Les hôtels et bureaux du ministère de la Guerre, 1789-1870
p. 13-26
Texte intégral
1L’implantation de l’institution militaire à Paris est indissociable de l’histoire de la nation. À la Révolution, les institutions de la France furent chahutées, le département de la Guerre ne fit pas exception et les militaires quittèrent Versailles pour Paris. Après un court séjour rive droite, le calme relatif du Consulat et de l’Empire permit de catalyser les énergies pour la création d’un véritable pôle militaire dans le faubourg Saint-Germain. La période trouble des Cent-Jours et le retour des Bourbons pendant la Restauration créèrent les conditions de nouveaux changements, en particulier avec la loi du 5 décembre 1814 sur les restitutions des biens d’émigrés1. Le chassé-croisé des locaux fut tempéré par l’intervention de l’État dans la location des hôtels restitués ou leur acquisition. D’abord éparpillées, les implantations militaires se resserrèrent progressivement autour de la rue Saint-Dominique avec l’ancien couvent Saint-Joseph pour les bureaux et l’hôtel de Brienne pour le ministre.
2Les informations tirées de nos dépouillements dans le Sommier des biens nationaux aux Archives de Paris et au Service historique de la Défense, complétées par ceux d’Emmanuel Pénicaut dans ces mêmes archives militaires et aux Archives nationales réalisés dans le cadre d’un ouvrage sur l’hôtel de Brienne, permettent, dans une certaine mesure, de suivre cette histoire complexe des différentes implantations du ministère de la Guerre après le départ de Versailles en 17892. Les modifications constantes de l’administration centrale durant la Révolution et le périmètre changeant des attributions de l’administration ne simplifient d’ailleurs pas la tâche. Pour plus de clarté, nous avons éliminé de ce corpus les bâtiments abritant des institutions d’enseignement et de justice (École d’état-major et hôtel des conseils de guerre), ne conservant que les éléments abritant des services centraux et transversaux de l’administration militaire.
Versailles-Paris
3Les biens immobiliers mis à la disposition de la nation offrirent la possibilité d’abriter à Paris, où le pouvoir exécutif s’installa après le retour du roi le 6 octobre 1789, l’ensemble des départements ministériels. Celui de la Guerre déménagea ainsi de Versailles, où il logeait dans l’hôtel construit à cet effet en 1759-1761, dans l’actuelle rue de l’Indépendance américaine3. L’état des archives de la période révolutionnaire et de l’Empire ne permet pas toujours d’être très précis sur l’évolution des localisations des services du ministère de la Guerre durant cette période troublée.
4Dès octobre 1789, le vieil hôtel de Choiseul, rue Neuve-Grange-Batelière, construit par l’architecte Antoine-Matthieu Le Carpentier et décoré par Perron, peintre du roi, et l’architecte Charles-Louis Clérisseau, annexe parisienne du ministère, abrita les nouveaux bureaux de la Guerre4. L’édifice se révélant trop petit, une partie de l’hôtel de Marigny, rue Saint-Thomas-du-Louvre (futur hôtel des Pages sous l’Empire), fut louée. L’architecte du ministère, Bertrand-Eugène Roucelle, appropria les bâtiments à leur nouvelle destination. Commença alors l’aventure immobilière parisienne du ministère de la Guerre, plus complexe encore que celle des autres ministères en raison de l’ampleur de cette administration. Elle n’eut de cesse de trouver de l’espace, soit à cause de son développement, soit à cause de la volatilité de la disponibilité des édifices. Dès 1791, les archives trouvèrent place dans deux locaux rue de Provence pour le Dépôt des fortifications5, et place des Piques (actuelle place Vendôme) pour celui de la guerre6.
5Le déclenchement des hostilités en avril 1792 provoqua un accroissement des effectifs de l’administration centrale obligée de loger ses bureaux dans plusieurs édifices de la même rive droite7, notamment le service des vivres et des hôpitaux qui se retrouva dans le Marais ou celui de l’habillement rue Gaillon. L’année suivante, suite aux décrets de la Convention créant six divisions pour le département de la Guerre, les bureaux s’agrandirent encore par la construction de bâtiments supplémentaires dans la cour et sur la terrasse de l’hôtel de Choiseul, mais aussi dans l’ancienne caserne des Suisses, rue Grange-Batelière (avec construction d’un nouveau bâtiment pour le comité de santé), dans les hôtels de l’ambassadeur d’Autriche sur le boulevard Montmartre (1re division) et d’Uzès, rue Montmartre (2e division), des maisons rue Cadet (nos 29 et 163), rue de Choiseul et au Champ de Mars sur la rive gauche8.
Regroupement de l’administration de la Guerre rive gauche
6Les changements opérés par la Convention dans l’organisation de l’administration de l’État provoquèrent un déplacement progressif de l’implantation militaire. Douze commissions exécutives remplacèrent tous les ministères du 21 avril 1794 au 2 novembre 1795, dont quatre se répartissaient les fonctions principales de celui de la Guerre et trois les fonctions annexes (commissions des administrations civiles, des travaux publics et, enfin, des secours publics pour le service de santé). Parmi les quatre principales commissions, l’une conserva son implantation rive droite : il s’agit de la commission des transports, postes et messages dans laquelle se trouvait intégré le bureau des transports et charrois militaires qui gagna un bâtiment rue de Provence et l’hôtel de Montesson. La commission des armes et poudres trouva à se loger dans l’hôtel de Juigné sur le quai Malaquais, rive gauche. Les deux autres s’installèrent dans le faubourg Saint-Germain : la commission du commerce et des approvisionnements (ravitaillement militaire) dans les hôtels de Castries, rue de Varenne, et de Brissac, rue de Grenelle, tandis que les services chargés de l’organisation et du mouvement des armées allèrent rue de Varenne dans l’hôtel de Rohan-Rochefort, anciennement d’Étampes (fig. 1), et celui de La Rochefoucauld-La Suze mitoyen. Ce mouvement de dispersion des activités militaires fut donc à l’origine de la nouvelle implantation de l’administration de la Guerre rive gauche, groupée essentiellement autour de cinq rues du faubourg Saint-Germain : de Varenne, de Grenelle, de Lille, de l’Université et Saint-Dominique9.
