La Jeunesse étudiante chrétienne après Mai 68
Que faire de sa vieille Bible ?
p. 131-144
Texte intégral
1Lorsqu’éclatent les événements de Mai-juin 1968, la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC) a perdu l’essentiel de sa force militante au sein du monde scolaire et universitaire. Elle est devenue un mouvement mixte, essentiellement lycéen, la branche universitaire ayant été rattachée à la Mission étudiante, en 19661. Il est organisé en groupes, éparpillés dans des établissements scolaires, auxquels la direction nationale s’efforce de fournir des outils de formation et d’étude. Par exemple, cet ouvrage diffusé vers 1973 sous le titre Clés pour Saint-Marc, qui devait aider les militants dans la lecture de l’Évangile et dans lequel on trouve cette formule : Il « structure toute notre existence, il marque en fait toute nos attitudes, tous nos comportements, nos réactions, nos actions aussi, il est présent dans le moindre recoin de notre être et de l’être des groupes qui constituent notre société2 ».
2Qui ça ? Qui structure toute notre existence ? Dieu répondrait-on spontanément dans un mouvement d’Action catholique spécialisée. Et pourtant ce « Il », sujet de la phrase, c’est le domaine politique. C’est lui – le politique – qui envahit toutes nos existences, collectives ou individuelles. « Tout le Christ dans toute la vie » disaient les jécistes des années trente. « Tout le politique dans toute la vie », semblent leur répondre leurs cadets dans années soixante-dix. Dans ces conditions, à quoi la lecture, la méditation, l’étude de la Bible peuvent-elles encore servir ? Question fondamentale s’il en est, pour un mouvement d’éducation catholique qui s’adresse à des apprentis intellectuels. Elle se double naturellement d’une autre : quelle méthode de lecture adopter pour comprendre le texte biblique et en rendre compte ? La réponse pouvait paraître évidente puisque l’une des originalités des mouvements de jeunesse avait été de promouvoir la lecture et la méditation de l’Évangile, seul ou en groupe. Dans ce dernier cas, l’aumônier était généralement présent, éclairant ses auditeurs mais sans dispenser un cours d’instruction religieuse. De sorte que les jeunes militants pouvaient avoir le sentiment d’apprendre par eux-mêmes, sans subir d’endoctrinement. Or, au lendemain de Mai 68, les équipes dirigeantes conviennent que ce mode de lecture collective trahit le texte et le rend inopérant, qu’il faut s’y prendre autrement.
3Par conséquent, les deux questions que je traite se sont posées aux jécistes avec acuité. Les réponses ont varié et pour suivre leur évolution, il est possible de suivre un balayage chronologique en trois étapes. La première, de 1968 à 1971, correspond à un temps de tâtonnement, au cours duquel l’équipe nationale cherche une méthode pour comprendre la Bible sans la pervertir. Elle pense en avoir trouvé une vers 1972, dans les travaux d’un prêtre défroqué, Fernando Belo. Cette méthode s’impose largement jusqu’en 1976 environ et permet de dégager une lecture socialement et religieusement subversive. Ensuite s’opère une prise de distance avec cette démarche et un intérêt renouvelé pour une approche spirituelle des Écritures3.
À la recherche d’une méthode pour lire la Bible (1968-1971)
4Dans l’été 1969, l’une des équipes de la JEC qu’accompagne l’abbé Michel Clévenot4 – l’équipe nationale Ado en charge des collégiens – se retrouve pour rédiger une brochure à destination des animateurs de la branche. Le travail avance bien jusqu’à ce que l’on en vienne aux chapitres consacrés à la révision de vie et à la prière. « Nous nous sommes aperçus que nous n’avions plus grand chose à dire », témoignera l’un des membres5.
5Le constat était grave. L’Action catholique a fondé son succès sur sa capacité à mobiliser les jeunes dans une action fondée sur une redécouverte partagée des textes bibliques. Après-guerre s’est diffusée la pratique de réunions dénommées « révisions de vie » ; les jécistes y confrontaient leur expérience de vie à l’idéal évangélique. Par exemple, en 1968, Michel Clévenot expliquait qu’il demandait à chaque participant d’inscrire sur un papier une action à laquelle il avait participé récemment. Ensuite, le groupe cherchait ce que chacune avait apporté à la vie du lycée. Alors, le prêtre replaçait ces initiatives dans le dessein de Dieu, utilisant éventuellement un passage biblique6. Par cet exercice, l’équipe relisait collectivement l’expérience de chacun de ses membres, en la confrontant aux valeurs chrétiennes, afin de porter un jugement7.
