Géographie incarnée de la résistance en Angleterre
Nouvelles tactiques et réactions, 1830-1848
p. 135-157
Texte intégral
1Le 17 novembre 1830, Monsieur Butterworth, d’Oldham, dans le Lancashire, nota dans son journal intime, ouvert à de nombreux sujets :
« Chute du duc de Wellington : lundi soir, un important rassemblement d’ouvriers et d’autres individus, habitant Mill Bottom et ses environs, s’est formé à cet endroit ; ayant préparé une effigie du héros de Waterloo, ils l’ont ornée d’un habit brun et l’ont finalement fait exploser avec de la poudre, au milieu d’un grand feu de joie, tandis qu’une fanfare encerclait le groupe. Une effigie de ce même éminent personnage fut également brûlée le même soir à Lees, alors que la foule défilait dans ce village peuplé1. »
2Cette liesse communautaire eut lieu au début de la « crise de la réforme » qui agita la Grande-Bretagne jusqu’au vote du premier Reform Act, dix-huit mois plus tard. Le Premier Ministre, le duc de Wellington, avait démissionné après l’échec de son gouvernement lors du vote de la liste civile, le 15 novembre 1830. Quand la nouvelle de la chute de son gouvernement tory atteignit les villes et villages industriels du Nord de l’Angleterre, les habitants pro-réforme réagirent par des manifestations rituelles. Les effigies brûlées à Oldham ne furent qu’une des nombreuses expressions de la pression populaire en faveur d’une loi de réforme visant à élargir l’électorat et à redistribuer les circonscriptions au profit des villes industrielles non représentées jusque-là2.
3Durant la crise de la réforme, entre 1830 et 1832, brûler un personnage en effigie était une tactique courante dans l’agitation populaire. Quelques semaines avant la démission du gouvernement, Wellington prononça à la chambre des Lords un discours de défi, dans lequel il écartait toute possibilité de réforme constitutionnelle. À Carlisle, dans le Cumberland, les tisserands du quartier ouvrier de Caldewgate défilèrent aux flambeaux avec une effigie de Wellington sur un mât, qu’ils suspendirent aux réverbères de la croix du marché, face à l’hôtel de ville. Le lendemain soir, sans doute à cause de la forte proportion de tisserands irlandais dans la ville, le même sort fut réservé à sir Robert Peel, qui avait démissionné de son poste de Home Secretary après avoir voté contre l’extension des droits politiques aux catholiques. Le troisième soir, « au lieu d’une effigie, un panneau où était inscrit “Mort à la Constitution” fut porté entre les flambeaux » ; la procession incluait un drapeau tricolore et un drapeau rouge exigeant le « Suffrage universel ». Les journaux signalèrent que les événements avaient été très ordonnés, les participants suivant un rituel consistant à faire trois fois le tour de la croix du marché avec l’effigie. Les protestations furent pacifiques, et on estime à 5000 personnes le nombre des participants, dont un quart de simples spectateurs3.
4La protestation populaire est un phénomène corporel. Le corps, physique est symbolique, y reflète un sentiment collectif de soi. Par la force du nombre, les protestataires créent un corps collectif lors des assemblées pacifiques. Mais le corps servait aussi comme forme de résistance à la violence, surtout contre les corps de l’État accusés d’usage illégal de la force contre la population. Dans leur mouvement corporel, les protestataires respectaient une sorte de chorégraphie, leurs gestes et leur jeu théâtral étant conçus pour transformer les espaces où ils se produisaient. La protestation incarne l’espace. Les géographes de la résistance ont souligné que la protestation est le produit de – et est productive de – rencontres « affectives » entre les corps et leur environnement4. Par l’utilisation des effigies, la foule amplifiait et caricaturait la forme du corps, suscitant le rire moqueur parmi le public et la peur parmi les personnalités visées. Le choix du lieu avait une signification symbolique : en brûlant l’effigie devant la maison de la cible ou sur les sites les plus publics d’une ville ou d’un village, les protestataires présentaient une menace directe pour l’autorité politique. De plus, comme le montre l’incendie de l’effigie, la protestation corporelle n’avait pas besoin d’être physiquement violente pour avoir un effet puissant. Selon Carl Griffin, la résistance rurale, y compris pendant les Swing Riots du début des années 1830, inspirait souvent la peur à distance, en se servant de la représentation de la douleur physique sur des représentations incarnées (effigies, arbres et animaux). Cette forme de « violence désincarnée » pouvait causer chez ses victimes une détresse psychologique aussi grave et aussi néfaste que la violence physique. Était donc violente toute action qui « provoque une réaction corporelle par le biais de la terreur5 ».
5 Les effigies comptaient parmi les nombreuses formes habituelles de protestation évoquant le corps, le sang, la famine et autres tropes corporels. Ces symboles incluaient le pain imbibé de sang, les images de squelettes, les lettres de menace et la violence ciblée à l’encontre de personnes, d’animaux et d’arbres. Cet article met l’accent sur la continuité et l’adaptation des moyens traditionnels de protestation – corporels et sanguinaires – depuis le début de l’époque moderne jusqu’à la première moitié du xixe siècle. Il n’y eut pas de brusque changement de tactique, ni de glissement de la protestation « rurale » et « coutumière » vers des formes « urbaines » et « modernes ». Les communautés urbaines adaptèrent plutôt les formes coutumières de protestation à leurs circonstances et à leurs cibles nouvelles6. Le rituel du charivari impliquait un sentiment de justice communautaire pour défendre les normes et droits locaux. E.P. Thompson, on le sait, a reconnu dans les émeutes alimentaires du xviiie siècle la défense d’une « économie morale ». Les émeutes alimentaires devinrent moins fréquentes au début du xixe siècle, mais comme l’a montré Peter Jones dans son étude des Swing Riots, l’idée de recourir à la justice communautaire pour imposer une économie morale des salaires et des prix fut transférée vers les nouvelles circonstances d’autres formes d’action collective plébéienne7.
6Les années 1830 et 1840 furent en Grande-Bretagne une période de rapide changement politique et socioéconomique. Ce fut l’ère des réformes, où le nouveau gouvernement whig-libéral mit en place dans la législation ce qui fut perçu comme des bouleversements de grande ampleur. Parmi ces transformations, le premier Reform Act accordait une représentation aux villes industrialisées du Nord et des Midlands, et une législation socioéconomique liée aux conséquences de cette industrialisation. Le gouvernement tenta de réglementer les heures et les conditions de travail dans les usines et les mines, d’introduire un nouveau système de protection sociale avec la New Poor Law, pour limiter le nombre toujours croissant de pauvres, et de créer une nouvelle police nationale pour régler le problème des désordres dans une société de plus en plus urbanisée. Les nouvelles circonscriptions électorales, les zones d’inspection des usines, les districts de mise en œuvre de la nouvelle loi sur les pauvres (Poor Law Unions), les corporations municipales et les districts policiers définissaient de nouvelles limites, élargies ou différentes de la mosaïque bigarrée des manoirs, paroisses et autres formes habituelles d’autorité géographique. La nouvelle police redessinait aussi les frontières du droit, ses usages et son contrôle. Parmi les élites whigs et libérales, beaucoup saluèrent ces changements, surtout lorsqu’ils leur offraient l’occasion de doter leur ville de sa propre administration et donc d’écarter le pouvoir tory jugé corrompu, de réduire la taxe des pauvres et d’abolir la taxe d’église. La législation whig-libérale des années 1830 correspondait à l’esprit du programme utilitariste de rationalisation et d’efficacité proposé par Jeremy Bentham8. Les grands employeurs exerçaient une pression croissante pour que le gouvernement soutienne une économie de libre-marché et de laissez-faire, qui menaçait de réduire les ouvriers au statut de simples « bras », autre image corporelle importante. Néanmoins, en même temps, l’État semblait se diriger vers plus de centralisation et d’intrusion dans la vie et la famille des ouvriers, par des réformes affectant le bien-être et disciplinant le comportement de la population. Les réformes étaient pourtant sous-tendues par le souci aristocratique de défense de la propriété, et leur efficacité fut contrebalancée par la permissivité du laissez-faire. Le soin d’appliquer les réformes était laissé aux autorités locales et, malgré l’existence d’une réglementation, l’absence d’obligation rendait irrégulière et variable selon les régions l’application de ce nouveau régime.