7L’année 1794 fut riche en emménagements. Certains furent brefs, comme celui de l’agence des subsistances militaires dans l’abbaye de Penthémont, à l’angle des rues de Bellechasse et de Grenelle, fondée en 1643 et devenue bien national en 1792. Elle revint dans le giron du département de la Guerre le 3 septembre 1830, fut en partie détruite en 1836 et partiellement reconstruite pour constituer l’hôtel du Comité des fortifications (ou pavillon des fortifications) au 39 rue de Bellechasse. En l’an III toujours, l’administration de la Guerre et des Colonies prit brièvement possession de l’hôtel de Seissac (ou d’Orsay, de Clermont, de Chaulnes), rue de Varenne, confisqué au comte d’Orsay. L’administration de la Guerre reloua les lieux en 1802 et, malgré l’adjudication à Seguin le 28 septembre 1803, probablement jusqu’à la Restauration. Quant à l’hôtel de la Trémoille, 61, rue Saint-Dominique, construit par Pierre Cailleteau dit « Lassurance » en 1706-1707 et mis sous séquestre en 1792, il fut affecté au ministère de la Guerre, pour la commission des vivres et subsistances (ans III et IV), la compagnie Verdin de l’administration des hôpitaux militaires (ans IV à VII), puis le comité et le Dépôt des fortifications en l’an VIII. L’hôtel fut rendu aux descendants en juillet 1816, le jardin en partie loti et l’ensemble démoli avec le percement du boulevard Saint-Germain. Parallèlement, des bureaux de la Guerre investirent aussi l’hôtel de Guînes, 43 rue de Varenne, avant la restitution aux propriétaires sous la Restauration.
8Suite à la reconstitution du ministère de la Guerre sous le Directoire, le ministre établit sa résidence dans les petit et grand hôtels de Castries en 1795. Il s’agissait d’un vaste hôtel entre cour et jardin et d’un plus petit bâti autour d’une cour et mitoyen de l’hôtel de Tessé. Le ministre de la Guerre y résida jusqu’en 180410. Après le séquestre révolutionnaire, l’hôtel d’Harcourt, bel édifice construit sur un terrain irrégulier par Dulin dans les années 1720, abrita les archives du Dépôt des fortifications de juin 1796 à 1798, puis celles du Dépôt de la guerre. Le vaste jardin de l’hôtel, entre les rues de l’Université et de Lille (anciennement Bourbon), permit d’élaborer en 1812 le projet d’une longue aile reliant les deux rues pour agrandir le dépôt et les ateliers de graveurs. Le projet ne vit pas le jour et l’hôtel fut restitué aux descendants le 11 février 1815. Vendu en 1818, il fut détruit en 1955. Toujours sous le Directoire, en 1796, l’inspection générale du service de santé militaire s’abrita dans l’hôtel de Tessé ou de Villeroy, 78 rue de Varenne, tandis que les communs étaient investis par le bureau des lois et des archives. De 1800 à 1805, le comte de Tessé retrouva son bien, puis le laissa de nouveau aux mêmes services. En 1811-1813, un long bâtiment de trois étages fut édifié en bordure du jardin et en retour sur des plans de l’architecte de Gisors. Parti en 1822 pour le couvent Saint-Joseph, le service de santé fut remplacé par l’École d’état-major qui migra en 1827 vers l’hôtel de Sens, tandis que le bureau de l’état civil militaire déménageait fin 1816 pour l’hôtel de Rohan-Rochefort et les archives rejoignaient provisoirement le dépôt des Archives nationales à l’hôtel de Soubise en 1826, rive droite. La 2e division du ministère s’installa en 1797 dans une maison à l’angle de la rue de l’Université et de la rue du Bas, tandis que le Dépôt des fortifications investit l’hôtel de Cicé, rue de Grenelle, de 1798 à juin 1800, avant son transfert à Aiguillon.
Le Consulat et le transfert fondateur vers l’îlot Saint-Germain
9L’accroissement des affaires traitées et celui des effectifs (1500 employés pour la Guerre) incitèrent le Consulat à diviser les attributions des ministères de l’Intérieur, des Finances et de la Guerre. Pour ce dernier, la transformation de la 4e division en ministère à part entière aboutit à la création, le 8 mars 1802, d’un ministère de l’administration de la Guerre, chargé de la logistique. Le ministre, le général Dejean, se logea dans l’hôtel de Rohan-Rochefort, rue de Varenne, avec son cabinet, et les bureaux dans l’hôtel de Tessé en face au n° 78. Ce ministre bis disparut avec la Restauration. L’hôtel de Rohan-Rochefort fut remis aux héritiers le 27 juin 1815, mais continua à être loué à l’administration de la Guerre, les bureaux de l’état civil militaire rejoignant fin 1816 le sous-secrétaire d’État à la Guerre et la 9e division.
10Cette période fut aussi celle du transfert des principaux services du ministère de la Guerre au nord de la nouvelle implantation rues de Varenne et de Grenelle, décidé par l’arrêté du 24 décembre 1803, dans les hôtels d’Havré, 84-86, rue de Lille, d’Aiguillon, 75-77, rue de l’Université, et du couvent Saint-Joseph, 10-12, rue Saint-Dominique11. L’hôtel d’Havré (de Croÿ d’Havré ou du Maine) (fig. 2), rue de Lille, fut destiné à la résidence du ministre. Construit par Robert de Cotte en 1716 pour la princesse de Conti, c’était une vaste demeure, située entre une cour, donnant sur la rue de Lille face au jardin de l’hôtel d’Harcourt, et un jardin s’étendant jusqu’au quai. Nationalisé en 1791 après l’émigration du duc d’Havré, il accueillit l’ambassade de la République batave de l’an VI à l’an XII et fut restitué aux descendants le 12 mai 1814.
11Les bureaux furent répartis entre les deux autres édifices. L’hôtel d’Aiguillon fut construit par le maître-maçon Pierre Dourdin pour le comte d’Agenois à partir de 1718 et agrandi à plusieurs reprises. Mis sous séquestre après l’émigration du duc d’Aiguillon, il devint Dépôt national des machines de 1799 à 1802 avant son transfert à Saint-Martin-des-Champs, futur Conservatoire des arts et métiers. À partir de 1803, il abrita donc les bureaux de la Guerre, bureau des indemnités et partie des archives, relié au couvent Saint-Joseph par un couloir fermé12 (fig. 3 à 5). Après la restitution des bâtiments à la famille de Chabrillan le 15 octobre 1820, de nombreuses modifications furent opérées pour créer une douzaine d’appartements. Exproprié en 1867, l’hôtel fut détruit en grande partie, le restant vendu au ministère de la Guerre, avant d’être définitivement démoli par la construction d’une nouvelle aile dans les années 1880. Le couvent des Filles de Saint-Joseph ou de la Providence, fondé par Marie Delpech de l’Étang en 1640, dit couvent Saint-Joseph, abrita la majeure partie des bureaux. Les terrains acquis la même année permirent d’édifier les premières constructions. Le patronage de madame de Montespan, qui s’y vit attribuer un appartement à partir des années 1670, développa les activités du couvent13 et ses bâtiments (constructions de 1686 à 1689 notamment). L’architecte L.-N. Percenet dressa plusieurs projets de 1768 à 1774, probablement base des travaux réalisés après 177514. Dans la seconde moitié du xviiie siècle, madame du Deffand y tint son salon de 1747 à 1780. Le couvent fut fermé en 1790 et les religieuses évacuées le 15 septembre 1792. Le bail du couvent, devenu maison nationale, fut adjugé au citoyen Michau. Ce dernier en loua une partie à un bataillon de volontaires du Calvados qui ravagea les locaux, avant d’être investi par les bureaux de la Guerre.
