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Les ministres de la Guerre, 1792-1870

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Édouard Ebel

Cinquième partie. Les ministres de la Guerre de la Deuxième République et du Second Empire 1848-1870

Jean-Baptiste-Philibert Vaillant

Ministre de la Guerre, 11 mars 1854-4 mai 1859

Éric Anceau

Texte intégral

Origines, formation et carrière avant 1854

  • 1 Vaillant appartenait à une famille de juristes, de commerçants et d’artisans bourguignons. Son arri (...)

1Jean-Baptiste-Philibert naquit à Dijon, le 6 décembre 1790, dans une maison située à quelques pas du palais de Justice, de la première union d’Hubert Vaillant (1760- 1823), ancien avocat devenu receveur en survivance de chancellerie près le parlement de Dijon puis secrétaire général du département, avec Bernarde Canquoin (1761- 1798), elle-même fille de Jean-Jacques, avocat1. Il fut baptisé en l’église Saint-Médard. Avec un père devenu, par la suite, secrétaire général de la préfecture de Côte-d’Or et qui fut représentant du département pendant les Cent-Jours, Vaillant, deuxième de sept enfants, put suivre ses études dans les meilleures institutions de sa ville natale, dont l’École centrale. Ce fut la journée du 8 mai 1800 qui décida de sa vocation. Ce jour-là, il assista en compagnie de son père à la revue passée par le général Bonaparte de l’armée de réserve destinée à aller combattre les Autrichiens, lors de la deuxième campagne d’Italie.

2Il fut admis à l’École polytechnique le 1er octobre 1807. Sous-lieutenant du génie le 1er octobre 1809, il passa ensuite par l’École d’application de Metz. Il servit comme lieutenant des sapeurs de Dantzig à partir du 5 avril 1811, puis fut détaché à l’état-major particulier du génie, le 12 juillet. Le 27 janvier 1812, il fut nommé au parc général de la Grande Armée. Il passa à Marienwerder le 10 mai, sur la Vistule, pour y construire un grand pont de bateaux qu’il eut l’honneur de présenter à l’empereur Napoléon, trois semaines plus tard. Puis il fut attaché à la brigade de siège du 10e corps le 10 août et nommé capitaine en second de sapeurs le 21 du même mois. Le 21 novembre, il assista au combat de Dahlenkirchen, puis à ceux d’Eckau, de Bauske et de Ruhental. Le 20 décembre, il rejoignit le général François Haxo, commandant en chef du génie de la Grande Armée, dont il devint l’aide de camp le 12 mars 1813 et qu’il suivit à Magdebourg lorsque celui-ci y fut nommé gouverneur. Il participa à la campagne de Saxe et reçut la Légion d’honneur le 8 août 1813. Après la bataille de Dresde le 26 du même mois, il fut fait prisonnier le 30 au combat de Kulm, en Bohême. Il fut interné dans un village des environs de Belgrade et ne rentra en France qu’à la paix. Il fut nommé capitaine de deuxième classe à l’état-major du génie, le 8 juillet 1814 et redevint un mois plus tard aide de camp d’Haxo. Durant les Cent-Jours, il coopéra aux travaux de défense autour de Paris, puis participa à la campagne de Belgique pendant laquelle il se distingua aussi bien à Ligny qu’à Waterloo. Il servit ensuite à l’armée de la Loire.

  • 2 Il avait été construit sur ordre de l’empereur Charles Quint.
  • 3 Projectile de fonte ou de fer provenant d’un tir de mitraille.
  • 4 Ce qui correspondait au grade de général de brigade.

