Écrire une histoire environnementale du Grand Lyon
p. 201-218
Texte intégral
1L’histoire environnementale a souvent cherché à faire coïncider l’objet qu’elle étudiait avec un terrain délimité géographiquement – mais volontiers transfrontalier pour montrer que les limites administratives et politiques ne sont pas les plus pertinentes pour cadrer l’enquête1. Avec des effets de loupe ou des saisies plus globales, des travaux ont marqué leur temps, qu’il s’agisse de faire l’histoire d’un cours d’eau, d’une région ou d’une ville, en considérant toujours les interactions sociétés/environnement. Dans le cas des mondes urbains, c’est l’historiographie nord-américaine qui s’est révélée la plus féconde. Elle a produit de nombreuses monographies et des ouvrages collectifs, et dispose d’une collection dédiée aux presses de l’université de Pittsburgh2. En France, si l’histoire des villes a eu, il y a trente ou quarante ans, une vogue éditoriale (avec des collections chez Privat et Horvath, et parfois une remise à jour ou une réécriture des travaux sur telle ou telle ville3), elle a été consacrée essentiellement à l’événementiel politique ou aux grandes caractéristiques sociales et culturelles des cités étudiées, laissant d’ailleurs une part assez mineure aux mutations les plus contemporaines. L’histoire environnementale n’existant guère qu’aux États-Unis, à l’époque (fin du xxe siècle), sauf du côté d’objets plus « ruraux » comme le climat et les forêts, il est logique que la dimension environnementale, qui paraissait relever soit de l’écologie soit de la géographie dite « physique », ait été passée sous silence dans des ouvrages d’histoire de villes qui visaient un public élargi4.
2On proposera ici quelques pistes pour développer l’histoire environnementale urbaine du temps présent et compléter la veine largement ouverte, pour le xixe siècle, par l’histoire de l’industrialisation et de ses pollutions5. Destiné à renforcer la tradition française d’environnementalisation de l’histoire urbaine6, ce chantier recèle de nombreux défis méthodologiques. Nous nous appuierons sur une recherche collective menée entre 2017 et 2019 sur les agglomérations de Lyon et de Grenoble, le programme TRANSENVIR7. Après un retour d’expérience sur notre « atelier » de travail, nous prendrons l’exemple de deux approches empiriquement étayées depuis quelques années : l’histoire sociale des projets de grandes infrastructures et l’impact sanitaire et environnemental de la construction massive, mise en œuvre dans les villes des années 1950-1980, dont les grands ensembles sont un des emblèmes.
Une agglomération à l’heure de la grande accélération
3L’intérêt pour l’impact de l’urbanisation sur le milieu naturel n’est pas nouveau. Dans une tradition universitaire française où une double formation, histoire et géographie, était de mise, les thèses écrites au xxe siècle contenaient généralement une attention au « milieu » dans lequel se déroulaient les phénomènes sociaux étudiés. Au cœur des années 1970, la thèse de Jean-Claude Perrot sur Caen au xviiie siècle reflète l’imprégnation de la société par les thématiques et le vocabulaire de l’écologie8, diffusés par différents canaux (revues, militantisme politique lors des élections présidentielles de 1974 et municipales de 1977, associations locales de défense du cadre de vie, etc.)9. Pour rester dans l’histoire de l’époque moderne, des études ont déjà pu être menées sur la vie quotidienne ou sur les grands projets de la ville de Lyon, qui s’étend considérablement à partir de la mise hors d’eau du sud de la presqu’île entre Rhône et Saône, et de l’ouverture de l’urbanisation des anciennes zones humides de la rive gauche du fleuve10. D’autres travaux ont mis en lumière la composante environnementale de la fabrique de la ville de l’ère contemporaine et des premières réflexions sur l’urbanisme. Qualité de l’eau, évacuation des déchets, planification de l’extension pour éviter le phénomène de l’étalement anarchique des pavillons périphériques, participent des objets de cette histoire environnementale de la ville à l’âge industriel11. De part et d’autre de l’Atlantique, elle a été bien balisée même si les travaux franchissant la Seconde Guerre mondiale sont encore rares, à quelques exceptions comme l’ambitieuse synthèse de Martin Melosi sur l’assainissement urbain aux États-Unis12.
4En choisissant d’étudier l’après-1945, plusieurs difficultés se présentent à nous :
En premier lieu, l’histoire contemporaine arrive sur un terrain déjà travaillé par la géographie, la sociologie, la science politique, voire la philosophie, où de très nombreuses monographies13 côtoient les grandes références « classiques », internationalement connues des chercheurs en études urbaines14. Elle doit aussi prendre en compte les opportunités de financement et les contraintes de la commande en provenance des sphères politiques ou technocratiques, par exemple pour évaluer les villes nouvelles15. Ajoutons également l’essor des sciences sociales de l’environnement, dont certaines ont une capacité à « monter en généralité » et à formuler des idées percutantes, facilement diffusables dans les médias ou les cercles militants. La prudence historienne, liée à la diversité des sources et des points de vue rencontrés dans les archives, produit plus lentement ou avec plus de nuances de telles idées.
Le matériau pour écrire une histoire environnementale urbaine du temps présent est à la fois l’atout et la difficulté de l’enquête. La production documentaire augmente de façon exponentielle à mesure que les services de l’État se développent, se spécialisent, et que la croissance démographique des années 1950-1960 s’accompagne d’un étalement spatial des sociétés urbaines. Elle n’a été accueillie que récemment dans les dépôts d’archives publiques, et n’est pas toujours classée pour être rendue accessible à la recherche. Nous avons consacré une partie des moyens humains et du temps du projet TRANSENVIR à inventorier les fonds disponibles et à nouer des relations avec les archivistes. Ces derniers nous ont offert des informations sur des fonds privés qui venaient d’être versés (associations écologistes, particuliers), et ont été mis à notre disposition16. Les documents extérieurs à ceux de l’administration publique se sont révélés être des compléments indispensables pour retracer l’épaisseur sociale des phénomènes étudiés, tout comme les témoignages d’acteurs encore en vie, les archives audiovisuelles, et même la fréquentation des lieux mentionnés dans les sources.
