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    Plan détaillé Texte intégral L’émergence d’un imaginaire victimaire de la catastrophe à la fin du Moyen ÂgePolitiques de catastrophe, émotions et victimes au xvie siècleConclusion Notes de bas de page Auteur

    Pouvoirs et environnement

    Ce livre est recensé par

    • Arnaud Exbalin, Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, mis en ligne le 16 août 2020. URL : https://journals.openedition.org/chrhc/14321 ; DOI : https://doi.org/10.4000/chrhc.14321
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    Table des matières

    Les victimes de catastrophe naturelle au xve et au xvie siècle : vers une intégration croissante dans le discours et dans les pratiques de gouvernement

    Thomas Labbé

    p. 21-33

    Texte intégral L’émergence d’un imaginaire victimaire de la catastrophe à la fin du Moyen ÂgePolitiques de catastrophe, émotions et victimes au xvie siècleConclusion Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1La figure de la victime se trouve au centre de toute définition contemporaine de la catastrophe1. Au niveau politique, le souci tout à fait central pour les victimes et la prise en charge immédiate de la détresse humanitaire définissent une forme de sensibilité et de mesure du bien commun dont l’historicité mérite d’être interrogée. À l’heure où la sociologie définit notre société comme une « société des victimes2 » ou une « société compassionnelle3 », c’est-à-dire comme une société dans laquelle la sphère victimaire constitue un élément essentiel et incontournable du débat politique, éthique et moral, on ne peut se limiter à penser que la pratique qui consiste à faire de « l’humanitarisme un principe de gestion4 » relève d’une sensibilité universelle.

    2Selon Didier Fassin le référentiel de la compassion résulte de notre insertion dans une économie morale déterminée qui, en érigeant la vie comme une valeur supérieure à toute les autres, guide notre « engagement empathique inconditionnel5 » envers toutes les victimes et leurs souffrances. Cette économie morale prend ses racines dans le tournant civilisationnel du xviiie siècle et se serait renforcée dans les dernières décennies du xxe siècle, en s’accompagnant d’une transformation de notre rapport au monde. Dorénavant, toujours selon Didier Fasssin, les traces laissées par les événements seraient en effet de plus en plus caractérisées, tant au niveau des phénomènes de perception individuels que collectifs, par leur contenu tragique6. En contexte de catastrophe, il apparaît ainsi que l’importance centrale occupée par les victimes dans le discours et dans les actes ne reflète pas seulement les conséquences objectives de l’événement et ne peut pas plus être considérée à l’aune d’une simple logique de bon sens. La figure de la victime agit en fait dans notre sensibilité moderne avant tout pour donner du sens au phénomène extrême. Selon la sociologue Gaëlle Clavandier, le processus de catastrophe est même fondamentalement un affect qui repose sur une appréhension sensible du monde, qu’elle nomme « mort collective7 ». Ainsi formalisée sous l’angle du rapport empathique, l’événement catastrophique surgit dans le contexte contemporain invariablement sous la forme d’un « drame », drame à partir duquel se fabriquent les champs sur lesquels le pouvoir peut et doit s’exercer.

    3Sur la question de la prise en compte des victimes, l’historiographie des catastrophes naturelles s’est jusqu’à présent surtout intéressée à une perspective de recherche plus institutionnelle, en étudiant le transfert qui s’opère au xviiie siècle de la gestion des catastrophes naturelles depuis les autorités locales vers l’autorité de l’État8. C’est à cette époque que se développent les politiques providentielles faisant de l’État un acteur majeur de la gestion des catastrophes et de l’assistance en situation d’urgence. Cette évolution est en général associée à la sécularisation des modèles d’explication des phénomènes naturels, dans le double contexte d’une monarchie administrative désireuse de prendre en main l’ensemble de la vie de ses sujets et d’une société où la notion de philanthropie transforme la pratique de la bienfaisance9. Si un glissement s’opère, les victimes y apparaissent néanmoins déjà au centre des dispositifs de gouvernement. Or, le problème qui se dégage des sources à partir de la fin du xve siècle et plus encore à partir du xvie siècle est tout autre et permet de dénaturaliser plus radicalement encore cette attitude empathique. Ce n’est en effet pas la question d’un transfert de compétence qu’elles dévoilent, mais tout simplement l’apparition d’une véritable sensibilité pour les victimes dans le discours de catastrophe d’un point de vue éthique, et l’émergence même de cette prise en charge comme objet de gouvernement d’un point de vue politique.

    4Notre propos se concentrera donc sur cette période charnière qui dans l’historiographie des catastrophes naturelles a rarement été envisagée dans une perspective de rupture. C’est pourtant le moment où le terme de « désastre », inconnu du latin ou du français médiéval, s’est imposé pour qualifier de tels événements. Cette rupture sémantique invite en soi à s’interroger sur un changement de perception. En tant que tel, la notion de désastre induit en effet l’idée que les conséquences générées par l’événement s’invitent au cœur de sa conceptualisation, là où le vocabulaire médiéval fait encore presque exclusivement usage de termes traduisant l’interrogation que suscitent ses origines (signes, merveilles, etc.).

    L’émergence d’un imaginaire victimaire de la catastrophe à la fin du Moyen Âge

    5Les grandes absentes de la documentation médiévale concernant les catastrophes naturelles sont paradoxalement les victimes elles-mêmes. Cela ne revient pas à dire que l’on ne trouve absolument rien dans les récits, mais il faut relever comme une observation essentielle que l’on trouve peu, et que les victimes semblent jouer un rôle secondaire dans le discours de catastrophe. Rien ne montre que cet élément de description constitue dans les récits médiévaux un attribut fondamental et nécessaire pour donner du sens à la dévastation.

