Identifier des communautés anti-guerre en Grande-Bretagne durant la Première Guerre mondiale
p. 205-227
Texte intégral
Objecteurs de conscience
1Le présent travail a été entamé à la fin des années 1960 et poursuivi durant les années 1980. Tout est parti de conversations avec une poignée de personnes qui avaient toutes joué un rôle dans les mouvements socialistes et travaillistes britanniques au début du xxe siècle. Plus précisément, elles venaient toutes de la ville d’Huddersfield dans le West Yorkshire, où leur activité politique et syndicale leur avait valu une certaine notoriété. La première d’entre elles, interviewée en 1968, fut Wilfrid Whiteley1. Whiteley avait rejoint l’antenne locale du Parti travailliste indépendant (ILP, Independent Labour Party), tenant d’un socialisme modéré et éthique, et était issu d’un milieu chrétien non-conformiste – il enseignait dans une Sunday school (école du dimanche) baptiste et faisait campagne pour la tempérance. Lorsqu’il rejoignit l’ILP, il acquit un rôle important dans le mouvement socialiste pour les Sunday schools, à Huddersfield et dans le Nord de l’Angleterre. Il était objecteur de conscience (OC) durant la Première Guerre mondiale mais fut exempté de service militaire car il travaillait pour un grossiste alimentaire local. À l’élection parlementaire de 1918, il connut une défaite en tant que candidat travailliste à Colne Valley et, de 1929 à 1931, il fut député travailliste de Ladywood, une circonscription de Birmingham. Après 1931, il retourna dans le Yorkshire et s’installa à Brighouse. Il me conseilla de parler à Arthur Gardiner, un de ses contemporains : ils étaient tous deux nés à Huddersfield en 1889. Gardiner était un syndicaliste militant employé dans un atelier de teinture de laine, et un socialiste marxiste membre fondateur du Parti socialiste (Socialist Party) d’Huddersfield (qui était affilié au British Socialist Party, le Parti socialiste britannique). Il était également objecteur de conscience mais, contrairement à Whiteley, il se vit refuser sa demande d’exemption. Après avoir été en fuite pendant plusieurs mois à l’été 1916, il fut arrêté et livré à l’armée. Il passa ensuite en cour martiale pour refus d’obtempérer et fut envoyé à Londres dans la prison de Wormwood Scrubs. Là-bas, il accepta de rejoindre le programme pour objecteurs de conscience du Home Office, le ministère de l’Intérieur, et passa le reste de la guerre au centre de travail de la prison de Wakefield, et dans des programmes de foresterie dans le Suffolk. La troisième personne, interviewée en 1968 et 1969, fut George Hargrave. Bien qu’il ait été un véritable pilier des travaillistes, cadre de la Stonemasons’ Society et secrétaire du Trades and Labour Council d’Huddersfield, Hargrave était un socialiste patriote. Il s’engagea volontairement dans l’armée et servit d’abord en Égypte puis sur le front occidental. Bien après, en 1983, la quatrième personne interviewée fut Florence Shaw. Née à Huddersfield en 1901, elle venait d’une famille socialiste et syndicaliste. Son père était un membre fondateur de l’antenne locale de l’ILP dans les années 1890 et toute la famille assistait régulièrement aux cours de la Sunday school socialiste. Contrairement à leur père, Florence, son grand frère William et sa sœur Marie étaient membres du Parti socialiste d’Huddersfield. Florence était une militante anti-guerre et son frère William était objecteur de conscience. Comme Gardiner, il passa aussi du temps dans les centres de travail pour objecteurs de conscience des prisons de Wormwood Scrubs puis du Dartmoor. Après la guerre elle devint un agent local du syndicat des vendeurs – appelée Union of Shop Distributive and Allied Workers – et continua en tant que secrétaire son travail pour la Sunday school socialiste.
2Un grand nombre de sujets furent abordés durant ces conversations, portant sur quatre vies riches d’expériences vécues au sein des mouvements socialistes et travaillistes. Cependant, lorsqu’on en arriva à la Première Guerre mondiale et à Huddersfield, nonobstant leur expérience respective, et même celle du socialiste patriote et vétéran des forces armées George Hargrave, tous décrivirent Huddersfield comme un « endroit spécial » pour les opposants à la guerre. Ils l’expliquèrent par la force de ces organisations anti-guerre, le nombre d’objecteurs de conscience présents, et par la possibilité pour les opposants à la guerre de se faire entendre sans ingérence significative : on ne perturba pas physiquement leur activité, pas plus que l’on essaya d’appliquer les points du Defence of the Realm Act d’après lesquels ils auraient pu être jugés subversifs. Ainsi, le but initial du présent travail était de vérifier l’hypothèse selon laquelle Huddersfield avait bien été un endroit « spécial ». Les résultats, publiés d’abord en 2001 puis à nouveau en 2014 sous le titre Comrades in Conscience : an English Community’s opposition to the Great War (Londres, Francis Boutle), confirmèrent qu’Huddersfield fut en effet un « endroit spécial » pour les pacifistes durant la Première Guerre mondiale. Cependant, comme le veut la nature de ce genre d’étude, ils révélèrent bien plus que ce à quoi l’on s’attendait. Ils montrèrent par exemple qu’il existait localement une culture sociale, religieuse et politique très étendue et vigoureuse. Ces travaux révélèrent également l’existence d’une communauté anti-guerre locale qui, bien que dominée par des éléments des mouvements travaillistes et socialistes, puisait dans le libéralisme radical, chez les Quakers et, point crucial, dans le mouvement pour les droits des femmes – Suffragettes comme Suffragistes. Ces travaux montrèrent également que l’élite libérale locale et son journal, The Huddersffeld Examiner, étaient tiraillés entre deux positions : d’une part, la défense libérale classique des droits et libertés individuelles qui amenèrent le député libéral de la ville, Arthur Sherwell, à s’opposer au gouvernement sur la question de la conscription ; d’autre part, l’impulsion patriotique poussant à s’engager complètement dans la guerre peu importe les implications pour la liberté personnelle.