L’absence de balisage chronologique. L’histoire est la science des hommes dans l’histoire, et travaille de façon privilégiée sur les phénomènes de rupture, de synchronicité, de dynamique temporelle. Des générations de chercheurs ont travaillé sur « la Révolution française », « 1848 », « la Belle Époque », « la Grande Guerre », etc., des périodes dont le nom a aidé au bornage temporel17. Mais pour étudier l’impact environnemental de l’urbanisation et des modes de vie les plus contemporains, quels repères chronologiques et quelles inflexions choisir ? Notre enquête ne peut correspondre avec un bornage dicté par l’histoire politique. Faut-il aller du côté de la périodisation économique, sociale et culturelle ? Un colloque réuni à Paris en 2011 a montré la nécessaire remise en cause de la célèbre expression de « Trente glorieuses » inventée en 1979 par Jean Fourastié, qui passe sous silence les pollutions, les maladies professionnelles, et autres dégâts du progrès ou de la modernisation déjà stigmatisés par des penseurs « non-conformistes » et par la littérature écologiste qui surgit dans les années 196818. Et bien que la création d’un ministère chargé de la protection de la nature et de l’environnement, en janvier 1971, soit une date intéressante pour mettre en valeur l’hypothèse d’un tournant de quelques années, durant lequel le mot environnement lui-même se répand dans le langage commun, elle peut masquer l’antériorité des mesures locales ou nationales de lutte contre la pollution ou de défense de milieux remarquables, ainsi que l’histoire de mutations techniques et paysagères majeures comme la construction de centaines de milliers de logements dans les « grands ensembles19 ». Il faut donc chercher à interpréter la chronologie à partir du terrain de l’enquête, que l’on a défini ici comme l’agglomération lyonnaise.
5Au fil de nos recherches, nous avons vérifié qu’en débutant dans les années 1950, l’enquête embrasse les mutations qui font passer progressivement une grande ville industrielle20 au rang de métropole moderne, avec tous les équipements nécessités par le statut symboliquement apporté par l’adjectif : un réseau de grandes voies routières rapides, un aéroport, un centre d’affaires et de « tertiaire supérieur ». Ceci fait du Lyon des mandats du maire Louis Pradel (1957-1976) une ville connue pour ses chantiers incessants, ses infrastructures contestées (le passage de l’autoroute en pleine ville et la rupture qu’elle introduit dans la presqu’île de Perrache), et ses banlieues vite construites et qui deviendront le symbole d’une crise urbaine (Vénissieux, Vaulx-en-Velin)21. Le tournant révélé par la comparaison des recensements de 1968 et de 1975 est celui de la périurbanisation : au cœur de ces années connues pour leur effervescence culturelle22, le desserrement urbain ne concerne plus seulement les usines et les voies de transport ; le rêve pavillonnaire, concrétisé pour les classes moyennes, donne naissance à de nouvelles villes périphériques qui s’étalent sur les anciennes terres agricoles de la plaine dauphinoise, à l’est, et sur les contreforts boisés et agrestes du Massif central, à l’ouest. Cela rend nécessaire l’étude des impacts environnementaux de la périurbanisation, à la manière des écrits d’Adam Rome et de Christopher Sellers pour l’Amérique du Nord23.
6D’autres façons de considérer la chronologie peuvent être soulignées : si l’accent est mis sur les manifestations sociales et politiques en lien avec la question environnementale, alors la décennie 1970 est au centre de l’enquête, en tant que moment d’éclosion d’un mouvement protéiforme, appuyé sur la structuration en associations et en fédérations d’associations (la FRAPNA dans notre cas24), et marqué par l’engagement dans des causes comme la lutte anti-nucléaire qui culmine lors de la manifestation de juillet 1977 à Creys-Malville, en Isère. Le vocabulaire de l’environnement percole progressivement dans la sphère politique, en particulier au sein des conseils municipaux issus des élections de mars 1977, comme l’illustre la communication mise en place par ces nouvelles municipalités25.
7Quel peut être le terminus aval de la recherche ? Nous avons arrêté provisoirement l’enquête aux années 1990, pour plusieurs raisons, outre la faisabilité d’une recherche en temps limité. Les politiques locales utilisant le label « environnement » commencent alors à être bien établies, voire à changer d’étiquetage comme à Lyon où le maire et président de la communauté urbaine, Michel Noir, conseillé par un ancien permanent de l’association régionale de protection de la nature, choisit de parler d’écologie urbaine, quelques années avant que la vague du développement durable ne déferle dans la communication publique. Il insiste sur la coopération internationale pour faire de sa ville une métropole à dimension européenne, politique poursuivie par Raymond Barre (1995-2001) et son successeur Gérard Collomb (2001-2020). Les services municipaux sont réorganisés et l’expression écologie urbaine supplante la vieille dénomination « hygiène » utilisée depuis 1890 pour les services locaux de santé publique. L’adoption d’un cadrage plus national justifierait de poursuivre les travaux jusqu’aux années 2000, afin d’englober les applications de textes législatifs promulgués au cours de la décennie 1990 (loi Barnier sur les risques majeurs en 1995, loi Lepage sur l’air en 1996), l’inscription de la protection de l’environnement dans la Constitution de la Cinquième République (2005), et de s’arrêter au Grenelle de l’Environnement, qui amorce un nouveau cycle de concertation et de formulation législative. Ceci déplacerait l’objet de l’attention vers les services déconcentrés de l’État, qui ont connu des évolutions et restructurations26.
8Alors que l’histoire environnementale du temps présent est encore largement à construire, en France, nous avons donc réglé l’objectif sur les années 1950-1990 en nous concentrant sur une recherche fortement territorialisée, mais non purement monographique.
Travaux pratiques
9La démarche d’histoire indissociablement sociale et environnementale27, ancrée dans un territoire, que nous venons de présenter peut être illustrée ici de deux manières : d’une part, en rappelant à quel point la contestation sociale des grands aménagements de l’ère de la croissance économique était déjà variée et dynamique – et parfois efficace. D’autre part, en interrogeant l’impact environnemental de formes urbaines longtemps étudiées sous l’angle de l’histoire de l’architecture, de la géographie ou de la sociologie urbaine : les grands ensembles et les lotissements pavillonnaires.
Pour une histoire sociale et environnementale de l’ère aménagiste
10Depuis le début du xxie siècle, l’aménagement du territoire à coups de grandes infrastructures est entré dans l’ère du soupçon. Cette défiance collective et parfois politique est incarnée par l’abandon du canal Rhin-Rhône en 1997 ou par le débat sur le vieillissement des centrales nucléaires lancé par l’accident de celle de Fukushima au Japon en 2011. La controverse sur la sûreté du nucléaire français a abouti, après de longs atermoiements, au communiqué de presse d’EDF annonçant, en septembre 2019, la fermeture de la centrale de Fessenheim en Alsace, promesse de campagne du futur président François Hollande en 2012. Notre recherche a été contemporaine de la couverture médiatique de la « zone à défendre », finalement victorieuse, de Notre-Dame-des-Landes, contre un projet de nouvel aéroport à proximité de Nantes28. Cela a pu susciter un intérêt particulier pour les contestations repérées au sein de la période et du territoire étudiés. Les « grands projets inutiles et imposés » entraînent des fédérations de collectifs qui cherchent à engager le rapport de force avec les pouvoirs publics, fréquemment supposés favorables à l’infrastructure, et qui détiennent la décision finale par l’octroi de déclarations d’utilité publique et de permis de construire.