    6Prenons l’exemple du tremblement de terre survenu à Bâle le 18 octobre 1356. Ce séisme d’intensité remarquable est considéré par les sismologues comme la secousse la plus puissante survenue au nord des Alpes durant les mille dernières années10. C’est-à-dire que la secousse, immédiatement suivie d’un incendie, fut suffisamment puissante pour rayer de la carte une bonne partie du tissu urbain, et, selon les récits contemporains de l’événement, entre 46 et 80 châteaux dans un rayon de 16 à 32 kilomètres autour de la ville11. Un tel événement eut évidemment de lourdes conséquences humaines. Le prédicateur dominicain Konrad von Waldighofen, témoin de l’événement, rapporte dans un récit écrit en 1360 la mort de « beaucoup de gens12 ». Pourtant, il est remarquable que ce pan de la réalité ne se trouve que dans une minorité des récits rédigés par les témoins et les contemporains de la catastrophe. Le récit le plus immédiat du drame, qui se trouve dans Rothe Buch de Bâle, c’est-à-dire dans le premier registre de délibérations ouvert par le conseil de la ville après la destruction des archives par la catastrophe, est à cet égard exemplaire. Si le scribe prend la peine de décrire de manière détaillée la durée du tremblement de terre, l’incendie qui s’ensuivit et enfin la destruction des édifices dans la cité et ses alentours, il ne mentionne à aucun moment la question des victimes13. Tout se passe comme si dans son esprit le bilan victimaire de l’événement ne revêtait aucune importance. La même année d’ailleurs, un scribe de Lucerne consigne également la survenue de l’événement dans les papiers officiels de sa propre ville. Or tout comme son homologue bâlois, il n’intègre pas dans son récit la question humanitaire14. Pétrarque lui-même, qui stationna à Bâle plusieurs semaines juste avant l’événement, aborde dans quelques-uns de ces écrits le séisme sans s’occuper de sa dimension victimaire15.

    7Nombreux sont les témoignages qui présentent un tel profil. Certains chroniqueurs prennent certes soin de rapporter cet élément de description. Cependant, les premières mentions de victimes n’apparaissent d’une part que dans les récits délivrés à partir des années 1360, soit plusieurs années après les faits. D’autre part, en dépit de l’intensité du drame, les allusions restent très lapidaires. Fritsche Closener qui compile sa chronique à Strasbourg en 1362 se contente ainsi de mentionner rapidement que « beaucoup de gens » sont morts16, tout comme Konrad de Waldighofen avant lui. Sur un total de 27 récits de l’événement rédigés avant 1410, seuls trois textes contiennent en réalité un bilan chiffré de la catastrophe. Et encore ces chiffres sont-ils très différents les uns des autres, s’échelonnant entre 300 et 1500 morts, ce qui tendrait à montrer qu’il n’exista en aucun cas un bilan officiel17. L’absence de précisions chiffrées s’inscrit du reste dans la relation traditionnelle que la société médiévale entretient avec le chiffre. Loin de constituer cet instrument de mesure indispensable de la réalité tel que nous le pratiquons aujourd’hui, on sait en effet que jusqu’à la fin du Moyen Âge la mesure arithmétique était revêtue d’une grande ambiguïté. Théologiquement réservée à Dieu seul, la mesure exacte des choses concernait peu l’homme médiéval et informait peu sa conception du monde. Le chiffre était généralement soit passé sous silence dans la description des choses, soit prenait valeur de symbole, et dans ce cas la mesure était le plus souvent exagérée18.

    8Dans ce contexte, la communication élaborée autour du tremblement de terre qui détruisit Naples et la Campanie le 4 décembre 1456 illustre une tendance de changement assez nette. Les sources révélées par Bruno Figliuolo montrent en effet que le bilan victimaire constitua chez les observateurs de l’époque un intérêt remarquable19. Les nombreuses lettres envoyées à leurs protecteurs par les différents ambassadeurs italiens présents à Naples consacrent presque toutes un passage à la comptabilité des victimes. Les chiffres donnés par chacun varient encore considérablement les uns entre les autres, mais cet élément est devenu ce qu’il n’était pas encore en 1356, c’est-à-dire une clé nécessaire à la construction de l’imaginaire catastrophique. Cette nouvelle tendance du discours de catastrophe trouve sa meilleure expression dans le traité De terraemotu que l’humaniste florentin Giannozzo Manetti rédigea sur l’événement20. Ce traité recèle en effet dans sa troisième partie un bilan systématique de l’événement, recensant précisément l’ensemble des localités touchées, et donnant pour chacune d’elle une estimation du nombre de victimes ainsi qu’un aperçu de l’étendue des destructions sur le tissu urbain. Au final, Giannozzo est en mesure de fournir un véritable bilan et d’en communiquer le chiffre : le tremblement de terre aurait causé la mort d’environ 12 000 personnes. C’est le premier exercice du genre dans la documentation médiévale. Un exercice qui se développa véritablement au siècle suivant.

    9Si l’on revient à l’histoire de la mise en écrit du tremblement de terre de Bâle, il est remarquable en effet que les récits rédigés durant le xvie siècle fournissent presque tous une estimation des victimes. Et cela quand bien même les contemporains de l’événement avaient passé ce thème sous silence à la fin du xive siècle et avaient été bien incapables d’estimer un bilan homogène de la catastrophe. Les chroniqueurs suisses du xvie siècle avancent non seulement presque tous un bilan chiffré pour qualifier l’événement21, mais ils accompagnent de plus ce chiffre, pour certains d’entre eux, d’anecdotes mettant en relief l’implication solidaire des autorités envers les victimes. Ces anecdotes avaient été inventées de toutes pièces dans le courant du xve siècle. Le chroniqueur bernois Conrad Justinger raconte par exemple pour la première fois dans les années 1420 que les cités voisines auraient envoyé libéralement de l’argent et des hommes sur les lieux22. L’information est en fait absente de toutes les archives bâloises contemporaines de 135623, qui ne révèlent rien, ni du côté de la commune, ni du côté de l’évêché, en faveur d’une quelconque implication des pouvoirs publics à l’encontre des victimes dans la phase d’urgence humanitaire24. Pourtant, cette anecdote est reprise à l’identique chez des chroniqueurs comme Werner Schodoler en 1525 ou encore Christian Wurstisen en 1580, comme si une telle initiative était pour eux devenue une évidence25. En entrant dans la tradition historique de l’événement à compter de la fin du xve siècle, de telles anecdotes témoignent du changement des mentalités qui s’opère. L’association entre catastrophe naturelle, désastre humanitaire, empathie et aide pour les victimes semble devenir une ligne conductrice de la pensée du xvie siècle et il est dès lors naturel pour les auteurs de récits de catastrophe de relever la magnanimité et l’unité des autorités envers les sinistrés. Les désastres humanitaires engendrés par les catastrophes naturelles entrent dans les prérogatives du pouvoir et deviennent par ce biais un instrument politique.

