Auguste-Michel-Étienne Regnaud de Saint-Jean-d’Angély
Ministre de la Guerre, 9 janvier 1851-24 janvier 1851
p. 413-417
Texte intégral
Origines, formation et carrière avant 1851
1Auguste-Michel-Étienne Regnaud de Saint-Jean-d’Angély naquit le 30 juillet 1794 à Paris. Il était le fils naturel de Michel-Louis-Étienne Regnaud1 et de Marie-Louise-Augustine Chénié, artiste dans la capitale. Son père, avocat sous l’Ancien Régime, avait échappé aux geôles de la Terreur. Fervent zélateur de Bonaparte sous le Directoire et familier de la cour impériale, il fut nommé au Conseil d’État, où il présida la section de l’Intérieur, et contribua notamment à la préparation et à la rédaction des différents codes napoléoniens. Ministre d’État en 1807 et comte d’Empire un an plus tard, il était un représentant des élites impériales. Son fils fut ainsi élevé dans les milieux aisés de la capitale. Il intégra comme élève, à l’âge de 18 ans, l’École militaire de cavalerie de Saint-Germain-en-Laye le 30 mars 1812, pour être nommé sous-lieutenant dans la Grande Armée, au 8e régiment de chasseurs, le 21 septembre de la même année, avant de rejoindre le 8e régiment de hussards, le 21 décembre. Il participa à la campagne de Saxe en 1813 et obtint successivement l’avancement au grade de lieutenant le 10 octobre, puis la décoration de chevalier de la Légion d’honneur le 4 décembre 1813. Au moment de la campagne de France, il fut promu capitaine le 15 mars 1814, alors qu’il se trouvait dans la position d’aide de camp du général Corbineau, avant d’être muté au 1er régiment de hussards. Non confirmé dans son grade, en exécution de la directive royale du 17 mai 1814, il exerça cependant ses fonctions au sein de ce régiment avec celui de capitaine.
2Au moment des Cent-Jours, il se mit au service de l’empereur et fut nommé au poste d’officier d’ordonnance de Napoléon. Promu au rang de chef d’escadrons le 21 juin 1815, après la bataille de Waterloo, il fut employé brièvement à l’état-major de la garde impériale. Il décida alors de quitter la France – muni d’une autorisation signée par Fouché –, le 28 août 1815, pour se rendre aux États-Unis et y rejoindre son père, frappé par les mesures de proscription du 24 juillet et contraint à l’exil. Considéré comme démissionnaire, il fut rayé des contrôles de l’armée, alors que les nominations effectuées pendant « l’usurpation » étaient annulées. De retour sur le sol national le 4 juillet 1816, il fut assigné à résidence en province. Proscrit du nouveau régime, il retourna à la vie civile. Il fut définitivement rayé des contrôles de l’armée le 28 août de la même année, pour être passé sans autorisation en pays étranger. La conduite politique de son père et son voyage à New York firent suspecter Regnaud d’éprouver peu de sympathie pour le nouveau régime, ce qui expliquait sa disgrâce2. Sa mère, qui habitait la résidence du Val, dans l’arrondissement de Pontoise, était surveillée par la police et les déplacements du jeune lieutenant contrôlés par des agents secrets. On redoutait surtout l’influence de son père, considéré comme une personne hostile à la Restauration3. Durant cette période, il séjourna à Liège en Belgique, ainsi qu’en Prusse, pour accompagner son père dont la santé se dégradait. Celui-ci finit par mourir le 11 mars 1819 à Paris, alors que Decazes venait juste de lui permettre rentrer en France. Auguste-Michel-Étienne Regnaud de Saint-Jean-d’Angély fut alors autorisé à résider à Paris par une décision du 22 avril 1817. Ses demandes réitérées de réintégration dans l’armée furent rejetées. Pourtant, il n’avait pas donné sa démission et prétendait n’avoir jamais été radié officiellement. Après plusieurs années de séjour dans ses foyers, il rejoignit en 1825 le colonel Fabvier en Grèce, pour une mission de formation des troupes. Il exerça cette tâche sans solde et fut chargé, pendant 18 mois, de l’organisation et de l’instruction d’un corps de cavalerie local. De retour en France, il fut attaché comme secrétaire interprète à l’état-major du général Maison, du 14 septembre 1828 au 22 août 1829, lors de l’expédition de Morée. Bénéficiant à partir de ce moment d’un traitement de réforme de lieutenant, puis de capitaine, il demeurait cependant un proscrit au sein de l’armée de la Restauration. Ralliant le nouveau régime issu des journées de juillet 1830, où il se distingua par son « courage et sa grande abnégation4 », il obtint rapidement une mutation au sein du 1er régiment de chasseurs, devenu 1er régiment de lanciers, avec le grade de lieutenant-colonel, notamment grâce au soutien du général Fabvier. La monarchie de Juillet lui permit alors de gravir assez rapidement les échelons au sein de l’armée. Ses notations administratives insistaient toutes sur sa distinction, ses capacités à manœuvrer et son aptitude à diriger. Il participa à la campagne de 1831-1832 en Belgique. Officier de la Légion d’honneur le 4 mai 1831, il fut promu colonel le 23 octobre 1832 et obtint le grade de maréchal de camp le 18 décembre 1841. Il occupa alors plusieurs emplois dans la cavalerie et fut successivement amené à commander la 1re brigade de la 1re division dans la Marne en avril 1842, le département de la Meurthe le 27 décembre 1842, la brigade de cavalerie de la division de secours d’opérations de la Moselle à partir du 12 mai 1844, puis la brigade de cavalerie à Versailles le 24 octobre 1846.
