Introduction
p. 7-15
Texte intégral
1La naissance et le développement de l’expertise en diplomatie sont consubstantiels à la diversification et à la globalisation progressive des affaires internationales tout comme à l’essor de l’État moderne. Une perspective diachronique de longue durée permet d’envisager cette histoire qui n’est pas celle d’une évolution linéaire, mais davantage d’à-coups, de moments d’accélération suivis de ralentissements, voire de phases de stagnation. C’est dans cette optique que nous souhaitons aborder la période allant du milieu du xviie au milieu du xxe siècle, pour voir émerger la figure de l’expert en diplomatie et saisir la montée en puissance de l’expertise, caractériser leurs champs d’exercice et rendre compte de la pluralité des rôles qu’elles ont pu jouer dans la conduite des relations internationales. Notre propos se concentre principalement, mais pas uniquement, sur la diplomatie et les acteurs français. Ce choix est autant guidé par la volonté de disposer d’un cas d’espèce cohérent décliné sur le temps long, qu’il est une invitation à la mise en chantier d’études similaires dans d’autres pays d’Europe et du monde.
2La figure de l’expert n’est évidemment pas propre à la diplomatie ; elle embrasse bien des domaines1 et on en trouve la trace avant l’époque moderne2. La première édition du dictionnaire de l’Académie française de 1694 définit l’expert comme une personne « fort versé(e), fort experimenté(e) en quelque art qui s’apprend par expérience3 ». Le terme « expertise » ne fait son apparition que dans l’édition de 1798, mais elle s’entend alors comme un processus judiciaire devant éclairer un juge4. L’expert désigne un individu disposant de compétences acquises au fil du temps dans un domaine précis et lui valant une reconnaissance parmi ses pairs, voire dans la sphère publique. Il se distingue de celui qui ne dispose que d’un savoir théorique par une capacité à mobiliser ses connaissances, à inventer des protocoles pour défendre une cause, éclairer une décision, rejeter un argument, légitimer une prétention, élaborer des processus. En ce sens, la fonction de l’expert se distingue de celle du savant car la finalité de l’expertise n’est pas la connaissance en elle-même et pour elle-même. L’expert en diplomatie est celui dont les savoirs, les techniques et les compétences sont convoqués avec un objectif précis, en fonction de leur efficacité supposée dans la négociation. Sollicité, et donc reconnu, il se situe en amont d’une prise de décision qu’il peut contribuer à fonder, bien que ses avis ne soient pas toujours suivis car il est, lui-même, dépourvu de réel pouvoir décisionnaire. La parole de l’expert est retranscrite sous forme de mémoires, rapports, notes, fiches, commentaires ou encore de cartes et tableaux chiffrés à l’attention des diplomates chargés de ladite négociation, et censée permettre d’y faire autorité. L’expertise s’inscrit ainsi dans un horizon d’efficacité qui en fait un outil au service de son commanditaire.