    10Il s’agit d’une évolution notable de l’imaginaire du pouvoir, que construiront progressivement les juristes et les théoriciens tout au long de la Renaissance. Au commencement pourtant, Pétrarque n’incluait encore nullement l’aide aux victimes de catastrophes dans les devoirs du prince. Les événements de type catastrophique et l’urgence humanitaire qui les accompagne n’entraient alors tout simplement pas dans les catégories d’événements sur lesquels le pouvoir devait s’exercer selon lui. Dans la lettre-traité qu’il rédige en 1373 pour le gouverneur de Padoue Francesco de Carraria26, il écrit ainsi que les devoirs d’un bon gouverneur se limitent à tenir en état les routes et les remparts, à conserver la salubrité de la ville et à aménager le contado de façon à optimiser l’usage des ressources. L’argent public doit principalement servir à deux choses, c’est-à-dire à préserver, sans munificence inutile, la beauté et l’ordre de la cité, et à soulager la faim du peuple dont l’aisance matérielle constitue la plus solide assurance de conservation du pouvoir. Dans ce cadre, le prince se doit de faire preuve d’une certaine libéralité et de mener une politique active sur les prix et les flux céréaliers. Si la faim peut accompagner parfois une situation de catastrophe et donc si l’on peut penser que cet objet est de manière implicite très légèrement esquissé ici, il n’en reste pas moins que l’humaniste du xive siècle ne mentionne rien dans son traité de ce qui relève directement des catastrophes naturelles, c’est-à-dire à une notion réfléchie, de quelque forme qu’elle puisse prendre, élaborée autour d’événements tels que les inondations, les tremblements de terre, etc. Pour lui, les problèmes alimentaires se rapportent seulement, au niveau des types de situations envisagées, aux disettes et aux chertés qui appartiennent du reste depuis au moins le xiiie siècle à la sphère de compétence des cités-états italiennes.

    11Mieux qu’aucun autre type de source, les occasionnels et les canards imprimés au xvie siècle illustrent cette évolution de l’imaginaire catastrophique, et la comparaison de leurs contenus avec celui des chroniques de la fin du Moyen Âge témoigne à cet égard d’une rupture franche. Les victimes sont presque toujours installées sur le devant de la scène par les auteurs de ces occasionnels, au point de structurer la trame de leurs récits. L’inflexion majeure apportée au discours de catastrophe par ce type de documentation tient en ce que la mort accidentelle y devient le levier essentiel pour mettre en relief l’importance extraordinaire de l’événement et justifier la crainte religieuse qu’il doit inspirer au chrétien. L’élaboration et la communication d’un bilan de catastrophe constituent dès lors une étape obligatoire du récit, sans laquelle la fabrique de sens ne saurait plus être complète. Un occasionnel allemand relatif à l’inondation d’un village de Thuringe en 1558 comporte par exemple une liste détaillée des pertes humaines et matérielles provoquées par les eaux. En une longue liste, l’auteur décrit maison après maison le nombre exact et l’identité des victimes, au nombre de soixante-quatorze, ainsi que l’anéantissement de leur bétail, de leurs réserves et de leurs biens immobiliers27. Sans être systématique, une telle entreprise n’est pas isolée dans la production des occasionnels28. Et si tous les auteurs ne sont pas aussi minutieux, il n’en reste pas moins que la comptabilité des victimes devient un thème naturel sous la plume de ces observateurs. Le thème victimaire devient si fondamentalement lié à la fabrication du récit de catastrophe qu’il remonte jusqu’au titre des occasionnels. En 1586 est ainsi diffusé un Vray discours du grand déluge et ravage d’eau, advenu au bourg de Regny le Ferron, pres la Ville-Neusve l’Archevesque & Montenon, le quatriesme jour de Iuin, 1586, la veille de la feste Dieu, au pays de Champagne, ensemble la declaration du pauvre peuple qui a este noyé durant ledit desastre, tant homme que femmes que pauvres petits enfans. Comme il est visible dans le titre de cet occasionnel, cette évolution s’accompagne d’une modification sémantique dans la langue française, à savoir la diffusion du terme de « désastre » pour évoquer l’idée de dévastation29. Le terme apparaît dans ce sens précis dans le vocabulaire du xvie siècle, en lieu et place de ce qui deviendra la « catastrophe » près de deux cents ans plus tard30.

    Politiques de catastrophe, émotions et victimes au xvie siècle

    12Du récit à la réalité, il faut chercher à comprendre comment la représentation de la catastrophe naturelle, dorénavant focalisée en bonne partie sur la sensibilité victimaire, a contribué à modifier les dispositifs de gouvernement au xvie siècle. Cela revient à s’interroger sur les origines lointaines des politiques compassionnelles et humanitaires modernes, dont on trouve en général les racines dans les réflexions d’un Jean-Jacques Rousseau sur l’introduction de la pitié en politique. Cela revient également à se poser la question des origines de la biopolitique moderne, définit par Michel Foucault comme la construction du problème de la population en tant qu’objet politique et comme le gouvernement de cette population dans son principe vital. À cet égard, il s’avère que la pensée politique du xvie siècle constitua un terreau fertile dans lequel se développèrent les premières théories de ce genre.

    13C’est dans la discussion classique sur les vertus, et notamment sur la libéralité princière, que certains théoriciens politiques commencent à introduire quelques notions sur le gouvernement des populations en situation d’urgence. Tous les auteurs sont loin d’avoir abordé cette question. Nicolas Machiavel et Jean Bodin par exemple n’inscrivent à aucun moment les catastrophes parmi les champs d’application de la libéralité. Pour eux, celle-ci est encore rapprochée de l’idée de dépense ostentatoire, de don le plus souvent personnel et aliénant, nécessaire pour asseoir les relations de pouvoir. Assez classiquement, Machiavel définit ainsi en 1513 la libéralité comme une forme de prodigalité personnelle dont le bon exercice réside essentiellement dans le fait de ne pas être amené à surimposer les sujets à cause de ces dépenses. La générosité et la justice du pouvoir se mesurent pour lui à l’aptitude du prince de ne pas augmenter les charges publiques, et en aucun cas à travers son désir de subvenir directement à des besoins collectifs.

