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    Plan détaillé Texte intégral Écrire par-dessus la brèche : l’écriture comme geste et comme signe d’un temps nouveauL’avenir se dérobeAprès l’annonce et le départ : le temps des premières expériences de guerreLe temps long de l’année terrible et les aménagements du temps de guerre Notes de bas de page Auteur

    La France en guerre

    Ce livre est recensé par

    • Emmanuel Debruyne, Revue d’histoire du XIXe siècle, mis en ligne le 28 février 2020. URL : https://journals.openedition.org/rh19/6781 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rh19.6781
    • Benjamin W. L. Derhy Kurtz, Questions de communication, mis en ligne le 16 novembre 2020. URL : https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/22693 ; DOI : https://doi.org/10.4000/questionsdecommunication.22693
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    Table des matières

    Entrer dans une « Grande Guerre » par une année terrible

    Temporalités du basculement dans le premier conflit mondial 1914-1915

    Nicolas Beaupré

    p. 41-52

    Texte intégral Écrire par-dessus la brèche : l’écriture comme geste et comme signe d’un temps nouveauL’avenir se dérobeAprès l’annonce et le départ : le temps des premières expériences de guerreLe temps long de l’année terrible et les aménagements du temps de guerre Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1La question de l’entrée en guerre de 1914 a suscité d’innombrables travaux. Les premiers livres blancs et autres recueils de documents parus dès 1914 étaient relatifs à cette question. Le traité de Versailles, qui dans son article 231 faisait de l’Allemagne la responsable du déclenchement de la guerre, était une condamnation morale de cette dernière mais aussi une interprétation historique du déclenchement dans le conflit :

    « Les Gouvernements alliés et associés déclarent et l’Allemagne reconnaît que l’Allemagne et ses alliés sont responsables, pour les avoir causés, de toutes les pertes et de tous les dommages subis par les Gouvernements alliés et associés et leurs nationaux en conséquence de la guerre, qui leur a été imposée par l’agression de l’Allemagne et de ses alliés1. »

    2Les premiers débats historiographiques internationaux des années vingt et trente2 étaient relatifs à cette question des responsabilités. Ils resurgirent du reste avec vigueur après la parution des ouvrages de Fritz Fischer en Allemagne dans les années soixante3. La parution du livre de Christopher Clark, Les somnambules4, son énorme succès et les discussions parfois animées qu’il a suscitées en Allemagne5, en Grande-Bretagne ou encore en Serbie témoigne encore de l’intérêt de nombreux historiens et du public pour ce genre de problématique.

    3Pourtant, il y a maintenant quarante ans, Jean-Jacques Becker, élève de Pierre Renouvin, historien ayant joué un rôle majeur dans les discussions sur les responsabilités, avait, avec sa thèse d’État publiée en 19776, initié un changement de paradigme dont les effets se font encore sentir jusqu’à aujourd’hui. Il avait en effet à la fois déplacé son regard des décisionnaires à la société et largement laissé de côté la question du « pourquoi » l’entrée en guerre pour lui préférer le « comment ».

    4Les principaux résultats de ce travail sont bien connus. Il a remis en cause le dogme de « la fleur au fusil » et mis en évidence une forme de résolution – parfois de résignation – défensive qui structure l’attitude des populations en août 1914. Surtout, il a ouvert la voie à de nombreux travaux qui, jusqu’à très récemment, réexaminent cette question de l’entrée en guerre en France ou dans d’autres pays.

    5Jean-Jacques Becker avait aussi, à la fin de son livre, de manière précoce, mis le doigt sur une question qui va en partie retenir notre attention dans cet article, celle des temporalités, des rapports au temps et anticipations de la durée de la guerre, notamment suite à la publication du communiqué du 29 août « Situation inchangée de la Somme aux Vosges » qui semble provoquer un sentiment de stupeur comparable à l’entrée en guerre et provoquer selon lui un second basculement dans le temps de la guerre7.

    6Le but de cette contribution est donc de tenter une analyse nécessairement rapide de la manière dont les contemporains, en France, se sont représentés – ou non – le changement d’époque que représentèrent les années 1914-1915. Les dix-sept premiers mois de guerre, qui pour la France, furent véritablement les plus meurtriers et peut-être, les plus terribles de tout le conflit.

    7Depuis les travaux de Maurice Halbwachs puis ceux de Pierre Nora, Aleida et Jan Assmann ou Harald Weinrich (pour ne prendre que quelques exemples dans des disciplines aussi diverses que l’histoire, la sociologie, l’anthropologie historique ou les études littéraires et artistiques), les recherches interdisciplinaires sur la mémoire collective et l’histoire des politiques du passé se sont multipliées. Mais ce n’est que récemment que les historiens ont pris la pleine mesure de la définition de Marc Bloch pour qui l’histoire n’était pas l’étude ou la science du passé mais la « science des hommes dans le temps8 » et qu’ils ont donc fait du rapport entretenu par les contemporains d’une époque avec le temps qu’ils vivent un objet historique plein et entier. Comme le souligne fort justement le psychanalyste Jacques André, « le temps n’est pas seulement la toile de fond de la réflexion de l’historien, il en est aussi l’objet, il y a une histoire du temps9 ». Des historiens et théoriciens de l’histoire comme Reinhart Koselleck avec le double concept des « champs d’expérience » et des « horizons d’attente10 » et plus récemment François Hartog avec les « régimes d’historicité11 » ou encore la réflexion menée sur les temporalités12 ont forgé des outils et concepts opératifs permettant de penser la manière dont les hommes d’une époque vivent, perçoivent, pensent et représentent le temps dans lequel ils vivent et comment ils l’articulent avec leurs passés (proche et vécu mais aussi lointains et fantasmés) et la manière dont ils envisagent leur avenir. De fait, les travaux en ce domaine commencent à faire florès13 et à montrer tout l’intérêt qu’il peut y avoir à se pencher sur l’inscription dans le temps des contemporains d’une époque. Il s’agit dès lors ici même de traquer, dans les sources et en particulier les égo-documents de toutes natures, le rapport que les contemporains entretiennent avec leur temps au singulier et leurs temps au pluriel.

