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Chapitre II. La municipalité et l’administration royale
p. 47-73
Texte intégral
1La ville de Nantes ne forme pas au xviie siècle une petite république indépendante ou même seulement autonome à l’instar des villes impériales germaniques ou des métropoles des Provinces-Unies1. Elle appartient au contraire au royaume de France dans lequel la dynastie des Bourbons a porté à son stade suprême le développement de l’absolutisme, spécialement sous le règne de Louis XIV. La Bretagne conserve toutefois une spécificité dans cette chronologie des progrès de la centralisation administrative puisqu’elle a conservé ses États Provinciaux, même si ceux-ci sont bien contrôlés par les commissaires royaux de 1671 jusqu’au réveil brutal de 1717-1718, et puisqu’elle fut la dernière province à voir s’installer un intendant en 1689. Cette introduction tardive dans le modèle général invite à préciser les rapports qui ont existé pendant presque tout le siècle entre la municipalité d’un grand centre économique et administratif du royaume et les cours de justice royale, à une époque où l’administration demeure encore largement d’essence judiciaire, et surtout les gouverneurs, tuteurs politiques traditionnels de la cité. Cette analyse de la distribution du pouvoir monarchique permet de mieux comprendre ce que l’installation progressive de l’intendance et de son réseau de subdélégués perturbe et modifie dans les premières décennies du xviiie siècle.
La municipalité et les cours de justice
Les cours nantaises
La municipalité et le consulat du commerce
2Par son édit d’avril 1564, le roi Charles IX a institué un consulat du commerce à Nantes. Le texte, se référant à l’édit de novembre 1563 érigeant le consulat de Paris, donnait un juge et deux consuls au tribunal commercial et confiait l’organisation de leur désignation à la municipalité nantaise qui recevait ainsi le privilège de définir la liste des marchands éligibles et le contrôle de l’assemblée électorale. Pour installer la nouvelle cour, il fallait donc une municipalité qui n’existait toujours pas en avril 1564 à cause de l’obstruction des autres institutions nantaises coalisées. La création du consulat, ressentie comme une victoire par le groupe de pression des marchands, survint à propos pour lui donner l’énergie nécessaire pour lancer une nouvelle offensive qui se révéla décisive en novembre 1564. Les deux institutions ardemment attendues par le même milieu se sont trouvées ainsi soudées, non seulement de manière institutionnelle, mais aussi par les circonstances historiques de leur naissance2.
3Cette alliance contre l’adversité est manifeste dans la première décennie municipale. Les lettres patentes du 28 octobre 1565, qui indiquaient nettement que le nouveau tribunal commercial avait vocation de « cognoistre de tout differends meuz entre marchands pour faict de marchandises », ne pouvaient qu’indisposer la Sénéchaussée et le présidial qui étaient les principales victimes de cette innovation3. En 1567, le bureau servant concrétisa le jumelage des deux pouvoirs en décidant que « auculnes fois l’un desdicts juge ou consuls se trouve malade ou à quelques affaires urgentes à raison de quoy il ne peut assister au jugement des procez desdicts marchands, il est faict commandement auxdicts eschevins et habitans de ceste ville et au premier requis d’assister aux audiences et jugements desdicts procédans en l’absence desdicts juge et consuls défaillants sous peine d’amendes »4. En août 1569, le bureau dépêcha un échevin, Robert Poullain, membre du plus important clan commercial nantais de la deuxième moitié du xvie siècle, et son syndic Mathieu Michel, élément très actif de l’ancien conseil des bourgeois, au parlement de Rennes afin de « deffendre et solliciter pour les maire eschevins et juge et consuls à l’encontre du sénéchal, alloué, lieutenants conseillers présidiaux, prévost, procureur de la prévosté et aultres juges de Nantes très opposants, à l’exercice des attributions confiées au bureau de ville et au consulat »5. Le tribunal commercial bénéficia naturellement de la normalisation des relations établie de 1575 à 1581 entre la municipalité et les cours de justice.
4Le silence des archives pendant l’essentiel du xviie siècle paraît indiquer un fonctionnement pendant longtemps non conflictuel. Les difficultés des marchands nantais du double point de vue commercial et politique pendant les deux premiers tiers du xviie siècle semblent avoir nettement modéré les ambitions du monde commercial. Nettement dominée par la concurrence hollandaise et peu soutenue par le corps politique, l’élite marchande s’est longtemps contentée de cette position subordonnée.
5Le 25 juillet de chaque année se tenait l’assemblée électorale pour le consulat. L’édit de création avait prévu la participation de cinquante prud’hommes marchands sélectionnés chaque année par le bureau de ville et les juges consulaires. La séance était présidée par le maire et le scrutin se déroulait dans la grande salle de l’Hôtel de ville, comme pour les élections municipales du premier mai. Un huissier de la mairie allait chercher officiellement le juge et les consuls sortants entourés de tous les anciens membres du consulat qui attendaient l’ouverture de la cérémonie dans leur auditoire. L’ordre de vote appelait d’abord les simples marchands, puis les anciens des consulats antérieurs, la triade sortante et enfin le bureau servant qui coiffait ainsi toute la pyramide des dignités6. On se séparait dès la proclamation des résultats qui étaient définitivement acquis car le pouvoir central n’intervenait pas après ces nominations.
6Quelques jours après se tenait la cérémonie d’installation toujours présidée par le maire entouré des échevins avec le même public. La fête s’ouvrait sur un compliment du juge sortant. Le syndic municipal rappelait ensuite l’importance du consulat et introduisait les nouveaux juge et consuls. Le maire prononçait une allocution pour célébrer les mérites du tribunal commercial. Un défilé solennel emmenait toute l’assistance à une grand-messe dans la collégiale Notre-Dame, puis à la fin du xviie siècle dans l’église du couvent des Cordeliers, et le cortège, bien distribué selon les marques de dignité, allait fièrement avec les huissiers, les archers et les trompette et tambour de la municipalité. Après la cérémonie religieuse et le retour à l’Hôtel de ville, les anciens consuls se retrouvaient dans leur auditoire pour recueillir la prestation de serment des entrants. Les consuls servants et anciens étaient ensuite invités à un grand dîner offert par le corps de ville dans la grande salle de l’Hôtel de ville7.
7La renaissance commerciale à partir du choix décisif de l’horizon antillais et la dislocation de la colonie hollandaise après la révocation de l’édit de Nantes ont profondément renouvelé l’élite marchande. Si une partie des anciennes familles a réussi à s’adapter à la reconversion du port, une immigration puissante provenant de toutes les régions de France, mais spécialement du Sud-Ouest français et de l’axe ligérien, a introduit un nombre important de familles nouvelles dans les milieux dirigeants nantais8. Cette progression économique, doublée d’une élévation sociale suscitant un besoin de reconnaissance aboutissant à la vive réaction oligarchique des années 1710-1720, ne pouvait que perturber l’équilibre traditionnel entre le consulat et la municipalité. La crise, qui s’est étalée de 1689 à 1703, illustre les difficultés de cette redéfinition.
8Tout est parti d’une remise en cause du fonctionnement de l’assemblée électorale : « par la plus grande confusion qui puisse estre imaginée, tous les marchands de ceste ville et forsbourgs sans discrimination viennent piquer et voter à ces élections. Cela cause du désordre et donne lieu à des intrigues contre l’antien usage et le bien public et l’autorité du roi »9. En s’inspirant de la pratique municipale, les consuls ont demandé la création de listes d’éligibilité, avec dix noms pour le poste de juge et vingt noms pour les deux consuls. Après avoir proposé cinquante noms en 1689, le corps de ville a fini par se rallier à la suggestion des consuls en juillet 169010. Cette innovation a permis aussi de redéfinir le corps électoral en additionnant seulement aux éligibles le corps de ville, les anciens maires et échevins d’origine marchande, les consuls servants et anciens, les gardes et contre-gardes des marchands de draps et soie. En essayant de profiter de cette phase d’adaptation, les anciens échevins d’origine robine ont tenté de se maintenir dans l’assemblée électorale, entraînant une réaction défensive du consulat qui, après avoir dû céder en juillet 1695, a obtenu leur éviction à partir de 169711.
9Cette première victoire a incité les marchands à passer à l’offensive en remettant en cause l’équilibre interne de l’assemblée chargée de la confection des listes. L’union des deux corps symbolisait toujours la dépendance du consulat, ce qui était devenu inadmissible pour les négociants. Dans une requête au conseil du 22 août 1699, le consulat, dénonçant la disproportion numérique entre les deux institutions, a demandé en même temps l’introduction des anciens consuls et l’exclusion des anciens échevins marchands12. Les arrêts favorables du parlement des 13 et 21 juillet 1700 ont été immédiatement contestés par le corps de ville qui a maintenu la procédure traditionnelle13. Par représailles, les consuls ont installé leurs successeurs dans une assemblée uniquement marchande, hors de la présence du corps de ville. Après avoir résisté jusqu’en juillet 1703, ce dernier s’est résigné à entériner le nouvel ordre des choses.
10Ce rééquilibrage parut suffisant à l’élite marchande et assura encore un demi-siècle de collaboration qui fut nettement favorisée par le maire Gérard Mellier (1720-1729) qui ne pensait le développement urbain qu’en termes commerciaux. C’est lui qui réussit à obtenir du pouvoir royal la création de deux consuls supplémentaires à partir de 1722 et le passage du mandat à deux ans14. Ce traitement de faveur contenait pourtant mal la rivalité entre les deux corps, le consulat désirant dès cette période quitter l’Hôtel de ville pour s’installer dans la nouvelle bourse en construction perçue comme le temple du commerce. Les mêmes causes produisant les mêmes effets et l’essor commercial brillant du xviiie siècle renforçant encore plus la puissance des négociants, l’accumulation des mécontentements contre une tutelle de plus en plus mal vécue aboutit à la sécession de 1754 entérinée par le Conseil du roi dans un arrêt du 19 décembre qui accorda au consulat l’entière maîtrise de la cooptation et le transfert tant espéré du tribunal dans le palais de la bourse, tout ceci étant vécu comme la nécessaire coupure du cordon ombilical avec la municipalité15.
La municipalité et la prévôté
11La prévôté, qui remontait au xe siècle, était un siège de justice royale qui se partageait la ville avec le tribunal des régaires de l’évêque, tout en ayant obtenu à l’époque ducale des attributions complémentaires comme la levée des revenus de la ville, la réglementation de la police et la conservation des privilèges de l’Université16. Directement atteint dans ses prérogatives par la création de la municipalité en 1559, le prévôt avait été à la pointe du combat pour obtenir l’annulation de l’initiative royale. Après les premières élections de décembre 1564 et l’adoption du code municipal qui définissait les pouvoirs de police de la nouvelle institution, la prévôté fut victime d’une suppression temporaire (1566-1568) qui n’a pas facilité sa résistance17. Le nouvel officier, Julien Charette, bénéficia pourtant de l’appui de la Sénéchaussée, mais lorsque ce dernier siège eut réglé ses différends avec le bureau municipal, il fut bien obligé à son tour de se résoudre au compromis.
12Les accords du 7 août 1581 ont formé jusqu’en avril 1749, date de la disparition de la prévôté, la base juridique d’une collaboration obligée entre les rivaux. La municipalité a conservé l’orientation de la police par la publication de ses arrêtés, mais les contrevenants ont été jugés dans un tribunal mixte avec le prévôt président et une partie du bureau de ville comme juge-adjoint, les séances se tenant à l’Hôtel de ville. Le prévôt conservait ainsi une suprématie morale, tout en étant isolé au milieu d’une représentation municipale18. La lecture des registres de délibérations amène à conclure au fonctionnement satisfaisant de ce mariage de raison car les conflits graves sont restés exceptionnels et surtout rapidement apaisés, comme par exemple en 1650 où le prévôt avait cru pouvoir intervenir seul contre les bouchers qui vendaient de la chair d’animaux morts d’épidémie19. Aux premières protestations de la municipalité, l’ordre traditionnel fut rétabli. Un arrêt du parlement dut pourtant rappeler en 1683 aux officiers municipaux de « porter honneur au prévôt comme à leur président » et un autre de 1697 les obligea à le convoquer comme les autres magistrats tout en mentionnant bien sa présence sur les procès-verbaux20.
