Chapitre VIII. Couleur et changements de souveraineté
Les îles du Vent
p. 207-242
Texte intégral
1Au cours du xviiie siècle, le bassin caraïbe ne cesse d’être un espace de belligérance. Il fait la jonction entre des territoires impériaux qui sont, ici plus qu’ailleurs, discontinus, éparpillés et précaires. Parmi les « îles du Vent », qui correspondent aujourd’hui à l’arc des petites Antilles, certaines connaissent entre 1763 et 1803 des changements répétés de souveraineté impériale, toujours suivis de lourdes recompositions sociales et démographiques. C’est le cas de la Dominique, de Sainte-Lucie et de la Grenade (carte 16).
Carte 16. – Les îles du Vent de l’Amérique ou Petites Antilles.

Source : Baptiste Bonnefoy.
2Depuis le tournant des années 1990, une nouvelle histoire politique influencée par les historiens du droit, puis l’histoire comparée des empires et les nouvelles histoires atlantiques ont incité de nombreux historiens à s’intéresser aux espaces périphériques ou frontaliers des empires modernes, à leurs mondes mêlés, et à ces communautés politiques qui apparaissent et disparaissent au sein des empires au gré de leurs recompositions progressives. Ces études ont montré les limites des concepts de centre et de périphérie appliqués à l’histoire impériale et insisté sur la complexité et la pluralité des structures normatives et juridictionnelles impériales, sur la valeur légale des normes sociales locales, et sur la variation des degrés de souveraineté au sein même des empires, redonnant toute leur importance – dans la fabrique quotidienne des empires – aux contextes et aux acteurs locaux, ainsi qu’aux circulations transimpériales, autant de mains tendues vers l’histoire sociale1. Nous aimerions montrer que cette pluralité des contextes et ces variations locales ne concernent pas seulement les structures impériales, mais aussi les langages d’appartenance des acteurs, les mécanismes de la domination et les systèmes de classification sociales.
3Les milices américaines prirent naissance avec les colonies. Et les libres de couleur en âge de porter les armes furent toujours réputés miliciens. Dans les trois îles étudiées, ils avaient servi dans les mêmes compagnies que les Blancs jusqu’à la guerre de Sept Ans, mais depuis les années 1760, ils servaient, comme dans toutes les colonies françaises, dans des compagnies séparées commandées par des officiers blancs.
4En contexte de souveraineté inconstante (graphique 10), les milices constituent un terrain exceptionnel, par leur continuité institutionnelle mais surtout parce qu’en leur sein se déployaient une multitude de discours contradictoires sur les appartenances et les mécanismes de distinction sociale. Au même titre que l’église paroissiale, le port ou le marché, la milice agissait comme un trait d’union et un creuset social dans des sociétés esclavagistes trop longtemps décrites comme fragmentées par le système de la plantation2. La milice était en effet l’un des principaux marqueurs d’urbanité de ces sociétés. Les villes-ports de ces îles, qui paraissent ne pas en être eu égard à leur démographie, sont en effet définies comme les principaux lieux de rencontre à l’échelle d’une juridiction. Là se réunissaient artisans, décideurs politiques, communauté paroissiale, marchés et milices. Principal moyen de défense de ces îles, ces dernières constituaient aussi une institution politique et un lieu de sociabilité. Dès lors, leur étude permet de saisir la diversité et la spécificité des espaces urbains antillais à l’époque moderne, et surtout d’examiner l’impact des changements de souveraineté sur les processus d’exclusion et les discours d’appartenance des différents acteurs sociaux, notamment de ceux désignés dans les sources comme free negroes and mulattoes et/ou gens de couleur libres.
Graphique 10. – Chronologie des changements de souveraineté à Sainte-Lucie, à la Grenade et à la Dominique (1753-1803).

Source : Baptiste Bonnefoy.
Les îles du Vent au cœur des luttes impériales
5Le 17 septembre 1778, soit dix jours après la conquête de la Dominique par les Français, le marquis de Bouillé y publia une ordonnance qui rétablissait les milices3. En raison d’une clause négociée par l’ancien gouverneur britannique lors de la capitulation de l’île, il fut décidé de ne pas assujettir à la milice les sujets de la couronne britannique. Le marquis de Bouillé autorisa également l’exemption des Blancs nés français qui le demandaient. Dès lors, seuls les libres de couleur furent contraints de servir4. Malgré ces conditions, le marquis Duchilleau – auquel le marquis de Bouillé avait confié le commandement particulier de l’île – parvint dès le mois de novembre 1778 à mettre sur pied 19 des 23 compagnies de miliciens prévues par la nouvelle ordonnance : « Vous verrez que leur nombre est peu considérable pour le moment, mais il suffit cependant pour contenir les autres habitans et particulièrement les anglois que j’ai fait désarmer5. » Dans ce contexte, les libres de couleur constituaient plus de la moitié des miliciens de la Dominique, alors qu’ils ne représentaient à cette époque qu’un quart des habitants libres de l’île6. Les clauses de la capitulation leur conféraient en effet un rôle singulier dans les milices et une préférence de la part du marquis Duchilleau. Ce dernier prit d’ailleurs la liberté de nommer un mulâtre libre, Jean Baptiste Bermingham, comme adjudant des neuf compagnies de gens de couleur de l’île7. Pourtant, depuis la guerre de Sept Ans, les gens de couleur étaient exclus des commissions d’officiers dans toutes les milices coloniales françaises.
Jean Baptiste Bermingham et Louis la Grenade
6Le nom de Jean Baptiste Bermingham apparaît dans toutes les listes d’état-major jusqu’à la fin de l’occupation française en 17838. Quelques décennies plus tôt, une telle nomination n’aurait guère surpris les historiens des Amériques. Pourtant, après la guerre de Sept Ans, elle est bien exceptionnelle et n’a pas d’équivalent dans l’Empire français. Elle est d’ailleurs tout à fait contraire à la politique impériale énoncée dans les instructions du roi aux administrateurs des îles nouvellement conquises :
« On ne connoit guère d’autres distinction que celle de la couleur et tous les états sont d’ailleurs confondus, ce qui s’accorde parfaitement avec l’esprit de commerce et de cultivation qu’il est essentiel de maintenir dans ces établissements et qui n’existe qu’avec l’égalité […] Les gens de couleur sont libres ou esclaves. Quelque distance qu’ils soient de leur origine, ils conservent toujours la tache de l’esclavage et sont déclarés incapables de toutes fonctions publiques. Les Gentilhommes même qui descendent, a quelque degré que ce soit, d’une femme de couleur, ou qui ont contracté quelque alliance avec cette classe d’hommes, sont soumis à cette loi dure à la vérité mais sage et nécessaire dans un pays où il y a quinze esclaves contre un blanc9. »
7Dès le début du xviiie siècle, et malgré la proclamation d’égalité du Code noir de 1685, des mesures locales tendaient à distinguer les gens de couleur : capitation spécifique, interdiction du port d’armes, d’épouser des blancs ou d’accéder aux offices publiques (y compris dans les milices). Ces mesures étaient toutefois peu appliquées dans la pratique et de nombreuses exceptions étaient tolérées, hormis en Louisiane et à la Martinique à partir des années 1720. En ce sens, la guerre de Sept Ans a marqué une véritable rupture. Après 1763, les administrateurs coloniaux ont cherché à durcir et systématiser à l’échelle de l’empire la barrière fondée sur le « préjugé de couleur ». Dans les milices, les gens de couleur se sont ainsi vu retirer toutes leurs commissions d’officier. Parmi les Blancs ayant épousé des femmes de couleur, nombreux ont également été privés de leurs charges publiques. Pour certains historiens, ce tournant marque une racialisation des sociétés coloniales qui choisissent d’exclure définitivement les gens de couleur du groupe des élites10. Pourtant, ce durcissement de la législation allait de pair avec une complexification des taxinomies sociales fondées sur la couleur et la « distance » à l’esclavage. Ces éléments semblent ainsi révéler des débats intenses sur les hiérarchies sociales, suscités par des sociétés extrêmement labiles. Il existait en effet dans ces sociétés coloniales une contradiction structurelle entre d’une part un besoin de hiérarchie sociale (factrice d’incorporation dans les sociétés d’ancien régime) et d’autre part un manque de principes hiérarchiques unanimes. Car l’égalité supposée des Blancs, le métissage, les affranchissements et la mobilité sociale des libres de couleur ne cessaient de brouiller les liens entre la couleur, la condition (servile ou non) et le statut socio-économique des individus11.
8Un cas similaire à celui de Jean Baptiste Bermingham eut lieu dans l’île de la Grenade devenue britannique à l’issue de la guerre de Sept Ans. Le mulâtre Louis la Grenade (~1733-1808) faisait partie de ces quelques Français de l’île qui se convertirent très vite au protestantisme. Petit armateur, il s’était enrichi grâce au commerce inter-îles et au commerce à la côte d’Espagne (Terre-Ferme espagnole)12. Dans les années 1780, il acheta plusieurs plantations de café et de coton dans les paroisses Saint-George et Saint-Patrick et acquit une fortune considérable13. Célébré pour ses exploits contre les Noirs Marrons de l’île à la tête de détachements de mulâtres, il obtint entre-temps une commission de capitaine de milice qui lui permit de commander la compagnie de couleur du Régiment de Saint-Georges14. Mis à part le capitaine Sambo, Noir libre qui commanda à la Jamaïque une compagnie de Noirs libres lors de la première guerre des Marrons (1730-1738)15, le cas de Louis la Grenade est exceptionnel aux West Indies, où toutes les compagnies de milice – même celles exclusivement composés de libres de couleur – étaient commandées par des officiers blancs16.
9Les sujets naturels des colonies britanniques réclamaient une meilleure représentation au Parlement de Londres. Toutefois, ils avaient localement la possibilité d’être juré, électeur et élu. Il existait ainsi dans chaque colonie une Assemblée coloniale (Assembly) dont les membres élus proposaient et votaient des lois locales, auxquelles le gouverneur pouvait, en son Conseil (Council), opposer un véto. Or c’est précisément parce qu’il existait dans les colonies britanniques des droits politiques plus étendus que dans les colonies françaises, que les restrictions contre les juifs, les catholiques et les libres de couleur y furent appliquées plus tôt et plus efficacement, dès 1710 à la Jamaïque et 1721 à la Barbade17. Seuls les mulâtres libres d’Antigua pouvaient voter lors des élections18.
10La mise en place de ces restrictions fut toutefois accompagnée d’une définition juridique originale de ce que signifiait être de couleur et être blanc. Par exemple, les lois de la Jamaïque reconnaissaient comme blanc l’enfant né d’une mestee et d’un Blanc19. Avant cette cinquième génération de métissage qui blanchissait définitivement l’individu, les libres de couleur étaient assimilés à des sujets adoptés ou adoptifs (adopted subject), statut intermédiaire entre celui de l’étranger (alien) et celui du sujet naturel (natural born ou naturalized). Ce statut ne conférait ni les droits civiques, ni les droits politiques dont jouissaient les sujets naturels20. Toutefois, de la même manière qu’elle pouvait affranchir des esclaves pour services à la communauté, les assemblées coloniales britanniques avaient le pouvoir de « fridénizer » des libres de couleur en reconnaissance de leur position sociale ou en récompense de services rendus. Cette procédure de denization donnait jusqu’à un certain point les mêmes droits et privilèges qu’un sujet naturel britannique. Elle était apparue au xive siècle en Angleterre pour reconnaître comme sujets du roi (denizens) les enfants nés à l’étranger de sujets anglais, puis réaffirmée en 1578 lorsque Elizabeth I autorisa Humfrey Gilbert à créer des colonies en Amérique21. Alors que la naturalisation pouvait seulement être accordée par décision du Parlement, la dénization était une prérogative royale et une procédure simplifiée qui permettait notamment au xviie siècle de faciliter l’accueil des huguenots en Angleterre22. Elle fut utilisée très tôt aux Antilles britanniques, d’abord pour des juifs (à partir de 1661 à la Barbade et 1664 à la Jamaïque), puis pour des protestants français ou hollandais (1665 à Antigua, 1671 à la Barbade) et enfin pour des libres de couleur23. À la Jamaïque, elle fut accordée en 1707 à deux Noirs libres, riches marchands et propriétaires, Manuel Bartholomew et John Williams, puis en 1711 à l’épouse et aux enfants de John Williams, dont le célèbre poète Francis Williams24. Agissant comme des dispenses de qualité, cette pratique fut imitée de manière ponctuelle à partir de 1743 dans l’ensemble de l’Empire espagnol, puis normalisée à partir de 1795 avec les licences dites de gracias al sacar. À la Jamaïque, la procédure de denization devint courante pour les libres de couleur à partir de 1738 sous le nom de Act to entitle someone to the same rights and privileges with English subjects born of white parents. Elle était octroyée principalement à des femmes, des concubines et des enfants de riches habitants blancs. Quand elle concernait des hommes, elle sanctionnait presque toujours une position sociale et économique privilégiée et reconnue par tous dans la colonie. On compte 59 cas de libres de couleur fridénizés entre 1738 et 1764, puis 489 entre 1766 et 1795 (il s’agissait essentiellement de mulâtres, quadroons et mestees)25.