3L’expert et l’expertise, en général, ont déjà fait l’objet de recherches approfondies5. Leur implication dans le champ spécifique de la diplomatie, à proprement parler, a déjà pu être étudiée, pour le temps présent notamment, par les spécialistes de sciences politiques6. Ces derniers se sont notamment appuyés sur la notion de « communautés épistémiques », qui permettent de dépasser les catégories disciplinaires, professionnelles ou nationales pour mettre en évidence l’existence de réseaux capables non seulement de produire et légitimer une expertise, mais encore d’en faire un puissant facteur d’influence susceptible de peser sur la décision politique7. De telles analyses supposent, pour ces communautés, une cohésion méthodologique et idéologique ainsi que des ressources institutionnelles et communicatives qui paraissent propres aux périodes les plus récentes. L’expertise en diplomatie n’a ainsi pas encore été considérée sur la longue période, alors qu’il existe des travaux portant sur des moments8 ou sur des types d’expertise particuliers9. L’un des apports, croyons-nous, de ce volume consiste à étudier ce type d’expertise non seulement à ce moment de rupture qu’est la charnière des xixe et xxe siècles (avec l’apparition d’arènes internationales sous le regard de l’opinion publique comme la conférence de La Haye), mais également à l’échelle d’une longue modernité poussant jusqu’au xixe siècle, au cours de laquelle les diplomates semblent se trouver, face aux experts, plutôt dans la position du commanditaire que dans celle de l’influencé. L’approche par la longue durée que nous proposons ici permet précisément d’examiner les modalités et conditions de l’apparition de collectifs savants et techniques qu’on peut envisager sous l’angle des « communautés épistémiques », mais aussi sous celui des « communautés pratiques » (celles des traceurs de frontières par exemple) ou des « communautés d’espoir » (dont l’archétype semble être celui des juristes internationalistes) ou encore « d’opportunité » (ainsi les tenants d’un champ cherchant à se légitimer)10. Cette apparition est analysée au prisme de la « mobilisation » des experts par les diplomates, sans pour autant méconnaître les limites du contrôle exercé par les seconds sur les premiers. L’étude du rôle des experts et de l’expertise en diplomatie s’inscrit ainsi dans la dynamique du renouvellement épistémologique de l’histoire de la diplomatie, dont l’un des postulats fondamentaux est de sortir du cercle des chancelleries pour s’intéresser aux différents acteurs, publics et privés, participant au processus décisionnel en matière de relations internationales11. Cette approche permet d’avancer que la diplomatie n’est pas une activité déconnectée de son environnement, mais qu’elle draine les compétences de la société de son temps. Certains de ses acteurs qui ne sont pas des diplomates stricto sensu ont fait l’objet de travaux spécifiques, comme les consuls12 ou les interprètes13, alors que la figure de l’expert, en tant que telle, n’a pas encore pleinement attiré l’attention des chercheurs14.
4Le point de départ de notre parcours est le congrès de paix de Westphalie qui s’achève en 1648. Il marque l’entrée en force des experts dans le champ de la diplomatie. Bien qu’au Moyen Âge des spécialistes aient déjà été impliqués dans des activités diplomatiques15, l’ampleur des discussions, la pluralité et la complexité des enjeux qui sont sur la table en Westphalie pour achever la guerre de Trente Ans nécessitent, comme jamais auparavant, la mobilisation de compétences diverses (Guido Braun). On en trouve la traduction dans la proportion importante de juristes qui compose les différentes délégations. Notre parcours s’achève en 1945, au moment où l’expertise envahit le champ des politiques publiques.
5Il s’agit en premier lieu de nous interroger sur les circonstances nécessitant le recours aux experts et leur rôle dans la dynamique générale d’intensification et de diversification des relations internationales. L’expertise doit permettre d’orienter l’action du diplomate en lui fournissant des informations et des connaissances qui peuvent devenir autant de ressources argumentatives – son histoire est, en cela, indissociable de celle des savoirs et des techniques, dans la mesure où c’est leur maîtrise qui fait l’expert. L’expertise contribue, en retour, à légitimer l’action de son auteur par la délimitation et l’affirmation d’un champ de savoirs et de compétences. Il faut donc examiner l’expertise en tant que réalité construite et instituée. L’État ou le prince investissent officiellement l’expert par une simple lettre de mission, éventuellement accompagnée d’instructions, ou bien, notamment pour les périodes les plus tardives, par la mise en place de corps de fonctionnaires spécialisés. Mais des agents de l’État de différents niveaux peuvent également solliciter un expert de manière plus informelle par le biais d’entretiens plus ou moins publics. Cependant, préalablement ou concurremment, les experts peuvent également s’auto-investir à titre individuel ou collectif. Il existe ainsi une auto-promotion de l’expertise, par le biais de publications et/ou, plus tardivement, de diplômes. Tout ceci contribue à bâtir la réputation de l’expert, de même, a posteriori, que le récit de son action. Sous cet angle, l’expertise apparaît comme un marché symbolique aussi bien que matériel.
