Introduction à la première partie

1Les sciences humaines tendent à mobiliser les notions de risque et de catastrophe comme des paradigmes généraux capables d’interroger l’ensemble de la société1. Confrontée à une crise écologique globale dont l’accident de Tchernobyl en 1986 a été une sorte de révélateur, et dont le réchauffement climatique est à l’heure actuelle l’expression la plus spectaculaire, les sociétés contemporaines prendraient peu à peu conscience de l’impact de leurs activités sur les écosystèmes et chercheraient les outils adéquats pour adopter une attitude réflexive.

2Il est pourtant possible de faire un usage plus analytique des notions de risque et de catastrophe sans nécessairement mobiliser celles-ci dans le cadre d’un grand récit de la modernité – ou de la postmodernité – dont les caractéristiques et la nouveauté prêtent à débat2. De fait, plutôt que d’envisager le risque et la catastrophe uniquement au travers de l’idée de réflexivité, il est possible – et c’est la perspective adoptée par quatre contributions à cet ouvrage – d’en faire un outil heuristique pour comprendre une société donnée, notamment dans les rapports des individus à la puissance publique3.

3Thomas Labbé analyse ainsi la place croissante occupée par les victimes de catastrophes naturelles dans les discours et dans les pratiques de gouvernement à partir des xv^e et xvi^e siècles. Il démontre alors combien l’assistance aux victimes devient un devoir pour le prince qui peut espérer en tirer un bénéfice politique. Au-delà du secours, nécessaire après une catastrophe.

4Dans son article consacré aux inondations en France au xix^e siècle, Jérôme Grévy relève quant à lui que face à la catastrophe, le discours fataliste devant l’incapacité à maîtriser la nature voisine avec l’action de plus en plus forte des pouvoirs publics pour secourir les victimes et surtout pour comprendre le phénomène de manière à ce qu’il ne se reproduise pas. De son côté, Cloé Vallette souligne combien la mise en risque d’un territoire – en l’occurrence la Grande Aire métropolitaine de San José (Costa Rica) – durant le xx^e siècle est indissociable du périmètre d’action des pouvoirs publics et de l’émergence d’un État providence au niveau central et local. Dans ce domaine, la gestion des risques sanitaires et environnementaux n’est pas uniquement une source de légitimation pour les pouvoirs mais aussi une menace de déstabilisation si leur action est jugée inefficace par les acteurs directement exposés aux risques : un instrument à double tranchant donc.