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La mémoire des cités dans le Péloponnèse d'époque romaine

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Yves Lafond

Première partie. L'éthique de la cité

Chapitre 2. Valeurs morales et statuts sociaux dans les cités péloponnésiennes

Texte intégral

  • 1 Leur signification « politique » sera étudiée dans la deuxième patrie.
  • 2 Cf. Histoire et cultes de Thasos II, p. 123-126.
  • 3 Cf., dans la documentation thasienne, la mention de femmes portant le titre de miter tès gérousias(...)

1Il s’agit de voir à présent, à partir d’un examen de l’ensemble des qualités morales et sociales attribuées aux destinataires des inscriptions honorifiques des cités, si l’on peut tirer des conclusions en ce qui concerne leur éventuelle spécificité par rapport aux domaines d’activité1 des personnages concernés, dans la mesure où, comme dans la littérature encomiastique contemporaine, et particulièrement dans les portraits d’empereurs, les vertus mentionnées sont reliées aux actions dont elles constituent les manifestations. Il faudra souligner aussi le rôle que les femmes prennent dans la vie publique : il peut être interprété comme l’une des conséquences les plus importantes et les plus caractéristiques de l’évolution sociale, comme l’atteste en particulier le nombre croissant de consécrations qui leur sont offertes par le démos ou la polis, à titre de reconnaissance publique2. Si leur admission à exercer des magistratures traditionnelles reste exceptionnelle, par le biais surtout des fonctions religieuses, à la fin du iie siècle et au iiie siècle, on sait par exemple, dans le cas de Thasos, que certaines d’entre elles purent appartenir au corps de la gérousia3. On pourra tentet enfin, au fil de cette approche diachronique, de mieux cerner le rôle joué plus particulièrement par certaines familles locales et déterminer la place particulière que semblent s’octroyer certaines des cités d’où émanent les éloges en question.

La basse époque hellénistique

  • 4 IG IV, 558 ; 589.
  • 5 IGV, 1, 1145.
  • 6 IGIV2, 1,65 ; 66.
  • 7 IGIV, 589 ; IGIV2, 1,654 ; SEG, 11,1270 ; 22, 266
  • 8 IGIV, 589, SEG, 17,199.
  • 9 SEG, 15,254.
  • 10 IGIV2, 1,63-64.

2À la basse époque hellénistique, les valeurs les plus communément célébrées — et cela n’a rien d’original — sont la « valeur » et le « dévouement », appliquées à des personnages qui se sont distingués par leurs conduites de dépense et ont apporté un secours financier à la cité, en tant que trésoriers4, médecin5, agoranomes ou responsables de l’approvisionnement6, comme agonothètes ou gymnasiarques 7 et enfin dans le domaine de la vie politique, comme secrétaire ou épimélète8, chef militaire 9 ou ambassadeur à Rome10.

  • 11 CRAI, 1969, p. 57-61 (= OMS, V, 1989, p. 576-580) ; cf. Bull épigr., 1970, 388.
  • 12 C. Wehrli, « Sur la formule : Pωµαιοί οί κοινοὶ ƐὐƐργέται πάντων ("Les Romains communs bienfaiteur (...)
  • 13 IG V, 1, 1146.
  • 14 Cf. infra, p. 127-135.

3Il convient de signaler que le thème des Romains « communs évergètes », abordé par L. Robert dans sa publication d’une inscription concernant Théophane de Mytilène11, et repris par des études plus récentes12, n’est guère illustré par notre documentation : les Cloatii sont présentés comme « proxènes et évergètes » de la cité de Gythéion au ier siècle av. J.-C.13, mais nulle part n’apparaît la formule « Les Romains communs évergètes » qui, dans les documents officiels des communautés grecques à la basse époque hellénistique, sert à traduire aussi bien le sentiment de reconnaissance que l’acceptation de la domination romaine. Si cette dénomination fait défaut dans la documentation péloponnésienne, on verra cependant plus loin 14 que les cités n’en prennent pas moins en compte, sous d’autres formes, dans leurs discours, la présence des Romains et leur participation à la vie civique.

  • 15 IG V, 1,961 ; 963 ; 965.

4En Laconie, quelques inscriptions insistent de façon générale, sur le « zèle » et la « générosité » des dédicataires : il s’agit de textes de Gythéion pour un médecin et pour les Cloatii, d’un décret de Géronthrai pour Xénoclès, qui a restauré le sanctuaire d’Héra, ainsi que d’une série de décrets émanant de la modeste cité de Kotyrta15, sur le golfe de Laconie, qui décerne à des bienfaiteurs étrangers les titres de proxène et d’évergète.

  • 16 IGIV, 598 ;IG V, 1,578.
  • 17 Cf. Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 57, qui ne se réfère pas à nos textes, mais cite plusieurs exem (...)
  • 18 L’assimilation qui peut être faite entre les rois et les grands évergètes est bien illustrée par l (...)

5Lorsqu’elles sont appliquées à des femmes, ces valeurs sont liées à plusieurs reprises à la notion « d’évergésie ancestrale16 », qui vise à souligner les qualités héréditaires des citoyens bienfaiteurs, leurs « vertus natives », selon une tendance qui semble s’être affirmée - pour les bienfaiteurs masculins aussi bien que féminins - surtout dans les dernières décennies du iie siècle av. j.-C. 17et donne des grands évergètes une image qui les apparente aux rois de l’époque hellénistique18.

  • 19 Cf. IGIV, 558 ; IV2 1, 66 ; 658.
  • 20 Cf. IGIV, 558 ; IV2 1, 63-64 ; 66 ; 654 ; IG V, 1, 1145 ; IG V, 2, 266 ; SEG, 14, 370 ; 22, 266 ; (...)

6C’est dans la même perspective qu’il faut replacer l’insistance, caractéristique des inscriptions honorifiques de la basse époque hellénistique, sur les qualités personnelles des bénéficiaires, telles que la « piété envers les dieux » et l’« affection » ou les « égards » envers les parents et les proches19. Très souvent, se trouvent en outre soulignés l’« amour du bien » et le « bon naturel » des bénéficiaires20.

  • 21 Ces qualités sont célébrées, parmi les grands évergètes de la basse époque hellénistique, chez Dio (...)
  • 22 IGIV2, 1,65-66.
  • 23 On retrouve la notion dans les textes en l’honneur de Diodôros Pasparos à Pergame, de Zosimos à Pr (...)
  • 24 IG V, 1, 1144.
  • 25 D’après P. Frölich, « Les magistrats des cités grecques : image et réalité du pouvoir », dans H. I (...)
  • 26 IGIV2, 1,66 ; 648-649 ; 654 ; 658.

7On ajoutera, dans cette appréciation d’ensemble, la célébration de la « retenue » et de l’« humanité » chez des femmes de l’aristocratie locale, à Épidaure, Sparte et Mantinée, mais on fera ressortir la spécificité du vocabulaire utilisé pour célébrer la « munificence » et la « grandeur d’âme21 » d’Euanthès et d’Aristoboulos dans des textes d’Épidaure22, ainsi que l’« empressement23 » dont ont fait preuve Philémon et son fils en restaurant le sanctuaire d’Apollon à Gythéion24. L’« amour de la gloire » (philodoxia), et la « justice », des notions bien attestées dans la documentation contemporaine (Diodôros Pasparos, Diodôros d’Éphèse, Moschion, Zosimos de Priène et Théopompe d’Érétrie), n’apparaissent ici également qu’en liaison avec Euanthès et Aristoboulos d’Épidaure. Par ailleurs, je ne note pas trace dans ma documentation de la notion de katareiotès, pourtant un des termes « les plus employés25 » à la basse époque hellénistique dans le vocabulaire d’éloge appliqué aux magistrats. Dans l’ensemble, l’emploi de ce vocabulaire fait ressortir l’importance des personnages concernés et des cités dans lesquelles s’inscrivent leurs actions, importance renforcée encore, dans le cas d’Euanthès, par le nombre d’inscriptions conservées qui honorent le personnage lui-même mais aussi sa femme et son fils 26 et semblent illustrer un phénomène d’accaparement des valeurs au profit de quelques familles qui composent l’élite sociale des cités et dont les noms, grecs, renvoient eux-mêmes au domaine de l’éthique.

  • 27 IG TV2, 1,63, 65 et 66.
  • 28 Ces notions d’amitié et d’alliance ont été à l’origine des relations spécifiques qui se sont établ (...)

