Des Écossais en Gascogne et des Bretons dans le Yorkshire
Politiques de circulations impériales entre 1066 et 1204
p. 19-41
Texte intégral
1Le concept d’empire est-il vraiment utile pour penser la domination des Normands et des Plantagenêt sur les îles Britanniques et l’Ouest français aux xie et xiie siècles1 ? La question reste discutée et reprend généralement les termes de débats bien connus autour de l’usage des sciences sociales et de leur capacité à apporter de l’intelligibilité aux phénomènes du passé quels que soient les concepts et les représentations contemporains2. Alors que la question des circulations et des mobilités constitue un champ majeur des études impériales depuis plusieurs années3, cet aspect a été finalement peu exploité pour comprendre les dynamiques sociales et politiques de l’espace dominé par les Normands et les Plantagenêt. Il faut dire que le schéma « centre-périphérie » d’une circulation des fonctionnaires métropolitains vers les colonies et, à travers eux, la diffusion des normes et de la culture dominante à travers l’empire, n’était pas vraiment pertinent. La réévaluation de ces mobilités, désormais vues comme « the life-blood4 » des empires, s’inscrit dans le courant des remises en causes postcoloniales valorisant le point de vue des subalternes et des diasporas auxquels ils ont participé, pendant ou après l’empire, et des réseaux qui en étaient issus. Nombre de ces études utilisent le concept de diaspora, popularisé par une histoire anticoloniale cherchant à élargir et problématiser un terme qui était jusque-là essentiellement réservé à la dispersion des Juifs dans le monde antique5. La théorisation de ce concept s’est ainsi donnée pour objectif d’historiciser et de politiser les circulations des individus, les migrations, à travers leur impact sur la formation des identités et des consciences nationales6. Revendiquant un « tournant nomadique », elle oriente ainsi l’histoire impériale autour de la thématique de la construction de communautés imaginées7, rompant avec l’histoire des structures politiques et institutionnelles qui imposaient presque systématiquement la vision des dominants.
2La force de ce concept, bien que modelé pour penser essentiellement les phénomènes du xxe siècle, est d’avoir aussi percé dans l’historiographie médiévale. Plusieurs historiens l’ont ainsi utilisé pour décrire à nouveau frais ce qu’on appelait jusqu’alors les « invasions vikings » ou « normandes », qui touchèrent l’Europe de l’Ouest (mais aussi du Nord-Est) à partir du ixe siècle8, ainsi que les conquêtes opérées depuis le duché de Normandie (intégré au monde franc depuis le traité de Saint-Clair-sur-Epte, en 911 entre Charles III le Simple et Rollon) vers l’Angleterre et la Méditerranée au cours des xie et xiie siècles. L’idée de diaspora favorisa ainsi une conception de l’identité flexible, partagée, préservée malgré les distances et sans cesse réactivée au travers du commerce, des migrations, de la diplomatie, des mariages, de la guerre et des missions religieuses. Les connexions entre ces groupes peuvent avoir lieu sur de larges distances, mais en même temps des identités régionales se forment par le contact avec les autochtones. C’est ainsi que peu à peu, les membres de la diaspora normande, mais aussi bretonne et flamande installés en Angleterre après 1066, sont progressivement devenus « Anglais », au cours du xiiie siècle9.
3Je m’intéresserai ici aux circulations et aux mobilités avant 1204, avant que l’empire ne se rétracte sur les îles Britanniques. Cependant, je laisserai de côté la mobilité des Normands, qui était dominante, pour centrer mon propos sur les circulations d’individus ou de groupes régionaux entraînés par la politique volontariste des rois d’Angleterre. Que ces circulations s’inscrivent dans un espace dépassant largement les territoires directement gouvernés par les Normands est un aspect important, qui permet de penser plus précisément le rapport entre hégémonie politique et fonctionnement d’une aristocratie cosmopolite. C’est pourquoi les mobilités envisagées ici sont principalement celles qui furent incitées par le pouvoir central, et en premier lieu les mobilités militaires. L’utilisation de plus en plus accrue de mercenaires pour renforcer les contingents de chevaliers appelés à rendre leur service vassalique constitue un phénomène qui n’a cessé de se développer au cours de la période. Si la capacité à déplacer d’importants contingents militaires fut cruciale pour la formation de l’empire, leur stabilisation fut également nécessaire pour rendre pérenne cette construction politique. C’est la raison pour laquelle les rois d’Angleterre ont cherché à instrumentaliser les alliances matrimoniales en favorisant l’exogamie. Ils pouvaient ainsi récompenser les chevaliers appelés à la cour, au sein de la familia regis, à l’instar des clercs venus faire carrière dans l’espoir d’obtenir un bénéfice ecclésiastique. Le contrôle des héritières et des charges épiscopales et abbatiales fut donc un instrument central de la mobilité non seulement sociale mais également géographique des hommes au service de la Couronne.
Circulations et installations des soldats et chevaliers de Guillaume en Angleterre après 1066
Mobilités des hommes, mobilités des soldats au xie siècle
4De manière générale, les hommes du Moyen Âge ont beaucoup circulé, mais le xie siècle constitue un moment d’amplification de ces mobilités, qu’il s’agisse des circulations liées au renouveau du commerce et des villes, aux pèlerinages et aux croisades, ou bien aux structures de la parenté qui s’organisent désormais autour d’un modèle favorisant l’agnatisme et la primogéniture généralement masculine10. Bien que ce modèle ait favorisé l’ancrage des lignées localement dans une seigneurie, il a également poussé les puînés, écartés de l’héritage familial, à partir pour trouver une riche héritière qui leur apporterait un domaine et des enfants pour fonder leur propre lignage. C’est d’ailleurs ainsi que Georges Duby expliquait l’afflux de soldats venus répondre à l’appel du duc de Normandie alors qu’il préparait son débarquement en Angleterre11. Son hagiographe, Guillaume de Poitiers, raconte en effet qu’« un grand nombre de chevaliers étrangers se réunirent en masse pour l’aider12 » et que ces chevaliers « étaient des hommes du Maine, des Français, Bretons, Aquitains et surtout Normands13 ». Simon de Senlis et son jeune frère illustrent le cas des puînés en quête de terres et d’aventure14. Cependant, ils ne semblent pas avoir été dotés immédiatement après la conquête, car ils n’apparaissent pas dans le Domesday Book. Quelques années plus tard, vers 1090, Simon parvient néanmoins à épouser Maud, la fille de l’earl Waltheof, un puissant magnat anglo-saxon, qui lui apporte l’earldom de Huntingdon et de Northampton. On peut également citer le cas d’Eudes III, comte de Meaux et Troyes, qui fut banni par son oncle Thibaud Ier de Champagne, après une révolte avortée en 1063-1065. Il rejoint alors la cour du duc de Normandie et fait partie des combattants de Hastings. Guillaume lui donne comme épouse sa sœur, Adélaïde, la comtesse d’Aumale, et l’honneur de Holderness dans la partie orientale du Yorkshire. C’est là que Gamel, l’un des chevaliers qui l’avaient accompagné, décide de nommer les terres de son manoir en souvenir de sa ville natale, et que fut installée, quelques années plus tard, l’abbaye cistercienne de Meaux15.
5Au-delà des structures familiales, la présence de chevaliers venus de Normandie et de ses régions frontalières s’explique selon les liens plus ou moins étroits qu’ils entretenaient déjà avec l’aristocratie normande. David Bates et Marjorie Chibnall ont montré que, dans la Normandie ducale d’avant la conquête, le service vassalique n’était pas aussi formalisé qu’il le sera par la suite. Le duc ne pouvait donc compter sur une force importante de chevaliers liés par serment16. En outre, la volonté de Guillaume de stabiliser les frontières de son duché en neutralisant les conflits qui pourraient éclater pendant son expédition et ainsi la mettre en péril, l’amène, au début des années 1060, à négocier avec ses voisins, parfois à la suite d’expéditions militaires préventives comme dans les marches de Bretagne et du Maine. Par ailleurs, son mariage avec Mathilde de Flandre lui assura la paix au nord, et en 1063, le contingent de chevaliers normands qu’il avait envoyés en Espagne combattre pour le comte de Poitou Guy Geoffroy, conforta leur alliance pacifique. Cet exemple rappelle que la circulation des soldats était une pratique relativement courante au xie siècle, notamment dans le cadre d’alliances diplomatiques et militaires. Ainsi, la série de traités passés entre les rois d’Angleterre et les comtes de Flandres qui fixa, jusqu’à la fin du xiie siècle, les conditions de la présence des soldats flamands en Angleterre.