3La conséquence inattendue mais peut-être inévitable de ces débuts modestes fut de soulever d’autres questions. Première d’entre elles et peut-être la plus évidente : si Huddersfield était un endroit « spécial » pour les opposants à la guerre, en existait-il d’autres ? Il s’ensuivit une question plus ambitieuse : comment les témoignages et documents à propos d’Huddersfield et d’ailleurs pouvaient-ils nous renseigner sur la réalité des réactions populaires à la guerre dans les communautés locales ? C’est là une question que des travaux universitaires récents ont jugé utile de poser. Catriona Pennell, par exemple, a exprimé une réserve quant au fait suivant :
« Aucun témoignage ne peut seul rendre justice à toute une gamme de réactions. Mais une chose est sûre : les sentiments d’une population toute entière ne peuvent pas être décrits de façon adéquate sous le label monolithique d’enthousiasme guerrier2. »
4Tandis qu’Adrian Gregory en arrive presque à sa propre formulation de la question :
« Les discussions autour des réactions britanniques à la guerre ont montré jusqu’ici une remarquable incapacité à prendre en compte les grandes divisions qui existaient au sein de la société édouardienne, que celles-ci soient régionales (ou nationales), qu’elles relèvent de la classe ou du genre. Toute reconsidération de ces réactions doit déconstruire les généralisations sur “les Britanniques” et examiner de plus près des groupes particuliers3. »
5Mais comment procéder ? Une approche pratique dont ces travaux se veulent l’exemple est de se focaliser sur les objecteurs de conscience. Malheureusement, malgré les années et les travaux universitaires considérables quoiqu’intermittents sur le sujet, nous ne disposons toujours que d’une estimation assez approximative du nombre d’objecteurs de conscience durant la Première Guerre mondiale. Qui plus est, à quelques exceptions près, nous n’avons jusqu’ici qu’une idée assez vague de leur simple identité, de leur origine ou même des raisons pour lesquelles ils refusaient de combattre. Durant la guerre, les systèmes mis en place par le gouvernement pour recenser ces faits étaient au mieux incomplets. Il n’y avait manifestement aucune volonté politique de garder un registre complet de ceux qui étaient vus comme des dissidents, voire peut-être des traîtres. Même les données réunies par le mouvement anti-guerre sont insuffisantes, en termes de précision comme d’exhaustivité. Les limites du registre « officiel » furent aggravées en 1922 lorsqu’on ordonna la destruction des documents issus des tribunaux locaux du service militaire : ces derniers avaient été établis au début de la conscription en 1916 pour juger des demandes d’exemption de service militaire, et ils contenaient les dossiers personnels de tous les objecteurs de conscience qui y avaient comparu. La seule tentative « officielle » et encore consultable de calculer le nombre d’objecteurs de conscience date de 1917 et fut l’œuvre de Philip Kerr, secrétaire du premier ministre Lloyd George. Ses résultats n’aboutirent à guère plus qu’une note de service. Il utilisa les retours de 90 % des tribunaux locaux du service militaire en Angleterre et au pays de Galles, et suggéra que jusqu’en 1917, 10062 hommes avaient demandé à être exemptés de service militaire en tant qu’objecteurs de conscience4. L’exercice ne fut pas renouvelé. Par comparaison, les calculs faits par John W. Graham cinq ans plus tard suggèrent un total d’environ 16100 même s’il reconnut qu’il s’agissait seulement d’une estimation. John Rae, qui n’était clairement pas un observateur bienveillant, concéda que le nombre réel était probablement légèrement plus élevé et l’évalua à 16500 tandis que d’autres travaux estimaient que ce dernier était d’au moins 200005. Cependant, quelle que soit l’utilité de ces calculs, ils pâtissent de nombreuses incohérences et des limites inhérentes au fait d’employer ce genre d’arithmétique abstraite pour tenter de décrire les communautés anti-guerre.
6C’est pourquoi l’objectif principal de ce travail a été de dépasser ces limites en créant une base de données, un Registre des objecteurs de conscience britanniques de la première guerre mondiale (ci-après le Registre)6. Une première version du Registre composée de 16500 entrées est disponible gratuitement en ligne sur la plateforme « Lives of the First World War » de l’Imperial War Museum. Cependant, ce travail est toujours en cours et, à compter de janvier 2016, la base de données compte désormais 17550 histoires individuelles d’objecteurs de conscience. La nature des documents et témoignages sur lesquelles se base ce travail est telle que ces histoires ne sont, dans de nombreux cas, que rapprochements et associations de fragments divers. Dans certains cas, les données sont très minces. Néanmoins et même en tenant compte des zones d’ombre, des imprécisions, de quelques doublons et autres confusions, 90 % de ces données ont pu être replacées dans leur zone « d’origine », et la grande majorité dans leur district, leur rue et même leur foyer. Le Registre contient également des éléments révélant la diversité des profils d’hommes décrits ou se décrivant comme objecteurs de conscience. On trouve ainsi les « absolutistes » qui refusaient de participer à la guerre ou à tout programme du gouvernement, ceux qui exerçaient un Travail d’importance nationale (Work of National Importance, WNI) et même ceux qui s’engageaient mais n’étaient prêts qu’à faire un service militaire n’impliquant pas de combat. Le Registre inclut également les objecteurs de conscience « politiques », souvent des socialistes ou des anarchistes, et les objecteurs religieux de toutes les obédiences possibles. Cette collecte de données sur des objecteurs de conscience individuels constitue un trésor pour les historiens de la famille. Cependant, réunir les profils de ces objecteurs de conscience venus de villes et villages spécifiques distille ces histoires personnelles en histoires de communautés ou de lieux. C’est donc un outil puissant grâce auquel on peut acquérir une connaissance bien plus riche et plus nuancée du mouvement anti-guerre en Grande-Bretagne. Cet outil peut également suggérer de nouvelles perspectives sur la nature de l’attitude populaire face à la guerre et, plus important encore, montrer en quels endroits de futures recherches pourront être les plus fructueuses.
7Dans le cadre du présent travail, deux exemples suffiront à démontrer la façon dont le Registre pourrait être utilisé. Dans un premier temps, il faut manifestement essayer de savoir s’il existait « d’autres Huddersfield ». Dans un second temps, il s’agira de déterminer dans quelle mesure les données du Registre peuvent identifier et décrire d’autres communautés anti-guerre, ici avec l’exemple de Bristol.
« D’autres Huddersfield » ?
8Les données du Registre suggèrent que la réponse à la question de l’existence « d’autres Huddersfield » est sans aucun doute « Oui, il y en avait ! » Cette affirmation se base sur des calculs assez simples. Les « zones d’origine » des objecteurs de consciences ont été associées aux subdivisions administratives britanniques de 1911 à commencer par les comtés anglais, gallois et écossais et leurs circonscriptions locales : boroughs de comtés et boroughs municipaux, districts urbains et ruraux pour l’Angleterre et le pays de Galles, ainsi que les subdivisions des comtés Écossais que sont les villes, les burghs et les districts. Une fois cela en place, on peut s’adonner à une arithmétique qui s’avère très utile. D’abord, calculer le nombre d’objecteurs de conscience par circonscription locale. Cependant, bien que cela donne des chiffres qui sont significatifs en eux-mêmes, on peut penser qu’ils découlent simplement des populations existantes : les grandes villes ont plus d’objecteurs de conscience que les petites. C’est pourquoi un deuxième calcul permet d’essayer d’exprimer le nombre d’objecteurs de conscience comme une fraction de la population locale. Plus précisément, une fraction du nombre d’hommes entre 18 et 40 ans qui, en 1916, étaient susceptibles d’être recrutés pour le service militaire. Ce calcul repose sur les statistiques par âge publiées lors du recensement de 1911, et donne le nombre d’objecteurs de conscience pour mille recrutés potentiels. Ce nombre sera décrit comme « Indice OC ».
Le West Riding du Yorkshire
9Les résultats de ces calculs nous permettent d’établir deux points de comparaison : le nombre brut d’objecteurs de conscience et l’indice OC. L’objectif du test est d’identifier des circonscriptions locales dont les valeurs sont supérieures à celles d’Huddersfield, qu’il s’agisse du nombre d’objecteurs de conscience ou de l’indice OC, soit 119 pour le premier et 6,31 pour le second. Le principe est le suivant : si nous considérons qu’Huddersfield est un lieu significatif ou « spécial » et que nous en faisons un point de comparaison alors, grossièrement, tout lieu présentant un nombre d’objecteurs ou un indice supérieur devrait être au moins aussi significatif ou « spécial », si ce n’est plus. Les résultats pour l’ensemble de la Grande-Bretagne révèlent 23 lieux, tous des centres urbains ou des villes, présentant un plus grand nombre d’objecteurs de conscience qu’Huddersfield ; par ailleurs, 49 lieux ont plus de 10 objecteurs de conscience et un indice CO supérieur à 6,31. Il paraissait donc clair qu’il existait des lieux où les objecteurs de conscience étaient plus nombreux qu’à Huddersfield et où ils représentaient une part bien plus importante de la population masculine mobilisable. Cela signifie-t-il que pour ce qui est de l’opposition à la guerre tous ces lieux étaient aussi ou peut-être même plus « spéciaux » que ne l’était Huddersfield ?