6Or, la révision de vie connaît un brutal déclassement après les événements de Mai. Le même abbé Clévenot écrit par exemple au printemps 1969 :
« Admettons que toutes les équipes sont attentives à la vie quotidienne et apportent aux réunions un ou des faits assez précis. […] Supposons encore que tous font l’effort de s’arrêter longuement au “juger” et qu’ils ont compris qu’il ne s’agit pas de distribuer des étiquettes : “c’est bien” ou “c’est mal”. Que se passe-t-il alors ? Implicitement, bien des équipes se réfèrent souvent à un système de valeurs : elles évoqueront, par exemple, “le bien commun”, “la personne humaine”, “la liberté”, surtout individuelle, ou encore “la paix”, “la justice”, “l’ordre”, etc… Or il faut bien voir que cet ensemble de notions, systématisé dans ce que l’on a appelé “la doctrine sociale de l’Église”, constitue, à proprement parler, une “idéologie”, et qu’à ce titre, elle peut relever d’une analyse de type marxiste, qui n’aura pas de mal à démonter qu’elle est l’expression de la classe dominante. En somme, par le biais de prétendues révisions de vie, il n’est sans doute pas rare, je le crains, que nous ne fassions que renvoyer les jeunes à un code socioculturel. Or, c’est à l’Évangile qu’il faut se référer, et ce n’est pas la même chose ! […] Faute de quoi, des militants formés à se référer inconsciemment à une idéologie, lorsqu’ils seront affrontés par leurs engagements à des problèmes vraiment graves, se verront obligés de critiquer “l’idéal” au nom duquel ils s’étaient mis en marche8. »
7Sur le fond, l’abbé ne s’attaque pas à une question d’ordre méthodologique mais plutôt épistémologique. Il fait preuve d’une ambition considérable : porter sur la parole biblique un regard rationnel d’une part, lui rendre sa dimension politique d’autre part, tout en conservant sa force spirituelle enfin. L’enjeu est apostolique : à l’instar des apologistes antiques, il espère donner à la Bible une nouvelle crédibilité auprès de l’avant-garde militante, en la faisant lire à partir des concepts intellectuels de son temps. Il est aussi politique. Le souci de désembourgeoiser le christianisme pour le rendre audible à toute la jeunesse et d’éviter qu’elle ne verse dans l’athéisme en rejetant l’ordre libéral correspond à une ambition intrinsèque à la JEC ; il animait déjà les fondateurs du mouvement. Mais, dans son projet initial, il s’agissait de promouvoir, en réponse à la société libérale issue de l’industrialisation, une société juste et harmonieuse, inspirée de la doctrine sociale de l’Église, c’est-à-dire d’un ensemble de considérations que l’on considérait comme détachées du débat politique. S’ajustant sur celle-ci, la JEC promouvait des évolutions sociales, déduites de la confrontation entre l’observation des faits – qu’elle menait – et l’idéal évangélique. Ce qui n’était pas à considérer comme une action politique qui aurait compromis l’Église en raison du mandat d’Action catholique. À l’encontre de cette vision, l’abbé Clévenot intègre la doctrine sociale de l’Église et le « voir-juger-agir » dans le champ politique ; il accepte même que l’on puisse les dénoncer comme des instruments de domination idéologique, à partir d’une lecture marxiste. Ce faisant, il reconnaît la légitimité de ce paradigme. L’action de la JEC, notamment son mode de lecture de la Bible, est jugée porteuse d’une charge politique, qu’il convient de reconnaître. Au contraire, en refusant l’abandon d’une lecture « bourgeoise » de l’Évangile pour une autre, plus fondée scientifiquement et plus tournée politiquement vers la justice humaine, l’Église elle-même se compromettrait en faveur du conservatisme et dévoierait le message biblique9.
8La démarche de l’aumônier s’inscrit dans celle des dirigeants nationaux, au moins d’une partie d’entre eux, ébranlés par les évènements de Mai-juin 68 – intervenus quelques semaines après leur accession aux responsabilités – et confrontés à la difficulté de véhiculer la Bonne nouvelle à partir de méthodes et d’un vocabulaire jugés déclassés. Ce sont d’ailleurs des laïcs – l’équipe nationale de la branche lycéenne (Aînés) – qui formulent une autre accusation, dans la même revue : celle du cléricalisme déguisé que sous-tend la démarche qui consiste à décider ce que l’on doit faire (agir) à partir d’une réflexion, en partie religieuse, (juger) portée sur une situation (voir).