12Preuve de l’intérêt que présentait la question des bâtiments accueillant le ministère de la Guerre en ce début du xixe siècle, l’École impériale des Beaux-Arts de Paris se saisit pour la première fois d’un sujet concernant le ministère de la Guerre. Le 29 août 1810, le sujet du concours mensuel était ainsi un hôtel de la Guerre sur un terrain de 150 mètres sur 200, au moment où le ministère était encore installé dans d’anciens édifices mal adaptés et en mauvais état15.
Installations et aménagements à partir de la Restauration
13Comme durant la Révolution, la restitution à leurs anciens propriétaires partis en émigration d’édifices occupés par l’administration militaire, au début de la Restauration, nécessita le déplacement d’un certain nombre de bureaux. Tout d’abord, le ministre dut s’installer dans l’ancien hôtel de Brienne, 14 rue Saint-Dominique, à la chute de l’Empire16. Ancien palais de Madame Mère, il avait été agrandi pendant son occupation par la mère de l’empereur d’une partie du cloître et de la basse-cour ou jardin du couvent Saint-Joseph en 1806 et 1808 (fig. 6), sur laquelle elle avait fait construire une orangerie par Louis-Ambroise Dubut en 1809 et une chapelle avec petit jardin à l’anglaise. Le ministre continua d’occuper ces locaux malgré une brève restitution durant les Cent-Jours. L’État acquit l’ensemble le 19 février 1817 pour 852833,33 francs et entreprit des travaux d’aménagement et d’agrandissement pour l’installation du ministre Henri-Jacques-Guillaume Clarke, duc de Feltre. Le corps de logis principal se composait d’une partie centrale de sept travées de deux étages carrés et combles et d’ailes basses latérales de cinq travées. Avant 1816, on remonta l’aile de gauche d’un étage, puis l’aile droite en deux temps17. L’hôtel mitoyen au 16 de la rue Saint-Dominique, dit petit hôtel de Conti ou de Broglie, construit en même temps que celui de Brienne, fut acquis en 1834 et annexé à l’hôtel du ministre.
14En juillet 1816, la direction des fortifications et ses archives déménagèrent au 94 rue de l’Université dans une maison achetée le 4 novembre 1815, avant son transfert au quartier Saint-Germain dans les dernières années de la Restauration. L’acquisition de l’hôtel d’Estrées ou de Noailles-Mouchy, rue de l’Université18, le 6 décembre 1816 pour 579 000 francs, permit d’agrandir le périmètre des bureaux de la Guerre puisque ses jardins étaient mitoyens de l’ancien couvent Saint-Joseph à l’ouest et de l’hôtel d’Aiguillon au nord. L’hôtel de Noailles, après appropriation à son nouvel usage par le capitaine du génie Boissière19, accueillit tant bien que mal le Dépôt général de la guerre qui avait dû évacuer l’hôtel d’Harcourt rendu à son propriétaire, puis rapidement les bureaux du budget, de l’état civil de la cavalerie et de l’artillerie, le bureau général de révision, le Dépôt des fortifications et le Comité du génie. L’installation fut de courte durée, l’hôtel d’Aiguillon étant restitué au marquis de Chabrillan en septembre 1819, les services dispersés dans d’autres locaux du quartier et le couloir de liaison avec l’ancien couvent démoli. Un plan du rez-de-chaussée de cet ensemble après restitution de l’hôtel d’Aiguillon conservé à Vincennes nous présente l’état des bâtiments en 181920 (fig. 7). On y lit encore distinctement ses trois grands éléments constitutifs : d’est en ouest, l’hôtel de Noailles-Mouchy, rue de l’Université, comprenant un vaste jardin au sud donnant sur la rue Saint-Dominique, l’ancien couvent de Saint-Joseph sur cette même rue et les hôtels de Brienne et de Conty dus à l’architecte François Debias, dit Debias-Aubry.
15Les jardins de l’hôtel de Noailles, seul espace disponible dans l’ensemble Saint-Germain, permirent de remédier à la perte de l’hôtel d’Aiguillon. En mars 1826, on dressa le projet de deux nouveaux bâtiments situés, pour le premier, au sud de ces jardins, parallèle au corps de logis de l’hôtel et donnant sur la rue Saint-Dominique. Long de 39 mètres, il était destiné à accueillir le Dépôt des fortifications et le Comité du génie. Quant au second, il devait prendre place à l’est et mesurait 54 mètres afin d’abriter la bibliothèque et les archives militaires. La composition de ces édifices de style néo-classique était volontairement simple et sobre : au-dessus d’un niveau de caves, prenaient place un rez-de-chaussée et deux étages carrés sous un comble percé de lucarnes. Les éléments de décor consistaient uniquement dans les corniches et cordons séparant les différents niveaux et les encadrements des baies. L’ensemble fut achevé à l’hiver 1830 et les services s’installèrent juste avant la révolution de juillet 183021 (fig. 8).
16En 1823, la direction générale des subsistances fut réunie au ministère de la Guerre, formant ainsi une division distincte, et s’installa dans le petit hôtel d’Eckmühl.
La Guerre sous l’autorité des bâtiments civils : les travaux de Renié (1832-1855)
17Après cette vague de restitutions et d’aménagements, conduite sous la direction des propres architectes du département de la Guerre ou de l’administration du génie, l’histoire de la concentration des bâtiments du ministère devait se poursuivre sous l’égide de la direction des bâtiments civils. Le 23 octobre 1830, les six hôtels du ministre, des bureaux, des archives, du Dépôt de la guerre, du Dépôt des fortifications et de l’École d’état-major furent donc versés dans ses attributions. Ce regroupement des édifices relevant de l’État au sein des bâtiments civils correspond à une double volonté, celle du gouvernement de Louis-Philippe de donner un cadre digne aux activités des différents ministres et celle du service des bâtiments civils, remontant à sa création en 1795, de mettre dans ses mains et sous sa responsabilité l’ensemble des bâtiments relevant de la puissance publique. Le premier architecte des hôtels du ministère de la Guerre fut Louis-Régnier de Guerchy (1780-1832), spécialiste des théâtres22. Décédé le 7 mai 1832, il ne put rien accomplir de significatif et fut remplacé le 24 mai par André-Marie Renié (1789-1855)23.