11L’aménagement, construit progressivement « par le haut » par le recours à des experts universitaires, hauts fonctionnaires de l’ENA ou issus des grands corps d’ingénieurs, avait pour objectif de rééquilibrer le territoire national, d’organiser une déconcentration des industries et de certaines fonctions administratives. Bénéficiaire d’une structure de prospective directement rattachée au premier ministre (la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale, DATAR, créée en 1963), il a participé à l’idéal de modernisation des « trente glorieuses », ainsi qu’à la rhétorique de la « nouveauté » de l’action publique et de l’urbanisme29. Mais cet « État aménagiste » fut également sujet à de nombreuses contestations qui invitent à prendre en compte les innombrables ajustements que les acteurs des échelons supérieurs durent opérer, face aux mobilisations riveraines : au final, elles empêchent de le considérer comme un bloc monolithique. Nous entendons également élargir l’échantillon de la population observée dans le cadre d’une étude sur les mobilisations environnementales30. Par exemple, en l’espace des deux années qui correspondent à l’invention d’une politique française de l’environnement, transférée de la DATAR à un jeune et frêle ministère (1970-1972), on observe de nombreux conflits d’aménagement dans la région lyonnaise. Durant l’hiver 1970-1971, dans le Beaujolais, élus locaux et représentants de l’activité viticole s’activent pour repousser un projet de seconde raffinerie de pétrole en région lyonnaise ; ils convoquent facilement le souvenir de la catastrophe de Feyzin (incendie survenu le 4 janvier 1966, qui provoqua dix-huit décès et des dizaines de blessés), au sud de la métropole régionale. Ils arguent également de la pollution chronique engendrée par l’usine pétrochimique pour expliquer que Lyon serait pris en étau si on autorisait une nouvelle infrastructure située au nord. Pendant dix-huit mois, des projets de localisation sont évoqués tantôt par la Compagnie française de raffinage, tantôt par des élus locaux soucieux de moderniser ou de redorer le tissu économique de leur territoire, avec le soutien constant du préfet de région. L’affaire fut connue comme celle de la « raffinerie baladeuse » ; bien plus qu’une simple illustration locale du phénomène « Nimby », elle reflète la volonté des acteurs locaux, avant le mouvement de décentralisation de 1982, de pouvoir choisir l’avenir de leur territoire. Quant au préfet, censé relayer au même moment la nouvelle politique de protection de la nature et de l’environnement, il incarne la préférence écrasante de la haute fonction publique pour les enjeux économiques31.
12Un autre cas, « l’affaire du marais des Échets », met aux prises les naturalistes, les habitants et les services de l’État (équipement, agriculture, affaires culturelles) au sujet d’une zone humide d’un millier d’hectares, à une quinzaine de kilomètres au nord-est de Lyon, dans le département de l’Ain. Pendant la décennie 1960, deux perspectives opposées poursuivent leur parcours administratif : instruction d’un projet de classement en réserve naturelle d’une zone connue pour abriter de nombreuses espèces d’oiseaux, sans compter la diversité botanique des marais ; étude du remembrement agricole dans l’optique d’une mise en valeur (et en culture) de ces espaces marginaux, à la propriété morcelée. Un homme d’affaires, propriétaire de 150 hectares de terrains dans le marais, manœuvre derrière le soutien à l’enjeu agricole pour faire avancer une procédure qui peut lui offrir de juteuses perspectives – complexe hôtelier ou de loisirs ? – étant donné la proximité de Lyon et de son million d’habitants. Lorsque le ministre des Affaires culturelles prend un arrêté d’instance de classement, en septembre 1970, ce propriétaire choisit la politique du bulldozer afin de mettre les naturalistes et les services de l’État devant le fait accompli. Le drainage de parcelles, la manipulation de vannes de ruisseaux exutoires, l’incendie et le défrichement de terrains boisés aboutissent à une dégradation telle que le coordinateur de la mobilisation naturaliste, l’universitaire Philippe Lebreton, n’a plus guère d’intérêt pour un classement de la zone centrale du marais, lorsque le ministre de la Protection de la nature et de l’environnement veut achever la procédure en septembre 1971. C’est dans ce contexte qu’il a rassemblé des collègues universitaires de Lyon et de Grenoble, et différents naturalistes, pour fonder la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (FRAPNA), destinée à peser médiatiquement et politiquement puisque la seule confiance dans la routine administrative n’est pas possible32.
13Dans la zone étudiée par le projet TRANSENVIR, il n’est guère de commune où les nuisances industrielles, la menace pour l’environnement que fait peser un projet autoroutier, voire l’urbanisation de nouveaux terrains dans le cadre des opérations de « Z.A.C » et des plans d’occupation des sols, n’entraînent soit la mobilisation de la municipalité elle-même33, soit la création d’une association, soit même l’investissement de l’arène politique, aux élections de 1977, par des militants associatifs34. Cet intérêt rejoint celui d’anciennes structures, les Comités d’intérêt local, qui œuvraient déjà à Lyon35. Une vigilance citoyenne sur la qualité du cadre de vie quotidien n’est en effet pas chose nouvelle : l’histoire de la régulation des nuisances industrielles l’a bien montré36. Mais elle s’imprègne des nouvelles formes d’argumentation de l’époque, en sollicitant la presse quotidienne régionale et les actualités télévisées pour relayer des revendications de qualité de la vie ou des messages d’inquiétude à l’égard des possibles conséquences sanitaires de la pollution. Elle a pu infléchir, ralentir ou repousser, à l’échelle du quartier, des opérations emblématiques de l’époque des « maires bâtisseurs37 » : on peut donc la saisir à travers une histoire fine des politiques urbaines, menée au « ras du sol ». Cela nous conduit à réfléchir, en creux, sur la force d’inertie de l’appareil techno-administratif, qui a laborieusement cherché à imaginer des formules de concertation au sujet des grands aménagements (lignes de train à grande vitesse, par exemple) ou des risques industriels, autant de dispositifs dont les sciences sociales ont pu montrer les limites38.
L’envers du décor : les impacts environnementaux des grands ensembles et des lotissements pavillonnaires
14Les grandes opérations de construction de logements ont également suscité des mobilisations et des contestations. Mises en œuvre par des associations traditionnelles de l’espace citadin (comités locaux, associations de locataires), elles s’inscrivent dans l’histoire des conflits sociaux et urbains. Mais ces luttes sont également traversées par des enjeux environnementaux. La construction des grands ensembles et des lotissements pavillonnaires a en effet eu un impact écologique majeur sur les périphéries des grandes agglomérations. Les différences morphologiques et chronologiques entre ces deux types de quartiers ne doivent pas occulter le fait que leur multiplication rapide à partir des années 1950 participe d’un même mouvement d’industrialisation de la construction, de déplacements massifs de populations et d’artificialisation des sols. Souvent portés par les mêmes architectes, entreprises, bailleurs, services ministériels et corps d’État, ils produisent des dégâts environnementaux analogues.