8Il s’agit d’ailleurs peut-être finalement du seul cas, dans la documentation péloponnésienne de l’époque tardo-hellénistique, où l’on ait affaire à ce que l’on pourrait appeler de grands évergètes, comparables, par l’importance de leur action et la diversité des qualificatifs appliqués à leur conduite, aux dédicataires, à la même époque, de décrets honorifiques émanant d’autres cités du monde grec, particulièrement d’Asie Mineure. Cela permet du même coup de faire valoir la place d’Épidaure et le rôle spécifique que cette cité, avec le sanctuaire d’Asclépios, semble avoir joué dans l’histoire du Péloponnèse aux deux derniers siècles avant notre ère. Les textes 27 font apparaître les conséquences de l’action généreuse de quelques citoyens fortunés sur la vie économique, religieuse et politique de la cité : Archélochos a contribué comme ambassadeur à faire conclure une demande d’amitié et d’alliance 28 avec les Romains ; Aristoboulos et Euanthès ont utilisé leur fortune personnelle pour favoriser l’approvisionnement de la cité en blé, financer le réaménagement d’espaces publics ou prendre en charge des fêtes religieuses. Par les éloges qu’elle adresse à ses bienfaiteurs, la cité transmet l’image d’une communauté qui a réussi, à cette époque troublée, à préserver son intégrité civique. Si l’on ajoute les textes de Kotyrta et de Gythéion, on pourra mettre en valeur le rôle spécifique joué à la basse époque hellénistique par des espaces ouverts sur le golfe de Laconie et sur le golfe saronique.

D’Auguste à Trajan

  • 29 Sur la justification de ce découpage chronologique, cf. supra, p. 32 et infra, p. 79-80.

9Dans la période qui s’étend d’Auguste à la fin du règne de Trajan29, peut-on faire apparaître des permanences ou une évolution dans le choix des valeurs et des références morales sur lequel s’appuient les discours honorifiques adressés par les cités à leurs bienfaiteurs ?

La documentation épigraphique

  • 30 Cf. РАЕ, 153, 1998 [2000], p. 94.
  • 31 Dont un texte de Mantinée, du début de la période (IG V, 2, 268), évoque encore le caractère « hér (...)
  • 32 IG IV2, 1,642 ; IvOl, 436.

10Un premier examen des données en notre possession confirme la place prépondérante occupée par les cités d’Argolide et de Laconie d’où émanent la plupart des documents, mais aussi le rôle joué par Mantinée dans l’éloge de personnages féminins, ainsi que par la cité des Éléens. Parmi les textes de Messène retrouvés lors des fouilles récentes menées par P. Thémélis depuis 1986, un seul peut être exploité pour cette époque en ce qui concerne le vocabulaire de l’éloge : il s’agit d’une dédicace qui célèbre la « grandeur d’âme » d’un haut fonctionnaire romain30. Le vocabulaire des textes de cette époque est banal et plutôt pauvre dans l’ensemble. Il évoque la « valeur » et le « dévouement31 », le « bon naturel », la « justice » et la « retenue » des destinataires. Comme à l’époque précédente, les personnages honorés se sont distingués par le rôle qu’ils ont joué dans le domaine de la vie agonistique (comme gymnasiarques ou agonothètes), politique (comme ambassadeurs ou secrétaires) et religieuse (comme prêtres, en particulier du culte impérial, et hiérophantes). On notera que l’accent est mis beaucoup moins qu’à la période précédente sur la notion de « générosité » - si ce n’est, dans deux inscriptions32, sous forme d’allusions à l’euergésia et à la philanthropia des destinataires -, tandis que se trouve valorisée la notion de « grandeur d’âme », ce qui semble correspondre à l’emploi qui est fait de cette « vertu » dans les textes honorifiques adressés à de grands évergètes par d’autres cités du monde grec (cf. par exemple Épaminondas d’Acraiphiai et Vibius Salutaris à Éphèse). Quelques notions nouvelles semblent faire leur apparition, dans des textes qui émanent tous d’instances collectives : la « gravité » (dans un texte d’Argos adressé par la tribu des Pamphyloi à un agonothète et dans un décret des peuples qui composent le synédrion panachéen en l’honneur de leur secrétaire), la « bonté » (célébrée par les prêtres d’Asclépios à Mantinée dans l’éloge d’un personnage féminin), la « libéralité » (qui figure comme qualité appliquée par une association d’athlètes à Olympie à un personnage qui fut vainqueur à Olympie, grand-prêtre et agoranome de la cité des Éléens).

  • 33 Voit aussi infra, p. 160-164.

11La documentation met en évidence plus particulièrement l’importance de quelques lignages locaux, issus des grandes familles de la société provinciale de l’époque impériale, dont l’onomastique fait apparaître qu’elles bénéficient de la citoyenneté romaine33 :

  • les Statilii, en la personne de T. Statilius Lamprias, honoré par des textes de Corinthe et Épidaure 34 et de T. Statilius Timocratès, honoré par un décret du synédrion panachéen qui prévoit de consacrer des portraits en bronze du personnage « dans les endroits où ont lieu les panégyries des Panachéens et dans l’enclos sacré de l’[Homarion], ainsi qu’à Épidaure dans le sanctuaire d’Asclépios35 » ;
  • les Claudii dont l’émergence paraît liée à une politique de gratification plus « libérale » de la civitas de la part de Claude qui, sans nuire à l’influence des Iulii dans le Péloponnèse, exploite les liens traditionnels de clientèle développés dans la presqu’île par les Claudii pour rétablir l’équilibre politique, surtout dans les cités où les anciennes familles nobles étaient écartées du pouvoir par les amis personnels d’Auguste, des parvenus parfois, comme C. Iulius Eurycles. Certains des Claudii ont cumulé d’importantes fonctions36 : Tib. Claudius Diodotos, agora-nome, secrétaire, hiérophante et agonothète, ainsi que Tib. Claudius Lyson Cosmopolis, honoré par la cité des Éléens et la Boulé d’Olympie comme prêtre, agoranome, gymnasiarque, alytarque et secrétaire ;
  • les Iulii, un lignage auquel se rattache le descendant d’Euryclès C. Iulius Euryclès Herculanus, célébré comme grand-prêtre héréditaire à vie des Augustes dans une inscription d’Asôpos37 ;
  • les Cornelii d’Épidaure, honorés par leur cité d’origine38 ;
  • les Ve(t)tuleni, famille éléenne importante, dont les membres sont attestés du ier au iiie siècle. L’un d’entre eux, L. Vettulenus Laetus, exerça entre autres charges au ier siècle la fonction de tribun militaire, à en juger par une dédicace très fragmentaire en son honneur39. Il s’agit vraisemblablement de descendants d’Italiens résidents à Élis40. Dans notre documentation, L. Vetulenus et sa fille sont honorés par des associations d’athlètes à Olympie et par la cité des Éléens41.
  • 42 Cf. Roman Onomastics, p. 163.

12On notera dans la documentation l’absence de Flavii, qui constituent pourtant, avec les Aurelii, entre le règne de Claude et l’Édit de Caracalla, le groupe majoritaire parmi les gentilices impériaux attestés par exemple dans la cité de Thespies en Béotie42.

  • 43 Cf. IGIV, 597 ; 671, IGV, 1, 1176 ; 1178 ; IGV, 2, 268.

13Plusieurs textes révèlent toutefois que les discours d’éloge des cités mettent en valeur aussi des familles qui n’ont pas la citoyenneté romaine : c’est le cas à Argos, Nauplie, Gythéion et Mantinée43, où les personnages que la cité fait entrer dans sa mémoire ne portent que leurs noms grecs. Le vocabulaire employé dans l’éloge de ces personnages est cependant beaucoup plus limité que celui qui sert à composer l’éloge de grands évergètes ailleurs dans le monde grec à la même époque. On ne trouve pas trace en particulier dans notre documentation de notions comme celles d’« empressement » (prothymia) ou d’« amour de la gloire » (philodoxia), qui semblent pourtant avoir eu leur place d’ordinaire dans les éloges des évergètes au ier siècle (ainsi chez Épaminondas d’Acraiphiai, Kléanax de Kymé, Apollonios de Pergé, Callisthénès de Samos ou Apollonios de Kalindoia).