11Cette nette augmentation après la guerre de Sept Ans est d’autant plus surprenante que les années 1760 furent décrites, de même que dans les Empires français et espagnols, comme le moment d’un durcissement des discours vis-à-vis des libres de couleur dans les colonies britanniques26. En réalité, comme dans le cas français, un tel durcissement des discours révèle un moment d’intense brouillage des hiérarchies sociales coloniales fondées sur la condition servile, la couleur et la richesse. Ces discours expliquent néanmoins qu’après la guerre de Sept Ans, les actes législatifs qui établissaient et régulaient les milices coloniales encouragèrent dès que possible la création de compagnies séparées de libres de couleur, alors que ces derniers avaient presque toujours servi dans les mêmes compagnies que les Blancs. Ce fut le cas à la Grenade en 1767 et à la Dominique en 177127. En 1778, on trouvait parmi les compagnies de couleur du régiment de Kingston (Jamaïque) des compagnies de Noirs, de mulâtres, de quarterons et même de juifs28. Toutes étaient commandées par des Blancs.
Les libres de couleur au cœur des politiques de peuplement
12Comment expliquer ces deux cas exceptionnels des mulâtres Jean Baptiste Bermingham à la Dominique et Louis la Grenade à la Grenade ? Pourquoi les trouve-t-on précisément dans ces îles ? L’une des explications possibles est liée au contexte spécifique du peuplement de certaines îles du Vent. Au début du xviiie siècle, et bien qu’elles fussent visitées régulièrement par Français et Anglais des îles voisines pour y faire du bois ou pêcher, les îles de la Dominique, Sainte-Lucie et Saint-Vincent étaient dites contentieuses ou neutres. Les historiens ont toutefois observé des migrations très importantes de libres de couleur vers ces îles depuis la Martinique à partir des années 172029. Des familles entières s’y installèrent, fuyant d’abord une politique fiscale de plus en plus agressive vis-à-vis des libres de couleur puis le ralentissement économique martiniquais dû à la guerre de Succession d’Autriche : « [La fiscalité et les corvées] en ont fait passer beaucoup depuis la guerre à la Dominique et à Saint-Vincent. Là ils sont en liberté comme soustraits de toute autorité30. »
13Les recensements de la Martinique témoignent de ces départs de libres de couleur alors que les Anglais voyaient avec inquiétude « l’arrivée massive et surprenante de Français à Saint-Vincent31 ». On repère aussi ces migrations dans les registres paroissiaux de la Martinique, puisqu’en l’absence de religieux dans les îles « neutres », leurs nouveaux habitants de couleur devaient revenir à la Martinique pour les sacrements. C’est ainsi qu’entre 1721 et 1734, les registres des gens libres de la paroisse de Sainte-Luce, au sud de la Martinique, contiennent 14 actes de baptême et deux actes de mariage concernant des habitants de Sainte-Lucie. Presque tous sont des mulâtres ou des Noirs libres originaires de cette paroisse32. Pour la première fois dans ces îles, les terres furent mises en culture – du maïs, du manioc, mais aussi du coton à la Dominique33. En mai 1737, un mémoire sur l’île de Sainte-Lucie mentionne ainsi « environ quatre-vingts mulâtres et nègres libres qui y ont des plantations qu’ils font valoir34 ». Dès lors, Sainte-Lucie n’était plus réduite à ses ateliers de bois, et devint en quelque sorte une extension de la Martinique destinée à la culture vivrière : « cette isle est d’une conséquence infinie pour la Martinique, à qui elle fournit quantité de magnoc, de chasse, de pesche et d’autres rafraichissemens35 ».
14Mais ces migrations étaient surtout liées à une volonté impériale d’attirer des libres de couleur dans des îles réputées difficiles à peupler. Car si la possession de ces îles faisait l’objet d’une lutte stratégique entre Empire français et Empire britannique, les colons étaient en réalité découragés par le risque permanent d’une évacuation prochaine, la réputation d’un air malsain et le manque d’encadrement religieux36. À partir des années 1720, les administrateurs français et anglais y encouragèrent l’établissement de libres de couleur afin de légitimer leur conquête, avançant ainsi l’idée d’une terre déjà occupée et exploitée, selon le principe de la « terre vacante37 ». Lorsqu’en 1722 le roi George I accorda Saint-Vincent et Sainte-Lucie au duc de Montagu, l’une des premières mesures fut d’ordonner qu’afin de peupler et renforcer rapidement ces îles : « Tous les indiens, Noirs et mulâtres libres qui s’y transporteront, s’y enregistreront et s’y enrôleront dans les trois mois, seront considérés comme fridénizés, ainsi que leurs enfants et descendants, pourront avoir et disposer de terres, immeubles, biens et esclaves […] comme le feraient des sujets naturels de Grande Bretagne38. » Les Britanniques furent rapidement chassés par les Français qui tentèrent à leur tour d’inciter – avec plus de succès – des libres de couleur martiniquais à s’installer dans ces îles (carte 17). C’est afin de démontrer le peuplement et l’exploitation agricole de Sainte-Lucie par les Français que le marquis de Champigny, gouverneur des îles du Vent, envoya en 1731 l’ingénieur Houel visiter l’île. Ce dernier y releva plusieurs cartes où il indiqua les terres défrichées et cultivées par des Français en maïs et manioc, puis dressa un premier recensement de l’île faisant état de 334 Français avec leurs 468 esclaves, 10 Anglais et 12 caraïbes39. Tout au long de ce tour de l’île en pirogue, il fut guidé par un habitant français de l’île, nommé Alexandre Nouet et qualifié de mulâtre dans les recensements. À cette date et jusqu’en 1760, Alexandre Nouet apparaît comme le plus grand propriétaire d’esclaves de Sainte-Lucie : il possède sur toute la période près de 5 % du total des esclaves de l’île40. Les sources laissent ainsi penser que la liberté singulière dont jouissaient les habitants de ces îles était moins le résultat d’une marginalité ou d’un désintérêt des administrateurs coloniaux que d’une politique de migrations dirigées.
15Mais même dans un tel contexte, Alexandre Nouet n’obtint jamais de commission d’officier dans les milices, comme Bermingham et La Grenade. Par ailleurs, le schéma présenté pour la Dominique, Sainte-Lucie et Saint-Vincent, ne fonctionne pas pour l’île de la Grenade, colonisée plus tôt et peuplée plus facilement. Dès lors, le contexte spécifique des îles du Vent après 1763, avec des changements répétés de souveraineté impériale et de lourdes recompositions sociales et démographiques, peut fournir un second élément d’explication41.
16Le traité de Paris de 1763 prévoyait la restitution de Sainte-Lucie à la France et la cession définitive de la Grenade, la Dominique, Saint-Vincent et Tobago à la couronne britannique. Les colons français de ces îles durent choisir entre partir ou changer de sujétion, sans pouvoir mesurer avec précision les conséquences matérielles et sociales d’une telle décision. Bien des familles quittèrent ainsi la Grenade et Saint-Vincent pour Sainte-Lucie, secrètement encouragées par les administrateurs français, mais aussi poussées par l’incertitude et les rumeurs autour du statut qu’on leur réservait dans les îles conquises ou par leur refus de prononcer les serments d’allégeance et de suprématie à la couronne britannique (carte 17)42.
Carte 17. – Migrations inter-îles dans les Petites Antilles (1730-1763).

Source : Baptiste Bonnefoy.
17Les traités pouvant toujours être défaits par les guerres, c’est bien la démographie qui garantissait la domination coloniale43. C’est pourquoi les gouverneurs français des îles du Vent souhaitaient depuis longtemps concentrer à Sainte-Lucie les Français éparpillés dans les îles neutres. L’idée était de porter dès le commencement cette colonie au point de pouvoir se défendre par elle-même44. En effet, « c’est principalement sur les milices qu’est fondée la défense des îles45 ». Alors que cette émigration fit avancer Sainte-Lucie de dix ans46, les Anglais craignaient au contraire une dépopulation rapide des îles nouvellement conquises et tentèrent d’arrêter l’hémorragie en restituant aux Français les biens confisqués pendant la conquête47.
Graphique 11. – Population de l’île de Sainte-Lucie (1730-1803).

Source : ANOM 5DPPC60 ; COL C10C5. Archives AP-HP, 101 FOSS, carton 24, dossier 28. TNA CO 318/5 ; CO 253/2.
18À Sainte-Lucie, les impacts démographiques, économiques et sociaux de ces migrations furent considérables, surtout en ce qui concerne les libres de couleur. Le graphique 11 rend compte du doublement de la population de l’île en cinq ans, passant de 6 336 habitants en 1764 à 12 794 habitants en 1769. Avant 1763, les libres de couleur de Sainte-Lucie étaient surtout concentrés à la côte-du-vent (côte orientale de l’île, dite capesterre), notamment dans le quartier des Trois-Îlets, comme en témoignent les revues de milice effectuées en 1745 et représentées sur la carte 18. Vingt ans plus tard, on observe sur la carte 19 des concentrations supplémentaires à la basse-terre (côte occidentale de l’île), dans les quartiers de l’Anse-la-Raie et l’Anse-Choiseul, deux quartiers créés en 1765 à la suite de l’arrivée massive d’émigrés de Saint-Vincent et de la Grenade48.
Carte 18. – Sainte-Lucie en 1745.

Source : Baptiste Bonnefoy, à partir de ANOM COL F357, Revue des milices de Sainte-Lucie, 10 octobre 1745, f. 26. ANOM COL D2C74, Revue des milices de Sainte-Lucie, 1765, fnn.
Carte 19. – Sainte-Lucie en 1765.

Source : ibid.