13L’équilibre défini en 1581 a été remis en question en octobre 1699 par la création d’un office vénal de lieutenant général de police à l’imitation du système parisien21. Qu’allaient devenir les deux protagonistes si ce nouvel officier avait autorité sur la police de Nantes ? Chaque partie vit dans la redistribution des cartes l’occasion de se débarrasser d’un encombrant partenaire. Dès novembre 1699, la municipalité fit une offre d’achat à 60 000 livres, mais ce fut le prévôt Charles Valleton qui se montra le plus habile en emportant la décision pour la même somme22. Les rapports furent de nouveau très tendus jusqu’à la négociation d’un nouveau compromis en 1707, officialisé par l’arrêt du conseil du 15 novembre 1708 qui rétablit l’ordre traditionnel moyennant le versement par la municipalité d’une indemnité de 20 000 livres au prévôt23.
14Gérard Mellier a essayé d’assurer la supériorité municipale en obtenant du gouverneur de Bretagne en février 1722 la permission de réunir au corps de ville tous les offices de police contre finances. S’il est parvenu à négocier le rachat de la charge de procureur du roi au tribunal de police, il s’est heurté ensuite au groupe de pression des officiers de justice organisé autour du sénéchal Charette de La Gascherie avec lequel ses rapports étaient détestables. Ce dernier a fait échouer l’initiative en obtenant l’arrêt du conseil du 26 août 1722 conservant l’office de lieutenant au prévôt24. Jean de Plumaugat, successeur de Valleton, fut installé comme président du tribunal le 13 novembre 172225.
15L’ordonnance royale de 1669, qui a contribué à renforcer l’autorité du tribunal de police sur les organisations des métiers, a plutôt entraîné une perte d’influence du prévôt au profit des maire et échevins26. Auparavant, la conservation des privilèges des jurandes et l’exercice de la justice sur le contentieux professionnel ressortait de la seule prévôté ; avec la nouvelle définition, les affaires concernant les Six Corps, c’est-à-dire les jurandes les plus prestigieuses avec les marchands de drap, les orfèvres, les merciers, les tapissiers, les pelletiers et les apothicaires, relevaient dorénavant de ce tribunal mixte. Cette ordonnance a constitué l’arme de combat des grands marchands et de l’élite des arts contre les métiers inférieurs ou même l’ensemble des travailleurs non corporés, la cour de police servant à protéger leurs intérêts économiques depuis la prise en mains de l’échevinage par les premiers à partir du dernier tiers du xviie siècle27. La concordance chronologique des deux phénomènes qui assurent cette redistribution du pouvoir souligne l’importance de cette phase dans l’histoire nantaise.
16La crise des années 1720-1730 illustre parfaitement ces luttes sociales et le rôle qu’y joue la municipalité. Les portefaix, artisans comme les autres puisque certains employaient des compagnons, désiraient depuis longtemps s’ériger en jurande et obtenir un statut de maîtrise. En 1726, ils sont parvenus à passer un accord avec le prévôt prévoyant la création de dix charges de maîtres contre le versement de 1 500 livres au Trésor royal. Les négociants, mécontents de cette structuration des travailleurs du port, ont naturellement fait rebondir la question au tribunal de police où le prévôt s’est trouvé incapable d’empêcher la publication d’une sentence interdisant la formation de la jurande. L’affrontement juridique s’est poursuivi jusqu’à la défaite des portefaix en 173428, ce qui montre parfaitement comment le tribunal de police pouvait être une arme très efficace au service des intérêts des groupes sociaux qui formaient le vivier de la municipalité29.
La municipalité et la cour de Nantes
17On désignait sous le nom de cour de Nantes l’ensemble formé par la réunion de la Sénéchaussée royale dont les origines remontaient au xiie siècle et du présidial institué par l’édit de mars 1551. La Sénéchaussée, qui comprenait un sénéchal, un alloué, un lieutenant et un procureur ducal puis royal, tirait prestige de son ancienneté, la fonction de sénéchal étant même apparue antérieurement à la division de la Bretagne en huit baillies vers 1084. Elle avait le rôle de juridiction de première instance pour les affaires royales et d’appel pour les justices seigneuriales du comté. Comme ce sont les tribunaux qui, par leurs arrêtés, leurs jugements et la jurisprudence qui s’en dégageait, ont formé lentement l’encadrement administratif ducal, le sénéchal de Nantes ne pouvait pas manquer de s’intéresser à l’administration de la cité. En 1420, le duc Jean V l’avait étroitement associé au conseil des bourgeois.
18En mars 1551, la création d’un présidial, qui avait pour but officiel de réduire la masse des jugements évoqués en appel au parlement de Bretagne, obligea également la Sénéchaussée à partager et donc à accepter une réduction de ses compétences. L’édit réservait au présidial les causes dont les peines ne pouvaient excéder 500 livres, la Sénéchaussée gardant les autres, définition qui n’a changé qu’en 1774 où le chiffre fut porté à 4 000 livres30 L’office de président du présidial formé une première fois en 1557, supprimé en 1568, puis rétabli en 1572, risquait de poser le problème d’une double direction. Grâce au prestige qui venait de l’ancienneté de sa fonction, le sénéchal fut considéré comme le premier juge du nouvel ensemble, avec préséance honorifique sur son rival, chacun présidant les séances relatives aux affaires réparties selon l’édit de 1551. Naturellement, les rivalités et même les affrontements internes n’ont pas manqué, les tendances aux débordements venant des deux côtés. Comme premier juge royal de la ville, le sénéchal a toujours conservé une grande autorité : les lettres patentes lui étaient adressées, il présidait les assemblées générales de la communauté et l’ordre du Tiers lorsque les États provinciaux se réunissaient dans le comté nantais, il avait même le privilège théorique de commander la garnison de la ville en l’absence du gouverneur et du capitaine du château31.
19Le sénéchal, regroupant derrière lui tous les autres juges royaux de la cour de Nantes, a naturellement fait figure de chef de file de l’opposition à l’installation de la municipalité à partir de janvier 1559, spécialement dans l’ultime sursaut de novembre 1564, en essayant d’empêcher les élections. Obligés de s’incliner devant la fermeté royale, la Sénéchaussée et le présidial ont alors basculé dans l’opposition administrative en essayant de réduire au maximum le champ d’intervention du corps de ville grâce au soutien du capitaine du château, de l’Église et du parlement qui a négligé d’enregistrer certaines lettres patentes. Malgré une nouvelle intervention de Charles IX en août 1570, le sénéchal a longtemps refusé d’admettre le statut municipal de décembre 1564. Il interdit encore au bureau de se mêler des affaires de la police le 2 mai 1572, ce qui suscite une réplique sévère de l’autorité royale qui publie de nouvelles lettres patentes le 4 août 1572, enregistrées rapidement par le parlement dès le 7 octobre 157232.
20L’heure de la conciliation avait donc sonné et la paix administrative fut assurée avec l’arrêt du conseil du 14 décembre 1575 qui confirma les lettres de François II de 1559, tout en ménageant certains privilèges au sénéchal qui reçut par exemple la présidence des assemblées générales, la préséance sur le maire dans les cérémonies, la surveillance des barrières d’octroi, la connaissance des procès intentés par la municipalité avant l’appel au parlement et toujours une certaine juridiction sur la police urbaine par le biais des arts et métiers ou de la mendicité33.
21La répartition des rôles n’a pas donné lieu à trop de difficultés, peut-être parce que les officiers de la Sénéchaussée et du présidial ont dominé la municipalité pendant la première moitié du xviie siècle. En 1604, le présidial a bien essayé d’obtenir le transfert du tribunal de police de l’Hôtel de ville au palais de justice du Bouffay, peut-être pour essayer de renforcer l’autorité du prévôt, mais cette revendication n’a pas abouti34. En 1608, la cour fut partie prenante de la crise politique qui secoua la ville à propos des octrois. Henri IV avait étendu à tous les marchands la taxe du « liard pour livre » levée simplement sur les étrangers auparavant. Des régnicoles s’opposèrent à cette mesure en portant l’affaire devant le présidial qui ordonna une assemblée générale en avril 1608. Le roi, mécontent de la tournure des événements, révoqua les octrois accordés le premier mars et appela le maire à la cour par lettre du 25 mai 1608. Le sénéchal des régaires Loriot, ancien ligueur notoire, se sortit de cette mauvaise passe en chargeant « quelques particuliers mal conseillés » qui avaient « au préjudice de la délibération dudit corps de ville… fait quelques procédures au Siège présidial dudit Nantes où ils seroient pourveus contre les formes ordinaires en telles affaires… »35. L’arrêt du conseil du 2 août 1608 a restitué ses octrois à la communauté, tout en supprimant complètement le liard par livre, ce qui était un affaiblissement financier de la municipalité.
22Suite à un arrêt du conseil du 17 août 1647 interdisant l’exportation des blés hors du royaume, le bureau servant avait donné ordre à son trompette Michel Chartier de publier le message royal dans les quartiers. Le sénéchal Jean VI Charette de la Gascherie, futur maire de 1650 à 1652, prétendant que cette initiative relevait de ses compétences, fit arrêter et emprisonner dans les caves du Bouffay l’infortuné employé municipal. Le maire, le riche marchand Jacques de Bourgues, et les échevins ayant protesté auprès du Conseil du roi, ce dernier publia un arrêt le 5 novembre 1647 qui donnait tort au sénéchal et lui demandait de relâcher son prisonnier, ce que le juge royal n’accepta de faire qu’avec la plus mauvaise volonté36. L’employé municipal avait croupi plus de quatre mois en prison.
23À partir du dernier tiers du siècle, les officiers du présidial désertant la municipalité de Nantes, les conflits entre les deux institutions auraient pu devenir plus nombreux. Or, les rivalités autour de la police sont demeurées très exceptionnelles et de faible portée37. Peut-être faut-il en chercher l’explication dans le fait que ce domaine revenait davantage au prévôt qui en partageait la juridiction avec la municipalité, mais aussi dans les querelles internes qui opposaient le sénéchal aux conseillers du présidial pour la délimitation de leurs compétences, le premier juge devant défendre des prérogatives mal supportées. L’histoire de cette union plus ou moins conflictuelle a d’ailleurs été marquée par une grande crise à chaque siècle, celle de la naissance qui se ponctue par le règlement du 26 mai 1573 favorable au sénéchal, celle de 1674-1686 concrétisée par un grand procès sans aboutissement devant le Conseil du roi, celle de 1772-1774 qui profite aux conseillers présidiaux dont les compétences sont nettement augmentées au détriment du sénéchal38. Rappelons que la compétition entre la Sénéchaussée et la municipalité a aussi porté sur le privilège de présidence des assemblées générales de la communauté traditionnellement reconnu au sénéchal depuis 1575, retiré en 1693 au profit du maire officier du roi, contesté et partagé de 1715 à 1748 et définitivement perdu par le sénéchal en 175539.
Les cours souveraines provinciales
La municipalité et le parlement de Bretagne
24Le Parlement, cour supérieure de la justice royale en Bretagne, avait été organisé par l’édit de mars 1554, dix ans avant la naissance de la municipalité et trois ans après la création des Présidiaux. Il prenait la suite d’une instance judiciaire mise en place entre 1485 et 1495 sous le nom de » Grands Jours ». À sa naissance, les deux grandes villes bretonnes se sont disputé la cour souveraine. L’édit de 1554 avait choisi de maintenir l’équilibre avec une séance de printemps à Nantes et une séance d’automne à Rennes. Le conseil des bourgeois s’est beaucoup dépensé pour obtenir de nouvelles lettres patentes en juin 1557 attribuant les deux sessions à Nantes, ce qui n’a constitué qu’une victoire très précaire puisque une contre-attaque rennaise a réussi à inverser la situation en mars 1561. La défaite s’explique par les changements de souverains après la mort d’Henri II et surtout par l’action du duc d’Étampes, gouverneur de Bretagne, qui préférait la position géographique plus centrale de Rennes40. Ce départ de la cour souveraine, que la municipalité nantaise ne put jamais faire revenir malgré quelques tentatives jusqu’au début du xviie siècle, marque un tournant important dans l’histoire institutionnelle et donc politique de la province. Ce fut certainement un coup sévère pour une ville qui prétendait au titre de capitale provinciale, mais cela permit aussi le développement de l’autorité de la municipalité qui n’aurait eu aucune chance de s’imposer dans le cas contraire. L’histoire provinciale comparée montre bien comment dans les grandes villes parlementaires les corps de ville ont eu un rôle beaucoup plus limité que celui qui s’observe à Nantes. La confrontation des évolutions de la vie politique à Rennes et à Nantes au xviie siècle est d’ailleurs tout à fait évidente41. La brève existence d’un parlement ligueur créé à Nantes de 1590 à 1598 par le duc de Mercœur montre excellemment l’impérialisme administratif naturel de l’institution et les rivalités inévitables avec la municipalité et même d’ailleurs avec le prévôt sur le fait de la police urbaine42.