7Quelle que soit leur orientation politique, les élites locales restaient méfiantes vis-à-vis des initiatives apparemment centralisatrices du gouvernement. Dans beaucoup de villes, les autorités locales Tory de vieille date et depuis longtemps dominées par l’ancienne élite furent remplacées par des représentants de la tendance whig-libérale et de la bourgeoisie aisée. Cette nouvelle élite était confrontée à une situation où elle devait parfois réprimer les activités de ces mêmes groupes et ouvriers avec lesquels elle s’était auparavant alliée contre l’hégémonie aristocratique tory et anglicane. L’hostilité aux réformes whig-libérales, surtout à la New Poor Law et à la police, enjambait la fracture opposant élite et bourgeoisie aux groupes ouvriers et radicaux, qui formait la base du conflit politique populaire depuis les années 1790. Ce chapitre examine quelques-unes des résistances physiques et administratives à la législation, nées en partie en réaction aux nouvelles épaisseurs de géographie administrative que les réformes superposèrent aux limites existantes de l’autorité locale. La résistance de la politique populaire à ce nouveau régime se traduisit par des formes de défi corporel lancé aux « corps politiques » établi et réformé.
8« Résistance incarnée » est une expression géographique, mais renvoie ici, dans le contexte historique de cet article, aux défis adressés par différents corps ou groupes au corps politique existant dans le gouvernement local aussi bien que national. Le corps politique constitue un modèle alternatif pour comprendre la politique populaire de la première moitié du xixe siècle. Le corps politique civil représentait en microcosme ce que devrait être le corps politique national9. L’expression n’était pas si courante à l’époque, en partie parce que ses liens avec les concepts de communauté (commonality) et de consultation (counsel), puissants sous le Commonwealth du xviie siècle, ne s’accordaient plus avec les deux principales évolutions constitutionnelles qui transformèrent le caractère de l’État britannique à partir de 1688. L’idéal d’un corps politique tourné vers l’intérieur ne correspondait pas à la vision claire et expansive de ce que John Brewer et d’autres historiens ont appelé l’État « militaro-fiscal » britannique et son empire10. La politique électorale et les formes de gouvernement local encore « à réformer » ne furent pas centralisées, et continuèrent à être gérées localement. Le corps politique décrit cette culture politique participative. Les élites locales et nationales défendaient leur propre idéal du corps politique, fondé sur les privilèges et la propriété. La composition du gouvernement local faisait l’objet de débats acharnés, à mesure que les villes grandissaient et que divers intérêts cherchaient à rationaliser ou à contrôler leur mosaïque de pouvoirs.
9Les Whigs et, par la suite, leurs historiens ont vanté les réformes des années 1830 au sein d’un cadre progressiste constituant la base de l’État libéral victorien « moderne11 ». À l’inverse, les protestataires présentaient les changements en termes de corps, de sang, de famine et de maladie. Ils considéraient le Reform Act comme une nouvelle exclusion des non-représentés par les nantis, et la New Poor Law et la nouvelle police comme des attaques perpétrées contre le corps collectif par le nouvel État whig. Plutôt que la vision whig d’un modèle benthamien d’utilité et d’efficacité, les réformes des années 1830 illustraient l’horreur malthusienne du corps pauvre affamé et disséqué, et la réduction des ouvriers à des « bras » anonymes par un libre-marché cupide. Le corps était donc utilisé pour protester contre ce qui était redouté comme l’impact individualisant et même déshumanisant des nouvelles institutions créées par les réformes, en particulier les asiles des pauvres, les usines, les hôpitaux pour le choléra et la police. Les protestataires usaient de tactiques corporelles, notamment la souffrance psychologique infligée à leurs cibles par le biais d’effigies et de lettres de menace. Ce faisant, ils employaient des formes coutumières. Cette continuité avec des traditions antérieures, plus rurales, a été ignorée ou négligée par des historiens soucieux de découvrir des tactiques nouvelles et innovantes associées à la protestation urbaine et politique. En recourant à ces tropes corporels, les protestataires adaptèrent aussi les valeurs coutumières de « l’économie morale » héritées du xviiie siècle à leurs nouvelles circonstances, face aux vastes forces économiques du libre-marché et de la centralisation étatique, qui menaçaient de réduire les ouvriers à de simples « bras », à la merci de la « main invisible » du marché.
La violence et le corps
10Les définitions de la violence historique dérivent souvent de Max Weber, qui soulignait l’existence de significations relatives du mot violence en relation avec l’État. La violence était un outil du pouvoir et de la discipline. Les élites gouvernantes utilisaient la souffrance – corporelle et psychologique – comme outil de châtiment, d’intimidation et de pouvoir. Comme l’affirme Susan Amussen, « le châtiment corporel était essentiel au maintien du pouvoir de l’État » en Angleterre au début de l’époque moderne. Lawrence Stone et d’autres avancent que cette période était caractérisée par une société violente, qui ne devint « civilisée » qu’au xviiie siècle. Selon d’autres historiens, comme J. A. Sharpe, la violence, bien que moins déterminante, fut aussi une constante à toutes les époques de l’histoire de l’Angleterre12.
11Le « processus de civilisation » des xviiie et xixe siècles, selon le modèle conçu par Norbert Elias, reste une autre influence centrale sur les historiens de la violence sociale. Lawrence Stone, V. A. C. Gatrell et d’autres acceptent le concept d’un tel processus en cours à partir du xviiie siècle13. À la fin du siècle, les exécutions et châtiments corporels semblaient de moins en moins efficaces, ce qui entraîna une réforme pénale, la suppression des décapitations publiques et un usage accru de la déportation vers les colonies. Sous l’influence de Michel Foucault, les historiens du crime et de la politique pénale affirment que la violence en était venue à être définie par le châtiment autant que par le crime. Le xviiie siècle vit un déclin du châtiment visant le corps, comme le fouet ou même la peine capitale, infligé dans des lieux publics où la population pouvait y assister, et le remplaça par des châtiments visant l’âme, comme l’instruction religieuse, l’incarcération solitaire et les travaux forcés, tous appliqués en privé dans des institutions. Le but était de séparer le corps pour le rendre docile et donc contrôlable14.
12D’autres champs de la discipline historique ont abouti à des conclusions plus fermes sur le processus de civilisation. Les historiens de la culture populaire et de la société suggèrent que la bourgeoisie du xviiie siècle voulait mettre un frein à des coutumes plébéiennes comme la « musique grossière » et aux sports sanglants tels que les combats de coqs, afin d’imposer un contrôle social dans les zones urbaines peuplées et en rapide expansion. Ce processus était sous-tendu par un désir croissant de respectabilité, alors que la religion évangélique et le mouvement pour la tempérance encourageaient la maîtrise de soi dans la bourgeoisie comme dans les classes laborieuses. Dans tous les cas, la violence et le comportement « brutal » sont associés à une société préindustrielle, arriérée et irrationnelle, avec ses combats entre un taureau et des chiens et ses sanctions immédiates. Inversement, la violence peut aussi être associée à une société prolétarisée, déchaînée dans les circonstances extrêmes de la culture criminelle et des gangs des taudis urbains. Selon Martha Vicinus, la violence des communautés ouvrières du xixe siècle conduisit à deux processus parallèles : d’une part, le « déni », par lequel certaines sections de la classe ouvrière adoptaient attitude civilisatrice et respectabilité ; d’autre part, une « adhésion à l’inévitable », par laquelle bagarres et violence étaient normalisées comme appartenant au quotidien15.