    8Comment appréhendent-ils l’instant, comme moment et comme époque, le passé, l’avenir, mais aussi les rythmes du temps ? Dans cette recherche, nous avons bien conscience d’être moins dans la recherche d’une représentativité de la parole que dans l’accumulation d’indices. À partir de ces traces éparses et souvent très ténues, nous entendons néanmoins tenter de tisser la toile du temps de l’entrée en Grande Guerre, comme basculement mais aussi, peu à peu, comme durée. Sentiment d’une accélération des rythmes du temps, conscience de vivre un moment historique, un changement de siècle, parenthèse meurtrière ou brutale confiscation de l’avenir, moment initiatique : autant de modes de représentations de la temporalité de l’entrée en guerre qu’il s’agit finalement de débusquer.

    Écrire par-dessus la brèche : l’écriture comme geste et comme signe d’un temps nouveau

    9Les contemporains semblent bel et bien – plus ou moins rapidement et avec plus ou moins d’acuité – avoir eu conscience de vivre non seulement des moments extraordinaires au sens littéral du mot mais également une brèche dans le temps qui allait séparer leur vie d’avant de ce qui allait suivre, dans l’ombre portée du conflit qui s’ouvrait. Pour certains, cette brèche était même, au-delà de leur expérience individuelle, un changement d’époque dont ils percevaient qu’il allait bouleverser non seulement le monde dans lequel ils se mouvaient, mais plus largement les sociétés à l’échelle européenne ou mondiale.

    10Mais déjà à un niveau plus personnel, l’un des signes les plus tangibles de cette prise de conscience fut la multiplication soudaine des épistoliers, des diaristes et des poètes qui escortèrent cette entrée en guerre. Le réflexe épistolier est bien compréhensible et résulte d’une brisure de l’espace intime par la guerre14 : Étienne Tanty l’explique à son père avec une économie de moyen qui n’a d’égale que son laconisme : « Tu vas te demander pourquoi je t’écris. Effet de la guerre15. » La séparation se traduit par un réaménagement des attaches par le truchement de la correspondance qui devient ce lieu où se noue le lien entre l’espace et le temps de la guerre. L’entrée en guerre se traduit en effet par une coupure, une rupture qui est concomitamment temporelle et spatiale. Les gares, et spécialement les gares des grandes villes où se concentrent les troupes en partance et où les soldats quittent une dernière fois leurs proches, sont un seuil à la fois spatial qui sépare et relie ce qu’on appelle désormais « l’arrière » et « l’avant » – bientôt le « front » – et ce qui sépare le temps d’avant du temps de la guerre déjà ombragé par la mort. « Le 1er août, la France devint une gare16 » résumait en 1926 l’écrivain et poète Joseph Delteil dans son livre Les Poilus.

    11La lettre est un trait d’union, une réponse à cette brèche intime creusée par le conflit dans l’espace et le temps des millions d’hommes, de femmes et d’enfants affectés directement par cette entrée en guerre. Parfois, les premières lettres portent encore la trace de l’émouvante – d’autant plus émouvante que l’historien, cent ans après, sait qu’elle est vaine – résistance à ce passage. On a beaucoup glosé sur l’idée de la guerre courte chez les généraux, mais cette projection était un imaginaire social partagé en ces premiers jours d’août, car il était tout simplement aussi un mécanisme de défense contre ce temps de guerre qui s’ouvrait, comme un abîme. George R. cartonnier à Paris écrit ainsi à son épouse le 1er août 1914 :

    « Maintenant ma chère Lily ne te désole pas car rien n’est perdu et j’ai le ferme espoir de rentrer prochainement à Paris. Embrasse tout le monde pour moi et je te le répète, dis-le à nos parents, rien n’est perdu et nous rentrerons tous dans nos foyers17. »

    12Quelques jours plus tard, le ton – et avec lui le rapport au temps – a déjà changé même s’il se veut encore rassurant, s’adressant autant à femme qu’à lui-même :

    « Donc ma Lily sois courageuse et ne pleure pas et je résume ma lettre par deux mots : Patience et courage18. »

    13Le choix de l’écriture du journal intime résulte lui d’un rapport particulier au temps qui passe. Son émergence historique au sein des classes supérieures de la société occidentale est très étroitement liée à l’invention des instruments de mesure du temps, horloges, calendriers, agendas19… Du point de vue individuel, la pratique du journal intime peut être étroitement liée à des moments de déchirure du temps ordinaire de la vie quotidienne, causés par exemple par une rupture, un deuil ou par l’irruption de la passion amoureuse ou encore, plus simplement, un voyage.

    14Le jeune étudiant à l’école de santé des armées de Lyon, Lucien Laby20, sans évoquer « à aucun moment les motifs qui le poussent à écrire21 » commence ses « feuilles de routes » le mardi 28 juillet. Le jeune artiste Lucien Jacques22 débute pour sa part ses Carnets de moleskine le 31 juillet. Le capitaine de gendarmerie Jules Allard23 rédige la première entrée de son carnet le 4 août, qui marque pour lui une nouvelle époque : il inscrit en page de titre « Campagne contre l’Allemagne. Du 4 août 1914 au… ». Les points de suspension sont là pour ouvrir un temps dont il ne sait quand il se refermera mais dont il sait très bien quand il commença. Le jeune peintre breton Émile Madec, dit Milec, ouvre lui son carnet le dimanche 2 août, « premier jour de la mobilisation ». Il l’intitule alors « Campagne 1914. Journal de voyage24 ».

    15L’entrée dans une temporalité différente – ici avec des similarités avec le voyage – n’est pas seulement perceptible dans les sources, dans les dits et écrits, mais elle l’est également par les gestes et les pratiques. Le normalien et italianisant André Pézard avait déjà, entre 1910 et 1913, rédigé sept cahiers de « rêveries » mais il inaugure « en l’honneur de la guerre un carnet neuf très pratique25 » le 1er août 1914. Ce simple geste est somme toute aussi révélateur de cette entrée dans un temps nouveau. L’écrivain Maurice Bedel avait pour sa part commencé son journal en 1910 mais il était tenu avec plus ou moins de régularité. « À partir de la mobilisation générale » écrit Chantal Verdon, « Maurice Bedel consigne quotidiennement ce dont il est témoin ou ce qu’il apprend par les communiqués officiels26 ». Dans ce cas, la tenue du journal devient systématique à mesure que le temps s’épaissit.