18Le défi qui se présentait à Renié était de faciliter le travail de l’administration de la Guerre en donnant une plus grande cohérence à l’ensemble hétérogène résultant des travaux antérieurs. Les bâtiments du couvent se révélèrent vite être dans un état déplorable, les matériaux étant de mauvaise qualité. De plus, les ailes sud et ouest de la cour de l’horloge et l’aile sud de l’ancien cloître présentaient encore une disposition héritée du couvent avec couloir latéral desservant une rangée de bureaux, tandis que la plus grande largeur des ailes est et nord avait permis le placement d’un corridor central distribuant deux rangées, à l’emplacement de l’appartement de madame de Montespan. À partir de 1839, le nouvel architecte entama deux séries d’opérations successives, qui devaient amener à la restauration/reconstruction de l’ensemble des bâtiments du couvent et à des transformations substantielles des bâtiments des archives. Ces opérations furent facilitées par la présence du port d’Orsay, devenu port Solférino en 1859, qui servit au déchargement des matériaux nécessaires aux travaux durant tout le siècle24.
Le remodelage de l’ancien couvent Saint-Joseph
19Les premiers travaux consistèrent dans une opération tiroir : fin 1839, Renié proposa l’aménagement du bâtiment sud de la cour de l’horloge et de l’aile en retour au nord entre cette cour et le jardin du couvent, dit bâtiment ouest25. La transformation de l’orangerie de Dubut permit le transfert des bureaux de l’aile sud, puis la démolition-reconstruction de sa portion ouest et celle de la partie sud de l’aile ouest, avec la reprise générale de la façade sur la rue Saint-Dominique. Les trois devis furent approuvés par le Conseil des bâtiments civils le 26 mars 1840 et le financement assuré par un crédit spécial de 285 000 francs, ouvert par la loi du 10 juin 1840. Dès décembre, le rez-de-chaussée de l’orangerie transformée accueillit le Dépôt des imprimés, un atelier d’emballage et le magasin du mobilier du ministère, tandis qu’un hangar destiné à la remise des voitures se greffa sur son dos. Les travaux de démolition de l’aile sud commencèrent fin 1840 et furent menés à bon rythme, si bien qu’au début de 1842 ils étaient achevés et les services installés, malgré la nécessité de reconstruire presque complètement la travée de la porte cochère, trop faible pour être conservée dans la composition finale26.
20En effet, la façade sur la rue Saint-Dominique manquait de monumentalité pour l’entrée d’un ministère aussi important que celui de la Guerre. Les murs en moellons recouverts de plâtre étaient seulement décorés de bandeaux et les encadrements des fenêtres simplement moulurés. L’architecte envisageait une réorganisation totale de ces dispositions afin de caractériser le changement de statut de l’édifice. Trois avant-corps à chaînages d’angle devaient rythmer la composition : deux d’une seule travée encadrant deux ailes de quatre, puis cinq travées, un au centre de l’ensemble. Prévu de trois travées, ce dernier fut réduit à une seule afin de laisser plus d’ampleur aux ailes. La porte cochère marquant l’entrée des bureaux de la Guerre et donnant accès à la cour de l’horloge prit alors plus d’importance. Une composition sur deux niveaux formant arc triomphal vint mettre en valeur la porte ornée d’attributs militaires. Le rez-de-chaussée des ailes formant soubassement fut strié de bossages, tandis que les étages recevaient une décoration plus riche : moulurations aux premier et deuxième étages, allèges à consoles remontées au troisième, bandeau de séparation descendu au-dessus du premier étage devenu étage principal, corniche sommitale garnie de modillons.
21Quant au bâtiment ouest, sa démolition partielle en février 1842 révéla encore une fois l’état alarmant des anciens bâtiments du couvent. Renié avait prévu d’appuyer la portion d’aile reconstruite contre le pignon de la partie nord conservée, mais celui-ci se révéla trop faible, de même que le mur de face sur la cour et une partie du mur sur le jardin à l’ouest27 (fig. 9). Dans le même temps, le ministre de la Guerre réclama davantage de bureaux, ce qui nécessitait d’introduire dans cette aile le système du couloir central, mais également de réaliser des points d’appui et une structure de planchers plus solides. Les nouveaux plans produits le 16 février furent adoptés par le Conseil des bâtiments civils le 24. Les travaux commencèrent en juillet et, malgré des petits soucis financiers28, les services s’y installèrent progressivement à partir de septembre, étage par étage, en fonction de l’avancée des travaux qui furent terminés au milieu de l’année 1843. Pour achever l’opération, Renié relança la réparation de la portion de l’aile sud à droite de la porte cochère pour l’harmoniser avec les nouvelles constructions. Déjà proposée le 25 octobre 1841, elle avait été repoussée devant l’urgence de la reconstruction de l’autre portion. Les lézardes, présentes en multiples endroits comme le montrent les dessins de l’état actuel29, nécessitèrent donc des travaux lourds accompagnés par des modifications des distributions du rez-de-chaussée, le tout achevé dans le premier semestre de 1843.
22Ces travaux d’envergure furent l’occasion, pour l’École des beaux-arts, de lancer deux sujets en rapport avec le ministère de la Guerre pour les concours des places. L’école est donc tout à fait en phase avec l’actualité architecturale à cette époque en proposant une coupe du portique et de la façade en retour d’angle d’un hôtel du ministère de la Guerre et la façade du pavillon du milieu du même hôtel. Le premier sujet fut l’objet des concours du 18 décembre 184630 et du 16 octobre 185731 ; le second, des concours du 18 décembre 184632 et du 15 octobre 185833.
Le Dépôt de la guerre et les archives du ministère
23Les bâtiments d’archives construits sous Charles X se révélèrent fragiles et dangereux pour les employés qui y travaillaient quotidiennement34. Renié devait s’en occuper jusqu’à son décès et ses successeurs également jusqu’en 1858. Sur le rapport de Renié, le Conseil des bâtiments civils nomma une commission chargée d’examiner l’affaire le 1er mars 184335. Ses membres reconnurent le danger et proposèrent un étaiement général en prévision des travaux de démolition et de reconstruction des planchers et la construction d’un hangar provisoire. L’examen du projet par la commission du budget de la Chambre des députés devait modifier les paramètres du projet : l’entrée régulière des archives issues des bureaux rendait nécessaire la construction d’un deuxième bâtiment d’archives. Le hangar provisoire devenant inutile, seul l’étaiement fut décidé, approuvé le 8 juillet 1843 et commencé aussitôt. Renié, sur l’invitation du ministre, proposa deux projets à la fin de l’année. D’une part, il prenait en compte le besoin d’un nouveau bâtiment (pour 790 000 francs environ), d’autre part, les travaux sur l’ancien avec construction d’un hangar (pour un peu moins de 50 0000 francs). La stratégie mise en œuvre consista à ne demander dans un premier temps aux chambres qu’un crédit destiné au premier projet et accordé par la loi du 19 juillet 1845.