13L’étude de la violence politique et syndicale a été en partie séparée du débat mené par les historiens du crime et de la société, même si des parallèles existent. Le processus civilisateur selon Elias reste dominant. Les historiens de la classe ouvrière ont souvent dissocié l’évolution juridique et institutionnelle des syndicats et les actions violentes et illégales qui accompagnaient les grèves et les autres actions ouvrières collectives. George Rudé, puis E. P. Thompson, ont expliqué le recours à la violence ciblée et limitée comme une « économie morale » protestant contre ceux qui transgressaient les normes de la communauté16. La violence collective reste pourtant associée à la « populace » et à la destruction physique aveugle. En empruntant à Habermas le modèle de la sphère publique, focalisé sur l’expression politique comme textuelle et orale, les spécialistes d’histoire culturelle écartent eux aussi l’action corporelle de l’histoire de la protestation à cette époque. Pourtant, la violence dépendait aussi de qui la pratiquait, de qui définissait la légalité de son usage et la légitimité des revendications sur lesquels elle se fondait. Il y a violence quand la victime considère comme illégitime ce recours à la force17. Lorsqu’il étudie l’emploi d’un langage violent par The Poor Man’s Guardian, journal radical, dans les années 1830, Rob Breton affirme, par exemple, que le ton agressif des reportages s’intensifiait en réaction à la « violence » perçue de la part des autorités contre les travailleurs18.
14Par ailleurs, le sens de la violence est plus large que ne le prétendent certains historiens des mouvements ouvriers et sociaux. Charles Tilly définit la violence collective comme physique, s’appuyant sur les actes d’accusation pour agression et meurtre et sur les articles de journaux utilisant des mots comme « attaque » et « combat ». Selon lui, un certain progrès de l’arriéré au « moderne » se reflétait dans la fréquence accrue de termes communicatifs comme « négocier » et « pétition » au cours du xixe siècle19. Les récents travaux de Carl Griffin et d’autres, sur les troubles causés par Captain Swing dans les années 1839, ont montré que la violence était plus que physique. Elle était aussi psychologique. Griffin remet en question la définition de la violence collective par Tilly. Il affirme que psychologues et sociologues ont depuis longtemps compris que la violence était davantage que physique, et passait par un rapport non corporel. La violence collective est « une chose qui est engendrée, qui provoque une réaction corporelle par la peur de la terreur20 ». La violence permettait d’affirmer une légitimité et un pouvoir mais, inversement, des groupes et individus subalternes y recouraient pour revendiquer ce pouvoir qui leur était refusé21.
Effigies
15Les effigies furent, tout au long des xviiie et xixe siècles, l’un des outils les plus courants de la protestation populaire. Il s’agissait d’objets visuels symbolisant les personnages détestés, d’objets communautaires conçus et fabriqués par un consensus au moins temporaire, d’objets matériels exigeant un effort pour les porter sur les sites politiquement importants, transformant ces espaces en une hétérotopie spectaculaire. Deux types d’effigie étaient utilisés lors des protestations : les unes étaient délibérément symboliques, visant des personnalités nationales, les autres, symboles plus personnels de vengeance, ciblant des figures locales qui pouvaient connaître leurs attaquants. Les personnalités nationales faisaient en général l’objet d’une exécution rituelle sur des lieux clés de la vie civique.
16Les études du sens et du but des effigies brûlées en Angleterre se limitent souvent à l’histoire de la culture populaire, et principalement au Guy Fawkes auquel on met le feu la nuit du 5 novembre. Le débat se concentre surtout sur la répression à l’encontre de cette dernière fête, à partir de la fin du xviiie siècle. R.D. Storch suit Robert Malcolmson en affirmant qu’il y eut, de la part des classes moyennes, un effort concerté pour anéantir cette coutume22. À l’inverse, Denis Paz souligne la persistance opiniâtre de nombreuses communautés locales et des Bonffre gangs qui continuèrent à fêter l’événement jusqu’au milieu de l’époque victorienne, bravant la nouvelle police. On a moins cherché à comprendre pourquoi on brûlait en effigie des hommes politiques, à l’exception des mannequins représentant Thomas Paine lors de la réaction loyaliste à la Révolution française, à l’hiver 1792-1793, ou le pape durant la crise suscitée par le rétablissement de la hiérarchie catholique en Angleterre en 1850. Selon Paz, « les manifestations de masse utilisant les symboles de la nuit du 5 novembre permettaient une affirmation de loyauté, de solidarité et de cohésion culturelle23 ». Ce point de vue fait écho à l’interprétation par Durkheim du rituel comme forme de cohésion sociale et de contrôle par les élites. Frank O’Gorman s’oppose à l’approche durkheimienne dans son étude des exécutions en effigie de Paine. Dans la première vague de réaction contre la Révolution française et les doctrines égalitaires formulées par Paine dans Les Droits de l’homme, texte publié à l’été 1791, des effigies de Paine furent « exécutées » rituellement et brûlées sur des feux de joie dans presque tous les villages et villes de Grande-Bretagne. O’Gorman est en désaccord avec les historiens du loyalisme anti-Jacobin, pour qui les exécutions d’effigie étaient simplement le résultat « du loyalisme coercitif et du pouvoir des élites », puisque beaucoup de ces événements furent encouragés par une élite locale soucieuse de nourrir un « conservatisme vulgaire » parmi la population24. À cette vision, O’Gorman réplique en se focalisant sur le processus plutôt que sur le résultat. Il souligne la dynamique complexe entre les éléments officiellement approuvés et l’élasticité des rituels. Le symbolisme changeant de l’effigie lui permit de passer par toutes les nuances de sens politique au cours de « l’ère des révolutions ». Les participants interprétaient ces événements grâce à une gamme de significations politiques et sociales qui ne coïncidaient pas toujours avec celles des élites loyalistes25.
17La matérialité des effigies les rendait aussi très efficaces comme support pour toutes sortes de protestations. En les brûlant, on créait un spectacle qui faisait mieux connaître la cause ; en les promenant dans les rues, les protestataires occupaient l’espace public. De plus, les mille et une variantes du « procès » ou « exécution » rituelle (on enduisait les effigies de goudron, on les accablait d’injures et de coups de pied, on les pendait ou les écartelait avant de les brûler) permettaient aux protestataires de jouer le rôle symbolique du juge et des jurés. Le peuple pouvait y devenir agent sous le contrôle de l’élite ; la populace pouvait renverser le « Code Sanglant » généralement utilisé contre elle, occasion de devenir auteur de la « loi » et de la faire appliquer. La participation de la foule tout entière était un facteur crucial pour donner un sens à l’événement. Lorsqu’elles s’accompagnaient de lettres de menace et de violence réelle, les exécutions d’effigie devenaient davantage qu’un symbole : c’était un moyen direct d’inspirer la peur et la « souffrance désincarnée » chez ceux qu’elles représentaient. Le symbolisme corporel d’une cible locale, délibérément brûlée devant sa maison, était moins symbolique et plus directement terrifiant, comme moyen d’infliger la souffrance psychologique. O’Gorman explique la variété et la cruauté de la violence physique exercée sur l’effigie comme un processus de « relâchement des tensions accumulées » : « le fait de brûler quelqu’un en effigie répondait au besoin d’accomplir l’annihilation physique de ceux que la communauté reconnaissait comme ses ennemis mortels, tout en garantissant que la soif de violence n’échapperait pas au contrôle de l’élite26 ». Il adopte pourtant ici le modèle sociologique de la violence populaire comme soupape de sécurité autorisée par les élites. Ce modèle semble contredire son argumentation antérieure, contre une interprétation durkheimienne de l’élément de contrôle social présent dans le rituel.
18O’Gorman remarque la nature éphémère du phénomène, qui s’était éteint avant le printemps 1793. Pourtant, les loyalistes n’eurent jamais le monopole de la pratique de ces exécutions. Depuis longtemps, on promenait, pendait et brûlait des effigies en période électorale. En 1807, lors de la tumultueuse élection générale dans le Yorkshire, par exemple, des émeutes éclatèrent à Huddersfield après que les partisans du Whig Lord Milton eurent parcouru les rues en portant une effigie de leur adversaire, Henry Lascelles, Tory qui représentait alors la ville27. Comme nous l’avons vu, les effigies furent très présentes dans les manifestations de 1830-32. Wellington ne fut pas le seul adversaire des réformes à être alors brûlé en effigie. En octobre 1831, Lord Wharncliffe, ex-député du Yorkshire, fut brûlé en effigie à Leeds, à High Wycombe et dans d’autres villes28. Les évêques de Winchester, d’Exeter et de Durham, qui votèrent contre le deuxième Reform Bill à la Chambre des lords en 1831, connurent un sort comparable dans leurs diocèses respectifs. À Exeter, par exemple, un gibet provisoire fut dressé sur le parvis de la cathédrale, où l’on pendit et brûla une effigie de l’évêque dont la tête était « un navet creusé avec une bougie au milieu ». La nature viscéralement corporelle de l’effigie était importante pour le rituel : l’effigie renfermait le cœur et les entrailles d’un mouton, qui furent arrachées. Là encore, il s’agissait d’événements hautement ritualisés, et les journaux ne manquèrent pas de souligner que, malgré les milliers de spectateurs, il n’y eut « pas une seule incarcération pour émeute ou trouble de l’ordre public29 ».