Les politiques d’« immigration » flamande en Angleterre au xie-xiie siècle
6Le premier document conservé de cette série date de 110117. Il s’agit sans doute d’une formalisation d’accord passé dès 1066, permettant aux rois d’Angleterre de sécuriser leurs côtes méridionales et ainsi de stabiliser la conquête18. Réitérés en 1110 et 1163 (à Douvres), ces traités prévoyaient la mise à disposition de contingents flamands au service du roi d’Angleterre en échange de money-ffefs, c’est-à-dire du produit numéraire de la rente d’un fief, dépourvu de la domination sur la terre. L’appel aux contingents de chevaliers flamands accompagna ainsi la banalisation de la substitution du service militaire par une taxe : le scutage. En 1157, lorsqu’Henri II appelle 2000 chevaliers pour sa campagne en pays de Galles, il autorise la mutation du service en scutage, ce qui lui permet d’engager entre 500 et 1000 soldats flamands19. À partir du règne d’Henri II, les mercenaires, qui étaient jusque-là employés comme force d’appoint, deviennent l’élément principal d’une armée professionnelle20. Pour normaliser cette pratique et sceller formellement les relations féodales anglo-flamandes, Henri II exigea que les traités s’accompagnent de l’hommage des comtes de Flandre, ce qui fut le cas en 1163, 1173 et 118021.
7Ces chevaliers flamands au service du roi d’Angleterre ont circulé sur des espaces plus étendus à mesure que l’empire s’étendit dans la seconde partie du xiie siècle. Ainsi, sous le règne d’Henri Ier, ils sont mobilisés dans le Maine, et sous Henri II en Bretagne, pour lutter contre la révolte des barons bretons en 1158. De plus, nombre d’entre eux participent à la campagne contre le comte de Toulouse en 115922. Déplacements et traités militaires s’achèvent à la mort de Jean sans Terre, en 1216, une date qui marque également la fin d’une période impériale cosmopolite transmanche et l’affaiblissement durable des liens entre Angleterre et Flandre23. Au début du xiiie siècle, cependant, les descendants des chevaliers venus du continent à la fin du xie siècle, et qui s’étaient installés en Angleterre, ne s’identifiaient plus vraiment selon l’origine de leurs ancêtres, qu’ils soient Flamands, Bretons ou bien Normands, mais avaient largement adopté l’identité du pays dans lequel ils avaient fait leur vie : l’Angleterre24. Eljas Oksanen a montré que nombre de Flamands s’étaient en effet installés en Angleterre dans les années qui suivirent la conquête. Les régions d’installation étaient souvent proches des régions d’origine (carte 1). Ainsi le comte Eustache de Boulogne reçoit principalement des terres en Essex, face à son propre comté. Beau-frère d’Édouard le Confesseur, Eustache avait des intérêts en Angleterre bien avant la conquête, mais son hostilité à la famille Godwin l’incita à prendre le parti du duc Guillaume25. Les autres aristocrates flamands venaient essentiellement de la partie sud des Flandres, autour de Douai, Arras, Béthune, Hesdin. Leurs possessions s’étendaient ainsi entre la côte orientale, où se trouvaient l’essentiel de leurs intérêts commerciaux, et le Gloucestershire, qui constituait un autre pôle important de la présence flamande en Angleterre26. L’importance des réseaux anglo-flamands se manifesta surtout sous le règne d’Étienne de Blois, comte de Boulogne par sa femme Mathilde. Nombre d’entre eux entrèrent alors au service de la Couronne, comme Guillaume d’Ypres, nommé earl du Kent entre 1138 et 114027. Mais cette proximité avec le pouvoir royal se retourna contre eux à l’accession d’Henri II, qui ordonna l’expulsion des mercenaires flamands, trop associés au règne de son prédécesseur28.
8Si nombre de Flamands d’Angleterre appartenaient cette élite internationale formant ce que l’historien Robin Frame appelle le « nexus aristocratique », pour désigner la confluence des intérêts politiques interconnectés, des relations familiales et des possessions transrégionales qui dépassaient largement les frontières des royaumes et des îles Britanniques29, il existait également une présence flamande à un niveau social intermédiaire, essentiellement composée de soldats dotés dans les fronts pionniers de la Northumbrie. Il y avait vraisemblablement des hommes venus de la région entre Ypres et Lille avec Robert de Comines, qui fut établi earl de Northumbrie en 106930. Leur installation suscita des migrations d’agriculteurs flamands sans doute poussés par une forte pression démographique à tenter leur chance ailleurs31. La nomination de Gilbert de Gand comme gouverneur d’York en 1069 et l’arrivée à l’évêché de Durham en 1080 de Walcher, un clerc de Liège qui avait dans son entourage essentiellement des Français et des Flamands, vinrent renforcer l’influence de ce groupe dans cet espace32. En 1108, cependant, plusieurs chroniqueurs relatent le transfert en pays de Galles de la colonie flamande qui se trouvait en Northumbrie33. Pour Guillaume de Malmesbury, ce déplacement s’explique ainsi :
« Les Gallois étaient constamment en révolte et le roi Henri maintenait la pression sur eux par de fréquentes expéditions jusqu’à ce qu’ils finissent par se rendre. Aussi par un admirable plan pour réduire leur ébullition, il installa en pays de Galles tous les Flamands qui vivaient en Angleterre. De nombreux Flamands qui avaient été enrôlés dans les troupes au temps de son père ou grâce aux relations de parenté de sa mère, s’étaient en effet établis en Angleterre en tellement grand nombre que cela commençait à être un problème pour le royaume lui-même. Le roi les rassembla tous et les installa dans la province galloise de Rhos en Pembrokeshire avec leurs affaires et leurs parents, purgeant ainsi simultanément le royaume et donnant du fil à retordre à ses ennemis barbares34. »
9Les conflits entre Flamands et Gallois contribuèrent à renforcer la communauté, si bien qu’au début du xiiie siècle, ils exerçaient dans la région un pouvoir militaire pratiquement autonome35. Si elle fut moins importante que la diaspora normande, la présence flamande en Angleterre au xie-xiie siècle nécessita cependant de véritables politiques de régulation de la part du pouvoir.
Bretons et Poitevins en Angleterre : mobilités collectives et individuelles
10En 1066, le plus gros contingent de chevaliers étrangers est celui des Bretons. Leur rôle dans la conquête et les modalités de leur installation ont été analysés de manière approfondie grâce à des études prosopographiques menées par Katharine Keats-Rohan36. Après la conquête, il existe trois groupes distincts, mais deux seulement ont perduré après 1075. À cette date, la révolte du Breton Raoul de Gaël, earl du Norfolk, aboutit à la destruction du groupe, pourtant présent de longue date – Raoul de Gaël était né en Angleterre et était un parent d’Édouard le Confesseur. Après 1075, ses terres en Norfolk sont redistribuées tandis que ses vassaux rejoignent Alain le Rouge à Richmond, qui était resté loyal à Guillaume. Alain faisait partie de la maison de Penthièvre, qui avait ses terres entre Saint-Malo et Lamballe. Il était l’un des principaux chefs militaires de Guillaume, dont il était un cousin proche, et ce même avant 106637. Cette proximité explique sans doute pourquoi il reçut l’honneur de Richmond dans le Yorkshire, après la campagne contre le Nord en 1070, et devint alors l’un des seigneurs les plus riches d’Angleterre.
11Le troisième groupe n’était pas dominé par une figure importante, mais était composé d’hommes qui avaient des terres dans le nord-est de la Bretagne autour de Dol, Combourg et Fougères, et qui furent installés dans le Sud-Ouest (Devon, Cornouailles, Gloucestershire). Leur participation à la conquête s’explique principalement par leurs connexions avec les aristocrates normands du comté de Mortain et du Cotentin, également installés dans cette région d’Angleterre. Après la mort d’Alain de Richmond en 1146, les raisons purement personnelles qui avaient régi l’organisation des Bretons en clans étant caduques, les deux groupes enterrèrent la hache de guerre. Bien que leurs fiefs aient été relativement modestes, ils étaient numériquement importants : les Bretons représentaient sans doute près d’un quart des hommes qui tenaient des fiefs en Angleterre après 1066.
12Pour les autres chevaliers « étrangers » qui se trouvaient à Hastings, il n’est pas possible de parler de diaspora, car leurs mobilités furent très ponctuelles, engageant seulement quelques individus et leur familia. Guillaume de Poitiers loua ainsi les exploits d’Aimery de Thouars sur le champ de bataille, mais il est difficile de savoir si Aimery participa à la conquête en se présentant volontairement au duc, qui était son cousin, ou si sa présence était le fait d’alliances informelles38. Quoi qu’il en soit, il fait partie des seigneurs qui rentrèrent ensuite chez eux, quitte à faire, dans les années 1070-1080, plusieurs allers et retours pour prendre en charge la gestion des terres qu’il avait obtenues dans le Norfolk39. Il y laissa vraisemblablement un vassal, Guillaume de Parthenay, qui apparaît comme sous-tenancier dans le Domesday Book40. Deux frères également semblent s’être durablement installés dans le Yorkshire, près de Pontefract, vers 1090 : Guillaume et Roger, tous deux dits « Le Poitevin ». L’installation de ces chevaliers issus du continent engendra d’autres migrations plus durables : celles de moines venus former les communautés monastiques nouvellement fondées. Avant que le recrutement ne devienne local, des moines normands, poitevins, flamands participèrent ainsi à ce vaste mouvement vers les îles Britanniques41.