14De façon générale, force est de souligner que l’examen de notre documentation péloponnésienne fait ressortir la rareté des occurrences dans l’emploi des notions appliquées à l’éloge des élites locales au ier siècle. Si l’on ne tient pas compte des notions très communes — celles de « valeur », de « dévouement » et de « discrétion » -, il n’y a guère que le « bon naturel » (kalokagathia) et la « grandeur d’âme » (mégalopsychia) dont l’utilisation paraisse assez fréquente et conforme d’ailleurs à l’emploi qui en est fait dans les portraits d’évergètes contemporains déjà cités, mais où le vocabulaire de l’éloge est plus riche. Les limites du vocabulaire employé dans les inscriptions honorifiques des cités du Péloponnèse paraissent d’autant plus spécifiques qu’elles contrastent avec la richesse de la réflexion morale qui se développe dans les courants de pensée contemporains.

Le témoignage de Plutarque et de Dion de Pruse

15La période qui s’étend du règne d’Auguste à l’époque des premiers Antonins est en effet marquée en même temps par la réflexion philosophique et la prédication morale et politique de Plutarque et Dion de Pruse, ce qui nous permet d’examiner de plus près dans quelle mesure il y a décalage ou non entre la moralité vécue, telle qu’elle ressort des discours officiels des cités, et l’éthique prônée par les intellectuels de l’époque.

  • 44 « Rhétorique, culture et politique. Le fonctionnement du discours idéologique chez Dion de Pruse e (...)
  • 45 Discours, XXXIV, 48 ; XLIV, 2 ; LXXVII-LXXVIII, 42.
  • 46 Ibid., XLVIII, 9 ; LXXVII-LXXVIII, 26 ; XXXIV, 29 ; XXXVI, 20.
  • 47 Ibid, XLI, 8 ; 38.
  • 48 Ibid., XXXIV, 38-39 ; 48 ; XL, 6.
  • 49 Ibid., XLI, 3 ; 9 ; XLVII, 3. Le terme philopolis apparaît très fréquemment dans les deux discours (...)
  • 50 Ibid, XXXIV, 25 ; XLVIII, 6, 9.
  • 51 Ibid, XLI, 3 ; XLIV, 2 ; XLIX, 1.
  • 52 Ibid, XXXIV, 25 ; XXXIX, 47.
  • 53 Ibid, XXXIII, 23 ;28
  • 54 Ibid, XXXIII, 28.

16D’après M.-H. Quet44, les qualités morales qui reviennent le plus souvent chez Dion de Pruse, appliquées aussi bien aux notables qu’aux cités, sont la « valeur » et le « dévouement45 », la « tempérance » et la « sagesse46 », la « décence » et la « courtoisie », l’« empressement47 », la « générosité » (philanthropia48) ainsi que l’amour de la patrie et l’amour de la cité49. À cela s’ajoute l’amitié (philia50), la douceur (praotès51), l’honnêteté (chrestotès52), l’intelligence (nous53), la discipline (eutaxia54) et la « bonne entente » [homophrosynè), une notion très souvent utilisée dans le discours XXXIX, « Sur la concorde, à Nicée », qui correspond au sentiment d’une unanimité qui se définirait comme concorde intérieure dans une même cité, comme sentiment d’appartenance à une même communauté politique pour les habitants de cités voisines.

  • 55 Art. cité, p. 111, n. 408.

17« Ce sont bien là, note M.-H. Quet55, les qualités politiques et morales que l’on retrouve dans les inscriptions. » Soit. Mais il apparaît, à en juger du moins par ce que révèle l’étude de notre documentation péloponnésienne, qu’une telle affirmation, dans sa généralité, définit beaucoup mieux le « fonctionnement du discours idéologique chez Dion de Pruse » qu’elle ne rend compte des particularités et des limites de l’idéal moral que reflètent les discours officiels des cités.

  • 56 « Vocabulaire et mentalité dans les Moralia de Plutarque », DHA, 1977, p. 199.
  • 57 J.-C. Carrière, « À propos de la Politique de Plutarque », DHA, 1977, p. 237. Cf. M.-H. Quet, « Re (...)

18Dans une étude du vocabulaire des qualités sociales fondée sur une confrontation entre les inscriptions honorifiques et les Œuvres Morales de Plutarque, C. Panagopoulos 56 avait de son côté souligné que l’ensemble de ces notions reflète l’idée que les notables se font de leur propre « humanité » et correspond à l’image qu’ils veulent en perpétuer. Le texte de Plutarque et les inscriptions seraient dès lors révélateurs d’une tentative « pour ériger en modèle le système de représentations grâce auquel un groupe social dominant exprime ses rapports avec les choses57 ».

19La réflexion est conduite à partir de l’étude de dix notions envisagées tour à tour : la noblesse, la richesse, l’amour de la gloire, les bonnes mœurs, l’esprit de famille, la douceur, le courage, la justice, les qualités intellectuelles et l’excellence. Or, bien qu’elle souligne l’originalité du discours moralisant de Plutarque, dont il est clair qu’il correspond à une réflexion de nature philosophique et ne reflète pas directement les pratiques sociales, la définition que C. Panagopoulos donne en conclusion du système de représentations qui se dégage des textes utilisés s’apparente à un modèle qui reste lui aussi très général.

20Il est juste, certes, de souligner l’importance de la philotimia ou celle de la concurrence et de l’émulation qui régissent les rapports des notables à l’intérieur du système évergétique, et expliquent la place que tient dans la documentation épigraphique l’idée d’être le « premier », le « meilleur », comme il est juste aussi de mettre en valeur les notions de « caractère », de « mœurs » qu’expriment des mots comme éthos et tropos, aussi bien chez Plutarque que dans la documentation épigraphique, mais plusieurs observations demandent à être nuancées.

  • 58 C. Panagopoulos, art. cité, p. 204.
  • 59 Je ne crois pas que le mot soit d’ailleurs si fréquent que cela dans la documentation épigraphique (...)
  • 60 C. Panagopoulos, art. cité, p. 209 et 223.

21« Objet d’un éloge spécial dans les inscriptions58 », la « noblesse » [eugénéid), dans le corpus péloponnésien59, ne semble pourtant pas avoir constitué une valeur de référence dans toutes les cités ni à toutes les époques et tout se passe comme si elle avait été récupérée par l’élite laconienne. Je n’ai guère trouvé trace non plus du « lamprôs innombrable qui peut qualifier dans les inscriptions les activités les plus diverses des notables », ni de l’éloge d’épiméléia, vertu « bien attestée dans les inscriptions », ou de la philoponia, qui « joue un grand rôle dans les inscriptions60 ». La notion de philagathia, dans notre corpus comme ailleurs dans la documentation épigraphique, paraît quant à elle surtout caractéristique de la basse époque hellénistique et faire de l’emploi de philagathos « un éloge officiel assez fréquent » (p. 211) ne me paraît pas aller de soi.

  • 61 Ibid, p. 211.
  • 62 Pour l’eutaxia, voir par exemple les textes en l’honneut d’Archippé de Kymé ou de Polémaios de Col (...)
  • 63 Cf. Archippé de Kyme à la basse époque hellénistique, Vibius Salutaris à Éphèse au ier siècle ou, (...)

22Comment souscrire par ailleurs à l’idée que « l’éloge de pudeur est dans les inscriptions l’apanage conventionnel des femmes et des jeunes gens de bonne famille61 » quand je ne dispose que d’une seule attestation de la notion d’aidôs dans mon corpus, appliquée à un personnage dont rien ne dit qu’il s’agit d’un jeune homme ? Je note à ce propos aussi dans le corpus péloponnésien l’absence des termes qui signifient le « bon ordre », tels eukosmia et eutaxia, par ailleurs présents dans les inscriptions honorifiques d’époque romaine 62 et dans le lexique de Plutarque : il ne faut donc peut-être pas se hâter de conclure que ces exemples « montrent surtout que les notables tiennent à former une jeunesse docile et disciplinée », soucieuse de n’altérer l’image de la notabilité par aucun « dérèglement » ou « désordre ». De même convient-il de souligner que la notion de philostorgia, caractéristique du vocabulaire de l’affection familiale et présente ailleurs dans les éloges civiques, notamment en Asie Mineure63, n’apparaît pas comme thème d’éloge dans notre corpus péloponnésien, et ne peut donc illustrer ici l’idéologie dégagée par Panagopoulos dans les inscriptions honorifiques en général « d’une communauté de notables unis comme les membres d’une même famille » et de cet « esprit de famille » qui présiderait à l’époque impériale à l’administration des affaires de la cité.

  • 64 Art. cité, p. 214-215.
  • 65 Le terme est associé souvent à l’adjectif épieikis, « obligeant, amène ». Cf. L. Robert, Hellenica(...)
  • 66 C. Panagopoulos, art. cité, p. 219.