3À la Seconde Restauration, qui fit perdre à son père son emploi et le vit même emprisonné pendant quelques jours, il redevint pour la troisième fois l’aide de camp d’Haxo, grâce à la protection duquel il évita d’être placé en demi-solde comme beaucoup de ses camarades. Puis il devint capitaine de première classe des gardes le 27 décembre 1816 et entra à l’état-major du génie. En 1823, il traduisit de l’anglais l’Essai sur les principes et la construction des ponts militaires et sur les passages des rivières en campagne du général Howard Douglas, qui fut publié l’année suivante. Il ne prit aucune part à la campagne d’Espagne, mais reçut la croix de Saint-Louis le 8 juin 1825 et devint chef de bataillon le 31 décembre 1826. Il fut attaché à l’armée d’Afrique en mai 1830, participa à l’expédition d’Alger et redevint aide de camp d’Haxo le 4 octobre suivant. Il contribua à la prise de la ville en dirigeant l’attaque du fort principal, dit fort de l’empereur2, qui en protégeait l’accès, action au cours de laquelle il eut une jambe cassée d’un coup de biscaïen3. De retour en France, il regagna l’état-major du génie. Son action d’éclat lui valut sa promotion aux grades d’officier de la Légion d’honneur le 21 mars 1831 et de lieutenant-colonel le 30 avril suivant. Il fut attaché au Comité des fortifications le 6 mai, puis nommé, le 1er juillet, directeur du parc du génie de l’armée du Nord et, à partir du 20 décembre, chef de l’état-major du génie de cette même armée. Ce fut à ce titre qu’il prit part au siège d’Anvers, dernière campagne menée avec le général Haxo qui prit sa retraite à la suite. Il reçut la croix d’officier de l’ordre de Léopold de Belgique le 18 avril 1833. Il devint colonel le 7 janvier 1833 et commanda le 2e régiment du génie affecté à Montpellier d’abord, Arras ensuite. Il était ainsi noté en octobre 1834 : « Le colonel Vaillant est un officier du premier mérite qui a pris parfaitement le commandement d’un régiment. Il le conduit à merveille. » Il demanda à retourner en Algérie et obtint gain de cause, en décembre 1837. Nommé directeur des fortifications, il conçut un ensemble de petits fortins dont il se vit confier la réalisation. Il fut promu maréchal de camp4 le 21 octobre 1838 et, le mois suivant, devint directeur supérieur des fortifications et commandant des troupes du génie de l’Algérie. Commandant de l’École polytechnique en 1839, il donna la même année Description et usage d’un instrument propre à défiler les tranchées. Il dirigea, à partir de 1840, les travaux de fortification de Paris sur la rive droite de la Seine qui étaient nécessités par la tension internationale et voulus par le président du Conseil, Thiers. Cela lui valut la cravate de commandeur de la Légion d’honneur le 28 avril 1841. Parallèlement, il devint inspecteur général du génie et fut promu grand-officier de la Légion d’honneur le 14 avril 1844. Il conserva ses fonctions pendant huit ans, en étant promu lieutenant général le 20 octobre 1845. Il ne subit aucun préjudice du passage à la République en février 1848, puisqu’il entra dès le 8 mars dans la commission chargée de traiter les affaires militaires les plus importantes. Il fut nommé, le 9 mai suivant, président du Comité des fortifications, fonction qu’il conserva jusqu’en 1851. Il se vit également confier de nouvelles missions d’inspection comme celle des travaux de défense du littoral de la France métropolitaine et de la Corse le 5 juin. Le 11 mai 1849, il reçut le commandement du génie du corps expéditionnaire de la Méditerranée destiné à rétablir le pape Pie IX sur le trône de Saint-Pierre et joua un rôle clé dans la prise de la ville de Rome, le 3 juillet. Il avait reçu un ordre de service qui lui donnait la faculté de remplacer le commandant en chef, le général Oudinot s’il le jugeait « convenable », mais n’en usa pas. En revanche, il participa activement au jeu diplomatique complexe entre Oudinot, Ferdinand de Lesseps, négociateur envoyé par le gouvernement français, et le triumvirat au pouvoir dans la ville éternelle. Son action militaire lui valut la grand-croix de la Légion d’honneur le 12 juillet suivant. Le 4 avril 1850, Pie IX lui conféra celle de l’ordre des états pontificaux et lui décerna le titre de comte romain, le 6 octobre 1851. Voltairien, Vaillant ne s’en prévalut jamais. La même année, il publia, avec le général Thiry, Siège de Rome en 1849 par l’armée française, journal des opérations de l’artillerie et du génie.