24Le principe adopté par l’architecte était d’harmoniser la nouvelle construction avec le bâtiment existant construit sous la Restauration, tout en améliorant le système constructif par l’emploi de planchers et combles métalliques et en prévoyant un système de chauffage généralisé. Le Conseil des bâtiments civils approuva le projet tout en exigeant des modifications substantielles dans la conception des planchers36. Il s’agissait de simplifier l’enchevêtrement des fermes métalliques et d’améliorer leur solidité en créant une série de quatre points d’appui montant de fond jusqu’au dernier étage afin de supporter plus efficacement les casiers d’archives. Après quelques atermoiements, le projet définitif fut mis au point et présenté le 2 mars 1844. Le chantier ne débuta qu’au mois d’août de l’année suivante et les caves furent achevées à la fin de l’année. À l’été 1847, le comble en fer était posé et, au début de 1848, le nouveau bâtiment était à peu près achevé, de même que la cour des archives et son aménagement paysager. On se préoccupa ensuite du système de chauffage. Des deux projets en concurrence, celui de René Duvoir et Cie d’un chauffage à air chaud sans ventilation réduisait le coût d’installation à 22 000 francs, de chauffage et entretien annuels à 3580 francs. Il eut donc la préférence de la commission spéciale mixte réunie à cet effet37. Les travaux furent exécutés de mars à décembre 1848, tandis qu’on commençait à poser les casiers à archives en juillet et que le reliquat de 80 000 francs était utilisé pour acquérir le gros mobilier. Le bâtiment fut remis au ministère de la Guerre le 28 août 1849 et le transfert des archives put s’achever.
25Renié proposa à deux reprises le projet de rénovation de l’ancien bâtiment. Tout d’abord au début de 1849, avec rejet par la commission du budget des chambres, ensuite le 15 juin 1855 avec transformation des étages supérieurs en bureaux38. Décédé le 6 septembre 1855, il ne vit pas l’exécution de ses plans. À partir de 1856, son successeur entreprit les travaux de réfection de l’ancien bâtiment des archives39, en reconstruisant le plancher haut du deuxième étage et en transformant le comble. En 1857, la réfection du plancher bas du deuxième étage fut réalisée et des bureaux installés.
26Tous les travaux de Renié tendaient vers un seul but, une régularisation et une mise en cohérence d’un ensemble disparate de bâtiments. Il ne put cependant pas réaliser la complète restauration de la cour de l’ancien couvent par la reconstruction du passage en bois entre cette cour et celle de l’est40, proposée en février 1842, 1843 et juin 1849, et qui aurait permis de fluidifier les circulations entre les ailes est et nord. En 1849 encore, il présentait un plan général d’harmonisation du quartier militaire :
« J’ai cru devoir joindre à mon travail un plan général du ministère où j’ai indiqué par des teintes grises les bâtiments exécutés et en bon état à l’exception de quelques parties partielles qui demanderont dans un temps donné quelques modifications ; les teintes roses et rouges indiquent les parties de bâtiments à reconstruire. Ce plan contient les annotations d’ordre d’urgence, pour la reconstruction des différentes parties de bâtiments nécessaires à compléter les besoins des bureaux afin d’éviter des locations à l’extérieur du ministère comme cela existe jusqu’à ce jour41 » (fig. 10).
27Il s’agissait d’élargir le jardin du couvent pour en faire une vaste cour comme celle des bureaux en repoussant l’orangerie dans l’alignement de l’aile des communs et en reconstruisant l’aile sud. Le projet n’aboutit pas et, après le décès de Renié, il revint à ses successeurs de mener à bien l’homogénéisation des bâtiments du ministère, mais dans un autre sens.
Une entrée monumentale sur le nouveau boulevard Saint-Germain
28C’est l’inspecteur des travaux du bâtiment des archives42, Louis-Jules Bouchot (1817-1907)43, qui succéda finalement à Renié, le 9 mai 1857, comme architecte des bâtiments du ministère. Les travaux que Bouchot mena dans ce cadre constituent une étape essentielle dans l’histoire des locaux du ministère. Outre l’achèvement des travaux dans l’ancienne aile des archives en 1858 (réfection du plancher haut et installation de bureaux au rez-de-chaussée), Bouchot poursuivit le travail de régularisation de l’ancien couvent entrepris par Renié. En 1861, la portion ouest de l’aile sur la rue Saint-Dominique, en prolongement de l’aile reconstruite et rhabillée en 1840-1843, était en mauvais état44. Bouchot proposa donc de détruire l’aile sur 68 mètres en conservant les caves et les arcades du cloître au nord. Ces arcades furent doublées afin de supporter la nouvelle façade sur jardin et les bureaux au-dessus. La façade en pierre sur rue devait s’harmoniser avec celle refaite vingt ans plus tôt et adopter le même schéma avec refends au rez-de-chaussée et chaînage d’angle harpé. Le comble, de deux niveaux, reçut une rangée de mansardes et une seconde de châssis à tabatière, le ministère gagnant ainsi deux étages de bureaux après l’achèvement en 1864 (fig. 11 et 12).
29Le percement du boulevard Saint-Germain à partir de 1866 entraîna la destruction d’une partie des bâtiments occupés par le ministère équivalente à une parcelle de 3900 mètres2 de forme triangulaire45, compensée par la ville de Paris. Ainsi l’ancien hôtel d’Aiguillon et ses dépendances revenaient dans le giron du ministère de la Guerre, mais se trouvaient dans un état déplorable, incapables d’accueillir les services expulsés de leurs locaux. Il fallut donc prévoir la réalisation d’un nouvel édifice qui permettrait aussi de répondre au besoin d’une entrée monumentale, que la nécessité de représentation de l’État réclamait autant que les habitudes de composition des architectes en charge des bâtiments civils.
Les nouvelles façades du ministère46
30Les différentes phases du projet sont connues par les rapports faits au Conseil des bâtiments civils par l’inspecteur général Charles-Auguste Questel47. Le premier projet proposait un corps de bâtiment de 119 mètres sur le boulevard, depuis l’angle de la rue de l’Université au bâtiment ancien des archives conservé sur les deux tiers de sa longueur à l’est. Avec ses deux ailes de treize travées comprimées entre trois pavillons de trois niveaux et comble percé de lucarnes, l’ensemble manquait de caractère et ressemblait à une maison à loyer selon Questel, s’il n’y avait pas eu un pavillon central trop richement orné. Bouchot proposait une répartition des services en réservant la partie orientale à la bibliothèque, aux archives des cartes rattachées aux archives historiques pour les deux premiers niveaux, tandis que la partie occidentale devait abriter magasins, corps de garde, logement du concierge et services de la galvanoplastie et de l’agent comptable au rez-de-chaussée, les cabinets et bureaux des généraux-directeurs, la salle de réunion des maréchaux et divers bureaux. Le deuxième étage devait accueillir une « collection de tableaux historiques et autres objets d’art que possède le ministère, les salles d’assemblée de différents comités et les bureaux qui en dépendent ». Le dernier niveau, sous comble, était destiné aux bureaux des officiers employés à la carte de France et aux opérations géodésiques, aux ateliers des dessinateurs et des graveurs et à d’autres services. En plus de ces travaux, des bâtiments devaient être édifiés : le prolongement du Dépôt des fortifications à ses deux extrémités et une série de bâtiments sur la rue de l’Université à l’emplacement de l’hôtel d’Aiguillon dont la partie la plus occidentale devait être détruite afin de dégager le jardin de l’hôtel du ministre. Le tout pour un coût estimé de 220 0000 francs.