6La maîtrise d’un habitus paraît ainsi constituer une compétence sous-jacente de celle qui fait l’expert : être expert d’un domaine, c’est souvent être aussi l’expert d’un milieu, d’un groupe ou d’une culture. À l’époque moderne, cette dimension est parfaitement assumée : la maîtrise de l’éthos nobiliaire paraît indispensable à la négociation, d’autant que la conférence diplomatique est le lieu privilégié de l’exercice de l’expertise comme le montrent les travaux sur l’époque contemporaine. Si la spécialisation dans l’interculturalité est précocement formalisée, la capacité à évoluer dans un milieu, à en connaître les codes semble de moins en moins explicitée alors même qu’elle perdure, comme le montre l’importance de la sociabilité à la conférence de la Paix réunie à Versailles.
7Le choix de l’expert repose, avant tout, sur la légitimité acquise dans un champ de compétence qui a un écho dans le domaine. À l’époque moderne, le diplomate est souvent une figure polyédrique versée dans bien d’autres domaines que celui de la seule négociation, et disposant de réseaux dans les milieux de plume ; à l’époque contemporaine, l’État dispose d’institutions ad hoc (universités, services statistiques, consulaires, etc.) susceptibles d’être mobilisées par la diplomatie, laquelle tend d’ailleurs à disposer en interne des ressources nécessaires. Elle se dote au fil du temps de bureaux spécialisés qui sont, eux-mêmes, susceptibles de produire une expertise pour le reste du service diplomatique, ou bien de servir de relais dans la mobilisation de compétences auprès d’experts extérieurs16. Cela n’empêche pas que des individus et des groupes plus autonomes cherchent également à légitimer leurs savoirs ou savoir-faire pour en négocier leur usage dans la diplomatie.
8Ainsi, la diplomatie mobilise toujours plus d’experts dont les échanges, directs ou indirects, participent à une mondialisation des savoirs et à la cristallisation d’un dialogue global, même si les termes peuvent en être inégaux. Le développement de l’expertise n’est, en effet, pas l’apanage des grandes puissances. Dès l’époque moderne, les princes de second rang sollicitent également les hommes compétents dont ils peuvent disposer. Ceux-ci leur permettent d’étendre le champ de leurs relations ou de défendre leurs intérêts par une argumentation qui doit être d’autant plus convaincante et fondée qu’il s’agit de combler un déficit de puissance (Indravati Félicité, Éric Schnakenbourg).
9Bien que les époques anciennes offrent des exemples fameux d’expertise, comme celle d’Hugo Grotius qui rédige son De Jure Praedae en 1604 pour défendre les prétentions de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales sur le commerce asiatique, il faut attendre la seconde moitié du xixe siècle pour voir émerger au premier plan, puis se généraliser, la figure de l’expert. La judiciarisation croissante des relations internationales, qui accompagne l’affirmation du droit international comme discipline à part entière, conduit ainsi les gouvernements à se doter de services juridiques chargés de délivrer des expertises sur les questions internationales, à l’image du Conseil du contentieux italien17, et les ministères à faire appel à des spécialistes attitrés – tel Louis Renault devenu en 1890 jurisconsulte au Quai d’Orsay. La figure de l’expert juriste domine alors la période, au moins jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, portée par les ambitions d’un système international qui entend, dans le cadre de la Société des Nations, fonder la paix sur l’exercice et le respect du droit. De façon plus générale, l’institutionnalisation de l’expertise au service de l’État invite ici à s’interroger sur une pratique avant tout utilitariste du savoir intégrée à l’éthos du fonctionnaire (Virginie Martin, Jörg Ulbert, Philippe Rygiel)18.