19L’impact des changements de souveraineté ne fut pas moindre à la Grenade et à la Dominique. Avec la reconquête par les Français en 1778-1779 puis la remise aux Britanniques en 1783, les équilibres démographiques furent très instables au cours de la seconde moitié du xviiie siècle. Alors qu’une grande majorité de Français peuplait la Dominique en 1763, ils ne constituaient plus qu’un tiers des libres après l’arrivée de très nombreux colons britanniques entre 1770 et 177349. Puis le rapport s’inversa à nouveau pendant l’occupation française, les Français représentant en 1786 environ les deux tiers des libres50. Cette proportion baissa légèrement puis augmenta à nouveau à partir de 1794 avec l’arrivée de nombreux émigrés de Guadeloupe et Marie-Galante, reconquises sur les Britanniques par Victor Hughes51. La Grenade présente des fluctuations similaires, comme en témoignait le gouverneur français de l’île en 1779 : « Je n’ai pu parvenir encore à avoir exactement l’État des Blancs de cette Île ; il est vrai que le tableau est très mouvant dans cet instant. Il part beaucoup d’Anglais pour Saint Eustache et il nous revient beaucoup de Français de la Trinité espagnole et de nos îles52. »
20Lorsque la Grenade redevint britannique en 1783, le capitaine des mulâtres Louis la Grenade, qui craignait peut-être un retour de bâton après les mauvais traitements que les Français de l’île, dans l’ivresse de la reconquête, avaient fait subir aux Anglais, hésita entre rester ou rejoindre Sainte-Lucie. Il décida de jouer secrètement sur les deux tableaux pour choisir celui qui paierait le plus. En tant que protestant et sujet loyal de la couronne britannique, il fit en 1784 une demande de naturalisation ou fridénization auprès des autorités britanniques de la Grenade. La même année, mais en tant que Français, il réalisa trois voyages à Sainte-Lucie à bord de la Nelly, goélette acquise en janvier 1784 pour le commerce inter-îles. Les registres d’entrée du port de Saint-George évoquent officiellement des voyages commerciaux : il s’agissait de s’approvisionner en rhum, en bois de chauffage et en matériaux de construction (tuiles, chaux)53. Mais une lettre issue de la correspondance politique française montre qu’il s’agissait en réalité de rencontrer le gouverneur de Sainte-Lucie et de visiter les habitations à vendre ou en concession :
« Le sieur Louis Lagrenade, habitant françois de l’isle Grenade voulant venir s’établir à Sainte-Lucie m’avoit prié de lui permettre d’acheter une des habitations abandonnées ou de lui en accorder la concession : j’y consentis volontiers pourvu qu’il emmenat des nègres en proportion de la terre qu’il voudroit avoir. Le sieur Louis Lagrenade a fait en conséquence trois voyages ici dans cet objet-là, et a été voir plusieurs habitations afin de s’en accomoder avec les propriétaires, ou d’obtenir une concession s’il ne pouvoit en avoir autrement […] Il a frété une goélette et s’est rendu droit au port du Carénage avec ses nègres et quelques barils de mahïs. Monsieur de Saint-Pierre, lieutenant de vaisseaux qui commande le Gerfaut, a arresté ce batiment et le sieur Louis Lagrenade effrayé comme de raison et craignant à ce qu’il m’a dit de me désobliger n’a pas osé déclarer les faits tels qu’ils sont. J’en ai fait moi-même le détail à Monsieur de Saint-Pierre pour l’engager à relacher tout de suite ce batiment […]54. »
21Son voyage à la Dominique en mai 1784 avait probablement le même objectif55. Le 9 août 1785, il fut naturalisé britannique et mit un terme à ses projets luciens, par ailleurs mal engagés56. Comme Louis la Grenade, la plupart des propriétaires possédaient de petites embarcations destinées au commerce inter-îles, ce qui leur permettait d’étendre leur espace des possibles aux îles voisines57. La proximité des îles et les va-et-vient de leurs habitants rendent ces populations difficiles à saisir. En outre les individus prenaient rarement la décision définitive de quitter une île ou de rester lors d’un changement de souveraineté. Face à l’incertitude, ils tâtaient d’abord le terrain, s’informaient voire réalisaient quelques voyages pour voir ce qui se passait de l’autre côté. Où sera-t-on le mieux accueilli ? Où prospérera-t-on le mieux ? Puis si on décidait de partir, on le faisait souvent furtivement, emportant parfois plus de biens qu’on en avait. Parmi les familles qui quittèrent Saint-Vincent pour Sainte-Lucie en 1763, une vingtaine repassèrent assez vite à Saint-Vincent lorsqu’ils apprirent que le gouverneur britannique avait promis de mieux les accueillir et de les remettre en possession de leurs habitations58. Une rumeur selon laquelle Sainte-Lucie serait réunie à la Martinique les y encouragea également, surtout ceux qui craignaient d’être considérés comme des libres de couleur59.
22Le concept de transmigrants peut servir pour évoquer cette situation particulière. Proposé par des sociologues et des anthropologues, il a ensuite été adapté à l’histoire moderne des espaces transfrontaliers60. Il évoque ces migrants structurels dont l’espace des possibles est défini par un faisceau de connexions qui s’affranchissent des frontières impériales dans une économie régionale intégrée. Les migrations économiques, et les politiques qui visaient à les promouvoir, les canaliser ou les empêcher, n’étaient pas spécifiques des Antilles. À la même époque en Europe, les différents États cherchaient à attirer les ouvriers qualifiés étrangers et à empêcher le départ de leurs ouvriers, autant de politiques facilitées par la porosité des frontières et l’action des transmigrants61. Pourtant, dans l’espace antillais, les transmigrants furent d’autant plus nombreux que les frontières impériales étaient incertaines et mouvantes, sans cesse remises en cause par les guerres et par leurs propres migrations.
23Dès lors, en dehors du cas spécifique de la Grenade qui sera analysé plus loin, on observe une véritable lutte entre les gouverneurs français et anglais des différentes îles pour attirer un maximum d’habitants en mesure d’acquérir des concessions et d’exploiter les terres, quelles que fussent leur origine ou leur couleur. La Trinité espagnole entra dans le jeu en 1783 en publiant un règlement inspiré par le grenadin français Philippe Roume de Saint-Laurent et qui prévoyait d’allouer gratuitement des terres aux familles catholiques – dont les libres de couleur – qui s’y installeraient, de les exempter de la plupart des impôts, de les naturaliser après cinq ans passés dans l’île, de leur laisser le choix de servir ou non dans les milices, de leur autoriser l’accès à tout emploi public ou commission d’officier de milice, de leur permettre de retourner dans leur patrie quand ils le souhaiteraient et de transmettre leurs biens à leurs héritiers62. Ce règlement ayant circulé dans toutes les îles du Vent, on comprend pourquoi de nombreux Français quittèrent les îles françaises et britanniques pour la Trinité63. En 1785, le gouverneur de Saint-Lucie se plaignit ainsi : « Les Espagnols présentent sans cesse des avantages trop grands à ceux des colons qui viendraient s’établir à l’isle de la Trinité […] Un des habitants de Sainte-Lucie nommé Thomazo y a emmené furtivement ses nègres au nombre d’une trentaine64. »
Changements de souveraineté et recompositions sociales
Des Anses-d’Arlet à l’Anse-la-Raie
24Nous avons reconstitué le parcellaire de l’ensemble de l’île de Sainte-Lucie en 1771, en distinguant les propriétaires fonciers désignés dans les sources comme Blancs ou comme libres de couleur65. La carte 20 représente la répartition des propriétaires de couleur à Sainte-Lucie. On y observe des logiques évidentes de concentration. Puis l’analyse exhaustive des registres paroissiaux de l’île a permis d’identifier parmi les propriétaires ceux qui venaient d’arriver, après 1763, des îles conquises par les Britanniques (carte 21). On observe là encore des logiques fortes de concentration. En comparant les deux cartes, on s’aperçoit qu’une part importante des planteurs venus de la Grenade et Saint-Vincent sont des libres de couleur. C’est pourquoi la concentration de libres de couleur au Marigot des Roseaux, à la frontière entre les quartiers de l’Anse-la-Raie et du Carénage (carte 22), semble moins relever d’une dynamique de ségrégation spatiale fondée sur la couleur que de la reconstitution de réseaux de parentèles anciens.
Carte 20. – Parcellaire de Sainte-Lucie en 1771 selon la couleur des propriétaires.

Source : Baptiste Bonnefoy.
Carte 21. – Parcellaire de Sainte-Lucie en 1771 selon l’origine des propriétaires.

Source : Baptiste Bonnefoy.
Carte 22. – Détail des alentours de l’Anse-la-Raie sur les deux cartes précédentes.

Source : Baptiste Bonnefoy.
25Les archives paroissiales et notariées de ces deux quartiers, associées aux registres paroissiaux de la Martinique, montrent qu’il existait bien une communauté intégrée dont les familles – qui retrouvèrent à Sainte-Lucie après avoir vécu à la Martinique, à Saint-Vincent ou à la Grenade – étaient toutes originaires des paroisses de la côte méridionale de la Martinique (le Diamant, les Anses-d’Arlet, Sainte-Luce et Rivière Pilote). Qu’ils fussent considérés comme blancs ou libres de couleur, leurs membres demandèrent des concessions les uns à côté des autres et multiplièrent entre eux les transactions commerciales et les liens de parenté (y compris spirituelle).
26Exceptés le service obligatoire dans des compagnies de milice séparées66 et la question des commissions d’officiers, rien ne semblait distinguer socialement ou économiquement les Blancs de ceux qui étaient désignés par l’administration comme des libres de couleur. À l’Anse-la-Raie, les propriétaires de couleur possédaient en moyenne 39 carrés de terres en 1771 contre 42 pour les Blancs. Ce qui n’est pas le cas dans les quartiers de l’Est de l’île. Au Praslin par exemple (anciennement Trois-Îlets), où s’étaient concentrés la plupart des libres de couleur arrivés dans l’île dans les années 1720 et 1730, ces derniers ne possédaient en moyenne que 18 carrés de terre en 1771 contre 144 pour les Blancs67. Par conséquent, ceux que les sources administratives appelaient les libres de couleur étaient loin de constituer un groupe social à l’échelle de l’île. Si on peut voir à la capesterre une forme de corrélation entre couleur et position socio-économique des libres, on ne peut pas en dire autant des nouveaux quartiers de la basse-terre. Des Anses-d’Arlet à l’Anse-la-Raie, il semble que l’installation des migrants de Saint-Vincent et de la Grenade ait suivi des logiques qui ne tenaient pas compte de la couleur des individus.
27Pour nous en assurer, nous avons décidé d’étudier de manière exhaustive les actes de mariages de l’Anse-la-Raie, disponibles de 1765 à 1786. Il s’agit de registres où sont inscrits les actes des Blancs et des gens libres de couleur. Les actes n’indiquent pas fréquemment l’origine ou la couleur des époux. Le fait de ne pas indiquer la couleur, en dépit des consignes données aux prêtres, peut laisser penser qu’elle importait peu, ou au contraire qu’elle était le résultat d’une négociation locale, où il était décidé de la cacher pour en éviter de possibles conséquences juridiques. Dans certains actes de baptêmes de Sainte-Lucie, on dit même parfois de certains enfants légitimes qu’ils sont « presque blancs », avec toute l’ambiguïté qui peut en résulter. En outre, lorsqu’en 1788 fut créé dans le quartier une association pour le commerce direct avec la métropole, tous les grands propriétaires y furent associées sans distinction de couleur. C’est pourquoi nous avons décidé de croiser ces actes de mariage avec d’autres sources qui classent plus systématiquement les individus (recensements, registres parcellaires, etc.) afin d’obtenir le tableau suivant :
Tableau 20. – Mariages de la paroisse de l’Anse-la-Raie (1765-1786).
Femmes | |||||
Qualité | Européennes | Blanches créoles | Libres de couleur | Esclaves | |
Hommes | Européens | 0 | 7 | 7 | 1 |
Blancs créoles | 0 | 12 | 7 | 0 | |
Libres de couleur | 0 | 2 | 16 | 2 | |
Esclaves | 0 | 0 | 0 | 0 |
Source : ANOM, registres paroissiaux de l’Anse-la-Raie.
28On observe ainsi que parmi les hommes blancs mariés à l’Anse-la-Raie entre 1765 et 1786, plus de la moitié des Européens et plus d’un tiers des Créoles se sont unis à des femmes de couleur. De même, près de la moitié des femmes de couleur ont épousé des Blancs. Le cas des Européens qui épousaient de riches filles de couleur ne surprend guère aux Antilles françaises, bien qu’il fût plus fréquent à Sainte-Lucie qu’à la Martinique. Par ailleurs, cette configuration n’était pas nouvelle à Sainte-Lucie. Nous avons vu que le premier peuplement de l’île dans les années 1720 et 1730 avait concerné essentiellement des libres de couleur de la Martinique (ainsi que leurs esclaves). À tel point que le premier recensement de 1730 montrait qu’il n’y avait dans l’île que deux filles blanches à marier contre 19 filles libres de couleur68. Ces dernières étaient parfois bien dotées grâce aux importantes concessions (quoique peu défrichées) données par la couronne aux premiers habitants de couleur de Sainte-Lucie afin de justifier la conquête de l’île par une occupation maximale du sol. Toutefois, le cas des mariages entre des Blancs créoles et des filles de couleur est plus étonnant, et contraste avec les pratiques matrimoniales martiniquaises69. De manière générale, le tableau des mariages de l’Anse-la-Raie témoigne d’une faible endogamie liée à la couleur.
29En effet, de nombreuses familles de couleur du quartier parvinrent à marier leurs filles à des Blancs non-propriétaires au moyen de dots généreuses, comme les familles Tiffagne ou Fournier, originaires des Anses-d’Arlet, et arrivés à Sainte-Lucie depuis Saint-Vincent en 1763. L’exemple des filles d’Alexandre Nouet nous paraît à ce titre emblématique. Alexandre Nouet était un mulâtre libre originaire des Anses-d’Arlet, marié à Marianne Caffart, une femme tenue pour blanche. Ils marièrent leurs quatre filles à des Blancs qui détenaient des offices (graphique 12) :
Charlotte a épousé le rochefortais Pierre Marquis.
Françoise a épousé le chirurgien béarnais Jean Pascal Guignon d’Endichon.
Marianne a épousé en 1765 le picard Louis Martin puis, en 1771, le chevalier créole Symphorien de Vezien, sieur de la Pallu.