    L’avenir se dérobe

    16Par-delà, le choix de l’écriture, les premières lettres ou les premières entrées de journal dévoilent aussi, au-delà des grandes proclamations – qui sont aussi des moyens de se réassurer, de se rassurer – l’inquiétude, voire l’épouvante qui s’empara des contemporains lorsqu’ils réalisèrent que la guerre ouvrait une brèche dans le temps et leur propre existence, et l’entrée dans un temps marqué du sceau de la mort. Daniel Halévy écrit tout simplement dans son journal le 31 juillet : « Journaux terribles. Ce matin-là je sens le déclenchement funèbre27. »

    17Le 2 août, Élie Faure est lui aussi sensible à cette atmosphère « sinistre » selon ses propres mots :

    « Un ange invisible plane au-dessus des toits. Il y a bien encore le bruit des tramways, des voitures, le roulement des roues, les trompes qui brament, il y a encore le mouvement de la foule, ses cris. Mais cette foule n’a plus le même aspect. On sent qu’elle ne va plus à ses affaires. C’est comme une fourmilière dispersée. Les gens ne suivent pas leur route habituelle. Et une sorte de silence est au fond du bruit28. »

    18Ce même jour, le jeune étudiant en droit à Lyon Paul Lintier nomme déjà la guerre le « Grand événement29 » avec une majuscule. Il décrit, de manière saisissante, comment il est littéralement et physiquement traversé par lui lorsque, avec un camarade, il réalise que c’est la guerre au moment où, ayant débouché une bouteille de vin, il s’apprête à servir un verre :

    « De la rue, par la fenêtre, monte un grand murmure. En même temps, quelque chose de magnétique, d’indicible et de précis nous traverse soudain tous les deux. Nous nous regardons… La bouteille est restée penchée au-dessus du verre. Je dis :
    Ça y est30 ! »

    19De manière rétrospective, le 20 août, l’artilleur Ivan Cassagnau revient sur ces premiers jours du conflit et note :

    « Comme elle est lointaine déjà, cette date fatale du 2 août ! Et pourtant, comme elle est proche encore ! Elle a coupé ma vie. Jusque-là, je menais une existence heureuse. Je ne le savais pas, mais je le reconnais maintenant. À dater de ce jour, j’ai connu plus de soucis, d’angoisses, de peines et de deuils que pendant mes vingt-quatre années de vie31. »

    20Le 2 août 1914 marque une césure dans sa vie qui le sépare à la fois de son présent d’alors, devenu d’un coup un passé révolu mais aussi le passé d’un avenir tout tracé.

    21Soudain, en effet, l’avenir se déroba. « Te reverrai-je32 ? » écrit Yvonne Retour à son mari dans sa première lettre de guerre dès le 1er août 1914. Le slavisant Henri Grappin écrivait pour sa part à son collègue et ami Paul Cazin, slavisant lui aussi, le 29 juillet les lignes suivantes :

    « Mon ami, de quoi parler, sinon de la guerre ? Nous sommes ici comme vous là-bas, et comme tout le monde civilisé, dans la consternation d’un cauchemar les yeux ouverts. Que deviendrons-nous, Dieu du ciel ? On lit les journaux, on se précipite aux éditions spéciales, on regarde passer les gendarmes qui portent des papiers, on ouvre son livret militaire, et puis on essaye de s’imaginer un peu ce qui arriverait. Mon ami ne m’en demande pas plus. Je ne puis penser qu’à cela. […] Je ferme les yeux d’épouvante33. »

    22Le 2 août, à la veille de son départ pour le dépôt du Mans, il trouve la force de mettre des mots plus précis sur ce « cela » qui l’épouvantait tant : sa propre disparition, un inconcevable désormais d’autant plus envisagé que le futur est incertain :

    « Vous imaginez notre état. Marthe va vous écrire, quand elle aura un peu repris ses sens, pour vous remercier de vos générosités. Quel sera l’avenir ? Mon Paul, mon ami, si je disparais promets-moi de ne pas oublier la femme et l’enfant de ton ami.
    Au revoir. De toutes forces nous vous embrassons34. »

    23Mais comme pour conjurer cette pensée, il s’empresse alors de souligner d’un trait propitiatoire cet au revoir qui ferme la lettre.

    24Chez d’autres, le sentiment de rupture, de basculement prend un peu plus de temps et est lié au déplacement, au départ. Il en est ainsi du peintre Eugène-Emmanuel Lemercier, stationné au dépôt jusqu’au 25 août. Ce jour, au moment où il pense partir pour le front, il écrit alors à sa mère :

    « Après un tel bouleversement on peut dire que notre vie précédente est morte. Mettons donc, chère Maman, tout notre courage à nous adapter à une existence entièrement différente, toi et moi, quelque durée qu’elle doive avoir35. »

    25Le basculement définitif dans une autre temporalité peut même être différé tard dans l’année 1914. Pour le tonnelier socialiste Louis Barthas, pourtant mobilisé depuis le premier jour et stationné à Narbonne, le départ n’a lieu que le 4 novembre soit trois mois après le début des hostilités. Pour lui, c’est bien ce moment qui est « l’heure fatale36 ». Là encore, la séparation d’avec son épouse et son fils venus pour les adieux l’amène à s’interroger sur la possibilité de sa propre mort et sur la possibilité auparavant inimaginable de ne plus les revoir. D’autant plus que, depuis le 1er août, la guerre elle-même a changé de manière processuelle de régime de temporalité :

    « On ne nous jetait pas de fleurs, on ne nous envoyait pas de baisers, on ne nous assourdissait pas les oreilles de hourras et de bravos.
    C’est que ce n’était plus la guerre courte, fraîche et joyeuse annoncée au début par les journaux menteurs… la France était envahie, on était au seuil de l’hiver, la guerre s’annonçait longue et l’issue douteuse37. »

    26Après le temps de l’annonce et des départs, le temps de la guerre s’était en effet alourdi des premières expériences. Dans un ouvrage récent, Bruno Cabanes s’est appliqué à les retracer avec précision et finesse38 notamment dans le cas de l’arrière que nous laisserons de côté ici. Il a notamment comparé les émotions qui traversent le pays, alimentées par la circulation de nouvelles vraies et fausses sur les atrocités commises par l’ennemi et par l’espionnite paranoïaque qui s’empare des populations39, à la « grande peur40 ». Bruno Cabanes montre ainsi que ces moments, même brefs, prennent justement leur sens dans le temps de l’entrée en guerre et en sont une des manifestations.