10Dans la logique d’un « Concert des nations » de plus en plus internationalisé, avec l’affirmation de l’idée de « Société des nations » puis la Première Guerre mondiale, les conférences et les congrès internationaux deviennent des lieux privilégiés de l’expertise pour nourrir les négociations multilatérales. Cet élargissement progressif du domaine de la diplomatie génère un enchevêtrement des affaires et des enjeux, requérant de ce fait des compétences techniques variées qui font défaut aux seuls diplomates. Le recours à l’expert naît ainsi des limites des compétences des diplomates, ou de leur volonté de déléguer des travaux incompatibles avec leurs fonctions principales, que sont la négociation, l’information et la représentation. L’expertise est, en tout cas, indissociable d’une histoire de la diplomatie qui, sur fond d’interconnexion croissante du monde, étend sans cesse son champ d’action vers les champs économique, financier, religieux ou culturel (Fabrice Jesné, Olivier Feiertag, Michel Catala, Guillaume Tronchet). Ainsi, les délégations se peuplent d’experts dont la culture, les pratiques et la compréhension des phénomènes internationaux, souvent très éloignées de celles des diplomates, contribuent à faire de ces conférences des lieux de l’échange intellectuel, à l’instar des congrès savants apparus à peu près à la même époque19. Les diplomates ne manquent pas, alors, de considérer avec une certaine méfiance ces nouveaux acteurs qui, non seulement, paraissent les déposséder d’une part de leurs prérogatives, mais dont les proximités intellectuelles, dans le domaine de compétences qui est le leur, répondent à des logiques qui ne sont pas toujours celles du politique, créant parfois des connivences qu’ils estiment déplacées (Stanislas Jeannesson, Vincent Laniol).
11L’une des difficultés de l’entreprise consiste donc à saisir l’activité de l’expert et l’effectivité de l’expertise. Dans les périodes les plus anciennes, l’expert est un subalterne, un second, au mieux un conseiller de l’ombre. Mais au fil du temps, il peut, nous l’avons dit, accéder à des formes de reconnaissance par le biais de publications qui trouvent un écho auprès d’une opinion publique naissante. Ainsi la réputation d’expert se construit-elle à travers la mise en scène de la compétence qui, souvent, favorise les positions tranchées, permettant d’être remarqué d’abord auprès d’une frange de lettrés avant d’accéder à une partie toujours plus importante de l’opinion publique, l’expert pouvant même, à l’occasion, accéder à une célébrité relative (Keynes par exemple). La réputation de l’expert peut cependant devenir problématique dans la négociation, lorsqu’elle gêne plus qu’elle n’aide les diplomates. Elle nécessite dès lors bien souvent des accommodements voire des renoncements. De la formulation de l’expertise à son application se joue le processus de subordination du savoir aux impératifs politiques qui, in fine, demeurent le cadre impérieux de l’activité diplomatique. C’est dans ce contexte qu’il faut saisir, au-delà de la singularité des cas qui sont présentés, les tendances longues de l’évolution de la place de l’expert et de l’expertise en diplomatie. Les contributions de ce volume tendent à montrer qu’à côté de la sollicitation croissante de l’expertise en matière internationale, les acteurs acquièrent une visibilité accrue, favorisant l’émergence d’un véritable statut de l’expert. Cette évolution doit être replacée dans le contexte du xixe siècle au cours duquel les disciplines scientifiques se dotent peu à peu d’une méthode propre et d’une maitrise qui donne du poids à leur parole. Elle permet à ceux qui pratiquent ces disciplines de prétendre à une autonomisation progressive. Si bien que, dans ces conditions, il faut s’interroger pour savoir si l’expert travaille pour le diplomate ou avec le diplomate. Autrement dit, il faut se demander si les experts demeurent cantonnés à un travail de techniciens, en amont des négociations internationales, où s’il peut leur arriver d’avoir une action propre intégrée à la dynamique générale de la diplomatie (Louis Clerc). Cela rejoint la question de l’agency ou marge de manœuvre qui a été posée ailleurs pour d’autres acteurs de la diplomatie20, et ce n’est pas un hasard si la question de l’autonomisation de l’expertise revient de façon récurrente dans ce recueil. Le concept d’agency, notamment utilisé dans les études post-coloniales ou de genre, paraît particulièrement pertinent pour une étude de l’apparition de l’expertise, puisqu’il renvoie à une volonté et à des pratiques d’affirmation de soi face à un pouvoir dominant, ainsi qu’à une aspiration à produire du changement21. Cela ne signifie pas pour autant que de telles aspirations sont nécessairement couronnées de succès, loin de là. Alors qu’on a eu tendance à considérer qu’à l’époque contemporaine, l’expert gagnait en autonomie – le diplomate se plaignant du phénomène inverse de façon rigoureusement proportionnelle – nombre de contributions insistent plutôt sur la résistance du politique, qui non seulement garde le dernier mot mais, dans certains cas, réussi à capter à son profit le champ de l’expertise. De ce point de vue, le recours de plus en plus fréquent à l’expert, loin de correspondre à une déprise du politique, s’expliquerait plutôt par son emprise dans le contexte d’une mondialisation accrue de champs qui jusqu’alors ne relevaient pas de l’État, comme les échanges culturels ou les relations financières internationales.