10Un rapide examen des données pour la région d’Huddersfield, le West Riding du Yorkshire, esquisse très clairement cette idée.
Figure 1. – Lieux du West Riding du Yorkshire présentant plus d’OC qu’Huddersfield.
District local | oc | Indice OC |
Huddersffeld County Borough | 119 | 6,31 |
Bradford, City and County Borough | 208 | 3,97 |
Leeds, City and County Borough | 271 | 3,34 |
Sheffield, City and County Borough | 177 | 2,05 |
Figure 2. – Lieux du West Riding du Yorkshire dont l’indice OC est supérieur à celui d’Huddersfield.
Circonscription locale | oc | Indice OC |
Huddersffeld County Borough | 119 | 6,31 |
Bingley Urban District | 23 | 6,90 |
Mytholmroyd Urban District | 16 | 22,57 |
New Mill Urban District | 18 | 19,07 |
Rawdon Urban District | 14 | 23,06 |
Settle Rural District | 45 | 16,67 |
Skelmanthorpe Urban District | 14 | 18,49 |
Sowerby Bridge Urban District | 13 | 6,30 |
York, City and County Borough | 122 | 7,79 |
11Les résultats de la figure 1 ne présentent rien d’immédiatement surprenant. Sheffield (454632), Leeds (445550) et Bradford (288458) avaient toutes une population bien supérieure à Huddersfield (107821) et on pouvait s’attendre à y trouver plus d’objecteurs de conscience. Cependant, l’indice OC d’Huddersfield est bien supérieur à celui de ces autres villes. Deux autres points sont, eux, surprenants. Tout d’abord, bien que Sheffield ait été la ville la plus peuplée de la région du West Riding, elle n’avait pas le plus grand nombre d’objecteurs de conscience et son indice OC est même inférieur à la moyenne du West Riding du Yorkshire soit environ 2,70. Une explication simpliste voudrait que les hommes de Sheffield aient été plus patriotes et aient rechigné à refuser la conscription. Il est cependant impossible d’ignorer le fait que des emplois exemptés de service militaire tels qu’on en trouvait dans les industries du charbon, du fer, de l’acier, de l’outillage et de l’ingénierie jouèrent un rôle important en mettant les objecteurs de conscience hors de portée des tribunaux du service militaire. On peut émettre des réserves semblables dans beaucoup d’autres régions du pays où un faible nombre d’objecteurs de conscience coïncidait avec une part importante d’emplois essentiels à la guerre, dans l’industrie comme dans l’agriculture. Deuxièmement, ces chiffres valent pour l’ensemble d’un borough de comté et, ainsi, ne reflètent pas toutes les variations qui pouvaient exister entre les différentes subdivisions administratives. Un exercice de cartographie utilisant les adresses individuelles révélerait peut-être une toute autre histoire. Cela ne veut pas pour autant dire que les chiffres pour l’entièreté de la ville ne sont pas importants. Tout lieu accueillant plus de 200 objecteurs de conscience et la communauté anti-guerre qui les soutient vaut nécessairement que l’on s’y intéresse de près.
12À l’inverse, les comparaisons utilisant l’indice OC réservent-elles quelques surprises. Si on écarte les lieux où les objecteurs de conscience sont moins d’une dizaine au motif que ces chiffres sont probablement peu fiables, les lieux restants ayant plus de 10 objecteurs et un indice CO supérieur à celui d’Huddersfield soulèvent des questions intéressantes au sujet du caractère de leurs communautés anti-guerre. Parmi ces lieux, les chiffres pour le Settle Rural District sont les plus surprenants ; du moins avant que l’on étudie de plus près la fiche d’identité des objecteurs individuels. Vingt-neuf des objecteurs de conscience de ce district venaient des villages de High et Low Bentham et étaient presque tous membres de la Société des Amis (quakers). On trouvait dans chaque village un de leurs lieux de cultes, celui à Low Bentham s’appelait Calf Cop et remontait à 17187. La présence de fermiers quakers témoignait de l’existence d’une communauté historique dont les racines remontaient au xviie siècle et qui était très attachée à ses traditions non conformistes. Cette présence reflétait également l’existence de traditions plus récentes : Low Bentham était la ville d’un industriel quaker très paternaliste en la personne de Charles Rawlinson Ford, une figure centrale dans l’antenne locale de la Communauté contre la conscription (NCF, No-Conscription Fellowship)8. On trouvait également à Bentham une branche forte de l’ILP, un composant clef du mouvement anti-guerre national.
Comparaisons avec le Lancashire
13À l’aide du test d’Huddersfield, des calculs semblables peuvent être faits pour tous les comtés britanniques et aboutissent à des résultats variés. Le district du Lancashire est probablement celui qui s’approche le plus du schéma observé dans le West Riding, mais on y trouve également des lieux qui étaient d’après ces chiffres bien plus significatifs que ne l’était Huddersfield.
Figure 3. – Lieux du Lancashire présentant plus d’OC qu’Huddersfield.
Circonscription locale | oc | Indice OC |
Huddersffeld County Borough | 119 | 6,31 |
Blackburn County Borough | 142 | 5,76 |
Liverpool, City and County Borough | 275 | 2,03 |
Manchester, City and County Borough | 325 | 2,37 |
Figure 4. – Lieux du Lancashire dont l’indice OC est supérieur à celui d’Huddersfield.
Circonscription locale | oc | Indice OC |
Huddersffeld County Borough | 119 | 6,31 |
Nelson Municipal Borough | 97 | 12,15 |
Rawtenstall Municipal Borough | 65 | 11,31 |
Worsley Urban District | 17 | 6,39 |
14À nouveau, c’est dans les plus grands centres de population que l’on trouve le plus grand nombre d’objecteurs, bien que le Lancashire présente quelques variantes. Toutes les villes du West Riding avec des communautés d’objecteurs plus importantes que celle d’Huddersfield avaient une population supérieure à 100000 habitants. Ceci n’est pas vrai pour le Lancashire. Seuls trois des agglomérations de plus de 100000 âmes contenaient un plus grand nombre d’objecteurs qu’Huddersfield. L’explication de ce phénomène n’est pas immédiatement évidente, mais il pourrait y avoir une corrélation avec les emplois essentiels en temps de guerre, ainsi qu’avec des niveaux d’enthousiasme patriote que l’on présume supérieurs.
Figure 5. – Population d’OC dans les villes du Lancashire de plus de 100000 habitants.
