1Dès leur création, les préfets ont été chargés de la collecte de statistiques ; l’information du pouvoir central ne peut se faire sans eux. Chargés aussi de faire respecter les règles de la vie économique, ils ne sont pas, même en économie libérale, sans connaître la vie des entreprises. Soucieux de l’ordre et du bien-être des populations, ils ne peuvent se désintéresser du sous-emploi et du chômage. Mais comme le remarquait le préfet Dumoulin en 1974 : « Il n’était pas a priori inscrit dans la logique primitive de l’institution préfectorale que le mandataire d’une collectivité territoriale, dont le budget laisse peu de latitude aux actions d’expansion, puisse devenir un véritable inspirateur du développement économique »1. Le même observait que « la discrétion des textes en matière de développement économique a ensuite incité les préfets à prendre des initiatives propres »2.

2Nul doute que le préfet de Maine-et-Loire Jean Morin illustre, voire même préfigure, ces observations. Avant même que la politique de développement régional ne soit nettement déconcentrée, il agit localement pour faciliter le développement économique de son département. Comme le relève un témoin interrogé par Guy Minguet (1983)3 : « Il a donné un assez extraordinaire coup d’accélérateur […] Personne ne peut contester qu’une bonne partie de la prise de conscience, c’est son œuvre ». Notre propos n’est pas de faire l’histoire du développement industriel de l’Anjou dans les années 19504, mais de montrer comment, de façon précoce, ce haut-fonctionnaire en poste à Angers de 1949 à 1958 a pris des initiatives personnelles, allant au-delà de ce qu’on attendait ordinairement d’un préfet. Plus jeune préfet de France lors de sa prise de fonction (33 ans), ancien membre des cabinets de Georges Bidault, seul préfet au sein de la Commission nationale des économies5, où il rencontre Edgar Faure, Charles Barangé (député de Maine-et-Loire, rapporteur de la commission des finances à l’Assemblée), il a de nombreux contacts parisiens.

La situation industrielle d’Angers

3La situation industrielle de l’Anjou au début des années 50 est fragile : des industries traditionnelles menacées (le textile), une industrie de la chaussure dynamique mais morcellée, un ancien géant industriel (Bessonneau) en perpétuelles difficultés6. Les industries nouvelles sont plus nombreuses à Cholet qu’à Angers. Dans cette ville s’installe en 1949 la SORETEX ; en revanche, Gillette préfère finalement s’installer à Annecy. On peut penser que l’industrie d’Angers préoccupe le préfet dès son arrivée ; un stagiaire à la préfecture, au moment de quitter Angers, lui écrit, en écho peut-être de conversations antérieures : « La complexité d’une question qui engage à la fois des intérêts publics et privés, des services administratifs de l’État et des collectivités décentralisées, fait que le Préfet paraît seul en mesure de donner l’impulsion au programme à réaliser » (29 décembre 1951)7.

4Les appréciations du préfet sont sans doute à l’origine d’un petit incident, le 29 janvier 1952, au conseil municipal d’Angers. Un conseiller (d’opposition) y affirme : « un haut fonctionnaire du département a dit, devant moi, à M. Allonneau, qu’un grand nombre de sociétés aimaient beaucoup mieux installer leurs usines ailleurs qu’en Anjou ». À l’issue de la séance, on demande au ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme « qu’il soit procédé à une étude en vue de l’industrialisation de la région angevine »8.

5Mais était-ce du pouvoir central que pouvait venir le salut ? La chambre de commerce dès 1951 recherche des terrains pour établir une zone industrielle, et le préfet l’informe en octobre9 sur une éventuelle aide du FNAT (alors que cet organisme n’existe que depuis quelques mois). En 1952, on hésite entre trois localisations : quartier Saint-Serge (27 ha), Avrillé (53 ha), La Croix-Blanche (24 ha)10. Le 10 novembre 1953 l’aide du FNAT (25 M) permet d’acheter le terrain de la Croix-Blanche11. La ville prend aussi des initiatives en rachetant les locaux de la filature Buirette-Gaulard pour les louer à des industriels désirant s’installer à Angers (juillet-décembre 1953)12.