12Le champ de l’expertise en diplomatie se déploie donc sur une vaste gamme qui relève de domaines différents. Le savoir de l’expert en diplomatie peut être fondé sur la connaissance particulière d’une discipline, d’un espace, d’une culture, d’une langue, d’un milieu. À ce titre, l’expert, par ses compétences, mais aussi par la mobilisation des réseaux nécessaires à la circulation et à l’analyse de l’information, est au soubassement de l’interculturalité diplomatique (Ferenc Tóth, François Brizay, Gérald Sim, Frédéric Dessberg). La connaissance d’espaces plus ou moins lointains est un des prérequis de l’action diplomatique (François Ternat). Ainsi, l’expertise peut aussi tenir en la capacité à informer l’appareil diplomatique au-delà des enjeux d’une négociation immédiate.
13 La lecture de la correspondance diplomatique officielle ne permet pas toujours de faire ressortir le rôle de l’expert à sa juste mesure. Il disparaît souvent derrière la plume du représentant officiel, à l’image des autres subordonnés d’un ambassadeur. S’intéresser aux experts revient, en quelque sorte, à regarder « derrière le rideau » de la négociation pour voir comment se construit la décision en diplomatie. Étudier la figure de l’expert et de l’expertise en diplomatie amène à décaler le regard traditionnellement porté sur les négociations pour envisager leurs prémisses et leurs périphéries. Cette approche place l’histoire des relations internationales à la convergence de l’histoire des savoirs et des techniques, du droit et de l’administration, et de l’anthropologie de l’interculturalité. Nous espérons que cet ouvrage contribuera à développer ces perspectives et, notamment pour la période de l’après 1945, à stimuler de nouvelles recherches.
Notes de bas de page
1 À l’échelle du seul cadre urbain, on distingue ainsi l’expertise dans les domaines juridique, médical, scientifique, technique, ou encore artistique : Rabier Christelle (dir.), Fields of expertise : a comparative history of expert procedures in Paris and London, 1600 to present, Cambridge, Cambridge Scholars Publishing, 2007.
2 Moatti Claudia, « Experts, mémoire et pouvoir à Rome, à la fin de la République », Revue historique, 2003/2 (n° 626), p. 303-325.
3 « Expert, experte », Dictionnaire de l’Académie française, t. 1, Paris, Coignard, 1694, p. 418.
4 « Expertise », Dictionnaire de l’Académie française, t. 1, Paris, J. J. Smits et Cie, an VII (1798), p. 550.
5 Sans souci d’exhaustivité citons le dossier « Expertise et compétences » de la revue Hypothèses, n° 14, 2011/1, sous la direction de Guillaume Calafat avec une abondante bibliographie ; deux numéros de la revue Genèses dirigés par Isabelle Backouche : « Expertise », n° 65, 2006/4 et « Devenir expert », n° 70, 2008/1. Voir également le travail de Stehr Nico et Grundmann Reiner, Expert : the knowledge and power of expertise, Abingdon/New York, Routledge, 2011.