19Les comtes de Lowther, lords-lieutenants tory du Cumberland et du Westmorland, durent compter parmi les effigies les plus brûlées d’Angleterre. Lors de l’élection d’avril 1831, une effigie de Lord Lonsdale portait, en grandes lettres peintes sur sa poitrine, l’inscription : « Le grand Belzébuth du Nord ». Promenée dans les rues par les radicaux de Caldewgate, elle finit suspendue à un réverbère près de la croix du marché devant l’hôtel de ville, destination traditionnelle de toutes les protestations politiques à Carlisle30. Cette tactique fut aussi utilisée contre les adversaires de Lowther. Le 28 mai 1831, des émeutes éclatèrent à Whitehaven, port détenu et développé par Lowther dans le Westmorland. Ce jour coïncidait avec la cérémonie marquant l’anniversaire du roi, et les partisans de Lowther se désolaient d’avoir perdu l’élection dans le Cumberland face aux Whigs sir James Graham et Thomas Blamire. La visite de Blamire à Whitehaven « fut considéré comme un étalage politique de sa victoire », et lors du procès des émeutiers, l’accusation prétendit que « pour contrer cette mesure, certains des ouvriers employés dans les houillères de Lord Lonsdale prirent la décision d’exhiber une effigie de M. Blamire et de la brûler » devant l’auberge du Black Lion, dans Lowther Street, où quatre-vingts partisans de Blamire fêtaient l’anniversaire du roi31. Pour la police, il était difficile d’encadrer ces manifestations, notamment parce qu’elles démarraient de manière ordonnée et symbolique et non comme des agressions physiques sur les personnes et les biens. Lors d’une autre exécution d’effigie, à Carlisle en mars 1832, le surintendant de la nouvelle police déclara qu’il n’était pas intervenu parce que ses effectifs n’étaient pas « suffisants pour disperser la foule32 ».
20À York, le mercredi 16 mai 1832, après la défaite du second Reform Bill, l’archevêque d’York fut brûlé en effigie devant son palais. Les réformateurs radicaux organisèrent l’événement lors d’une réunion au George Inn, et l’effigie fut « fabriquée dans une cour, du côté Walmgate de Foss Bridge », zone de développement industriel et d’habitants ouvrières de plus en plus pauvres. On estime que 5000 personnes auraient assisté à la parade. La foule veilla à maintenir l’ordre et la paix, allant jusqu’à gronder un groupe de jeunes garçons qui avaient quitté le défilé pour aller attaquer des plantations forestières appartenant à l’évêque, à Middlethorpe33. Cette attaque contre une propriété privée et entourée de murs, dans le contexte urbain de la parade d’une effigie dans les rues médiévales d’York, marquait un recours durable aux formes coutumières et rurales de résistance, même si, en l’occurrence, l’admonestation adressée aux jeunes Yorkais exprime le désir de respectabilité de ceux qui estiment avoir mérité le droit de vote. Le lendemain, d’autres effigies de personnalités locales furent préparées à Walmgate et portées devant l’hôtel de ville pour les brûler. Les magistrats tentèrent de disperser la foule en donnant lecture du Riot Act, mais ils ne furent pas écoutés, et les manifestants continuer à défiler dans les rues en chantant Rule Britannia34.
21Les exécutions d’effigie reprirent de la façon la plus spectaculaire durant la première vague d’agitation contre la New Poor Law, en 1837-1838. La campagne populaire traduisait dans un nouveau contexte les rituels de l’économie morale et de la justice communautaire. Alors que les émeutes frumentaires avaient disparu comme moyen ordinaire de protestation contre le prix élevé de l’alimentation, le rituel des effigies survécut et prit sa place. Il était motivé par un profond sentiment d’inquiétude morale face aux injustices d’un régime qui employait les asiles et l’abolition du secours extérieur pour briser le corps familial et pour déshumaniser les pauvres valides. Les effigies permettaient aux protestataires de visualiser et de personnaliser ce qui semblait être un système impersonnel et informe. Edward Baines Junior publia dans son Leeds Mercury des reportages sans pitié sur le grand rassemblement contre la New Poor Law qui eut lieu à Peep Green le mardi de la Pentecôte, 16 mai 1837. En réaction, des protestataires promenèrent à Huddersfield des effigies de Baines arborant sa description par Cobbett, « le Grand Menteur du Nord », montées sur des ânes (d’après son surnom Neddy) et les brûlèrent dans plus d’une dizaine de villes du West Riding. Parmi les lieux de crémation figuraient la place du marché de Huddersfield et l’espace situé devant le logement du correspondant du journal à Heckmondwike35. Le 5 juin, la place du marché de Huddersfield fut à nouveau le théâtre d’exécutions d’effigie, après une protestation massive devant le Druids’ Hotel où avait lieu une réunion des administrateurs de la Poor Law. Le commissaire adjoint et le président furent livrés aux flammes36. Brûler des individus devant chez eux était une expression de la politique communautaire de la nouvelle économie morale. Le 13 juin 1837, quatre autres partisans de la New Poor Law furent brûlés en effigie devant leur maison à Huddersfield. Le problème avait pris une telle ampleur que les magistrats publièrent un tract, « Mise en garde contre l’exécution d’effigies ». Ils y proclamaient que cette activité plongeait « certains dans une grande crainte corporelle » et que tous les participants seraient donc arrêtés et traités comme « émeutiers et perturbateurs de la paix publique37 ». La souffrance désincarnée, que Carl Griffin associe aux Swing Riots du sud de l’Angleterre, dont l’une des causes fut le ressentiment suscité par le sort des pauvres, vaut également pour les protestations qui eurent lieu dans le Nord contre la New Poor Law. En 1838, on continua à brûler des effigies d’administrateurs d’asiles. Cette activité accompagnait le renouveau des sociétés radicales, comme à Shaw, près d’Oldham, où, le 9 mars 1838, les réformateurs radicaux fêtèrent l’anniversaire de William Cobbett au Bell Inn, après quoi on brûla une effigie de la New Poor Law aux Four Lane Ends. Bien sûr, il est difficile de prouver que les deux événements étaient liés, mais il est clair que la communauté soutenait vivement le second, car Edwin Butterworth nota « la joie manifeste d’une grande multitude » quand l’effigie « subit ses châtiments successifs, pendue, fusillée et brûlée38 ». La combinaison de la fête carnavalesque et du spectacle du feu, la corporalité et la matérialité de la pendaison et de la fusillade, et la menace psychologique qu’impliquaient ces actes, tout cela créait un espace de subversion, si temporaire ou hétérotopique qu’il soit.
22Lors des élections, la violence physique sérieuse en vint de plus en plus à remplacer le théâtre carnavalesque des effigies ; ce n’était pas seulement le signe de leur énergie et de leur rejet de ce qu’ils considéraient comme les rites creux des autorités civiques et de l’Église établie, mais une véritable expression de menace et de violence désincarnée.
La politique de la faim et de la maladie : le corps pauvre assailli
23L’épidémie de choléra de 1832 incita à repenser le lien entre famine, pauvreté et mesures gouvernementales. La fin des années 1820 et le début des années 1830 furent l’époque où la politique d’« amélioration » fut le moins capable de lutter contre la surpopulation des taudis et les problèmes d’assainissement responsables de la maladie, période qui culmina avec l’éruption massive du choléra à travers toute l’Angleterre en 1832. Le gouvernement créa un nouveau Conseil de santé pour coordonner les mesures, mais il suscita la controverse quand le député Spencer Perceval, fils et homonyme du Premier ministre assassiné en 1812, ordonna une journée de jeûne général afin de prier pour le salut de la nation. Le jeûne général était un vestige de l’État d’autrefois, qui n’avait plus été invoqué depuis la guerre. Henry Hetherington critiqua cette décision dans son journal radical, The Poor Man’s Guardian, comme emblématique de l’hypocrisie religieuse de la classe supérieure39.