25Le parlement, qui enregistrait les édits, les ordonnances et les déclarations comme conservateur de la législation royale, avait autorité pour surveiller la constitutionnalité des arrêtés municipaux. D’un autre côté, c’était le recours du bureau servant lorsque ses prérogatives ou ses privilèges étaient menacés par d’autres institutions concurrentes ou même de simples citoyens. Les relations pouvaient donc s’établir dans les deux sens. Le vecteur essentiel de la tutelle était assuré par les arrêts de règlement rendus par la cour, soit à l’occasion d’un procès particulier représentatif d’un problème général, soit à la demande des gens du cru pour préciser dans le détail de la quotidienneté provinciale les formulations trop générales des arrêts du conseil. Quelques exemples relevés dans les archives municipales offrent quelques illustrations concrètes de ces relations complexes.
26En 1630, la disette faisant rage dans la province, le parlement avait interdit le transport des grains entre les évêchés. Le mécontentement social ayant frôlé l’émotion populaire en automne, le maire et les échevins sollicitèrent de la cour l’autorisation d’importer 10 000 setiers de grains, moitié froment moitié seigle, ce qui leur fut accordé et qu’ils soldèrent grâce à un emprunt de 15 000 livres43. En 1662, dans une conjoncture aussi dramatique, le bureau de ville a essayé de jouer sur les politiques contradictoires du gouvernement et de la cour souveraine pour interdire la sortie des grains du port de Nantes vers les villes de l’amont, en s’appuyant sur un arrêt du 17 mars qui contredisait un arrêt du conseil du 12 mars. Bien mal lui en pris, car le maire fut convoqué à la cour pour s’expliquer le 6 mai 1662. Le décès inattendu de Jean Poullain, le 22 mai, évita sans doute à la municipalité de sévères admonestations44.
27En 1632, sur la demande de la municipalité, le parlement publia un arrêt pour rappeler les articles du statut du corps des marchands en gros et tout spécialement l’article onze qui interdisait aux marchands forains se déplaçant à Nantes d’y vendre directement à d’autres forains et de se prétendre bourgeois de la ville avant d’y avoir résidé pendant dix ans et d’y supporter les charges comme les autres habitants45. En janvier 1644, Mazarin, s’inscrivant dans la continuité de la politique commerciale engagée par Richelieu, a publié des lettres patentes accordant aux nobles et aux gens de robe de Nantes le privilège de pratiquer le grand commerce de mer sans déroger46. Le bureau de ville les a reçues en janvier 1646 après un enregistrement difficile à Rennes sur lettres de jussion47. Elles avaient pour but d’attirer les capitaux privés dans la société commerciale que le maréchal de La Meilleraye essayait de mettre sur pied et qui a organisé par la suite quelques voyages fructueux vers Madagascar48.
28Par deux arrêts datés du 10 mai et du 14 juillet 1634, le parlement a rappelé à l’ordre les maires, les échevins et le prévôt accusés de négligence dans la tenue du tribunal de police municipale49. Cet avertissement n’a pas empêché le laxisme de novembre 1636 et janvier 1637 dans la crise de xénophobie dont furent victimes les Portugais. La passivité très complaisante avec laquelle les maire et échevins traitèrent l’affaire cachait mal une hostilité partagée envers des concurrents commerciaux entreprenants et une minorité accusée de pratiquer secrètement le judaïsme et de refuser l’intégration dans la société nantaise50. Le 7 septembre 1664, après un réquisitoire du procureur syndic contre un jugement du présidial au profit d’un père des pauvres contre les droits de la municipalité, le bureau a décidé de se pourvoir au parlement. Le 13 janvier 1667, le bureau prenant acte du « refus faict par Monsieur le prévost de tenir l’audience de pollice au lieu ordinaire qui la voulust tenir au parquet des juges consuls… fust arresté que la ville se pourvoiroit au Parlement »51. En octobre 1666, le bureau de ville a enregistré une lettre du procureur général du parlement chargé de mettre en application un arrêt de la cour « au subject des soldats et mathelots désertans de l’armée navale du Roy à Brest ». Cet acte ordonnait à « Messieurs du corps de ville en charge de se transporter en toutes hostelleries et auberges de Nantes pour s’informer desquelles personnes y ont logé et y logent… ». La milice fut chargée de s’acquitter de cette mission52.
29En avril 1662, le corps de ville, constatant que la cour de Rennes refusait d’enregistrer des lettres de confirmation de noblesse obtenues en vertu des privilèges municipaux octroyés par les lettres de François II en 1559, décida d’y envoyer des représentants défendre des droits traditionnels toujours confirmés à chaque changement de souverain53. En 1669, lorsque Colbert a fait publier l’arrêt du conseil du 25 juin qui a redéfini en les rétrécissant considérablement les privilèges de noblesse, le bureau a pourtant cherché la protection du parlement pour conserver ses anciens statuts, ce qui n’a donné aucun résultat54. En décembre 1665, le procureur syndic fut chargé d’obtenir de la cour l’envoi d’une lettre de relief pour « empescher les créanciers de la ville de retenir les deniers d’icelle entre les mains des fermiers des octrois »55. En septembre 1669, Louis XIV ayant choisi de marquer sa reconnaissance au marchand Étienne Bureau pour les services rendus dans l’établissement de la compagnie des Indes Orientales en le nommant comme septième échevin, le corps de ville voulut montrer son irritation devant cet acte arbitraire qui ne respectait pas les statuts fondamentaux. Une demande d’intervention auprès du parlement ne fit pas plier le roi qui imposa sa décision malgré les remontrances56.
30Comme gardien de la législation royale, comme source complémentaire de réglementation administrative et comme tribunal d’appel, le parlement était donc un interlocuteur naturel de la municipalité. Cette tutelle n’était pas forcément accablante pour le corps de ville puisque si le parlement pouvait dénoncer un bureau négligent, prendre des arrêts qui réduisaient son autonomie d’action ou même contester certains privilèges municipaux, il intervenait dans d’autres causes en tant que protecteur des statuts traditionnels du corps de ville. Dans son activité réglementaire et judiciaire, il pouvait apparaître comme le tuteur contraignant qui ne respecte guère les élus ou au contraire comme le recours salvateur vers lequel on se tourne dans les difficultés. Redisons enfin, parce que c’est essentiel, que le contrôle du parlement à Nantes ne fut jamais pesant et asphyxiant parce qu’il siégeait à Rennes qui connût ainsi une vie politique complètement différente.
31Le travail des intendants après 1689 a affecté sérieusement le rayonnement de la cour souveraine sur les communautés bretonnes puisqu’en utilisant massivement la procédure des arrêts du conseil, ceux-ci ont limité son rôle réglementaire, la réduisant de plus en plus à son activité de cour d’appel. Les arbitrages de 1703, qui ont donné au commissaire royal la juridiction sur les affaires municipales et la délivrance des autorisations pour se lancer dans un procès, ont également contribué à abaisser son influence.
La municipalité et la chambre des comptes
32La chambre des comptes, itinérante au temps des ducs, avait fini par se fixer à Nantes en 150157. Elle y demeura pendant tout l’Ancien Régime, sauf le temps d’un bref exil à Redon en juillet 1780.
33La chambre des comptes, ayant pour mission essentielle de contrôler la régularité des comptabilités publiques de la province, exerçait naturellement cette surveillance sur la miserie municipale. Lors de la création de la municipalité, les maire et échevins avaient bien essayé d’échapper à cette tutelle. Le statut de décembre 1564 revendique d’être seuls responsables « de tout fait de compte et communaultez comme des deniers communs et patrimoniaux de ladite ville, frairies des églises, fabriques des paroisses desdites villes et forsbourgs que tout ailleurs de semblable nature ». Cette volonté est encore renforcée par un autre article qui postule « que les appellations desdits maire et échevins ressortiront directement en ladite court de Parlement et non ailleurs, de quelques choses que ce soit et n’y aura aultre que ladite court qui ayt congnoissance sur ladite mairerie »58. Pour bien comprendre cette insistance, il faut savoir que l’offensive du pouvoir central pour réduire l’autonomie du pouvoir urbain en matière financière était fort récente et que la jeune municipalité pouvait espérer obtenir un retour à la tradition de la première moitié du xvie siècle. Le véritable contrôle n’a été institué que lorsque un édit du roi Henri II d’août 1560 a exigé que les opérations des miseries soient soumises tous les trois ans à la vérification de la chambre des comptes59. Malgré le rappel constant des anciens privilèges ducaux, malgré les débats aux sessions des États de 1568, 1569, 1570, le pouvoir royal demeura intraitable et les édits de janvier et de novembre 1572 reprirent exactement le texte de 1560, de nouveau confirmé par Henri IV en octobre 159960.
34La chambre des comptes n’avait pas autorité pour distribuer des autorisations de dépenses, ni pour juger sur le fond de l’orientation de la gestion municipale, mais simplement pour vérifier que les règlements royaux étaient bien respectés et que les opérations comptables n’étaient en rien frauduleuses. Elle profita de l’émotion créée par la faillite du miseur Jean Fachu en 1635 pour publier un arrêt qui rappelait les conditions de fonctionnement de la miserie municipale. Le texte « ordonne que les deniers de la ville seront employés par ordonnance arrestée en la maison commune, selon les lettres d’octroy et arrestez de vérification d’icelles, sans pourvoir estre divertiz par quelque cause et occasion que ce soit et afin que l’ordre y soit mieux gardé […] que tous marchés, achapts et livraisons de boys, planches, madriers, chaux, pierres, pavés et autres choses qui auront esté jugées nécessaires, se feront par deux desdits eschevins qui seront chacun mois commis et dépputez du corps de ladite ville »61.
35Avant que l’intendance ne prétende tout surveiller dans le détail, c’est-à-dire avant 1700, les bureaux servants rendaient les ordonnances de paiement après l’audition du rapport des échevins nommés en commission pour surveiller les opérations et confiaient à leur syndic le soin de faire procéder au versement des fonds par l’intermédiaire de la miserie. Le contrôle des Comptes intervenait a posteriori et ne concernait que la régularité de la procédure. Une même formule clôture toujours les ordonnances municipales du xviie siècle. Par exemple, le 20 août 1656, le miseur Mangin doit verser à Gilles Corbineau, « maistre masson », la somme de 800 livres « à valoir sur la massonnerie du bastiment du collège Saint-Clément » suivant une ordonnance de la ville, « lequel miseur rapportant la présente ordonnance a en acquit dudit Corbineau de ladite somme, elle sera payée et allouée au compte dudit miseur par Nosseigneurs des comptes qui sont suppliez d’ainsy en faire »62.
36Si les auditeurs déclaraient illicites certaines mises, le trésorier se retournait naturellement vers les maire et échevins63. Cette première démarche demeurée infructueuse, la municipalité pouvait toujours se tourner vers son tuteur protecteur, le gouverneur du comté, puis ensuite l’intendant, et même en appeler au Conseil du roi. Louis XIII, dans des lettres du 6 février 1642, balaya les oppositions des auditeurs et ordonna à la cour de rétablir les articles contestés dans les comptabilités des miseurs Fachu et Nidellet où était en question la facturation des bougies blanches et jaunes offertes en cadeau de Noël aux maires et échevins64.
37Dans l’ensemble, les incidents étant plutôt rares et les désaccords minimes, il faut plutôt conclure à un fonctionnement institutionnel correct, la municipalité respectant les règles de gestion, la cour n’essayant pas d’étendre abusivement ses compétences. Une tentative de limitation de l’autorité de l’intendant sur l’attribution des octrois en 1711 fut tout de suite anéantie par le Conseil du roi65. Il faut attendre ensuite l’extrême fin de l’Ancien Régime pour qu’une crise très sérieuse oppose les deux institutions de 1777 à 1781 à propos du renouvellement des octrois et d’un droit de regard dans la comptabilité municipale pour tout ce qui concerne le domaine royal66.