« Nous sortons d’une période où les mouvements d’Action catholique proposaient des activités non à partir d’une analyse politique ou d’une analyse tout court de la situation, mais en fonction des nécessités de l’apostolat et du besoin d’offrir un champ d’application de cet apostolat. Sans que cela ne soit jamais conscient, les campagnes d’année étaient souvent motivées, non pas par la nécessité de transformer le monde scolaire, mais par la volonté de l’évangéliser et de rendre la révision de vie possible. À côté du monde séculier, on créait un autre univers, d’apparence séculière, en fait clérical10. »
9L’équipe est allée au bout de sa logique. Au printemps 1970, le mouvement tient à Amiens un Conseil national essentiel, à l’issue duquel le marxisme est reconnu comme base d’analyse scientifique des faits économiques, sociaux, politiques. Cela ne transforme pas les militants de la JEC en membres d’un courant politique extrémiste et athée. C’est l’outil scientifique que choisissent les jécistes : la doctrine philosophique, historique, économique qui leur semble être la plus fiable et la plus opérante, y compris pour lire la Bible. Les dirigeants jécistes sont conscients de l’impartialité de leur choix et des limites de l’analyse marxiste. Ils savent qu’à réfléchir ainsi, ils promeuvent un type de société, une transformation radicale qu’ils estiment juste. Ils considèrent aussi qu’à ne pas se donner une orientation politique explicite, ils se compromettent eux aussi dans un silence complice vis-à-vis de l’ordre établi. Le choix ne s’est pas imposé sans crise ni déchirement. Si la direction a tenu à le faire, c’est qu’elle constatait et refusait l’éclatement du mouvement en une multitude de petites communautés autonomes, aux vécus trop différents, à l’instar de ce que devenait l’Action catholique universitaire.
10Dans la mesure où ils rejetaient un mode de lecture de la Bible mais voulaient continuer à la faire lire, les dirigeants jécistes devaient inventer et proposer aux équipes locales une autre approche. À la rentrée 1969, l’équipe nationale Ado fonde une commission d’étude, destinée à la lecture de la Bible, qu’elle appela pour un temps « commission nom de Dieu ». Aux premiers temps, la méthode n’est guère révolutionnaire. Dans leurs réunions bihebdomadaires, les jécistes confrontent leurs soucis militants avec un passage de l’Ancien Testament, ce qui ressemble encore à une révision de vie. La nouveauté tient à une tentative d’approche scientifique du texte : les concepts employés sont remis dans leur situation historique à partir de méthodes déployées par Huub Oosterhuis dans la préface de Quelqu’un parmi nous11 et Gherard von Rad12 dans ses travaux vétérotestamentaires. L’énoncé de ces noms appelle plusieurs remarques. D’abord, il s’agit de deux théologiens, preuve que l’intelligence catholique est encore reconnue comme légitime, au moins sur ce sujet. Deuxième remarque, ce sont des théologiens originaux. Sans être révolutionnaires, leurs démarches détonnent dans le champ théologique. Troisième remarque, ce sont des théologiens européens mais non français, signe du « rapide épuisement de la créativité théologique française au lendemain de Vatican II13 » mais aussi d’une certaine disqualification, aux yeux de cette génération militante, des théologiens préconciliaires qui avaient tant inspiré leurs aînés.
11C’est que faute de se fonder sur de méthodes rationnelles, les enseignements cléricaux sont dénoncés comme ineptes, insipides et « idéalistes » c’est-à-dire « coupés du réel14 ». La revue de réflexion de la JEC l’affirme clairement :
« Les affirmations théologiques de l’Église sur Jésus-Christ nous apparaissent distantes, énoncées plus qu’annoncées. Elles sont dites plus qu’elles nous disent quelque chose. La vie de ce Jésus de Nazareth demande à être saisie telle qu’elle s’est déroulée dans le cadre du judaïsme. Il importe extrêmement de savoir qui Jésus a été, ce qu’il a dit, ce qu’il a fait15. »
12Pour autant, le choix d’une lecture de la Bible à visée politique n’écarte pas une lecture spirituelle. Dans leur quête d’herméneutique, les jécistes refusent d’aborder le texte biblique de manière trop rationnelle :
« Certains modernes se sont imaginés qu’ils pourraient faire l’électrolyse de cette information, de manière à isoler, sur un pôle, les ajouts et les superstructures de la foi, et sur l’autre un résidu historique objectif qui circonscrirait très exactement le fait Jésus. Ce rêve opératoire n’a pas plus de sens scientifique que celui des alchimistes du Moyen Âge. L’un et l’autre méconnaissent la nature propre et la structure profonde de la matière qu’ils prétendent traiter16. »
13Ainsi, il reste admis qu’un texte biblique est d’une nature spécifique et qu’une étude purement profane le vide de sa substance17. Elle l’étouffe alors que les jécistes cherchent à en raviver la flamme. Même ainsi tempérée, la méthode historico-critique apparaît cependant vite comme insuffisante. Il lui manque une dimension politique.