Jeanne a épousé en 1768 le chirurgien-major normand Guillaume Ferrand.
Graphique 12. – Arbre généalogique de la famille Nouet.

Source : ANOM 1DPPC2858, Paroisse de l’Anse-la-Raye ; ADM, 2E2/1, Paroisse des Anses-d’Arlet ; Petitjean Roget Jacques et Bruneau-Latouche Eugène, Personnes et familles à la Martinique au xviie siècle : d’après recensements et terrier nominatifs, t. I : Documents, Fort-de-France/Montreuil, Désormeaux, 2000, p. 338.
30Malgré leur « alliance à la couleur », aucun d’eux ne fut jamais empêché d’exercer des charges publiques. Jean Pascal Guignon d’Endichon était ainsi capitaine de milice du quartier de l’Anse-la-Raie en 1784. En outre, les petits-enfants d’Alexandre Nouet connaissent, comme ceux de ses sœurs, un processus de blanchiment qui rappelle étrangement le contexte jamaïcain évoqué plus haut. Jean-François Lefort de Latour, petit-fils de Jeanne Nouet, une sœur d’Alexandre également née à l’Anse-la-Raie, en est un bon exemple. Selon une définition « martiniquaise » de la couleur, devenue très généalogique depuis les années 1730, Jean-François Lefort de Latour aurait été un quarteron, soit le fils d’un Blanc et d’une métive70. Pourtant, à l’Anse-la-Raie, ce petit-neveu d’Alexandre Nouet était parfaitement blanc, de la sorte qu’il obtint sans difficulté un brevet d’arpenteur royal de Sainte-Lucie en 177771.
31Nous avons écrit qu’Alexandre Nouet était le plus grand propriétaire d’esclaves de l’île, au moins jusque dans les années 1760 (141 esclaves en 1756). Il était aussi le plus grand propriétaire de terres du quartier de l’Anse-la-Raie, dont il avait été l’un des premiers habitants. En reconstituant le parcellaire de l’Anse-la-Raie dans les années 1750, Alexandre Nouet devait posséder au moins 420 carrés de terres (soit environ 520 hectares), ce qui était considérable à Sainte-Lucie. De leur côté la famille de sa sœur Jeanne, les Chantin, en possédait certainement plus de 200 carrés. Les deux familles sont décrites en 1745 par l’arpenteur Roussain comme les plus grands propriétaires du quartier72. Bien sûr, la plus grande partie de ces immenses concessions n’étaient pas mises en valeur, ni même défrichées. Mais elles permirent aux Chantin et aux Nouet de doter généreusement leurs filles et de les marier à des Blancs en quête de terres à exploiter à Sainte-Lucie. Par conséquent, Alexandre Nouet dota chacune de ses filles avec près de cent carrés de terres (soit près de 130 hectares). En 1771, Guignon, Vezien et Ferrand sont d’ailleurs cités parmi les plus grands propriétaires du quartier.
32Outre la générosité des dotes, on n’est guère surpris qu’Alexandre Nouet soit parvenu à marier ses quatre filles avec des Blancs lorsqu’on observe son arbre généalogique. Lui-même avait épousé une femme blanche aux Anses-d’Arlet, à l’instar de ses deux sœurs, Jeanne et Marie. Au xviie siècle et jusqu’au début du xviiie siècle, les registres paroissiaux de la Martinique témoigne en effet d’une assez faible endogamie liée à la couleur des individus. Mais c’est précisément au moment du départ de bon nombre de libres de couleur vers les îles neutres, dans les années 1720-1730, qu’on observe un durcissement croissant du préjugé de couleur qui mène, à partir du milieu des années 1750, à une forte endogamie73. Au moment où les filles de Nouet se marièrent, entre les années 1750 et 1770, ces mariages auraient sans aucun doute fait l’objet de scandales à la Martinique. À Sainte-Lucie, il n’en fut rien.
L’alliance à la couleur
33Tout semble indiquer qu’à Sainte-Lucie, jusqu’à la fin du xviiie siècle, ces « alliances avec la couleur » n’étaient pas des mésalliances. Au contraire, pour le baron de La Borie, gouverneur de Sainte-Lucie de 1784 à 1789, seuls ces mariages avaient pu limiter l’essor économique des libres de couleur. Ces derniers posséderaient presque toute l’île « si les blancs n’epousoient journellement des femmes tenant à la couleur. […] Il y a plus des trois quarts des habitants blancs qui ont dans leurs familles des femmes de couleur et leurs fortunes avec elles74 ». Une telle affirmation semble pourtant signifier qu’aux yeux du gouverneur, les enfants issus de ces alliances n’appartenaient plus à la couleur. Il ajoutait d’ailleurs « qu’il seroit juste d’ordonner que les enfants en légitime mariage d’une métive et d’un blanc fussent regardés comme blancs75 ». « Il résultera de ce nouvel ordre de choses que la classe d’hommes formée par les affranchissements disparoitra de nos colonies76. » La métive correspond à Sainte-Lucie à une quatrième génération de métissage, comme la mestee jamaïquaine. En effet, la proposition de La Borie, qui rappelle étrangement la manière dont les Antilles britanniques définissaient la couleur et ses frontières, montre une fois de plus la capacité des acteurs locaux à « fabriquer des Blancs » dans les territoires où il en manque.
34Tout comme les administrateurs, les juges de l’île semblaient peu enclins à débusquer les libres de couleur ou les mésalliés qui auraient obtenus des offices. On trouve d’ailleurs très peu de procès pour des questions de couleur à Sainte-Lucie, où tout le monde se connaissait et où on admettait volontiers qu’on puisse associer dignité et couleur. Aussi le juge royal de l’île condamna en 1787 la veuve Madelaine Vautier, mulâtresse du quartier du Vieux Fort, pour avoir désigné Antoine Delpeche comme « homme de couleur ». Les origines familiales de Delpeche, né à Saint-Vincent en 1731 mais résidant à Sainte-Lucie depuis 1763, n’étaient pourtant un secret pour personne : sa grand-mère maternelle, Marie Beauplume, était une mulâtresse du Diamant à la Martinique. Pourtant, à Sainte-Lucie, tout le monde considérait Antoine Delpeche comme blanc. Ce ne fut pourtant pas le cas du Conseil Supérieur de la Martinique auquel Madelaine Vautier fit appel et qui déclara : « cette affaire referme une question d’État dont la discussion est d’autant plus indispensable que les gens de sang-mêlé sont dans la colonie exclus de tous les emplois civils et des prérogatives dont jouissent les blancs77 ». Par conséquent, dans les sociétés coloniales, les pratiques de classement des individus étaient négociées localement et dépendaient de rapports de force propres à chaque contexte.
35À la Grenade, même pendant l’occupation française de 1779-1783, « l’alliance à la couleur » ne semblait pas non plus porter préjudice, surtout quand elle pouvait donner accès à un patrimoine considérable. Après 17 ans de gouvernement anglais, il semble que les Français de l’île s’étaient assez bien adaptés aux lois et aux mœurs des Antilles britanniques selon lesquelles une « alliance avec la couleur » n’était pas toujours une mésalliance et ne produisait pas d’incapacité personnelle dans l’accès aux emplois publics. En 1780, Balthazar Lescallier, doyen du Conseil supérieur de la Grenade, s’opposa à la réception du conseiller Pierre-François Laurent sous prétexte qu’il était « allié à la couleur ». Tous les autres membres du Conseil prirent la défense de l’esquire Laurent en ces termes :
« Nous sommes affligés des tracasseries qu’on fait a Monsieur le chevalier Laurent pour lequel vous savez que nous avons tous la plus grande estime. Depuis plus de trente ans qu’il est dans l’isle il a alternativement mérité celle des francois et des anglois. En 1766, l’isle étant alors sous la domination et les loix de la Grande Bretagne, il a épousé la demoiselle Geneviève Saint-Bernard, fille estimable et estimée des deux nations [britannique et française]. Depuis il a été fait chevalier, étoit juge de paix de son quartier, membre de la législation angloise et membre du Conseil législatif. Il étoit chez les anglois dans la plus grande considération quoiqu’il soutînt toujours avec la plus vive chaleur les intérêts des nouveaux sujets et de la religion romaine78. »
36Des débats similaires animaient la colonie de Saint-Domingue au même moment, autour de l’affaire Chapuset. L’enjeu était le même : l’accès local aux offices et aux honneurs pour un homme accusé d’être un « sang-mêlé ». Pourtant, là où Pierre Chapuset mobilisa tous ses moyens et son réseau pour convaincre de son état de blanc « franc et ingénu », là où il attaqua la fiabilité d’anciens actes paroissiaux, opposant des arguments généalogiques à une accusation généalogique, Pierre-François Laurent et son entourage ne contestèrent en aucun cas l’histoire familiale de son épouse. Ils prétendaient seulement que celle-ci n’avait absolument aucun impact sur la qualité des individus. Selon les lois et les coutumes anglaises, sa fortune et sa réputation suffisaient à la distinguer :
« Nous avons vu avec étonnement Monsieur Lescallier (à la vérité son ennemis déclaré) opposer [au chevalier Laurent] la pureté de la naissance de Mylady Laurent, son épouse, morte sans enfants depuis dix ans, pour l’empêcher de jouir de la récompense du Roy […] Nous pouvons vous assurer par nous-mêmes et par ceux qui ont connu Milady Laurent qu’avant comme après son mariage, elle a vécu parmi les dames de premier rang, qu’elle a été toujours recommandable par ses vertus et son excessive charité, quelque peut être son origine que nous ignorons. Nous vous observerons seulement que le Chevalier Laurent s’est marié dans un pays anglois, où ni les loix ni les préjugés de la nation ne lui ont fait un devoir de s’informer d’autre chose que du personnel de son épouse qui étoit une belle femme, riche et vertueuse ; et du rang qu’elle tenoit dans la société, elle vivoit et étoit considérée dans les premières de l’isle79. »
37Par conséquent, l’état de Blanc n’avait rien à voir à la Grenade avec la couleur ou la généalogie des individus. Il était au contraire défini comme l’appartenance à un milieu social privilégié. En 1779, l’avocat Alexis de Sèze, substitut au procureur du Cap, expliquait ainsi qu’on pouvait trouver dans l’opinion dominguoise deux manières de définir l’état de Blanc, l’une fondée sur la généalogie et l’autre fondée sur la réputation : « c’est jouir de l’état de Blanc que de communiquer familièrement avec les Blancs, d’être admis dans la société des Blancs, de traiter d’égal à égal avec les Blancs de toutes les classes […], d’être employé comme Blanc dans les fonctions publiques, dans le service militaire surtout80 ». Or, si la première définition dominait à la Martinique à la même époque, où on tentait de l’exporter vers les îles récemment conquises, les membres du Conseil de la Grenade affirmaient que seule la seconde avait cours lorsque l’île était britannique. D’ailleurs, quatre d’entre eux seraient « issus d’un sang mêlé ou alliés à la couleur » selon Lescallier81. Cette affaire met en avant, dans un contexte de souveraineté variable et incertaine, des sociétés complexes où s’articulaient différentes grammaires impériales et locales. Cet enchevêtrement multipliait les espaces d’ambiguïté et renforçait ainsi la capacité des acteurs à définir et négocier eux-mêmes leurs appartenances sociales.
Anciens et nouveaux sujets
38À la Grenade et à la Dominique, une nouvelle distinction entre Français et Britanniques vint s’ajouter aux mécanismes de domination sociale que l’on vient d’évoquer, fondés sur les distinctions de richesse et de couleur. Lorsque les îles étaient occupées par les Français, ceux-ci étaient désignés comme « anciens sujets », et les Britanniques comme « nouveaux sujets ». Quand elles étaient occupées par les Britanniques, ces derniers étaient nommés « sujets nés » ou « naturels » (natural born) alors que les Français étaient assimilés à des « sujets adoptés » (adopted subjects). Dans les recensements grenadins réalisés sous ces deux administrations, ces distinctions furent appliquées aux Blancs dès 1767, aux libres de couleur dès 1782 puis aux esclaves dès 1783, comme en témoigne le tableau 21.
Tableau 21. – Recensements de population à la Grenade (1771-1783).