Villes | Population totale | oc | Indice OC |
Huddersffeld | 107821 | 119 | 6,31 |
Blackburn | 133052 | 142 | 5,76 |
Bolton | 180851 | 55 | 1,63 |
Burnley | 106322 | 43 | 2,14 |
Liverpool | 746421 | 275 | 2,03 |
Manchester | 714333 | 325 | 2,37 |
Oldham | 147483 | 59 | 2,08 |
Preston | 117088 | 27 | 1,28 |
Salford | 231357 | 79 | 1,78 |
15En ce qui concerne les zones aux indices OC les plus élevés, deux d’entre elles ressortent et s’avèrent être des points névralgiques de l’objection de conscience : Nelson et Rawtenstall. L’organisation anti-guerre de chacune de ces villes était caractérisée par une branche puissante de l’ILP. À Nelson, cette branche se voyait renforcée par des liens avec le mouvement pour les droits des femmes en la personne de Selina Cooper, et avec le mouvement anti-guerre dans son ensemble via le journalisme radical de Wilfred Wellock9.
Étude de cas : Bristol
16Tous les lieux identifiés à l’aide du test d’Huddersfield doivent être observés de plus près. Cependant, bien que rien ne puisse remplacer une étude plus approfondie des sources locales, les données du Registre peuvent fournir un certain nombre d’indicateurs très utiles. L’exemple de la ville de Bristol nous permettra ici de démontrer ce qui pourrait être accompli. En reliant les questions soulevées par le Registre à des données obtenues à partir d’un nombre limité de sources locales, on peut déjà commencer à dresser un portrait plus détaillé.
Figure 6. – Bristol (ville et boroughs de comté) – Calculs OC.
Localité | oc | Indice OC |
Huddersffeld County Borough | 119 | 6,31 |
Bristol City and County Borough | 300 | 4,87 |
17Selon la méthode d’Huddersfield, Bristol paraît très intéressante en tant que centre potentiel de sentiment anti-guerre. Bien que son Indice OC soit inférieur à celui d’Huddersfield, son nombre d’objecteurs de conscience est important, et plus élevé que ceux de toutes les autres villes du West Riding ou du Lancashire exception faite de Manchester. En effet, sur une liste nationale des objecteurs de conscience classée par nombre brut d’objecteurs de conscience, Bristol est quatrième derrière Birmingham (660), Manchester (325) et Glasgow (312).
18La nature de la communauté anti-guerre de Bristol devient plus claire lorsque l’on étudie de plus près les entrées du Registre et que l’on découvre ce qui est arrivé à chaque objecteur individuel. Par soucis de commodité, nous avons nommé cette catégorie « Service militaire ». Bien qu’un compte rendu complet n’ait pu être établi, cet échantillon de 93 % peut être considéré comme une base suffisante pour faire ces calculs. Les chiffres ci-dessous suggèrent quelques interprétations préliminaires
Figure 7. – Bristol – Service militaire des objecteurs de conscience.
Service militaire | Bristol |
Inconnu | 17 (5,67 %) |
WNI – Local | 18 (6 %) |
WNI – Pelham | 62 (20,67 %) |
fau | 46 (15,33 %) |
fwvr | 3 (1 %) |
ramc | 2 (0,67 %) |
Soldats OC | 12 (4 %) |
ncc | 57 (19 %) |
Cour Martiale | 79 (26,33 %) |
(Absolutistes) | (33 – 11 %) |
Déserteurs | 4 (1,33 %) |
Totaux | 300 |
19Les catégories de la figure 7 requièrent quelques explications. « Inconnu » parle d’elle-même. Il n’existe pour le moment aucune donnée indiquant ce qui est arrivé à ces vingt objecteurs de conscience de Bristol. Un Travail d’importance nationale fut proposé comme une condition à l’exemption de service combattant pour les objecteurs de conscience ; l’attribution d’un tel poste était gérée par le tribunal local ou au Parlement, par le Pelham Committee. Cela pouvait être dans l’agriculture, dans des secteurs industriels vitaux mais non liés à la guerre, ou même dans la production de munitions. La FAU (Friends’ Ambulance Unit) et la FWVRS (Friends’ War Victims Relief Service) étaient des initiatives humanitaires principalement mais pas exclusivement composées de quakers. L’histoire derrière le RAMC (Royal Army Medical Corps) est complexe, mais on peut montrer qu’il s’agissait là d’une option non-combattante qu’un certain nombre d’objecteurs de conscience étaient prêts à envisager. Il en va de même pour le NCC (Non-Combatant Corps), bien que leur travail relève d’habitude moins de l’humanitaire. Les « Soldats OC » étaient ceux qui cessèrent leur objection de conscience et acceptèrent un véritable service militaire, tandis que la catégorie « Cour Martiale » regroupe les hommes qui refusèrent d’obéir aux ordres lorsqu’ils furent appelés et passèrent en cour martiale. Parmi ceux-là, on trouvait les « absolutistes » qui refusaient d’avoir quoi que ce soit à faire avec les programmes du gouvernement pour objecteurs de conscience, et qui passèrent le plus long de leur « service » en prison. Cette catégorie inclut également ces hommes qui, après une ou plusieurs peines de prison, acceptèrent un poste dans l’un des programmes pour objecteurs du Home Office. Ils firent alors leur service dans un des centres de travail des prisons de Dartmoor, Warwick, Wakefield ou Knutsford, ou bien dans les programmes qui les envoyaient travailler aux carrières, construire des routes, s’occuper des réserves d’eau, ou faire tout autre travail « utile » sans lien apparent avec la guerre.
20Les différentes activités listées ci-dessus peuvent être vues comme symbolisant le type de position anti-guerre que les objecteurs étaient prêts à adopter, ainsi que la façon dont ils traduiraient cette position en action. Grosso modo, les objecteurs de conscience peuvent être divisés en deux groupes : ceux qui étaient prêts à faire un certain nombre de concessions à l’endroit de la guerre, et ceux qui ne l’étaient pas. Par conséquent, on pourrait affirmer que ceux qui étaient prêts à accepter un Travail d’importance nationale, ceux qui servaient dans la FAU et la FWVRS, ceux qui rejoignaient le RAMC et même les membres du NCC faisaient à leur façon un compromis avec la guerre et ses systèmes. Si cette affirmation est valide, alors par comparaison avec le chiffre « National » théorique de 60 %, bien plus de 70 % des objecteurs de conscience de Bristol firent un compromis (la concession la plus radicale au système étant celle des neuf hommes qui cessèrent leur objection et rejoignirent les rangs de l’armée).
21Sur les 80 objecteurs de conscience de Bristol qui acceptèrent un Travail d’importance nationale, 62 furent engagés dans des travaux supervisés par le Pelham committee. Les dix-huit restants furent exemptés de service combattant par le tribunal de Bristol et restèrent sous leur supervision jusqu’à la fin de la guerre. Les données tirées du Registre fournissent des preuves très détaillées pour treize d’entre eux. Pour ce qui est de leurs motifs, douze étaient des quakers et le dernier était un prédicateur laïc méthodiste membre de l’ILP. On permit à environ une moitié d’entre eux de rester chez eux et de conserver leur emploi précédent, après qu’eux ou leur employeur aient fait appel de la décision. Le reste fut envoyé trouver un emploi dans les fermes ou les cultures maraîchères locales. Deux d’entre eux travaillaient bénévolement dans une auberge de jeunesse (YMCA) et furent exemptés à la seule condition qu’ils poursuivent ce travail.