    14Au même moment, certaines voix commencent pourtant à proposer un autre modèle prenant plus directement en compte les besoins des victimes. Dans l’état actuel des recherches, il semble que c’est surtout dans l’antimachiavélisme et le tacitisme de la fin du xvie siècle qu’il faille chercher ces précurseurs. Giovanni Botero (1544-1617) est sans conteste celui qui fournit la réflexion la plus développée dans son Della Ragion di stato31 publié en 1589. Ce traité, qui dès la première page critique le cynisme de Machiavel, définit véritablement la catastrophe naturelle comme un objet parmi d’autres de l’art de gouverner. Pour Botero, les conséquences humanitaires des catastrophes, qu’il nomme « publiche calamità » ou encore « publichi disastri32 », doivent expressément susciter la libéralité du prince. Dans le chapitre intitulé Della liberalità, il étend ouvertement le champ d’application de la libéralité princière, c’est-à-dire le champ d’application du don politique, aux situations de détresse conjoncturelle massive. Il entend par là les situations de famine, de cherté et de peste, ce qui n’est guère original par rapport à la pensée médiévale, mais aussi, et cela est beaucoup plus neuf, aux situations de tremblement de terre, d’inondation, d’incendie, « o altro simile accidente33 ». Les devoirs de la Miséricorde chrétienne et la reproduction des vertus exemplaires de l’Antiquité doivent en ce domaine guider le prince soucieux de ses sujets. Ainsi, comme l’enseignent les Écritures, il n’est pas œuvre « piu regia, ne piu divina » que de secourir les miséreux, et en même temps le prince doit se conduire en père pour son peuple, tout comme l’avait fait par exemple en son temps l’empereur Titus qui consolait les affligés par l’envoi de lettres et d’effets34. Allant plus loin encore dans cette direction, le juriste élabore en même temps les bases d’une véritable instrumentalisation politique de la catastrophe et du drame. Il aborde alors le problème de la représentatitvité du pouvoir. A minima en effet, et même en cas d’incapacité à venir véritablement en aide aux sinistrés par de l’argent, le prince doit selon lui au moins affecter ostensiblement sa compassion devant la tragédie. Pour Botero, l’expression politique des émotions a pour objectif de susciter l’amour du peuple, et par voie de conséquence de renforcer la souveraineté du pouvoir : « En réalité, les désastres publics sont la propre matière, et la meilleure occasion qui puisse se présenter à un Prince pour gagner l’âme et le cœur de ses sujets. Alors, [en de telles occasions], il faut semer le grain de la bienfaisance35. »

    15Se faisant, Botero opère un double glissement par rapport à certaines conceptions politiques de son époque. D’abord, là où Machiavel répond par l’affirmative à la célèbre question s’il convient mieux d’être craint ou d’être aimé pour conserver le pouvoir, Botero soutient clairement l’inverse. Pour lui, le prince doit inspirer l’amour et cultiver l’humanità, la cortezià et la clemenzia36. Dans cette perspective, le désastre humanitaire représente donc un levier pour fortifier la souveraineté du pouvoir. Ensuite, il juge par conséquent nécessaire de ne pas laisser un tel outil aux mains d’initiatives privées, afin que le peuple ne soit pas redevable d’un autre puissant en mesure de faire concurrence au pouvoir souverain. Botero définit alors une nouvelle casuistique de la catastrophe. À ses yeux, celle-ci ne doit plus relever de la sphère privée, mais doit nécessairement être appréhendée comme un événement collectif et public, à la seule charge du prince37. C’est le sens des expressions de « publiche calamità » et de « publiche disastri » qui ne sont rien de moins que des néologismes tendant à normaliser la construction de nouveaux dispositifs de gouvernement.

    16Pour les théoriciens de l’art de gouverner du xvie siècle, le miroir des pratiques antiques constitue évidemment une somme d’exemples. Le recours à l’Antiquité contribua beaucoup à la redéfinition de la libéralité princière. Dans le domaine de la politisation des catastrophes, la mode du tacistisme a donc pu constituer un deuxième foyer de réflexion important en inventant une figure tutélaire promise à un grand avenir : l’empereur Tibère. Sous le Haut-Empire, le princeps pouvait en effet agir directement en faveur des victimes de catastrophes naturelles, par la mise en place de dispositifs d’urgence alliant aide matérielle et ostentation du pouvoir. Il n’est pas rare de trouver dans les annales romaines des exemples d’envois de subventions massives et de représentants des autorités sur les lieux sinistrés. La réaction de Tibère après le séisme qui détruisit douze villes de l’Asie mineure en 17 apr. J.-C. constitue sans aucun doute l’épisode le plus célèbre de ce genre de sollicitude impériale. Selon Tacite, l’empereur aurait débloqué une somme de dix millions de sesterces pour la cité de Sardes et dépêché sur les lieux des représentants pour guider l’effort de reconstruction38.

    17S’appuyant sur une lecture politique des Annales de l’historien romain, le « tacitisme » tel qu’il se développe à parti des années 158039 contribue à répandre comme un poncif de la littérature politique l’attitude de Tibère face à cet événement. Le juriste italien Annibale Scoto par exemple, qui publie en 1589 l’un des premiers commentaires politiques des Annales, glose de manière très claire le passage relatif au tremblement de terre de 17 apr. J.-C. : « Il est juste que le prince se montre libéral et généreux de ses biens envers ceux qui se sont trouvés affligés non par leur faute mais par un accident40. » Plus loin, il normalise le fait d’envoyer directement sur les lieux du drame un représentant du pouvoir. Ce faisant, il traite la politique providentielle de Tibère comme un modèle, et commence de plus à élaborer à travers la notion d’« accident » une réflexion sur la non-responsabilité des personnes, essentielle à la reconnaissance juridique d’un statut de victime – ou du moins d’un statut de sinistré digne de recevoir de l’aide. L’idée est loin d’être neutre dans une société chrétienne qui se pose encore la question de la culpabilité des victimes en contexte de catastrophes, perçues comme la juste rétribution des péchés. Derrière la figure de Tibère, la sollicitude automatique du pouvoir envers d’innocentes victimes commene seulement à faire son chemin, d’autant plus efficacement que les spécialistes de la question sont souvent proches des milieux de pouvoir. En 1599, quelques années seulement après les commentaires de Scoto, une compilation en français des différents commentaires des Annales de Tacite attribuée à Jean Baudoin, un habitué de la cour de la reine Marguerite, reprend ainsi ce même argument, et ajouta que « le prince se doibt monstrer liberal envers ceux qui par accident ont esté affligez41 ».

    18Cette conception du « bon gouvernement » du désastre se glisse en cette fin de xvie siècle plus largement au rang des représentations sociales. Revenant aux récits de catastrophes naturelles, on constate que le thème de l’assistance des autorités envers les victimes, autrement dit la mise en scène du politique, y devient au même moment un élément de la théâtralisation des événements traumatique. Les auteurs d’occasionnels n’hésitent pas à faire usage d’images fortes qui contribuent à la fabrication et au renforcement d’un imaginaire politique spécifique. C’est le cas presque caricatural du récit diffusé en 1570 de l’inondation ayant touché la ville de Lyon le 2 décembre de la même année. L’auteur, certainement un proche des autorités lyonnaises, met en effet l’accent sur l’investissement actif du gouverneur et de ses hommes. Ce dernier est dépeint littéralement les pieds dans l’eau, s’affairant à la rescousse des personnes emportées par la violence du courant. Le narrateur entend illustrer par cet acte « le soing, diligence, peine, & affection & compassion » du gouverneur pour ses administrés, tandis que les « gentilshommes » qui l’appuient dans sa démarche « donnoyent un merveilleux exemple à tout le peuple de leur magnanimité, & d’une humanité tres-remarquable42 ».