4Inspecteur général en Algérie et en Italie depuis le 6 juin 1851, ce fidèle soutien du président rentra à Paris le 21 novembre et participa au coup d’État du 2 décembre. Il fut élevé à la dignité de maréchal de France le 11 du même mois et devint président d’honneur du Comité des fortifications. Il adopta pour devise « Terror belli decus Pacis » (terreur de la guerre, noblesse de la paix) et prit pour armoiries : écartelé au premier d’azur à une épée d’argent garnie d’or ; au deuxième de gueules à une tour d’argent sommée de trois tourelles du même ; au troisième de gueules à une étoile d’or en chef et un croissant d’argent en pointe ; au quatrième d’azur à deux clés d’or posées en sautoir, ce qui rappelait la prise de Rome. Il entra au Sénat le 26 janvier 1852, en tant que membre de droit, reçut la médaille militaire le 10 mai suivant et fut encore nommé grand maréchal du palais le 1er janvier 1853. Devenu membre libre de l’Académie des sciences, la même année, ce dont il était très fier, il fit un rapport, en 1862, sur le mémoire de Dominique Jeandel consacré aux inondations. Il fut surtout chargé par le chef de l’État de suivre les travaux d’achèvement du Louvre et de jonction aux Tuileries. Il participa aussi à la construction du théâtre de Fontainebleau, ainsi qu’aux premiers aménagements des bois de Boulogne et de Vincennes.

Action au ministère de la Guerre (1854-1859)

5Au moment de la guerre d’Orient, le ministre de la Guerre, Saint-Arnaud, prit le commandement en chef de l’armée et le maréchal Vaillant fut choisi par l’empereur pour lui succéder le 11 mars 1854. Sa première tâche fut d’assurer le ravitaillement de l’armée débarquée sur les rives de la mer Noire, qui manquait de tout. Il expédia vivres et munitions en urgence, puis régularisa les envois de troupes et de matériel en utilisant des navires adaptés ; il adjoignit à l’artillerie des pièces de gros calibre et veilla tout particulièrement au service de santé qui était défaillant. Il insista auprès de l’empereur pour que des hôpitaux fussent créés en France de façon à recevoir les malades et les blessés qui ne pouvaient être bien soignés sur place. Il obtint en avril 1855 la mise à disposition d’un terrain de cinq hectares appartenant au domaine de la couronne et faisant partie du bois de Vincennes, à la limite des communes de Vincennes et de Saint-Mandé, pour construire un hôpital du nom de Bégin, le grand chirurgien des armées napoléoniennes. Au même moment, alors que la décision tardait à se faire, Napoléon III envisagea de se rendre sur place pour prendre la conduite des opérations. En son absence, il pensait confier la présidence du gouvernement à son ministre d’État, Fould, ou à son ministre de la Guerre, Vaillant. Il en formula l’idée lors d’un voyage en Angleterre devant son alliée la reine Victoria. Appuyée par Vaillant qui était du voyage, elle chercha à l’en dissuader. Vaillant revint à la charge au conseil des ministres, comme d’ailleurs l’ensemble de ses collègues, et réussit à faire renoncer Napoléon III. Lorsqu’il fut question d’une paix de compromis à la suite des négociations de Vienne, il prit fermement position en faveur de la poursuite de la guerre, contre la majorité du Conseil, et eut gain de cause. « L’armée entière devrait périr en Crimée, rapporta Baroche, il aimerait mieux cela que le traité proposé. » Comme la guerre se concentrait autour de Sébastopol et de son siège, Vaillant, dont les fortifications étaient l’une des spécialités et la passion, se mit au travail avec une partie de ses bureaux pour envoyer des rapports bimensuels au maréchal Pélissier avec des plans et des conseils. Il évita aussi à celui-ci d’être destitué.

6Lorsque la guerre fut terminée, en 1856, il adressa un rapport à l’empereur sur l’organisation de l’armée et l’ensemble des dispositions administratives auxquelles cette guerre avait donné lieu, ainsi que sur les conclusions qu’il fallait en tirer. Son action durant la guerre d’Orient lui valut de très nombreuses décorations étrangères : grand-croix de 1re classe de l’ordre du Médjidié de Turquie du 17 juillet 1855, grand-croix de l’ordre britannique du Bain avec collier du 26 avril 1856, grand-croix de l’ordre militaire de Sardaigne du 11 août suivant, grand-croix de l’ordre de Léopold d’Autriche du 13 janvier 1857, grand-croix de l’ordre du Danebrog du Danemark le 16 novembre suivant et chevalier avec diamants de l’ordre de Saint-Stanislas de Russie du même jour.