13Cependant, le retour des chevaliers à l’appel de leurs femmes et malgré l’insistance de Guillaume pour qu’ils restent, toucha autant les Normands que les chevaliers des autres régions42. Pour stabiliser les tenures distribuées aux conquérants, les rois d’Angleterre incitèrent les mariages avec les femmes anglo-saxonnes. Ainsi, ils pensaient pouvoir légitimer la possession des terres à la fois par le droit de la conquête et celui du sang. Cependant, en reprenant les données issues des analyses prosopographiques, Elisabeth van Houts a montré que cette politique matrimoniale exogame comme moyen de stabiliser la colonisation restait surtout le fait de la haute aristocratie et que les mariages mixtes n’étaient pas courants à la fin du xie siècle en Angleterre chez les tenants-in-chief43. Pour Eleanor Searle, cela s’explique par la forte exigence d’isogamie au sein de l’aristocratie normande, qui allait à l’encontre de la politique d’intermariages encouragée par Guillaume le Conquérant et Guillaume Le Roux44. En outre, il existait aussi vraisemblablement une pression sociale importante sur les veuves anglaises incitées à ne pas se remarier avec les assassins de leurs époux. S’ils étaient peu nombreux, les intermariages n’en étaient pas moins significatifs car ils reviennent souvent sous la plume des chroniqueurs. L’un des cas les plus célèbres est celui d’Ordéric Vital, qui se présente lui-même comme le fils d’Odolérius, un prêtre d’Orléans installé en pays de Galles, et d’une femme anglaise.
14Pour parvenir à former une véritable élite impériale, les rois d’Angleterre ont donc cherché à mieux contrôler les stratégies matrimoniales afin de favoriser l’exogamie.
Les circulations issues des stratégies matrimoniales
15Selon Gautier Map, c’est surtout Henri Ier qui encouragea les mariages entre Normands et Anglais pour fédérer les deux peuples dans une ferme amitié45. Montrant l’exemple, il épousa en 1100 Mathilde d’Écosse, fille de Malcolm III et descendante des rois anglo-saxons. À sa mort en 1118, il décide de renforcer ses liens avec l’Empire allemand – où se trouvait sa fille aînée Mathilde, qui avait épousé le Salien Henri V en 1110. Il épouse en 1121 la jeune Adélaïde de Louvain, fille du comte de Brabant. Le contrôle sur les alliances de la maison d’Écosse lui avait également permis de renforcer les liens entre l’empire normand et la Flandre, en arrangeant le mariage, en 1102, du comte de Boulogne, Eustache, avec sa belle-sœur, Marie d’Écosse46. Ces stratégies matrimoniales exogames expliquent ainsi qu’Étienne de Blois, fils du comte de Blois et d’Adèle, fille de Guillaume le Conquérant, ait pu revendiquer le trône à la mort de son oncle, Henri Ier. Point névralgique des politiques interrégionales, les alliances devaient donc transiter par la cour royale. Toutefois, la capacité d’interférence des rois d’Angleterre n’était pas toujours présente. Ainsi, alors qu’Henri Ier était parvenu à empêcher le mariage de Baudouin de Flandres avec Agnès, la fille d’Alain IV Fergant de Bretagne (1082-1112), Henri II fut impuissant à contrer les plans de Malcolm IV d’Écosse pour marier sa sœur Marguerite avec le duc Conan IV de Bretagne, en 115947. La volonté de redoubler cette union par un mariage entre Constance, la sœur de Conan, et Malcolm IV, montre qu’il y avait des enjeux importants qui se jouaient entre les deux familles, toutes deux vassales du roi d’Angleterre, à Richmond et Huntingdon, mais autonomes dans leur royaume et leur duché (l’intégration de la Bretagne dans l’empire Plantagenêt ne se fera qu’en 1166)48.
16Si les alliances à l’échelle des différents royaumes étaient depuis longtemps une pratique courante au sein de l’aristocratie européenne, la formation de l’empire des Normands et des Plantagenêt eut cependant une influence sur les stratégies adoptées, d’une part en favorisant l’élargissement des réseaux aristocratiques et leurs possibilités d’alliances matrimoniales, et d’autre part en obligeant les familles à se positionner, soit en s’insérant dans les réseaux impériaux, soit en les contournant. Ainsi, si les rois d’Écosse ont cherché à échapper à l’hégémonie anglaise en nouant des alliances avec les ducs de Bretagne, ils profitèrent également de la forte présence flamande dans le Nord de l’Angleterre tout au long du xiie siècle pour élargir leurs alliances extra-impériales, comme en témoigne le mariage d’Ada d’Écosse au comte de Hollande, Florent III, en 116249. En forgeant des alliances avec les réseaux flamands et bretons, qui constituaient aussi des groupes puissants dans le Nord de l’Angleterre, Malcolm IV renforçait ainsi sa position au sein de l’empire, à la fois de manière locale et par son influence interrégionale50.
17Le contexte grégorien de redéfinition des règles matrimoniales par l’Église constitua un cadre favorable pour modifier les conventions qui régissaient la succession des héritières51. La charte du couronnement d’Henri Ier illustre le renforcement de la législation matrimoniale opéré par les rois d’Angleterre au début du xiie siècle. Désormais, les barons ne peuvent arranger le mariage de leurs filles et des femmes de leurs vassaux, qu’après avoir consulté le roi. Celui-ci ne peut prélever une taxe ou interdire l’union sauf si elle se fait avec un ennemi52. Si un baron meurt en laissant une héritière, c’est au roi d’arranger son mariage, sur le conseil de ses barons. Le roi s’engage également à ne pas remarier une veuve sans son consentement. Dans la pratique, il n’est pas certain que le roi ait été systématiquement consulté. En revanche, lorsque la fille était la seule héritière du lignage, le contrôle royal fut beaucoup plus strict. Quant aux promesses d’Henri Ier concernant le consentement des veuves et le prélèvement de taxes, elles furent rapidement oubliées sous les Plantagenêt53. Le pipe roll de 1130 montre que l’exploitation par la Couronne de ses droits de garde et de mariage était étroitement encadré et enregistré à l’Échiquier. À partir de 1176, et peut-être même dès 1165, des enquêtes sur les femmes soumises au don du roi furent menées en Angleterre, mais seule l’enquête de 1185 (Rotuli de Dominabus et pueris et puellis) a été préservée. L’usage de ce droit fut un redoutable un instrument non seulement pour générer du profit mais aussi et surtout pour récompenser la loyauté des vassaux, donner un statut permanent au sein de la noblesse à ceux qui étaient de basse extraction ou d’origine étrangère, retenir les plus valeureux d’entre eux au service du roi, parfois sur de longues années, ou encore pour amadouer ceux qui étaient tentés par l’insoumission54. Selon Ragena DeAragon – qui a mené une étude prosopographique sur des comtesses d’Angleterre et de Normandie – sous le règne de Richard, qui usa particulièrement de ce droit, 66 % d’entre elles furent veuves au cours de leur vie et remariées sur décision royale55. Cet instrument permit de contrer la tendance endo- et isogamique, qui était d’autant plus forte dans les familles aristocratiques, y compris de rang comtal, qu’elles accompagnaient des stratégies d’ancrage territorial. Puissant facteur de fluidité et de mobilité sociale, les mariages tant hypergamiques qu’hypogamiques furent donc instrumentalisés par les rois d’Angleterre à une échelle impériale, ce qui engendra un certain nombre de mobilités, comme le montrent les quelques exemples dans le tableau ci-contre56 (voir également carte 2).
18Nicholas Vincent a montré à la lumière des chartes qu’Henri II laissa largement les Poitevins en dehors des réseaux de pouvoirs de son empire57. Considéré comme étranger en Aquitaine, où il n’était que l’époux de la duchesse, il eut beaucoup de mal à limiter les rébellions aristocratiques dans cette espace. Les choses changèrent sous le règne de Richard. Intronisé duc d’Aquitaine dans les années 1170, il encouragea, après son accession au trône en 1189, l’intégration des Poitevins dans les cercles de la cour58. En 1191, il organisa ainsi le mariage de Raoul de Lusignan, seigneur d’Exoudun, avec Alix, comtesse douairière d’Eu et de Hastings depuis la mort de son frère en 118659. Après 1204, elle resta en Normandie puis en Poitou, où elle mourut en 1246 et fut enterrée dans la fondation de son époux au prieuré de Fontblanche à Exoudun.
Tableau 1. – Exemples de mariages contrôlés à l’échelle de l’empire.