Année | 1771 | 1777 | 1782 | 1783 | |
Blancs | Anglais | 894 | 823 | 527 | 440 |
Français | 767 | 501 | 682 | 556 | |
Total | 1 661 | 1 324 | 1 209 | 996 | |
Gens de couleur | Anglais | 165 | 185 | ||
Français | 940 | 940 | |||
Total | 415 | 210 | 1 105 | 1 125 | |
Esclaves | Anglais | 16 240 | |||
Français | 8 380 | ||||
Total | 26 006 | 24 620 | |||
Marrons | 141 |
Source : TNA CO 101/28 ; ANOM COL C10C3 et 4.
39Entre 1763 et 1768, cette distinction à la fois juridique et sociale généra dans l’île de plus en plus de conflits82. En 1766, la monarchie britannique décida d’établir une Assemblée à la Grenade, malgré l’avis défavorable des gouverneur Scott puis Melville qui préconisaient d’attendre que les sujets naturels devinssent majoritaires dans l’île83. La province de Québec, devenue britannique en 1763 et où les nouveaux sujets étaient également majoritaires, n’eut d’ailleurs pas de chambre législative avant 1774. Si les « sujets adoptés » de la Grenade ne pouvaient pas être élus, ils représentaient toutefois la majorité des électeurs, excepté dans la ville de Saint-Georges. Conscients de cette réalité, plusieurs candidats parmi les sujets naturels firent campagne en faveur des sujets adoptés, leur promettant des quotas de charges publiques dans les principales institutions coloniales. Une Assemblée pro-française – ou « papiste84 » selon la gazette locale – fut ainsi élue puis immédiatement dissoute par le Conseil de l’île. Une nouvelle Assemblée fut élue, bien plus dévouée aux idées du gouverneur85. Celle-ci s’empressa de voter un Militia Act qui interdisait les charges d’officiers et sous-officiers à tous les nouveaux sujets n’ayant pas prêté le serment du Test – soit tous les catholiques86. « Ainsi un gentleman des plus fortunés de l’île pouvait être sous les ordres de son propre domestique [indented servant] et recevoir cinq cents coups de fouet87. » Une situation sans doute exagérée mais très mal vécue par les Français blancs de l’île au moment même où le mulâtre Louis la Grenade, Français mais protestant, était capitaine d’une compagnie de milice dont tous les officiers et bas-officiers étaient des libres de couleur protestants. De manière générale, on observe un déplacement vers les nouveaux sujets de tous les discours déshonorants qui décrivaient jusqu’alors les vices des libres de couleur et qui continuaient de les décrire dans la plupart des autres colonies88. Dès 1763, le gouverneur George Scott écrit au sujet des Français de l’île :
« Toutefois ce sont des Français, avec toutes les folies et les vices de cette nation, mais à un degré bien plus élevé qu’en Europe. Ils sont fourbes mais sans profondeur de jugement. Ils sont frivoles et médiocres dans leurs transactions, et s’adonnent souvent à la tromperie. Ils sont vaniteux et très présomptueux, et raffolent des titres militaires, bien qu’on trouve bien peu de bravoure parmi eux […] Ils sont aussi naturellement insolents et livrés à la luxure. Mais s’il devait arriver que leur destin soit réuni à celui de planteurs anglais, tout porte à croire qu’ils apprendraient rapidement la sobriété et l’industrie […] Mais cela dépend du sort que la paix réservera à cette île89. »
40De nouvelles élections étaient convoquées en décembre 1767 pour renouveler l’Assemblée arrivée au terme de son mandat annuel. Les tensions étaient plus vives que jamais. Un sujet adopté tenta de se présenter comme candidat à Saint-Georges mais l’officier chargé du vote refusa les votes en sa faveur90. François Cazaud, un riche propriétaire de l’île qui avait pris la défense des nouveaux sujets, fut emprisonné car il refusa de témoigner devant le Conseil dans une langue qu’il ne connaissait pas. Par ailleurs, le Conseil se plaignit de la nouvelle Assemblée, dont 18 des 21 membres avaient été élus grâce aux voix des nouveaux sujets91. Or, les trois membres qui s’opposaient systématiquement aux mesures prises par l’Assemblée étaient ceux ayant obtenu les suffrages des anciens sujets92.
41Alors que l’île était paralysée par l’opposition entre le Conseil et l’Assemblée, François Cazaud s’échappa de sa prison et partit en 1768 à Londres plaider la cause des Français. Aidé par des marchands londoniens qui avaient des intérêts économiques et fonciers à la Grenade, il obtint du roi des quotas pour les nouveaux sujets : deux membres du Conseil sur douze, trois membres de l’Assemblée sur vingt-quatre, un adjudant-juge à la Cour des plaids communs et sept juges de paix, le serment du Test étant remplacé par les serments d’allégeance et de suprématie93. Une nouvelle loi votée à l’Assemblée permit également à certains sujets adoptés d’accéder à des commissions d’officier dans les milices94. Ce nouvel équilibre permit un retour au calme et révéla la victoire du parti du compromis, tant côté français qu’anglais. La question des milices demeura toutefois une question délicate jusqu’en 177995.
42Cette question des offices a également été étudiée pour la province de Québec, un autre territoire français passé sous domination britannique. Si la proclamation de 1763 exigeait le serment du test, les gouvernements toléraient en pratique que des catholiques obtinssent des charges publiques (hormis au sein du Conseil)96. Dès lors, le seul véritable incident eut lieu en octobre 1764 et n’eût qu’un impact très limité. Le jury d’accusation de Québec, dit « grand jury », était alors composé de 15 jurés choisis parmi les anciens sujets et de sept jurés choisis parmi les nouveaux. Les premiers tentèrent de tromper les seconds qui ne comprenaient pas la langue anglaise en signant une représentation qui visait à exclure les catholiques de toutes charges publiques. Furieux, ces derniers s’en plaignirent au gouverneur qui exigea une rectification de la part du jury97. Le contexte québécois présentait en effet un tout autre rapport de force, où la faiblesse démographique des Britanniques facilitait les compromis en faveur de la majorité francophone, à l’instar de l’emblématique Quebec Act98 de 1774, qui mit fin au serment du test. La question des offices ne généra donc pas tant de tensions au Québec, où c’est la question de la conservation de l’épiscopat qui fit débat. En revanche, à la Grenade, le conflit fut réactivé par la reconquête française de 1779.
43En effet, lorsque le comte d’Estaing reconquit la Grenade, il prit le parti de ceux qui souhaitaient se venger des Anglais en leur faisant vivre la même humiliation que celle qu’ils avaient vécue entre 1763 et 1768. Conscient du pouvoir que lui donnait la capitulation tardive de l’île, il fit saisir les possessions des Anglais qui s’en étaient absentés99. Comme à la Dominique, les Anglais furent exclus des milices. Le gouverneur français compta surtout sur les libres de couleur pour inspecter la conduite des Anglais100. Il se méfiait des miliciens blancs alors que « les mulâtres libres [étaient] très bons » et mieux armés101. Sans compter les 148 chasseurs mulâtres de Saint-Domingue installés à la Grenade depuis l’échec de la campagne de Savannah, les libres de couleur représentaient en effet 57 % des miliciens102. L’exclusion des Anglais des milices fit également peser sur eux l’essentiel des contributions, alors que les miliciens de couleur en étaient exemptés103. François Cazaud témoignait en 1780 de la sévérité de ces mesures. Craignant une cession de l’île, il suppliait le roi de France de ne pas abandonner les Français :
« Ils ont en général témoigné un peu trop d’exultation lorsqu’ils ont été rendus à leur premier maître ; vous n’ignorez pas qu’ils ont triomphé avec faste ; vous êtes même instruit de beaucoup d’injustices et j’ose vous assurez qu’en général les françois de cette colonie ont à peu près mérité que les anglois profitent contre eux a la paix prochaine de l’équivoque laissé par le traité de 1762 qui stipule simplement pour les francois l’exercice de leur religion autant qu’il ne sera pas contraire aux lois anglaises104. »
44La situation devint effectivement extrêmement tendue après la remise de l’île aux Anglais en 1782. Découragés par une rumeur selon laquelle on leur retirerait le droit de vote et d’être élus, les Français n’allèrent pas voter lorsque de nouvelles élections furent convoquées105. Composée de sujets naturels, la nouvelle Assemblée vota une série de mesures répressives envers les sujets adoptés. En 1785, François Cazaud tenta d’obtenir réparation de ces préjudices comme en 1768 :
« Quoiqu’on nous ait enlevé nos églises, quoiqu’on ait enlevé à nos prêtres la moitié de leurs modiques propriétés, quoiqu’on nous ait exclus de l’assemblée, du conseil et de la justice de paix, quoiqu’on nous déclare incapables de servir comme officiers de Milice, réduits à servir comme simples soldats, […] non Messieurs, je ne suis point inquiet106. »
45Comme au Québec, le cas dominiquais était moins conflictuel que celui de la Grenade, en partie parce que les Français qui y étaient installés avaient moins de ressources à mobiliser à l’échelle des deux empires pour plaider leur cause. La capitulation de 1778, très favorable aux Anglais de l’île car négociée tôt dans la bataille, permet également d’expliquer une situation en apparence plus calme. Comme à la Grenade, c’est au sujet de l’organisation des milices que les tensions furent les plus vives entre anciens et nouveaux sujets. Lors des revues de 1773, on comptait seulement trois Français parmi les 53 officiers de milice de l’île107. Ces trois Français, qui étaient également juges de paix, étaient tous des protestants, comme l’atteste une lettre adressée au roi en 1766 par les protestants français de l’île108. En réalité l’un d’entre eux, Jacques Blanchard (ou James Blancard), venait même d’être naturalisé sujet britannique109. Contrairement à la Grenade, les Français qui avaient reçu des commissions d’officiers sous le gouvernement français s’en servirent pour refuser le service comme simples soldats. Ils utilisaient à leur avantage l’un des articles du Act of Militia de 1771 dont le but était d’éviter aux Britanniques qui avaient été officiers dans les troupes réglées de servir à un rang inférieur dans les milices110. C’était le cas d’Alexis Pitault, Français né à la Martinique et passé en 1756 à la Dominique où il avait acquis un bien. Commandant à la Grande Ance jusqu’en 1762, il refusa constamment de servir dans la milice anglaise après la conquête, « ce qui lui fit essuyer les plus mauvais traitements de la part des anglois. Ils luy enlevèrent trois nègres parce qu’il se refusoit à arrêter leurs déserteurs, et que même il favorisoit leur évasion111 ». Cette désaffection pour les milices de la part des Français permet de comprendre pourquoi seuls 400 miliciens ont défendu l’île contre les Français en 1779112.
Langue et religion
46Pourtant, à la Grenade comme à la Dominique, les tensions propres à la milice n’étaient pas uniquement liées à la question de la sujétion. En parallèle, le problème de la langue se posait constamment. Comme on l’a vu pour le Québec avec l’incident de 1764, la plupart des sources montrent que francophones et anglophones des îles du Vent étaient bien souvent incapables de communiquer sans interprètes. Les proclamations publiques et les gazettes étaient par conséquent publiées dans les deux langues. En 1791, le Dominiquais Thomas Atwood s’appuya principalement sur cet argument pour plaider l’expulsion des Français des milices de l’île :
« La milice est désormais dans un état respectable, mais le serait bien plus encore si elle n’était composée que de sujets anglais ; les Français et autres étrangers qui y servent n’y prêtent que peu d’attention, à cause d’une incompréhension des mots ordonnés en anglais ou d’une aversion naturelle113. »
47En plus du problème de la langue, on a vu que la question religieuse apparaissait dans tous les conflits qui opposaient les nouveaux et les anciens sujets. Cet enchevêtrement entre sujétion, langue et religion complique la tâche de l’historien quand celui-ci cherche à définir les mécanismes de la domination sociale : parmi ces schèmes classificatoires, lequel est primordial ? Peut-on les étudier isolément ou constituaient-ils un tout pour les acteurs ? Dans leurs plaintes et pétitions, les Français de la Grenade prétendaient systématiquement que la religion n’était que prétexte à des politiques discriminantes qui visaient les nouveaux sujets en tant qu’anciens Français. Ils rappelaient entre autres l’humiliation qui consistait à les assimiler aux catholiques irlandais du royaume. Le traité de 1763 précisait que le catholicisme pouvait être pratiqué à condition qu’il n’entre pas en contradiction avec les lois britanniques. Or selon ces mêmes lois, les catholiques romains ne pouvaient obtenir des charges municipales ou autres postes de confiance114. François Cazaud expliquait ainsi qu’après la cession de la Grenade aux Anglais les Français qui l’habitaient y furent sous le prétexte de leur religion « dépouillés de leurs droits les plus essentiels et les plus précieux. Tout y fut visiblement combiné pour les forcer de vendre leurs possessions au plus vil prix, ou les réduire à l’état de catholiques romains d’Irlande115 ».