15Ces grandes opérations de construction ont permis d’accompagner la croissance démographique de l’agglomération lyonnaise, la population des 55 communes du Grand Lyon (périmètre de 2006) étant passée de 727 486 habitants en 1946 à 1 226 248 en 200639. Parallèlement, plus de 390 000 logements ont été bâtis sur le territoire de la communauté urbaine entre 1948 et 1999 (INSEE, 2004), dont presque 80 % de logements collectifs. Une partie importante de ces grandes opérations de construction se situent dans la Plaine de l’Est, dans le prolongement des aménagements effectués au cours des décennies précédentes40. Elles amplifient l’étalement spatial de l’agglomération lyonnaise et la densification de ses espaces périphériques. Dans un premier temps sont érigés les grands ensembles de Bron-Parilly (2 600 logements, 1953-1957)41, la Duchère (5 500 logements, 1960-1975) et Mermoz-Sud (années 1960), opération voisine du quartier des États-Unis dont l’extension commence en 1955. Aux 6 000 logements de la ZUP de Rillieux-la-Pape, où les travaux durent de 1962 à 1974, s’ajoutent ceux du quartier Saint-Jean à Villeurbanne, de Bron-Terraillon (1963-1965), des Minguettes à Vénissieux (à partir de 1965)42, de Caluire-Montessuy et de la ZUP de Vaulx-en-Velin (1970)43.
Fig. 1. – Zone comprise dans le Schéma directeur et d'aménagement et d’urbanisme de l’agglomération lyonnaise en 1970, carte de l’atelier d'urbanisme Charles Delfante.

16Les lotissements pavillonnaires participent à l’urbanisation rapide des franges de l’agglomération lyonnaise dès les années 1950 avec des cités castors44 construites à Vaulx-en-Velin et à Décines mais surtout à partir des années 1960, comme en témoigne la cité patronale du Charréard construite à Vénissieux, à côté des usines Berliet en 196045. Dans les années 1970 les « nouveaux villages » pavillonnaires se développent sous l’impulsion des pouvoirs publics et des promoteurs immobiliers46. Ainsi, la cité des Grillons construite en périphérie de Chassieu en 1973 comporte 87 maisons confortables de 100 m² sur des parcelles privatives de 300 à 400 m² dotées de jardins intérieurs et de clôtures végétales. Le promoteur-constructeur reproduit ce modèle dans le quartier des Grandes Tâches à Meyzieu, en y construisant trois lotissements au cours des années 1960 et 197047. La construction des lotissements pavillonnaires s’accélère nettement dans les décennies suivantes, en particulier dans les communes de Décines-Charpieu, où la maison individuelle représente 42 % du nombre total de logements à la fin des années 1990 (INSEE 1999), de Chassieu (77 %), de Genas (près de 90 %), de Meyzieu (67 %), de Saint-Priest et de Jonage (près de 90 %)48.
17Ces opérations ont fait l’objet d’études, surtout en géographie et en sociologie, réalisées soit au moment de la construction des quartiers, soit au moment de leur réhabilitation ou rénovation49. Bien que les problématiques environnementales n’y soient pas centrales, elles sont riches d’informations que nous pouvons utiliser dans une démarche plus orientée vers ces questionnements50. Il en va de même pour les nombreux travaux menés par Philippe Dufieux sur les lotissements de la région. La question se pose donc de savoir comment et dans quels buts écrire une histoire environnementale de ces grandes opérations de construction.
18Un des axes d’étude pourrait être la mesure de leur impact environnemental, à commencer par celui des grands ensembles, construits pour la plupart avant les lotissements pavillonnaires. Il s’agit d’explorer à la fois la mutation des paysages (en particulier la disparition des espaces ruraux et boisés), la perturbation des sols liée notamment aux nouvelles techniques de fondation des bâtiments51, et l’ensemble des pollutions internes et externes auxquels sont soumis les habitants, les riverains et les travailleurs du BTP œuvrant sur les chantiers de construction et de rénovation. Toutes ces catégories de population ont été plus ou moins exposées à l’utilisation massive de substances toxiques (amiante, isorel, goudrons, ciments, fumées de gasoil). De plus l’isolation thermique insuffisante des logements soumet très souvent les habitants à de fortes chaleurs ou à de grands froids. Ces problèmes entraînent une dégradation accélérée des logements et des maladies récurrentes, en particulier chez les enfants52. Ils sont aggravés par des systèmes de chauffage et de ventilation insuffisants ou défectueux. De surcroît le risque d’incendie est élevé, du fait de l’emploi systématique de matériaux inflammables et de l’installation de vastes chaufferies à la fois polluantes (charbon, fioul) et potentiellement explosives. Cet environnement toxique pour les corps peut également fragiliser la santé mentale des résidents, contraints de vivre dans des appartements exigus, mal insonorisés et largement offerts à la vue de tous par de larges ouvertures. Ce manque d’intimité se retrouve dans des espaces verts très largement ouverts et uniformes, lorsqu’ils n’étaient pas réduits à l’état de terrains vagues53.
19Les premiers jalons de cette histoire environnementale ont été fournis par l’étude des terrains de Bron-Parilly et de la Duchère54. Le premier quartier a été bâti suivant un procédé de construction industrialisé très novateur, mais source de nombreux problèmes d’étanchéité, d’isolation thermique et de chauffage. Le choix d’alimenter ce dernier au charbon est classique pour cette période. En revanche la « solution originale » consiste « à disposer d’un radiateur unique dans la salle de séjour55 » ; en associant cette option à la mise en place d’un « isolant thermique efficace56 », les ingénieurs du Consortium de chauffage pensent pouvoir assurer des températures certes modérées mais conformes aux réglementations en vigueur au début des années 1950. Toutefois, ce système s’avère rapidement insatisfaisant. Dès le premier hiver, 80 % des logements ne sont pas assez chauffés ; les températures n’atteignent alors que quelques degrés dans les chambres de certains habitants. Dans certains appartements le chauffage ne fonctionne pas du tout pendant les deux premiers hivers. Cette situation contraint l’entreprise à « faire fonctionner […] les installations en marche très poussée57 », ce qui fragilise le système et expose les habitants à un risque d’explosion tout en accentuant la pollution atmosphérique générée par l’usage du charbon. Cela montre que le système avait été mal calibré. Le problème provient aussi des défauts du gros-œuvre, qui limitent fortement l’efficacité de l’isolation. Les appartements et les habitants souffrent aussi considérablement de la chaleur en été. Ces difficultés, ajoutées au montant élevé des loyers et des redevances de chauffage par rapport aux autres quartiers, ont entraîné des contestations larges et récurrentes de la part des habitants, organisées par le Comité d’intérêt local du quartier, l’Amicale des locataires et l’Association des usagers du chauffage de Bron-Parilly : grève des factures de chauffage et d’eau chaude, grève des loyers, combats victorieux pour obtenir des indemnités et de nouveaux radiateurs, etc. Ces conflits ont abouti à des travaux devenus récurrents. Néanmoins, les problèmes demeurent jusqu’en 1971, date à laquelle le système de chauffage est entièrement changé. Le bien-être des habitants s’en trouve accru mais le passage du charbon au fioul ne résout pas les problèmes de pollution atmosphérique, d’autant plus importants que le quartier est situé à côté d’un axe routier très important (l’autoroute A43).
