Baugé.
22 ADML, 121 S 14.
23 Daviel A., Traité de la législation et de la pratique des cours d’eau, C. Hingray, 1845, vol. 1, n° 320, et vol. 2, n° 711.
24 ADML, 121 S 14. 25-08-1822, maire de Beaufort. 20-06-1830, règlement de la ville de Beaufort.
25 ADML, 121 S 14. 9-07-1832, maire de Brain. 2-07-1832, maire d’Andard ; Beauchamp C., Délivrez-nous du mal : épidémies, endémies, médecine et hygiène au xixe siècle dans l’Indre, l’Indre-et-Loire et le Loir-et-Cher, Maulévrier, Hérault-Éditions, 1990, p. 100.
26 Archives de la Bohalle, 2 D 3/3. 14-03-1839, préfet ; Archives de La Ménitré, 3 O 17. 15-03- 1839, état des routoirs dont on propose l’établissement ; ADML, O-490. 12-07-1865, conseil de La Daguenière ; ADML, 121 S 14. 22-11-1842, 18 et 21-08-1843, 16-07-1846, maires de Saint-Mathurin, Corné et Brain.
27 En amont, dans la région de Bréhémont (Indre-et-Loire), des tensions apparaissent pour les mêmes raisons dès 1808. Archives départementales d’Indre-et-Loire, 7 M 135. Sous-préfet, 25-08-1808. Maire de Liguières, 13-7-1808.
28 ADML, 121 S 14. 7-11-1824 et 29-08-1839, maire de La Ménitré. 18-08-1830, Direction générale des forêts. 8-08-1839, ministre des Finances. 22-08-1839, maire de La Bohalle (menaces d’un garde). 29-08-1839, maire des Rosiers. 26-08-1845, maire de Saint-Mathurin (chanvre sur pied) ; Archives de la Bohalle, 2 D 3/3. Maire de la Bohalle, 12-08-1838, 4-09-1838 (usage des grèves), 18-08-1841 (pied de la levée) ; Dalloz M., Jurisprudence générale du royaume. Recueil périodique et critique de législation, de doctrine et de jurisprudence, Paris, 1842, Cour de cassation, p. 158, décision du 14-03-1842 (appel du fermier Talbot rejeté).
29 En 1838, le conservateur des forêts, en tournée, se déclare surpris par la tolérance accordée au rouissage. L’inspecteur tente de lui expliquer l’importance de la culture du chanvre dans le département ; ADML, 121 S 14. 10-09-1838, inspecteur des forêts au préfet.
30 Sur l’Aubance, autre affluant de la Loire, des conflits surgissent par contre entre riverains des cours d’eau et cultivateurs ; ADML, 121 S 15. 2-07-1858, rapport de l’ingénieur ordinaire (Quincé, Brissac, Vauchrétien, Soulaines, etc.).
31 Cette décision satisfait les maires de la rive droite ; ibid., 121 S 14. 29-06-1847, inspecteur des eaux et forêts.
32 Archives de La Ménitré, 3 O 17. 23-09-1839, préfet au maire. 23-08-1840, déclaration du maire de Beaufort autorisant « par pure complaisance » les habitants de La Ménitré à rouir dans l’Authion.
33 Le rouissage prend 10 à 12 jours pour le chanvre cordier de Beaufort, contre 4 à 5 jours pour le chanvre dit « de vallée », à l’ouest des Ponts-de-Cé (Antoine). J’avance plusieurs hypothèses : 1) Dans l’Authion, l’eau est moins renouvelée et le rouissage devient de moins en moins efficace. 2) Les chanvres dits « de vallée » sont arrachés en une seule fois, mâles et femelles ensembles, avant la maturité des graines, alors que les chanvres porte-graines rouis dans l’Authion sont arrachés plus tard, à une époque où la température plus froide ralentit le rouissage ; 3) Les pieds de chanvre sont beaucoup plus gros dans la vallée de l’Authion ; Antoine Ch., op. cit., p. 172 ; Giraud Ch.-J., Traité élémentaire d’agriculture pratique, à l’usage des cultivateurs et des propriétaires de Maine-et-Loire…, Angers Cosnier et Lachèse 1842, p. 202 ; Bouchard A., op. cit., p. 1095 ; ADML, 121 S 14. 11-08-1845, maire de La Daguenière. 23-08-1845 et 11-04-1845, inspecteur des forêts ; 121 S 15. Pétition de 1877.
34 ADML, 121 S 14. 23-09-1832, maire des Rosiers. 3-9-1832, maire de Brain. 4-08-1834, maire de Corné.
35 ADML, 121 S 15. Rapports de l’ingénieur de 1852 à 1859, 124 & 328. 30-12-1855, rapport de l’ingénieur ; ADML, 83 AC/6 O 2. 7-02-1856, sous-préfet de Baugé.