La tutelle des représentants du roi
Les gouverneurs
Les gouverneurs de Bretagne et des ville et comté de Nantes
38La ville de Nantes appartenait au gouvernement de la Bretagne qui avait toujours été confié à de grands nobles de haute lignée au xvie siècle. Le dernier en fonction, le duc de Mercœur, cousin des Guise et beau-frère du roi Henri III, nommé en septembre 1582, était demeuré en place jusqu’en mars 1598, malgré sa destitution officielle en avril 1589, en tenant fermement la ville de Nantes devenue la capitale d’une Bretagne ligueuse révoltée contre Henri IV. À l’effondrement de la Ligue, ce dernier attribua la fonction à son fils bâtard légitimé César, duc de Vendôme, qui n’était âgé que de quatre ans67. À partir de 1610, ce prince causa bien du souci à la reine régente, puis ensuite à son demi-frère Louis XIII, en se lançant dans toutes les prises d’armes des Grands qui agitèrent chroniquement le royaume68 L’orientation anti-protestante prise par la politique royale à partir de 1621 le rapprocha alors de Louis XIII, mais son tempérament de comploteur et son aversion pour Richelieu l’entraînèrent dans la conspiration de Chalais, sanctionnée par l’exécution de ce dernier place du Bouffay à Nantes le 19 août 1626, ce qui entraîna sa destitution du gouvernement de Bretagne et son emprisonnement jusqu’en 163069.
39Le maréchal de France, Pons de Lausières, marquis de Thémines, nommé le 9 juillet 1626, juste avant la session des États de Nantes qui devaient affirmer leur parfait loyalisme et leur méfiance vis-à-vis de toutes les agitations pouvant rappeler la période ligueuse, est décédé à Auray en octobre 1627. Le cardinal de Richelieu, qui s’intéressait à la façade atlantique dans ses projets de développement commercial, amena les États à lui proposer la fonction de gouverneur dans leur session de 1630 et prit officiellement cette charge le 16 septembre 163170. La province se trouvait donc rattachée très directement au pouvoir central. Si le premier ministre n’est jamais venu en Bretagne, il en a confié la surveillance à un proche parent, le maréchal de La Meilleraye, véritable responsable politique de la province jusqu’à sa mort en 1664, la reine Anne d’Autriche ayant repris officiellement le gouvernement après le décès du cardinal en décembre 1642 pour le conserver jusqu’à sa propre disparition en janvier 166671.
40Dès 1664, elle avait appelé le duc de Chaulnes, petit-fils de Luynes, favori de Louis XIII, qui fut officiellement investi le 24 juillet 1670. Ce dernier, très bien décrit par Madame de Sévigné, célèbre pour la répression des révoltes du papier timbré en 1675, s’est imposé dans une province devenue stratégiquement importante dans les guerres contre les Provinces-Unies et l’Angleterre72. Après un quart de siècle de loyaux services, Louis XIV le déplaça en mars 1695 sur le gouvernement de Guyenne pour offrir celui de Bretagne au comte de Toulouse, fils naturel légitimé qu’il avait eu de Madame de Montespan. Ce dernier, à l’inverse de Chaulnes, a géré de très loin cette responsabilité depuis la cour de Versailles73. Promu au conseil de Régence en 1715 et chef du conseil de la marine pendant la Polysynodie, il a conservé son gouvernement jusqu’en 1736, date où il fut remplacé par son fils, le duc de Penthièvre, qui l’exerça dans les mêmes conditions.
41Pour seconder ces grands gouverneurs ou les commandants en chefs qui les ont remplacés au début du xviiie siècle, la monarchie nommait des lieutenants généraux qui se répartissaient la surveillance des évêchés bretons. Dans cette organisation, le comté de Nantes a toujours formé une entité spécifique et originale sous la responsabilité d’un lieutenant spécial, à cause de l’importance stratégique de l’embouchure de la Loire et du poids économique et administratif de la ville. C’est ce représentant du roi qui a toujours été le véritable interlocuteur de la municipalité, le lien avec le gouverneur provincial variant d’intensité suivant les différentes phases du xviie siècle. N’étant pas toujours présent, il était représenté par un commandant logé au château avec une garnison peu étoffée. Les relations du corps de ville avec cet officier militaire ont alterné entre la plus loyale collaboration comme avec de Baillon au début du xviie siècle et l’animosité la plus vive comme avec de Mianne au début du xviiie siècle74. À partir de 1694, la création d’un office vénal de lieutenant de roi du comté vint compliquer l’armature et provoquer des querelles de compétence ou de susceptibilité que la commission de commandant au comté accordé au comte de Lannion de 1711 à 1714 ne put qu’exciter75.
42En 1598, après la reddition de la ville ligueuse, Henri IV a tenu à y placer un de ses plus fidèles compagnons, Hercule de Rohan, duc de Mont-bazon, qui s’est avéré être un utile contrepoids au fantasque Vendôme gagné par l’esprit de contestation à partir de 1610. Le serviteur dévoué a conservé cette responsabilité d’avril 1598 à mars 1632, en la cumulant avec la lieutenance générale de Normandie, mais aussi avec le gouvernement de Paris et de l’Île de France à partir de 1619, ce qui a posé quelques problèmes pendant la régence de Marie de Médicis par suite de la multiplication des dangers, la reine lui faisant savoir par exemple en 1615 que sa présence était plus utile à Rouen qu’à Nantes76. Il dut se retirer pour laisser place au cardinal de Richelieu, représenté par son cousin le marquis de La Meilleraye, qui devint titulaire officiel de 1642 à 1664. De 1632 à 1664, le même représentant royal, membre influent de la clientèle de Richelieu par parenté proche, a ainsi cumulé les deux types de gouvernement77. Ce grand militaire, maréchal de France, titulaire de la charge de grand maître de l’artillerie, séjournait en Bretagne et à Nantes entre ses campagnes militaires dans la guerre de Trente ans78. Après son décès, son fils, le duc de Mazarin, marié à la dernière nièce du cardinal-ministre, bénéficiaire d’une survivance depuis 1643, ne fit qu’un passage-éclair en 1664-1665 dans la fonction, avant de démissionner pour se consacrer au gouvernement d’Alsace.
43Les responsabilités échurent alors à une famille bretonne importante : les Rosmadec, marquis de Molac, père (1665-1681) et fils (1681-1700)79 Les guerres entreprises par Louis XIV ramenèrent les grands nobles de la cour ou de leurs domaines personnels dans leur gouvernement. Sébastien II de Rosmadec fut souvent absent de 1682 à 1688, mais le déclenchement de la guerre de la Ligue d’Augsbourg l’appela à la défense du littoral sud breton80. La fonction est ensuite passée dans la famille d’Estrées avec d’abord Jean, vice-amiral et maréchal de France, responsable du comté de juin 1701 à mai 1707 et ensuite son fils Victor-Marie, lui aussi vice-amiral et maréchal de France, en fonction de 1707 à 173781. Le maréchal Jean d’Estrées intervint cependant dans les affaires nantaises dès 1690, date où il fut nommé commandant en chef pour la province de Bretagne. Ces grands nobles ont obtenu le gouvernement de Nantes après une carrière militaire bien remplie au service de la marine royale, leur participation aux plus grandes opérations navales précédant leur venue en Bretagne. Victor-Marie, marquis de Cœuvres, puis duc d’Estrées fut également nommé président du conseil de Marine en 1715 dans le cadre de la Polysynodie et plus tard membre de l’Académie française et ministre d’État en 1733. Ces hautes fonctions expliquent le caractère très épisodique de ses visites nantaises82.
Pouvoir militaire et municipalité
44Les problèmes militaires et le maintien de l’ordre ayant toujours été affirmés comme prioritaires dans les lettres de provision des gouverneurs, il n’est donc pas étonnant que nombre de leurs interventions concernent toujours ce domaine au xviie siècle. Chaque fois que la situation politique intérieure ou extérieure s’est dégradée jusqu’à provoquer de sérieuses inquiétudes pour la sécurité du comté nantais, les liens entre le gouverneur et le corps de ville se sont resserrés. Il s’agit le plus souvent de réactiver l’organisation traditionnelle de la milice bourgeoise dont les gardes sont ordinairement très relâchées et plus exceptionnellement de constituer un bataillon destiné à prêter main forte aux troupes royales chargées de la défense du littoral lorsque se précisent les menaces sur Belle-Île ou Noirmoutier, donc sur l’embouchure de la Loire. Dans les mesures classiques, il est fait une distinction entre la menace lointaine qui n’appelle qu’une mobilisation partielle d’un tiers de l’effectif et le danger pressant qui légitime la levée générale. Lorsqu’une troupe de miliciens doit partir vers la mer, la norme traditionnelle tourne autour de cinq cents sujets équipés.
45Les meilleurs exemples se rencontrent dans les périodes de guerre ou de crise politique ou lorsque les deux s’additionnent. Dans cette perspective, la décennie tumultueuse 1610-1620, qui va de prises d’armes en fausses trêves, sans que l’on sache vraiment quand le gouverneur Vendôme se rapproche sincèrement de la régente ou de Louis XIII ou manœuvre tactiquement avec son tempérament d’aventurier baroque, fournit la plus belle moisson d’exemples83. Elle est comme prolongée, mais avec une intensité moindre, jusqu’en 1629 avec les retombées de l’expédition royale contre Soubise en avril 1622, l’engagement de la milice avec Vendôme contre son ancien complice sur le littoral nord du comté en 1625 et les négociations difficiles menées par la municipalité pour la fourniture de l’artillerie et des équipements militaires nécessaires au siège de La Rochelle en 1627-162884.
46Ensuite, avec le report des grandes opérations sur la frontière orientale du royaume suite à l’intervention croissante de la France dans la guerre de Trente ans et à la suppression des privilèges militaires et politiques de la minorité protestante au traité d’Alès en 1629, la ville de Nantes ne connaît plus avec autant de régularité ces poussées de fièvre liées à la crainte d’une agression militaire. Celles-ci, qui ne disparaissent pas vraiment de l’histoire nantaise, sont quand même réduites à des grandes peurs passagères, ce qui n’ôte en rien la violence ponctuelle de leur expression. Au rythme des registres de délibération, on trouve ainsi des interventions liées à l’entrée directe dans la guerre de Trente Ans à partir de 1635 qui se traduisent par des problèmes de course en Atlantique ou de piraterie dans l’embouchure de la Loire ou encore par l’organisation de l’internement de prisonniers espagnols en 164385. Dans la grande crise de la Fronde, la ville de Nantes montrant le plus fervent loyalisme, et l’agitation en Bretagne se limitant à une querelle politique entre le Parlement plutôt contestataire et les États très fidèles, mais sans dérapage vers des prises d’armes nobiliaires ou des révoltes urbaines, le gouverneur n’a guère besoin d’intervenir. À peine quelques recommandations pour la mise en défense en janvier-avril 1649 ou encore en juillet 1650 et rien de spécial lors de la session tumultueuse des États à Nantes en 165186.
47Les guerres de Louis XIV avec les raids des marines ennemies et l’éclosion facile de paniques dans la population, spécialement dans le menu peuple, ont fait renaître ces mises en défense et ont donc contribué à réactiver ce rôle essentiel du gouverneur. En 1666 et 1667, à l’occasion de la guerre de Dévolution, peu de chose si ce n’est un appel à l’intendant de la marine pour une intervention de dégagement de l’estuaire menacé par les attaques des corsaires biscayens87. En juillet 1674, le marquis de Molac appelle un bataillon de 400 miliciens à la défense du Croisic malgré les réticences du corps de ville qui craint une émotion populaire88. La guerre de la Ligue d’Augsbourg a entraîné quatre levées pour la protection du littoral de Belle-Île à Saint-Nazaire, avec deux déplacements réels en 1688 et 1696 et deux mobilisations sans départs en 1693 et 1697. Deux détachements de miliciens furent envoyés sur le même front en mai 1702 et mai 1706, celui de 1711 n’ayant pas quitté la ville89.
48Si la peur d’une remontée de Loire par la marine hollandaise en juillet 1674 était manifestement déraisonnable, l’inquiétude des maire et échevins à propos des tensions sociales et des murmures contre les nouvelles taxes du papier timbré, du tabac et de la vaisselle d’étain n’était pas exagérée90. La crise allait éclater en deux temps, avec une première secousse les 22 et 23 avril 1675 et une seconde beaucoup plus grave du 3 au 6 mai. L’évêque ayant essayé de parlementer avec les mutins pour ramener le calme fut pris en otage, ce qui obligea le gouverneur Molac à relâcher une agitatrice, prisonnière au château. Le duc de Chaulnes, arrivé le 22 mai, rétablit l’ordre avec une répression assez modérée. Pour faire un exemple, un basbreton fut pendu, la meneuse condamnée au bannissement et un savetier exhibé au pilori. Les notables sont demeurés très prudents, la milice bourgeoise n’apparaissant pas très sûre dans cette affaire. Il semble qu’on ait donné la priorité à la négociation pour calmer au plus vite les tensions afin d’éviter l’intervention du pouvoir central, ce qui n’a pu être totalement réalisé puisque c’est le gouverneur provincial qui a fini par se déplacer et que le marquis de Molac, critiqué en haut lieu pour son manque d’énergie, a failli être relevé de son gouvernement comtal91. Les divergences d’analyse de l’été 1674 ne semblent donc pas avoir dégradé la collaboration entre la municipalité et son responsable militaire immédiat puisqu’au cours d’une grande crise ils ont adopté une stratégie commune de résolution pacifique du conflit.