20La construction d’un échangeur très important pour l’agglomération lyonnaise a engendré d’autres problèmes environnementaux, en particulier la pollution sonore et les risques psycho-sociaux attestés dès les années 1960. En effet l’isolation phonique est tout aussi défaillante que l’isolation thermique, à laquelle elle est en partie liée. De plus l’installation de cet échangeur a considérablement réduit et ralenti la construction d’équipements sociaux dans le quartier, déjà très en retard par rapport au projet initial. Alors que les logements sont terminés en 1957, ce n’est qu’à partir de 1960 que l’Office départemental d’HLM du Rhône commence à envisager l’aménagement d’une partie des espaces verts, sans toutefois en avoir les moyens. Plusieurs années de concertation avec les collectivités locales, la CAF, le ministère de la Jeunesse et des Sports et le Comité « Pour nos gosses » créé par des habitants du quartier ont été nécessaires pour que des aires de jeux et un centre sportif voient le jour. La construction de l’échangeur vient alors retarder et amoindrir ces projets, notamment celui de centre aéré. Les nombreuses études des sociologues, psychologues et éducateurs ainsi que les enquêtes et commissions mises en place par le ministère de la Construction tout au long des années 1960 démontrent pourtant le rôle primordial d’un véritable aménagement des espaces verts et des équipements sociaux pour prévenir les risques psycho-sociaux dans ces quartiers neufs.
21Les habitants de la Duchère ont été confrontés à des problèmes similaires, en particulier au niveau du chauffage. En 1958, le ministère de la Construction choisit pour ce nouvel ensemble de reproduire l’opération de Bron-Parilly, moyennant une augmentation et une amélioration du programme. Cette décision doit se comprendre à la lumière des enjeux propres à l’industrialisation de la construction. En effet les investissements nécessaires à la mise en place de procédés expérimentaux sont considérables. Un des moyens pour les rentabiliser est d’obtenir de gros marchés. C’est la solution alors retenue puisque le chantier de Bron est très massif pour l’époque et que le procédé qui y est mis en œuvre est reconduit pour une partie des logements à construire à la Duchère. La reconduction et la massification des chantiers permettent en outre de faire baisser le prix des logements ; en l’occurrence pour ces 1 018 logements, « les prix consentis […] sont inférieurs de 5 % à ceux de Bron-Parilly » dont ils sont directement inspirés58. Des améliorations sont cependant prévues par rapport à l’opération-mère, en particulier dans le système de chauffage. Un effort particulier d’innovation est réalisé dans ce domaine ; le modèle de Bron-Parilly est abandonné au profit d’un chauffage urbain à eau surchauffée assuré aux deux tiers par le plafond et au dernier tiers par le plancher. En outre, les normes de températures sont relevées par rapport à Bron-Parilly. Une seule chaufferie alimente tous les immeubles, ce qui implique la mise en place d’un vaste réseau comparable à ceux des autres infrastructures (électricité, gaz, eau).
22Néanmoins ces investissements ne suffisent pas à assurer un chauffage suffisant et posent de sérieux problèmes de sécurité et de pollution atmosphérique. En effet le système connaît de nombreux dysfonctionnements, d’autant plus étendus qu’il n’existe qu’un seul réseau de chaleur et que le moindre incident a donc des conséquences sur l’ensemble du quartier. Les problèmes affectent tous les secteurs de la Duchère, mais plus particulièrement les 1 018 logements construits selon le procédé utilisé à Bron-Parilly. Dès 1962, les habitants se plaignent des températures totalement inadaptées dans les appartements ; ils font état de températures trop basses aux étages inférieurs (souvent 11 oC dans les chambres) et trop élevées aux étages supérieurs, en particulier 25 oC à 30 oC en plein hiver au Plateau. Un des premiers médecins installés dans le quartier, Pierre Fargetton, témoigne ainsi en 2002 à ce sujet : « Au début, je me souviens d’une pathologie due à l’excès de chauffage… Les enfants étaient toujours malades du fait des trop grandes différences entre intérieur et extérieur59. » Comme à Bron-Parilly, cette situation a suscité une vaste mobilisation des habitants, notamment sous l’impulsion d’associations du quartier comme l’ASOFAC (l’Association sociale, familiale et culturelle) et l’Association de défense des locataires. Rien que dans le secteur géré par l’Office départemental HLM, plusieurs centaines de locataires refusent d’acquitter intégralement le montant des redevances de chauffage pour la saison de chauffe 1962/1963, jugées exorbitantes et très variables d’un secteur à l’autre de la Duchère malgré l’unicité du dispositif de chauffage pour tous les habitants. Ce n’est qu’à l’issue d’années de conflits et de travaux que le système est jugé satisfaisant par les locataires et que toutes les réclamations cessent. En 1970, l’Office considère que les températures moyennes sont enfin « entrées dans les normes60 »… même si les locataires estiment toujours leurs factures de chauffage trop élevées. Quelques années plus tard, ce sont les habitants des Minguettes qui commencent une longue et vaste contestation du système de chauffage et de distribution de l’eau dans leur quartier61.
23Par ailleurs, la présence d’une énorme chaufferie très puissante au milieu des habitations de la Duchère ne manque pas de susciter des craintes, surtout après les graves accidents intervenus dans d’autres nouveaux ensembles urbains comme à Sarcelles dans les années 196062. Ces incidents sont suffisamment importants pour que le ministère de la Construction et le Conseil supérieur d’hygiène commandent des études sur le sujet63. En outre le site même de la chaufferie n’est pas sécurisé puisqu’il s’agit d’un simple terrain vague où les enfants viennent fréquemment jouer. Enfin, l’utilisation massive du charbon est à l’origine d’une pollution atmosphérique très forte, dont les dangers pour les habitants sont perçus très tôt64. Certes, le charbon est remplacé par le fioul en 1971, précisément pour « satisfaire aux exigences de fumivorité imposées par la Direction Régionale de l’Action Sanitaire, dans le cadre de la lutte contre la pollution atmosphérique65 ». Mais ce nouveau combustible n’est pas moins polluant – car riche en soufre et générateur de SO² – et il expose encore plus les habitants au risque d’explosion et d’intoxication comme en témoigne dès 1973 une enquête scientifique menée à la demande du service de l’environnement industriel du ministère de la Protection de la nature et de l’environnement sur les chaufferies urbaines au fuel, notamment en région Rhône-Alpes66.