48En effet, de la révolte jacobite de 1745 aux Gordon Riots de 1780, on observe un anti-catholicisme croissant parmi les Britanniques protestants. Encouragé par la presse qui dénoncait les vices des prêtres catholiques et les mauvais traitements subis par les huguenots, ce sentiment est un élément clé dans la construction d’un patriotisme britannique au xviiie siècle116. Ce nouvel anti-catholicisme est concomitant à la transformation progressive d’un empire of commerce en un empire of conquest, entre les années 1740 et 1770117. L’hétérogénéité croissante des populations impériales liée à l’incorporation d’importantes communautés catholiques dans les années 1760 – les îles du Vent, le Canada mais aussi Malte ou Minorque – donna lieu à des ajustements locaux puis impériaux à partir de 1778 avec le Catholic Relief Bill118. Ces ajustements ne mirent pourtant pas un terme à l’anticatholiscime, qui coexistait à la Grenade avec un intérêt commercial à se concilier une population catholique majoritaire.
49La communauté catholique de Grenade se retrouva très vite divisée en deux groupes qui s’opposaient radicalement sur la stratégie à adopter vis-à-vis de l’administration britannique. Une partie des catholiques, menée par François Cazaud et Philippe Roume de Saint-Laurent et soutenue par plusieurs propriétaires anglais, cherchait à démontrer que loin d’être des papistes, ils étaient des gallicans. L’argument qui inhabilitait les catholiques irlandais à obtenir des offices se fondait sur l’incompatibilité qui existait entre leur soumission au pape d’une part et les serments d’allégeance et de suprématie prononcés en tant que sujets britanniques d’autre part. Selon eux, cet argument n’était pas applicable aux catholiques français de Grenade qui avaient refusé sans équivoque la primauté temporelle du pape. L’idée était ainsi de gommer un maximum les différences entre catholiques et protestants grenadins pour se concentrer sur les intérêts communs des deux communautés, notamment sur le plan économique. Roume de Saint-Laurent expliquait ainsi en 1774 qu’il existait :
« Sous la domination de la Grande Bretagne deux espèces de Catholiques Romains. […] La première comprend les anciens sujets de sa Majesté, que des circonstances malheureuses ont forcé d’exclure de la législation et des officiers de confiance. L’histoire d’Angleterre ne fournit que trop d’exemple pour justifier la sévérité des loix à leur égard […] La seconde est composée des nouveaux sujets adoptés par sa Majesté, lesquels n’ont jamais donné de cause au gouvernement pour les distinguer des sujets protestants. […] En France, où la Religion dominante est la catholique romaine, on a pris soin d’assigner les limites qui séparent le culte véritable de la religion d’avec les dangereuses maximes de la cour de Rome. […] L’assemblée du Clergé de France convint en 1682 que le Pape n’a aucune autorité sur le temporel des Rois119. »
50Une autre partie des catholiques, menée entre autres par le déjà cité Balthasar Lescallier, cherchait au contraire à se réfugier dans la différence, à inverser le stigmate en se déclarant papiste. Plus isolés dans l’île, ces derniers accusaient les premiers d’apostasie. Lors de la reconquête par la France, ils militèrent pour des représailles sur les Protestants et assimilés, dont François Cazaud qui en 1781 se vit refuser un siège de député au Conseil pour avoir prétendument prononcé le serment du Test120.
51Lors du retour des Anglais en 1782, les Français furent attaqués essentiellement à partir de la question religieuse. Les autorités imposèrent d’abord que les églises catholiques de l’île fussent partagées avec les anglicans et « les bons zélés paquistes [sic], à qui ce partage parut une profanation, la leur abandonnèrent toute entière, en criant à l’usurpation et à l’injustice121 ». Puis elles tentèrent en vain de s’approprier une partie des revenus ecclésiastiques catholiques et établirent un certain nombre de mesures concernant les cérémonies religieuses qui furent perçues comme autant de taxes indirectes : obligation de publier les bans dans les églises anglicanes, de faire certifier les actes par le greffier de l’île et de les inscrire sur les registres anglicans, de faire célébrer les mariages par le recteur. Mais une fois n’étant pas coutume, c’est encore au sujet des milices que le bât blessa. S’appuyant sur l’inhabilité aux offices des catholiques, l’Assemblée rendit une fois de plus les nouveaux sujets incapables d’être pourvus de commissions et obligés de servir comme simples soldats122. En 1787, ces derniers obtinrent un amendement qui permettait, comme à la Dominique, d’être exempté de servir à un rang inférieur lorsqu’on avait obtenu des commissions par le passé123. Jusqu’à la révolte du mulâtre français Julien Fédon qui secoua l’île en 1795-1796, les gouverneurs n’exprimèrent aucune confiance vis-à-vis des miliciens non protestants124.
Conclusion
52Dans la Caraïbe, la couleur était toujours un élément important pour comprendre les dynamiques de domination et de reproduction sociale. La législation et les correspondances administratives nous le rappellent sans cesse, à l’instar de la loi sur la Milice votée à la Grenade en 1767, qui précisait qu’il était nécessaire de faire une juste distinction d’infériorité entre les Blancs et les libres de couleur125. En outre, la couleur était parfois mobilisée par les acteurs eux-mêmes pour s’identifier en tant que groupe, comme en 1792 lorsque les « Habitants libres de couleur de la Grenade » exprimèrent leur loyauté à la Grande-Bretagne dans une pétition dont le premier signataire n’était autre que « Louis Lagrenade, président126 ». Anglais et Français partageaient donc les mêmes débats sur la couleur – sur ses limites, sur l’essor d’une élite économique de couleur et sur les risques que suscitaient les déséquilibres démographiques dans les colonies esclavagistes – bien qu’ils les résolussent parfois de manière différente, au moyen d’arguments qui puisaient dans des cultures religieuses et politiques distinctes.
53Ces îles présentent pourtant, chacune à sa manière, des contextes spécifiques en partie définis par les recompositions démographiques et sociales profondes que firent naître dans ces îles du Vent les changements répétés de souveraineté et la variabilité des statuts. Les tensions croissantes liées à la sujétion, à la religion, à la culture politique ou à la langue d’individus pétris de différentes grammaires impériales invitent à repenser localement la relation entre dignité et couleur. Ces tensions, ainsi que la multiplication d’espaces d’ambiguïtés due à l’enchevêtrement de deux cultures politique et religieuse (avec leurs débats, taxinomies et images sociales), élargissaient ou amenuisaient les espaces de négociation des acteurs, libres ou non, considérés ou non comme « de couleur ». En témoignent l’exemple des familles de l’Anse-la-Raie, celui de l’adjudant Jean Baptiste Bermingham ou encore celui du capitaine Louis la Grenade. Ces exemples démontrent amplement qu’il importait peu d’être un mulâtre si on était riche et protestant dans la Grenade administrée par les Britanniques, ou riche et catholique dans la Dominique occupée par les Français.
54Pourtant, pour ces îles comme pour les autres colonies, les historiens ont souvent privilégié une lecture qui tend à opposer les Blancs aux gens de couleur (esclaves et/ou libres) comme le principal clivage social et politique. À tel point que certains aspects pourtant évidents, comme la question de la sujétion, passent parfois inaperçus. Les toiles et dessins du peintre italien Agostino Brunias, qui a vécu et peint à la Dominique entre 1770 et 1773, ont ainsi été étudiées essentiellement pour parler de la représentation de la couleur et de la race dans les Antilles britanniques127. Or Brunias était particulièrement sensible à la question de la sujétion dans ces toiles, d’autant plus qu’il était lui-même, en tant qu’étranger et catholique, victime d’une intégration difficile dans la communauté artistique londonienne. En témoigne le programme symbolique qu’il a mis en place pour représenter – aspect qui a été moins relevé car moins visible que la couleur – la sujétion des Anglais et des Français, un code de couleur simple qu’on retrouve sur les habits ou les turbans : rouge pour les Anglais, bleu pour les Français.
55Ces considérations invitent également à revisiter l’histoire des nombreuses révoltes qui ont secoué la Caraïbe dans les années 1790, comme la révolte de Julien Fédon à la Grenade, celle de Colihaut à la Dominique ou la guerre des Brigands à Sainte-Lucie. La nouvelle histoire atlantique s’est emparée de ces révoltes afin d’illustrer ce vent commun qui aurait répandu comme une traînée de poudre les idées et terminologies des révolutions atlantiques dans l’espace caraïbe. Cette approche a donné une importance centrale aux questions de la couleur et de la race, dont les déclinaisons locales et les enjeux semblent pourtant différents d’un empire à l’autre, voire d’une colonie à l’autre. Or, ce chapitre montre que toutes ces révoltes des îles du Vent ne sauraient être lues uniquement comme des révoltes d’esclaves ou des révoltes jacobines, mais renvoient à des contextes locaux où sont articulés et hiérarchisés de manière singulière différents mécanismes de domination sociale (classe, couleur, sujétion, religion). Sans nier les conséquences des révolutions atlantiques à la Dominique, à la Grenade ou à Sainte-Lucie, il semble important de comprendre la façon dont les individus mirent en œuvre des tactiques et des langages d’appartenance parfois contradictoires, et où la couleur était un élément d’explication parmi d’autres. C’est ce que montre l’exemple de Louis la Grenade et de Julien Fédon, deux mulâtres, tous deux francophones, tous deux immensément riches, mais que tout opposait malgré tout. En 1795, alors que les troupes de Julien Fédon avaient repris presque toute l’île aux Britanniques, ce furent les miliciens de couleur de Louis la Grenade qui défendirent les élites britanniques retranchées dans Saint-Georges128.
56L’opposition entre les deux hommes étaient notoire à la Grenade, comme en témoigne un récit publié en 1823 par le grenadin britannique Francis McMahon. Capturé par les troupes de Fédon en 1795, ce dernier racontait qu’un message fut envoyé à Fédon lui annonçant la mort de Louis la Grenade, tué lors d’une action. Fédon répondit « qu’il s’en trouvait ravi, qu’il ne blâmait pas La Grenade pour sa reconnaissance envers les Anglais, ces derniers l’ayant toujours très bien traité ; mais que s’il l’avait capturé, il aurait su quoi en faire129 ».
57Dès lors, comment pourrait-on se satisfaire d’une lecture de la révolte de Fédon basée sur la couleur des individus, alors que s’y affrontaient deux chefs mulâtres qui avaient adopté des tactiques et des langages d’appartenance radicalement différents : le catholique français Julien Fédon d’un côté et le protestant naturalisé britannique Louis la Grenade de l’autre ?
Notes de bas de page
1 Pour les apports de l’histoire du droit et de la nouvelle histoire politique dans le tournant des années 1990, voir Hespanha Antonio Manuel, A vesperas do Leviathan. Instituiçoés e poder politico Portugal séc. xviie, Lisbonne, Universidade Nova de Lisboa, 1986 ; Fernández Albaladejo Pablo, Fragmentos de monarquía. Trabajos de historia política, Madrid, Alianza Editorial, 1992 et Elliot John, « Europe of Composite Monarchies », Past and Present, no 137, 1992, p. 48-71. Pour les apports de la entangled history et de l’histoire comparée des empires, voir Gould Eliga H., « Entangled Histories, Entangled Worlds: The English-Speaking Atlantic as a Spanish Periphery », American Historical Review, vol. 112, no 3, 2007, p. 764-786 ; Benton Lauren, A Search for Sovereignty: Law and Geography in European Empires, 1400-1900, Cambridge, Cambridge University Press, 2009 et Halliday Paul D., « Laws’ Histories: Pluralisms, Pluralities, Diversity », in Lauren Benton et Richard J. Ross (éd.), Empires and Legal Pluralism, 1500-1850, New York, New York University Press, 2013, p. 261-277. Pour l’Empire français, ce sont surtout des historiens du xviie siècle qui ont renouvelé l’historiographie impériale. Voir Pritchard James, In Search of Empire. The French in the Americas, 1670-1730, Cambridge, Cambridge University Press, 2004 ou Chaunu David, « Rivalités impériales et neutralité au xviie siècle : la diplomatie par le bas des colons de Saint-Christophe », Nuevo Mundo Mundos Nuevos, 2018, [https://journals.openedition.org/nuevomundo/72112?lang=es].