31Plutôt que la référence italienne, si prisée dans l’architecture publique de la première moitié du xixe siècle, la nouvelle façade de Bouchot adoptait le style de la Renaissance française, qui devint la référence récurrente après les grands travaux du Louvre de Napoléon III. D’ailleurs, Questel trouvait le projet bien conçu et disposé, malgré quelques complications de circulation à revoir pour faciliter le travail du concierge : « Les constructions nouvelles donnent non seulement le moyen de placer tous les services qui vont être détruits, mais même de les installer plus largement, car les constructions neuves occupent une plus grande surface que celles qu’elles vont remplacer. » Les critiques de la composition de la façade amenèrent Bouchot à proposer un nouveau projet avec une façade remaniée que Questel examina le 8 février 186848. Le pavillon central fut surélevé et allégé en sculptures, les ouvertures des ailes réduites en nombre et surtout l’angle sur la rue Solférino fut revu, Bouchot créant une tour de plan pentagonal comprenant une horloge de 3,50 mètres de diamètre sur deux de ses faces, venant masquer le raccordement avec l’ancienne aile des archives49. Une troisième étude fut cependant nécessaire pour servir de base aux plans définitifs. Sur le boulevard, la façade se développait sur 142 mètres (fig. 13). Au-dessus du rez-de-chaussée prenait place un entresol, tous deux décorés de bossages vermiculés, puis un haut étage carré destiné à accueillir les pièces principales, « salle de conseil des maréchaux, cabinets des généraux-directeurs, galerie de tableaux historiques et d’objets d’art », et surmonté d’un vaste comble éclairé par des lucarnes rectangulaires. L’absence d’ordre colossal réduisait un peu l’effet monumental de la façade mais l’ensemble rez-de-chaussée/entresol dégageait une certaine force, compensant l’effet mitigé de la façade. L’implantation de la salle du comité des maréchaux dans le pavillon central, accessible par l’escalier d’honneur, représentait une amélioration. Pour la première fois, le principe du couloir central desservant des bureaux éclairés sur chaque façade était appliqué au projet de nouvelle aile, systématisant les essais faits par Renié dans les bâtiments du couvent Saint-Joseph. De petits édifices vinrent prolonger le Dépôt des fortifications à l’ouest jusqu’à la cour des archives et à l’est jusqu’à la rue Solférino.
32Les travaux, adjugés le 7 août 1868, avancèrent rapidement jusqu’à l’arrêt dû à la guerre franco-prussienne, puis reprirent dès 1871 pour s’achever en 1877 après dix années d’efforts et 2571430,30 francs dépensés. De 1871 à 1876, la société parisienne Huber frères et Cie réalisa la sculpture ornementale, composée d’un grand nombre d’éléments décoratifs au style sobre, pas unanimement appréciés du public, ni du peintre Pierre Renoir : « Les têtes de Gorgone du ministère de la Guerre sont horribles50. » Certains éléments, comme les trophées de cuirasses et armes, s’inspiraient des décors des ailes des ministres à Versailles51. Les bureaux ne furent occupés que progressivement à partir de 1876.
33Alors que Bouchot concevait son projet de façade monumentale, l’École des beaux-arts suivait l’actualité en donnant comme sujet de concours de rendu de 1re classe, un hôtel du ministère de la Guerre le 5 octobre 1869, montrant ainsi, une fois de plus, contrairement aux idées reçues, son implication dans la production architecturale contemporaine et la conception de programmes nouveaux52.
Bref retour à Versailles
34Comme l’ensemble du gouvernement, le ministre de la Guerre quitta la capitale devant l’avancée des armées prussiennes. Après l’armistice du 28 janvier 1871 et le début de la Commune, l’Assemblée nationale, le gouvernement et l’ensemble des services ministériels gagnèrent l’ancienne résidence royale de Versailles53. Le ministre de la Guerre installa d’abord son cabinet dans l’aile des ministres sud, à côté du ministre de la Marine54, puis à partir de la fin 1870, il résida 57 boulevard de la Reine, pendant que ses services se répartissaient dans divers endroits en ville55. Nommé le 5 juin 1871, le général Cissey installa sa résidence et son cabinet au 3 bis avenue de la Paix toujours à Versailles, tandis que les bureaux étaient regroupés à Paris dans l’ancien couvent Saint-Joseph transformé par Renié et en cours d’agrandissement par Bouchot. Il fallut attendre 1879 pour que les services ministériels fussent enfin réunis dans un même lieu, le général Henri Gresley refaisant de l’hôtel de Brienne sa résidence56. En ce début de Troisième République, l’administration militaire pouvait enfin jouir pleinement du travail de densification et d’homogénéisation des bâtiments entrepris sous la direction des architectes des bâtiments civils à partir de 1830.
Notes de bas de page
1 Bulletin des lois du Royaume de France, Paris, Imprimerie nationale des lois, 5e série, t. 2, 2e sem. 1814, janv. 1815, p. 457-461.
2 Emmanuel Pénicaut, Alexandre Gady, Jean-Pierre Samoyault, Jonathan Siksou et Maurice Vaïsse, L’hôtel de Brienne, Paris, 2012, 191 p. Nous avions déjà abordé l’histoire des bâtiments du ministère, en insistant sur la période postérieure à la Révolution : « Le ministère de la Guerre. Des bureaux de la Guerre à l’îlot Saint-Germain », Livraisons d’histoire de l’architecture, n° 8, 2e sem. 2004, p. 63-80. État des dossiers d’archives dépouillés : Archives nationales (AN) : CC 394, 398 ; F9 38 ; F13 204, 646, 740, 899, 900A et B, 910, 970A, 975, 977, 980, 1207, 1265, 1526B ; F21 1550-1552, 1869, 3261-3269, 6083 ; F21* 2535 ; CP/CC 416 ; CP/F21 1901 (dr 20), 3555 (art. 1-3) ; CP/N III Seine 900, pièce 2-5, 919, pièce 1-3, 1110, pièce 1-12, 1111, pièce 1-3, 1112 ; CP/VA 13, pièce 108, 107, pièce 1-9 et 11-16. – Archives de Paris (AP) : DQ10 34 (n° 38, 39), 47 (n° 2138), 48 (nos 5618, 5773), 189 (n° 8181), 207 (n° 12162), 309 (n° 13204), 326 (n° 3362), 360 (n° 12195), 385 (n° 1281), 402 (n° 4006), 424 (n° 8376), 429 (n° 1073), 430 (n° 2764), 469 (n° 12968), 482 (n° 258), 600 (nos 660, 674), 611 (n° 1208), 623 (n° 2200), 710 (dr La Trémoille), 749 (dr Rohan), 754 (nos 54, 56), 1360 (nos 941, 950), 1387 (nos 2674, 2681), 1391 (n° 2848), 1434 (n° 2193), 1479 (n° 4275), 1597 (dr 94, rue de l’Université), 1622 (n° 35). – Service historique de la Défense (SHD/GR) 1 Vh 1330-1331, 1361-1362, 1364-1368, 1371, 1374-1375, 1379-1380, 1382 ; 1 VI 32-33 ; 1 VK 197 ; Xe 117, 387-390, 541-545, 549.