22La plupart des 62 ou plus objecteurs de conscience envoyés au Pelham committee eurent également la permission de rester près de leur domicile. Contrairement à ce qui se produisait dans d’autres zones, les autorités ne semblaient pas particulièrement souhaiter qu’ils quittent le district. Un certain nombre fut envoyé travailler pour des maraîchers de l’autre côté du canal de Bristol, dans le sud du pays de Galles. Un homme travailla pendant une courte période à Huddersfield pour les teintures britanniques, un autre dans une usine chimique à Fleetwood. La majorité demeura cependant à Bristol ou dans son voisinage immédiat, très probablement en raison de la diversité des industries et de l’agriculture locales, ainsi que de la pénurie croissante de main-d’œuvre dans ce qui était considéré comme des secteurs cruciaux pour la guerre. L’agriculture et le maraîchage dans les régions voisines du Somerset et dans le reste de la région de Bristol étaient des destinations fréquentes, mais les industries de Bristol même proposaient une grande quantité de postes, en particulier dans le quartier des docks à Avonmouth. Dans cette zone, on pouvait exercer les métiers de manutentionnaire, meunier ou savonnier, réparer des navires marchands ou encore produire de l’engrais à la Avon Manure Company. Pour les objecteurs de conscience soucieux d’éviter tout travail qui contribuerait directement à l’effort de guerre ou craignant de forcer ceux qu’ils remplaceraient à s’engager, ces emplois s’avérèrent acceptables. Cela ne signifie pas pour autant que leur présence était toujours bienvenue. Au moins trois hommes de Bristol durent quitter l’emploi qui leur avait été assigné face à l’opposition de travailleurs effrayés à l’idée d’être remplacés par ces objecteurs et d’ainsi devoir s’engager.
23Les chiffres pour les deux principales organisations de la Société des amis, la FAU et la FWVRS, donnent une idée de l’importance de la communauté quaker à Bristol. Sur les 300 objecteurs de conscience de Bristol présents sur le Registre, au moins 81 étaient membres de la Société des amis. Les quakers avaient un rôle important dans l’économie locale, l’exemple le plus connu étant la famille Frys qui était des producteurs de chocolat. Les quakers jouaient également un rôle actif dans la politique locale du parti Libéral. Par exemple, Edwin George Clark, membre de l’assemblée de Frenchay et objecteur de conscience, était membre de la Peace Society ainsi que des East Bristol Young Liberals.
24Les quakers n’étaient pas les seuls croyants de Bristol qui s’opposèrent à la guerre et à la conscription. Un groupe de douze christadelphes exercèrent un Travail d’importance nationale. Dix membres de la confrérie de Plymouth acceptèrent de servir dans le NCC. Enfin, une poignée d’autres non-conformistes dont des baptistes, des méthodistes, des unitariens, des congrégationalistes et même un membre de l’Association internationale des étudiants de la Bible (les futurs témoins de Jéhovah), trouvèrent leurs propres solutions.
25Même si les objecteurs de conscience de Bristol avec des motifs « politiques » ne furent pas rares parmi les hommes qui acceptèrent un WNI ou qui furent membre du NCC, on en trouve le plus souvent parmi ceux qui adoptèrent une position ferme. En d’autres mots ceux qui, lorsqu’ils arrivèrent dans l’armée, refusèrent d’obéir aux ordres, passèrent devant une cour martiale et furent envoyés en prison. Au moins 79 hommes de Bristol, soit 26,33 % du total, suivirent cette ligne de conduite, tandis que le chiffre national théorique était de 40,6 %. Cependant, une proportion légèrement supérieure de ceux-ci (11 % contre 8,8 % à l’échelle nationale) adopta une position absolutiste. Difficile de savoir comment lire ces chiffres. En première approximation, on pourrait dire que bien que la majorité des objecteurs de conscience de Bristol ait adopté une position modérée et conciliante, une proportion significative des plus déterminés ne fit absolument aucun compromis.
26Si on peut dire que l’influence des quakers était palpable dans tout le mouvement anti-guerre à Bristol, alors la minorité partisane d’une ligne dure et opposée à tout compromis reflète la présence et l’idéologie d’une autre communauté, elle plus laïque. Cette communauté était socialement et politiquement radicale, Libérale en quelques occasions, plus souvent socialiste et, dans certains cas, révolutionnaire. Elle réunissait à la fois le mouvement travailliste local et la frange plus radicale du mouvement pour les droits des femmes de Bristol. Cette communauté a pour origine les événements politiques que connut Bristol au xixe siècle.
27Historiquement, la ville de Bristol était connue comme un centre potentiel de radicalisme politique. À l’automne 1831, durant les violents événements politiques qui accompagnèrent les débats autour du Great Reform Bill, des émeutiers prirent temporairement le contrôle de la ville. Ils forcèrent les portes des prisons, mirent à sac la Mansion House et brûlèrent le palais épiscopal. Au tournant du siècle, cependant, le mouvement radical de la ville agissait de façon plus pacifique. Ici comme ailleurs, la plupart des espoirs de réforme sociale avaient été misés sur le mouvement syndical et le parti Libéral. Cependant, en 1885, lorsque le jeune Ramsay McDonald vint travailler quelques mois à Bristol, un autre élément avait rejoint l’alchimie politique de la ville :
« Bristol était un des points névralgiques de la renaissance socialiste qui avait eu lieu dans les années 1880 parmi divers groupes d’idéalistes issus de la classe moyenne et chez les travailleurs éclairés. Il existait une tradition florissante de radicalisme ouvrier… et, lorsque McDonald arriva là-bas, c’était une des rares villes de province d’Angleterre à pouvoir se targuer d’avoir une organisation socialiste active10. »
28Cette « organisation socialiste active » était la branche de Bristol de la Social Democratic Federation : la Bristol Socialist Society (BSS). Ils soutenaient avec enthousiasme le Clarion movement de Blatchford. Ils avaient leur propre Bristol Socialist Rambling and Propaganda Society, mais ils appuyaient également les antennes locales du Clarion Cycling Club (Club cycliste de Clarion) et des Clarion Scouts. Depuis près de trente ans, ils avaient montré leur loyauté à la Social Democratic Federation de H.M. Hyndman, ainsi qu’à l’organisation qui lui succéda : le British Socialist Party ; ils étaient donc peu prédisposés à s’aligner sur le reste de la communauté anti-guerre. Dan Irving, futur député travailliste de Burnley, « socialiste patriote » et un pur produit du BSS tout comme le député travailliste de South Leeds James O’Grady, était probablement représentatif de leur opinion durant la guerre11.
29Une autre composante importante de cette communauté radicale en pleine croissance avait un point de vue très différent sur la guerre : il s’agissait de l’antenne de Bristol de l’Independent Labour Party (ILP). En 1914, on peut considérer qu’il avait remplacé le BSS comme champion du socialisme dans la ville, et l’un de leurs meneurs, Walter Ayles, était un des objecteurs de conscience les plus déterminés de Bristol. L’antenne de Bristol de l’ILP avait fondé sa propre Jeune guilde socialiste (Socialist Guild of Youth) et avait ressuscité la Sunday School socialiste (SSS). En 1914, ces deux organisations connaissaient déjà un certain succès. Cependant, la question de la proximité du SSS et de l’ILP reste assez nébuleuse. En 1915, un certain nombre de ses membres étaient associés à la petite branche de Bristol du Socialist Labour Party (SLP), un parti de la gauche radicale.