6De son côté, Jean Morin utilise ses contacts parisiens : fin 1952, il rencontre le directeur des industries mécaniques et électriques au ministère de l’Industrie pour lui faire part de son « désir de voir s’installer dans la région d’Angers de nouvelles entreprises industrielles »13. Le préfet a deux fers au feu : obtenir la modernisation de Bessonneau, en en soulignant le rôle essentiel, mais aussi attirer de nouvelles industries. En 1953, il s’intéresse toujours à la modernisation de Bessonneau : l’entreprise est d’accord, mais la question du financement reste à régler14. Morin tente d’obtenir les crédits nécessaires. En juillet 1954, il tire de nouveau la sonnette d’alarme pour Bessonneau, afin d’obtenir des crédits d’investissement. Dans sa lettre au ministre des Finances, il affirme : « Tout […] en Maine-et-Loire requiert la stabilité et une prospérité accrue pour cette firme, et ceci au moment où les perspectives de l’emploi sont particulièrement sombres […]. Je considère donc comme primordial d’accorder une priorité à une entreprise de l’envergure des établissements Bessonneau »15. Lettre classique d’un préfet, que J. Morin accompagne de lettres plus personnelles le 15 juillet, à Edgar Faure16 (il y évoque une récente visite avec « notre ami Barangé »), à Claudius-Petit, à Bourgès-Maunoury, nouveau ministre de l’Industrie, qu’il tutoie17. En janvier 1955, il accompagne à Paris le directeur de Bessonneau et le plus gros actionnaire pour obtenir ce prêt, mais sans résultat immédiat18. À la fin de l’année c’est auprès du cabinet du ministre de l’Industrie qu’il intervient. Son tableau de la situation économique du département est suffisamment convaincant pour que le prêt du FDES soit accordé en 195619. Tout en luttant pour sauver Bessonneau, J. Morin ne néglige pas les entreprises plus modestes : ainsi se préoccupe-t-il en 1953 de trouver un repreneur pour l’entreprise de parapluies Mauxion20.

Se donner de nouveaux moyens

7Mais c’est du côté des nouvelles industries que Morin se tourne. Au cours de l’année 1954 se multiplient les initiatives du préfet en matière de développement industriel, aidé par son collaborateur F. Matard. C’est qu’apparemment les contacts parisiens ont été fructueux : en mars, une entreprise de Valenciennes se renseigne sur une éventuelle installation21. Le même mois, une entreprise d’Arcueil, fabriquant des chalets à construction rapide annonce sa visite prochaine à Angers22. Une entreprise de petits tracteurs s’intéresse aussi à Angers23. En avril 1954, répondant à une enquête du ministère des Finances sur la situation de l’industrie dans le département24, Jean Morin annonce : « Je suis en train de faire une enquête beaucoup plus approfondie sur chaque groupe industriel », et termine son rapport sur les projets en cours à Angers : « Il est à souhaiter que d’autres industriels de cette branche profitent des facilités d’implantations offertes par les autorités locales et consulaires ».

8À partir de cette date, ne se contentant pas de l’action de ses contacts parisiens, Jean Morin prend lui-même des initiatives sur place. Le 11 mai, il s’informe auprès de son collègue du Haut-Rhin (préfet de Maine-et-Loire en 1946-1947) sur les moyens de réorganiser les bureaux de la préfecture en vue « de la recherche d’un essor économique ». Le 3 mai 1954, il invite les membres du patronat local à assister à une conférence sur la productivité, notion dont on connaît l’importance dans les années 50. Le 2 juin, Franck Matard demande de la documentation au Commissariat général à la productivité pour « aiguiller vers une gestion plus rationnelle les entreprises qui en ont actuellement un besoin très urgent »25. En mai Jean Morin ébauche l’idée d’un Conseil d’expansion économique. Sur l’organigramme ébauché : « Brain trust », « moderniser économiquement le Maine-et-Loire », « Activités nouvelles. Industrialisation. Monter la publicité pour les attirer »26. La présentation même des dossiers est vue comme importante. Cette question est reprise dans une note du 24 juin 1954 : « Si l’on considérait l’industrialisation d’Angers comme une véritable entreprise, ses moyens de publicité apparaîtraient comme un peu archaïques »27. L’analyse des données géographiques conduit Jean Morin à s’intéresser aux transports. Le 25 juin, il écrit au secrétaire général de la SNCF, pour demander l’électrification du tronçon Angers - Le Mans, et une réduction des tarifs. Plus audacieux, le préfet propose au Conseil général d’exonérer de la moitié de la patente les entreprises venant s’implanter en Maine-et-Loire, avec cet argument : « Une semblable exonération, si elle a déjà été envisagée dans le Haut-Rhin, n’a pas, à notre connaissance, encore été votée dans un autre département »28.