Date du mariage | Héritière ou veuve | Époux | Lieu du mariage |
1159 | Sara, fille de Réginald, earl de Cornouailles | Adémar, jeune vicomte de Limogesa | Bordeaux |
1174 | Emma, demi-sœur d’Henri II | David ap Owen, prince des Galles du Nordb | |
1) 1177 | Denise de Déolsc | 1) Baudouin de Redvers, earl du Devon | Salisbury |
1186 | Ermengarde de | Guillaume le Lion, roi d’Écossee | Oxford |
1189 | Constance, duchesse de Bretagne | remariée à Ranulf III, |
a) Voir Geoffroy de Vigeois, Chronique, éd. F. Bonnélye, Tulle, Vve Detournelle, 1864, p. 91 ; Lewis A. W., « Six charters of Henry II and his family for the monastery of Dalon », English Historical Review, n° 110/3, 1995, p. 652-665.
b) Davies R. R., The Age of Conquest : Wales 1063-1415, Oxford, Oxford University Press, 2001, p. 239 ; Eyton R. W., Court, Household and Itinerary of King Henry II, Londres, Taylor, 1878, p. 85, n. 5. Le pipe roll de 1174 garde également la trace de mariage : Ferme de Londres et du Middlesex : « et pro pannis et appartu sororis regis quad David fflius Oeni duxit in uxorem £28 17s. per breve regis… » ; Dorset et Somerset : « et in procuratione sororis regis quad David fflius Oini duxit uxorem £8. 7s. per breve regis… » ; Staffordshire : « et in procuratione sororis regis quad David duxit uxorem £12 9s. 6d. ».
c) Benedict of Peterborough, Gesta Regis Henrici secundi, éd. W. Stubbs, Londres, Longman (« Rolls Series », n° 49), 1867, t. I, p. 127.
d) Scott W. W., « Ermengarde (d. 1233) », DNB.
e) Eyton, Court, Household and Itinerary, op. cit., p. 268.
19Pour récompenser l’un de ses plus fidèles chevaliers poitevins, Guillaume Forz, Richard lui donna en mariage Hawise, la « très virile » comtesse douairière d’Aumale, veuve de Guillaume de Mandeville, earl d’Essex60. Malgré ses réticences, elle dut capituler en 1190 devant la pression du roi. Après la mort de Guillaume en 1195, elle fut remariée à un autre chevalier de la maison royale, d’origine flamande cette fois-ci, Baudouin de Béthune, qui mourut en 1212. Cependant des mariages hypergamiques de ce type n’entraînaient pas nécessairement de mobilités géographiques, car Guillaume Forz et Baudouin de Béthune continuèrent à suivre le roi, en Palestine et en Normandie, tandis que Hawise resta sur ses terres61.
20Après 1204, les possibilités d’alliances au sein de l’empire sont considérablement réduites par la perte de la Normandie, puis du Poitou en 1206. Cette rétraction montre, en négatif, l’existence d’une véritable dynamique impériale du déploiement des alliances62. En réglementant une partie des mariages, les rois d’Angleterre entendaient contrôler les alliances aristocratiques interrégionales et ainsi renforcer les réseaux impériaux, sans lesquels la construction politique transmanche issue de la conquête de 1066 ne pouvait tenir. Cette stratégie s’appuya sur le rôle politique que revêtait désormais le mariage des femmes, sur leur capacité à hériter non seulement de leur père mais aussi de leur mari, en gardant la possession de leur dot et de leur douaire63. « Siècle des héritières64 », le xiie siècle fut également celui du renforcement de la puissance royale, qui sut les placer sous son droit. Cependant, l’exploitation abusive de ces prérogatives (taxation des droits de garde, mariages forcés notamment avec ses mercenaires) s’ajouta aux mécontentements de l’aristocratie anglo-normande qui parvint à imposer à Jean, dans la Grande Charte de 1215, dès les premières clauses (7 et 8), le droit des femmes à ne pas se remarier et à conserver librement leur dot après la mort de leur mari (without disparagement). De fait les veuves qui restèrent non mariées après 1216 furent de plus en plus nombreuses.
La circulation des familiares et des chevaliers de la maison du roi
21La politique matrimoniale des rois d’Angleterre a moins modifié qu’elle n’a amplifié la mobilité réelle des aristocrates au sein de l’empire. Ceux-ci étaient en effet déjà habitués à se déplacer entre leurs différents fiefs. La dispersion des honneurs avait été la règle de la distribution des fiefs après la conquête, afin d’empêcher la territorialisation et la tentation d’autonomie des grands tenanciers. Outre les déplacements qu’ils devaient faire entre leurs fiefs anglais, nombre d’entre eux devaient également traverser la Manche pour s’occuper de leurs possessions continentales. David Crouch a montré les formes de gestions domaniales qu’impliquait un tel éclatement foncier à partir du cas de Waléran de Meulan, qui était également doté en Île-de-France65. Outre ces mobilités inter-domaniales, nombre d’entre eux étaient aussi appelés à venir servir à la cour, soit ponctuellement, soit de manière plus permanente pour intégrer l’administration curiale et le conseil du roi. Cette mobilité curiale était alors une manière de construire un gouvernement commun sur ce qui, sans cela, serait resté les éléments disjoints d’une politique entièrement décentralisée66. Outre le fait que la cour constituait un point de convergence d’hommes venus d’horizons géographiques très différents, les mobilités qu’elle engendrait n’étaient pas les mêmes selon que l’on appartenait à la maison du roi (familia regis, household) ou à son administration. Ainsi, les mobilités suscitées par les différents osts royaux doivent être distinguées des trajectoires des « carrières impériales » entre la cour et les institutions locales de gouvernement.
La circulation des chevaliers et membres de la familia regis
22Le fonctionnement de la maison du roi comme institution militaire est bien connu. Le nombre des chevaliers qui la composait était relativement important (environ 130 sous Jean67) et était accru par la présence de mercenaires68. L’appel à des troupes étrangères – d’abord principalement composées de Flamands et de Bretons – s’explique non seulement par le besoin de soldats, mais aussi par la suspicion quant à la loyauté de certains vassaux et la crainte de trahisons. C’est ainsi grâce aux soldats étrangers qu’Henri Ier remporta la victoire de Brémule en 111869. Ces pratiques transformèrent progressivement le statut et la fonction des mercenaires. Bien que ces derniers aient d’abord été employés à la place des chevaliers qui payaient le scutage pour se libérer de leurs devoirs militaires, le mercenariat devient un système de plus en plus organisé, formé d’experts militaires, au point de concurrencer le monopole militaire de l’aristocratie à la fin du xiiie siècle70. Leur caractéristique principale était d’être « étrangers », d’où les appellations régionales des « Brabançons », « Bisccayans », « Navarreses » ; dans les rouleaux de l’Échiquier, ce sont « les Cotereaux » (colterelli). Sous les Plantagenêt, ils sont désormais aussi gallois, écossais et irlandais. Leurs pratiques guerrières, faites de massacres et de dévastation, étaient redoutées. Ils représentaient l’image inverse du chevalier, celle de guerriers sauvages, sans éthique, procédant par raids, mais la haine qu’ils suscitaient pouvait se retourner contre eux en cas de défaite71. Giraud de Barri raconte que le massacre automatique des ennemis constituait une marque de fabrique des Gallois et des Irlandais, alors que les Flamands et les Brabançons savaient rançonner les prisonniers72. Véritable instrument de la puissance royale, des armées hybrides opéraient ainsi dans tout l’empire, de l’Écosse aux Pyrénées, comme le montre un enregistrement des chancellor rolls de 1196 qui indique qu’environ 2300 Gallois furent envoyés en Normandie à cette date pour défendre la frontière du duché73. À la tête de ces « routiers » étaient désignés des chevaliers de la maison du roi, généralement d’origine anglaise ou normande. La désignation de chevaliers venus d’Anjou ou du Poitou fut mal reçue par les élites de la cour, qui imposèrent, en 1215, la dissolution de ces troupes et le renvoi de « tous les chevaliers étrangers, arbalétriers, sergents, et mercenaires qui sont venus avec leurs chevaux et leurs armes pour blesser le royaume » (clauses 50 et 51).
23Combien étaient précisément ces « étrangers » ? Difficile à dire en l’absence d’étude prosopographique. On sait que dans l’entourage d’Henri le Jeune, il n’y avait que trois Flamands et un Manceau sur une quinzaine de chevaliers, mais ils pouvaient être très influents comme c’était le cas de Philippe d’Alsace, comte de Flandre, qui semble avoir joué un rôle de mentor auprès du jeune roi74. L’entourage ducal de Richard, entre 1170 et 1189, était principalement composé de notables locaux d’Aunis et de Saintonge, qui occupaient les charges de sénéchal de Poitou ou de Gascogne75. On remarque très peu de membres de grandes familles poitevines, si ce n’est Geoffroi de Lusignan qui atteste parfois les chartes de Richard en Poitou76. Certains d’entre eux accompagnent Richard en Angleterre avant 1189, mais peu restent dans sa familia lorsqu’il accède au trône. Ceux qui le suivirent en croisade, comme André de Chauvigny et Guillaume de Forz, furent ensuite récompensés par d’importants dons, et notamment des héritières77. À la cour de Jean, les Flamands constituent le groupe majoritaire parmi les chevaliers étrangers, mais on retrouve également des hommes comme Gérard d’Athée, Engelard de Cigogné, Geoffrey de Martigny, Savaric de Mauléon, des Tourangeaux chargés de diriger les routiers du roi sur le continent et qui se retrouvent en Angleterre après 1204 et 120678. Parmi les chevaliers étrangers qui poursuivent une carrière à la cour d’Henri III, il y a quatre Normands, deux Flamands (Adam de Saint-Martin et Baudouin de Béthune) et un Poitevin (Joldwin de Doe)79.