6 Avec notamment une attention particulière pour les « think tanks » et les éventuels contournements de la légitimité démocratique qui en découlent. Voir par exemple : Abelson Donald E., A Capitol idea : think tanks and US foreign policy, Montréal/Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2006. A contrario, la participation d’experts à l’activité diplomatique peut aussi être vue actuellement, et notamment en Europe, comme un gage d’implication de la « société civile » dans un champ traditionnellement clos dans le secret des chancelleries : Baldi Stefano et Nesi Giuseppe (dir.), L’Italia al Palazzo di Vetro : aspetti dell’azione diplomatica e della presenza italiana all’ONU, Trente, Università degli Studi di Trento (Quaderni del Dipartimento di Scienze Giuridiche, 50), à moins qu’elle ne soit promue comme une nécessité inévitable de la diplomatie contemporaine : Tenzer Nicolas, L’expertise internationale au coeur de la diplomatie et de la coopération du xixe siècle. Instruments pour une stratégie française de puissance et d’influence, rapport remis au gouvernement le 7 mai 2008. Cette ambivalence dans la vision de l’expert se retrouve du reste dans l’ensemble des sciences sociales : voir par exemple, pour les économistes, Lebaron Frédéric, La croyance économique. Les économistes entre science et politique, Paris, Le Seuil, 2000.
7 Haas Peter M., « Epistemic Communities and International Policy Coordination », International Organization, 1992, 46/1, p. 1-35.
8 Par exemple un moment clé comme la conférence de Versailles : Kitsikis Dimitri, Le rôle des experts à la Conférence de la Paix de 1919. Gestation d’une technocratie en politique internationale, Ottawa, Éditions de l’université d’Ottawa, 1972, ou encore le premier xxe siècle de la diplomatie britannique : Richardson Dick et Stone Glyn A. (dir.), Decisions and diplomacy : studies in twentieth century international history, Londres/New York, Routledge, 1994 ; pour la période récente, Jansen Sabine, Les boîtes à idées de Marianne. État, expertise et relations internationales en France (1935- 1985), Paris, Les Éditions du Cerf, 2017.
9 Ces travaux ponctuels sont nombreux ; ne pouvant tous les citer, on esquissera ici une typologie des expertises traitées, qui peuvent être d’ordre linguistique : Thomas Teresa Fava, American Arabists in the Cold War Middle East, 1946-75 : from orientalism to professionalism, New York, Anthem Press, 2016 ; cartographique : Warmœs Isabelle, Hofmann Catherine et Nathan Isabelle (dir.), Cartographie et traités de paix (xve-xxe siècle), Paris, Comité français de cartographie, 2016 ; scientifique : Elli Mauro, « Diplomazia e scienza : la politica antartica del Regno Unito e l’Anno geofisico internazionale, 1955-1959 », Memoria e ricerca, 2008, 29, p. 145-167 ; sanitaire : Mcallister William B., Drug diplomacy in the twentieth century : an international history, Londres/New York, Routledge, 2000 ; juridique : Sacriste Guillaume et Vauchez Antoine, « Les « bons offices » du droit international : la constitution d’une autorité non politique dans le concert diplomatique des années 1920 », Critique internationale, n° 26, 2005/1, p. 101-117 ; financière : Rosenberg Emily S., Financial missionaries to the world : the politics and culture of dollar diplomacy, 1900-1930, Durham/Londres, Duke University Press, 2003. Ces travaux peuvent également porter sur des groupes d’experts en diplomatie : Bonhomme Noël, « Le groupe des “sherpas” du G7 : une diplomatie d’experts ? 1975-1990 », Monde(s), n° 5, 2014/1, p. 151-172. On remarquera que le xxe siècle est la période généralement privilégiée par ces analyses.
10 Ces concepts sont suggérés comme d’utiles compléments à celui de « communauté épistémique » dans Meyer Morgan et Susan Molyneux-Hodgson, « “Communautés épistémiques” : une notion utile pour théoriser les collectifs en sciences ? », Terrains & travaux, vol. 18, n° 1, 2011, p. 141-154.
11 Badel Laurence et Jeannesson Stanislas (dir.), « Diplomaties », Monde(s). Histoire, espaces, relations, n° 5, 2014 ; Frank Robert (dir.), Pour l’histoire des relations internationales, Paris, PUF, 2012.