49Le rappel du rôle militaire des gouverneurs et des occasions où il a pu se déployer met bien en valeur l’importance du tournant de 1630. Les deuxième et troisième décennies du xviie siècle se rattachent en fait à la seconde moitié du xvie siècle avec la forte persistance du sentiment d’insécurité et la répétition fréquente des problèmes militaires. Ensuite, les temps forts sont très ponctuels, espacés les uns des autres par de longues périodes de calme. Si dans ces crises, le gouverneur retrouve naturellement une importance que lui confèrent ses lettres de provisions, dans les périodes de relâchement, son influence est mise en sommeil. On peut même remarquer que les périodes de réveil correspondent au début des conflits ou des guerres, comme si la rupture de la paix extérieure provoquait une poussée de patriotisme qui ne se prolonge guère, sans doute parce que le danger avait grossi plus vite dans les têtes que sur le terrain92. Ainsi lorsque l’inspecteur général des milices vient en mission à Nantes en mars 1704, son enquête recense beaucoup de défaillances dans une période de guerre, ce qui justifie une intervention réglementaire du commandant en chef93 Pourtant, même si la milice ne brille pas toujours par sa bonne organisation, elle reste le symbole de la force militaire de la ville et à ce titre les gouverneurs n’oublient jamais de bien marquer leur pouvoir de commandement à chaque séjour dans la cité. Leur représentant permanent, le commandant du château, est convié chaque année à assister à l’élection des officiers et au tirage au sort des jours de garde par les compagnies des quartiers intramuros94.
Le contrôle administratif de la ville
50Comme tuteurs politiques de la communauté, les gouverneurs étaient les intermédiaires naturels et obligés entre la municipalité et le pouvoir central, ce qui leur donnait une influence considérable dans la désignation des élus locaux, mais aussi dans les négociations des affaires les plus délicates.
51À partir du règlement d’Henri IV de 1598, la méthode de sélection du corps de ville et des officiers de milice a combiné deux principes : le respect de l’expression du corps politique encadrée et guidée par le principe de cooptation et la suprématie de la prérogative royale qui se réservait le choix final à partir de trois candidats présélectionnés pour un poste. Garant de la régularité des opérations, le gouverneur de ville avait autorité pour proposer des modifications de procédure ou faire appliquer les décisions royales annulant certaines initiatives nantaises95. Le roi ne connaissant pas les notables locaux, le gouverneur de ville était donc un conseiller naturel, celui dont il fallait gagner la faveur pour espérer une place dans le corps de ville. Placé dans une position stratégique, au carrefour de toutes les ambitions, il servait à orienter la vie politique en transmettant les informations dans les deux sens : de bas en haut, en proposant une analyse sur la puissance sociale, le dynamisme et l’image de marque des notables en compétition, mais aussi de haut en bas lorsqu’il s’agissait de faire comprendre aux bureaux de ville une inflexion ou une réorientation de la politique royale.
52Le maréchal de La Meilleraye paraît ainsi avoir joué un rôle assez important dans les changements détectés dans les origines sociales des maires et échevins au milieu du siècle. Comme par extension de ses attributs dans la désignation de la municipalité, ce dernier semble avoir outrepassé ses droits légitimes pendant les dix dernières années de sa commission. Bousculant le privilège du bureau de choisir lui-même les employés de la municipalité, il impose le choix du concierge en 1654, celui du miseur en 1657 et celui des portiers à partir de la même année96. Cette montée de l’autoritarisme, qui caractérise le dernier tiers de son gouvernement, n’a cependant pas fait école puisque le marquis de Molac qui lui a succédé est revenu à une conduite classique plus respectueuse des droits établis avant que tout ne soit bouleversé par la politique fiscale des créations d’offices à partir de la décennie 1690.
53Cette rivalité entre le corps de ville et les responsables militaires du château a connu des poussées de tension comme par exemple en 1704 à propos de la convocation des compagnies de milice bourgeoise. Julien Proust, maire par office depuis 1693, critique vigoureusement l’attitude désagréable et les manœuvres politiciennes du commandant de Mianne :
« n’estant que trop informé par quelles intrigues il a tasché de mettre la division en ceux qui composent la communauté, avec quelle application il inspire actuellement de la jalousie aux officiers de milice contre nous, les mandant continuellement dans le château, les flattant de son crédit et de son pouvoir, avons jugé à propos de réclamer contre de telles entreprises si contraires au service du Roi et à la tranquillité publique ayant d’ailleurs appris avec la dernière douleur que le sieur Mianne a toujours et même encore depuis peu insinué aux Ministres de S. M. que cette ville est pleine de sédition, qu’il y règne un esprit républiquain… »97.
54À partir du contenu assez généraliste des lettres de nomination, les gouverneurs avaient autorité sur l’ensemble de la police municipale. Le maréchal de La Meilleraye règle ainsi la circulation des grains. En 1636, alors qu’il a donné l’autorisation de sortir des céréales du comté, le bureau décide de lui écrire pour le faire changer d’attitude98. En 1643-1644, dans une période de disette, alors que de nombreuses réunions du bureau concernent l’approvisionnement, le gouverneur supervise tout le trafic sur la Loire en délivrant des passeports aux marchands d’Angers, de Saumur et de Tours pour tirer exceptionnellement des céréales du port de Nantes99. Il est directement mêlé à la crise frumentaire et politique de 1661-1662. Comme les blés sont rares en Anjou, il distribue des passeports aux marchands, ce qui rend le menu peuple suffisamment nerveux pour que la municipalité avertisse le commandant au château du danger de la situation en décembre 1661. Malgré quelques mesures de service prioritaire pour Nantes, la crise sociale gonfle de nouveau en mars 1662 par suite de délivrance de nouveaux passeports100. Le bureau de ville, qui entend jouer des contradictions entre le gouverneur et le parlement, s’attire les remontrances royales en avril 1662.
55De 1640 à 1648, La Meilleraye s’affaire principalement à la relance du commerce nantais avec le soutien apporté à l’édification d’une bourse, la reconnaissance du corps du consulat marchand, la création de la société commerciale dite de « La bourse commune » approuvée par le Roi en janvier 1644. Sous sa direction, elle s’oriente de 1654 à 1664 vers le commerce des Indes avec quelques belles réussites avec Madagascar101. Cette société qui a disparu en 1664 au profit de la Compagnie des Indes Orientales a ainsi préparé les marchands nantais aux initiatives de Colbert102. De 1645 à 1647, il sert de pacificateur dans le conflit qui oppose les marchands nantais et hollandais103. Dans le même temps, il patronne la translation de l’Hôtel-Dieu de la zone intra-muros vers l’île Gloriette et donne même le terrain pour édifier le nouveau bâtiment, ce qui lui vaut d’être reconnu par acte officiel du 20 mars 1646 comme fondateur de l’Hôtel-Dieu104.
56En septembre 1661, lors de son voyage à Nantes, Louis XIV accorde aux jésuites le droit d’y fonder un établissement. C’est le maréchal qui est chargé de faire appliquer la décision dans une ville où l’influence des Oratoriens est considérable puisque les municipalités ont renouvelé régulièrement le contrat qui leur donne la responsabilité de l’enseignement secondaire au collège Saint-Clément depuis 1625. Dans l’assemblée générale du 25 septembre 1661, il expose la volonté royale et ouvre les négociations. La mairie récalcitrante ne se résigne à cette idée que sur une nouvelle intervention en septembre 1663. Les discussions ont traîné jusqu’en 1672 où le corps de ville, obligé d’accepter à contre-cœur la naissance de la maison des jésuites, paraît vouloir sinon se venger, du moins signifier nettement son inclination en confiant à perpétuité l’animation du collège aux Oratoriens105. Les problèmes d’enseignement avaient d’ailleurs donné lieu à une autre médiation du gouverneur quelques années auparavant. Le 30 avril 1652, le corps de ville, ayant constaté le délabrement du collège Saint-Jean et la grande fatigue de Saint-Clément, avait conclu à la nécessité de vendre les restes du premier pour aider au financement de la reconstruction totale du second106. Cette décision avait entraîné un procès avec le chanoine scolastique Pierre Merceron qui détenait le tutorat de l’enseignement à Saint-Jean. Le maréchal s’était entremis entre les deux parties pour favoriser un accord le 14 février 1655.
57En juillet 1680, après les ravages d’un violent incendie dans le quartier de la Casserie, les élus songent à profiter des destructions pour améliorer les conditions de circulation qui sont devenues vraiment problématiques dans ce lacis de petites ruelles dans cette zone intra-muros où l’activité marchande et artisanale est particulièrement développée. Les délibérations portent sur les procédures d’expropriation pour l’élargissement de la rue de la Casserie. Elles entraînent l’intervention du comte de Morveaux, commandant au château, lieutenant du gouverneur de ville, qui n’a pas été consulté et qui rappelle à cette occasion les règles de fonctionnement de la municipalité telles qu’elles ont été récemment redéfinies par lettres patentes du 25 février 1675107. Selon le représentant du roi, la ville étant confiée à la garde du gouverneur ou de son lieutenant, celui-ci doit donner son consentement à toute séance municipale élargie, les bureaux servants bénéficiant seuls du privilège de se réunir en toute liberté.
58Cette mise au point indique que la surveillance de l’administration royale se contente encore du contrôle des ordres du jour des séances élargies, c’est-à-dire évidemment des questions les plus épineuses et les plus importantes. En élargissant cette remarque, il apparaît que ces séances d’ouverture du bureau servant sont en relation intime avec la tutelle traditionnelle du xviie siècle. Un certain nombre sont d’ailleurs convoquées pour entendre des ordres du roi ou l’avis des gouverneurs. En ce sens, elles sont déjà pré-orientées. Il faut cependant nettement différencier celles qui concernent les problèmes militaires où le rassemblement a pour objet principal de traduire concrètement sur le terrain un règlement ou des ordres donnés par le gouverneur et celles qui touchent aux problèmes économiques, sociaux et culturels, où la liberté de manœuvre des élus et des notables associés demeure beaucoup plus grande.
Un exemple : le passage du duc de Mazarin en 1665
59Pour en finir avec l’évocation de la diversité des interventions possibles du gouverneur, prenons l’exemple du passage à Nantes du duc de Mazarin. Arrivé à Nantes le 5 juillet 1665, il a de suite manifesté une activité administrative débordante. En juillet, il est amené à réglementer le financement de l’entretien des ponts de bois par les propriétaires des maisons et des boutiques installées dessus, les conditions de la cession viagère des terrains le long des remparts et sur les rives de l’Erdre, le port d’armes pour éviter les affrontements sanglants entre les habitants et les soldats du château et surtout des compressions de dépenses pour engager le désendettement de la ville. En novembre, intervenant sur la police de l’assistance, il ne parvient pas à convaincre les élus de l’intérêt d’une gestion commune de l’Hôtel-Dieu et du sanitat108.
60Ces cinq mois de présence évoquent assez bien l’étendue et les limites de la tutelle administrative des gouverneurs de Nantes. Le représentant du roi a manifestement suffisamment d’autorité pour prétendre intervenir sur n’importe quel domaine. Peut-on parler de surveillance suivie ? Notons d’abord que c’est un nouveau gouverneur qui rend pour la première fois visite à sa ville. Il existe donc naturellement une émulation de la nouveauté et le désir de marquer son territoire par l’affirmation de sa personnalité109 La ville a connu le même activisme à chaque changement de titulaire. Dans la durée, quel contrôle ?
61La lecture des registres de délibération laisse nettement l’impression que la tutelle du gouverneur était inexistante dans les opérations ordinaires de trésorerie. Il suffisait d’un rapport favorable de l’échevin enquêteur chargé de la surveillance des travaux avec parfois l’aide technique du contrôleur, du greffier ou même de l’architecte de ville, pour que le bureau servant prenne une ordonnance de paiement qui était transmise au miseur par le procureur syndic. Une même formule terminale, qui ponctue toujours ses décisions, ne parle jamais du gouverneur, ni de son représentant, mais simplement du contrôle global effectué a posteriori sur l’ensemble du budget par la chambre des comptes, surveillance de la probité de la miserie et non pas analyse préalable du bien fondé de telle ou telle dépense. La gestion des emprunts reste également entre les mains du corps de ville. Pour ne prendre qu’un exemple parmi d’autres, les nombreuses séances de mars-avril 1651 convoquées pour délibérer sur un emprunt pour l’Hôtel-Dieu restent le fait du seul bureau servant110. Naturellement, avant de se lancer dans des travaux importants, la municipalité devait obtenir l’autorisation du conseil du roi, ce qui replaçait le gouverneur en position d’intermédiaire. Mais il semble bien que cela ne concernait que le principe même de l’opération, le gouvernement ne s’occupant pas du financement, sauf à répondre positivement ou négativement aux demandes d’octrois supplémentaires.