24Des émeutes liées au choléra éclatèrent dans toute l’Europe, mais les émeutes anglaises avaient des causes particulières. Une cause de doléances spécifique était l’Anatomy Act de 1832, suscitant une vive résistance physique à ce qui était perçu comme une agression de l’État contre le corps des pauvres. Voté en même temps que le Reform Act, l’Anatomy Act autorisait les chirurgiens à récupérer le corps des pauvres morts à l’asile ou à l’hôpital si aucun ami ou parent n’avait émis le désir de les inhumer40. La littérature gothique, à partir de Frankenstein de Mary Shelley (1818), avait déjà enflammé l’imagination populaire au sujet de la dissection, jusqu’à la frénésie après les meurtres commis en 1828 par Burke et Hare, à Édimbourg. En 1832, on en vint à croire que les administrateurs (surtout après le vote de la New Poor Law) utiliseraient cette clause pour en tirer un avantage financier. Les historiens marxistes prétendent que la foule considérait cette loi comme un exemple de législation de classe ; Gwyn Williams y voit « le harcèlement des sans-propriété par-delà la tombe41 ». Comme c’est souvent le cas, l’opposition se manifesta d’abord par des pétitions avant le vote de la loi. La pétition de Blackburn « protestait contre le pouvoir accordé aux gouverneurs des asiles, de vendre le corps des personnes mortes dans ces maisons, ce qui introduisait une distinction entre les riches et les pauvres42 ». Au parlement, le principal adversaire de ce projet de loi était Henry Hunt, alors député de Preston, qui consolida ainsi le lien entre cette question et la politique radicale. Comme les protestations suscitées par la réforme, le problème venait de ce que les individus n’ayant ni propriété ni représentation politique étaient exclus du corps politique civique et de l’espace public. Cette fois, ils n’étaient pas simplement exclus dans la vie, mais aussi dans la mort.
25La question de la journée de jeûne général déclencha des émeutes à Carlisle le mercredi 21 mars 1832. Les tisserands portèrent dans les rues une effigie de Perceval, avec des bannières, de la musique et des flambeaux allumés, avant de la brûler devant la croix du marché. Un tisserand nommé John Morrison fut poursuivi en justice pour avoir lu la proclamation de jeûne « sur un ton de dérision ou de condamnation », alors que la messe était célébrée dans la cathédrale, à quelques centaines de mètres du marché. L’accusation affirma que « l’effigie était placée dans la main gauche du détenu Morrison, qui la frappa et la maudit à plusieurs reprises43 ». Cette violence exprimait la peur et la colère de la population ouvrière contre ce qui était perçu comme une attaque contre le corps des pauvres, sentiments exacerbés par le jeûne général imposé par les riches à ceux qui mouraient déjà de faim. Les émeutes liées au choléra visaient les hôpitaux créés par les conseils de santé locaux et les palanquins soupçonnés d’emporter les corps volés des pauvres, comme le montrèrent les émeutes des hôpitaux de Toxteth Park, à Liverpool, le 29 mai, et de St Peter’s Square, à Leeds, le 9 juin 183244.
261832 ne fut donc pas seulement l’année de la réforme, mais aussi celle où se rejoignirent plusieurs questionnements sur le traitement toujours plus invasif que l’État semblait réserver à la classe ouvrière. Lors de la tumultueuse élection législative de Leeds en décembre 1832, le candidat whig John Macaulay affronta le radical-tory Michael Sadler. Macaulay était soutenu par le député du comté, John Marshall, important fabricant de lin à Leeds, et représentant d’un nombre croissant de nouveaux riches devenus membres de la gentry. Sadler avait l’appui de Richard Oastler, le partisan paternaliste d’une législation sur les usines. Sachant qu’ils perdaient le pouvoir, les Tories avaient noué une alliance informelle avec les radicaux sur la question de la réforme des usines et la proposition de loi de Sadler sur la journée de dix heures. Cette alliance conclue contre le capitalisme whig de libre-marché fut entérinée par le scrutin qui eut lieu dans la Halle au drap de couleur de Leeds, lieu régi par une forme de commerce plus coutumière et plus réglementée. Ce fut la première élection législative depuis que la ville était devenue un bourg (borough) grâce au Reform Act, et Leeds put alors imposer ses prouesses commerciales en tant que centre de l’industrie lainière britannique.
27Fait remarquable, la campagne incluait même une banderole tory décrivant « une scène dans Water Lane, à cinq heures du matin ». Il s’agissait d’une « vue de la filature de messieurs Marshall, dans Water Lane, durant une tempête de neige, un matin d’hiver, avec plusieurs enfants pauvres, décrépits et à moitié nus, qui s’avancent prostrés et frissonnants ». Le symbolisme visuel faisait écho à celui des lettres d’indigents (Pauper Letters), qui mettaient l’accent sur le devoir qu’avaient les élites paternalistes de vêtir les pauvres. La banderole utilisait la description de l’usine Marshall comme métonymie pour tous les maux de l’économie de laissez-faire. Les reportages whigs prétendaient que le scrutin dans la cour de la halle aux draps avait été perturbé quand les Tories avaient placé leur « étendard » devant la tribune et que les partisans des Whigs « s’étaient jetés sur les détenteurs de l’odieuse banderole et avaient réussi à l’arracher après une lutte animée45 ». La banderole en vint à représenter des enjeux du scrutin aussi bien locaux que nationaux, mais l’objet physique et le symbolisme qui lui était lié se rattachaient aussi à un héritage durable. L’usage de banderoles lors des protestations était politiquement chargé de sens. Le port et la présentation de banderoles, emblèmes et autres objets ayant une signification politique avaient été interdits par les Six Acts votés en réaction au « Massacre de Peterloo » en 1819, lors duquel le gouvernement tory avait tacitement encouragé les autorités locales à envoyer la cavalerie réprimer un rassemblement pacifique en faveur de la réforme parlementaire. Les banderoles n’étaient autorisées par la loi que lors des élections. Ces restrictions indiquent combien leur message était puissant. Les groupes professionnels et radicaux s’incarnaient sous des bannières, construisant un corps collectif, au sens physique et métaphorique, qui rappelait les enseignes militaires de jadis. Le symbolisme du corps dans la banderole de Leeds fut encore amplifié par l’épisode suivant. Après que Sadler fut vaincu lors du scrutin, ses partisans brûlèrent des effigies de Marshall et de Macaulay en haut de Briggate, là même où les loyalistes locaux avaient brûlé une effigie de Thomas Paine dans le cadre de la réaction générale au radicalisme jacobin et à la Révolution française, à l’hiver 179246.
28Dans La formation de la classe ouvrière anglaise, E. P. Thompson notait que l’élection de 1832 à Leeds avait une importance qui dépassait de loin la politique locale. Elle fut un foyer d’attention pour les réformateurs des usines de tout le pays, consolidant l’alliance entre radicaux et Tories, qui allait à son tour fournir une grande partie de l’infrastructure de la campagne pour la journée de dix heures et l’opposition à la New Poor Law de 183447. Le 16 mai 1833, le Comité pour la réduction du temps de travail organisa une manifestation coïncidant avec l’arrivée des commissaires chargés d’inspecter les filatures dans le cadre du nouveau Factory Act. Dans son récit, un témoin releva deux caractéristiques propres à l’événement : le rôle des enfants eux-mêmes dans la campagne, et le redéploiement délibéré de la banderole bleue : « Aucune fanfare ne fut engagée, et seulement deux drapeaux furent brandis, dont l’un était la fameuse banderole représentant la scène dans Water Lane (la filature Marshall) à 5 heures du matin, car on jugea prudent de limiter la provocation, de peur que les enfants ne soient blessés dans la foule48. » Kathryn Gleadle a souligné le rôle des enfants comme acteurs à part entière de cette manifestation49. Il convient aussi d’insister sur l’utilisation de l’espace urbain : la procession subvertit habilement la seule autre occasion de la journée où l’on pouvait voir dans la rue des enfants en groupes homogènes et nombreux, les défilés des écoles du dimanche pour la Pentecôte et lors des événements patriotiques, où les enfants étaient mis en rang pour servir un tout autre objectif de propagande. Le rassemblement se déplaça vers le Free Market, qui allait devenir un symbole de la lutte radicale pour l’espace public.