7Très influencé par l’expérience de la guerre de Crimée, il réorganisa les écoles militaires et y introduisit une réforme de l’enseignement. Il prépara également un plan de modification des structures de l’armée et dota, en 1857, les unités d’infanterie d’un nouveau fusil rayé et l’artillerie d’un canon rayé d’une portée de 3 000 mètres, susceptible de tirer à la fois des obus explosifs, des obus à balles et des boîtes à mitraille. Il modernisa aussi l’organisation de l’état-major général de l’armée et créa plusieurs corps spéciaux, parmi lesquels l’escadron de gendarmerie de la garde impériale, en août 1854. Le 7 septembre suivant, il fut placé à la tête de la commission instituée pour recueillir, coordonner et publier la correspondance de Napoléon Ier. À partir de 1854, il signa plusieurs rapports à l’empereur sur la situation de l’Algérie. Dans celui de 1857, il rendit un hommage appuyé au gouverneur général Randon ; leurs relations se dégradèrent par la suite. Il s’y montrait aussi d’un grand optimisme :

« Dans cette œuvre de patience, le gouvernement a été merveilleusement secondé par les bureaux arabes. C’est à leurs efforts, habilement dirigés, que j’attribue et cette tendance des indigènes à oublier la guerre pour se porter vers l’agriculture et cette tranquillité sans exemple dont le pays a joui depuis plusieurs années. Tout entier aux travaux agricoles, aux transactions commerciales, l’Arabe accepte sans défiance les garanties et les bienfaits de notre administration et commence à les apprécier. »

8En 1858, il signa le nouveau règlement très détaillé sur le service intérieur de la gendarmerie impériale.

9Par ailleurs, il exerça l’intérim du ministère de l’Instruction publique et des Cultes après la mort de Fortoul. Entré au ministère à l’occasion de la première guerre du régime, il en sortit dès les prémisses de la seconde, la guerre d’Italie. Il organisa les premiers transports de troupes par chemin de fer de l’histoire militaire française. Cependant, accusé par le major général Randon d’avoir mal préparé les opérations, il permuta avec celui-ci, le 4 mai 1859. Il ne s’en plaignit pas car il gardait les faveurs de Napoléon III. Il entra au Conseil privé, le 5.

Carrière postérieure, fortune et vie privée

10Major général de l’armée d’Italie, il mit en forme les intentions stratégiques de Napoléon III et les infléchit parfois. Il assista à la bataille de Solférino, le 24 juin 1859. Il prit la tête de l’armée après l’entrevue de Villafranca et le retour en France de l’empereur, et la commanda jusqu’en mai 1860.

11Une fois rentré, il reprit sa charge de grand maréchal du palais, son commandement militaire du palais des Tuileries et de la maison de l’empereur. Dans le remaniement ministériel du 24 novembre 1860, il reçut donc tout naturellement le ministère du même nom. Le décret fut promulgué le 4 décembre suivant. Il cumula cette fonction avec les Beaux-Arts, lors de la réorganisation du ministère d’État, en juin 1863. Rochefort eut beau persifler en prétendant qu’il avait « probablement appris à connaître les tableaux dans les cadres de l’armée », il était passionné par les arts, prit ses nouvelles fonctions très à cœur et fut l’instigateur de la réorganisation des écoles des Beaux-Arts, dès le mois de novembre suivant. Il fut à l’origine du fameux décret du 6 janvier 1864 sur la liberté des théâtres. Le 16 mars 1866, il réglementa les courses de chevaux en France avec la Société d’encouragement pour l’amélioration des races de chevaux pour les courses de plat au galop, la Société de demi-sang pour les courses au trot et la Société des steeple-chases pour les courses à obstacles, qui créa un prix portant son nom à l’occasion de son centenaire. Il organisa également le comité de lecture de la Comédie-Française en avril 1869 et le comité d’examen du théâtre de l’Odéon en mai suivant. Il prit aussi l’initiative d’envoyer aux départements un grand nombre d’objets et de tableaux des musées impériaux, réalisant une décentralisation artistique inédite jusque-là.