    Conclusion

    19L’évolution qui s’observe dans les traités politiques et les récits de catastrophes semble témoigner d’une évolution large de la sensibilité européenne face à la souffrance sociale. Elle se joue en parallèle d’une évolution qui touche toute l’Europe à compter des années 1520 et que l’on appelle la « révolution de l’assistance ». Progressivement, le phénomène est bien connu, les villes se dotèrent de nouvelles institutions de charité qui avaient pour but de répondre à l’inquiétude grandissante des élites face au problème de la pauvreté. Comme le montrent bien les travaux de Michel Mollat43 ou de Jean-Pierre Gutton44, la pauvreté était progressivement devenue un problème considéré comme un fléau social. Les autorités locales modifièrent donc en parallèle leur prise en charge des pauvres. Un effort de distinction théorique entre les « bons » et les « mauvais » pauvres fut l’un des effets les plus importants de cette évolution, dont on connaît le paradoxe : d’un côté les autorités locales, prenant le relais de l’Église, s’investirent plus fortement dans la distribution des aumônes, cherchant même à monopoliser la distribution de la charité, de l’autre elles prenaient des mesures d’exclusion de plus en plus radicales contre les pauvres jugés indignes de cette charité publique (mendiants professionnels, beguards, etc.). Il semble que cette discussion contribua entre autres à donner un statut inédit aux victimes de catastrophes. L’idée tout à fait fondamentale d’accorder une reconnaissance, une dignité, aux pauvres conjoncturels est en effet en formation dans la littérature concernant l’assistance au xvie siècle. Ainsi, dans le célèbre De subventione pauperum qu’il rédige en 1525 à l’attention des échevins de Bruges, Juan Luis Vives consacre un chapitre spécial au cas des personnes sur lesquelles « s’abat un événement soudain ». Il s’agit selon son texte des otages, des personnes emprisonnées pour cause de dette, mais aussi des victimes d’incendie, de naufrage ou d’inondation. Ce faisant, il les met bien sur un pied d’égalité avec les pauvres plus traditionnellement aidés, c’est-à-dire ceux à qui manquent quotidiennement les biens nécessaires45.

    20Cette nouvelle catégorisation déborde largement des limites du recadrage institutionnel de l’assistanat social. Elle résulte également d’un glissement théologique sur la notion même d’événement naturel et d’une modification de la sensibilité. Suite à une inondation survenue en 1470, les échevins d’une ville comme Würzburg enquêtaient encore en effet, avant d’agir, afin de déterminer si la catastrophe avait eu lieu accidentellement ou selon la volonté de Dieu46. Dans le second cas de figure, la charité ne pouvait évidemment pas être octroyée à des coupables. Cette interrogation, qui résume le positionnement de l’homme médiéval face à la catastrophe, a lourdement influencé les dispositifs de gouvernement et peut expliquer la quasi-absence de toute prise en charge directe de l’urgence humanitaire à cette époque. Gerrit J. Schenk a repéré le même genre de logique parmi les responsables de la Commune de Florence suite à l’inondation de l’Arno en 133347. À la fin du xvie siècle, Annibale Scoto ou Giovanni Botero, faisant automatiquement référence à la notion d’« accident » pour qualifier les catastrophes témoignent d’une perception différente. En fait, ils témoignent non pas d’une sécularisation de l’événement catastrophique, mais de la réorientation, à l’intérieur du cadre chrétien, de la réflexion à ce sujet : progressivement, on accorde une dignité de fait aux victimes de désastres. Et si la logique rétributive reste de mise, notamment dans les occasionnels, la sensibilité à la souffrance collective change de forme. Elle devient l’objet même de l’indicible de l’événement, dont le sens repose dès lors en priorité sur le drame des victimes que l’on doit compter, nommer, raconter et mémoriser. Dorénavant, la détresse humaine est un objet moral et donc, politique.

    *

    21Ce travail, réalisé dans le cadre d’un post-doctorat financé par la fondation Alexander-von-Humboldt, et mené au sein de l’Institut für Geschichte de l’université technique de Darmstadt.

    Notes de bas de page

    1  Une définition parmi des dizaines d’autres : Helly B., « La catastrophe, un fait social », Buchet L., Rigeade C., Segy I. et Signolli M. (dir.), Vers une anthropologie des catastrophes. Actes des 9e journées anthropologiques de Valbonne (22-24 mai 2007), Valbonne, 2009, p. 49 : « Il n’y a catastrophe que lorsque l’homme est impliqué, principalement comme victime. »

    2  Erner G., La société des victimes, Paris, La Découverte, 2006.

    3  Revault D’Allones M., L’homme compassionnel, Paris, Seuil, 2008.

    4  Revet S. et Langumier J. (dir.), Le gouvernement des catastrophes, Paris, Karthala, 2013, p. 13.

    5  Fassin D., La raison humanitaire. Une histoire morale du temps présent, Paris, Gallimard, 2010, p. 319.

    6  Voir également sur cette question, Fassin D. et Rechtman R., L’empire du traumatisme. Enquête sur la condition de victime, Paris, Flammarion, 2007.

    7  Clavandier G., La mort collective. Pour une sociologie des catastrophes, Paris, CNRS, 2004.

    8  Quenet G., Les tremblements de terre aux xviie et xviiie siècles : la naissance d’un risque, Seyssel, Champ Vallon, 2005.

    9  Voir Mercier-Faivre A.-M. et Thomas C. (dir.), L’invention de la catastrophe au xviiie siècle. Du châtiment divin au désastre naturel, Genève, Droz, 2008.

    10  Meyer W., Da verfiele Basel überall. Das Basler Erdbeben von 1356, Bâle, Schwabe, 2006, p. 25.

    11  Schwarz-Zanetti G., Gisler M. et Domat F., « Interdisziplinäre Rekonstruktion des Basler Erdbebens von 1356 an der ETH Zürich : ein Werkstattbericht », Mittelalter : Zeitschrift des Schweizerischen Burgenvereins, n° 11, 2006, p. 142.

    12  Texte édité dans Meyer W., Da verfiele Basel überall, op. cit., p. 197.

    13  Texte édité dans ibid., p. 191.

    14  Texte édité dans Wackernagel W., « Das Erdbeben von 1356 in den Narichten der Zeit und der Folgezeit bis auf Christian Wurtsen », Basler in Vierzehnten Jahrhundert, Bâle, 1856, p. 227.