36 Archives de Corné, 3 O 4. Cahier des charges des routoirs, 1880.
37 Archives de Corné, 3 O 5. ADML, 121 S 15. 22-04-1856, rapport de l’ingénieur.
38 Léopold Bourlon de Rouvre, préfet installé en novembre 1857, autorise le rouissage dans l’Authion, contre l’avis de l’ingénieur. Pourtant, en 1858 le rouissage est interdit à Mazé dans l’Authion. En 1862, le rouissage est autorisé dans l’Authion, sauf cas particuliers. Les arrêtés délimitent les routoirs. En 1864, l’arrêté préfectoral interdit le rouissage à Corné et Andard, à la demande des conseils municipaux, mais ils changent d’avis, suite à la sécheresse. L’année suivante (1865), le rouissage dans l’Authion à Corné et Andard est autorisé uniquement en cas d’insuffisance des routoirs communaux ; ADML, 121 S 15. Le 14-09-1858 et 17-08-1864, rapport de l’ingénieur. 8 et 9-08-1864, maires de Corné et d’Andard ; ADML, 124 & 328. Arrêtés du préfet, 16-06-1862 et 12-07-1865.
39 À Mazé sont créés des routoirs particuliers, par des cultivateurs. Andard crée des routoirs communaux en 1864 (136 emplacements, 612m). Andard et Brain établissent des barrages mobiles sur maçonnerie en 1861 et 1863. Mazé en 1874 projette la construction de 6 barrages mobiles sur le vieil Authion ; ADML, 121 S 15 ; ADML, 124 & 328 ; Archives de Mazé, 8 O 7.
40 ADML, 121 S 59. 19-09-1861, rapport de l’ingénieur. 19-05-1861, conseil municipal de la Bohalle ; ADML, 121 S 15. 22-10-1885, rapport de l’ingénieur.
41 Les marches permettent de poser facilement les paquets de chanvre, à portée de main des rouisseurs qui construisent ou démantèlent les radeaux. Les rouisseurs peuvent aussi travailler dans l’eau tout en marchant sur une surface plane et régulière ; Archives de la Ménitré, 3 O 6. Pièces du projet, 1876. PV réception, 30-06-1881.
42 Mon analyse est différente de celle de François Jarrige qui voit un encadrement fort du rouissage au xviiie siècle, avec des condamnations fréquentes, et une impunité se développant au début du xixe siècle, avant un durcissement de la répression du rouissage à la fin du siècle, en raison d’une concurrence entre intérêts des villes et des campagnes. Cette concurrence est peu présente en Anjou, ce qui peut expliquer ces différences. Il faudrait élargir l’étude à d’autres régions productrices, telles l’Alsace, la Bourgogne, l’Auvergne ou le Morbihan ; Jarrige F., « Quand les eaux de rouissage débordaient dans la cité : essai sur le mode d’existence d’une nuisance (France, xviiie-xixe siècle) », Le Roux T. et Letté M. (dir.), Débordements industriels. Environnement, territoire et conflit (xviiie-xxie siècle), Rennes, PUR, 2013, p. 137-154.
43 Brouard E., La société rurale en basse vallée de l’Authion…, 1750-1870. Risques économiques, risques environnementaux, crises et mutations dans une vallée peuplée et vulnérable, thèse, université de Poitiers, 2013, p. 427-430 et 567-569.
44 Guéranger Éd., Rouissage du chanvre, Le Mans, Etiembre et Beauvais, 1858, p. 3.
45 Guéranger Ed., « Quelques remarques sur le chanvre par Ed. Guéranger, à l’occasion d’un mémoire de M. Giraud, couronné par la société industrielle d’Angers », Bulletin de la Société d’Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe, 2e et 3e trimestres 1873, t. XXII, p. 190-200.
46 Vallin E., « Le rouissage manufacturier, au point de vue de l’hygiène », Revue d’hygiène et de police sanitaire, 1880, n° 2, p. 967-975. [Mémoire lu au Congrès international d’hygiène de Turin] ; Renouard A., fils, « Nouvelles observations sur le rouissage du lin et du chanvre. Législation. Hygiène », Annales agronomiques, 1879, t. 5, p. 170-198.
47 ADML, 6P4/17. Cahier des charges, 1849 ; ibid., 121 S 14, préfet le 1-06-1849.
48 Brouard E., « Essor et déclin de la culture du chanvre… », art. cité.
49 Brouard E., « Justice de paix et autorités locales, entre sanction et arrangement », Chauvaud F., Jean Y. et Wullemez L. (dir.), Justice et sociétés rurales du xvie siècle à nos jours : approches pluridisciplinaires, Rennes, PUR, 2011, p. 295-303.
Auteur
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Emmanuel Brouard
Docteur en histoire, chercheur associé au CERHIO (UMR 6258), Angers. Adjoint du patrimoine à la bibliothèque municipale de Nantes
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