30À Bristol, le début de la guerre en 1914 raviva le souvenir d’anciennes campagnes pacifistes. Comme à Huddersfield, il y avait eu un précédent à Bristol durant la guerre des Boers quand un groupe « Contre la guerre » s’était rassemblé. On y trouvait des membres du Conseil syndical local (Trades Council), de l’ILP et du BSS ainsi que des représentants des assemblées quaker locales. Ils descendirent dans la rue pour défendre leur cause mais furent fréquemment la cible de harcèlement et d’insultes. Malgré tout, une partie de l’esprit de cette campagne semble avoir survécu et fut ainsi rapidement ressuscitée en 1914. Bien que cette fois-ci les « socialistes patriotes » du BSS aient gardé leurs distances, l’ILP maintint sa position anti-guerre et les assemblées locales de la Société des amis honorèrent, pour la plupart d’entre eux, le témoignage de paix des quakers. Par conséquent, Bristol avait ses propres branches de la plupart des organisations anti-guerre : la Communauté pour la réconciliation (Fellowship of Reconciliation, FOR), l’Union de contrôle démocratique (Union of Democratic Control, UDC), et la No-Conscription Fellowship (NCF). Il existait également le Comité consultatif paritaire de Bristol sur les objecteurs de conscience (Bristol Joint Advisory Committee on Conscientious Objectors) et le Conseil pour la paix (Peace Council). Ceux-ci avaient apparemment été créés de la même manière que ceux qui, en d’autres lieux et tout comme le groupe contre la guerre des Boers, avaient rassemblé quakers, membres de l’ILP et, à cette occasion, des membres du mouvement pour les droits des femmes.
31Au-delà des questions ouvertement « politiques », on pourrait affirmer que d’autres éléments de la société de Bristol d’avant 1914 ont contribué à la montée de cette communauté importante, inquisitrice, et fréquemment radicale. Un de ces éléments fut le Centre universitaire (University Settlement)12 de Bristol. Il avait été créé en 1911 dans le quartier pauvre de Barton Hill et, comme les Centres universitaires ailleurs en Angleterre, « souhaitait éduquer et porter assistance aux pauvres » Ses membres avaient fait l’acquisition d’un groupe de maisons, et en octobre 1911 les trois premiers résidents y avaient emménagé. Cette organisation n’avait qu’un lien assez éloigné avec l’université, et était principalement financée et dirigée par des citoyens de Bristol, dont des membres importants de la communauté quaker. Le Centre en lui-même ne se voulait ni sectaire ni politique. Cependant, les trois premiers résidents, Hilda Cashmore, Lettice Jowitt et Mabel C. Tothill, étaient quakers de naissance ou l’étaient devenus « par conviction ». Le travail mené par le Centre incluait l’éducation et le soutien aux plus pauvres et il débuta en fournissant une aide aux mères et aux enfants. Nonobstant ces travaux humanitaires, ou peut-être à cause de ces derniers, le Centre universitaire devint objet de suspicion durant la guerre13. Le 28 août 1915, un article du Morning Post faisait allusion à une « intrigue pacifiste » à l’université de Bristol.
32Mabel C. Tothill était au centre de ces allégations. Elle n’était pas de la région mais venait de Liverpool où elle était née en 1868, fille d’une famille prospère dont le père exerçait une profession libérale. La famille déménagea ensuite à Cottingham près de Hull où Mabel s’impliqua pour la première fois dans un travail social : elle « organisait des cours pour les enfants, des clubs pour jeunes filles, promouvait la création de bibliothèques, essayait d’apaiser leur détresse et faisait tout travail qui était prometteur pour les moins fortunés de ce monde14 ». En 1901, son père, un veuf de 71 ans, était revenu avec ses deux filles Mabel et Gertrude dans sa Bristol natale. Mabel reprit à Bristol les activités qu’elle avait quittées à Hull et s’impliqua dans toutes sortes d’œuvres sociales. C’est ce travail qui l’amena au Centre de Bristol en 1911. Elle avait fait campagne toute sa vie pour les droits des femmes, et fut donc présidente de la branche d’East Bristol de la National Women’s Suffrage Society pendant quelques années, puis fut par la suite membre de l’ILP. Élevée dans une famille anglicane, elle était devenue quaker et avait fait sien le pacifisme prôné par la Société des amis. C’est cet engagement qui l’amena en 1915 à devenir Secrétaire de la FOR de Bristol et, peu après, Conseil pour la paix de Bristol et du Comité aux objecteurs de conscience local. C’est également cet engagement qui impliqua Mabel, le Centre universitaire et l’université elle-même dans le tumulte autour de la prétendue « Intrigue pacifiste ». Par inadvertance ou par naïveté, Mabel avait utilisé sa propre adresse, qui était celle du Centre universitaire, en tant qu’adresse de la branche du FOR. La presse avait eu vent de ce fait, d’où l’attaque du Morning Post. L’université était aussi inquiète pour sa réputation que l’était le Centre universitaire, et elles s’empressèrent de s’éloigner l’une de l’autre, ou de nier ces allégations. Conséquence positive de cette affaire : le Lord Mayor de Bristol mena pour le compte du City Council une investigation qui lava l’université de tout soupçon de « pro-Germanisme », mais qui fit de Mabel la cible de critiques sur la façon dont son activité anti-guerre avait compromis le Centre15.
33Ces révélations et la censure manifeste à laquelle se livrèrent le City Council, l’Université et ses collègues du Centre ne semblent pas avoir un effet autre que temporaire sur Mabel Tothill et son engagement de principe contre la guerre. À l’été 1916 elle était devenue secrétaire du Comité aux objecteurs de conscience de Bristol et fut l’auteur d’un certain nombre des pamphlets diffusés par cette organisation dans les deux années qui suivirent. Elle s’impliquait activement dans la branche locale de la NCF et son adresse du 27 Rosemary Street était un point central pour les objecteurs de conscience de Bristol. Roland Reinge et son frère Sidney, tous deux objecteurs, furent arrêtés pour désertion en décembre 1916 et relâchés dans l’attente de leur procès. Roland relate ainsi ces événements :
« On s’est ensuite rendu au 27 Rosemary Street pour raconter à Mabel Tothill ce qui s’était passé. C’était une dame quaker qui dévouait presque tout son temps aux objecteurs de conscience et pour laquelle j’ai la plus profonde gratitude… [Elle] était venue vivre à Rosemary Street, une maison qui jouxtait le terrain de la maison des Amis, lorsque la conscription entra en vigueur. Là-bas, avec l’aide d’autres femmes pacifistes, elle tenait ouverte une maison toujours accueillante où les objecteurs de conscience, peu importe leurs croyances religieuses ou politiques, pouvaient obtenir des informations. Une liste des noms et adresses des objecteurs de conscience était tenue et, quand le tribunal local était en séance, un certain nombre de sympathisants étaient toujours présents pour soutenir les objecteurs et observer scrupuleusement la procédure et l’attitude des membres du tribunal16. »
34Son implication dans le mouvement anti-guerre et dans la politique de l’ILP l’amena à prendre contact avec d’autres tendances radicales de la politique anti-guerre en Grande-Bretagne. Le 30 mai 1917, elle signa une lettre à la presse en tant que présidente du Conseil pour la paix de Bristol pour accueillir la convention de Leeds. Plus tard, en juillet, elle était également impliquée lorsque 116 délégués des mouvements travaillistes et socialistes locaux se rencontrèrent pour discuter de la création pour Bristol de son propre Comité provisoire du Conseil des soldats et travailleurs (Provisional Committee of the Workers’ and Soldiers’ Council). Près d’un an plus tard, Mabel était à l’initiative d’une pétition au parlement appuyée par le Conseil syndical local demandant la libération de 35 objecteurs de conscience de Bristol dont beaucoup étaient emprisonnés depuis plus de deux ans. La pétition fut rejetée mais la réputation de Mabel, vue comme une activiste déterminée et ayant des principes, n’en fut pas ternie. À tel point qu’en 1920, lorsqu’elle se présenta comme candidate pour l’ILP, elle fut élue sans connaître la moindre opposition en tant que toute première femme au conseil municipal de Bristol17.