    Après l’annonce et le départ : le temps des premières expériences de guerre

    27Pour les combattants, après ce sentiment de privation d’avenir, les moments puis les jours qui suivent l’annonce sont souvent racontés comme une alternance d’attentes à la fois angoissantes et ennuyeuses, d’« heures lentes41 » et d’accélération qui contribuent également, après la séquence initiale de la fin juillet-début août à remodeler le temps vécu en brisant les rythmes du temps de paix. Rythmes qui sont remplacés alors par ceux qu’impose la guerre, notamment aux soldats. Mais même à l’arrière, l’attente des communiqués quotidiens, des lettres, puis les annonces des deuils de guerre installent de nouveaux rythmes qui, en quelque sorte, se surimposent à ceux de la vie quotidienne.

    28Pour les combattants, après l’annonce de la mobilisation, ce sont des moments d’attente, plus ou moins longs, durant quelques heures jusqu’à quelques semaines, voire des mois, comme dans le cas de Barthas. Suit ensuite un temps de déplacement. La gare représente alors souvent un seuil spatial, mais aussi temporel entre le passé et un présent tout entier dominé par la guerre. Non sans une certaine ironie, Roland Dorgelès se souvenait encore en 1927 avoir observé justement lors de son premier voyage en train vers le front, un soldat prendre des notes avec frénésie en ce premier jour de voyage :

    « Un calepin tout neuf à la main, il se tenait le nez collé à la portière, et tandis que les hommes riaient en vidant les bidons, il s’éborgnait à déchiffrer, sur la lanterne des gares, le nom de toutes les stations qu’il inscrivait scrupuleusement. Au bout d’une heure, intrigué par ce manège et supposant que c’était là sa fonction de chef d’escouade, je lui demandai ce qu’il faisait.
    — Je commence mon carnet de route ! me répondit-il fièrement en relevant la tête42. »

    29Ce déplacement est suivi par une expérience souvent négligée par les travaux sur 1914 : les longues marches éreintantes sous le soleil d’août ou la pluie de septembre qu’évoque de manière saisissante Gabriel Chevallier dans La Peur43, vite suivies par un baptême du feu d’autant plus terrible que le mois d’août 1914 est avec celui qui suit le plus meurtrier de toute la guerre44. Ivan Cassagnau note ainsi que 19 août son régiment perd « deux officiers, huit sous-officiers et cent dix-sept hommes [qui] sont morts ou portés disparus45 » alors qu’il s’agit d’un régiment d’artillerie, moins exposé que l’infanterie. Dans le cas du 298e RI de Roanne, le régiment de Jean Giraudoux, il faut attendre le 6 septembre pour le premier tué. En revanche, très vite, les pertes sont très lourdes. En trois jours, le régiment perd 45 % de son effectif : onze lieutenants, trois capitaines et un commandant ont été tués, un lieutenant-colonel, un capitaine et trois autres lieutenants ont été blessés, soit 20 officiers mis hors de combat sur 37. Plus de mille hommes, disparus, tués ou blessés manquent à l’appel – Giraudoux précise même 500 morts46 sur un effectif de départ de 2194. C’est un capitaine qui est contraint de prendre le commandement du régiment. Le Journal de marche et opérations précise que deux compagnies « qui n’ont plus d’officiers, sont dissoutes provisoirement47 ». Dans le cas d’un autre régiment, engagé dans les combats de Morhange, selon le soldat Marcel F., la 7e compagnie du 37e RI de Troyes est réduite à 32 hommes valides (sur environ 250) au soir du 20 août 191448.

    30Cette succession de baptêmes du feu en rase campagne constitue un second choc, un second basculement dans le temps de la guerre. Il s’accompagne aussi d’une progressive prise de conscience, à l’arrière comme à l’avant, que la guerre courte est largement illusoire.

    Le temps long de l’année terrible et les aménagements du temps de guerre

    31Depuis l’arrière, Daniel Halévy, le 13 janvier 1915, fait justement le bilan de ces premiers mois de guerre :

    « Mais le massacre, mais les tranchées, la misère et les souffrances de la tranchée ! Voilà le nouveau tragique de cette guerre. […] Une seule pensée dans le peuple, une seule conversation.

    Mort. Tranchée. Il est parti.

    Blessé. Où est-il ?

    Prisonnier. Il part… »

    32Le secrétaire général de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, Paul Dupuy, insiste pour sa part le 19 novembre sur le « temps long », « l’attente » et « l’état d’aplatissement » qui l’accompagne, tissé d’« inquiétudes » qu’il faut « tromper49 ». Au front, ce sentiment d’immobilité est encore aggravé par les conditions de vie déplorables dans les tranchées et par les défaites des offensives de 1915 qui à chaque fois se traduisent par un nouvel éloignement de la fin attendue.

    33Dès lors l’État et la hiérarchie militaire d’une part et les acteurs sociaux d’autre part s’emparent de la question du rapport au temps. L’État et l’armée rationalisent la distribution des lettres50 qui, selon Fernand Léger – mais on pourrait citer des centaines de témoignages ici –, ont pris « une importance considérable dans notre existence51 ». Ils organisent les permissions52, les temps de passage en première ligne et les relèves. En dehors des moments de combats, une routine quotidienne, faite d’une alternance de travaux, d’exercices, de corvées, de temps libres, est mise en place pour tenter d’organiser un temps de guerre ordinaire fondé sur des rythmes qui singent ceux de la caserne, voire de la vie civile, faisant ressembler parfois la guerre à un travail. Les combattants pour leur part tentent aussi d’échapper au temps de guerre, d’« oublier l’apocalypse53 » pour reprendre le titre d’un ouvrage récent. En paraphrasant Alf Lüdtke et par analogie avec son concept d’Eigensinn (quant-à-soi), on pourrait dire qu’ils tentent de créer un « temps à soi », un « Eigenzeit » volé au temps de guerre54.