23Il en va de même pour l’éloge d’amitié (philia), pourtant interprété par C. Panagopoulos comme un « sentiment régulateur de la vie sociale64 » et pour l’éloge de douceur (praotès65), « remarquable dans les inscriptions » : les cités du Péloponnèse ne semblent pas avoir fait usage de ces notions auxquelles Plutarque ou Dion de Pruse accordent pourtant une place importante, tout spécialement dans le cadre de réflexions sur la nécessité de préserver la bonne entente dans les cités. Ajoutons que la pauvreté dans le corpus péloponnésien des occurrences de la philanthropia s’accorde mal avec la remarque concernant les « exemples innombrables » que fournissent de cette notion les inscriptions66. Il faut donc rester prudent quant au « sens historique » à dégager de ce type d’éloge dans les cités grecques de l’Empire.

  • 67 IGV.2, 269,1. 11-12.
  • 68 Cf. Moralia 90 e-f ; 257 e-f ; 807 a ; 823 a-c. Voit C. Panagopoulos, art. cité, p. 220-221, où le (...)

24Il n’y a guère de trace non plus dans les inscriptions du Péloponnèse, si ce n’est dans un décret des prêtres d’Asclépios à Mantinée en l’honneur de Iulia Eudia au ier siècle67, de la notion de chrestotès, intermédiaire entre l’idée de « serviabilité » et celle de « bienveillance », qui a sa place cependant dans la réflexion plutarquéenne sur les valeurs d’amitié et de sociabilité68.

  • 69 C. Panagopoulos, art. cité, p. 223-225.
  • 70 La notion désigne l’égalité ou l’équité.
  • 71 IGV, 1,491,1. 4.

25S’agissant de l’éloge de justice69, l’idée de la « multitude des exemples que l’on trouve dans les inscriptions de l’époque » ne correspond pas au petit nombre d’occurrences que j’ai relevées dans mon corpus, lequel ne fournit également que très peu d’exemples des notions qui peuvent accompagner l’éloge de justice dans les inscriptions : pas trace de l’eunomia, éloge caractéristique pour les gouverneurs de provinces et les hauts fonctionnaires, ni du couple isotès 70/ dikaiosynè, pourtant « fréquent dans les documents épigraphiques », ni du rattachement à la notion de justice de l’éloge d’intégrité, fréquent dans les inscriptions. L’éloge de « confiance », de bonne foi (pistis) n’apparaît qu’une seule fois, dans une dédicace Spartiate du iie siècle pour un maître de gymnase71.

  • 72 C. Panagopoulos, art. cité, p. 212.
  • 73 Dans son utilisation du texte de Plutarque et dans la confrontation qu’elle établit avec le témoig (...)
  • 74 Le texte, en ce qu’il constitue l’un des tares témoignages qui permette une appréhension directe d (...)
  • 75 823 c. Une inscription honorifique de Sparte pour un proconsul d’Achaïe, au ive siècle (SEG, 11, 8 (...)
  • 76 Exprimée par le terme éthos : cf. 824 e. Dans la Vie de Cimon, 2, Plutarque fait remarquer que « s (...)

26On comprend mal, en outre, pourquoi la sôphrosynè est dite appartenir à la « trilogie classique » tempérance, courage, justice72, alors qu’elle fait partie d’un ensemble traditionnel de quatre vertus - la « sagesse », oubliée ici, ayant pourtant sa place dans l’idéal d’homme d’État que retrace Plutarque dans les « Préceptes politiques73 ». Dans ce traité en effet, Plutarque adresse à son ami Ménémachos de Sardes des conseils pour la vie politique qui l’amènent à reconstituer un portrait de l’homme d’État idéal dont on peut souligner à la fois l’ancrage dans l’époque de Plutarque lui-même 74 ainsi que les connotations éthiques : dans ce texte où la politique est définie comme « une façon de vivre et d’agir, et non une façon de s’occuper ou une charge75 », les vertus mises en valeur pour définir le comportement et le caractère de l’homme d’État, sa « sagesse » en général76, sont l’arétè (806 b ; 821 e ; 822 f), l’eunoia, la kèdémonia (« sollicitude ») et la philanthropia (812 b ; 816 b ; 823 a), la spoudè et la pronoia (817 c), L’eusébéia (822 b), la phronèma (822 f ; 824 e).

  • 77 Sur ce thème, cf. infra, p. 145-148.
  • 78 Cf. Vie de Numa, 20,11 ; cf. aussi Aelius Aristide et Dion de Pruse, ce dernier justifiant la conc (...)
  • 79 Voir à ce sujet les remarques de M.-H. Quet (« Rhétorique, culture et politique. Le fonctionnement (...)

27C’est dire que le portrait d’homme d’État idéal qui se dégage des œuvres de Plutarque ne peut s’appliquer sans nuances à l’image des notables que renvoient les inscriptions honorifiques. C’est ce que fait ressortir dans notre corpus l’absence de l’éloge d’amitié et de l’idéal de concorde 77 dont on perçoit bien pourtant, à la lecture de Plutarque 78 et des inscriptions d’Asie Mineure, les connotations politiques et la place dans la vie publique. De façon générale, nombre de vertus célébrées par Plutarque sont à rattacher à une réflexion de type philosophique, marquée en particulier par les conceptions platonicienne et stoïcienne79.

  • 80 Cf. P. Hadot, La citadelle intérieure, Paris, 1992
  • 81 IGIV2,1,66.

28Or, les valeurs du stoïcisme ne sont-elles pas aussi celles de l’aristocratie romaine ? On peut prendre pour exemple le portrait d’Antonin qu’élabore Marc Aurèle (Écrits pour lui-même, I, 16) où, par-delà les traits canoniques du prince idéal, l’empereur souligne chez son père adoptif des vertus conformes à des principes fondamentaux qui sont ceux de la morale stoïcienne80 : la discipline du jugement, celle du désir - qui permet la piété en tant que consentement à la volonté divine - et surtout la discipline de l’action, qui implique esprit de sérieux, intention droite, altruisme, justice, douceur, des qualités qui sont loin d’apparaître systématiquement dans les inscriptions honorifiques adressées par les cités aux notables ou aux empereurs et que l’on ne trouve, du moins dans la documentation péloponnésienne, jamais réunies chez un même destinataire — l’un des éloges qui pourrait faire exception étant celui d’Euanthès d’Épidaure, au ier siècle avant notre ère81.

  • 82 Cf. Préceptes politiques, 798 c sq. ; 813 c ; 823 c.
  • 83 Voir à ce sujet les remarques de J.-C. Carrière, dans sa notice aux « Préceptes politiques » = Œuv (...)

29La réflexion de Plutarque cherche à ancrer en effet le modèle platonicien dans la réalité grecque de l’époque flavienne et antonine. Dans ce contexte, il montre que la politique n’est pas un loisir ni une liturgie, mais une obligation morale — à quoi s’ajoute l’idée que l’homme d’État ne doit ni poursuivre les charges, ni les éviter82. Plutarque définit une théorie du pouvoir et vise un idéal : le pouvoir du véritable homme d’État est moral et vient de la supériorité de sa vertu. Il s’agit donc de faire coïncider ordre social et ordre moral, privilèges et vertus, dans un discours philosophique qui ne reflète pas directement les pratiques sociales, même si la terminologie employée pour désigner les vertus est proche de celle des inscriptions83. Plutarque cherche à intérioriser les vertus, qu’il considère comme les formes multiples d’une Vertu unique.

  • 84 De officiis, II, 56.

30De façon générale, la conception que défend Plutarque de l’évergétisme et des honneurs est liée à une réflexion morale sur le bon usage de l’argent, inspirée vraisemblablement par les écrits d’Aristote et de Théophraste, cités par Cicéron84. Plutarque s’efforce de donner à ce qu’on peut appeler le « pacte évergétique » une dimension totalement symbolique.

31Or, dans la documentation péloponnésienne du ier siècle, les textes qui exploitent un vocabulaire de l’éloge offrent cette particularité qu’ils reflètent un point de vue qui n’est pas en général celui de la cité en tant que telle, mais d’instances collectives qui constituent une partie de la cité (tribu, Romains résidents à Argos, prêtres d’Asclépios à Mantinée, associations d’athlètes à Élis) ou débordent son cadre (synédrion panachéen). Seul, fait exception dans notre documentation un décret honorifique de Cardamylé qui évoque le « bon naturel » et la « grandeur d’âme » du dédicataire. Une fois mis en perspective par rapport aux idéaux politiques et moraux que définissent les textes de Plutarque et Dion de Pruse, les portraits de notables que recompose la documentation épigraphique péloponnésienne du ier siècle acquièrent une certaine spécificité : en matière d’éloges civiques, tout se passe comme si la parole revenait le plus souvent non pas à la cité tout entière mais à certaines de ses composantes, ou à des instances qui ne se situent plus au niveau local.