9Il faut pouvoir proposer aux entreprises des terrains, et même des locaux. Le 11 juin 1954, dans une lettre à la Direction régionale des Tabacs, J. Morin tente d’obtenir de cette administration qu’elle cède un bâtiment qu’elle n’occupe pas à Angers, mais fort utilisable pour l’industrialisation. Le 15 juillet, la préfecture se constitue une liste des usines vides d’Angers29 ; et le 27 novembre, J. Morin demande à J. Sauvage, adjoint au maire d’Angers, des fiches et des plans des usines vides : « J’ai l’intention de constituer à mon cabinet30 un dossier concernant les usines vides à Angers et dans le département ». Il faut noter que depuis les élections municipales de 1953, la municipalité est plus active dans le domaine de l’industrialisation, avec l’arrivée de Jean Sauvage comme adjoint à l’industrialisation (celui-ci, lors de la campagne des élections municipales, avait déclaré – il n’était pas membre de la municipalité : « on sabote la venue d’industries à Angers »31).

10La première réunion du conseil d’expansion économique a lieu le 8 octobre 195432. Le préfet Morin se félicite d’avoir pris cette initiative que des textes gouvernementaux recommandent33. Pour éviter le cloisonnement sectoriel, une commission main d’œuvre est créée, à côté des commissions agriculture et industrie. Pour éviter la dispersion des débats, des questions précises sont soumises à chaque commission (productivité, commercialisation…). Ces commissions sont présidées par des fonctionnaires (sous-préfets, secrétaire général de la préfecture). Cette présence forte des fonctionnaires explique peut-être la réaction de Fribault, maire de Saint-Lezin, à la réunion du 29 janvier 1955, rappelant qu’un comité de mise en valeur des ressources du département fonctionne depuis un certain temps, et que le comité départemental et préfectoral fait double emploi. Ce « comité Fribault » s’était constitué en juin, et s’était donné une forme associative en se déclarant à la préfecture (3 décembre 1954) comme un « Comité d’études pour la mise en valeur du Maine-et-Loire ». On y insiste sur la nécessité de prendre aussi en compte les campagnes, d’envisager non seulement la question de l’emploi, mais aussi les problèmes sociaux, culturels34. Pour Morin, ce « comité Fribault » peut être consulté par le comité « préfectoral ».

11Un certain décalage apparaît aussi entre les projets préfectoraux, essentiellement tournés vers l’expansion industrielle35, et certains élus locaux : à la réunion du 25 janvier, un sénateur, conseiller général, évoque la nécessité de développer l’enseignement agricole, l’habitat rural et les chemins ruraux, « si l’on veut retenir les gens à la terre ».

12Incontestablement, en cette année 1954, le préfet Morin bouscule les circuits de décision : « Ce préfet utilisait très largement ses prérogatives en matière de développement économique et il avait nettement tendance à les dépasser pour intervenir dans les territoires voisins des autres collectivités »36. Mais le résultat est là : provoqué, le conseil municipal d’Angers décide le 12 juillet 1954 d’un abattement de la patente pour les industries nouvelles37, et le 10 décembre 1954 de faire réaliser une enquête économique sur le département38.