    34L’État s’emploie à organiser le temps de guerre notamment en créant de multiples petites attentes masquant l’absence d’avenir. L’agentivité des contemporains se déploie tout particulièrement à partir du moment où la guerre s’immobilise et se signale par leurs efforts à s’extraire du temps de guerre, voire à se soustraire aux nouveaux emplois du temps. En creux néanmoins, ces efforts des acteurs comme de l’État témoignent toutefois de la singularité de ce temps de guerre sur lequel pèse notamment la probabilité de la mort. « Pour le soldat qui combat dans le rang, la guerre n’est qu’un long tête-à-tête avec la mort55 » écrit l’écrivain et combattant Pierre Chaine. Cette menace, si forte en 1914 et 1915, empêche, contrairement sans doute à ce qui se passe à l’arrière, de s’installer dans un rapport ordinaire au temps de la guerre.

    *

    35Cette temporalité vécue connaît lors de ces premiers mois de guerre, ses évolutions propres, puisque l’appréhension du temps de guerre n’est plus du tout la même entre août 1914 et l’orée de l’année 1916. Le choc et la perte – immenses – ont tout bouleversé. Mais l’immobilisation spatiale de la guerre s’est aussi traduite par un changement dans le rapport au temps. Le futur de l’avant 1914 est passé. Il a laissé place à ces nouveaux horizons d’attentes – la victoire, la paix, la fin de la guerre – qui sont en fait largement dominés par la nostalgie, un retour au passé. Du fait de la guerre, le temps est en quelque sorte retourné comme un gant. Le futur devient passé et l’avenir est en fait le passé vers lequel on veut revenir. D’autant plus que sur ce temps plane la menace de la mort et du deuil.

    36Il est également contraint à partir de l’automne 1914 par le « champ d’expérience » de la guerre qui ne facilite alors pas les projections vers une sortie de la guerre. Surtout que pour les Français, les offensives de 1915 qui devaient permettre de sortir du conflit sont catastrophiques.

    37Et si, pour finir, l’expression parfois décriée de « culture de guerre » (et le débat qui l’accompagna) ne devait-elle pas simplement laisser place, via un travail sur les temporalités vécues, au constat fait d’emblée par les contemporains de la singularité du temps de la guerre ? Un temps, si différent, si terrible, qu’il ne s’inscrit plus dans celui de la vie ordinaire, et ce, malgré tous les efforts pour tenter de construire un rapport ordinaire au temps de guerre.

    Notes de bas de page

    1  Cité d’après [http://mjp.univ-perp.fr/traites/1919versailles8.htm] (consulté le 26 septembre 2016).

    2  Outre les livres bien connus de Renouvin Pierre, Les origines immédiates de la guerre (28 juin-4 août 1914), Paris, Alfred Costes, 1925, et La crise européenne et la Première Guerre mondiale, Paris, PUF, coll. « Peuples et civilisations », t. XIX, 1934, voir notamment Bourgeois Émile et Pagès Georges, Les origines et les responsabilités de la guerre, Paris, Hachette, 1922 ; Schmitt Bernadotte E., Comment vint la guerre, 1914, Paris, Alfred Costes, 1932 (1930) ; Barnes Harry Elmer, La genèse de la guerre mondiale. Introduction au problème des responsabilités de la guerre, Paris, Éditions Marcel Rivière, 1931 (1927) ; Bradshaw Fay Sydney, Les origines de la guerre mondiale, 2 vol., Paris, Rieder, 1931 (1928) ; Isaac Jules, Un débat historique. 1914, le problème des origines de la guerre, Paris, Rieder, 1933.

    3  Fischer Fritz, Les buts de guerre de l’Allemagne impériale, Paris, Éditions de Trévise, 1970 (1961), et Krieg der Illusionen. Die deutsche Politik von 1911 bis 1914, Düsseldorf, Droste, 1969. Voir aussi Droz Jacques, Les causes de la Première Guerre mondiale, Paris, Seuil, 1973.

    4  Clark Christopher, Les somnambules. Été 1914, comment l’Europe a marché vers la guerre, Paris, Flammarion, 2013.

    5  De nombreux livres ont répondu – par anticipation ou a posteriori – aux thèses de Clark. Parmi eux : Krumeich Gerd, Le feu aux poudres. Qui a déclenché la Première Guerre mondiale ?, Paris, Belin, 2014.

    6  Becker Jean-Jacques, 1914. Comment les Français sont entrés dans la guerre, Paris, Presses de la FNSP, 1977.

    7  Becker Jean-Jacques, 1914…, op. cit., p. 550 et suiv.

    8  Bloch Marc, « Apologie pour l’histoire ou métier d’historien » (rédigé entre 1941 et 1943, 1re éd. 1949), dans L’Histoire, la guerre, la Résistance, Paris, Gallimard, 2006, p. 867. Comme chacun sait, les historiens des Annales ont défendu une problématisation du temps face à la tradition histori-sante. Sur l’histoire-problème voir tout particulièrement Febvre Lucien, « Propos d’initiation : vivre l’histoire », dans Mélanges d’histoire sociale, n° 1, 1943, p. 5-18.

    9  André Jacques, « Le temps n’est plus ce qu’il était », dans Jacques André, Sylvie Dreyfus-Asséo et François Hartog (dir.), Les récits du temps, Paris, PUF, 2010, p. 3.

    10  Koselleck Reinhart, « “Champ d’expérience” et “Horizon d’attente” : deux catégories historiques », dans Koselleck Reinhart, Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, Paris, Éd. de l’EHESS, 2000 [1re éd. en allemand en 1975], p. 307-329.

    11  Hartog François, Régimes d’historicités. Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, 2012, (2003).

    12  Voir par exemple la revue Temporalités [http://temporalites.revues.org/].

    13  Cf. par ex. le dossier « Historicités du xxe siècle. Coexistence et concurrence des temps », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 117, janv.-mars 2013.

    14  Voir tout particulièrement Vidal-Naquet Clémentine, Couples dans la Grande Guerre. Le tragique et l’ordinaire du lien conjugal, Paris, Les Belles Lettres, 2014 ; ead. (éd.), Correspondances conjugales 1914-1918. Dans l’intimité de la Grande Guerre, Paris, Robert Laffont, 2014.