L’époque antonine (à partir d’Hadrien)

  • 85 Corinth VIII, 3, 226 ; 264.
  • 86 IGIV, 1599 = Corinth VIII, 1, 86.
  • 87 SEG, 31,372.
  • 88 IG V, 2, 463.
  • 89 IvOl,, 470.
  • 90 IvOl, 451 ;472.

32Au iie siècle, dans la période qui s’étend de la fin du règne de Trajan à celui de Commode, on peut relever la place que continuent d’occuper dans notre documentation les textes émanant de cités d’Argolide et de Laconie, puisque les textes honorifiques extérieurs à ces régions - du moins ceux qui exploitent un vocabulaire susceptible d’éclairer l’historien sur les valeurs que cherchent à promouvoir les cités à cette époque - se réduisent à quelques inscriptions : des dédicaces de Corinthe pour des rhéteurs 85 et pour la femme d’Hérode Atticus86 ; des textes de Messène en l’honneur de Tib. Claudius Calligénès, grand-prêtre du culte impérial 87 et de Mégalépolis en l’honneur d’un agonothète des Lykaia et Kaisareia88 ; des décrets de la Boulè d’Olympie pour un membre de la famille des Memmii ayant accompli son éphébie 89 et pour des personnages ayant occupé les fonctions d’ambassadeur et de stratège du koinon des Achéens90.

  • 91 Quelques-uns des éloges conservés concernent un bouleute (IGV, 1, 530), un responsable de l’approv (...)

33À l’exception de ces quelques documents, l’essentiel du vocabulaire utilisé concerne donc des personnages appartenant à l’aristocratie locale de cités d’Argolide et, à une très large majorité, de la cité de Sparte. Il est intéressant de souligner, en outre, que les valeurs qui composent les éloges que la cité Spartiate adresse à cette époque à ses bienfaiteurs s’inscrivent presque exclusivement dans le domaine de la vie éducative et agonistique91, puisque les dédicataires — lorsque leurs fonctions sont précisées — sont le plus souvent des gymnasiarques et que plusieurs textes évoquent des fonctions (synéphèbe, bouagos, sphaireus) qui ont trait à la vie éducative et plus particulièrement au domaine des « lois de Lycurgue », une expression employée apparemment à partir du milieu du iie siècle environ pour désigner l’agôgé. Les valeurs attachées à ces activités civiques que désignent des termes spécifiquement Spartiates et qui reflètent l’existence d’un courant traditionaliste attaché au respect des coutumes et des valeurs ancestrales, ne trouvent à s’exprimer cependant dans notre documentation que sous la forme d’un vocabulaire qui ne témoigne en général d’aucune originalité particulière : les éloges renvoient surtout à la « valeur » et au « dévouement » des bénéficiaires, à leur « générosité » et à leur « libéralité », à leur « munificence » et à leur « grandeur d’âme ».

  • 92 I. Ephesos, 12,1. 25 et 36.
  • 93 SEG, 38, 1462.
  • 94 I. Ephesos, 22.

34Il faut noter toutefois l’apparition du « courage », employé seul ou associé aux idées de « gravité » et de « retenue » : l’ancrage de cette notion dans le domaine de la vie agonistique Spartiate témoigne du glissement qui s’est opéré de la sphère militaire à la sphère culturelle — comme on le voit aussi par exemple dans une inscription d’Éphèse contemporaine en l’honneur d’un athlète92. Le courage, dans les inscriptions de cette époque, est une qualité surtout appréciée au gymnase ; il faut l’entendre au sens d’endurance et de goût de l’effort, dans une acception qui est aussi celle du terme philoponia. Aucune référence, en tout cas, aux manifestations belliqueuses de cette qualité. S’y ajoutent les notions isolées de « docilité » (eupeithia) et d’« obéissance » (peitharchia), ou celle de « bonne disposition » (proairésis). La « magnanimité » célébrée chez un philosophe Spartiate aux environs de la fin du iie siècle fait partie des qualités qu’on retrouve dans les éloges conservés par des inscriptions honorifiques contemporaines : par exemple à Oinoanda dans l’un des textes concernant la fondation de C. Iulius Démosthénès sous le règne d’Hadrien93, ou à Éphèse dans un décret des technites dionysiaques de l’époque d’Antonin94.

  • 95 IGV,1, 537 ; 560 ; SEG, 11, 803.
  • 96 IGV, 1, 501 ; 971 ; SEG, 11, 803.
  • 97 En particulier la fonction de thoinarmostria : cf. infra, p. 121.

35Dans plusieurs cas, les gymnasiarques honorés par la cité de Sparte se sont distingués également dans l’exercice de charges religieuses 95 et, de fait, les valeurs célébrées par les textes honorifiques Spartiates mettent aussi en évidence l’importance de cette sphère d’activité, où l’on distinguera en particulier le cas des fonctionnaires du culte impérial 96 et celui de femmes attachées à des prêtrises ou à des fonctions religieuses spécifiquement laco-niennes et messéniennes97. Les qualités morales attachées à ces personnages féminins restent cependant traditionnelles : la « retenue » et la « valeur féminine », la « gravité » et la « grandeur d’âme », la « magnificence » et la « piété ».

36L’ensemble de cette documentation d’époque antonine fait ressortir la place que continuent d’occuper des familles qui s’étaient déjà distinguées à l’époque précédente :

  • les Iulii, honorés à Sparte sur l’ensemble de la période98, une famille dont une inscription d’Olympie 99 fait savoir qu’elle a fourni, au moins sur deux générations, deux stratèges au koinon des Achéens ;
  • les Statilii, en la personne de T. Statilius Timocratès Memmianus, dont une dédicace d’Argos rappelle les multiples fonctions politiques et religieuses qu’il a exercées aussi bien au niveau local que régional et panhellénique100 ;
  • les Claudii, honorés à Argos101, à Épidaure102, à Messène 103 et surtout à Sparte104, dans des textes qui révèlent le rôle joué par des membres de cette famille sur l’ensemble de la période.

37De nouvelles familles font cependant l’objet d’éloges qui témoignent d’une intensification et d’une diversification, à cette époque, du tôle joué par les élites sociales, particulièrement dans la cité Spartiate :

  • les Aelii, honorés à Sparte105 où l’un d’eux, P. Aelius Alcandridas, a cumulé d’importantes fonctions à la fin du iie siècle. D’autres membres de cette famille sont honorés l’un comme rhéteur par une dédicace du Conseil et du peuple de Corinthe106, un autre, Messénien, comme hiérophante et stratège des Hellènes par une dédicace du koinon des Achéens, approuvée par décret de la Boulé des Eléens107 ;
  • les Memmii, célébrés à Sparte et dans sa région108, mais aussi par la Boulè d’Olympie et la cité des Éléens109. À la famille se rattache un personnage de l’aristocratie locale féminine Spartiate, Memmia Xenocratia, dont les qualités sont célébrées en liaison avec les fonctions qu’elle a occupées dans la vie religieuse locale dans la deuxième moitié du iie siècle110 ;
  • les Aurelii, honorés par de multiples dédicaces, uniquement à Sparte111, selon une chronologie qui témoigne du rôle joué par cette branche locale à partir de l’époque de Marc Aurèle et jusqu’au début du iiie siècle, en particulier dans le domaine de la vie éducative et agonistique.

38Des éloges isolés attestent le rôle joué par quelques autres familles :

  • à Sparte, les Abilii, les Pomponii 112 et les Aufideni113 ;
  • à Mégalépolis, les Tadii, dont le nom peut être mis en rapport, à l’époque républicaine, avec P. Tadius, homme d’affaire et légat de C. Verres en Sicile en 73-71 av. J.-C. 114et dont l’un des membres a été agono-thète des Lykaia et Kaisareia115 ;
  • à Corinthe, les Maecii116, dont l’un des membres, rhéteur, a exercé les fonctions de stratège et de Panhellène117.
  • 118 IvOl,, 472.

39Une inscription d’Olympie 118 fait connaître en outre un ambassadeur du koinon des Achéens, M. Antonius Aristéas.