    15  Par exemple dans le De otio religioso, il évoque l’horreur que lui inspire la ville détruite, mais n’aborde en aucun cas le thème de la mort des victimes (De otio religioso. Le repos religieux (1346-1357), C. Carraud [éd.], Grenoble, J. Millon, 2000, p. 150-153) ; voir également une lettre écrite en 1367 : « Ad Guidonem septem archiepyscopum Ianuensem (De mutatione temporum) », Lettera ai posteri, éd. G. Villani, Rome, 1990, p. 131-135.

    16  Texte édité dans Wackernagel W., « Das Erdbeben von 1356 in den Narichten der Zeit und der Folgezeit bis auf Christian Wurtsen », art. cité, p. 136-137.

    17  Fouquet G., « Für eine Kulturgeschichte der Naturkatastrophen. Erdbeben in Basel 1356 und Großfeuer in Frankenberg 1476 », Ranft A. et Selzer S. (dir.), Städte aus Trümmern. Katastrophenbewältigung zwischen Antike und Moderne, Göttingen, Vandenhoeck et Ruprecht, 2004, p. 107 et p. 117.

    18  Il s’agit de la double thèse du « numberlessness » et de « l’exaggeration » développée par Murray A., Reason and Society in the Middle Ages, Oxford, 1986 (1978), p. 141-210 ; sur la mesure au Moyen Âge, voir également Guerreau A., « Misura et Metrici dans la Vulgate », Micrologus, t. 19, La misura – Measuring, Florence, 2011, p. 3-20.

    19  Figliuolo B., Il terremoto del 1456, 2 vol., Altavilla Silentina, 1990.

    20  Giannozzo Manetti, De terrraemotu libri tres, éd. et trad. D. Molin et C. Scopelliti, Rome, 1983 (traduction italienne du texte original latin).

    21  C’est le cas des chroniqueurs Christian Wurstisen, Werner Schodoler, Sebastian Münster, Johannes Stumpf et Aegidius Tschudi ; voir Meyer W., Da verfiele Basel überall…, op. cit., p. 101-102.

    22  Conrad Justinger (Die berner Chronik, éd. G. Studer, Berne, 1871, p. 122) ; texte édité dans Meyer W., Da verfiele Basel überall…, op. cit., p. 199.

    23  Ibid., p. 146.

    24  Ibid., p. 114.

    25  Ibid., p. 146.

    26  Édition utilisée : Francesco Petrarca, « How a Ruler ought to govern his State », trad. B. G. Kohl, dans Kohl B. J., Witt R. G. et Wells E. B., The Earthly Republic. Italian Humanists on Governement and Society, Manchester, Manchester Univ. Press, 1978, p. 25-78.

    27  Wagner Marcus, Warhafftige geschicht eines grausamen Wetters, geschehen zu Burgkthonna in Thüringen, den Dienstag nach Vocem Iocunditatis, Erfurt, durch Merten von Dolgen, 1558 ; en ligne, Bayerische StaatsBibliothek, Münchener DigitalisierungsZentrum.

    28  Par exemple, pour une inondation en 1565, toujours en Thuringe : Newe Zeitung, Warhafftige Beschreibung des grossen erschrocklichen Gewessers so nit einem Regen/sondern einer zimlicher Sundflut ehnlich gewesen/sich auff S. Annenberge und in andern umbliegenden Stetten und Dörffern mit mercklichen schaden hat zugetragen Im Jar 1565. Den 21. Julii… durch M. Phlippum Wagner pfarrhern und Supperattendentem daselbs, durch Nicolaum Knoum, Nürnberg.

    29  Le terme n’est pas inconnu du vocabulaire médiéval, mais son acception était avant tout d’ordre astrologique ; voir Schenk G. J., « Dis-astri. Modelli interpretativi delle calamità naturali dal Medioevo al Rinascimento », Matheus M., Piccinni G., Pinto G. et Varanini G. M. (dir.), Le calamità ambientali nel tardo Medioevo europeo, Florence, Firenze Univ. Press, 2010, p. 23-75.

    30  O’Dea M., « Le mot “catastrophe” », L’invention de la catastrophe au xviiie siècle, op. cit., p. 35-48.

    31  Édition utlisée : Della ragion di stato libri dieci, Con tre Libri delle Cause della grandezza delle Città del sig. Giovanni Botero, Venise, I. Gioliti, 1598 ; voir également pour une traduction française récente et une introduction sur l’auteur, Giovanni Botero, De la raison d’État (1589-1598), éd. P. Benedittini et R. Descendre, Paris, Gallimard, 2014.

    32  Ibid., p. 42.

    33  Ibid., p. 42.

    34  Ibid., p. 42.

    35  Ibid., p. 42-43 : « Et in vero i publichi disastri sono la propria materia, e la miglior occasione, che si possa appresentare ad un Prencipe di guadagnarsi gli animi, & i cuori de’ suoi, allora bisogna sparger i semi della benivolenza. »

    36  Ibid., p. 20.

    37  Ibid., p. 43.

    38  Sur ces exemples et ce sujet, voir Bérenger-Badel A., « Les séismes dans la documentation épigraphique et numismatique sous le Haut-Empire : entre élaboration de la mémoire et reconstruction de l’événement », Favier R. et Granet-Abisset A.-M. (dir.), Récits et représentation des catastrophes depuis l’Antiquité, op. cit., p. 161-173.

    39  Bermejo S. M., « Pensée politique, surinterprétation et histoire classique. La réception de Tacite à l’âge moderne », Anabases, n° 13, 2011, p. 276-281 ; Gorris Camos R., « “La France estoit affamée de la lecture d’un tel historien” : lectures de Tacite », Bohler D. et Magnien C. (dir.), Écritures de l’histoire (xive-xvie siècle), Genève, Droz, 2005, p. 113-141.

    40  Annabalis Scoti placentini comitis et jurisconsulti, in P. Cornelii Taciti annales, et historias commentarii ad politicam, & aulicam rationem preacipue spectantes, Rome, Bartholomeus Grassium, 1589, p. 102 : « Aequum est Principem se exhibere munificium, etiam largiendo de suo, erga illos, qui nulla sua culpa, sed casu afflicti reperiuntur. »

    41  Les œuvres de C. Cornelius Tacitus, chevalier romain…, par P. D. B, Paris, chez Marc Orry, 1599, p. 124.

    42  Discours sur l’espouvantable & merveilleux desbordement du Rosne dans & à lentour de la ville de Lyon, & sur les misères & calamités qui y sont advenues, Lyon, chez Benoist Rigaud, 1570 ; [gallica. bnf.fr].