  • 5 « Le nombre des Vaillant est fort grand en France, et il y a peu de probabilités qu’ils aient une s (...)

12Dans les conseils de l’empereur, il secondait fidèlement ses vues et le suivit, en particulier, dans son évolution libérale, tout au long des années 1860. Parallèlement, il joua durant tout le passage de Randon au ministère de la Guerre, un rôle de ministre bis, en raison de son accès quotidien à l’empereur. Il disait de lui : « Ce diable d’homme me ferait convenir que deux et deux font cinq. » Napoléon III lui avait concédé la jouissance d’un jardin dans le bois de Vincennes où il s’adonnait à la culture des roses et à l’apiculture. Il y passait, disait-il, les plus doux moments de son existence, en compagnie de sa chienne Bruxa, trouvée errante et à demi-morte de fatigue, le soir de la bataille de Solférino. Simple et attachant, il avait pris la peine de répondre longuement, en décembre 1852, à un humble cultivateur de la Haute-Saône nommé Louis Vaillant qui lui demandait s’ils n’étaient pas parents5. Au passage, il se donna, comme il en avait l’habitude, une ascendance plus modeste qu’elle ne l’était en réalité, sans doute pour rendre encore plus éclatante sa réussite personnelle. Il recevait dans son cabinet en simple veston, ce qui scandalisait Castellane, très à cheval sur le règlement. Il avait par ailleurs un penchant pour les calembours, en vogue sous le Second Empire.

13Lors de l’avènement du gouvernement du 2 janvier, le maintien de son ministère et sa propre présence au Conseil furent l’objet d’un débat autour d’Ollivier. Napoléon III tenait à conserver son fidèle Vaillant comme ses deux ministres militaires. Les membres du centre gauche pressentis pour faire partie du cabinet ne voulaient d’aucun des trois. Finalement, l’empereur obtint gain de cause, mais Vaillant fut ravalé dans une position subalterne. Il n’eut plus accès au Conseil. En outre, il perdit les Beaux-Arts au profit d’un proche d’Ollivier, Maurice Richard, qu’il fallait faire entrer dans la combinaison pour la rééquilibrer. Ce fut le premier essai d’un ministère des Beaux-Arts à part entière, ancêtre lointain du ministère de la Culture. Lors de la guerre contre la Prusse, il n’était plus ministre de la maison de l’empereur, mais, à presque 80 ans, il prit la tête du Comité de défense des fortifications de Paris, constitué le 20 août pour préparer le siège. Il céda rapidement sa présidence au général Trochu, gouverneur de la ville, qui la lui demanda.

  • 6 Il avait reçu les croix de 26 ordres européens différents.