62Lorsque le pouvoir royal a décidé d’apurer les finances des villes surchargées de dettes à partir des ordonnances de Colbert sur la vérification en octobre 1662 et sur leur liquidation en février 1665, un gouverneur tel que Mazarin ne semble pas le mieux placé pour apporter une solution. Dans ses propositions de juillet 1665, il se berce d’illusions. L’affectation du tiers du budget au remboursement paraît bien irréaliste devant les énormes besoins des équipements publics comme il le reconnaît lui-même en accordant déjà une exception pour l’année 1666 où l’argent ira « au restablissement des ouvrages publics qui est une chose de telle conséquence puisque sans elle toutes les advenues et lieux publics de ladite ville tombaient dans une ruine et décadence totale… »111. Dans une ville où l’entretien des ponts est vital pour l’activité économique, ce sont le pavage des rues et des places et l’entretien des remparts qui pâtissent de la crise financière. Le côté superficiel de l’intervention du gouverneur se manifeste même dans ses propres résolutions comme lorsqu’il est amené à remettre le choix du remboursement ou du financement des travaux à « la bonne sage et prudente conduite de Messieurs de la ville auxquels le détail en est absolument déféré »… On ne voit pas par quel miracle des maires et des échevins écrasés jusqu’ici par les problèmes financiers sans avoir aucunement démérité trouveraient dans une « sage conduite » la solution à leurs problèmes. Cette perspective paraît aussi dérisoire que la suppression des distributions de vin et de gâteaux !
63Mazarin illustre également le problème des déplacements du gouverneur qui, comme militaire, peut être appelé à diriger les armées sur les champs de bataille et, comme membre de la grande noblesse, aime à replonger régulièrement dans les délices de la cour. L’absentéisme et la surveillance à distance par contacts épistolaires ne peuvent qu’élargir l’autonomie du bureau de ville, la tutelle se limitant bien souvent à cautionner une orientation mûrie et formulée d’abord dans les instances locales. Après lecture des registres, il semble que les réalisations venues de l’initiative du gouverneur ont été nettement moins nombreuses que les actions imaginées par le corps de ville et appuyées facilement par le gouverneur dans la mesure où la ville restait d’une fidélité exemplaire.
L’intendance
Les progrès d’une nouvelle administration provinciale
64En exceptant la tentative du cardinal Mazarin pour introduire un intendant en Bretagne en 1647, innovation rendue difficile par l’opposition du Parlement et finalement anéantie par le déclenchement de la Fronde en 1648, il a fallu attendre 1689 pour voir la province entrer vraiment dans le schéma de centralisation administrative112. De 1679 à 1681, Louis XIV avait toutefois utilisé les services de l’intendant de Tours, Béchameil de Nointel, nommé par commission pour vérifier les titres du domaine royal déposés à la chambre des comptes113.
65Comme partout ailleurs, la volonté de Colbert de remettre de l’ordre dans les finances municipales avait déjà engagé le processus de rétrécissement de l’autonomie du corps de ville depuis une vingtaine d’années. En 1666, des commissaires royaux avaient été envoyés en Bretagne pour dresser le bilan de la situation et une délégation nantaise les avaient rencontrés au mois d’août à Saint-Malo. Il en était résulté un premier arrêt du conseil du 6 juin 1667, enregistré à Nantes le 7 septembre 1667, qui n’était guère qu’une première approche très superficielle du problème puisque la seule mesure vraiment sérieuse limitait les dépenses du pavage à 5 000 livres par an, ce qui associait l’assainissement financier à la dégradation des équipements publics114. Un second arrêt du 19 septembre 1668, enregistré à Nantes le 10 janvier 1669, se préoccupait déjà plus de l’amenuisement de la dette, mais la véritable solution ne fut définie que dans le troisième arrêt du 18 août 1670, enregistré le 26 octobre 1670. Le roi déchargeait la ville du paiement des rentes des emprunts et donnait la priorité pour le remboursement aux créanciers qui acceptaient d’abandonner le tiers de leur capital. L’ensemble des dépenses ordinaires fut cadré par l’arrêt du 18 juillet 1681, enregistré à Nantes le 28 juin 1682, qui a servi longtemps de référence à la miserie municipale115. C’était donc au prix d’une banqueroute partielle que la monarchie espérait redresser les finances municipales.
66L’arrivée de l’intendant Auguste Robert de Pomereu en 1689 allait nettement plus bousculer les traditions puisque celui-ci allait bénéficier des pouvoirs déjà définis pour les autres villes des autres provinces dans l’édit de 1683 qui imposait en premier lieu la vérification des comptes municipaux par l’intendant, mais aussi le contrôle sur l’aliénation des biens de la ville et sur les emprunts, ces deux démarches étant soumises également à l’approbation préalable d’une assemblée de notables116. Enfin, le corps de ville ne pouvait plus ester en justice sans la permission du commissaire du roi responsable de la généralité. La commission de Pomereu lui donnait la haute main sur les assemblées de ville, l’autorité nécessaire pour faire respecter l’ordre requis lors des élections municipales et surtout pour prendre connaissance des deniers communs et d’octroi. Pomereu fixait lui-même ses priorités d’actions en Bretagne : « [...] rétablir les affaires des communautés, contrôler la perception des revenus d’octroi et leur emploi, ne rien laisser entreprendre en dépenses qui n’ait été préalablement autorisé par le commissaire départi »117.
67Ces bases juridiques de la tutelle de l’intendance ont été clairement réaffirmées en Bretagne en 1703 au bénéfice de son successeur Béchameil de Nointel (1692-1705). Un arrêt du conseil du 16 janvier lui a réservé la juridiction sur les affaires municipales, ce qui équivalait à un net rétrécissement des prérogatives du Parlement et la déclaration du 12 octobre dessinait, en répétant les clauses de l’édit de 1683, les nouvelles frontières d’un ordre municipal rapetissé118. Le fait que ces deux textes, qui ont constitué les références le plus souvent utilisées par l’intendance contre ses adversaires au xviiie siècle, n’aient été promulgués qu’en 1703, c’est-à-dire à la fin du mandat de Nointel, témoigne sans doute des résistances auxquelles se heurtait la nouvelle structure administrative. De même, leur réédition le 8 août 1712, vers la fin du mandat de Ferrand de Villemilan (1705-1715), ne plaide pas non plus pour l’idée d’une administration triomphante imposant sans difficulté ses méthodes à d’anciennes institutions locales totalement passives. En 1711, Ferrand se plaint du bureau de ville qui a engagé des dépenses extraordinaires depuis deux ans sans son autorisation et sans que la chambre des comptes ne s’en émeuve119. La nécessité politique de réaffirmer par deux fois les principes de base du nouvel ordre administratif laisse deviner la survie des pratiques traditionnelles.
68Pourtant, la conjoncture difficile de la dernière décennie du règne de Louis XIV a favorisé l’interventionnisme du représentant royal. La lecture des registres de délibérations et de la correspondance avec le contrôleur général permet de suivre l’affermissement de l’autorité de Ferrand de Ville-milan qui s’active beaucoup au sujet des problèmes de renégociation systématique de tous les privilèges urbains, du rachat des multiples offices municipaux créés dans des perspectives fiscales, du renouvellement de l’octroi de six deniers par pot de vin concédé pour l’éclairage des rues avec des lanternes et réutilisé ensuite pour le remboursement des offices, des importations de céréales autour du grand hiver 1709, de la mise en application de la capitation ou de la reconstruction du pont de Pirmil qui a vu plusieurs de ses arches emportées par la crue de 1711120. Il sert même de médiateur entre la municipalité et le prévôt qui est parvenu à acquérir l’office de lieutenant général de police à la barbe des maire et échevins en 1699, ce qui pose des problèmes de compétences, mais aussi de rivalités de préséance dans les assemblées de la communauté121. La tutelle financière se met en place progressivement : la surveillance systématique de toutes les dépenses, qui exige une autorisation préalable avant de donner ordre de paiement au miseur, apparaît concrètement sur les registres en 1720.
69Toutefois, au milieu de ces difficultés, la municipalité n’oublie pas d’avoir plusieurs fers au feu comme le montre sa réaction en mars 1696 où, pour obtenir l’exemption d’un droit sur les eaux de vie produites dans le comté, elle s’adresse parallèlement au gouverneur provincial, à son lieutenant dans le comté, au procureur général syndic des États et quand même à l’intendant122. Cette installation progressive de la tutelle de l’intendance et sa nécessaire souplesse face aux prérogatives anciennes des autres administrations, spécialement des gouverneurs, n’est pas spécifique à la Bretagne et se retrouve dans bien d’autres provinces123. Le gain de la suprématie paraît quand même rapide en Bretagne. Pour les Nantais, l’affaiblissement du rôle politique du gouverneur de ville avec l’office de maire de 1693 à 1715, le départ du duc de Chaulnes en 1695 et l’installation d’un subdélégué permanent en 1710, couronnée par son élévation au poste maire en 1720, en ont été les principales étapes.
La création de la fonction de subdélégué
70Le réseau des subdélégués du comté de Nantes s’est progressivement mis en place. Pomereu a établi des « correspondants » dès son arrivée en 1689, mais c’est Béchameil de Nointel qui a conforté leur rôle en leur confiant de multiples enquêtes. L’édit d’avril 1704 créant des offices de subdélégués a permis d’officialiser la fonction, mêmes si ces derniers ont été supprimés en 1715124. Les premiers temps de la subdélégation nantaise sont difficiles à reconstituer par manque de documentation125. Certains officiers de justice comme les sénéchaux Charette en 1692 et 1702 et d’Aumont en 1709 portent ce titre pour des missions ponctuelles126. La levée de la capitation a beaucoup favorisé la nomination en subdélégation. Le procureur du roi Boussineau travaille pour l’intendant en 1704-1705 bien avant d’être élu maire de 1716 à 1720127. Le premier à mériter vraiment cette appellation semble donc être Gérard Mellier, recruté par Ferrand en 1710128 et maintenu dans cette fonction jusqu’à son décès en 1729.
71Né en 1674 dans une famille de la moyenne bourgeoisie lyonnaise, venu à Nantes avec sa mère après le décès prématuré de son père, il a trouvé dans cette ville la protection de son oncle Nicolas Ballet, un puissant traitant qui a pris le bail des octrois en 1689 pour une durée de 21 ans et qui est parvenu à s’anoblir en 1696. Le jeune Mellier s’est d’abord orienté vers des études juridiques qui lui ont donné le grade d’avocat, mais très précocement, ce sont les spéculations financières qui l’ont davantage attiré. S’appuyant sur la réputation et les capitaux de son oncle, mais aussi sur les affaires commerciales des Laurencin (son beau-frère), il s’est intéressé à la guerre de course (1695) et à la banque (1698), à l’affermage des revenus royaux (1701) avant d’opter pour l’office de trésorier de France, général des finances en Bretagne en 1702129. Malgré son entrée dans le monde des officiers, Mellier va toujours demeurer persuadé que l’avenir de la ville réside dans le commerce international et ne va pas ménager ses efforts pour le développement du trafic colonial. Il reste ainsi toujours très proche des milieux négociants dont il s’est fait le porte-parole.
72Son ascension administrative a débuté en 1709, année où après avoir publié un traité sur la voirie, il a été nommé commissaire du roi aux États de Saint-Brieuc, ce qui laisse supposer l’existence de liens de confiance avec l’intendant Ferrand arrivé en 1705 et qui explique son installation dans la subdélégation nantaise. Parallèlement à des recherches scientifiques dans sa spécialité, il est ainsi amené à se préoccuper des problèmes de la municipalité sur des sujets aussi divers que la réglementation du commerce, les grands travaux, le passage des troupes et la levée des nouveaux impôts130 Il est également intervenu sur une éventuelle réforme du scrutin proposée par une partie de la classe politique nantaise. Cette dernière mission illustre parfaitement les translations de pouvoir opérées au profit de l’intendance, même s’il lui est impossible d’ignorer les prérogatives et l’influence du maréchal d’Estrées qui reste le tuteur politique naturel de la ville, tout en n’hésitant pas à critiquer sévèrement les propositions du comte de Toulouse, gouverneur provincial en titre, lorsqu’il estime que celles-ci ne sont pas adaptées aux réalités locales131. Les relations avec d’Estrées restent d’ailleurs excellentes puisque c’est ce dernier qui lui a proposé la mairie de Nantes en 1720.