Un engagement personnel

13En même temps qu’il tente d’impliquer les acteurs locaux, Morin agit personnellement. C’est à lui que s’adressent les chefs d’entreprise que le ministère de l’Industrie oriente en province39. Le préfet pilote les entreprises dans leurs démarches administratives, les appuyant auprès des divers services : « je suis vivement intéressé à la réussite de ce projet propre à apporter sa contribution au développement nécessaire de l’industrialisation du Maine-et-Loire » (1^er octobre 1954)40. Il organise leur séjour à Angers41, les reçoit à sa table pour déjeuner, les conduit personnellement sur les lieux42, leur envoie les plans de la zone industrielle en projet (26 mai 1954)43, ou le taux des salaires à Angers (28 décembre 1954)44. Il relance si les promesses sont oubliées : « En raison des assurances formelles que vous avez bien voulu me donner, je pense qu’il doit s’agir de bruits sans fondements. Mais vous savez combien me préoccupe le sort industriel de Cholet […] Aussi aimerais-je que vous puissiez m’apporter sur ce sujet les certitudes que nos entretiens antérieurs m’avaient données » (14 février 1956)45.

14Le préfet va lui-même à la recherche d’entreprises pour les attirer à Angers. Il utilise les attaches angevines de certains dirigeants : novembre 1955, B. de C., d’une entreprise de boissons, est contacté, n’a rien à proposer, mais le regrette poliment « car rien ne [lui] aurait fait plus plaisir que de coopérer, d’accord avec vous, à redonner une certaine activité industrielle et commerçante dans notre région ». Jean Morin utilise son propre carnet d’adresses : « Au cours de notre dernière rencontre, j’avais eu l’occasion de t’entretenir de mes projets concernant l’industrialisation de mon département, et dans la conversation le nom de ta société… » (30 juin 1957). Les informations recueillies au ministère de la Reconstruction sont exploitées. Entendant parler d’une entreprise qui pense s’implanter dans la vallée de la Loire, Morin prend sa plume et fait la publicité d’Angers : « La ville d’Angers est particulièrement intéressée à ces projets et a pris différentes mesures qui les facilitent. Je serai donc heureux de m’entretenir avec vous de cette affaire, soit à Paris, soit à Angers, ou, en tout cas, de vous renseigner par écrit sur les questions que vous voudrez bien me poser »46.

15Morin utilise ses relations parisiennes pour ménager des entrevues aux industriels : il prend pour une société de confection parisienne intéressée par une décentralisation un rendez-vous au Commissariat au Plan « qui a d’assez grandes possibilités financières actuellement »47. Il organise de véritables réunions de travail entre chefs d’entreprise et hauts fonctionnaires.

16Dans les premiers temps, le préfet se rend à Paris pour organiser le financement. Ainsi, le 12 décembre 1954, il rend compte au directeur général de Ronéo, M. D., de la rencontre qu’il vient d’avoir avec le commissaire général adjoint au Plan et les responsables de la décentralisation, en vue de la réinstallation de cette société à Angers. Un peu imprudemment, Morin estime, en janvier 55, que la décision de Ronéo est prise48… mais en juin, en octobre, d’autres réunions, à Paris, montrent que l’entreprise est difficile à décider, malgré les négociations avec l’adjoint Sauvage. L’impossibilité de toucher certaines primes à Angers la retient. Le 9 décembre, Morin s’informe lui-même sur les questions en suspens auprès du commissariat au Plan. En janvier 57, Morin rappelle au directeur de Ronéo les aides promises par la ville, aides qui selon ses sources (un haut fonctionnaire du ministère de l’Industrie) ne seront pas autorisées pendant une longue période. « Je vous fais part de cette communication, non pas pour exercer “un chantage” auprès de vous, mais pour vous dire combien je crois qu’il y aurait intérêt à trouver une solution rapide au problème qui nous concerne ». Deux lettres de M. D., fin janvier l’inquiètent ; un rendez-vous n’a pas eu lieu. Février : Morin relance M. D., excuse Sauvage qui n’a pas encore répondu, réorganise le rendez-vous manqué (« J’ai téléphoné à P. pour qu’il reprenne contact avec vous »), promet une visite au directeur de cabinet du ministre de l’Industrie… Ronéo ne viendra pourtant pas s’installer à Angers.