35Mabel Tothill était clairement au centre de la communauté anti-guerre de Bristol. C’était une femme issue d’un milieu aisé qui avait des contacts dans de nombreux secteurs du militantisme social, politique et industriel, de la Société des amis au Centre universitaire en passant par les ouvrières et les membres de l’ILP. En tant que telle, elle représentait bien le rassemblement de différentes formes de radicalisme d’avant-guerre qui fut déclenché par l’opposition au conflit, et qui ne pouvait arriver auparavant pour des questions de classe et de partis. On peut affirmer que ce genre de rassemblement n’était possible que lorsque des personnes comme Mabel Tothill y prenaient part. Cependant, d’autres femmes de Bristol, très différentes, aidèrent à peupler ce centre d’accueil. Parmi les « autres femmes pacifistes » qui dirigeaient le centre pour objecteurs de conscience du 27 Rosemary Street, certaines avaient des bagages assez différents. Et en particulier M. Annie Chappelle. En 1916, elle était secrétaire de la branche de Bristol de la NCF18. Son adresse n’était pas à Rosemary Street mais sur Kensal Road dans le district de Bedminster. Elle partageait cette adresse avec son mari, Albert Edward Chappell, un imprimeur. Il est décrit dans diverses sources comme un syndicaliste, membre de l’Union nationale des imprimeurs et travailleurs de l’imprimerie (National Union of Printers and Print Workers), membre du SSS de Bristol, agnostique, et chose la plus importante, secrétaire de la branche de Bristol du Socialist Labour Party. Le SLP était un groupe marxiste déterminé et, après la guerre, un des principaux éléments dans la formation du Parti communiste de Grande Bretagne ; ils adoptèrent contre la guerre une position socialiste révolutionnaire.
36La branche de Bristol du SLP, cependant, n’était apparemment qu’une petite partie de l’extrême gauche locale, et ne fut qui plus est que de courte durée. Elle avait malgré tout des liens avec le mouvement contre la guerre plus large, et en particulier avec le SSS de Bristol. Cinq des objecteurs de conscience de Bristol peuvent être identifiés comme membres du SSS : Chappell lui-même, William Livingstone, William Gould, Alfred Adams et William Wall. À part Chappell, aucun d’entre eux ne fut reconnu comme membre du SLP. Cependant, trois d’entre eux suivirent l’exemple d’une faction du SLP et tentèrent de fuir le service militaire. Livingstone, décrit par les forces de l’ordre comme « parti pour éviter l’arrestation », semble avoir réussi à éviter d’être capturé jusqu’à l’été 1918, durant lequel il fut arrêté à Axbridge dans le Somerset, à quelques trente kilomètres de son domicile. Gould, qui avait été livré à l’armée en 1916, passé en cour martiale et envoyé en prison en juin, arriva à s’enfuir deux fois avant d’être envoyé dans un programme du Home Office. Wall a peut-être même essayé de rejoindre le « Flying Corps » du SLP en Écosse19. Ce « flying corps » de membres du SLP avait été imaginé dans le journal du parti, the Socialist, lorsque la conscription était entrée en vigueur. Leur objectif était de réunir des membres qui prendraient le maquis et camperaient dans la nature, une sorte de guérilla révolutionnaire qui ferait des apparitions de temps à autre dans des centres de population pour distribuer des pamphlets et tenir des assemblées avant de retourner se cacher. Wall disparut de Bristol et fut plus tard arrêté dans le Nord-Est de l’Écosse où il comparut devant la Maxwelltown Sheriff Court en avril 1916, accusé de désertion selon le Military Service Act. Ernest Stanley Oxley était un autre membre de ce groupe de jeunes objecteurs de conscience de Bristol ayant pris la fuite. On ne peut que spéculer sur ses liens avec le SLP ou le SSS. Ce qui est certain est qu’il était membre du NCF, et qu’il se décrivait comme un « libre-penseur » et un socialiste. Il semblerait que lui et William Wall soient allés en Écosse ensemble. Il fut également arrêté là-bas en avril 1916 mais, contrairement à Wall, ne fut pas jugé pour désertion mais livré à l’armée à la caserne d’Ayr. Ce qui rend son amitié avec Wall probable est qu’ils avaient tous deux travaillé à la Co-operative Wholesale Society à Bristol.
37On peut affirmer que Walter Henry Ayles était une des grandes figures du mouvement anti-guerre de Bristol ainsi qu’un activiste important au niveau national. Né à Wandsworth en 1879, il s’installa ensuite à Bristol où il devint un membre actif du mouvement syndical et se fit rapidement une place dans la branche locale de l’ILP alors en pleine croissance. C’était un socialiste éthique, un chrétien pratiquant et également un prédicateur laïc congrégationaliste. En 1909, il devint un agent et organisateur à temps plein pour l’ILP de Bristol, et en 1914 il était également devenu membre travailliste du conseil municipal, et candidat parlementaire prospectif pour Bristol East. Tout comme Mabel Tothill, il était membre du FOR et de l’UDC. Il était également, avec Fenner Brockway, un des fondateurs du NCF. Étant donné tout cela, sa profession de pacifisme fut exemplaire. Il refusa tous les programmes du gouvernement et devint un absolutiste déterminé. Par conséquent, après avoir été livré à l’armée en novembre 1916, être passé trois fois en cour martiale, et avoir purgé des peines de prison à Wormwood Scrubs, Wandsworth, Dorchester et Armley, il fut finalement relâché en avril 1919. Il devint par la suite député de Bristol North à deux reprises entre 1922 et 1931, puis de Southall, puis de Hayes and Harlington entre 1945 et 195320.
38Rien de tout ceci ne doit cependant suggérer que durant la guerre et les années qui suivirent le mouvement anti-guerre de Bristol fut particulièrement populaire, ou que les objecteurs de conscience étaient bien vus. La presse et les faiseurs d’opinion dans le reste de la communauté firent part de leur dédain, et parfois de leur franche hostilité, ce qui contredisait toute notion de tolérance ou de liberté de parole et d’association. En cela, ils suivaient le mouvement initié par les délires mensongers et jingoïstes de la presse de Londres et la complicité des politiciens les plus en vue. Le scandale autour de « l’intrigue pacifiste » au Centre universitaire en fut un parfait exemple. La controverse après-guerre autour de la réhabilitation des instituteurs exerçant dans des écoles locales et ayant été objecteurs de conscience en est un autre. En mai 1919, une résolution fut proposée lors d’une assemblée du Comité à l’éducation de Bristol (Bristol Education Committee) pour qu’Arthur Edward Newman, un ancien instituteur de Bristol, soit réhabilité. Newman, un méthodiste membre de la NCF et du FOR, avait adopté une position absolutiste et de sa première arrestation en septembre 1916 jusqu’en avril 1919, avait purgé un certain nombre de peines de prison. Le Comité à l’éducation refusa sa réhabilitation par 20 voix contre 2 et les tentatives suivantes pour le réhabiliter furent également rejetées.