Fig. 2. – AML, 1C/702991, « Le nouveau quartier de la Duchère à Lyon », brochure éditée par la SERL, 1963.

24Enfin, contrairement à Bron-Parilly, le système de chauffage de la Duchère est disjoint du service d’eau chaude sanitaire. Des chauffe-eau à gaz ont donc été installés dans les cuisines et les salles de bains. Or ces installations sont hétérogènes, du fait de la diversité des maîtres d’ouvrage ; elles sont de qualité variable et plus ou moins bien entretenues. Surtout, elles ne sont pas toutes reliées à des conduits de fumée. Ces défaillances engendrent des intoxications récurrentes, plus ou moins graves, au monoxyde de carbone67.
25Comme le montrent ces premiers résultats tirés d’une enquête sur un échantillon restreint, un grand chantier historiographique s’ouvre aujourd’hui pour comparer les cas d’étude évoqués dans ce chapitre avec les autres quartiers similaires construits au cours de la même période ainsi qu’avec les lotissements pavillonnaires, dans la mesure où une partie d’entre eux ont été bâtis avec des matériaux et selon des méthodes comparables.
⁂
26L’histoire environnementale de l’urbanisation contemporaine est un chantier encore à peine entamé, pour lequel une approche sociale, politique, mais également technique et matérielle, est nécessaire. Les compromis qu’il a fallu réaliser, les applications différenciées, selon les contextes locaux, des textes législatifs, restent autant d’objets à explorer, en comptant sur la richesse des archives du second xxe siècle. Cette histoire environnementale doit aussi songer à son utilité publique, et à sa valorisation, au-delà des traditionnelles formes d’écriture scientifique. C’est pourquoi un site internet, [https://transenvir.fr], a été mis en place pour transcrire sous une autre forme les résultats de la recherche, et aller recueillir de nouvelles sources et de nouveaux questionnements en favorisant des événements d’interconnaissance entre chercheurs et citoyens. L’expérience montre enfin que l’interdisciplinarité, vantée par la communauté scientifique et ses instances gouvernantes – ou exhortée par des financeurs de recherches sur projet – est toujours longue à pratiquer, supposant l’acculturation aux méthodes d’enquête et d’administration de la preuve de chaque approche disciplinaire. Nous sommes convaincus que, pour la ville comme pour d’autres milieux considérés comme plus « naturels », tels les forêts, les cours d’eau, les zones humides, les prochaines décennies vont être l’occasion d’intensifier la collaboration entre l’histoire, comme discipline académique, et d’autres approches, en sciences sociales comme en sciences expérimentales68. Puissent certaines expériences menées en France, comme en région marseillaise69, susciter l’envie d’imitation !
Notes de bas de page
1 Pour un panorama historiographique et synthétique, on renverra à McNeill John R., « Observations on the Nature and Culture of Environmental History », History and Theory, vol. 42 no 4, 2003, p. 5-43.
2 Une sélection non exhaustive : Tarr Joel (dir.), Devastation and Renewal, An Environmental History of Pittsburgh and its region, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 2003. Walker Richard, The Country in the City. The Greening of the San Francisco Bay Area, Seattle, University of Washington Press, 2007.
3 Sur notre terrain : Chopelin Paul et Souriac Pierre-Jean (dir.), Nouvelle histoire de Lyon et de la Métropole, Toulouse, Privat, 2019.
4 Voir par exemples les monographies parues dans les années 1970-1980 chez Privat et chez Horvath, où la période contemporaine était, en général, la plus courte, et largement réduite à la dimension politique, économique et sociale.
5 Massard-Guilbaud Geneviève, Histoire de la pollution industrielle. France, 1789-1914, Paris, Éditions EHESS, 2010. Le Roux Thomas, Le laboratoire des pollutions industrielles. Paris, 1770-1830, Paris, Albin Michel, L’évolution de l’humanité, 2011. Jarrige François et Le Roux Thomas, La contamination du monde. Une histoire des pollutions à l’âge industriel, Paris, Le Seuil, 2017. Sur le milieu urbain, voir aussi Barles Sabine, La ville délétère. Médecins et ingénieurs dans l’espace urbain xviiie-xixe siècle, Seyssel, Champ Vallon, 1999.
6 Quenet Grégory, Qu’est-ce que l’histoire environnementale ?, Seyssel, Champ Vallon, 2014, chapitre 4. « Villes et environnement », dossier de la revue Histoire urbaine, no 18, avril 2007.
7 Financement ANR 2016. Pour lire les résultats des recherches de terrain menées par l’équipe, voir Frioux Stéphane (dir.), Une France en transition ? Urbanisation, risques environnementaux et horizon écologique dans le second xxe siècle, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2021.
8 Perrot Jean-Claude, Genèse d’une ville moderne. Caen au xviiie siècle, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 1975, en particulier le chapitre 2.
9 Vrignon Alexis, La naissance de l’écologie politique en France. Une nébuleuse au cœur des années 68, Rennes, PUR, 2017.
10 Reynard Pierre-Claude, Ambitions Tamed: Urban Expansion in Pre-revolutionary Lyon. McGill-Queen’s University Press, 2009. Zeller Olivier, « Structurations de l’espace fécal à Lyon au xviiie siècle », Flux, no 108, 2017/2, p. 8-21.
11 Frioux Stéphane, Les batailles de l’hygiène. Villes et environnement de Pasteur aux Trente Glorieuses, Paris, PUF, 2013.
12 Melosi Martin, The Sanitary City. Urban infrastructure in America from Colonial Times to the Present, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 2000.
13 Chombart de Lauwe Paul-Henri, « Les nouveaux ensembles urbains (un cas concret : Lacq-Mourenx et les problèmes urbains de la nouvelle classe ouvrière) », Revue française de sociologie, 1960, p. 186-201 ; Chombart de Lauwe Paul-Henri, Paris et l’agglomération parisienne. 1. L’espace social dans une grande cité. 2. Méthodes de recherches pour l’étude d’une grande cite (écologie, statistique, expression graphique). Études comparatives des unités résidentielles, Paris, PUF, 1952 ; Chombart de Lauwe Paul-Henri, Famille et habitation, 2 volumes, Paris, CNRS (Groupe d’ethnologie sociale), 1960.
14 Songeons aux travaux d’Henri Lefebvre, par exemple ou, dans une approche de l’hygiénisme moins spatialisée, à ceux de Michel Foucault.