29La presse radicale fut une force considérable pour façonner l’opposition populaire au choléra, à la dissection des pauvres et à la New Poor Law, bien avant le fameux scandale de l’asile d’Andover en 1845. Malthus était une des figures de la démonologie radicale depuis les guerres napoléoniennes, et même le plus occasionnel des lecteurs ouvriers du Political Register de William Cobbett devait avoir connaissance du « pasteur-limitateur » et de son projet visant à réduire l’« excédent de population50 ». En janvier 1838, lors d’un rassemblement contre la New Poor Law, dans une salle de classe de catéchisme, à Ossett, dans le West Riding du Yorkshire, les discours furent interrompus par le cri : « À bas le despotisme malthusien51 ! » Le Northern Liberator prit pour cible les « Malthusiens de la New Poor Law » qui avaient introduit « un système fondé sur le principe consistant à priver les hommes de la plus haute jouissance corporelle sous le prétexte futile d’éviter la surpopulation52 ». La propagande chartiste et celle contre les lois sur les grains évoquaient les suprêmes horreurs corporelles de la famine et du cannibalisme comme marque d’un retour à la barbarie. Les orateurs chartistes, notamment le fougueux Peter Bussey, de Bradford, empruntaient au Méthodisme primitif et à d’autres sectes courantes dans les centres de résistance leur rhétorique des démons et de l’enfer53. Selon John Knott, la rhétorique de « la loi du roi-diable » permettait à la population ouvrière de « comprendre et expliquer les immenses changements en cours dans la société ». D’après ce modèle, influencé par le sociologue Neil Smelser, les communautés se tournaient vers les croyances religieuses familières pour assimiler et affronter l’avenir inconnu qui leur était imposé. Eileen Yeo, à l’inverse, invite les historiens chartistes (mise en garde répétée plus récemment par Philip Lockley dans son étude du Southcottianisme) à ne pas adopter une conception aussi réductrice du rôle de la religion dans la vision sociopolitique du monde qu’avaient les habitants du Nord industriel54.
30L’agitation était plutôt l’expression authentique d’un profond sentiment d’injustice morale et chrétienne. En 1838, la société radicale féminine de Carlisle réalisa une banderole où l’on voyait d’un côté le gardien d’un asile de pauvres arrachant un enfant au sein de sa mère, et de l’autre, un administrateur de la Poor Law séparant un homme de sa femme55. La campagne contre la New Poor Law mettait donc l’accent sur la légitimité morale des protestataires face à l’illégitimité immorale de l’action des autorités. Cette rhétorique avait des parallèles dans le langage des lettres d’indigents à l’époque de l’ancienne loi sur les pauvres qui, comme l’a montré Peter Jones, manipulait habilement, chez les autorités, l’obligation morale de vêtir ceux qui sont nus56. Néanmoins, les protestations reflétaient, de la part des classes laborieuses, la crainte que la New Poor Law ne prive les pauvres de cette possibilité d’agir, en interdisant l’appel direct aux magistrats et directeurs qui auraient pu avoir pitié d’eux, remplacés par le mécanisme impersonnel de la commission et du conseil d’administration. Les images utilisées par la campagne étaient donc genrées, focalisées sur les mères et les enfants plutôt que sur le père séparé. Leur origine remontait à une époque antérieure, notamment aux images radicales de cavaliers sabrant des femmes à Peterloo en 1819.
31La politique de la faim n’était pas simplement une réaction instinctive à la famine et à la maladie. C’était l’économie morale d’un consumérisme alternatif, une autre économie politique, qui rejetait le laissez-faire de la production en usine, la domination bourgeoise de la campagne anti-Corn Laws, et le malthusianisme implicite des tentatives de lutte contre la pauvreté et la mort à l’échelle locale et nationale. Les chartistes étaient davantage associés au « pain et fromage » qu’au slogan « du pain ou du sang ». Il est désormais établi que les historiens se montrent économiquement réducteurs lorsqu’ils citent le discours prononcé à Kersal Moor en septembre 1838 par le révérend J. R. Stephens, où il expliqua le Chartisme comme une « question de couteau et de fourchette, de pain et de fromage ». Le pain et le fromage ne renvoyaient pas seulement à la détresse économique telle qu’interprétée par les émeutes de subsistance, mais indiquaient aussi une compréhension politique des causes de cette détresse et la recherche de solutions à travers la réforme parlementaire. L’un des plus importants leaders de la campagne anti-New Poor Law, Stephens vit d’abord dans le chartisme une solution potentielle aux horreurs de la nouvelle loi sur les pauvres. Le symbolisme des protestations était donc le même, en particulier, les aliments plantés sur des piques. En juillet 1837, quand Lord Morpeth et sir George Strickland, candidats whigs pour le West Riding, se rendirent à Huddersfield au cours de leur campagne électorale, ils furent accueillis par une procession de plusieurs milliers d’ouvriers en colère, munis de banderoles aux slogans anti-New Poor Law, notamment « Pas de Bastille » avec « un bout de pain et un petit morceau de fromage plantés sur une fourche ». Traversant tant bien que mal la foule qui leur lançait des pierres, Morpeth et Strickland finirent par arriver au quartier général des Whigs, au Rose and Crown. Une fois les visiteurs dans l’auberge, la foule brandit devant les fenêtres le fromage sur une pique et un drapeau brun orné d’une représentation de l’asile de Paddock, cadre d’une importante émeute un mois auparavant57. Les discours d’Oastler, du « Parson Bull » et d’autres orateurs, et la propagande ciblée des affiches placardées sur les murs encourageaient l’agitation. Les autorités de Huddersfield envoyèrent au Home Office une affiche manuscrite que le chef de la police avait déchirée sur le volet d’une boutique (des restes d’affiches plus anciennes et de plâtras étaient encore collés au dos). Adressée aux « hommes de Paddock », emplacement de l’asile, elle leur conseillait de « ne pas avoir peur des hommes au chapeau verni et aux boutons brillants » (la Police métropolitaine), ni des « gendarmes au nez morveux58 ». L’omniprésence des symboles alimentaires dans ce genre de manifestation jouait sur les peurs malthusiennes de la famine et sur les effets du nouveau régime des asiles. Les mêmes symboles furent repris à Huddersfield lors de l’élection générale de 1841. Une parade chartiste fut conduite par un homme muni d’une pique portant un gros morceau de fromage, un gros pain et une tranche de rôti, « Le repas chartiste pour tous les travailleurs », suivi par un kipper et une pomme de terre fendue avec le slogan « Le repas whig pour tous les travailleurs valides », et par un petit pain noir représentant « Le pain grossier de Neddy Baines pour les pauvres ». L’opposition aux Whigs-Libéraux visait en particulier Edward Baines pour avoir soutenu la loi sur les pauvres dans le Leeds Mercury59. Aucun candidat tory ne se présenta cependant à l’élection, et le membre whig en place, Stansfield, fut réélu sans opposition. « Du pain ou du sang » fut à nouveau invoqué lors des Plug Strikes, dans des cris ou sur des drapeaux, comme à Colne en avril 184260.