24À côté de ces chevaliers qui composaient l’organisation régulière de la familia regis, en tant qu’organisation militaire, se trouvaient également des vassaux du roi, appelés à l’ost. Ainsi, après avoir vaincu le roi Malcolm IV à Carlisle en 1158, Henri II lui impose de participer à sa campagne contre le comte de Toulouse, comme service pour l’honneur d’Huntingdon. Le 16 juin 1159, Malcolm IV traverse donc la Manche avec son frère Guillaume et leur retenue pour rejoindre Henri II à Poitiers. Ils avancent ensemble vers Périgueux, et c’est là que, le 30 juin, Malcolm IV est adoubé par le roi, puis lui-même adoube son frère qui avait alors 16 ans80. Gervais de Cantorbéry précise qu’à cette occasion, il y avait également des princes gallois aux côtés du roi d’Angleterre. Roger de Howden raconte également qu’au retour de la campagne, Malcom IV et son frère restèrent avec Henri II en Anjou et qu’ils étaient présents à Noël à Falaise, où furent menées les négociations sur le mariage de sa sœur Marguerite avec Conan IV duc de Bretagne81.
25La présence de ces grands princes, venus des extrémités de l’empire à la cour du roi d’Angleterre, contribuait à construire l’image d’une cour influente et cosmopolite, de dimension impériale. Ainsi, le roi d’Angleterre faisait-il venir ses vassaux et, au cours de grandes fêtes solennelles, organisait des événements marquant sa domination : adoubement, hommage, etc. Après 1166 et son abdication du titre ducal, Conan de Bretagne apparaît relativement souvent à la cour d’Henri II. Malgré sa déchéance, il y occupe toujours une place de première importance, si on prête attention au rang des témoins des chartes royales – il en atteste quatre entre 1166 et 117182. En 1173, alors qu’Henri II est à Montferrand en Auvergne, il fait venir Raymond V de Toulouse pour recevoir son hommage ; hommage renouvelé quelques semaines plus tard à Limoges en présence des fils du roi83. Il apparaît ensuite fréquemment parmi les chevaliers qui composent la familia d’Henri le Jeune, notamment à l’occasion de sa révolte en 118384. Le cadre de l’empire constitua donc un espace de mobilités importantes pour l’aristocratie guerrière, qui devait participer à des campagnes militaires qui pouvaient avoir lieu à plus de 1000 kilomètres de distance de leurs lieux de résidence.
Les circulations des administrateurs laïques ou ecclésiastiques au sein de l’empire
26La cour royale avait donc des contours variables, formés par cet organe militaire qu’était la familia regis à laquelle s’agrégeaient de manière plus ou moins opportuniste des chevaliers venus de tous horizons. Le cœur de la cour était en revanche formé par un groupe de clercs et de laïcs attachés au service de la chancellerie ou de la chambre royale. La loyauté et le service de ces hommes étaient souvent récompensés par l’attribution de charges ou d’offices qui leur assuraient une rente, mais qui n’impliquaient pas nécessairement leur détachement de la cour ou leur sédentarisation. Cependant, certaines charges, notamment celles issues de la nécessité de pallier l’absence du roi, exigeaient que le représentant royal exerce son autorité localement. En premier lieu, la charge de Justicier – créée par Henri Ier et formalisée par Henri II – était celle d’une sorte de vice-roi. Elle fut occupée en Angleterre exclusivement par des Anglais, qu’il s’agisse de grands barons comme Robert de Leicester ou de chevaliers qui connurent une ascension sociale fulgurante, d’administrateurs comme Richard de Lucy, qui fut son co-Justicier jusqu’en 1176, ou Hubert de Burgh85. Cette fonction est également créée en Irlande à partir de 1171, où elle est détenue alternativement par des administrateurs anglais comme Guillaume Fitz Audelin et Meiler Fitz Henry, des grands barons comme Richard Strongbow, ou encore des ecclésiastiques comme John de Gray (de 1208 à 1213) puis Henri de Londres, archevêque de Dublin (archevêque de 1213 à 1228, justicier d’Irlande de 1213 à 1215 puis de 1221 à 1224).
27Alors qu’il était essentiellement un officier de la cour du prince, le sénéchal devient au cours du dernier tiers du xiie siècle, un représentant du roi en Normandie, en Anjou, en Bretagne et en Aquitaine, avec des fonctions politiques et juridictionnelles élargies86. Le recrutement des sénéchaux s’effectuait essentiellement au sein de la chevalerie locale, mais il existe quelques cas de chevaliers anglo-normands envoyés dans les provinces de l’empire, notamment lorsqu’aucune autorité locale n’apparaissait fiable. L’exemple de Patrick de Salisbury, envoyé comme gouverneur en Aquitaine en 1168 pour mener la répression contre la révolte des seigneurs de Lusignan, est bien connu, d’autant qu’il s’achève dans le sang87. À la suite du meurtre du comte de Salisbury par les Lusignan, c’est un Normand, Guillaume de Tancarville, chambrier du roi, qui est nommé gouverneur de Poitou dans les années 117088. En Poitou, les fonctions de sénéchal sont exercées par des notables d’Aunis et de Saintonge. Puis, sous le règne de Jean, des Anglais sont envoyés pour représenter le roi en Anjou et en Poitou. Ainsi Hubert de Burgh est chargé de tenir Chinon contre Philippe Auguste de 1202 à 1205. Après un retour en Angleterre comme shérif, il est renvoyé à La Rochelle en 1208 et nommé sénéchal en 1214, alors que Jean tente de reprendre le Poitou. À son retour en Angleterre, en 1215, il devient le Justicier du royaume89.
28Étienne de Marçay, chevalier de la petite noblesse tourangelle, est le fidèle sénéchal d’Henri II en Anjou. Sa loyauté lui vaut d’être emprisonné en 1189 par Richard, qui le remplace par Pagan de Rochefort. Puis, en 1196, Richard nomme un chevalier du Kent, Robert de Turnham, qu’il élève au rang de baron en le mariant avec une héritière du Yorkshire. En 1199, Arthur de Bretagne offre la sénéchaussée au manceau Guillaume des Roches, puis Robert de Turnham retourne en France en 1201, comme sénéchal de Gascogne et d’Anjou, à la suite de la mort d’Arthur en 1202. On peut également noter la présence de Geoffroy de Crowcombe, un chevalier anglais du Somerset qui sert Jean en Poitou : en 1214, il est fait maréchal des armées du roi en Poitou et reçoit la garde de La Rochelle avant de finir sa carrière en Angleterre sous Henri III90.
29Enfin en Bretagne, Henri II choisit d’abord des hommes de confiance : Guillaume FitzHamon, un Anglais sans doute d’origine bretonne car lié aux réseaux bretons de l’honneur de Richmond, est sénéchal de Nantes de 1158 à 117291. Il est remplacé par Pierre FitzGuy, un manceau au service d’Henri II, de 1172 à 1184. À Rennes, c’est un Breton avec des intérêts en Angleterre, Guillaume de Lanvallay, châtelain de Windsor, qui occupe l’office de sénéchal de 1166 à 1172.
30Contrôler la mobilité des laïcs est une chose, mais contrôler celle des clercs nécessitait d’avoir la main sur les élections ecclésiastiques. Si le roi pouvait imposer sans résistance son candidat en Angleterre, en Normandie et dans une moindre mesure en Anjou, jusqu’à la fin du xiie siècle, les charges ecclésiastiques lui échappaient en grande partie au sud de la Loire. Là, il devait affronter d’une part les réseaux aristocratiques locaux, et d’autre part les revendications de l’Église réformatrice. Les mobilités se sont donc essentiellement effectuées vers la Normandie et l’Angleterre. Quelques clercs poitevins ou angevins sont ainsi devenus de grandes figures du gouvernement anglais. C’est le cas de Pierre des Roches, un Poitevin entré au service du duc Richard. Il reçoit le prieuré de Loches en 1199 et devient trésorier à Poitiers en 1201. Après 1204, il suit Jean en Angleterre et devient évêque de Winchester. Pendant le conflit qui opposa Jean à Innocent III (1206- 1213), Pierre et Jean de Norwich furent les deux seuls évêques à rester en Angleterre. En 1214, il est nommé Justicier d’Angleterre. Les trajectoires dans le sens inverse sont plus rares, mais elles existent, comme le montre le cas de Richard d’Ilchester, un clerc de Bath qui entra au service d’Henri II lorsque Thomas Becket était chancelier. Grâce à l’influence du nouvel archevêque, il est élu archidiacre de Poitiers en 1163. Il revient cependant en Angleterre en 1173, lorsqu’il obtient l’évêché de Winchester92. Puis il est chargé de réformer l’Échiquier à Caen dans les années 1170. Sous Richard, la mobilité des clercs peut être illustrée par l’exemple de maître Philippe de Poitiers, qui fait le voyage en Terre sainte avec le roi et lui sert de secrétaire pendant sa captivité. En 1194, il est nommé archidiacre de Cantorbéry, puis reçoit l’évêché de Durham en 1195. Il continua à servir le roi en accomplissant des missions diplomatiques, notamment vers Rome et Cologne93.