    15  Tanty Étienne, Les violettes des tranchées. Lettres d’un poilu qui n’aimait pas la guerre, Paris, Italiques, 2002, p. 43.

    16  Delteil Joseph, Les poilus, Paris, Grasset, 1994 (1926), p. 40.

    17  Vidal-Naquet Clémentine (éd.), Correspondances conjugales 1914…, op. cit., p. 970.

    18  Ibid., p. 972, lettre datée d’août 1914 intercalée entre une lettre du 3 août et une lettre du 5 août.

    19  Lejeune Philippe et Bogaert Catherine, Le journal intime. Histoire et anthologie, Paris, Textuel, 2006, p. 50-55 ; id., Un journal à soi. Histoire d’une pratique, Paris, Textuel, 2003, p. 28-29.

    20  Laby Lucien, Les carnets de l’aspirant Laby, médecin dans les tranchées, Paris, Bayard, 2001 (présenté par Stéphane Audoin-Rouzeau).

    21  Ibid., préface de Stéphane Audoin-Rouzeau, p. 9.

    22  Jacques Lucien, Carnets de Moleskine, Paris, Gallimard, 2014 (1939).

    23  Allard Jules, Journal d’un gendarme, 1914-1918, Paris, Bayard, 2010, p. 71.

    24  Le Pautremat Soizick, Milec, le soldat méconnu. Journal de voyage d’Émile Madec, 1914-1917, Pont-Aven, Vagamundo Éditions, 2017, citation d’après tapuscrit.

    25  Lejeune Philippe, « Nous autres à Vauquois (1918) d’André Pézard : l’après-coup de la guerre », article publié en ligne [http://lib.ugent.be/fulltxt/RUG01/001/414/006/RUG01-001414006_2010_0001_AC.pdf], p. 3. À partir de ce journal il publie Nous autres à Vauquois, Paris, La Table Ronde, 2016 (1918).

    26  Verdon Chantal, « Histoire d’un manuscrit », dans Maurice Bedel, Journal de guerre, 1914-1918, Paris, Tallandier, 2013, p. 26.

    27  Halévy Daniel, L’Europe brisée. Journal de guerre, 1914-1918, Paris, Éditions de Fallois, 1998, p. 26.

    28  Lettre du 2 août 1914 publiée en annexe d’Élie Faure, La sainte face, Paris, Bartillat, 2005 (1918), p. 287.

    29  Linter Paul, Ma pièce, avec une batterie de 75, souvenirs d’un canonnier, 1914, Paris, Plon, 1916, p. 19.

    30  Ibid.

    31  Cassagnau Ivan, Ce que chaque jour fait de veuves, Paris, Libretto, 2003, p. 16.

    32  Vidal-Naquet Clémentine (éd.), Correspondances conjugales 1914…, op. cit., p. 541.

    33  Musée de la Littérature, Varsovie (désormais MdLV), archives Paul Cazin, Teczka n° 36/2. Correspondance avec Henri Grappin, lettre d’Henri Grappin du 29 juillet 1914.

    34  MdLV, archives Paul Cazin, Teczka n° 36/2. Correspondance avec Henri Grappin, lettre d’Henri Grappin du 2 août 1914.

    35  Lemercier Eugène-Emmanuel, Lettres d’un soldat août 1914-avril 1915, Paris, Bernard Giovanangeli, 2005, p. 25-26

    36  Barthas Louis, Les carnets de Louis Barthas, tonnelier, 1914-1918, Paris, François Maspero, 1978, p. 39

    37  Ibid. p. 40.

    38  Cabanes Bruno, Août 14. La France entre en guerre, Paris, Gallimard, 2014.

    39  Bavendamm Gundula, Spionage und Verrat. Konspirative Kriegserzählungen und französische Innenpolitik, 1914-1917, Essen, Klartext, 2004.

    40  Cabanes Bruno, Août 14…, op. cit., p. 164.

    41  Ibid., p. 76.

    42  Dorgelès Roland, Souvenirs sur les Croix de Bois, Paris, La Cité des livres, 1929, p. 13.

    43  Chevallier Gabriel, La peur, Nantes, Le Passeur, 2002 (1930), p. 38-39.

    44  Voir à ce sujet notamment Steg Jean-Michel, 22 août 1914. Le jour le plus meurtrier de l’histoire de France, Paris, Fayard, 2013.

    45  Cassagnau Ivan, Ce que chaque jour…, op. cit., p. 16.

    46  Giraudoux Jean, « Les cinq soirs et cinq réveils de la Marne », dans Lectures pour une ombre, Paris Grasset, coll. « Les Cahiers rouges », 2011 (1917), p. 188.

    47  JMO 298e RI, p. 14, consultable en ligne sur [http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/arkotheque/inventaires/ead_ir_consult.php?fam=3&id_ark_ead_les_irs=6].

    48  Témoignage inédit aimablement communiqué par la famille.

    49  Genevoix Maurice et Dupuy Paul, Correspondance, 28 août 1914-30 avril 1915, Paris, La Table ronde, 2013, p. 54-55.

    50  Le Ber Amandine, « La poste aux armées de l’arrière au front pendant la Grande Guerre », dans Le Ber Amandine et Scheppens Nadège (dir.), Les cahiers pour l’histoire de la poste, dossier « Le rôle de la poste au cours de la Première Guerre mondiale », n° 3, novembre 2004, p. 11-94.

    51  Léger Fernand, Une correspondance de guerre, Paris, Centre Georges-Pompidou, coll. « Les Cahiers du musée national d’Art moderne », hors-série/archives, 1997, p. 16.

    52  Cronier Emmanuelle, Permissionnaires dans la Grande Guerre, Paris, Belin, 2013.

    53  Hardier Thierry et Jagielski Jean-François, Oublier l’apocalypse ? Loisirs et distractions des combattants pendant la Grande Guerre, Paris, Imago, 2014.

    54  Sur la notion, Lüdtke Alf, Des ouvriers dans l’Allemagne du xxe siècle. Le quotidien des dictatures, Paris, L’Harmattan, 2000, et « Ouvriers, Eigensinn et politique dans l’Allemagne du xxe siècle », Actes de la recherche en sciences sociales, 1996, vol. 113, n° 1, p. 91-101.