3Le nouveau régime de la Deuxième République lui confia le commandement du département d’Indre-et-Loire le 3 mars 1848, avant de le promouvoir au grade de général de division le 10 juillet de la même année et de lui attribuer la direction de la cavalerie de l’armée des Alpes le 14. Entamant parallèlement une carrière politique, il fut élu député de la Charente-Inférieure à l’Assemblée constituante et entra au conseil général de ce même département qu’il présida à plusieurs reprises durant vingt ans. Soutenu par le pouvoir, il commanda les forces terrestres du corps expéditionnaire de la Méditerranée le 15 avril 1849 et fut dépêché à Rome pour y rétablir l’autorité pontificale. De retour, il fut nommé le 18 juin 1849 à l’inspection générale pour le 12e arrondissement de cavalerie.
Action au ministère de la Guerre (1851)
4Regnaud de Saint-Jean-d’Angély fut amené à diriger brièvement le département de la Guerre, dans la dernière combinaison ministérielle du gouvernement du général d’Hautpoul, du 9 au 24 janvier 1851 – constitué par des hommes liges appartenant à l’entourage du prince-président. Il géra les affaires courantes dans un climat politique tendu à la suite de la révocation du général Changarnier le 3 janvier, qu’il contresigna. Regnaud de Saint-Jean-d’Angély n’eut pas le temps d’entamer de réforme de l’institution militaire. Dans sa profession de foi du 12 janvier 1851, il affirma souhaiter avant tout « travailler à maintenir la paix publique en affermissant la constitution », tout en faisant respecter la hiérarchie et la discipline au sein des unités5. Les rapports provenant des différentes régions militaires lui permirent notamment de poursuivre le repérage des soldats participant à des banquets ou ayant des sympathies socialistes. Il autorisa également des mouvements de troupe à l’intérieur pour répondre à d’éventuelles agitations6.
5Sur le plan politique et stratégique, il surveilla particulièrement l’organisation des unités stationnées à Paris, de manière à préparer un engagement rapide, propre à déplacer les soldats avec célérité et précision en cas d’émeutes7. Régulièrement informé des troubles à l’ordre public – de nature politique et sociale – par la gendarmerie, il put communiquer au prince-président des informations précises sur la situation du pays.
6Au ministère, il géra le mouvement des troupes. Il s’occupa encore, à la suite de la loi du 22 janvier 1851 prescrivant l’appel d’un contingent de 80 000 hommes de la classe de 1850, de déterminer les cas d’exemption des jeunes gens appartenant à l’instruction publique8. Durant son court mandat, il put présenter le 23 janvier 1851 un grand rapport sur l’organisation de l’Algérie9. Cet exposé défendait l’idée de l’immixtion directe de la France dans l’organisation économique de la colonie. Dans ce domaine, il rompait avec l’attitude des Turcs, dont la gestion politique de l’Algérie avait été moins interventionniste. Plutôt favorable à un agencement militaire de la société, le ministre prônait, en tenant compte des particularités locales, un développement de l’agriculture, de l’industrie et du peuplement.
Carrière postérieure, fortune et vie privée
7Quelques mois après avoir quitté le ministère de la Guerre, il s’unit le 21 juillet 1851 avec Anne-Angélique Ruby, veuve de Philippe-Hyacinthe Mongrard, dont la dot dépassait largement la somme prescrite par les règlements. Favorable au coup d’État du 2 décembre 1851, il prit la direction du Comité de la cavalerie le 26 du même mois, avant d’être nommé au Sénat, le 26 janvier 1852, dont il fut vice-président. Inspecteur général du 9e arrondissement de cavalerie le 21 mai 1852, il présida le Comité de la cavalerie à partir du 3 mai 1853 et exerça parallèlement l’inspection générale du 11e arrondissement de cavalerie et du détachement de gendarmerie prévôtale en Italie. De retour en France, il fut membre de la commission mixte des travaux publics, le 24 décembre 1853.