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31Les circulations entre le continent et les îles Britanniques existaient depuis l’Antiquité et n’ont jamais cessé tout au long du Moyen Âge, mais elles restent sans comparaison avec celles qui furent occasionnées par la formation d’un empire transmanche en 1066. La conquête de l’Angleterre s’accompagna d’une véritable « diaspora » de chevaliers et de soldats venus du Nord-Ouest de la France, dont certains s’installèrent durablement en Angleterre et s’y assimilèrent en l’espace de cent cinquante ans. De ce creuset, de nouvelles identités ont émergé, produits d’un mélange à la fois culturel et d’une forte mixité sociale, encouragés par une politique de mariages exo- et hypergamiques94. La mise en œuvre de cette politique matrimoniale, parce que limitée socialement, ne pouvait cependant suffire à stabiliser les réseaux aristocratiques de part et d’autre de la Manche95. Pour créer une véritable élite impériale, les rois Normands et Plantagenêt se donnèrent les moyens de curialiser des élites locales en développant leur administration centrale et territoriale. Ainsi, c’est en multipliant les opportunités de mobilité sociale et géographique et la constitution de réseaux à l’échelle de l’empire, que les rois d’Angleterre suscitèrent une dynamique capable de faire tenir la formation politique structurellement instable issue des conquêtes de 1066 et 1154. L’échec des Plantagenêt à créer une cour véritablement cosmopolite leur fut fatal. Tout au long de la période, cependant, les mobilités individuelles ont constitué un aspect central non seulement du fonctionnement impérial, mais également de dynamiques sociales, et si on peut dire que ces individus ont fait l’empire, ils en sont aussi, à bien des égards, le produit96.
Annexe
Annexe
Carte 1. – Mobilités et installations des chevaliers dans l’Angleterre post-conquête.

Carte 2. – Mobilités des politiques conjugales à travers l’empire des Normands et Plantagenêt : quelques exemples.

Notes de bas de page
1 Les propositions qui suivent constituent les grandes lignes d’un projet sur les circulations au sein de l’empire des Normands et des Plantagenêt, adossé à une prosopographie encore à l’état d’ébauche. Il s’agit donc d’une présentation de l’état des connaissances et non de l’exposition des résultats de cette recherche.
2 Voir notamment la controverse autour de la pertinence du concept d’État : Reynolds S., « The historiography of the medieval state », in M. Bentley (éd.), A Companion to Historiography, Londres, Routledge, 1997, p. 117-138 ; Davies R. R., « The medieval state : the tyranny of a concept ? », Journal of Historical Sociology, n° 16/2, 2003, p. 280-300 ; Reynolds S., « There were states in medieval Europe : a response to Rees Davies », Journal of Historical Sociology, n° 16/4, 2003, p. 550-555 ; Foot S., « The historiography of the Anglo-Saxon “nation-state” », in L. Scales et O. Zimmer (éd.), Power and the Nation in European History, Cambridge, Cambridge University Press, 2005, p. 125-142.
3 Lester A., « Imperial circuits and networks : geographies of the British Empire », History Compass, n° 4/1, 2006, p. 124-141.
4 Ballantyne T., « Mobility, empire, colonisation », Keynote address delivered at the 32nd annual Australian Historical Association Conference, held at the University of Wollongong, 9-13 juillet 2013 [http://www.history.ubc.ca/sites/default/files/events_files/ballantyne_mobility_empire_colonization_1.pdf], consulté le 15 octobre 2014.
5 Braziel J. E. et Mannur A., « Nation, migration, globalisation : points of contention in diaspora studies », in Ead. (éd.) Theorizing Diaspora, Oxford, Blackwell, 2003, p. 6 : désigne littéralement les communautés de personnes délocalisées de leur pays natal par des migrations, immigrations, ou exils comme conséquence d’une expansion coloniale.
6 Ibid., p. 3.
7 Anderson B., L’imaginaire national. Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, Paris, La Découverte, 1996.
8 Abrams L., « Diaspora and identity in the Viking Age », Early Medieval Europe, n° 20/1, 2012, p. 17-38.
9 Thomas H., The English and the Normans : Ethnic Hostility, Assimilation, and Identity 1066-c. 1220, Oxford, Oxford University Press, 2003 ; Bates D., The Normans and Empire, Oxford, Oxford University Press, 2013.
10 Des sociétés en mouvement. Migrations et mobilité au Moyen Âge. Actes du xle colloque de la SHMESP (Nice, 2009), Paris, Publications de la Sorbonne, 2010.
11 Duby G., « Dans la France du Nord-Ouest. Au xiie siècle : les “jeunes” dans la société aristocratique », Annales ESC, n° 19/5, 1964, p. 835-846. Il s’agit cependant d’une interprétation aujourd’hui largement remise en cause.
12 Guillaume de Poitiers, Gesta Guillelmi, éd. R. H. C. Davis et M. Chibnall, Oxford, Oxford University Press, 1998, p. 102.
13 Ibid., p. 130 : « Institerunt eis Cenomanici, Francigenae, Britanni, Aquitani, sud cum praecipua virtute Normanni ». Également Ordéric Vital, The Ecclesiastical History, éd. M. Chibnall, Oxford, Oxford University Press, 1969, t. II, p. 175.
14 Bur M., « De quelques Champenois dans l’entourage français des rois d’Angleterre aux xie et xiie siècles », in K. Keats-Rohan (éd.), Family Trees and the Roots of Politics. The Prosopography of Britain and France from the Tenth to the Twelfth Century, Woodbridge, Boydell, 1997, p. 333-348 ; Strickland M., « Simon de Senlis », Oxford Dictionary of National Biography, Oxford, Oxford University Press, 2004 (désormais DNB). Simon fait carrière au service d’Henri Ier d’Angleterre dont il atteste de nombreuses chartes entre 1100 et 1110. Il meurt en pèlerinage en 1113, à La Charité-sur-Loire. Sa veuve est remariée à David Ier d’Écosse, lui apportant l’earldom de Huntingdon.
15 English B., The Lords of Holderness (1086-1260) : A Study in Feudal Society, Oxford, Oxford University Press, 1979, p. 9, 26, 138.
16 Chibnall M., « Military service in Normandy before 1066 », Anglo-Norman Studies, n° 5, 1982, p. 65-77, rééd. in Morillo S. (éd.), The Battle of Hastings : Sources and Interpretations, Woodbridge, 1999, chap. 8 ; Bates D., Normandy before 1066, Londres, Longman, 1982, p. 170-171. D’une certaine manière, le système anglo-saxon, sur ce point, était plus « féodal » que le système normand qui se formalisera après la conquête.
17 Van Houts E., « The Anglo-Flemish treaty of 1101 », Anglo-Norman Studies, n° 21, 1999, p. 169-174.
18 Oksanen E., Flanders and the Anglo-Norman World, 1066-1216, Cambridge, Cambridge University Press, 2012, p. 54.
19 Ibid., p. 64.
20 Boussard J., « Les mercenaires au xiie siècle : Henri II Plantagenêt et les origines de l’armée de métier », Bulletin de l’École des Chartes, n° 106, 1945-1946, p. 189-224 ; Chibnall M., « Mercenaries and the familia regis under Henry I », History, n° 62, 1977, p. 15-32.
21 Oksanen, Flanders, op. cit., p. 77.
22 Ibid., p. 51 ; The Great Roll of the Pipe for the Ninth Year of Henry the Second (AD 1162-1163), Londres, Wyman & Sons, 1886, p. 9.
23 Oksanen, Flanders, op. cit., p. 52.
24 Thomas, The English and the Normans, op. cit., p. 137.
25 Nip R. I. A., « The political relations between England and Flanders (1066-1128) », Anglo-Norman Studies, n° 21, 1999, p. 145-168. Sur la manière dont les ducs de Normandie ont influencé la politique des comtes de Boulogne, voir Le Patourel J., The Norman Empire, Oxford, Clarendon, 1976, p. 19-20, 77-79, 100 et 214-215.
26 Oksanen, Flanders, op. cit., p. 88-89 et 212.
27 Eales R., « William of Ypres, styled count of Flanders (d. 1164/5) », DNB.
28 Ibid., p. 51 ; Amt E., The Accession of Henry II in England : Royal Government Restored, 1149-1159, Woodbridge, Boydell, 1993, p. 83-93 ; Gervase of Canterbury, Historical Works, éd. W. Stubbs, Londres, Longman (« Rolls Series », n° 73), 1879-1880, vol. I, p. 105, 161 ; Radulf de Diceto, Historical Works, éd. W. Stubbs, rééd. Cambridge, Cambridge University Press (« Rolls Series », n° 68), 2012, vol. I, p. 297.