3 Mémoire raisonné sur les établissements militaires de la place de Paris, à l’appui des projets pour 1817, Paris, 26 mars 1817, SHD/GR, 1 Vh 1331.
4 Martin Barros, Samuel Gibiat, Emmanuel Pénicaut et Thierry Sarmant, « Le département de la Guerre de 1570 à 1792 », dans Thierry Sarmant (dir.), Les ministres de la Guerre, 1570-1792. Histoire et dictionnaire biographique, Paris, Belin/ministère de la Défense, 2007, p. 111 ; Hippolyte Monin et Lucien Lazard, Sommier des Biens nationaux de la ville de Paris conservé aux Archives de la Seine, Paris, Archives de Paris, 1920, t. I, p. 336, 356-358. Sur les travaux d’aménagement voir AN, F13 1526B. Sur le devenir de l’hôtel, vente puis rachat par l’État, voir AP, DQ10469, n° 1622 et n° 12968.
5 Nicole Salat et Emmanuel Pénicaut (dir.), Le Dépôt des fortifications et ses archives (1660-1940). Archives du génie : répertoire numérique détaillé de la sous-série 1 V du Service historique de la Défense, Paris, Archives & Culture, 2011, en particulier Martin Barros, « La bibliothèque du Dépôt des fortifications », p. 69-85. Le Dépôt s’y installa en septembre 1791, y demeura jusqu’en 1794, puis dans les locaux de la commission des travaux publics au palais Bourbon jusqu’en juin 1796.
6 AN, F13 900B et 970A ; SHD/GR, 1 Vh 1380 ; Sommier des Biens…, t. I, p. 127-128, 184-185.
7 Claude Carré, Histoire du ministère de la Défense et des départements ministériels, Panazol, Lavauzelle, 2001, p. 102.
8 AN, F13 900A, 977 et 1526B.
9 Sur les bâtiments de la rive gauche, voir les ouvrages de la délégation à l’action artistique de la Ville de Paris : Le faubourg Saint-Germain. La rue de Grenelle, 1980, p. 37-38, 41-42 ; Le faubourg Saint-Germain. La rue de Varenne, 1981, p. 49-57, 61-74 ; La rue de Lille. Hôtel de Salm, 1983, p. 59-63, 116-117 ; Le faubourg Saint-Germain. La rue Saint-Dominique. Hôtels et Amateurs, 1984, p. 68-72, 187-202 ; Le faubourg Saint-Germain. Rue de l’Université, 1987, p. 123-129, 220-223 ; Le patrimoine militaire de Paris, 2005, p. 142-143, 170-173 ; Paris, lieux de pouvoir et de citoyenneté, 2006, p. 103-114.
10 Les héritiers du duc de Castries récupèrent l’hôtel par ordonnance du 22 juin 1814.
11 Sur les implantations autour de la rue Saint-Dominique, voir Léon Roger, « L’hôtel du ministre de la Guerre dit hôtel de Loménie de Brienne 14 rue Saint-Dominique (ancien 90) », Bulletin de la Société d’histoire et d’archéologie du VIIe arrondissement de Paris, n° 2, déc. 1906, p. 13-16 ; Jules Mazé, L’hôtel de Brienne et le couvent Saint-Joseph, Paris, Champion, 1927, 111 p. ; Yvan Christ, Jacques Silvestre de Sacy et Philippe Siguret, Le faubourg Saint-Germain, de l’abbaye à l’École militaire, Paris, Éditions des Deux Mondes, 1966, p. 201-206, 273-274 ; Paul et Marie-Louise Biver, Abbayes, monastères, couvents de femmes à Paris des origines à la fin du xviiie siècle, Paris, PUF, 1975, p. 442-448 ; Marie-Annick Hepp et al., L’état-major de l’armée de terre, Paris, Éditions de la Revue française, 1980, 16 p. ; Jean-Claude Devos, « Le secrétariat d’État à la Guerre et ses bureaux », Revue historique des armées, n° 162, mars 1986, p. 88-98 ; Vincent Wright, « Les bureaux du ministère de la Guerre, 1815-1879 », Revue historique des armées, n° 192, sept. 1993, p. 70-83 ; Thierry Sarmant (dir.), L’hôtel de Brienne, 14 rue Saint-Dominique, Paris, ministère de la Défense-DMPA, 2001, 61 p. ; Olivier Liardet, op. cit., 2004 ; Michaël Bourlet, « L’îlot Saint-Germain au tournant des xixe et xxe siècles », Revue historique des armées, n° 248, 3e trim. 2007, p. 3-11.
12 L’hôtel d’Aiguillon (d’Agenois ou de Chabrillan) est un des bâtiments les mieux documentés sur le plan iconographique : SHD/GR, 1 Vh 1379 (plan du rez-de-chaussée et communication avec le couvent Saint-Joseph, plan du rez-de-chaussée, série de plans des rez-de-chaussée, 1er et 2e étages avec le couvent Saint-Joseph datant du début de l’Empire, projet de corps de garde en l’an XII) ; AN, CP/F31 37, pièce 335 (relevé cadastral).
13 L’atelier de broderie des religieuses fournit notamment la confection du mobilier et des tentures de l’antichambre et de la chambre du roi, ainsi que les broderies des murs de la salle du trône à Versailles.
14 Pour les projets d’aménagement de l’architecte Percenet dans la seconde moitié du xviiie siècle, voir AN, CP/N III Seine 518, pièce 1-7 (projet d’aile, 1768), 521, pièce 1-5 (projet d’écuries et remises avec logement à l’étage, décembre 1773), 520, pièce 1-7 (projet de bâtiment en aile, 1774) et l’état d’un vieux bâtiment dressé le 14 juin 1774 par Peytouraud et Caqué (CP/N III Seine 519, pièce 1-6).
15 AN, AJ52 96.
16 Sur l’histoire de l’hôtel, voir Emmanuel Pénicaut et al., L’hôtel de Brienne…, op. cit.
17 Rapport au ministre de la Guerre, Paris, 25 octobre 1816, SHD/GR, 1 Vh 1331.
18 Hôtel construit par l’architecte Nicolas Delespine en 1700-1702. Après que le maréchal de Mouchy et sa femme furent guillotinés le 9 messidor an II, l’hôtel est affecté à l’École des mines, puis rendu aux descendants par ordonnance du 18 juin 1814.