17Parallèlement à cette grande et laborieuse négociation, une autre est couronnée de succès, avec la société Thomson. Les premiers contacts sont de 1954, et dès janvier 1955, la décision est prise. Enthousiaste, on le comprend, Morin assure les responsables de sa collaboration (« c’est avec joie que mon concours personnel vous sera maintenu »), de la justesse de leur choix (l’accueil et les facilités offertes « contribueront à vous convaincre dans l’avenir de la sagesse et du bonheur de votre décision »). En juillet 1955, alors que la négociation avec Ronéo piétine, Morin évoque avec satisfaction auprès d’un administrateur de Thomson le choix d’Angers, « en dépit de toutes les sollicitations dont vous avez été entouré et de toutes les pressions qui pouvaient s’exercer en faveur d’un autre choix »49.

18Mais l’efficacité de Morin ne s’exerce pas seulement auprès des grandes entreprises : même une petite entreprise de laine d’acier d’Aubervilliers, à qui il a trouvé un local, retient son attention. En novembre 1955, au moment de l’installation, il intervient pour l’attribution d’une ligne téléphonique ; en février 1956, c’est pour obtenir une augmentation de puissance électrique que l’industriel sollicite le préfet50.

Quel type d’action mener ?

19Il est peut-être significatif qu’une des dernières lettres du préfet Morin avant son départ d’Angers soit aussi la plus prudente dans sa formulation. Les temps des coups d’audace est passé. Des institutions sont en place : comité d’expansion, SODEMEL51. Le préfet doit justifier son intervention. Sa lettre du 13 mai 1958 au directeur général des Tréfileries et Laminoirs du Havre (dont dépend l’usine de Montreuil-Belfroy, dans la banlieue d’Angers) mérite d’être citée plus longuement. « L’intérêt que je porte à tout ce qui peut favoriser l’expansion industrielle vous étant connu, vous serez moins surpris de la liberté que je prends d’évoquer avec vous un problème auquel vous pourriez, à première vue, me considérer comme totalement étranger. Il ne s’agit pas, au surplus, d’influencer votre décision qui sera prise avec le seul souci de favoriser les intérêts du groupe d’entreprises aux destinées duquel vous présidez, mais uniquement de vous apporter le point de vue de l’Administration soucieux de promouvoir l’essor économique de sa région. Nos préoccupations étant identiques sur un plan différent, j’ai pensé qu’une heureuse coïncidence pourrait nous conduire à trouver une solution qui donnerait satisfaction aux aspirations du chef d’entreprise et de l’Administrateur ». Le préfet évoque ensuite divers projets de la firme, et avec prudence sa « satisfaction », son aide et sa collaboration, si ces projets se réalisaient à Montreuil. « Je veux espérer que vous ne me tiendrez pas rigueur de vous avoir exposé très franchement le fond de ma pensée. Vous comprendrez, j’en suis sûr, les sentiments qui ont animé cette démarche guidée par le seul souci des responsabilités dont j’ai conscience vis-à-vis des populations du département dont l’administration m’a été confiée ».

20Morin a une forte conviction des responsabilités préfectorales, aussi bien d’ailleurs vis-à-vis des acteurs privés (« Un des rôles du préfet est d’être tenu constamment au courant de la situation de chaque entreprise »)52, que vis-à-vis des autres services de l’État, et en particulier des structures régionales qui s’ébauchent53. D’une certaine manière, l’évolution ultérieure immédiate ne se situe pas dans le prolongement direct de son action : le rôle de décision de l’administration se déplace vers le préfet de région ; le Comité d’expansion économique de Maine-et-Loire et les élus locaux (Auguste Chupin, Jean Sauvage) jouent un rôle essentiel dans les années 197054. Mais, dans la longue durée, son action se révèle pertinente : il a pris des initiatives, encouragé ceux qui en prenaient. Il a bien vu les « possibilités du département » à plus long terme : proximité de Paris, électrification probable de la ligne Le Mans - Angers, abondance de main d’œuvre de qualité, possibilités dans une région agricole de développer les industries alimentaires, développement possible de la formation universitaire55. Il est vrai que la durée de sa présence, 10 années, lui a permis de connaître les hommes et d’engager une véritable politique.