    55  Chaine Pierre, Les mémoires d’un rat, Paris, Éditions de L’Œuvre, 1917, p. 91.

    Auteur

    • Nicolas Beaupré
      Né en 1970, maître de conférences en histoire à l’université Clermont Auvergne, au Centre d’histoire « Espaces et Cultures » (Clermont-Ferrand) et membre junior honoraire de l’Institut universitaire de France. Il est également membre du Centre international de recherche de l’Historial de la Grande Guerre. Spécialiste de la Grande Guerre et de ses conséquences en France et en Allemagne, il a notamment publié : Écrire en guerre, écrire la guerre. France-Allemagne 1914-1920, Paris, CNRS Éditions, 2006 ; Le Rhin. Une géohistoire, Paris, La Documentation française, 2005, et Les Grandes Guerres 1914-1945, Paris, Belin, 2012. Son livre Le traumatisme de la Grande Guerre. Histoire franco-allemande 1918-1933, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2012, a été couronné du Prix parlementaire franco-allemand 2013. Il était auparavant paru en allemand sous le titre Das Trauma des Krieges (1918-1932/33). Deutsch-französische Geschichte Band VIII, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2009.
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    1  Cité d’après [http://mjp.univ-perp.fr/traites/1919versailles8.htm] (consulté le 26 septembre 2016).

    2  Outre les livres bien connus de Renouvin Pierre, Les origines immédiates de la guerre (28 juin-4 août 1914), Paris, Alfred Costes, 1925, et La crise européenne et la Première Guerre mondiale, Paris, PUF, coll. « Peuples et civilisations », t. XIX, 1934, voir notamment Bourgeois Émile et Pagès Georges, Les origines et les responsabilités de la guerre, Paris, Hachette, 1922 ; Schmitt Bernadotte E., Comment vint la guerre, 1914, Paris, Alfred Costes, 1932 (1930) ; Barnes Harry Elmer, La genèse de la guerre mondiale. Introduction au problème des responsabilités de la guerre, Paris, Éditions Marcel Rivière, 1931 (1927) ; Bradshaw Fay Sydney, Les origines de la guerre mondiale, 2 vol., Paris, Rieder, 1931 (1928) ; Isaac Jules, Un débat historique. 1914, le problème des origines de la guerre, Paris, Rieder, 1933.

    3  Fischer Fritz, Les buts de guerre de l’Allemagne impériale, Paris, Éditions de Trévise, 1970 (1961), et Krieg der Illusionen. Die deutsche Politik von 1911 bis 1914, Düsseldorf, Droste, 1969. Voir aussi Droz Jacques, Les causes de la Première Guerre mondiale, Paris, Seuil, 1973.

    4  Clark Christopher, Les somnambules. Été 1914, comment l’Europe a marché vers la guerre, Paris, Flammarion, 2013.

    5  De nombreux livres ont répondu – par anticipation ou a posteriori – aux thèses de Clark. Parmi eux : Krumeich Gerd, Le feu aux poudres. Qui a déclenché la Première Guerre mondiale ?, Paris, Belin, 2014.

    6  Becker Jean-Jacques, 1914. Comment les Français sont entrés dans la guerre, Paris, Presses de la FNSP, 1977.

    7  Becker Jean-Jacques, 1914…, op. cit., p. 550 et suiv.

    8  Bloch Marc, « Apologie pour l’histoire ou métier d’historien » (rédigé entre 1941 et 1943, 1re éd. 1949), dans L’Histoire, la guerre, la Résistance, Paris, Gallimard, 2006, p. 867. Comme chacun sait, les historiens des Annales ont défendu une problématisation du temps face à la tradition histori-sante. Sur l’histoire-problème voir tout particulièrement Febvre Lucien, « Propos d’initiation : vivre l’histoire », dans Mélanges d’histoire sociale, n° 1, 1943, p. 5-18.

    9  André Jacques, « Le temps n’est plus ce qu’il était », dans Jacques André, Sylvie Dreyfus-Asséo et François Hartog (dir.), Les récits du temps, Paris, PUF, 2010, p. 3.

    10  Koselleck Reinhart, « “Champ d’expérience” et “Horizon d’attente” : deux catégories historiques », dans Koselleck Reinhart, Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, Paris, Éd. de l’EHESS, 2000 [1re éd. en allemand en 1975], p. 307-329.

    11  Hartog François, Régimes d’historicités. Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, 2012, (2003).

    12  Voir par exemple la revue Temporalités [http://temporalites.revues.org/].

    13  Cf. par ex. le dossier « Historicités du xxe siècle. Coexistence et concurrence des temps », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 117, janv.-mars 2013.

    14  Voir tout particulièrement Vidal-Naquet Clémentine, Couples dans la Grande Guerre. Le tragique et l’ordinaire du lien conjugal, Paris, Les Belles Lettres, 2014 ; ead. (éd.), Correspondances conjugales 1914-1918. Dans l’intimité de la Grande Guerre, Paris, Robert Laffont, 2014.

    15  Tanty Étienne, Les violettes des tranchées. Lettres d’un poilu qui n’aimait pas la guerre, Paris, Italiques, 2002, p. 43.

    16  Delteil Joseph, Les poilus, Paris, Grasset, 1994 (1926), p. 40.

    17  Vidal-Naquet Clémentine (éd.), Correspondances conjugales 1914…, op. cit., p. 970.

    18  Ibid., p. 972, lettre datée d’août 1914 intercalée entre une lettre du 3 août et une lettre du 5 août.

    19  Lejeune Philippe et Bogaert Catherine, Le journal intime. Histoire et anthologie, Paris, Textuel, 2006, p. 50-55 ; id., Un journal à soi. Histoire d’une pratique, Paris, Textuel, 2003, p. 28-29.

    20  Laby Lucien, Les carnets de l’aspirant Laby, médecin dans les tranchées, Paris, Bayard, 2001 (présenté par Stéphane Audoin-Rouzeau).

    21  Ibid., préface de Stéphane Audoin-Rouzeau, p. 9.

    22  Jacques Lucien, Carnets de Moleskine, Paris, Gallimard, 2014 (1939).

    23  Allard Jules, Journal d’un gendarme, 1914-1918, Paris, Bayard, 2010, p. 71.

    24  Le Pautremat Soizick, Milec, le soldat méconnu. Journal de voyage d’Émile Madec, 1914-1917, Pont-Aven, Vagamundo Éditions, 2017, citation d’après tapuscrit.