    43  Mollat M., Les pauvres au Moyen Âge, Paris, Hachette, 1978.

    44  Gutton J.-P., La société et les pauvres en Europe (xvie-xviiie siècles), Paris, PUF, 1978.

    45  Ioannis Lodovico Vivis Valentini De subventione pauperum libri II, II, 7, Lyon, chez Melchior et Gaspard Trechel, 1532, fol. 57 v° : « Nec succurrendum modo pauperibus, qui iis carent quae in diem ad vitam pertinet, sed illis etiam, quibus subitus aliquis casus ingruit, velut captivitas in bello, carcer ob debita, incendium, naufragium, eluvies, multa morborum genera, denique innumera fortuita, quae honestas affligunt domos. »

    46  Sprandel R., Das Würzburger Ratsprotokoll des 15. Jahrhunderts. Eine historisch-systematisch Analyse, Würzburg, 2003, p. 70.

    47  Schenk G. J., « L’alluvione del 1333. Discorsi sopra un disastro naturale nella Firenze medievale », Medioevo e Rinascimento, Annuario del Dipartimento di Studi sul Medioevo e il Rinascimento dell’Università di Firenze, n. s. xviii, 2007, p. 49.

    Auteur

    • Thomas Labbé
      UMR 6298 ARTeHIS, université de Bourgogne ; Institüt für Geschichte, Technische Universität Darmstadt
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    1  Une définition parmi des dizaines d’autres : Helly B., « La catastrophe, un fait social », Buchet L., Rigeade C., Segy I. et Signolli M. (dir.), Vers une anthropologie des catastrophes. Actes des 9e journées anthropologiques de Valbonne (22-24 mai 2007), Valbonne, 2009, p. 49 : « Il n’y a catastrophe que lorsque l’homme est impliqué, principalement comme victime. »

    2  Erner G., La société des victimes, Paris, La Découverte, 2006.

    3  Revault D’Allones M., L’homme compassionnel, Paris, Seuil, 2008.

    4  Revet S. et Langumier J. (dir.), Le gouvernement des catastrophes, Paris, Karthala, 2013, p. 13.

    5  Fassin D., La raison humanitaire. Une histoire morale du temps présent, Paris, Gallimard, 2010, p. 319.

    6  Voir également sur cette question, Fassin D. et Rechtman R., L’empire du traumatisme. Enquête sur la condition de victime, Paris, Flammarion, 2007.

    7  Clavandier G., La mort collective. Pour une sociologie des catastrophes, Paris, CNRS, 2004.

    8  Quenet G., Les tremblements de terre aux xviie et xviiie siècles : la naissance d’un risque, Seyssel, Champ Vallon, 2005.

    9  Voir Mercier-Faivre A.-M. et Thomas C. (dir.), L’invention de la catastrophe au xviiie siècle. Du châtiment divin au désastre naturel, Genève, Droz, 2008.

    10  Meyer W., Da verfiele Basel überall. Das Basler Erdbeben von 1356, Bâle, Schwabe, 2006, p. 25.

    11  Schwarz-Zanetti G., Gisler M. et Domat F., « Interdisziplinäre Rekonstruktion des Basler Erdbebens von 1356 an der ETH Zürich : ein Werkstattbericht », Mittelalter : Zeitschrift des Schweizerischen Burgenvereins, n° 11, 2006, p. 142.

    12  Texte édité dans Meyer W., Da verfiele Basel überall, op. cit., p. 197.

    13  Texte édité dans ibid., p. 191.

    14  Texte édité dans Wackernagel W., « Das Erdbeben von 1356 in den Narichten der Zeit und der Folgezeit bis auf Christian Wurtsen », Basler in Vierzehnten Jahrhundert, Bâle, 1856, p. 227.

    15  Par exemple dans le De otio religioso, il évoque l’horreur que lui inspire la ville détruite, mais n’aborde en aucun cas le thème de la mort des victimes (De otio religioso. Le repos religieux (1346-1357), C. Carraud [éd.], Grenoble, J. Millon, 2000, p. 150-153) ; voir également une lettre écrite en 1367 : « Ad Guidonem septem archiepyscopum Ianuensem (De mutatione temporum) », Lettera ai posteri, éd. G. Villani, Rome, 1990, p. 131-135.

    16  Texte édité dans Wackernagel W., « Das Erdbeben von 1356 in den Narichten der Zeit und der Folgezeit bis auf Christian Wurtsen », art. cité, p. 136-137.

    17  Fouquet G., « Für eine Kulturgeschichte der Naturkatastrophen. Erdbeben in Basel 1356 und Großfeuer in Frankenberg 1476 », Ranft A. et Selzer S. (dir.), Städte aus Trümmern. Katastrophenbewältigung zwischen Antike und Moderne, Göttingen, Vandenhoeck et Ruprecht, 2004, p. 107 et p. 117.

    18  Il s’agit de la double thèse du « numberlessness » et de « l’exaggeration » développée par Murray A., Reason and Society in the Middle Ages, Oxford, 1986 (1978), p. 141-210 ; sur la mesure au Moyen Âge, voir également Guerreau A., « Misura et Metrici dans la Vulgate », Micrologus, t. 19, La misura – Measuring, Florence, 2011, p. 3-20.

    19  Figliuolo B., Il terremoto del 1456, 2 vol., Altavilla Silentina, 1990.

    20  Giannozzo Manetti, De terrraemotu libri tres, éd. et trad. D. Molin et C. Scopelliti, Rome, 1983 (traduction italienne du texte original latin).

    21  C’est le cas des chroniqueurs Christian Wurstisen, Werner Schodoler, Sebastian Münster, Johannes Stumpf et Aegidius Tschudi ; voir Meyer W., Da verfiele Basel überall…, op. cit., p. 101-102.

    22  Conrad Justinger (Die berner Chronik, éd. G. Studer, Berne, 1871, p. 122) ; texte édité dans Meyer W., Da verfiele Basel überall…, op. cit., p. 199.

    23  Ibid., p. 146.

    24  Ibid., p. 114.

    25  Ibid., p. 146.

    26  Édition utilisée : Francesco Petrarca, « How a Ruler ought to govern his State », trad. B. G. Kohl, dans Kohl B. J., Witt R. G. et Wells E. B., The Earthly Republic. Italian Humanists on Governement and Society, Manchester, Manchester Univ. Press, 1978, p. 25-78.

    27  Wagner Marcus, Warhafftige geschicht eines grausamen Wetters, geschehen zu Burgkthonna in Thüringen, den Dienstag nach Vocem Iocunditatis, Erfurt, durch Merten von Dolgen, 1558 ; en ligne, Bayerische StaatsBibliothek, Münchener DigitalisierungsZentrum.