73Cette élection et cette nomination, alors qu’il conserve ses fonctions d’officier de finances et surtout de subdélégué de l’intendant, tourne réellement une page de l’histoire politique nantaise sous l’Ancien Régime et clôt définitivement le xviie siècle municipal marqué par une relative autonomie d’action du corps de ville, même si celle-ci dépérissait depuis le règne de Louis XIV.
Conclusion
74L’administration royale du xviie siècle demeurant encore largement d’essence judiciaire, la municipalité était naturellement amenée à travailler en liaison avec les cours royales de justice de Nantes ou de Bretagne. Dans l’ensemble, ce siècle ne connaît pas de grands affrontements. Les arbitrages de 1575-1581, qui ont mis fin aux querelles liées à la transformation du conseil des bourgeois en municipalité, ont assuré une collaboration assez harmonieuse. L’association de la prévôté et du bureau servant pour juger le contentieux de la police municipale n’a été vraiment remise en cause que par la création de l’office de lieutenant général de police en 1699 qui a ressuscité l’ancienne rivalité. Il a fallu huit ans pour que la voix de la sagesse fasse comprendre la nécessité du retour à l’équilibre défini par le compromis de 1581 (arrêt du conseil 15 novembre 1708).
75L’arbitrage de 1575 laissant au sénéchal la présidence des assemblées générales de la communauté a permis l’établissement de relations pacifiques entre le corps de ville et l’ensemble Sénéchaussée-présidial. Les quelques poussées de fièvre liées directement à la politique urbaine sont restées exceptionnelles (1608, 1647) et se sont effacées devant les querelles de préséance dans les processions religieuses ou les cérémonies publiques. L’attribution de la présidence de toutes les assemblées au maire par office à partir de 1693 a représenté une perte de prestige pour le sénéchal qui s’est efforcé d’obtenir le rétablissement de l’ordre traditionnel après la restauration des élections en 1716, ce qui a provoqué une contestation qui s’est éternisée jusqu’en 1724-1727. La chambre des comptes s’est limitée au contrôle de la probité de la comptabilité municipale sans que cette surveillance a posteriori amène d’incidents graves.
76Le départ du Parlement à Rennes en 1561 a sans doute constitué une défaite irréparable pour les prétentions nantaises au rôle de capitale provinciale, mais l’éloignement de la cour souveraine provinciale a en retour favorisé l’épanouissement de la vie municipale en laissant aux élus du corps de ville un champ d’action beaucoup plus grand que celui décrit habituellement dans les villes parlementaires, qu’il s’agisse de Rennes, de Bordeaux ou de Toulouse. La tutelle du Parlement, qui complétait par ses arrêts la législation royale dans le domaine de la police générale et qui servait de cour d’appel pour les procès de la municipalité, se transformait aussi souvent en protection contre les attaques du pouvoir central contre les privilèges urbains.
77Cette double vocation de surveillance du pouvoir local et de défense des libertés traditionnelles caractérise aussi la fonction de gouverneur vue par les élites nantaises. Si les tutelles militaire et politique sont demeurées les deux bases essentielles de l’autorité de ces représentants du Roi, les exemples cités ont illustré un interventionnisme sans limites véritables, tempéré toutefois par une présence épisodique et par une absence de contrôle du détail des opérations comptables. Les mesures de redressement financier qui précèdent d’une vingtaine d’années l’arrivée de l’intendance en 1689 marquent évidemment le début d’un rétrécissement de l’autonomie de gestion comme partout ailleurs dans le royaume. La lenteur de la mise en place des subdélégués, celui de Nantes ne devenant permanent qu’en 1710, laisse encore perdurer quelques réflexes d’autonomie de gestion. La bureaucratisation de la vie municipale a pourtant commencé son irrésistible progression, et la nomination du subdélégué comme maire de Nantes en 1720 comme le dépérissement des formes d’ouverture du bureau servant qui a provoqué la crise de 1729 montrent bien que le chapitre d’histoire municipale du xviie siècle est définitivement clos.
78Le xviie siècle français est caractérisé pour les institutions municipales par leur prise en mains par le pouvoir monarchique. Sans aller jusqu’au remaniement des structures, sans pratiquer forcément un interventionnisme perturbateur dans les nominations des maires et échevins, toutes choses qui ne caractérisent pas la vie politique nantaise, le pouvoir central a pourtant resserré son contrôle administratif, spécialement par le biais des finances communales. L’alourdissement de la tutelle gouvernementale à partir de Colbert est une forte réalité à laquelle Nantes n’a pas pu échapper.
Notes de bas de page
1 DURAND (Y.), Les républiques au temps des monarchies, Paris, 1973.
2 AMN HH 48, création du consulat.
Vailhen (J.), L’établissement de la première mairie à Nantes, DES, dact., Rennes, 1960.
3 AMN HH 51-53, conflits de compétence.
GABORY (J.), Le tribunal consulaire de Nantes, Nantes, p. 264.
4 RENOUL (J.C.), Le tribunal consulaire à Nantes, Nantes, 1870, p. 61-64.
5 AMN BB 7, 14-08-1569.
6 AMN BB 30, 25-07-1624, 64 votants et « plusieurs autres ». BB 44, 25-07-1661, 62 votants et « plusieurs autres ». BB 55, 25-07-1686, 77 votants (4 BS, 3 AE, 3 JC, 67 AJC et marchands). HH 50 et 51
7 AMN BB 30, 02-08-1624 ; BB 44, 02-08-1661, BB 55, 02-08-1686.
8 ROBLIN (L.), Le commerce de la mer, Nantes, 1680-1730, thèse de 3e cycle, univ. ParisIV, 1987, p. 418-440.
9 AMN BB 57, f.157, 15-07-1689.
10 AMN BB 57, f. 154-158, BB 58, f. 83-84.
11 AMN BB 61, f. 168-169, BB 62, f. 152-155, BB 63, f. 28-29.
12 RENOUL (J.C.), op cit., p. 125, 138-139.
13 AMN BB 63, f. 164-168, ADLA, C 511, f. 119-120.
14 AMN BB 75, 24-25 07 1722.
15 AMN BB 94, 15-06 ; 24, 25, 29-07 ; 5-09 ; 19-01-1754.
ADLA C 283.
QUENET (M.), Le général de commerce de Nantes. Essais sur les institutions corporatives coutumières des négociants au xviiie siècle, thèse droit, dact., Nantes, 1973, p. 265269, 276282, 285.
16 PERRAUD-CHARMENTIER (A.), Le sénéchal de Nantes dans ses rapports avec les conseillers au présidial, Paris, 1925, p. 137.
17 AMN FF 10, conflit 1565-1574.
18 AMN FF 12, 07-08-1581 et ADLA C 281.
19 AMN BB 41, 23-08-1650, 04-09-1650.
20 ADLA C 279.
21 AMN BB 169, dossier sur l’office de lieutenant général de police. ADLA C 279, assemblées municipales.
22 AMN BB 69, 19-11-1699, 29-11-1699.
23 AMN BB 186, négociations 17-05-1706. ADLA C 281, crise 1699-1708 et C 384, compromis de 1707.
24 AMN BB 171, mémoire sur le conflit entre le lieutenant de police et la municipalité. BB 170, dossier sur l’office de procureur du roi de police.
25 AMN FF 58.
26 AMN FF 12, difficultés en 1673-1674 ; FF 13, tutelle des manufactures.
27 PIED (E.), Les anciens corps d’arts et métiers de Nantes, 1903, tome II, p. 18 : La ville soutient les marchands de drap en gros contre les drapiers détaillants, (1670), tome III, p. 301 : Soutien des drapiers et sergiers contre les tisserands, (1696).
28 MARTIN (G.), Nantes au xviiie siècle, L’administration de Gérard Mellier, Nantes, 1928, chapitre
VIII.
CHEVALIER (B.), Les bonnes villes de France du xive au xvie siècle, Paris, 1982, p. 82-83 et 85.
29 AMN HH, les marchands de drap utilisent le tribunal de police municipale pour empêcher les sergiers de participer aux élections consulaires (1723-1724).
30 AMN FF 2, installation du présidial, 1552-1554.
31 PERRAUD-CHARMENTIER (A.), op cit., p. 43-78.
32 AMN FF 10, conflit avec les cours judiciaires, 1565-1574.
33 AMN FF 11, accord de 1575.
PERRAUD-CHARMENTIER (A.), op. cit., p. 81 et p. 130-135.
34 AMN BB 26, AG 23-12-1604. BN, MF 15899, F. 675-677
35 AMN BB 26, AG 27-04-1608.
36 AMN FF 11.
37 BN, MF 17400, F. 42 (1661).
38 PERRAUD-CHARMENTIER (A.), op cit., p. 144-150.
39 AMN BB 76, AC 21-03-1724 : victoire du maire.
AC 24-12-1727 : compromis. Le sénéchal retrouve la présidence des A. G. convoquées sur ordre royal et des assemblées électorales.
AMN BB 94, AC 05-04-1748 : le maire préside toutes les séances. AC 20-05-1755 : le sénéchal est débouté de ses prétentions.
40 AMN II 4, (Dossier de 1555 à 1559) et II 5 (Pièces de 1560-61).
SAULNIER (F.), Le parlement de Bretagne, 1554-1790, Rennes, 1909, tome 1, p. 1420.
41 DELUMEAU (J., dir.), Histoire de la Bretagne, Toulouse, 1969, p. 294.
MEYER (J., dir.), Histoire de Rennes, Toulouse, 1972, p. 141-145.
BOUTRUCHE (R., dir.), Histoire de Bordeaux, Bordeaux de 1453 à 1715, Bordeaux, 1966,
p. 316-347.
WOLFF (Ph., dir.), Histoire de Toulouse, Toulouse, 1974, p. 383-386.
42 CARDOT (Ch.A.), Le parlement de la Ligue en Bretagne, 1590-1598, thèse droit, Rennes, dact., 1964, tome III, p. 730-742.
43 AMN BB 34, AG 27-03-1631.
44 AMN BB 44, séances 8-04-1662 et 6-05-1662.
45 AMN AA 15, droit de bourgeoisie ; BB 34, AC 23-03-1632, enregistré BS 15-04-1632.
46 AAE, MDF, 1506, F. 71-72.
47 AMN BB 41, première publication 6-03-1644, seconde 23-12-1645, enregistré BS 30-01-1646.
48 JEULIN (P.), L’évolution du port de Nantes, Organisation et trafic depuis les origines, Paris, 1929, p. 154.
49 PERRAUD-CHARMENTIER (A.), op cit., p. 85.
50 BREGEON (J.) et LA VILLETANET (Y. de), Recherches sur les ibériques à Nantes, le judaïsme du xvie siècle à la fin du xviiie siècle, maîtrise Nantes, 1970, p. 108-130.
51 AMN BB 45, 7-09-1664.
52 AMN BB 46, 14-10-1666.
53 AMN BB 44, 30-04-1662.
54 AMN BB 46, 26-07-1669.
55 AMN BB 45, 21-12-1665.
56 AMN BB 46, 28-10-1669.
57 KERHERVÉ (J.), L’État breton aux xive et xve siècles, les ducs, l’argent, les hommes, Paris, 1987, t. I, p. 347-351.
58 AMN BB 114, code municipal 2-12-1564.
59 VAILHEN (J.), Le conseil des bourgeois de Nantes, thèse droit, dact., Rennes, 1965, t. I, p. 215-219.
60 FOURMONT (H. de), Histoire de la chambre des comptes de Bretagne, Paris, 1854, p. 148.
61 AMN CC 168, 4e Compte Nidellet, 1641-1643.
62 AMN BB 43, 20-08-1656.
63 AMN BB, Le 14-09-1680, le greffier a noté : « Sur ce qui a esté représenté par maistre Nicolas Paulus receveur miseur que par l’arrest de la réception du compte par lui tenu de ladite miserie il y a quelque partie rayée pour cet effaict. Sur quoy le bureau a d’un commun advis arresté qu’il sera fait requeste devant Nosseigneurs de la Chambre pour estre la partie raiée du compte dudit Paulus restablie et sont commis pour la sollicitation d’icelle messieurs du Boisbelot Duppé et de la Chaussée Perrault. »
64 AMN BB 171.
65 GILBERT (M.C.), La vie politique à Nantes au xviiie siècle (1710-1720), maît. Nantes, 1993, p. 138-139.
66 DURAND (A.), La chambre des comptes de Nantes, Nantes, 1976, p. 228-321.
Roue (M.), Remontrances de la chambre des comptes de Bretagne dans la seconde moitié du xviiie siècle, 1763-1789, maît. Nantes, 1976, p. 84-94.