19 Minute de lettre du directeur du génie au directeur du Dépôt général de la guerre, 31 décembre 1816, SHD/ GR, 1 Vh 1379.
20 SHD/GR, 1 Vh 1380.
21 SHD/GR, 1 Vh 1333 et 1361.
22 Voir notre notice dans Allgemeines Künstlerlexikon : Die Bildenden Künstler aller Zeiten und Völker, Munich/Leipzig, vol. 64, 2009.
23 Rapport au ministre de la Guerre, Paris, 22 mai 1832, G. Gueron, chef du bureau du service intérieur, SHD/ GR, 5 Yg 71. Petit-fils d’un entrepreneur des bâtiments du roi et fils d’un maître-menuisier, Renié fut élève de A.-L.-T. Vaudoyer, Charles Percier et P.-F.-L. Fontaine. Il travailla dix ans pour la cour de Saxe-Cobourg-Gotha. Nommé architecte de l’École polytechnique le 17 janvier 1831, sa nomination à l’administration de la Guerre lui permit d’être nommé membre du Conseil des bâtiments civils de l’Algérie par le ministre de la Guerre (31 mars 1843), architecte en chef des travaux neufs du ministère de la Guerre (1844), architecte de l’École d’état-major (1844), membre de la commission centrale d’ameublement du ministère de la Guerre (29 juillet 1852).
24 Michaël Bourlet, L’état-major de l’armée de terre, boulevard Saint-Germain, Paris, ministère de la Défense, 2006, p. 21.
25 AN, F21 1550 (avec dessins) et 1551, CC 394, dossier 1800 (avec dessin CP/CC 394).
26 Le nouveau projet fut approuvé le 31 janvier 1842 par le Conseil des bâtiments civils pour 20 000 francs.
27 AN, F21 1550 (avec dessins) et 1551, CC 394, dossier 1800 (avec dessin CP/CC 394), voir aussi AN, CP/N III Seine 1110, pièce 2-3, CP/VA 107, pièce 2.
28 Résolus par ordonnance royale du 28 septembre 1842 qui ouvrit un crédit de 135 000 francs.
29 AN, CP/N III Seine 1110, pièces 4 et 11, CP/VA 107, pièce 1.
30 AN, AJ52 107.
31 AN, AJ52 108.
32 AN, AJ52 107.
33 AN, AJ52 109.
34 Sur cette affaire voir AN, F21 1551, CC 398, dossier 1828, CP/CC 416 (atlas de plans), CP/N III Seine 1110, pièces 1, 5-6, 7-10 (hangar), CP/F21 3555, art. 2, pièce 1-10, CP/VA 107, pièces 3-9 et 11-16.
35 Composée d’Hubert Rohault de Fleury, Edme Grillon et Auguste Pellechet, elle rendit ses conclusions le 31 mars et le conseil les siennes le 8 mai.
36 Séances des 8 janvier, 22 février et 2 mars 1844. Les poutrelles furent réalisées par l’entrepreneur de serrurerie Leturc. Voir H. J., « Des poitrails en fer », Revue générale de l’architecture et des travaux publics, 1845, vol. 6, col. 259-261, pl. 25.
37 Regroupant génie, travaux publics et bâtiments civils.
38 AN, CP/F21 3555, art. 2, pièce 1-10.
39 AN, F21 6083.
40 AN CP/VA 13, pièce 108, CP/N III seine 1110, pièce 2-3.
41 Lettre au ministre des Travaux publics, Paris, 22 septembre 1849, AN, F21 1551. Le plan est conservé en CP/ F21 3555 art. 2, pièce 1.
42 AN, F21 2017.
43 AN, F70 353. Bouchot fut également chargé de l’École normale supérieure, de l’Observatoire, du théâtre de l’Odéon et du ministère de l’Instruction publique.
44 AN, F21 6083, CP/F21 3555, art. 3, pièce 1-3 (25 avril 1861).
45 Michael Darin, « Un plan global pour les Grands Travaux ? Le cas du boulevard Saint-Germain », dans Jean des Cars et Pierre Pinon (dir.), Paris-Haussmann. « Le pari d’Haussmann », Paris, pavillon de l’Arsenal, 1991, p. 274-283. Décret du 28 juillet 1866 déclarant d’utilité publique le prolongement du boulevard Saint-Germain entre le boulevard Saint-Michel et le quai d’Orsay.
46 Les documents des travaux sont conservés (AN, F21 3261-3269, 6083), mais les plans demeurent introuvables.
47 Rapport de Questel au Conseil des bâtiments civils, séance du 22 octobre 1867, AN, F21 1869.
48 Ibid.
49 L’Illustration. Journal universel, 32e année, samedi 31 janvier 1874, p. 75.
50 « L’Art décoratif et contemporain », L’Impressionniste, n° 3, 21 avril 1877, p. 3-6, cité dans Robert L. Herbert, Nature’s Workshop. Renoir’s Writings on the Decorative Arts, New Haven, Yale University Press, 2000, p. 197. Je remercie Marc Le Cœur de m’avoir signalé cette référence.
51 Sculptures publiées dans Antonin Raguenet, Matériaux et documents d’architecture classés par ordre alphabétique, Paris, H. Cagnon, s. d. [circa 1900], vol. I, cartouche 37, clefs 7 et 8, vol. II, encorbellement 1, mascaron 1, vol. III, œil-de-bœuf 2 et 11, trophées 9, 12, 13 et 16.
52 AN, AJ52 110. Pour un exemple d’étude typologique des sujets de l’École des beaux-arts, voir notre article « Des phares au concours : de l’Académie royale d’architecture à l’École des beaux-arts 1745-1966. 2e partie : L’École des beaux-arts et l’actualité architecturale des phares 1812-1966 », Livraisons d’histoire de l’architecture, n° 24, 2e sem. 2012, p. 33-61.
53 Sur cette période, voir Odile Caffin Carcy, « La République chez le Roi-Soleil », Versalia. Revue de la Société des amis de Versailles, n° 5, 2002, p. 18-30.
54 Voir AN, F21887, 889 et 34741 et 2, C 2839, CP/VA 177, pièce 8 ; Établissement public du Château de Versailles, archives de l’agence d’architecture, 1872-1873.
55 Adresses pendant la guerre de 1870 : hôtel du ministre 57, boulevard de la Reine ; cabinet du ministre 64 bis, rue Duplessis ; enregistrement général cour du château esc. 7 ; sous-secrétaire d’État 24, rue Neuve ; 1re dir. 33, rue Neuve ; 2e dir. 51, rue Duplessis ; 3e dir. idem ; 4e dir. place du château ; 5e dir. 6, avenue de Paris ; 6e dir. 65, boulevard de la Reine ; 8e dir. 35, rue Neuve. Informations transmises par Emmanuel Pénicaut et tirées de SHD/GR, Xs 132 dossier 2.
56 Claude Carré, Histoire du ministère…, op. cit., p 207.
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