    28  Par exemple, pour une inondation en 1565, toujours en Thuringe : Newe Zeitung, Warhafftige Beschreibung des grossen erschrocklichen Gewessers so nit einem Regen/sondern einer zimlicher Sundflut ehnlich gewesen/sich auff S. Annenberge und in andern umbliegenden Stetten und Dörffern mit mercklichen schaden hat zugetragen Im Jar 1565. Den 21. Julii… durch M. Phlippum Wagner pfarrhern und Supperattendentem daselbs, durch Nicolaum Knoum, Nürnberg.

    29  Le terme n’est pas inconnu du vocabulaire médiéval, mais son acception était avant tout d’ordre astrologique ; voir Schenk G. J., « Dis-astri. Modelli interpretativi delle calamità naturali dal Medioevo al Rinascimento », Matheus M., Piccinni G., Pinto G. et Varanini G. M. (dir.), Le calamità ambientali nel tardo Medioevo europeo, Florence, Firenze Univ. Press, 2010, p. 23-75.

    30  O’Dea M., « Le mot “catastrophe” », L’invention de la catastrophe au xviiie siècle, op. cit., p. 35-48.

    31  Édition utlisée : Della ragion di stato libri dieci, Con tre Libri delle Cause della grandezza delle Città del sig. Giovanni Botero, Venise, I. Gioliti, 1598 ; voir également pour une traduction française récente et une introduction sur l’auteur, Giovanni Botero, De la raison d’État (1589-1598), éd. P. Benedittini et R. Descendre, Paris, Gallimard, 2014.

    32  Ibid., p. 42.

    33  Ibid., p. 42.

    34  Ibid., p. 42.

    35  Ibid., p. 42-43 : « Et in vero i publichi disastri sono la propria materia, e la miglior occasione, che si possa appresentare ad un Prencipe di guadagnarsi gli animi, & i cuori de’ suoi, allora bisogna sparger i semi della benivolenza. »

    36  Ibid., p. 20.

    37  Ibid., p. 43.

    38  Sur ces exemples et ce sujet, voir Bérenger-Badel A., « Les séismes dans la documentation épigraphique et numismatique sous le Haut-Empire : entre élaboration de la mémoire et reconstruction de l’événement », Favier R. et Granet-Abisset A.-M. (dir.), Récits et représentation des catastrophes depuis l’Antiquité, op. cit., p. 161-173.

    39  Bermejo S. M., « Pensée politique, surinterprétation et histoire classique. La réception de Tacite à l’âge moderne », Anabases, n° 13, 2011, p. 276-281 ; Gorris Camos R., « “La France estoit affamée de la lecture d’un tel historien” : lectures de Tacite », Bohler D. et Magnien C. (dir.), Écritures de l’histoire (xive-xvie siècle), Genève, Droz, 2005, p. 113-141.

    40  Annabalis Scoti placentini comitis et jurisconsulti, in P. Cornelii Taciti annales, et historias commentarii ad politicam, & aulicam rationem preacipue spectantes, Rome, Bartholomeus Grassium, 1589, p. 102 : « Aequum est Principem se exhibere munificium, etiam largiendo de suo, erga illos, qui nulla sua culpa, sed casu afflicti reperiuntur. »

    41  Les œuvres de C. Cornelius Tacitus, chevalier romain…, par P. D. B, Paris, chez Marc Orry, 1599, p. 124.

    42  Discours sur l’espouvantable & merveilleux desbordement du Rosne dans & à lentour de la ville de Lyon, & sur les misères & calamités qui y sont advenues, Lyon, chez Benoist Rigaud, 1570 ; [gallica. bnf.fr].

    43  Mollat M., Les pauvres au Moyen Âge, Paris, Hachette, 1978.

    44  Gutton J.-P., La société et les pauvres en Europe (xvie-xviiie siècles), Paris, PUF, 1978.

    45  Ioannis Lodovico Vivis Valentini De subventione pauperum libri II, II, 7, Lyon, chez Melchior et Gaspard Trechel, 1532, fol. 57 v° : « Nec succurrendum modo pauperibus, qui iis carent quae in diem ad vitam pertinet, sed illis etiam, quibus subitus aliquis casus ingruit, velut captivitas in bello, carcer ob debita, incendium, naufragium, eluvies, multa morborum genera, denique innumera fortuita, quae honestas affligunt domos. »

    46  Sprandel R., Das Würzburger Ratsprotokoll des 15. Jahrhunderts. Eine historisch-systematisch Analyse, Würzburg, 2003, p. 70.

    47  Schenk G. J., « L’alluvione del 1333. Discorsi sopra un disastro naturale nella Firenze medievale », Medioevo e Rinascimento, Annuario del Dipartimento di Studi sul Medioevo e il Rinascimento dell’Università di Firenze, n. s. xviii, 2007, p. 49.

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    Ce livre est cité par

    • Frioux, Stéphane. (2020) L’histoire environnementale, hier, aujourd’hui… et demain !. Natures Sciences Sociétés, 28. DOI: 10.1051/nss/2020025

    Pouvoirs et environnement

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    Labbé, T. (2018). Les victimes de catastrophe naturelle au xve et au xvie siècle : vers une intégration croissante dans le discours et dans les pratiques de gouvernement. In R. Morera, A. Vrignon, & L. Coumel (éds.), Pouvoirs et environnement (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.170968
    Labbé, Thomas. « Les victimes de catastrophe naturelle au xve et au xvie siècle : vers une intégration croissante dans le discours et dans les pratiques de gouvernement ». In Pouvoirs et environnement, édité par Raphaël Morera, Alexis Vrignon, et Laurent Coumel. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2018. https://doi.org/10.4000/books.pur.170968.
    Labbé, Thomas. « Les victimes de catastrophe naturelle au xve et au xvie siècle : vers une intégration croissante dans le discours et dans les pratiques de gouvernement ». Pouvoirs et environnement, édité par Raphaël Morera et al., Presses universitaires de Rennes, 2018, https://doi.org/10.4000/books.pur.170968.

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    Morera, R., Vrignon, A., & Coumel, L. (éds.). (2018). Pouvoirs et environnement (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.170923
    Morera, Raphaël, Alexis Vrignon, et Laurent Coumel, éd. Pouvoirs et environnement. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2018. https://doi.org/10.4000/books.pur.170923.
    Morera, Raphaël, et al., éditeurs. Pouvoirs et environnement. Presses universitaires de Rennes, 2018, https://doi.org/10.4000/books.pur.170923.
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