32Les socialistes owéniens et les Chartistes cherchaient à instaurer une autre forme de consumérisme, en usant d’initiatives comme le boycott, les ententes exclusives ou les magasins coopératifs. Pourtant, le charivari, vieux rite de l’économie morale coutumière, gardait son efficacité dans leurs protestations consuméristes. En mars 1838, les membres de l’Association radicale de Barnsley, menés par Peter Hoey, jouèrent un rôle crucial dans le « procès » d’une effigie de Joshua Wragg, boulanger local qu’ils jugèrent coupables de tricher sur le poids de la marchandise. Le procès eut lieu à May Day Green, lieu traditionnel des rassemblements en plein air, et l’effigie fut pendue à un réverbère puis brûlée devant la porte du magasin de Wragg61. À Manchester, la protestation contre la misère prit un caractère politique. Le 27 avril 1840, près de 400 « garçons et jeunes hommes » partirent d’Ancoats, portant les symboles traditionnels de la détresse économique – harengs, pommes de terre et morceaux de pain sur des piques – et accompagnèrent leur procession d’une « musique » charivarique en frappant des poêles à frire. Sur le chemin du retour, ils exigèrent du pain dans plusieurs boulangeries et boutiques tout le long de Great Ancoats Street62. Pourtant, le Manchester Times prétendit que « l’on entendit ici et là des cris comme “Frost sera pas pendu” ». Certains manifestants profitèrent peut-être de l’occasion pour protester contre le sort que le gouvernement réservait à John Frost, meneur de l’insurrection de Newport, à moins que la formule ait été inventée par le journaliste puisque la condamnation à mort de Frost avait déjà été commuée en déportation à vie, le 1er février. Il peut également y avoir eu d’autres raisons. Le 22 juin 1840, Charles Mott écrivit à la Poor Law Commission, dont il était membre, pour expliquer cette émeute dans le contexte d’une grève des ouvriers de seize grandes filatures de la région. Les fabricants avaient diminué les salaires parce qu’ils ne pouvaient pas rivaliser avec ceux de leurs concurrents qui utilisaient de nouvelles machines63. Les ouvriers utilisaient donc le moyen traditionnel d’exprimer leur mécontentement, en plus de leur grève.
33Bien que correspondant au plus haut degré de coopération que l’on ait jamais vu entre régions et entre secteurs d’activité, les « grèves des chaudières » (Plug Strikes) de 1842 inclurent aussi des formes coutumières d’action, notamment des émeutes de subsistance. Sur le chemin des filatures, les processions de grévistes prenaient bien soin de passer par les épiceries. Même si, comme l’a montré Peter Gurney, il est clair que les protestataires souffraient bel et bien de la faim pendant les Hungry Forties, puisqu’ils dévoraient aussitôt le pain qu’ils réclamaient, leur discipline collective lors de ces manifestations « correspond bien aux traditions anciennes d’économie orale, tout comme le rôle central du rituel et du symbole64 ». Gurney évoque l’attaque de l’asile de Stockport le 11 août 1842, quand la foule fit irruption dans la réserve et distribua les 700 gros pains qu’elle contenait. The Illustrated London News présenta l’événement comme un joyeux carnaval, où femmes et enfants reçurent l’équivalent de ce dont ils étaient privés s’ils refusaient de se soumettre à un examen particulièrement sévère. Des peines sévères furent prononcées contre les voleurs de pain, quatre prisonniers de Stockport étant déportés à vie, les autres étant condamnés à quatorze ans de prison, châtiments qui aggravèrent sans doute l’hostilité populaire envers le système judiciaire et la mise en œuvre de la New Poor Law dans cette région65.
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34La politique populaire n’opposait pas simplement une classe ouvrière unie aux grands industriels capitalistes. Les principales luttes pour le pouvoir eurent également lieu au sein des classes moyennes des villes, autant qu’entre elles et divers groupes ouvriers, en fonction des affiliations familiales, religieuses et politiques. La structure sociale fragmentée, les différentes strates d’industriels et de commerçants, d’artisans, de boutiquiers et d’ouvriers ayant chacun leurs propres intérêts, et les fluctuations de leur prospérité économique, tout cela brouille les strictes frontières de classes définies par John Foster et Theodore Koditschek dans leurs études marxistes consacrées respectivement à Oldham et à Bradford66. Les défis électoraux et municipaux s’accordent mal avec l’habituelle représentation du chartisme comme « mouvement de protestation industrielle par excellence ». Le chartisme était plus complexe, dans sa composition socioéconomique comme dans ses objectifs politiques67. Et contre toute attente, c’est dans le domaine électoral et municipal qu’il remporta ses plus grands succès. Il ne faut pourtant pas surestimer la cohérence de la stratégie du « chartisme municipal » ; les conseillers chartistes agissaient indépendamment les uns des autres, indépendamment des autres radicaux et des autres partis, surtout sur les questions locales d’amélioration et de réduction des dépenses lors de la dépression économique du début des années 1840. Les chartistes n’étaient donc pas unis quant aux mesures à prendre, mais dans le désir plus général d’accroître le contrôle populaire sur les institutions locales68. Tous ces conflits et défis radicaux entre partis devaient néanmoins avoir un héritage durable : la vitalité des institutions de gouvernance locale, au cœur de la vie politique victorienne.
Annexe
Annexe
Carte. – Circonscriptions parlementaires du Nord de l’Angleterre et lieux mentionnés.

Illustration. – « The Attack against the Stockport Workhouse » (« L’attaque contre la Workhouse de Stockport »), Illustrated London News, 18 août 1842.

Notes de bas de page
1 Oldham Archives and Local Studies, Oldham, Royaume-Uni, D-BUT F/3, Butterworth MS, « news reports », octobre-novembre 1830.
2 « Parliament of 1830 », History of Parliament online [http://www.historyofparliamentonline.org/volume/1820-1832/parliament/1830-0].
3 Carlisle Journal, 13 novembre 1830 ; Caledonian Mercury, 15 novembre 1830.
4 Griffin C. J. et Evans A. B., « On historical geographies of embodied practices and performance », Historical Geography, n° 36, 2008, p. 5-16 (ici p. 10) ; Gregson N. et Rose G., « Taking Butler elsewhere : performativities, spatialities and subjectivities », Environment and Planning D, n° 18/4, 2000, p. 433-452.
5 Griffin C. J., « Affecting violence : language, gesture and performance in early nineteenth-century popular protest », Historical Geography, n° 36, 2008, p. 139-162 (ici p. 141) ; Griffin C. J., « The violent Captain Swing », Past & Present, n° 209, 2010, p. 149-180.
6 Voir Griffin C. J., Protest, Politics and Work in Rural England, 1700-1850, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2013.
7 Jones P., « Swing, Speenhamland and rural social relations : the “moral economy” of the English crowd in the nineteenth century », Social History, n° 32/3, 2007, p. 271-290.
8 Parekh B. (éd.), Jeremy Bentham, Critical Perspectives, vol. III : Law and Politics, Londres, Routledge, 1993, p. 565.
9 Halliday P. H., Dismembering the Body Politic : Partisan Politics in England’s Towns, 1650-1730, Cambridge, Cambridge University Press, 1998, p. 41.
10 Colley L., Britons : Forging the Nation, 1707-1837, New Haven, Yale University Press, 1992 ; Brewer J., The Sinews of Power : War, Money and the English State, 1688-1788, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1989.
11 Burns A. A. et Innes J. (éd.), Rethinking the Age of Reform : Britain, 1780-1850, Cambridge, Cambridge University Press, 2003, p. 47 ; Phillips J. A. et Weatherell C., « The Great Reform Act of 1832 and the political modernization of England », American Historical Review, n° 100/2, 1995, p. 411-436 ; Joyce P., The Rule of Freedom : Liberalism and the Modern City, Londres, Verso, 2003, p. 114.
12 Stone L., « Interpersonal violence in English society, 1300-1980 », Past & Present, n° 101, 1983, p. 22-33 ; Sharpe J. A., « The history of violence in England : some observations », Past & Present, n° 108, 1985, p. 206-215 ; Cockburn J. S., « Patterns of violence in English society : homicide in Kent, 1560-1985 », Past & Present, n° 130, 1991, p. 70-106.
13 Gatrell V. A. C., « The decline of theft and violence in Victorian and Edwardian England », in V. A. C. Gatrell, B. Lenman et G. Parker (éd.), Crime and the Law : The Social History of Crime in Western Europe since 1500, Londres, Europa Publications, 1980, p. 238-337 ; voir K. D. Watson (éd.), Assaulting the Past : Violence and Civilization in Historical Context, Newcastle, Cambridge Scholars Publishing, 2007.
14 Ignatieff M., A Just Measure of Pain : The Penitentiary in the Industrial Revolution, 1750-1850, New York, Pantheon Books, 1978 ; Foucault M., Surveiller et punir : naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975.
15 Vicinus M., The Industrial Muse : A Study of Nineteenth-Century British Working-Class Literature, Londres, Croom Helm, 1974, p. 16 ; Carter Wood J., Violence and Crime in Nineteenth-Century England, Londres, Routledge, 2004, p. 116.