29 Frame R., The Political Development of British Isles, 1100-1400, Oxford, Oxford University Press, 1990, p. 50-70.
30 Symeon of Durham, Opera Omnia, vol. 2 : Historia regum, éd. T. Arnold, Londres, Longman, 1882, p. 186-187.
31 Guillaume de Malmesbury raconte que « sous le roi Henri (1100-1135) de nombreux étrangers, déplacés par les troubles de leur pays natal firent voile vers l’Angleterre et vécurent là en paix sous son règne » : Guillaume de Malmesbury, Historia novella, éd. E. King, trad. K. R. Potter, Oxford, Oxford University Press, 1998, p. 72. Voir également Oksanen, Flanders, op. cit., p. 209-212.
32 Oksanen, Flanders, op. cit., p. 184, cite Anglo-Saxon Chronicle, éd. D. Whitelock, D. Douglas et S. I. Tucker, Londres, Eyre & Spottiswoode, 1961, version E, s. a. 1080.
33 Ibid., p. 183, cite John of Worcester, Chronicle of John of Worcester, vol. 3 : The Annals from 1067 to 1140, éd. P. McGurk, Oxford, Oxford University Press, 1998, p. 124-126 ; repris par Syméon de Durham dans son Historia Regum, éd. citée, p. 245.
34 Guillaume de Malmesbury, Gesta Regum Anglorum. The History of the English Kings, éd. et trad. R. A. B. Mynors, R. M. Thomson et M. Winterbottom, Oxford, Oxford University Press, 2003, vol. II, p. 726 : « Walenses rex Henricus, semper in rebellionem surgentes ».
35 Oksanen, Flanders, op. cit., p. 215 ; Toorians L., « Wizo Flandriensis and the Flemish settlement in Pembrokshire », Cambridge Medieval Celtic Studies, n° 20, 1990, p. 99-118 ; Owen H., « Flemings in Pembrokshire », Archaeologia Cambriensis, 5th series, n° 12, 1895, p. 96-106 ; Rowlands I. W., « The making of the March. Aspects of the Norman settlement in Dyfed », Anglo-Norman Studies, n° 3, 1980, p. 142-157 ; voir aussi George R. H., « The contribution of Flanders to the conquest of England, 1065-1086 », Revue belge de philologie et d’histoire, n° 5, 1926, p. 81-96.
36 Keats-Rohan K., « The Bretons and Normans of England 1066-1154 : the family, the fief and the feudal monarchy », Nottingham Medieval Studies, n° 36, 1992, p. 42-78 ; Ead., « Le rôle des Bretons dans la colonisation de l’Angleterre », Mémoire de la société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, n° 74, 1996, p. 181-215 ; Ead., Domesday People. A Prosopography of Persons Occurring in English Documents 1066-1166. I. Domesday Book, Woodbridge, Boydell, 1999, p. 44-78.
37 Ordéric Vital, The Ecclesiastical History, éd. citée, vol. IV, p. 48-50.
38 Martindale J., « Aimeri of Thouars and the Poitevin connection », Anglo-Norman Studies, n° 7, 1985, p. 224-245.
39 La Chronique de l’abbaye de La Chaize-le-Vicomte, qu’il avait fondée peu après son retour d’Angleterre, note en effet que « le vicomte Aimery de Thouars traversa la région des Anglais pour la deuxième fois », Les cartulaires du Bas-Poitou, éd. P. Marchegay, Les Roches-Baritaud, L. Gaston, 1877, p. 4 ; Beech G. T., « The participation of Aquitanians in the Conquest of England, 1066-1100 », Anglo-Norman Studies, n° 9, 1986, p. 1-24.
40 [http://opendomesday.org/name/592100/william-of-parthenay/].
41 L’abbaye de Bardney est fondée avec des moines venus de Charroux, voir Beech G. T., « Aquitanians and Flemings in the refoundation of Bardney Abbey (Lincolnshire) in the later eleventh century », Haskins Society Journal, n° 1, 1989, p. 73-90 ; Trabuc-Cussac J.-P., « Les possessions anglaises de l’abbaye de Sauve Majeure : le prieuré de Burwell, Lincs », Bulletin philologique et historique jusqu’à 1715. Congrès National des Sociétés Savantes, Bordeaux Libourne 1957, Paris, CTHS, 1958, p. 138-143.
42 Ainsi Hugues de Grandmesnil et son beau-frère Onfroi du Tilleul retournèrent en Normandie. De même, Gerbod laissa le comté de Chester et retourna en Flandres en 1071, et Drogo de la Beuvrière, seigneur de l’honneur de Holderness, retourna lui aussi en Flandres avant la fin du règne de Guillaume. Huscroft R., The Norman Conquest : A New Introduction, Londres, Longman, 2009, p. 245-246, cite Ordéric Vital, The Ecclesiastical History, éd. citée, vol. II, p. 219-221.
43 Van Houts E., « Intermarriage in eleventh-century England », in D. Crouch et K. Thompson (éd.), Normandy and its Neighbours 900-1250. Essays for David Bates, Turnhout, Brepols, 2011, p. 217-303. Entre 1067 et 1086, 10 femmes anglaises se sont mariées avec des Français (6 hommes anglais avec des femmes françaises) et entre 1087 et 1100, 34 femmes anglaises se sont mariées avec des Français et 9 Anglais avec des Françaises.
44 Searle E., « Women and the succession at the Norman conquest », Anglo-Norman Studies, n° 3, 1981, p. 159-187 (p. 163).
45 Gautier Map, De Nugis curialium. Courtiers’ Trifles, éd. et trad. M. R. James, C. N. L. Brooke et R. A. B. Mynors, Oxford, Clarendon, 1983, p. 436-437.
46 Oksanen, Flanders, op. cit., p. 22, cite John of Worcester, Chronicle, éd. citée, vol. III, p. 102
47 Oram R., Domination and Lordship : Scotland, 1070-1230, Édimbourg, Edinburgh University Press, 2011, p. 123.
48 Regesta Regum Scotorum, éd. G. S. W. Barrow, W. W. Scott, A. A. M. Duncan et al., Édimbourg, Edinburgh University Press, 1960, t. I, p. 13.
49 Oram, Domination and Lordship, op. cit, p. 123, cite Roger de Hoveden, Chronica, éd. W. Stubbs, Londres, Longman (« Rolls Series », n° 51), 1868, t. I, p 219, et Scottish Annals from English Chroniclers, A. D. 500 to 1286, éd. A. O. Anderson, Stamford, Paul Watkins, 1991, p. 242.
50 La stratégie des rois d’Écosse échoua cependant car elle poussa Henri II à appesantir sa domination en transformant la relation de clientèle qu’il avait jusqu’alors en une soumission vassalique plus codifiée. À l’occasion d’une expédition réussie en Deheubarth où il fit prisonnier Lord Rhys et Owain du Gwynedd, en 1163, Henri II demanda également à Malcolm de les rejoindre à Oxford et de rendre l’hommage à son fils aîné, et peut-être aussi à lui-même. Malcolm refusa d’afficher explicitement sa soumission. En conséquence, il dut laisser son fils et quelques-uns de ses barons en otage à la cour du roi d’Angleterre. La soumission féodale des rois d’Écosse au roi d’Angleterre se produira en 1175, après la victoire des armées royales sur la révolte de Guillaume le Lion. Roger de Hoveden, Chronica, éd. citée, t. II, p. 82.
51 Sur ce point, voir Holt J. C., « Presidential address. Feudal society and the family in early medieval England : IV. The heiress and the alien », Transactions of the Royal Historical Society, 5th series, n° 35, 1985, p. 1-28.
52 Douglas D. C. et Greenway G. W., English Historical Documents, vol. II : 1042-1189, Londres, Eyre Methuen, 1982, p. 400-402 (chap. 3 et 4). John S. M., Noblewomen, Aristocray and Power in the Twelfth-Century Anglo-Norman Realm, Manchester, Manchester University Press, 2003.
53 Holt, « Presidentil address », art. cité.
54 Ibid.
55 De Aragon R. C., « Dowager Countesses, 1069-1230 », Anglo-Norman Studies, n° 27, 1995, p. 87-100.
56 Bowie C. M., « Shifting patterns in Angevin marriage policies : the political motivations for Joanna Plantagenet’s marriage to William II of Sicily and Raymond VI of Toulouse », in M. Aurell (éd.), Les stratégies matrimoniales (xie-xiiie siècle), Turnhout, Brepols, 2013, p. 155-168.
57 Vincent N., « King Henry II and the Poitevins », in M. Aurell (éd.), La cour Plantagenêt (1154- 1204). Actes du colloque tenu à Thouars du 30 avril au 2 mai 1999, Poitiers, CESCM, 2000, p. 103-135.