67 BN, MFR, 4401, F. 765, 15519, F. 145, 22343, F. 119. AMN BB 115, 27-6-1609.
CROIX (A.), L’âge d’or de la Bretagne, 1532-1675, Rennes, 1993, p. 29-31.
68 AMN EE 2 et 216, problèmes militaires avec la révolte de Vendôme et Soubise.
AAE, MDF 771, correspondance Marie de MédicisVendôme 1617.
JOUANNA (A.), Le devoir de révolte. La noblesse française et la gestation de l’État moderne, Paris, 1989, p. 212-244.
69 POCQUET DU HAUTJUSSE (B.), Histoire de Bretagne, Rennes, 1913, tome 5, p. 364-383.
AAE, MDF 781-795 bis, arrestationprocèsabolition concernant Vendôme, notes provenant du cabinet de Richelieu. BN, Cinq Cents Colbert, 219.
70 AAE, MDF 1503, mémoire sur l’Édit de Morbihan.
BN, Cinq Cents Colbert, 203, F 197-214.
AMN HH 197, dossier sur la compagnie du Morbihan.
71 AAE MDF 1504 et 1505, Correspondance Richelieu La Meilleraye (1631-1640). 1509, correspondance Mazarin La Meilleraye (1656-1661). POCQUET (B.), op cit., p. 407-410, 420-421.
72 BN Mélanges Colbert 155-176 bis, lettres du duc de Chaulnes (janvier 1670-décembre 1673). BN MFR 21750, pièces sur l’administration de Chaulnes (1670-1695).
POCQUET (B.), op. cit., p. 460, 469-475, 516-527. Croix (A.), L’âge d’or…, op. cit., p. 521-532.
73 AAE, MDF 1512. AN KK 1103, correspondance de son secrétaire avec les responsables royaux en Bretagne.
FRÉVILLE (H.), L’intendance de Bretagne, Rennes, 1953, tome I, p. 1725.
74 AMN EE 1, conflit de 1598-1599 ; EE 105, conflit au début du xviiie siècle.
DUGAST-MATIFEUX (M.), Nantes ancien et le pays nantais, Nantes, 1879, p. 1315.
75 AN G7 176, F. 194, acquisition par le marquis de Sévigné (100 000 l)
AN KK 1103, F. 418, 433, 453, 475, 531-532.
AN G7 193, F. 10, rivalités entre Lannion, lt au comté, Mianne, lt au château (8-01-1712).
76 AMN EE 2, AG 19 4 1614 ; EE 57, règlement 3-06-1614. AN 01, 7, F. 256 ; 8, F. 160.
77 AN 01, 6, F. 56 ; 8, F. 208213 ; 9, F. 306 ; 11, F. 35 ; 401.
78 AAE, MDF, 784 F. 288-289 ; 789, F. 5354 ; 792, F. 57. BN, MFR, 4140, F. 4647 ; 4169 ; 4174 ; 4177 ; 4185 ; 4223 ; 4266.
POCQUET (B.), op cit., p. 408-409, 417, 454.
79 KERHERVÉ (J.), ROUDAUT (F.), TANGUY (J.), La Bretagne en 1665 d’après le rapport de Colbert de Croissy, Brest, 1978, p. 205. Deux Rosmadec évêques de Vannes au xviie siècle.
80 AN 01, 7 F. 223. BN MFR 17410, correspondance avec le chancelier Seguier. BN Mélanges Colbert 143 F. 499 ; 147 F. 495 ; 158 F. 82 ; 173 F. 183.
81 AN 01, 45 F.111 ; 49 F. 171 ; 47 F. 293. AN KK 1103, F. 411 ; 710711 ; 757. AN G7 173, F. 281 ; 175 F. 92.
82 GILBERT (M.C.), op. cit., p. 56-79, 118-125.
83 AMN BB 28, nombreux exemples d’assemblées de défense 1616-1617. BN MFR 3806, F. 182-187.
Mellinet (C.), La commune et la milice de Nantes, Nantes, 1841, tome IV, p. 95-120.
Croix A., La Bretagne aux xvie et xviie siècles. La vie, la mort, la foi, Paris, 1981, p. 358359.
84 AMN BB 29 et 30, pour les séances de défense 1622-1625. BB 32 et 33, pour les retombées du siège de La Rochelle. BN MFR 3843, F. 90.
MELLINET (C.), op. cit., p. 124-125, et 213-214.
85 AMN BB 40, 28-06-1643, 05-07-1643.
AAE, MDF 1506, F. 2324 ; 1504, pièces relatives à la soumission.
86 AMN BB 41, 24-01-1649, 22-03-1649, 31-03-1649, 14-07-1650 ; BB 42, 24-09-1651.
POCQUET (B.), op. cit., p. 424-440.
87 TRAVERS (N.), Histoire civile, politique et religieuse de la ville et du comté de Nantes, Nantes, 1841, tome III, p. 406.
88 AMN BB 47, 3-26 juillet 1674
89 PRADEL (J.), Nantes et les problèmes militaires à la fin du règne de Louis XIV, 1688-1715, maît. Nantes, 1993, p. 1222.
90 GARLAN (Y.) et NIERES (C.), Les révoltes bretonnes de 1675, Paris, 1975, p. 1632.
POCQUET (B.), op. cit., p. 465-469.
91 AAE, MDF 1511, F. 208. GARLAN (Y.) et NIERES (C.), op. cit., p. 44-48, 58-61.
92 AN G7 173, F. 267, lettre de l’évêque au C.G. (27-04-1691). « On dit qu’il y a mesme une escadre anglaise très forte qui veut attaquer… »
93 AMN BB 65, 15-03-1704.
94 AMN BB 125. Tirage au sort tous les 29 avril.
95 AMN BB 31, 26-06-1625, 10-07-1625, lettres Roi 31-07-1625 ; BB 33, 3-08-1631, BB 38, 27-12-1637 ; BB 40, 21-04-1642, BB 116, 30-04-1670 ; BB 54, 31-07-1685.
96 AMN EE 1316, conflits 1647-1671. TRAVERS (N.), op. cit., p. 364, 366, 382.
97 AMN EE 105, conflits entre les maires et les majors du château.
98 AMN BB 37, 4-09-1636.
99 AMN BB 40, nombreux exemples de passeports dans le printemps 1644. BN MFR 18709, F. 96, mémoire transport traite blés en Bretagne 1643.
100 AMN BB 44, 18-12-1661, 26-12-1661, 05-04-1662, 08-04-1662, 06-05-1662.
TRAVERS (N.), op. cit., p. 373-375.
101 ADLA C 700 ; AAE MDF 1506, F. 7172 ; BN, Cinq Cents Colbert, 203.
102 AMN HH 199, JEULIN (P.), op. cit., p. 154.
103 AAE, MDF, 1506, F 115, 139, 141-143, 145. ADLA C 702, mémoire des commerçants de Nantes contre les Hollandais.
104 AMN BB 40, 29-12-1642, 12-3-1643. MAÎTRE (L.), Histoire administrative des anciens hôpitaux de Nantes, Nantes, 1875, p. 6883.
105 AMN BB 44, 25-09-1661, 11-09-1661. AAE, MDF, 1509.
CANAL (S.), La compagnie de Jésus au diocèse de Nantes sous l’Ancien Régime, Nantes, 1946, p. 829.
106 AMN BB 43, 26-05-1655 ; GG 657.
107 AMN BB 49, 03-07-1680.
108 AMN BB 45, pour toutes les séances citées.
109 AMN BB 45, 20-07-1665. Mazarin parle des « assemblées ordinaires du bureau qui avaient accoustumé de se tenir tous les dimanches matin… pour examiner et régler les despenses ordinaires. Et ne pourra le faire ny entreprendre aucuns ouvrages ou choses extraordinaires que du consentement et agrément exprès du gouverneur et communication de celui qui commandera en son absence ».
110 AMN BB 42, 05-03-1651, 30-04-1651. AMN BB 34, mars-avril 1631, emprunts de 5 000 l pour l’assistance aux provinces et 7 000 l pour les travaux publics.
111 AMN BB 45, 20-07-1665.
112 AAE, MDF 1507, F. 157-158, inspection de la commission 1607-1648.
POCQUET (B.), op. cit., p.
113 AN G7, 171, F. 53 et 172, F. 2. BÉRENGER (G.) et MEYER (J.), La Bretagne de la fin du xviie siècle d’après le mémoire de Béchameil de Nointel, Paris, 1976, p. 12.
114 BN Cinq Cents, Colbert, 294. CROIX(A.), La vie, la mort…, op. cit., p. 725-727.
115 AMN BB 45, 07-07-1667 ; BB 46, 10-09-1668 ; BB 51, f. 4044 ; CC 357-358.
116 ISAMBERT(F.), JOURDAN et DECRUSY, Recueil général des anciennes lois françaises, Paris, 1821-1833, tome 19, p. 420-425. Édit confirmé en Bretagne en 1691.
ADLA C 290, autorisation d’emprunter 150 000 l en 1689 pour l’extinction des anciennes dettes.
117 CANAL (S.), Les origines de l’intendance de Bretagne. Essai sur les relations de la Bretagne avec le pouvoir central, Paris, 1911, p. 265.
118 FRÉVILLE (H.), op. cit., tome 1, p. 50, 80. ADIV A 17.
119 GILBERT (M.C.), op. cit., p. 129-130.
120 AN G7 171 (1678-1691) à 199 (1718). Pour exemple G7 193 (1712), affaires fiscales, contestations entre les officiers, prises des corsaires, passeports blé Espagne, saisie des indiennes prohibées, crise Hôtel Monnaie, trafic mer du Sud, émotion de rue à Nantes.
ADLA C 189, la reconstruction des ponts est un excellent exemple. Destruction Pirmil, crue 1711. AMN BB 124, liste des assemblées « générales » autorisées par l’intendant.
121 AMN BB 68, 25-04-1709, 14-08-1709, 20-03-1713.
122 AMN BB 62, 05-03-1696. AN G7 175, F. 92, 113-119, 159, 342, 365 ; G7 176, F.33, 77. Le maréchal d’Estrées mène d’abord la négociation de l’exemption des lods et ventes au printemps 1692, mais c’est Nointel qui la termine dans l’hiver 1692-1693.
123 MARQUE (J.P.), Institution municipale et groupes sociaux à Gray, petite ville de province (1690-1790), Paris, 1979, p. 293-299. L’auteur insiste sur la modération de la tutelle des intendants qui recherchent le compromis avec la municipalité.
GARDEN (M.), Lyon et les Lyonnais au xviiie siècle, Paris, 1970, p. 489-495. Les gouverneurs dominent pendant longtemps les intendants, mais il s’agit de la famille de Villeroy.
124 RICOMMARD (J.), « Du recrutement et du nombre des subdélégués en titre d’office de l’intendance de Bretagne, 1704-1715 », RHMC, t. 8, 1961. FRÉVILLE (H.), op. cit., p. 83-84, 112-115.
125 PELLETREAU (B.), Les subdélégués des intendants dans le comté nantais au xviiie siècle, maîtrise Nantes, 1988, p. 6-10 et 87-89.
126 AN G7 175, f. 132-135, dossier 06-03-1692. Le sénéchal enquête sur une accusation lancée contre le corps de ville du Croisic qui aurait fait glisser les deux tiers des 80 000 livres accordées pour la réparation de la tour de Batz vers une autre utilisation.
127 AN G7 185, f. 132. En juin 1705, il enquête au sujet d’un graveur qui s’est plaint d’être injustement emprisonné.
128 ADLA C 186, lettres du 22-05-1710, 04-11-1710.
129 AN G7 176, F. 32, dans l’adjudication de l’octroi de six deniers par pot de vin réalisé en janvier 1693, c’est Mellier qui agit pour le compte de Ballet.
130 ADLA C 186 (1710) > C 220 (1721), volumineuse correspondance entre le subdélégué et l’intendant. Gilbert (M.C.), op. cit., p. 9100.
131 ADLA C 280, lettre 09-09-1716.
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Nantes au XVIIe siècle
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