14Tout au long de ces années, il n’oublia jamais sa ville natale. Depuis le 29 juin 1851, il était membre d’honneur de l’Académie de Dijon. Conseiller général de la Côte-d’Or pour le canton de Dijon-Ouest à partir de juin 1858, il présida ce conseil assidûment et sans discontinuer jusqu’à la fin du régime. Peu après sa nomination, il était venu clore l’exposition des beaux-arts, de l’industrie et de l’agriculture de Dijon, le 8 septembre 1858. En 1863, il souscrivit, pour un montant de 10 0000 francs, à un emprunt contracté par la ville pour différents travaux municipaux, demanda à être remboursé le dernier et n’accepta qu’un intérêt de 2 % qui était reversé chaque année aux pauvres. Lors de la dernière session du conseil général qu’il présida en août 1869, et qui fut agitée en raison de la virulence de l’opposition qui voulut formuler un vœu politique, ce qui était inconstitutionnel, il fit une communication sur les travaux de Pasteur concernant le chauffage des vins et la confection des vinaigres qui intéressaient directement l’industrie locale. La chute de l’Empire lui fit perdre non seulement la présidence, mais aussi son siège. Du reste, s’il avait pu conserver sa place au Comité de défense, il fut victime d’une agression alors qu’il inspectait les fortifications le 16 septembre. Molesté et menacé d’exécution, il fut traité d’« espion prussien » par plusieurs gardes nationaux surexcités. Profondément affecté, il démissionna et jugea plus prudent de quitter Paris. Il se retira dans les Deux-Sèvres où il reçut le 22 octobre l’ordre de quitter la France. Il se réfugia alors à Saint-Sébastien, mais obtint du gouvernement de Thiers, qui avait succédé au gouvernement de la Défense nationale, l’autorisation de rentrer en France, dès mars 1871. Il s’installa d’abord à Biarritz en juin, puis se retira dans sa ville natale où il vécut confortablement puisqu’il disposait de 50 000 francs de revenus, là où il est vrai, il avait pu cumuler sous l’Empire jusqu’à 260 000 francs de traitement et de gratifications diverses. Il mourut à Paris, le 4 juin 1872. Il eut droit à des obsèques solennelles dans la capitale le 8 juin, puis dans sa paroisse Saint-Michel de Dijon le 10. Il fut inhumé au cimetière municipal. Il avait légué par testament 40 000 francs à l’Académie des sciences et le reliquat de sa créance, sa maison natale, toutes ses décorations6 et son portrait peint par Horace Vernet à sa ville. Il était en outre membre du Bureau des longitudes depuis le 26 mars 1862.

15Resté célibataire jusqu’à 52 ans, il avait épousé à Paris, le 23 mars 1843, la veuve de son ancien chef, le général Haxo, décédé en 1838. Celle-ci née Pervenche Frotier de La Coste-Messelière (1797-1869) était la fille du marquis Louis de La Coste-Messelière, maître de camp de cavalerie, ministre plénipotentiaire, député de la noblesse du bailliage de Charolles aux États généraux, sous-préfet de Melle et enfin préfet de l’Allier, et de Rosina-Barbe Baletti. L’union fut malheureuse et ne donna pas d’enfant. Dans une lettre du 7 janvier 1868 adressée à un neveu par alliance, Pierre-Élie Hémart de La Charmoye, il écrivait :

« Je pressentais […] ce qui devait m’arriver et mes longues hésitations [avant de contracter une union matrimoniale] en sont la preuve. Je cherchais le bonheur du foyer domestique. […] La haine s’y est assise depuis quinze ans. Avez-vous entendu dire […] que je battais ? C’est un fait acquis à Paris, à Antibes […] partout à peu près. Assez sur ce sujet, il est trop triste. »

16Même s’il affirmait que le fait de ne pas avoir d’enfants était le plus grand chagrin de sa vie, des recoupements d’informations à partir de pièces de son dossier au Service historique de la Défense et de documents d’état civil permettent de supposer, comme le souligna déjà Joseph Valynseele, qu’il avait eu un fils naturel d’une relation avec Adélaïde de Tarlé (1785-1837), fille d’un commissaire ordonnateur des guerres et veuve d’un capitaine de l’artillerie à cheval de la garde impériale. Le jeune homme, Auguste de Monrival (1815-1893) fut l’aide de camp du maréchal durant quelques années à partir de 1863, avant de devenir lieutenant-colonel d’infanterie.

17Ses Carnets inédits à ce jour sont une source très précieuse pour connaître les conseils des ministres de l’empereur de l’intérieur, car le maréchal s’y livrait sans retenue. Il aurait confié à son ami, le conseiller d’État, Théodore Vernier, ancien député et maire de Dijon, la tâche de les publier 25 ans après sa mort, mais celui-ci décéda lui-même en 1892 sans laisser de descendance. Ollivier put les utiliser pour son Empire libéral.

Bibliographie

Sources et bibliographie

Sources manuscrites

Service historique de la Défense

Archives collectives et individuelles (série Y)

SHD/GR, 6 Yd 48 : dossier du maréchal Vaillant.

Archives départementales de la Côte-d’Or

Fonds privés (série F)

11 F : papiers Vaillant.

Sources imprimées

Ollivier Émile, L’Empire libéral, études, récits, souvenirs, Paris, Garnier Frères, 1895-1917, 17 t.