58 Turner R. V., « The households of the sons of Henry II », ibid., p. 51-57.
59 Johns S. M., « Alice, suo jure Countess of Eu (d. 1246) », DNB.
60 Richard de Devizes, The Chronicle of the time of King Richard, éd. J. T. Appleby, Londres, T. Nelson & Sons, 1963, p. 10.
61 Dearagon, « Dowager countesses », art. cité ; Stenton D. M., The English Woman in History, New York, Macmillan, 1957, p. 36.
62 Sur le déploiement des alliances, voir l’exemple de la famille de Craon : Lachaud F., « Les alliances de la famille de Craon : stratégies et opportunisme », in Aurell (éd.), Les stratégies matrimoniales, op. cit., p. 119-140.
63 Le Jan R., « Aux origines du douaire familial », in M. Parisse (éd.), Veuves et veuvage dans le haut Moyen Âge, Paris, Picard, 1993, p. 99-122.
64 Gillingham J., « Love, marriage and politics in the twelfth century », Forum for Modern Language Studies, n° 25/4, 1989, p. 292-303.
65 Crouch D., « Between three realms : the acts of Waleran II, Count of Meulan and Worcester », in N. Vincent (éd.), Records, Administration and Aristocratic Society in the Anglo-Norman Realm, Woodbridge, Boydell, 2009, p. 75-90.
66 Vincent, « King Henry II », art. cité ; Leyser K., « Ottonian Governement », English Historical Review, n° 96/5, 1981, p. 721-53, rééd. in id., Medieval Germany and its Neighbours, 900-1250, Londres, Hambledon, 1982 ; Bernhardt J. W., Itinerant Kingship and Royal Monasteries in Early Medieval Germany (c. 936-1075), Cambridge, Cambridge University Press, 1993.
67 Church S. D., « The knights of the household of King John. A question of number », Thirteenth-Century England, n° 4, 1992, p. 151-166.
68 Prestwich J. O., « The military household of the Norman kings », English Historical Review, n° 96/1, 1981, p. 1-35.
69 Ordéric Vital, Ecclesiastical History, éd. citée, t. VI, p. 190, 294.
70 Strickland M., War and Chivalry : The Conduct and Perception of War in England and Normandy, 1066-1217, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, chap. 11 ; plus spécifiquement, Géraud H., « Les routiers au douzième siècle », et « Mercadier : les routiers au treizième siècle », Bibliothèque de l’École des chartes, n° 3, 1841-1842, p. 125-147 et p. 417-443 ; Chibnall, « Mercenaries », art. cité, 1977 ; Boussard, « Les mercenaires », art. cité.
71 Geoffroy de Vigeois, éd. L. Delisle, in Recueil des Historiens des Gaules et de la France, t. XII, Paris, V. Palme, 1869, p. 446 ; Benedict of Peterborough, Gesta, éd. citée, II, p. 68. Les chroniqueurs racontent ainsi que les mercenaires gallois d’Henri II furent massacrés, y compris les femmes, lorsque leur place forte de Beaufort en Limousin tomba aux mains de l’armée du vicomte Adémar V et de l’évêque Géraud de Limoges en 1177 ; de même au Mans en 1189.
72 Giraud de Barri, Opera, t. IV, éd. J. S. Brewer et al., Londres, Longman (« Rolls Series », n° 21), 1873, p. 220 ; Strickland, War and Chivalry, op. cit., p. 312.
73 Radulf of Coggeshall, Chronicon Anglicanum, éd. J. Stevenson, Londres, Longman (« Rolls Series », n° 66), 1875, p. 177 ; Matthew Paris, Chronical Majora, éd. H. R. Luard, Londres, Longman (« Rolls Series », n° 66), 1876, t. II, p. 622, 635-636. Chancellor Rolls de 1196, p. xvii, cité par Prestwich J. O., « Anglo-Norman feudalism and the problem of continuity », Past & Present, n° 26, 1963, p. 39-57.
74 Hallam E., « Henry [Henry the Young King] (1155-1183) », DNB.
75 Turner, « The households », art. cité ; voir également Boussard J., Le gouvernement d’Henri II Plantagenêt, Paris, Librairie d’Argences, 1956, p. 353-356, et Debord A., La société laïque dans les pays de la Charente, xe-xiie siècle, Paris, Picard, 1984, p. 375-376 et 399-402 : cite Foulque de Matha, Guillaume Mingot et Porteclie de Mauzé, Élie et Geoffroi de la Celle, Guillaume Chapon, Robert de Montmirail et Pierre Bertin.
76 Landon L., The Itinerary of King Richard I, Londres, Pipe Roll Society, 1935, p. 49, 51-52, 55, 60.
77 Turner R. V., « William de Forz, Count of Aumale, an early thirtheen-century English baron », Proceedings of the American Philosophical Society, n° 115, 1971, p. 222-223.
78 Church S. D., The Household Knights of King John, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, p. 34-35.
79 Ibid.
80 Scottish Annals from English Chroniclers, éd. citée, p. 240.
81 Oram, Domination and Lordship, op. cit., p. 118 ; Roger de Hoveden, Chronica, éd. citée, t. I, p. 217 ; Radulf de Diceto, Historical Works, éd. citée, I, 332 ; Roger of Wendover, Liber qui dicitur Flores historiarum, éd. H. G. Hewlett, Londres, Longman (« Rolls Series », n° 84), 1886, t. I, p. 55 ; Matthew Paris, Chronica Majora, éd. citée, t. II, p. 244-245
82 Vincent N., « Did Henry II have a policy towards the earls ? », in C. Given-Wilson, A. Kettle et L. Scales (éd.), War, Government and Aristocracy in the British Isles, c. 1150-1500. Essays in Honour of Michael Prestwich, Woodbridge, Boydell, 2008, p. 1-26.
83 Geoffroy de Vigeois, éd. citée, 1984, p. 117 ; Benedict of Peterborough, Gesta, éd. citée, I, p. 36.
84 Round J. H., Calendar of Documents preserved in France, Illustrative of the History of Great Britain and Ireland, Londres, Eyre & Spottiswoode, 1899, n° 21, 35, 38.
85 Bates D., « The origins of justiciarship », Anglo-Norman Studies, n° 4, 1981, p. 1-12 ; West F. J., The Justiciarship in England 1066-1232, rééd. Cambridge, Cambridge University Press, 2005.
86 Barton R. E., « Between the king and the dominus : the seneschals of Plantagenet Maine and Anjou », in M. Aurell et F. Boutoulle (éd.), Les seigneuries dans l’espace Plantagenêt (c. 1150-c. 1250), Bordeaux, Ausonius, 2009, p. 139-162.
87 Gillingham J., « Events and opinions : Norman and English views of Aquitaine, c. 1152-c. 1204 », in M. G. Bull et C. Léglu (éd.), The World of Eleanor of Aquitaine : Literature and Society in Southern France between the Eleventh and Thirteenth Centuries, Woodbridge, Boydell, 2005, p. 57-82, cite Radulf Niger, Chronica, éd. R. Anstruther, Londres, Caxton Society, 1851, p. 148 ; Éginhard, Vie de Charlemagne, éd. L. Halphen, Paris, Les Belles Lettres, 1938, p. 71.
88 Gautier Map, De Nugis curialium, éd. citée, p. 188-193.
89 Cazel F. A. Jr., « Intertwined careers : Hubert de Burgh and Peter des Roches », Haskins Society Journal, n° 1, 1989, p. 173-181 ; Ellis C., « Hubert de Burgh », DNB.
90 Carpenter D., « The career of Godfrey of Crowcombe : household knight of King John and steward of King Henry III », in Given-Wilson et al. (éd.), War, Government and Aristocracy, op. cit., p. 26-54 ; Church, Household Knights, op. cit., p. 13.
91 Le Patourel J., « Guillaume FitzHamon, le premier sénéchal de Bretagne (1171-1172) », Annales de Normandie, n° 29, 1979, p. 376-377 ; Everard J. A., « The justiciarship in Brittany and Ireland under Henry II », Anglo-Norman Studies, n° 20, 1997, p. 87-105 ; Ead., Brittany and the Angevins. Province and Empire 1158-1203, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, p. 207.
92 Hudson J., « Ilchester, Richard of (d. 1188) », DNB.
93 Landon, Itinerary, op. cit., p. 49, 60, 69, 75.
94 Dearagon R. C., « In pursuit of aristocratic women : a key to success in Norman England », Albion, n° 14/3-4, 1997-1998, p. 258-267.
95 Ibid. : entre 1111 et 1131, par ex, sur les 21 chevaliers attestant à la cour d’Henri Ier, 9 firent un mariage socialement avantageux, 5 se marièrent dans les réseaux de la cour, et 4 épousèrent des héritières (plus 3 inconnus).
96 Lambert D. et Lester A., « Introduction : imperial spaces, imperial subjects », in id. (éd.), Colonial Lives across the British Empire : Imperial Careering in the Long Nineteenth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, p. 1-31.
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