8Le commandement de la garde impériale, au sein de laquelle il exerçait également les fonctions d’inspecteur général, lui échut le 1er mai 1854. Il fut amené à diriger provisoirement le corps de réserve en Orient le 20 mars 1855, puis en tant que titulaire le 20 avril suivant. Arrivé en Crimée le 18 mai 1855, il inspecta notamment les deux bataillons du régiment de gendarmerie de la garde impériale lors de la préparation de l’assaut de la place forte de Sébastopol. De retour en France le 8 septembre 1855, il reprit son commandement des troupes de la garde stationnées sur le territoire national. Le 6 avril 1856, il fut promu commandant en chef de la garde impériale, avant d’être nommé major général du camp de Châlons en septembre 1857. Amené à participer à la campagne d’Italie en 1859, il se distingua lors de la bataille de Magenta où, à la tête de la garde, il fit face durant plus d’une journée à des forces supérieures en nombre. Il accéda à la dignité de maréchal de France le 5 juin 1859 et s’illustra à la tête de ses troupes lors de la bataille de Solférino, le 24 juin suivant. Un décret du 20 novembre 1864 confirma l’hérédité de son titre. Relevé de son commandement en chef de la garde impériale sur sa demande pour des motifs de santé le 15 octobre 1869, il se retira à Cannes où il mourut le 1er février 1870. N’ayant pas eu d’enfant avec son épouse, c’est la fille de cette dernière, issue d’un premier mariage et adoptée par le maréchal, qui hérita du titre nobiliaire à la mort du maréchal. Il repose aux Invalides.
Bibliographie
Sources et bibliographie
Sources manuscrites
Service historique de la Défense
Deuxième République (série F)
SHD/GR, F1 41 bis : correspondance générale.
Archives collectives et individuelles (série Y)
SHD/GR, 6 Yd 58 : dossier d’Auguste-Michel-Étienne Regnaud de Saint-Jean-d’Angély.
Archives nationales
Grande chancellerie de la Légion d’honneur (série LH)
LH 2284/50.
Sources imprimées
Écrits d’Auguste-Michel-Étienne Regnaud de Saint-Jean-d’Angély :
Rapport adressé à M. le président de la République par le ministre de la Guerre sur le gouvernement et l’administration des tribus arabes de l’Algérie, Paris, Imprimerie nationale, 1851, 91 p.
Projet de loi affectant au service du département de la Guerre un terrain dépendant du service des ponts et chaussées, à Dunkerque, séance du 13 janvier 1851, Paris, Imprimerie de l’Assemblée nationale, 1851, 4 p.
Projet de loi tendant à affecter au service du département de la Guerre des portions de terrains provenant de l’ancien Lazaret du Huc, près du Havre, séance du 21 janvier 1851, Paris, Imprimerie de l’Assemblée nationale, 1851, 3 p.
Regnaud de Saint-Jean-d’Angély (comtesse), Quelques opuscules, par madame la comtesse Regnault de Saint-Jean-d’Angély, née de Bonneuil, Paris, Imprimerie de madame Lacombe, 1854, 15 p.
Ordre général constitutif du camp de Châlons-sur-Marne, Châlons, Imprimerie E. Laurent, 1857, 12 p.
Bibliographie
Si le père du maréchal a fait l’objet d’assez nombreux articles et ouvrages, la postérité du militaire a peu retenu l’attention de l’historiographie. On pourra retrouver des traces de son action dans les panoramas biographiques consacrés aux maréchaux ou bien encore dans certains ouvrages, souvent à caractère mémoriel, contemporains de son époque.
Maze-Sencier Geneviève (dir.), Dictionnaire des maréchaux de France du Moyen Âge à nos jours, Paris, Perrin, 1988, 452 p.
Valynseele Joseph, Les maréchaux de Napoléon III. Leur famille et leur descendance, Paris, Perrin, 2000, 452 p.
Zins Ronald, Les maréchaux de Napoléon III, Lyon, Horvath, 1996, 251 p.
Notes de bas de page
1 L’extrait du registre des actes de naissance mentionne le nom de son père, un certain Michel-Louis-Étienne Desrichards, employé à l’armée du Nord. En réalité, sous ce pseudonyme se cachait Michel Regnaud, qui tentait d’échapper aux tribunaux révolutionnaires en utilisant cette fausse identité. Le 30 juillet 1794, un acte notarié spécifia la paternité de Michel Regnaud. Son père fit rajouter à son patronyme le nom de Saint-Jean-d’Angély, ville de Charente-Maritime au sein de laquelle la famille de sa mère possédait des biens, SHD/GR, 6 Yd 58.
2 Bureau de la cavalerie, rapport du chef de division au ministre, 10 décembre 1816, ibid.
3 Le ministre de la Police générale au ministre de la Guerre, 16 janvier 1817, ibid.
4 Le ministre de la Guerre au roi, septembre 1830, ibid.
5 Ministère de la Guerre, ordre à l’armée, 12 janvier 1851, SHD/GR, F1 41 bis.
6 Note au cabinet du ministre, déplacement d’un bataillon d’infanterie dans la Nièvre, 14 janvier 1851, ibid.
7 Emplacement des troupes en cas de combat, 19 janvier 1851, ibid.
8 Circulaire n° 358 du 24 janvier 1851, ibid.
9 Auguste-Michel-Étienne Regnaud de Saint-Jean-d’Angély, Rapport à M. le président de la République par le ministre de la Guerre sur le gouvernement et l’administration des tribus arabes de l’Algérie, Paris, Imprimerie nationale, 1851, 90 p.
Auteur
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