  • 119 Cf. infra, p. 120-121 ; 241-243.
  • 120 Cf. IGV, 1, 583 ; 587 ; 594 ; 596.

40Lorsqu’on examine le rôle joué par les aristocraties locales à partir des éloges civiques que leur adressent les cités au iie siècle, la place particulière qu’occupe Sparte est renforcée par le témoignage que nous offrent plusieurs textes sur le souvenir que la cité tient à garder de l’activité de personnages féminins dans le domaine religieux119 : outre Memmia Xénocratia, déjà citée ci-dessus, il faut mentionner Xénarchia, Pompéia Pôlla, Aurelia Épaphros et Antonia Eudamia120.

  • 121 SEG,41,311.
  • 122 Cf. IGV, 1, 492 ; 502 ; 505 ; 531 ; 548.

41À l’exception d’une dédicace honorifique d’Épidaure Liméra pour Nicias et Alexandros, loués pour leur « valeur » et leur « dévouement » et à qui il semble qu’on ait accordé le privilège d’un temple et de statues honorifiques 121 les exemples d’anthroponymes purement grecs rencontrés dans notre documentation concernent tous la cité de Sparte et désignent des personnages qui se sont distingués, sur l’ensemble de la période, dans le domaine de la vie agonis-tique (trois d’entre eux sont désignés explicitement comme gymnasiarques) : il s’agit de Damoclès, Cléon, Xénarchidas, Lysippos et Nicostratos122

42Globalement, le nombre d’occurrences dans le vocabulaire de l’éloge employé par les cités péloponnésiennes à l’époque antonine n’est pas très élevé ni très varié, mais l’analyse de cet ensemble fait apparaître que les valeurs exprimées se rattachent de façon quasi exclusive à un contexte laco-nien et permet de conclure pour cette période à une emprise nettement marquée de la cité Spartiate dans l’image que les cités péloponnésiennes transmettent des valeurs incarnées par les élites locales.

L’époque des Sévères

  • 123 IG V, 2,152.
  • 124 IvOl, 467 : 478-479 ; 483 ; 941.
  • 125 IvOl, 487 ;IGV, 2, 518.

43La documentation qui couvre la période allant de la fin du iie siècle au milieu environ du iiie siècle confirme le processus de ce qu’on pourrait appeler un accaparement de la mémoire civique par la cité de Sparte : seules, l’Arcadie et l’Élide font exception, puisque les dédicataires de quelques inscriptions ont joué un rôle dans ces régions, soit localement, comme évergètes d’une cité, à Tégée123, Élis ou Olympie124, soit au niveau de la « province », comme c’est le cas avec le koinon des Achéens, auteur de plusieurs dédicaces pour des personnages impliqués dans le fonctionnement de cette structure fédérale125.

44Le vocabulaire qui compose les éloges adressés aux bienfaiteurs se réduit le plus souvent à quelques termes qui expriment des qualités devenues habituelles dans les portraits d’évergètes : la « valeur » et le « dévouement », la « grandeur d’âme » et la « magnificence », la « générosité » et la « libéralité », la « retenue » et le « bon naturel », la « probité », la « décence » et la « gravité ». Nulle originalité de ce point de vue donc, ni accumulation significative de qualités qui serviraient à distinguer plus particulièrement tel ou tel personnage.

  • 126 Sur toutes ces fonctions, cf. aussi infra, p. 95-110.

45Les domaines d’activité auxquels s’attachent ces qualités morales et sociales témoignent eux aussi d’une continuité dans l’association des valeurs exprimées par les éloges civiques avec les fonctions d’agonothète, de gymnasiarque et d’agoranome, ainsi qu’avec certaines charges liées au fonctionnement politique des cités, qu’elles soient spécifiques (patronome, chef des bidiéens à Sparte, alytarque à Olympie) ou qu’elles reflètent plus généralement les institutions civiques à l’échelle de la « province » (archonte, helladarque) et le rapport des cités avec le pouvoir romain (épitropos des Augustes, grand-prêtre du culte impérial, légat, décaprote, corrector126).

46Si, par ailleurs, le vocabulaire des inscriptions honorifiques continue d’illustrer la dimension morale que les cités souhaitent donner, à travers leurs discours, au rôle joué par certaines grandes familles locales, force est de souligner plusieurs déséquilibres :

  • les deux familles les plus représentées sont celle des Aurelii127, exclusivement à Sparte, et celle des Claudii, qui se sont distingués à Sparte mais aussi chez les Éléens. Les Aelii sont représentés par un décaprote honoré par la cité de Tégée « comme un héros » et par le grand-prêtre du culte impérial à Sparte P. Aelius Alcandridas. Quant aux autres familles (les Pomponii, Pauleini, Rubrii, Pompeii - famille plébéienne qui acquit une importance politique avec la figure de Q. Pompeius, consul en 141 av. J.-C. - et Asinnii128), si l’on excepte le cas des Flavii, dont certains membres ont été honorés par les Éléens et par le koinon des Achéens, elles ne sont attestées que par des exemples isolés propres à éclairer leur activité dans la seule cité de Sparte. Le vocabulaire de l’éloge ne semble donc plus s’appliquer, sous le règne des Sévères, à certaines des familles qui s’étaient illustrées aux époques précédentes et les valeurs que diffuse ce vocabulaire ne correspondent plus pratiquement qu’à une image Spartiate de l’éthique de la cité incarnée par les élites locales ;
  • c’est également à Sparte qu’on trouve le seul exemple d’un vocabulaire honorifique appliqué à un personnage qui ne possède apparemment pas la citoyenneté romaine (ou qui ne tient pas à la mentionner) : il s’agit d’un gymnasiarque, Gorgippos, fils de Gorgippos, loué pour sa « grandeur d’âme129 » ;
  • il faut enfin souligner la place particulière qu’occupent dans ces textes d’éloge des femmes de l’aristocratie locale, à Sparte, où la plupart se rattachent à la famille des Aurelii130, mais aussi en Arcadie131 et en Élide132. Il vaut la peine en outre de signaler la récurrence, dans ces textes133, de la notion de mnèmè, comme si le souci de mémoire, particulièrement dans la sphère des activités féminines, attesté sur toute la période, s’était accentué à la fin du iie siècle et au iiie siècle.
  • 134 Sur l’éloge comme phénomène politique et social, voir L. Pernot, La rhétorique de l’éloge, 1993, p (...)

47Les liens qui peuvent ainsi être établis, à l’occasion des manifestations honorifiques publiques et officielles, entre les lignages locaux des familles de notables et la rhétorique de l’éloge, mettent en évidence à quel point les formes hyperboliques de la reconnaissance constituent une pièce importante du système politique et social de l’époque impériale134. Le vocabulaire de l’éthique s’inscrit dans le contexte global de la célébration sociale et met en forme des représentations et des croyances qui sont l’expression d’une idéologie civique.

48Si l’on peut parler de spécificité, en ce qui concerne l’étude de la documentation péloponnésienne, envisagée du point de vue du vocabulaire appliqué aux bienfaiteurs des cités, c’est plutôt par l’absence de certaines notions que par la présence de valeurs originales ; il faut souligner néanmoins aussi, dès la basse époque hellénistique, la place prépondérante occupée par quelques régions seulement : l’Argolide, représentée par les cités d’Argos et Épidaure, et la Laconie, avec les cités de Sparte, Gythéion et Cotyrta. Pour les cités qui se situent en dehors de cette frange méridionale et orientale du Péloponnèse, la phraséologie des quelques dédicaces honorifiques conservées, en Élide, en Arcadie et en Achaïe, se réduit à quelques notions très générales, bien que l’on puisse signaler aussi la place particulière que semblent toutefois avoir détenue Mantinée en Arcadie (où est mis en valeur le rôle joué par des prêtresses de Déméter et Coré) et la cité des Éléens. Le déséquilibre s’accentue ensuite, surtout à partir de l’époque antonine, au profit de la cité de Sparte, qui semble incarner presque à elle seule les valeurs civiques, sans que le vocabulaire lui-même toutefois se distingue par quelque spécificité.

49Les valeurs que mettent en avant les discours d’éloge contribuent donc à donner à la construction de la mémoire civique une dimension éthique qui apparaît certes comme le reflet de l’idéologie aristocratique des élites, mais participe aussi d’un idéal qui peut être celui de la cité tout entière. Or, les discours des cités font écho à des actes « politiques ». Après avoir envisagé la fonction de célébration en termes sociologiques, et souligné donc le changement d’échelle qu’implique une documentation restreinte apparemment à quelques cités, je me propose dès lors d’ouvrir la réflexion au problème des rapports entre le pouvoir - celui des notables et celui des Romains - et la mémoire des cités, en traitant, dans une deuxième partie, de la mémoire « politique ».