15 Fourcaut Annie et Vadelorge Loïc, « Où en est l’histoire urbaine du contemporain ? », Histoire urbaine, no 32, 2011/3, p. 137-157.
16 Un remerciement particulier doit être adressé au personnel des archives départementales et métropolitaines du Rhône, à Mme Grard des archives municipales de Villeurbanne, ainsi qu’aux archivistes de Lyon.
17 Sur cet aspect, voir Kalifa Dominique (dir.), Les noms d’époque. De « Restauration » à « années de plomb », Paris, Gallimard, 2020.
18 Fourastié Jean, Les trente glorieuses, Paris, Fayard, 1979. Pessis Céline, Topçu Sezin et Bonneuil Christophe (dir.), Une autre histoire des « Trente Glorieuses » : modernisation, contestations et pollutions dans la France d’après-guerre, Paris, La Découverte, 2013.
19 Mathis Charles-François et Mouhot Jean-François (dir.), Une protection de la nature à la française (xixe-xxe siècles) ?, Seyssel, Champ Vallon, 2013. Le Goullon Gwenaëlle, Les grands ensembles en France. Genèse d’une politique publique (1945-1962), Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, 2014.
20 Laferrère Michel, Lyon ville industrielle. Essai d’une géographie urbaine des techniques et des entreprises, Paris, PUF, 1960.
21 De La Selle Xavier (dir.), Lyon sur le divan : les métamorphoses d’une ville, Lyon, France, Libel, 2017. Sur les infrastructures routières, replacées dans la longue durée, Baldasseroni Louis, Du macadam au patrimoine : Modernisation de la voirie et conflits d’usages. L’exemple de Lyon, fin xixe-fin xxe siècles, thèse de doctorat d’histoire, université Paris-Est-Marne la Vallée, 2019.
22 Artières Philippe et Zancarini-Fournel Michelle (dir.), 68. Une histoire collective (1962-1981), Paris, La Découverte, 2008.
23 Rome Adam, The Bulldozer in the Countryside. Suburban Sprawl and the Rise of American Environmentalism, New York, Cambridge University Press, 1996. Sellers Christopher, Crabgrass Crucible. Suburban Nature and the Rise of Environmentalism in Twentieth-Century America, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 2012.
24 Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature, créée en 1970-1971.
25 C’est le cas à Villeurbanne, dans le magazine municipal créé par la municipalité Hernu en 1977, Vivre à Villeurbanne, qui consacre à chaque numéro des pages aux « espaces verts ».
26 Lascoumes Pierre et Le Bourhis Jean-Pierre, L’environnement ou l’administration des possibles. La création des Directions Régionales de l’Environnement, Paris, L’Harmattan, 1997. Lascoumes Pierre et al., Le développement durable : une nouvelle affaire d’État, Paris, PUF, 2014.
27 Massard-Guilbaud Geneviève et Mosley Steven (dir.), Common Ground. Integrating the Social and the Environmental in History, Newcastle, Cambridge Scholars Press, 2011. Massard-Guilbaud Geneviève et Rodger Richard (éd.), Environmental and Social Justice in the City: Historical Perspectives, Cambridge, The White Horse Press, 2011.
28 Pour un essai de synthèse, par un haut-fonctionnaire, Guibert Géraud, « La contestation des grands projets d’infrastructures », Esprit, no 10, 2013, p. 92-104. Le décret 2010-129 du 18 février 2020 a abrogé l’autorisation d’exploiter la centrale de Fessenheim.
29 Vadelorge Loïc, Retour sur les villes nouvelles : une histoire urbaine du xxe siècle, Paris, Créaphis, 2014.
30 Frioux Stéphane, « Éditorial : Jalons pour une histoire environnementale contemporaine », Le Mouvement social, no 262, janvier-mars 2018, p. 3-15.
31 Frioux Stéphane, « La raffinerie baladeuse : contestations, résistances et négociations en région lyonnaise dans l’après-Feyzin (1970-1972) », in Anne-Claude Ambroise-Rendu, Anna Trespeuch-Berthelot et Alexis Vrignon (dir.), Une histoire des conflits environnementaux. Luttes locales, enjeu global (xixe-xxie siècles), Limoges, PULIM, 2018, p. 57-71.
32 ADRML 297J1.
33 On peut songer à la commission extra-municipale des nuisances mise en place à Saint-Fons en 1969, à l’association de défense de la vallée du Rhône créée par le maire de Givors en 1971, et à l’action du maire de Bron pour repousser plus à l’est le tracé de l’autoroute A46 qui devait traverser un quartier de sa commune, déjà écartelée par le boulevard périphérique et l’autoroute A43.
34 Telles SEVDOR dans les Monts d’Or, Dardilly-Environnement, ou le Comité de défense de l’environnement d’Irigny. À Sainte-Foy-les-Lyon, dans l’ouest de l’agglomération, une liste se présente pour contester les options du plan d’occupation des sols.
35 Joliveau Thierry, Associations d’habitants et urbanisation : l’exemple lyonnais (1880-1983), Paris, CNRS, 1987.
36 Massard-Guilbaud Geneviève, Histoire de la pollution industrielle, op. cit.
37 Expression de Marcel Roncayolo, dans Duby Georges (dir.), Histoire de la France urbaine, t. V : La ville d’aujourd’hui, Paris, Le Seuil, 1985, p. 289.
38 Nous renvoyons par exemple à des études publiées dans Mermet Laurent et Salles Denis (dir.), Environnement : la concertation apprivoisée, contestée, dépassée ?, Paris, de Boeck supérieur, 2015.
39 Ferrand Nicolas, Approche morphologique de l’urbanisation : Lyon et son agglomération de 1945 à 2005. Données, outils et méthode, thèse de géographie et d’aménagement, université Lyon 3, 2010, p. 9.
40 Authier Jean-Yves, Grafmeyer Yves, Mallon Isabelle et Vogel Marie, Sociologie de Lyon, Paris, La Découverte, 2010, p. 30-31.
41 Bourdeix Pierre, Gages René, Grimal Franck et Henri Moïse, L’Unité de voisinage de Bron-Parilly : [Rhône], secteur industrialisé, programme de 2 600 logements, Paris, Institut technique du bâtiment et des travaux publics, 1958.
42 Archives de Lyon-Habitat (désormais ALH), Procès-verbal du Conseil d’administration du 18 mai 1965.
43 Chatelan Olivier, « Guerres, croissance et crises : Lyon au xxe siècle », in Paul Chopelin et Pierre-Jean Souriac (dir.), Nouvelle histoire de Lyon, op. cit., p. 743.