16 Rudé G., The Crowd and History : A Study of Popular Disturbances in France and England, 1730-1848, New York, John Wiley & Sons, 1964 ; Thompson E. P., « The moral economy of the English crowd in the eighteenth century », Past & Present, n° 50, 1971, p. 76-136.
17 Dwyer Amussen S., « Punishment, discipline and power : the social meanings of violence in early modern England », Journal of British Studies, n° 34/1, 1995, p. 2, 6 ; Carter Wood, Violence and Crime, op. cit., p. 10.
18 Breton R., « Violence and the radical imagination », Victorian Periodicals Review, n° 44/1, 2011, p. 24-41.
19 Tilly C., The Politics of Collective Violence, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 2003, p. 45-46 ; Tilly C., Popular Contention in Great Britain, 1758-1834, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 2005.
20 Griffin, « Affecting violence », art. cité, p. 141.
21 Amussen, « Punishment », art. cité, p. 32.
22 Malcolmson R. W., Popular Recreations in English Society, 1700-1850, Londres, Cambridge University Press, 1973 ; Storch R. D., « Please to remember the fifth of November : conflict, solidarity and public order in southern England, 1815-1900 », in R. D. Storch (éd.), Popular Culture and Custom in Nineteenth-Century England, Londres, St Martin’s Press, 1982 ; Griffin E., England’s Revelry : A History of Popular Sports and Pastimes, 1660-1830, Oxford, Oxford University Press, 2005, p. 110.
23 Paz D. G., Popular Anti-Catholicism in Mid-Victorian England, Stanford, Stanford University Press, 1992, p. 243.
24 O’Gorman F., « The Paine burnings of 1792-1793 », Past & Present, n° 193, 2006, p. 114 ; Rogers N., « Burning Tom Paine : loyalism and counter-revolution in Britain, 1792-93 », Histoire Sociale/Social History, n° 32/64, 1999, p. 147.
25 O’Gorman, « Paine burnings », art. cité, p. 114-115.
26 Ibid., p. 133.
27 Leeds Mercury, 13 juin 1807 ; Leeds Intelligencer, 8 juin 1807.
28 The Times, 10 octobre 1831 ; Leeds Mercury, 15 octobre 1831.
29 Cobbett’s Political Register, 12 novembre 1831 ; Preston Chronicle, 29 octobre 1831.
30 Carlisle Journal, 30 avril 1831.
31 Cumbria Record Office, Carlisle, Royaume-Uni, D/HOD/13/64, King’s Bench, Jackson v. inhabs of Allerdale Ward above Derwent, 1831.
32 Cumbria Record Office, Carlisle, Royaume-Uni, D/HOD/13/61, Cumberland Easter Sessions 1832, King v. Morrison, Murray and McClain, 1832.
33 York Herald, 19 mai 1832.
34 Ibid.
35 Knott J., Popular opposition to the 1834 poor law, Londres, Croom Helm, 1986, p. 123.
36 Leeds Intelligencer, 10 juin 1837 ; The National Archives, Public Record Office, Kew, Royaume-Uni, HO 52/35/56, déposition de George Mallinson, 9 juin 1837.
37 Leeds Intelligencer, 17 juin 1837.
38 Oldham Archives and Local Studies, Oldham, Royaume-Uni, D-BUT F/54, Butterworth, « news reports », 1838.
39 Gilbert P., Cholera and Nation : Doctoring the Social Body in Victorian England, Albany, State University of New York Press, 2008, p. 52 ; Poor Man’s Guardian, février 1832. Voir Burrell S. et Gill G., « The British cholera riots of 1832 », in M. Holland (éd.), Swing Unmasked : The Agricultural Riots of 1830 to 1832 and Their Wider Implications, Milton Keynes, FACHRS, 2005, p. 202.
40 Donelly F. K., « The destruction of the Sheffield School of Anatomy in 1835 : a popular response to class legislation », Transactions of the Hunter Archaeological Society, n° 10/3, 1975, p. 169.
41 Williams G., « Introduction », in D. Thompson (éd.), The Early Chartists, Londres, Macmillan, 1971, p. xi.
42 Donelly, « Destruction », art. cité, p. 169 ; Hansard’s Parliamentary Debates, 3e série, vol. 10 (1832), p. 377.
43 Cumbria Record Office, Carlisle, DHOD 13/61, Cumberland Easter Sessions 1832, King v. Morrison, Murray and McClain, 1832.
44 Burrell S. et Gill G., « British cholera riots », art. cité, p. 196, 202 ; Burrell S. et Gill G., « The Liverpool cholera epidemic of 1832 and anatomical dissection – medical mistrust and civil unrest », Journal of the History of Medicine and Allied Sciences, n° 60/4, 2005, p. 478-498.
45 Annals and History of Leeds, Leeds, 1860, p. 393 ; Leeds Mercury, 15 décembre 1832.
46 Pour une interprétation plus détaillée de l’exécution d’effigies de Paine dans le contexte plus large du conservatisme, voir Neuheister J., Crown, Church and Constitution : Popular Conservatism in England, 1815-1867, Oxford, Oxford University Press, 2016, p. 57.
47 Thompson E. P., La formation de la classe ouvrière en Angleterre, trad. fr., Paris, Seuil, 1988, p. 1091-1095.
48 Kydd S., The History of the Factory Movement, Londres, 1857, p. 44.
49 Gleadle K., « We will have it : children and protest in the Ten Hours’ movement », in K. Honeyman et N. Goose (éd.), Childhood and Child Labour in Industrial England : Diversity and Agency, 1750-1914, Farnham, Ashgate, 2013, p. 215-230.
50 Knott, Popular Opposition, op. cit., p. 227.
51 The Times, 25 janvier 1838.
52 Northern Liberator, 9 décembre 1837.
53 Gurney P., « Rejoicing in potatoes : the politics of consumption in England during the hungry forties », Past & Present, n° 203, 2009, p. 117.
54 Knott, Popular Opposition, op. cit., p. 231, 250 ; Yeo E., « Christianity in Chartist struggle, 1838-1842 », Past & Present, n° 91, 1981, p. 109-139 ; Lockley P., Visionary Religion and Radicalism in Early Industrial England, Oxford, Oxford University Press, 2013.
55 Barnes J., Popular Protest and Radical Politics : Carlisle, 1790-1850, thèse de doctorat, université de Lancaster, 1981, p. 330 ; Northern Star, 10 novembre 1838.
56 Jones P., « “I cannot keep my place without being deascent” : pauper letters, parish clothing and pragmatism in the south of England, 1750-1830 », Rural History, n° 20/1, 2009, p. 31-49.
57 Leeds Mercury, 22 juillet 1837 ; Oastler R., West Riding Nomination Riot : A Letter to Viscount Morpeth MP, Londres, 1837.
58 The National Archives, Public Record Office, Kew, Royaume-Uni, HO 52/35/76, affiche incluse dans la lettre d’Armitage au Home Office, 17 juin 1837.
59 Halifax Guardian, 19 juin 1841.
60 Bradford Observer, 28 avril 1842 ; Sheffield Independent, 10 avril 1842.
61 Barnsley Archives, Barnsley, Royaume-Uni, Burlands collection, « annals of Barnsley », 19 mars 1838.
62 Manchester Times, 2 mai 1840.
63 The National Archives, Public Record Office, Kew, Royaume-Uni, MH 12/6039, fo 239, Manchester poor law correspondence, Mott à la Poor Law Commission, 22 juin 1840.
64 Gurney, « Rejoicing in potatoes », art. cité, p. 120 ; Manchester Guardian, 13, 17 août 1842.
65 Gurney, « Rejoicing in potatoes », art. cité, p. 123, 126.
66 Fraser D., Urban Politics in Victorian England : The Structure of Politics in Victorian Cities, Leicester, Leicester University Press, 1976, p. 15, argumentant contre Foster J., Class Struggle and the Industrial Revolution, Londres, Weidenfeld & Nicholson, 1974 ; Koditschek T., Class Formation and Urban Industrial Society : Bradford, 1750-1850, Cambridge, Cambridge University Press, 1990.
67 Chase M., « Labour’s candidates : Chartist challenges at the parliamentary polls, 1839-1860 », Labour History Review, n° 74/1, 2009, p. 79.
68 Fraser, Urban Politics, op. cit., p. 257-258.
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