Notes

1 Leur signification « politique » sera étudiée dans la deuxième patrie.

2 Cf. Histoire et cultes de Thasos II, p. 123-126.

3 Cf., dans la documentation thasienne, la mention de femmes portant le titre de miter tès gérousias ou exerçant la fonction d’archeitis.

4 IG IV, 558 ; 589.

5 IGV, 1, 1145.

6 IGIV2, 1,65 ; 66.

7 IGIV, 589 ; IGIV2, 1,654 ; SEG, 11,1270 ; 22, 266

8 IGIV, 589, SEG, 17,199.

9 SEG, 15,254.

10 IGIV2, 1,63-64.

11 CRAI, 1969, p. 57-61 (= OMS, V, 1989, p. 576-580) ; cf. Bull épigr., 1970, 388.

12 C. Wehrli, « Sur la formule : Pωµαιοί οί κοινοὶ ƐὐƐργέται πάντων ("Les Romains communs bienfaiteurs de tous") dans les inscriptions grecques de l’époque républicaine », Siculorum Gymnasium, N.S. 31, 1978, p. 479-496 ; j.-L. Ferrary, Philhellénisme et impérialisme. Aspects idéologiques de la conquête romaine du monde hellénistique de la seconde guerre de Macédoine à la guerre contre Mithridate (BEFAR, 271), Rome, 1988, p. 124-132 ; A. Erskine, « The Romans as Common Benefactors », Historia, 43, 1994, p. 70-87.

13 IG V, 1, 1146.

14 Cf. infra, p. 127-135.

15 IG V, 1,961 ; 963 ; 965.

16 IGIV, 598 ;IG V, 1,578.

17 Cf. Ph. Gauthier, Bienfaiteurs, p. 57, qui ne se réfère pas à nos textes, mais cite plusieurs exemples de décrets pouf de grands évergètes de cette époque ; Moschiôn à Priène, Archippé à Kymé, Orthagoras à Araxa, Théopompos à Érétrie, Diodôros Pasparos à Petgame, Démétrios à Cyzique et Nikératos à Olbia.

18 L’assimilation qui peut être faite entre les rois et les grands évergètes est bien illustrée par l’exemple du Pergaménien Diodôros Pasparos : cf. IGR IV, 292-294. Voir B. Virgilio, « La città ellenistica e i suoi benefattori : Pergamo e Diodoro Pasparos », Athenaeum, 82, 1994, p. 299-314.

19 Cf. IGIV, 558 ; IV2 1, 66 ; 658.

20 Cf. IGIV, 558 ; IV2 1, 63-64 ; 66 ; 654 ; IG V, 1, 1145 ; IG V, 2, 266 ; SEG, 14, 370 ; 22, 266 ; IvOl, 400 ; 424 et voir, dans la documentation contemporaine, entre autres exemples, ceux de Diodôros Pasparos à Pergame, Moschion et Zosimos à Priène, Archippé à Kymé, Théopompe à Érétrie ou Ménippos à Colophon, dont est souligné l’attachement envers le peuple.

21 Ces qualités sont célébrées, parmi les grands évergètes de la basse époque hellénistique, chez Diodôros Pasparos, Moschion et Zosimos de Ptiène, Archippé à Kymé, Thiéopompe à Érétrie ou Polémaios à Colophon.

22 IGIV2, 1,65-66.

23 On retrouve la notion dans les textes en l’honneur de Diodôros Pasparos à Pergame, de Zosimos à Priène et de Polémaios à Colophon, à côté de la notion voisine d’« ekténéia » qui caractérise le comportement d’Archippé de Kymé et de Ménippos et Polémaios.

24 IG V, 1, 1144.

25 D’après P. Frölich, « Les magistrats des cités grecques : image et réalité du pouvoir », dans H. Inglebert (éd.), Idéologies et valeurs civiques dans le monde romain (Hommage à C. Lepelley), Paris, 2002, p. 91.

26 IGIV2, 1,66 ; 648-649 ; 654 ; 658.

27 IG TV2, 1,63, 65 et 66.

28 Ces notions d’amitié et d’alliance ont été à l’origine des relations spécifiques qui se sont établies entre certaines cités grecques et le pouvoir romain. À Épidaure, de telles relations, instaurées vraisemblablement en 115/114 av. J.-C, ont été déterminantes dans la décision de la cité, en 74 av. J.-C, de fournir des soldats à Rome.

29 Sur la justification de ce découpage chronologique, cf. supra, p. 32 et infra, p. 79-80.

30 Cf. РАЕ, 153, 1998 [2000], p. 94.

31 Dont un texte de Mantinée, du début de la période (IG V, 2, 268), évoque encore le caractère « héréditaire ».

32 IG IV2, 1,642 ; IvOl, 436.

33 Voit aussi infra, p. 160-164.

34 IGIV2, 1, 676-677 ; 679.

35 IGIV2, 1,80-81.

36 Cf. IG IV, 606 ; IvOl, 432 et voir la contribution d’A. Rizakis (« Claude, Néron, et la promotion des nouvelles élites provinciales dans les cités péloponnésiennes »), présentée dans le cadre du colloque international Neronia VII (« Rome, l’Italie et la Grèce. Hellénisme et philhellénisme au ier siècle apr. J.-C. », Athènes, 21-23 octobre 2004).

37 IG V, 1,971.

38 IGIV2, 1,652-653.

39 IvOl, 437.

40 Voir S. Zoumbaki, « Zu einer neuen Inschrift aus Olympia ; die Familie der Vettuleni von Elis », ZPE, 99, 1993, p. 227-232 ; ead., Elis und Olympia, p. 243-249.

41 IVol 436 ; 438.

42 Cf. Roman Onomastics, p. 163.

43 Cf. IGIV, 597 ; 671, IGV, 1, 1176 ; 1178 ; IGV, 2, 268.

44 « Rhétorique, culture et politique. Le fonctionnement du discours idéologique chez Dion de Pruse et dans les Moralia de Plutarque », DHA, 4, 1978, p. 85-86, n. 60 ; p. 111, n. 408.

45 Discours, XXXIV, 48 ; XLIV, 2 ; LXXVII-LXXVIII, 42.

46 Ibid., XLVIII, 9 ; LXXVII-LXXVIII, 26 ; XXXIV, 29 ; XXXVI, 20.

47 Ibid, XLI, 8 ; 38.

48 Ibid., XXXIV, 38-39 ; 48 ; XL, 6.

49 Ibid., XLI, 3 ; 9 ; XLVII, 3. Le terme philopolis apparaît très fréquemment dans les deux discours « Sut la concorde, à Apamée » (XL et XLI). Sut ses connotations dans les inscriptions honorifiques, voir infra, p. 138.

50 Ibid, XXXIV, 25 ; XLVIII, 6, 9.

51 Ibid, XLI, 3 ; XLIV, 2 ; XLIX, 1.

52 Ibid, XXXIV, 25 ; XXXIX, 47.

53 Ibid, XXXIII, 23 ;28

54 Ibid, XXXIII, 28.

55 Art. cité, p. 111, n. 408.

56 « Vocabulaire et mentalité dans les Moralia de Plutarque », DHA, 1977, p. 199.

57 J.-C. Carrière, « À propos de la Politique de Plutarque », DHA, 1977, p. 237. Cf. M.-H. Quet, « Remarques sur la place de la fête dans le discours des moralistes et dans l’éloge des cités et des évergètes aux premiers siècles de l’Empire », La Fête. Pratique et discours, Paris, 1981, p. 61 : il semble que la fête, dans la mesure où elle apparaît non comme la célébration collective d’une communauté, mais comme le don par un riche notable de festivités à la masse, ne soit plus qu’une occasion pour les évergètes d’affirmer leur prééminence dans la cité, même si, sut le mode imaginaire au moins, la fête demeure la célébration pat une communauté d’une unité retrouvée.

58 C. Panagopoulos, art. cité, p. 204.

59 Je ne crois pas que le mot soit d’ailleurs si fréquent que cela dans la documentation épigraphique en général.

60 C. Panagopoulos, art. cité, p. 209 et 223.

61 Ibid, p. 211.

62 Pour l’eutaxia, voir par exemple les textes en l’honneut d’Archippé de Kymé ou de Polémaios de Colophon à la basse époque hellénistique.