44 Les « castors » étaient des groupes de constructeurs non professionnels. Après la guerre, ils se rassemblèrent et formèrent un mouvement d’autoconstruction populaire. Inizant Henri, Le mouvement Castor en France. Les coopératives d’autoconstruction entre 1950 et 1960. Recherche historique, analyse économique et politique, thèse de sociologie, université Paris X, Nanterre, 1981.
45 Dufieux Philippe, Le Rêve de la maison, Cités, lotissements et habitat durable dans le Rhône, Lyon, Éditions du CAUE, 2007, p. 38 et p. 44.
46 Bossé Anne et Guennoc Marie-Laure, Villagexpo, un collectif horizontal, Paris, Créaphis, 2013.
47 Dufieux Philippe, Le Rêve de la maison, op. cit., p. 62 et p. 65.
48 Dufieux Philippe, « Du pré Morand aux marges de l’agglomération, le pavillonnaire à la conquête des territoires péri-urbains », in Paul Chopelin et Pierre-Jean Souriac (dir.), Nouvelle histoire de Lyon, op. cit., p. 779-780.
49 Rochefort Renée, « Grands ensembles et mutations des banlieues lyonnaises », Revue de géographie de Lyon, vol. 45, no 2, 1970, p. 202 ; Chartoire Christelle, La ZUP de Vaulx-en-Velin de la création à la réalisation. La recherche de la ville idéale, mémoire de maîtrise de géographie, université Lyon 2, 1996 ; Chervet Suzanne, Étude d’une solution au problème du logement dans l’agglomération lyonnaise : le quartier de Bron-Parilly, mémoire de maîtrise de géographie, université Lyon 3, 1960 ; Dancer Annick, Étude géographique de la ZUP de Rillieux, mémoire de maîtrise de géographie, faculté des lettres et sciences humaines de Lyon, 1969 ; Cortial Marie-Claude, La ZUP des Minguettes et ses habitants, mémoire de maîtrise de géographie, faculté des lettres et sciences humaines de Lyon, 1969 ; Veschambre Vincent, De la production à la réhabilitation des grands ensembles : les exemples de Firminy-Vert et de la Duchère, mémoire de maîtrise de géographie, université Lyon 2, 1987 ; Vialay Jean-Paul, Le projet urbain, Vaulx la Grande Île, mémoire de maîtrise de géographie-aménagement, université Lyon 3, 1990.
50 Les questions de chauffage et de bruit sont ainsi un peu évoquées dans Salehi Rasoul, L’évolution des grands ensembles de Bron-Parilly depuis leur réalisation, mémoire de maîtrise d’études urbaines, université Lyon 2, 1989, p. 53.
51 Les archives du ministère de la Reconstruction et de l’urbanisme puis du ministère de la Reconstruction, en particulier celles laissées par son bureau des « fondations spéciales », pourraient nous donner quelques éclairages à ce sujet.
52 Le Goullon Gwenaëlle, Les grands ensembles…, op. cit., p. 116-123 et p. 125-152.
53 L’ensemble de ces questionnements a été défriché dans Le Goullon Gwenaëlle, « La construction des grands ensembles en France : émergence de nouvelles vulnérabilités environnementales », Vertigo, vol. 16, no 3, décembre 2016, [https://doi.org/10.4000/vertigo.17984].
54 Certains aspects de ces études de cas ont été présentés dans Le Goullon Gwenaëlle, « Innovations et risques environnementaux liés au chauffage urbain dans les grands ensembles de Bron-Parilly et la Duchère (1957-1971) », in Emmanuel Bellanger, Thibault Tellier, Loïc Vadelorge, Danièle Voldman et Charlotte Vorms (dir.), Genres urbains. Autour d’Annie Fourcaut, Paris, Créaphis, 2019, p. 249-261.
55 ALH, Procès-verbal du Conseil d’administration de l’Office départemental d’HLM du Rhône, 13 octobre 1970.
56 Ibid.
57 Ibd.
58 Archives municipales de Lyon (désormais AML), 1C/702991, brochure de la SERL 1963, p. 1.
59 Le Docteur Fargetton a ouvert son cabinet en septembre 1965 à la Duchère, avant même la création de la clinique de la Sauvegarde dans le quartier. Il était donc sollicité par tous et dans toutes les situations. Schwartz Annie, La Duchère, mémoires d’un grand ensemble. 40 ans, Lyon, éditeur « A.U.D.D.A.C.E », 2003, p. 120.
60 ALH, Procès-verbal du Conseil d’administration de l’Office du 20 janvier 1970.
61 Yves Crozet, Les Minguettes ou les infortunes de la tutelle, thèse de sciences économiques, université Lyon 2, 1987.
62 Les habitants de 1500 appartements du grand ensemble ont vécu pendant plusieurs semaines de l’hiver 1962-1963 à des températures comprises entre 7o et 15 oC, avant qu’une conduite de chauffage n’explose. Voir L’Écho régional du 3 janvier 1963, p. 3.
63 Organisme public consultatif créé en 1902 et placé auprès du ministère de la Santé. La section « milieux de vie » étudiait notamment les questions liées à l’habitat. Archives nationales, ministère de la Construction, 19890276/82 et 83 ; Conseil supérieur d’hygiène publique de France, 890276/132.
64 AML, 1140WP123, Procès-verbal de la réunion du comité consultatif scientifique de la lutte contre la pollution de l’air, 10 juin 1961
65 ALMH, Procès-verbal du Conseil d’administration de l’Office du 23 octobre 1970. Néanmoins l’abandon du charbon tient aussi à la fermeture des mines françaises (celles de la Loire devaient fermer en 1973).
66 AML, 2108W51, CITEPA (Centre interprofessionnel technique des études de la pollution atmosphérique), « Étude sur les problèmes de pollution atmosphérique des chaufferies collectives », juillet 1973. Cette étude comprend notamment quelques éléments sur la Duchère.
67 AML, 2108W50, Enquêtes du bureau d’hygiène de la ville de Lyon sur la pollution intérieure des locaux d’habitation, quartiers de la Duchère, 1981-1982.
68 L’expérience ici présentée doit aussi beaucoup aux discussions menées avec des collègues enseignants-chercheurs en aménagement-urbanisme, géographie, économie, écotoxicologie, microbiologie, etc., au sein du Labex Intelligence des Mondes urbains, et particulièrement de son projet PLURISQ, [https://imu.universite-lyon.fr/projet/plurisq-risques-et-pluridisciplinarite-construction-dune-demarche-dapprehension-globale-des-dangers-potentiels-dans-le-n-e-de-lagglomeration-lyonnaise/], consulté le 5 février 2020.
69 Daumalin Xavier et Laffont-Schwob Isabelle (dir.), Les Calanques industrielles de Marseille et leurs pollutions. Une histoire au présent, Aix-en-Provence, Ref2c éditions, 2016. Voir aussi l’intéressante démarche du site [https://fos200ans.fr], consulté le 9 novembre 2020.
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