2 Sur l’histoire du concept de « société de plantations » et l’absence de l’étude des villes dans l’historiographie de ces sociétés, voir Pérotin-Dumon Anne, La ville aux Îles, la ville dans l’île : Basse-Terre et Pointe-à-Pitre, Guadeloupe, 1650-1820, Paris, Éditions Karthala, 2000, p. 48-67.
3 Le 6 septembre 1778, « 400 hommes de milice [avaient] été licenciés après avoir mis bas les armes », TNA CO 71/4, Mémoire de William Stuart sur la Dominique, 24 décembre 1773, fnn.
4 ANOM COL C10D3, Capitulation de la Dominique, 7 septembre 1778, fnn. COL C8A78, Ordonnance établissant des milices à la Dominique, 17 septembre 1778, f. 310.
5 ANOM COL C8A77, Lettre du marquis de Bouillé, 9 novembre 1778, f. 100.
6 Selon le recensement de 1785, les gens de couleur représenteraient 27 % des habitants libres de la Dominique. ANOM 5DPPC 52, Recensement de la Dominique, 1785.
7 Le grade d’adjudant n’est pourtant pas censé exister dans les armées françaises à cette époque. « Nous ne nous servons de ce mot qu’en parlant des affaires des pays étrangers », Dictionnaire de Trévoux, vol. 1, Paris, Compagnie des libraires associés, 1771, p. 202.
8 ANOM COL D2C74, Situation des milices de la Dominique créées le 17 septembre 1778, tableaux du 9 novembre 1778, de juillet 1779 et du 1er septembre 1781.
9 ANOM COL A25, Mémoire du roi pour servir d’instructions particulières au comte de Durat et au sieur Lemort, 10 décembre 1779, f. 228.
10 Garrigus John D., Before Haiti: Race and Citizenship in French Saint-Domingue, New York, Palgrave Macmillan, 2006.
11 Rogers Dominique, « Raciser la société : un projet administratif pour une société domingoise complexe (1760-1791) », Journal de la Société des américanistes, vol. 95, no 2, 2009, p. 235-260.
12 Selon Edward L. Cox, Louis La Grenade acquit en 1778 sa première goélette, La Louise, pour faire du commerce inter-îles, voir « The Free Coloureds and Slave Emancipation in the British West Indies: The Case of St. Kitts and Grenada », The Journal of Caribbean History, vol. 22, nos 1-2, 1988, p. 69. Le commerce à la côte d’Espagne est mentionné dans Endangered Archives Programme, 295/2/8/3, Acte de société entre Louis La Grenade et François Soutyre, Saint-Georges, 29 mai 1782, f. 2v.
13 Il s’agit de quatre plantations de plus de 300 acres. Voir Supreme Court Registry of Grenada, vol. N3-A4, Vente d’une parcelle par Louis Lagrenade, 16 février 1788, f. 1 ; Vente d’une parcelle à Louis Lagrenade, 16 avril 1788, f. 120 ; Vente de la plantation Morne Jaloux à Louis Lagrenade, 4 juin 1788, f. 311.
14 TNA CO 101/20, Lettre du gouverneur George Macartney, 24 février 1777, f. 106r ; CO101/31, Lettre de Edward Matthew à William Wyndham Greenville, 18 novembre 1790, f. 46r.
15 « Extrait du journal tenu par Ebenezer Lambe, en date du 27 janvier 1733 » et « Liste des actes législatifs passés en avril 1733 », Calendar of State Papers Colonial, America and West Indies, Vol. 40, 1733, Londres, Cecil Headlam and Arthur Percival Newton, 1939, p. 51-69 et p. 90-107.
16 Un autre cas exceptionnel a été observé à la même époque dans l’Empire britannique, cette fois dans la Navy. Il s’agit de John Perkins, mulâtre libre de Kingston. Ses exploits pendant les guerres américaines lui permirent d’être le premier libre de couleur à devenir officier de la marine britannique. Voir O’Shaughnessy Andrew Jackson, An Empire Divided: The American Revolution and the British Caribbean, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2015, p. 180.
17 Journals of the Board of Trade and Plantations, vol. 2 : 1709-1715, Londres, E G Atkinson, 1925, p. 132-137.
18 Goveia Elsa, Slave Society in the British Leeward Islands at the End of the Eighteen Century, New Haven/Londres, Yale University Press, 1969, p. 82.
19 Le mestee est à la Jamaïque l’enfant d’une quadroon et d’un blanc, lui-même né d’une mulâtresse et d’un blanc. Marsden Peter, An account of the Island of Jamaica, with reflections on the treatment, occupation, and provisions of the slaves, Newcastle, S. Hodgson, 1788, p. 9.
20 Hurwitz Samuel J. et Hurwitz Edith F., « A Token of Freedom: Private Bill Legislation for Free Negroes in Eighteenth-Century Jamaica », The William and Mary Quarterly, vol. 24, no 3, 1967, p. 423-431.
21 Samuel Wilfred S., Barnett Richard D. et Diamond Arthur S., « A List of Jewish Persons Endenizened and Naturalised 1609-1799 », Transactions & Miscellanies (Jewish Historical Society of England), vol. 22, 1968, p. 111-144.
22 Statt Daniel, Foreigners and Englishmen; The Controversy over Immigration and Population, 1660-1760, Newark, University of Delaware Press, 1995 ; Van Ruymbeke Bertrand, « Enjeux et formes de la naturalisation dans l’Amérique des xviie et xviiie siècles », Revue française d’études américaines, no 75, 1998, p. 22-33.
23 Kayserling Mayer, « The Jews in Jamaica and Daniel Israel Lopez Laguna », The Jewish Quarterly Review, vol. 12, no 4, 1900, p. 708-717 ; Oppenheim Samuel, « A List of Jews Made Denizens in the Reigns of Charles II and James II (1661-1687) », Publications of the American Jewish Historical Society, no 20, 1911, p. 109-113.
24 Carretta Vincent, « Who was Francis Williams? », Early American Literature, vol. 38, no 2, 2003, p. 213-237.
25 TNA CO 140/27-85 Sessional Papers from Jamaica, 1738-1795.
26 Newman Brooke N., « Contesting Black Liberty and Subjecthood in the Anglophone Caribbean, 1730s-1780s », Slavery & Abolition, vol. 32, no 2, 2011, p. 169-183.
27 TNA CO 103/2, An act for establishing a militia for the defence of this island, 28 avril 1767, f. 46 ; TNA CO 73/6, An Act for forming and establishing a militia in Dominica, 12 mars 1771, f. 15-27.
28 British Museum, Long’s Manuscripts, A General Return of the Militia of Jamaica, 31 octobre 1778.
29 Léo Elisabeth, La société martiniquaise aux xviie et xviie siècles (1664-1789), Fort-de-France/Paris, SHM/Éditions Karthala, 2003 ; Murphy Tessa, The Creole Archipelago: Colonization, Experimentation, and Community in the Southern Caribbean, c. 1700-1796, thèse de doctorat en histoire, University of Chicago, 2016.
30 ANOM COL C8A57, Lettre de Jean Louis De Longueville, lieutenant du roi à Sainte-Lucie, 4 novembre 1476, f. 221.
31 « Lettre du gouverneur de la Barbade du 28 mai 1730 », Calendar of State Papers Colonial, America and West Indies, vol. 37, Londres, Cecil Headlam and Arthur Percival Newton, 1937, p. 113-130.
32 ADM, 2E28/1, Paroisse de Sainte-Luce, Population blanche et libre de couleur : baptêmes, mariages, sépultures (1702-1749).
33 « Déposition du 28 novembre 1727 de John Ridley de la Barbade, capitaine et propriétaire d’un sloop qui revient d’un voyage dans l’île de Saint-Vincent », Calendar of State Papers Colonial, America and West Indies, vol. 36, 1728-1729, Londres, Cecil Headlam and Arthur Percival Newton, 1937, p. 24-36.
34 ANOM COL C10C1, Mémoire sur l’île de Sainte-Alouzie, mai 1737, fnn.
35 ANOM COL E 325 bis, Dossier nominatif de Raymond Olivier, habitant de Sainte-Lucie, 1733.
36 ANOM COL F355, Lettre du Marquis de Caylus, 25 janvier 1749, f. 231.
37 Pagden Anthony, Lords of All the World: Ideologies of Empire in Spain, Britain and France c. 1500-c. 1800, Cambridge, Mass., Yale University Press, 1995, p. 63-103 ; Fitzmaurice Andrew, « The Genealogy of Terra Nullius », Australian Historical Studies, vol. 38, no 129, 2007, p. 1-15.
38 Uring Nathaniel, A Relation of the Late Intended Settlement of the Islands of St. Lucia and St. Vincent, in America, Londres, 1725. p. 27-28.
39 AN, Marine, B441, Journal du voyage que le sieur Houel, ingénieur du Roi aux îles du Vent, a fait à l’île de Sainte-Alousie au mois d’octobre et novembre 1731, 29 juillet 1732, f.123.
40 ANOM COL D2C74, Recensements nominatifs de Sainte-Lucie, 1745-1746 ; ANOM 5DPPC60, Recensements nominatifs de Sainte-Lucie, 1756-1760.
41 James Epstein a travaillé sur ces questions pour l’île de la Trinité, espagnole puis britannique à partir de 1797, in Scandal of Colonial Rule: Power and Subversion in the British Atlantic During the Age of Revolution, Cambridge, Cambridge University Press, 2012.
42 ANOM COL C8A67, Lettre du président Peinier, 21 février 1765, f. 221.
43 Renaud Morieux montre qu’il en est de même pour les frontières maritimes, construites en contexte par l’action des pêcheurs plus que par des traités internationaux qui peuvent être défaits à tout instant. Voir Morieux Renaud, « Anglo-French Fishing Disputes and Maritime Boundaries in the North Atlantic, 1700-1850 », in Peter Mancall et Carole Shammas (éd.), Overseas Commerce and the Governing of Maritime Space in the Early Modern Era, Los Angeles, CA, Huntingdon Library Press, 2014, p. 41-75.
44 ANOM COL C10C1, Instructions du Roi au marquis de Champigny, 26 octobre 1744, fnn.
45 ANOM F317, Instructions du Marquis de Caylus, 24 avril 1748, f. 255v. Si les Anglais comptaient essentiellement sur une flotte supérieure pour défendre leurs îles, ils savaient que les milices étaient mieux adaptées pour la sûreté intérieure ou en cas d’attaques soudaines, TNA CO 71/3, Lettre de William Young, 31 octobre 1771, fnn.
46 ANOM COL C8A67, Lettre de Messieurs D’Ennery et Peynier, 27 mai 1765, f. 19.
47 TNA CO 101/1, Lettre du gouverneur Robert Melville, 7 février 1765, f. 296.
48 ANOM COL C8A67, Lettre de Messieurs D’Ennery et Peynier, 27 mai 1765, f. 19.
49 Boromé Joseph-A., « La Dominique pendant l’occupation française (1778-1784) », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 23, no 4, 1970, p. 533 ; TNA CO 71/4, Mémoire de William Stuart sur la Dominique, 24 décembre 1773, fnn.
50 TNA CO 71/13, Motifs de la suspension de Charles Winstone comme procureur général, 1786, fnn.
51 TNA CO 71/2, The Dominica Journal, 30 mai 1798, fnn.
52 ANOM COL E 164, Lettre du comte de Durat, 18 août 1779, f. 573.
53 TNA CO 106/3, Registres d’entrée du port de St-George, du 1er janvier au 31 décembre 1784, f. 22v-63r.
54 ANOM COL E 248, Lettre du baron de La Borie, gouverneur de Sainte-Lucie, 25 janvier 1785, f. 341.
55 TNA CO 106/3, Registres d’entrée du port de St-George, du 1er janvier au 31 décembre 1784, f. 50.
56 TNA CO 101/26, Acte qui naturalise plusieurs protestants étrangers à la Grenade, f. 281.
57 Bassi Ernesto, An Aqueous Territory: Sailor Geographies and New Granada’s Transimperial Greater Caribbean World, Durham, N.C., Duke University Press, 2016.