39Quoi qu’il en soit, ce degré d’antipathie au sein du conseil municipal ou dans la presse locale fut contredit seulement trois ans après par l’élection d’Ayles en tant que député de Bristol North. Comme James Hudson à Huddersfield, son passif d’objecteur de conscience absolutiste convaincu ne s’avéra pas être un handicap politique. Ceci amène au moins deux observations : d’abord, le sentiment contre les objecteurs de conscience ne survécut pas longtemps après la guerre ; ensuite, peut-être que les opinions exprimées dans la presse et dans les conseils étaient finalement différentes de celles du reste de la population de Bristol.
*
40À partir des modestes preuves présentées ci-dessus, on peut affirmer que le Registre constitue une opportunité de travailler à une compréhension plus détaillée de la façon dont les diverses communautés de Grande-Bretagne réagirent à la première guerre mondiale. Bien que principalement intéressante pour identifier les opposants à la guerre, une cartographie du nombre d’objecteurs de conscience permet aussi d’indiquer des zones où la guerre semble avoir été plus généralement acceptée. Dans les deux cas, il fournit un nouvel outil de recherche qui permet une étude plus nuancée des attitudes populaires quant à la guerre, et l’opportunité de raconter une histoire plus proche de la réalité de ces communautés. En tant que source de données interactive, le Registre invite les utilisateurs à contribuer et va ainsi probablement voir son niveau de précision et de détails s’accroître dans les années à venir. Peut-être que lorsque nous approcherons enfin de la fin de la période commémorative du centenaire de la guerre nous pourrons alors non seulement savoir s’il y avait « d’autres Huddersfield », mais également répondre à une question plus importante ; celle de savoir si, étant donné l’immense diversité des expériences locales, nous pourrons encore nous permettre d’évoquer une unique et uniforme réaction « britannique » à la guerre.
Annexe
Annexe
Ill. 1. – Objecteurs de conscience d’Huddersfield au Centre de travail de la prison de Wakefield, 1918 (Pearce Collection).

Ill. 2. – Mabel Tothill, Bristol (Bristol Archives, 44562/3).

Ill. 3. – Bertha et Walter Ayles, Bristol, 1911 (Bristol City Reference Library).

Ill. 4. – Arthur Gardiner, Huddersfield (Pearce Collection).

Ill. 5. – Florence Shaw, Huddersfield (Pearce Collection).

Notes de bas de page
1 Pearce C., « An interview with Wilfrid Whiteley », Bulletin of the Society for the Study of Labour History, n° 18, printemps 1969, p. 14-22.
2 Pennell C., A Kingdom United : Popular Responses to the Outbreak of the First World War in Britain and Ireland, Oxford, Oxford University Press, 2012, p. 1 : « No single account can do justice to the full range of responses. But one thing is certain : an entire population’s feelings cannot adequately be described by the monolithic label of “war enthusiasm”. »
3 Gregory, A., The Last Great War : British Society and the First World War, Cambridge, Cambridge University Press, 2008, p. 11 : « Discussion of responses to the war in Britain have been remarkably blind to major divisions in Edwardian society, particularly along regional (or national), class and gender lines. Any reconsideration must break down generalisations about “the British” and examine particular groups more closely. »
4 Rae J., Conscience and Politics : The British Government and the Conscientious Objector to Military Service 1916-1919, Oxford, Oxford University Press, 1970, annexe F.
5 Boulton D., Objection Overruled, Londres, McGibbon & Kee, 1967, p. 139 ; Graham J. W., Conscription and Conscience : A History 1916-1919, Londres, George Allen and Unwin, 1922, p. 349 ; Pearce C., Comrades in Conscience : An English Community’s Opposition to the Great War, Londres, Francis Boutle, 2001, p. 175-176.
6 Pearce Register of British First World War Conscientious Objectors, Imperial War Museum, « Lives of the First World War » [https://search.livesofthefirstworldwar.org/search/world-records/conscientious-objectors-register-1914-1918], depuis mai 2014. Les détails sur chaque objecteur de conscience individuel et les résumés statistiques sont tous tirés de cette même source.
7 Butler D., The Quaker Meeting Houses of Britain, Londres, Friends’ Historical Society, 1999.
8 Craven Herald, 5 mai 1916 ; Pafford E. R. et John H. P., Employer and Employed : Ford, Ayrton & Co. Ltd., Silk Spinners, With Worker Participation, Leeds and Low Bentham (1870-1970), Edington, Pasold Foundation, 1974.
9 Liddington J., The Life and Times of a Respectable Rebel : Selina Cooper 1864-1946, Londres, Virago, 1984 ; Rigby A., A Life in Peace : A biography of Wilfred Wellock, Bridport, Dorset, Prism Press, 1988.
10 Marquand D., Ramsay MacDonald, Londres, Jonathan Cape, 1977, p. 16 : « Bristol was one of the focal points of the socialist revival which took place in the 1880s among scattered groups of middle-class idealists and thoughtful working men. It had a flourishing tradition of working-class radicalism… and, when McDonald arrived there, it was one of the few provincial cities in England which could boast an active socialist organisation. »
11 Bryer S., An Account of the Labour and Socialist Movement in Bristol, Bristol, re-imprimé du Bristol Labour Weekly, parties 2 and 3, 1931.
12 Le settlement movement était un mouvement social réformiste qui démarra dans les années 1880, et qui atteint son apogée dans les années 1920 en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Son but était d’amener les riches et les pauvres à vivre dans une plus grande proximité, comme une communauté interdépendante.
13 Jennings H., University Settlement, Bristol : Sixty Years of Change, 1911-1971, Bristol, Bristol University Settlement Bristol Community Association, 1971.
14 « Organising children’s classes, girls’ clubs, promoting the establishment of libraries, relieving distress and in any work which promised well for the less fortunate in the world » (Bristol Times and Mirror, 1921-1922).
15 Western Daily Press, 2 octobre 1915.
16 « We then paid a visit to 27, Rosemary Street to let Mabel Tothill know what had happened. She was a Quaker lady who devoted practically her whole time to the conscientious objectors and to whom I am deeply grateful… [She] came to live at Rosemary Street, a house adjoining the Friars [Friends’] Meeting House premises when conscription was introduced. There, with the help of other paciffst women, an open and ever-friendly house was kept where objectors, irrespective of religious or political beliefs could go for information. A list of CO names and addresses was kept and, when the local Tribunal sat, a number of sympathisers would always be in attendance to give support and carefully watch the procedures and attitudes of the Tribunal members. » University of Leeds Library, Special Collections, Liddle Collection, CO/078, Reinge.
17 Hannam J., Bristol Independent Labour Party : Men, Women and Opposition to the War, Bristol, Bristol Radical History Group, Bristol Radical Pamphleteer, #31, 2014.
18 Voir la Catherine Marshall Collection.
19 Challinor R., The Origins of British Bolshevism, Londres, Croom Helm, 1977, p. 143-144.
20 Boulton D., Objection Overruled, 1967, op. cit., p. 108, 181, 261.
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