    25  Lejeune Philippe, « Nous autres à Vauquois (1918) d’André Pézard : l’après-coup de la guerre », article publié en ligne [http://lib.ugent.be/fulltxt/RUG01/001/414/006/RUG01-001414006_2010_0001_AC.pdf], p. 3. À partir de ce journal il publie Nous autres à Vauquois, Paris, La Table Ronde, 2016 (1918).

    26  Verdon Chantal, « Histoire d’un manuscrit », dans Maurice Bedel, Journal de guerre, 1914-1918, Paris, Tallandier, 2013, p. 26.

    27  Halévy Daniel, L’Europe brisée. Journal de guerre, 1914-1918, Paris, Éditions de Fallois, 1998, p. 26.

    28  Lettre du 2 août 1914 publiée en annexe d’Élie Faure, La sainte face, Paris, Bartillat, 2005 (1918), p. 287.

    29  Linter Paul, Ma pièce, avec une batterie de 75, souvenirs d’un canonnier, 1914, Paris, Plon, 1916, p. 19.

    30  Ibid.

    31  Cassagnau Ivan, Ce que chaque jour fait de veuves, Paris, Libretto, 2003, p. 16.

    32  Vidal-Naquet Clémentine (éd.), Correspondances conjugales 1914…, op. cit., p. 541.

    33  Musée de la Littérature, Varsovie (désormais MdLV), archives Paul Cazin, Teczka n° 36/2. Correspondance avec Henri Grappin, lettre d’Henri Grappin du 29 juillet 1914.

    34  MdLV, archives Paul Cazin, Teczka n° 36/2. Correspondance avec Henri Grappin, lettre d’Henri Grappin du 2 août 1914.

    35  Lemercier Eugène-Emmanuel, Lettres d’un soldat août 1914-avril 1915, Paris, Bernard Giovanangeli, 2005, p. 25-26

    36  Barthas Louis, Les carnets de Louis Barthas, tonnelier, 1914-1918, Paris, François Maspero, 1978, p. 39

    37  Ibid. p. 40.

    38  Cabanes Bruno, Août 14. La France entre en guerre, Paris, Gallimard, 2014.

    39  Bavendamm Gundula, Spionage und Verrat. Konspirative Kriegserzählungen und französische Innenpolitik, 1914-1917, Essen, Klartext, 2004.

    40  Cabanes Bruno, Août 14…, op. cit., p. 164.

    41  Ibid., p. 76.

    42  Dorgelès Roland, Souvenirs sur les Croix de Bois, Paris, La Cité des livres, 1929, p. 13.

    43  Chevallier Gabriel, La peur, Nantes, Le Passeur, 2002 (1930), p. 38-39.

    44  Voir à ce sujet notamment Steg Jean-Michel, 22 août 1914. Le jour le plus meurtrier de l’histoire de France, Paris, Fayard, 2013.

    45  Cassagnau Ivan, Ce que chaque jour…, op. cit., p. 16.

    46  Giraudoux Jean, « Les cinq soirs et cinq réveils de la Marne », dans Lectures pour une ombre, Paris Grasset, coll. « Les Cahiers rouges », 2011 (1917), p. 188.

    47  JMO 298e RI, p. 14, consultable en ligne sur [http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/arkotheque/inventaires/ead_ir_consult.php?fam=3&id_ark_ead_les_irs=6].

    48  Témoignage inédit aimablement communiqué par la famille.

    49  Genevoix Maurice et Dupuy Paul, Correspondance, 28 août 1914-30 avril 1915, Paris, La Table ronde, 2013, p. 54-55.

    50  Le Ber Amandine, « La poste aux armées de l’arrière au front pendant la Grande Guerre », dans Le Ber Amandine et Scheppens Nadège (dir.), Les cahiers pour l’histoire de la poste, dossier « Le rôle de la poste au cours de la Première Guerre mondiale », n° 3, novembre 2004, p. 11-94.

    51  Léger Fernand, Une correspondance de guerre, Paris, Centre Georges-Pompidou, coll. « Les Cahiers du musée national d’Art moderne », hors-série/archives, 1997, p. 16.

    52  Cronier Emmanuelle, Permissionnaires dans la Grande Guerre, Paris, Belin, 2013.

    53  Hardier Thierry et Jagielski Jean-François, Oublier l’apocalypse ? Loisirs et distractions des combattants pendant la Grande Guerre, Paris, Imago, 2014.

    54  Sur la notion, Lüdtke Alf, Des ouvriers dans l’Allemagne du xxe siècle. Le quotidien des dictatures, Paris, L’Harmattan, 2000, et « Ouvriers, Eigensinn et politique dans l’Allemagne du xxe siècle », Actes de la recherche en sciences sociales, 1996, vol. 113, n° 1, p. 91-101.

    55  Chaine Pierre, Les mémoires d’un rat, Paris, Éditions de L’Œuvre, 1917, p. 91.

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    Beaupré, N. (2018). Entrer dans une « Grande Guerre » par une année terrible. In J.-C. Caron & N. Ponsard (éds.), La France en guerre (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.170308
    Beaupré, Nicolas. « Entrer dans une “Grande Guerre” par une année terrible ». In La France en guerre, édité par Jean-Claude Caron et Nathalie Ponsard. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2018. https://doi.org/10.4000/books.pur.170308.
    Beaupré, Nicolas. « Entrer dans une “Grande Guerre” par une année terrible ». La France en guerre, édité par Jean-Claude Caron et Nathalie Ponsard, Presses universitaires de Rennes, 2018, https://doi.org/10.4000/books.pur.170308.

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    Caron, J.-C., & Ponsard, N. (éds.). (2018). La France en guerre (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.170263
    Caron, Jean-Claude, et Nathalie Ponsard, éd. La France en guerre. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2018. https://doi.org/10.4000/books.pur.170263.
    Caron, Jean-Claude, et Nathalie Ponsard, éditeurs. La France en guerre. Presses universitaires de Rennes, 2018, https://doi.org/10.4000/books.pur.170263.
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