Bibliographie

Anceau Éric, Napoléon III, un Saint-Simon à cheval, Paris, Tallandier, 2008, 750 p.

Bitard Adolphe, Dictionnaire général de biographie contemporaine, Paris, A. Lévy, 1878, 525 p.

Bruel François-Louis, Maréchaux de France, 1768-1870, Paris, Éditions L. Fournier, 1916, 354 p.

Chefdebien Anne de et Wodey Laurence (dir.), Écrins impériaux. Splendeurs diplomatiques du Second Empire, Paris, Société des amis du musée de la Légion d’honneur, 2011, 225 p.

Girard Louis, Napoléon III, Paris, Fayard, 1986 (Hachette Littératures 2002), 550 p.

Laurencin Paul, Le maréchal Vaillant (1790-1872), Paris, Les Contemporains, 1902, 16 p.

Maze-Sencier Geneviève (dir.), Dictionnaire des maréchaux de France du Moyen Âge à nos jours, Paris, Perrin, 2000, 452 p.

Piel detroismonts Charles, Les hommes d’État d’Europe : le maréchal Vaillant, Paris, E. Dentu, 1863, 36 p.

Robert Adolphe et Cougny Gaston, Dictionnaire des parlementaires français, Paris, Bourloton, t. V, 1891, 647 p.

Tracou Jean, Livre d’or des maréchaux de France (1190-1952), Casablanca, Lacour, 1960, 254 p.

Tulard Jean (dir.), Dictionnaire du Second Empire, Paris, Fayard, 1995, 1347 p.

« Un président, un maréchal, un régiment : le 27e régiment d’infanterie ou 70 ans de phaléristique », catalogue d’exposition, Dijon, musée de la Vie bourguignonne Perrin de Puycousin, 2001, 191 p.

Valynseele Joseph, Les maréchaux de Napoléon III, leur famille et leur descendance, Paris, Imprimerie Laballery, 1980, 600 p.

Yvert Benoît (dir.), Dictionnaire des ministres de 1789 à 1989, Paris, Perrin, 1990, 1028 p.

Zins Ronald, Les maréchaux de Napoléon III, Lyon, Horvath, 1996, 251 p.

Zobel Maurice, « Jean-Baptiste-Philibert Vaillant, maréchal de France, ministre de la maison de l’empereur, bienfaiteur de la commune », Bulletin de la société historique et archéologique de Nogent-sur-Marne, 1967-1974.

Notes

1 Vaillant appartenait à une famille de juristes, de commerçants et d’artisans bourguignons. Son arrière-grand-père était artisan cordonnier et son grand-père marchand de soie, mais un de ses oncles, Michel Vaillant (1751-1816), fut procureur à la Chambre des comptes de Bourgogne et de Bresse, puis bibliothécaire de la ville de Dijon (Côte-d’Or).

2 Il avait été construit sur ordre de l’empereur Charles Quint.

3 Projectile de fonte ou de fer provenant d’un tir de mitraille.

4 Ce qui correspondait au grade de général de brigade.

5 « Le nombre des Vaillant est fort grand en France, et il y a peu de probabilités qu’ils aient une souche commune. Il est plutôt à croire que c’étaient, dans l’origine, des gens de pas grand-chose comme naissance, qui, ayant montré du courage, ont reçu ce sobriquet flatteur. »

6 Il avait reçu les croix de 26 ordres européens différents.

Auteur

Directeur de l’axe politique du LabEx EHNE (Écrire une histoire nouvelle de l’Europe), membre du Centre d’histoire du xixe siècle, vice-président du Comité d’histoire parlementaire et politique et directeur-adjoint d’Histoire, économie & société. Il enseigne l’histoire des pouvoirs, de l’action publique et des sociétés en France et en Europe au xixe siècle à Sorbonne Université. Il a publié une vingtaine d’ouvrages, dont récemment L’Empire libéral (SPM, Kronos, 2 vol., 2017) et en codirection avec Jacques-Olivier Boudon et Olivier Dard, Histoire des internationales en Europe, xixe-xxe siècles (Nouveau Monde Éditions, 2017) ainsi qu’une soixantaine d’articles dans des revues de sciences humaines et sociales et de contributions à des actes de colloques.

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