63 Cf. Archippé de Kyme à la basse époque hellénistique, Vibius Salutaris à Éphèse au ier siècle ou, au iie siècle, un texte d’Éphèse en l’honneur de l’athlète Aur. Achilleus d’Aphtodisias (I. Ephesos, 12).

64 Art. cité, p. 214-215.

65 Le terme est associé souvent à l’adjectif épieikis, « obligeant, amène ». Cf. L. Robert, Hellenica, 13, 1965, p. 223-224 : « C’est une histoire à écrire que celle de la douceur et de son éloge » ; J. de Romilly, La douceur dans la pensée grecque, Paris, 1979, avec référence aux inscriptions d’époque impériale dans le chapitre 15. L. Robert note qu’il est question de douceur en particulier dans les temps de dureté et que cet éloge « n’a sans doute pas sa place dans la démocratie classique », sauf pour les juges ou envers les étrangers ; la douceur est évoquée pour amadouer l’empereur, les hauts fonctionnaires, les représentants de l’aristocratie municipale. Le mot foisonne au Bas-Empire. C’est un terme qu’emploie Aelius Aristide dans l’éloge du caractère de jeunes gens : cf. Discours, XXX, 17 ;XXX1, 5.

66 C. Panagopoulos, art. cité, p. 219.

67 IGV.2, 269,1. 11-12.

68 Cf. Moralia 90 e-f ; 257 e-f ; 807 a ; 823 a-c. Voit C. Panagopoulos, art. cité, p. 220-221, où le seul exemple épigraphique cité est une inscription honorifique d’Aphrodisias.

69 C. Panagopoulos, art. cité, p. 223-225.

70 La notion désigne l’égalité ou l’équité.

71 IGV, 1,491,1. 4.

72 C. Panagopoulos, art. cité, p. 212.

73 Dans son utilisation du texte de Plutarque et dans la confrontation qu’elle établit avec le témoignage des inscriptions, M. H. Quet (« Remarques sur la place de la fête dans le discours des moralistes et dans l’éloge des cités et des évergètes aux premiers siècles de l’Empire », La Fête. Pratique et discours, Paris, 1981, p. 47-49) ne cherche pas à préciser le vocabulaire moral appliqué aux évergètes.

74 Le texte, en ce qu’il constitue l’un des tares témoignages qui permette une appréhension directe de la réalité politique grecque dans sa totalité, se démarque donc des textes qui peuvent avoir des résonances pour le présent, mais dont les sujets concernent le passé. Voit à ce sujet les réflexions de T. Duff, Plutarch’s Lives : ExploringVirtue and Vice, Oxford, 1999, p. 291-298. Cf. T. Renoirte. Les Conseils politiques de Plutarque. Une lettre ouverte aux Grecs à l’époque de Trajan, Louvain, 1951 ; Swain, Hellenism and Empire, p. 162-183.

75 823 c. Une inscription honorifique de Sparte pour un proconsul d’Achaïe, au ive siècle (SEG, 11, 810), met le dédicataire au même rang que Lycurgue, « pour son caractère et pour ses actes » et prévoit de lui élever une statue au théâtre de Sparte, « près de Lycurgue ».

76 Exprimée par le terme éthos : cf. 824 e. Dans la Vie de Cimon, 2, Plutarque fait remarquer que « si l’image du corps et de la figure a son prix, celle du caractère (éthos) et de la conduite (tropos) en a beaucoup plus... ».

77 Sur ce thème, cf. infra, p. 145-148.

78 Cf. Vie de Numa, 20,11 ; cf. aussi Aelius Aristide et Dion de Pruse, ce dernier justifiant la concorde politique par la conception stoïcienne de l’harmonie du monde (Discours, LX, 35-39).

79 Voir à ce sujet les remarques de M.-H. Quet (« Rhétorique, culture et politique. Le fonctionnement du discours idéologique chez Dion de Pruse et dans les Moralia de Plutarque », DHA, 4, 1978, p. 51) : les Moralia de Plutarque et les discours de Dion de Pruse présentent en termes de conseils moraux une idéologie qui doit beaucoup au stoïcisme.

80 Cf. P. Hadot, La citadelle intérieure, Paris, 1992

81 IGIV2,1,66.

82 Cf. Préceptes politiques, 798 c sq. ; 813 c ; 823 c.

83 Voir à ce sujet les remarques de J.-C. Carrière, dans sa notice aux « Préceptes politiques » = Œuvres Morales, XI, 2, CUF, p. 48-49.

84 De officiis, II, 56.

85 Corinth VIII, 3, 226 ; 264.

86 IGIV, 1599 = Corinth VIII, 1, 86.

87 SEG, 31,372.

88 IG V, 2, 463.

89 IvOl,, 470.

90 IvOl, 451 ;472.

91 Quelques-uns des éloges conservés concernent un bouleute (IGV, 1, 530), un responsable de l’approvisionnement en blé (IGV, 1, 526) et des agoranomes (IGV, 1, 497 ; 549).

92 I. Ephesos, 12,1. 25 et 36.

93 SEG, 38, 1462.

94 I. Ephesos, 22.

95 IGV,1, 537 ; 560 ; SEG, 11, 803.

96 IGV, 1, 501 ; 971 ; SEG, 11, 803.

97 En particulier la fonction de thoinarmostria : cf. infra, p. 121.

98 IGV, 1,486 ; 506-507 ; 534.

99 IvOl, 451.

100 IGIV, 590.

101 IGIV, 588 (ce texte, de l’époque de Marc Aurèle, fait connaître les charges éminentes détenues par l’un des membres de cette famille dans l’administration romaine) ; 602.

102 IG IV2, 1, 686 ; il s’agit de la fille de Tib. Claudius Polycratès.

103 SEG 7,31,372.

104 IGV, 1, 469 ; 480 ; 487 ; 497.

105 IGV, 1, 555b ; SEG, 11, 803.

106 Corinth VIII, 3,226.

107 IvOl 459.

108 IGV, 1,537 ; 544 ; 955.

109 IvOl, 470.

110 IGV, 1, 584 ; 586 ; SEG, 11,812a.

111 IGV, 1, 501 ; 526-527 ; 530 ; 549 ; 560 ; 564-566.

112 Le nom de cette famille romaine plébéienne renvoie, comme celui des Aemilii et des Calputnii, à l’un des fils de Numa Pompilius. Le représentant de cette famille à Sparte, C. Pomponius Alcastos est connu par des listes de magistrats ; il assuma les fonctions d’éphore, de grand-prêtre à vie du culte impérial et de chef des nomophylaques (cf. IG V, 1, 59 ; 65) ; en 137 ou 138, il fut envoyé comme ambassadeur en Pannonie auptès de L. Ceionius Commodus, le fils adoptif et successeur désigné d’Hadrien.

113 IGV, 1,472 ; 494 ; SEG, 11,807.

114 Cf. Cic, Verr. II, 2, 49 ; 5, 63.

115 IGV, 2, 463.

116 Le rapport qui peut être établi entre ce nom et la tribu Maecia reste obscur (d’après Neue Pauly, s.v. « Maecius »).

117 Corinth VIII, 3, 264.

118 IvOl,, 472.

119 Cf. infra, p. 120-121 ; 241-243.

120 Cf. IGV, 1, 583 ; 587 ; 594 ; 596.

121 SEG,41,311.

122 Cf. IGV, 1, 492 ; 502 ; 505 ; 531 ; 548.

123 IG V, 2,152.

124 IvOl, 467 : 478-479 ; 483 ; 941.

125 IvOl, 487 ;IGV, 2, 518.

126 Sur toutes ces fonctions, cf. aussi infra, p. 95-110.

127 L’expansion de ce gentilice autour de 212, en liaison avec la constitutio antoniniana, est un phénomène bien connu.

128 Gentilice plébéien attesté à Rome depuis le ier siècle av. J.-C. L’un des plus illustres représentants de cette famille était A. Pollo.

129 IGV, 1, 557.

130 Cf. IGV, 1, 593 ; 597 ; 599-601 ; SEG, 35, 337.

131 IGV, 2, 518.

132 IvOl, 467 ; 941.

133 Cf. IGV, 1, 593 ; 601 ; IGV, 2, 518.

134 Sur l’éloge comme phénomène politique et social, voir L. Pernot, La rhétorique de l’éloge, 1993, p. 617-621.

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