58 ANOM COL C8B12, no 43, Lettre, 7 juillet 1766.
59 ANOM COL C8A66, Lettre du Chevalier de Jumilhac, 23 août 1764, f. 316.
60 Glick Schiller Nina, Basch Linda et Blanc-Szanton Christina, « From Immigrant to Transmigrant: Theorizing Transnational Migration », Anthropological Quartely, vol. 68, no 1, 1995, p. 48-63. Le concept de transmigrant a ensuite été utilisé pour l’étude des migrations économiques transfrontalières entre France et Angleterre au xviiie siècle in Morieux Renaud, Une mer pour deux royaumes. La Manche, frontière franco-anglaise (xviie-xviiie siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 317-343.
61 Morieux Renaud, « La fabrique sociale des réseaux migratoires. Les ouvriers du lin entre Cambrésis, Pays-Bas autrichiens et Sussex dans la seconde moitié du xviiie siècle », Documents pour l’histoire des techniques, no 19, 2010, [https://journals.openedition.org/dht/1286].
62 TNA CO 101/26, Règlement pour le peuplement de l’île de la Trinité, 1783, f. 9-18.
63 Epstein James, Scandal of Colonial Rule…, op. cit., p. 96-101.
64 ANOM COL F415, Lettre de La Borie sur l’état actuelle de Sainte-Lucie, juillet 1785, f.557.
65 Pour ce faire, nous avons croisé un plan cadastral extrêmement précis avec une liste complète des propriétaires fonciers de l’île. BnF, Service hydrographique de la Marine, Portefeuille 157, Division 6, Carte de Sainte-Lucie vers le milieu du xviiie siècle ; Bruneau-Latouche Eugène et Raymond, Sainte-Lucie, fille de la Martinique, Saint-Germain-en-Laye, R. Bruneau-Latouche, 1989, p. 88-125.
66 ANOM COL C10C2, Lettre de Jumilhac, gouverneur de Sainte-Lucie, 10 juillet 1764, fnn.
67 Le carré de terre équivalait à Sainte-Lucie à 1 hectare 29 ares et 26 centiares.
68 ANOM 5DPPC60, Recensement de l’île de Sainte-Lucie de l’année 1730, 27 juin 1730.
69 On trouve un seul mariage entre un créole blanc et une fille de couleur au xviiie siècle, voir Hayot Émile, Les gens de couleur libres du Fort-Royal (1679-1823), Paris, Société française d’histoire d’Outre-Mer, 1971, p. 115.
70 Le mot métif apparaît à la Martinique en 1728, in Léo Élisabeth, La société martiniquaise…, op. cit., p. 10.
71 ANOM COL C8A75, Lettre du comte d’Argout, gouverneur des îles du Vent, 1er juillet 1776, f. 72 ; C8A76, Brevet d’arpenteur général à Sainte-Lucie pour le sieur Lefort de Latour, 10 janvier 1777, f. 5.
72 ANOM COL C10C1, Mémoire de l’arpenteur Jean Raussain au Marquis de Caylus, mai 1745, fnn.
73 Léo Élisabeth, La société martiniquaise…, op. cit.
74 ANOM COL F357, Mémoire de Ste. Lucie (auteur inconnu), fnn.
75 ANOM COL C10C3, Réponses au mémoire présenté par le baron de La Borie, gouverneur de Sainte-Lucie, Versailles, 22 novembre 1784, fnn.
76 ANOM COL C10C3, M. de la Borie, Mémoire de Ste. Lucie, 8 janvier 1785, fnn.
77 ANOM COL E117, Affaire Antoine Delpeche contre Madelaine Vautier, 1787, f. 282-286.
78 ANOM COL E 261, Lettre de Messieurs du Conseil de la Grenade à M. le Comte de Durat, s. d., f. 87.
79 Ibid.
80 ANOM COL E 71, Mémoire d’Alexis de Sèze sur l’affaire Chapuzet, 1779, f. 457.
81 ANOM COL E 281, Lettre du sieur Lescallier contre le sieur Laurent, 26 mai 1781, f. 144.
82 Anderson Caitlin, « Old Subjects, New Subjects and Non-Subjects: Silences and Subjecthood in Fédon’s Rebellion, Grenada, 1795-1796 », in Richard Bessel, Nicholas Guyatt et Jane Rendall (éd.), War, Empire and Slavery 1770-1830, New York, Palgrave Macmillan, 2010, p. 201-217 ; Weiss Muller Hannah, « Bonds of Belonging: Subjecthood and the British Empire », Journal of British Studies, vol. 53, no 1, 2014, p. 29-58.
83 TNA CO 101/9, Lettre du gouverneur George Scott à Charles Wyndham, comte d’Egremont, 19 janvier 1763, f. 15.
84 Le terme péjoratif « papiste » traduit une accusation politique de la part des protestants vis-à-vis des catholiques sujets de la couronne britannique. Selon une rhétorique conspirationniste, ces derniers étaient désignés comme des traîtres potentiels, en lien avec leur double allégeance politique (au pape et au roi). Sur ces questions, voir Lake Peter, « Anti-Popery: the Structure of a Prejudice », in Richard Cust et Ann Hughes (dir.), Conflict in Early Stuart England, Londres, Longman, 1989, p. 72-106 ; Lake Peter et Questier Michael, The Antichrist’s Lewd Hat: Protestants, Papists and Players in Post-Reformation England, New Haven, Yale UP, 2002.
85 The Grenada Planter: or, a Full and Impartial Answer to a Letter in the Gazetteer of October 22, 1768, Londres, 14 novembre 1768.
86 L’adoption du Test Act en 1673 obligeait tout sujet britannique souhaitant accéder à des charges publiques à prononcer une série de serments de fidélité à la couronne britannique comportant des déclarations contre le pape et contre la transsubstantiation. Ces serments permettaient d’exclure les catholiques du service civil et militaire.
87 Audi Alteram Partem, or a Counter-Letter on the Late and Present State of Affairs in the Island of Grenada, Londres, 1770, p. 71.
88 Polson Donald, The Tolerated, the Indulged and the Contented: Ethnic Alliances and Rivalries in Grenadian Plantation Society (1763-1800), thèse de doctorat, université de Warwick, 2011.
89 TNA CO 101/9, Lettre du gouverneur George Scott à Charles Wyndham, comte d’Egremont, 19 janvier 1763, f. 15.
90 TNA CO 101/12, Lettre du gouverneur Robert Melville au comte de Shelburne, 27 décembre 1767, f. 53r.
91 TNA CO 101/12, Résultats des élections de l’Assemblée de Grenade, décembre 1767, f. 141.
92 TNA CO 101/12, Lettre du Conseil de Grenade au gouverneur, s. d., f. 124.
93 TNA CO 101/3, Board of Trade, Minutes, 7 septembre 1768, f. 1.
94 TNA CO 101/26, Mémoire des nouveaux sujets de la Grenade, 27 février 1786, f. 294.
95 ANOM COL F317, Considérations politiques qui doivent déterminer la cour de France à reconquérir sur les anglois et à conserver l’isle de la Grenade, par le Mort., 1779, f. 342.
96 Fyson Donald, « Les Canadiens et le Serment du Test », in Sophie Imbeault, Denis Vaugeois et Laurent Veyssière (dir.), 1763. Le traité de Paris bouleverse l’Amérique, Québec, Septentrion, 2013, p. 274.
97 Fyson Donald, « Jurys, participation civique et représentation au Québec et au Bas-Canada : les grands jurys du district de Montréal (1764-1832) », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 55, no 1, 2001, p. 85-88.
98 Les anglophones représentaient environ 1 % de la population de la province de Québec en 1766 et 1,6 % en 1780. Ouellet Fernand, Histoire économique et sociale du Québec, 1760-1850, structures et conjoncture, thèse de doctorat en histoire, Québec, université Laval, 1965, p. 302.
99 TNA CO 101/26, Lettre du Marquis de Cazaux à Messieurs Simond et Hankei, 28 mars 1785, f. 96.
100 ANOM COL C10A4-2, Rapport au ministre sur les dispositions administratives faites a la Grenade depuis la prise sur les anglois, s. d., fnn. ANOM COL E 164, Lettre du comte de Durat, 28 juillet 1779, f. 570.
101 ANOM COL C10A3-1, Lettre du comte de Durat, gouverneur de la Grenade, 26 octobre 1782, fnn.
102 ANOM COL D2C41, Revues du détachement des Chasseurs Volontaires de Saint-Domingue à la Grenade en 1780, 1782 et 1783, fnn. ANOM COL D2C74, Revues de milice de la Grenade en 1780, 1781 et 1782, fnn. ANOM COL C8A78, Lettre du Marquis de Bouillé, gouverneur général des Îles du Vent, 23 novembre 1779, f. 144.
103 TNA CO 318/10, Ordonnance concernant l’imposition de l’année 1783 par le baron de Laborie, gouverneur de la Grenade, 3 février 1783, f. 115.
104 ANOM COL E 66, Lettre de François Cazaud de Roumillac, 2 avril 1780, f. 252-253.
105 TNA CO 101/26, Mémoire des nouveaux sujets de la Grenade, 27 février 1786, f. 294.
106 TNA CO 101/26, Lettre du Marquis de Cazaux à Messieurs Simond et Hankei, 28 mars 1785, f. 96.
107 TNA CO 71/4, Revue des régiments de milices de la Dominique, novembre-décembre 1773, f. 102-110v.
108 TNA CO 101/11, Lettre des protestants français de la Dominique, 15 décembre 1766, f. 156-157.
109 TNA T 1/509, Mémoire du Sieur Jacques Blancard, 3 août 1774, f. 82-84.
110 TNA CO 73/6, An Act for forming and establishing a Militia in Dominica, 12 mars 1771, f. 15-27.
111 ANOM COL E 337, Mémoire d’Alexis Pitault pour la croix de Saint-Louis, 1er septembre 1781, f. 201.
112 ANOM C10D3, État de l’artillerie trouvée à la Dominique après la prise de l’île, 8 septembre 1778, fnn.
113 Atwood Thomas, The history of the island of Dominica, Londres, J. Johnson, no 72, St. Paul’s Church-Yard, 1791, p. 202-207.
114 ANOM COL E 66, Lettre de François Cazaud de Roumillac, 2 avril 1780, f. 252.
115 TNA CO 101/26, Lettre du Marquis de Cazaux à Messieurs Simond et Hankei, 28 mars 1785, f. 96.
116 Haydon Colin, Anti-Catholicism in Eighteenth-Century England: A Political and Social Study, Manchester, Manchester University Press, 1993.
117 Lang James, Conquest and Commerce: Spain and England in the Americas, New York, Academic Press, 1975 ; Bannister Jerry, « Atlantic Canada in an Atlantic World? Northeastern North America in the Long 18th Century », Acadiensis, vol. 43, no 2, 2014, p. 16.
118 Harland-Jacobs Jessica L., « Incorporating the King’s New Subjects: Accommodation and Anti-Catholicism in the British Empire, 1763-1815 », Journal of Religious History, vol. 39, no 2, 2015, p. 203-223.
119 ANOM COL F317, Mémoire de Mr. Roume de Saint-Laurent, 22 février 1774, f. 315v.
120 ANOM COL E 66, Lettre de François Cazaud de Roumillac au comte de Durat, 12 novembre 1781, f. 243.
121 ANOM COL F317, Lettre de François Cazaud de Roumillac au comte de Durat, 12 novembre 1781, f. 243.
122 TNA CO 101/26, Mémoire des nouveaux sujets de la Grenade, 27 février 1786, f. 294.
123 TNA CO 101/27, Extrait d’une lettre datée du 1er avril 1787, f. 162.
124 TNA CO 101/33, Lettre du gouverneur Ninian Home à Charles Grey, 25 août 1794, f. 225.
125 TNA CO 103/2, Acte pour établir une milice pour la défense de l’île, 28 avril 1767, f. 46.
126 TNA CO 101/32, Pétition des habitants libres de couleur de la Grenade, 10 janvier 1792, f. 95-96v.
127 Bagneris Amanda Michaela, Coloring the Caribbean: Agostino Brunias and the Painting of Race in the British West Indes, 1765-1800, thèse de doctorat, Cambridge, Mass., université de Harvard, 2009, p. 19 ; Bindman David, « Representing Race in the Eighteenth-Century Caribbean: Brunias in Dominica and St Vincent », Eighteenth-Century Studies, vol. 5, no 1, 2017, p. 1-21.
128 Cox Edward L., « Fedon’s Rebellion 1795-96: Causes and Consequences », The Journal of Negro History, vol. 67, no 1, 1982, p. 13.
129 McMahon Francis, A Narrative of the Insurrection in the Island of Grenada in the year 1795, etc, Grenade, Printed by John Spahn, 1823, p. 38.
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