12 Windler Christian, La diplomatie comme expérience de l’Autre. Consuls français au Maghreb (1700-1840), Genève, Droz, 2002 ; Ulbert Jörg et Le Bouëdec Gérard (dir.), La fonction consulaire à l’époque moderne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006 ; Ulbert Jörg et Prijac Lukian (dir.), Consuls et services consulaires au xixe siècle, Die Welt der Konsulate im 19. Jahrhundert, Consulship in the 19th century, Hambourg, DOBU Verlag, 2010 ; Zaugg Roberto, Stranieri di antico regime : mercanti, giudici e consoli nella Napoli del Settecento, Rome, Viella, 2011 ; Aglietti Marcella, Herrero Sánchez Manuel et Zamora Rodríguez Manuel (dir.), Los cónsules de extranjeros en la Edad Moderna y a principios de la Edad Contemporánea, Madrid, Ediciones Doce Calles, 2013.
13 Gautier Antoine et Testa Marie de, Drogmans et diplomates européens auprès de la Porte ottomane, Istanbul, Isis, 2003 ; Roland Ruth A., Interpreters as diplomats : diplomatic history of the role of interpreters in world politics, Ottawa, University of Ottawa Press, 1999.
14 Signalons le colloque « Experts et expertises dans les mandats de la Société des nations » organisé à l’INALCO les 26 et 27 mars 2015.
15 Voir par exemple Daniels Tobias, Diplomatie, politische Rede und juristische Praxis im 15. Jahrhundert. Der gelehrte Rat Johannes Hofmann von Lieser, Göttingen, V & R Unipress, 2013.
16 En 1919, le ministère italien des Affaires étrangères comprend ainsi une direction générale des affaires commerciales regroupant notamment des bureaux spécialisés dans les traités de commerce, les questions douanières, les communications, les questions sanitaires : Grispo Renato (dir.), I documenti diplomatici italiani. Sesta serie : 1918-1922, vol. III (24 marzo – 22 giugno 1919), Rome, Istituto poligrafico e zecca dello Stato, 2007, p. 910 sq.
17 Sacriste Guillaume et Vauchez Antoine, « La “guerre hors-la-loi”, 1919-1930. Note de recherche : Les origines de la définition d’un ordre politique international », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 151-152, 2004/1, p. 91-92. Sur le conseil du contentieux italien voir Ministero degli Affari esteri, Il consiglio del contenzioso diplomatico (1857-1897) : cenni storici e statistici compilati per cura dell’ufficio di segreteria del Consiglio, Rome, Tip. del Ministero degli Affari esteri, 1898.
18 Koskenniemi Maarti, From apology to utopia : the structure of international legal argument, Cambridge, Cambridge University Press, 1989 ; Id., The Gentle Civilizer of Nations. The Rise and Fall of International Law, Cambridge, Cambridge University Press, 2009 (première édition 2001) ; voir aussi l’étude récente de Génin Vincent, Un « Laboratoire belge » du droit international ? Réseaux internationaux, expériences et mémoires de guerres des juristes belges (1969-1940), thèse de doctorat, université de Liège, 2017. Cette évolution ne se limite pas aux grandes puissances occidentales, voir Becker Lorca Arnulf, Mestizo International Law. A global Intellectual History, 1842-1933, Cambridge, Cambridge University Press, 2014 ; Kévonian Dzovinar et Rygiel Philippe (dir.), « Profession, juristes internationalistes ? », Monde(s). Histoire, espaces, relations, n° 7, 2015.
19 « Les congrès, lieux de l’échange intellectuel 1850-1914 » ; numéro thématique de Mil neuf cent, n° 7, 1989.
20 « Entre l’État, les intérêts marchands et l’intérêt personnel, l’agency des consuls », chapitre 5 de Bartolomei Arnaud, Calafat Guillaume, Grenet Mathieu et Ulbert Jörg (dir.), De l’utilité commerciale des consuls. L’institution consulaire et les marchands dans le monde méditerranéen (xviie-xxe siècle), Madrid/Rome, Casa de Velázquez/École française de Rome, Collection de l’École française de Rome 535, 2017 (en ligne).
21 Voir par exemple Guilhaumou Jacques, « Autour du concept d’agentivité », Rives méditerranéennes, 2012/1 (n° 41), p. 25-34.
Auteurs
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