La Bible, source de subversion (1972-1976)
14À défaut de trouver une méthode de lecture à sa convenance, entrant dans le cadre conceptuel structuraliste ou marxiste, l’équipe nationale va la forger elle-même. L’opportunité lui en est donnée lors d’une réunion organisée vers 1972. La JEC y donne la parole à Giulio Girardi, prêtre italien salésien, spécialiste du dialogue avec l’incroyance et le marxisme, privé d’enseignement à Rome18. Mais ce jour-là c’est un autre participant qui se fait remarquer : Fernando Belo y présente sa méthode d’étude des textes bibliques ; il rencontre un écho immédiat. « C’était cela que nous cherchions ! » confiera Michel Clévenot. « Pendant trois ans nous avons travaillé avec lui, lui permettant, par là même, d’essayer ses analyses sur un auditoire, de les préciser, d’en affiner l’énoncé19. »
15Fernando Belo est un ingénieur portugais devenu prêtre et entré en conflit avec le patriarche de Lisbonne Manuel Gonçalves Cerejeira. Exilé à Louvain, puis à Paris où il adhère au groupe Échanges et dialogue avant de devenir mari et père, il s’intéresse aux soubresauts révolutionnaires en Amérique latine et à la théologie de la libération, et ressent le décalage entre ces initiatives – qu’ils jugent libératrices – et la foi telle qu’elle est vécue en Occident – qui lui semble favoriser l’injustice et le conservatisme. Cherchant à dépasser cette incohérence, Belo s’initie aux auteurs de la french theory qui sapent les bases anthropologiques sur lesquelles l’Église fondait son discours20. On a pu souligner à juste titre que les théologiens français postconciliaires avaient négligé ces recherches21. Belo, lui, s’y adonne. Ses lectures lui inspirent des méthodes, des concepts et des outils d’analyse. Par exemple, adaptant le sigle S/Z de Barthes22, il résume son programme par le sigle C/X pour signifier sa volonté de confronter une pratique religieuse fondée sur la lecture de l’Évangile de Marc (d’où le C) et la pratique révolutionnaire issu de la théorie de Marx (d’où le X).
16Et de fait, c’est l’Évangile de Marc que choisit d’étudier la nouvelle commission biblique de la JEC, réunie autour de Michel Clévenot et de Fernando Belo. La méthode employée – en construction et directement inspirée de ce dernier – est dite « matérialiste ». Elle ne se résume pourtant pas au matérialisme historique mais emprunte à la démarche historique, aux sciences du langage et au structuralisme. Le groupe biblique la pratique en deux temps : d’abord, il rappelle systématiquement les conditions dans lesquelles le texte a été rédigé et celles dans lesquelles une scène biblique a été vécue. Puis il mène une lecture structurale du texte, cherchant à y déceler les enjeux de pouvoir. « Nous dépassons les vieilles méthodes de lecture de l’Évangile, dont le seul résultat était de réentendre l’idéologie dominante23. » savoure Michel Clévenot qui estime qu’en étudiant le texte pour lui-même et indépendamment de son sens religieux, on peut enfin s’émanciper des présupposés qui en biaisaient jusqu’alors la lecture et en évacuait toute la dimension révolutionnaire. Sa conclusion est radicale : « La pratique de Jésus […] nous est présentée comme une bonne nouvelle, comme “bonne nouvelle” en ceci qu’elle est subversive de l’ordre social dominant24. »
17Ce travail aboutit à la rédaction d’une brochure intitulée Clé pour Saint Marc25. Son contenu confirme l’abandon de l’apolitisme que l’épiscopat tentait d’imposer à l’Action catholique depuis les origines : « Il nous semble que la Bonne nouvelle de Jésus a un contenu politique que l’on ne saurait négliger ou interpréter n’importe comment. » Ne pas en tenir compte « revient à la vieille distinction spirituel-temporel, au pseudo apolitisme de la sphère religieuse, dont on sait à quelles compromissions avec les pouvoirs établis il a mené ».
18Le rapport moral adopté lors du conseil national tenu à Orléans en 1973 laisse entrevoir un autre aspect de cette lecture politique de la Bible. « Pourquoi cet homme nous intéresse-t-il ? », interroge alors le texte. Sa réponse est double.
19D’une part, Jésus est un modèle pour le jéciste.
« La vie de Jésus apparaît tout entière celle d’un homme pour les autres, attaché en premier lieu à la libération des opprimés. Et il accepte toutes les conséquences de cet affrontement jusqu’à la mort. […] Ses actes et ses paroles sont cohérents jusqu’au bout, et le sens de sa mort ratifie celui qu’il a donné à toute sa vie. »
20Il porte le témoignage d’une libération concrète et collective de l’homme.
« Spontanément, nous nous trouvons un certain nombre de points de rencontre avec la pratique et le message de Jésus. Par bien des pages de l’Évangile et bien des thèmes fondamentaux de sa vie, nous, jeunes de 1973, nous nous reconnaissons proches de lui : la libération de l’homme, le combat pour la justice, la volonté de créer un monde nouveau, l’aspiration à restaurer une vie pleinement humaine26. »
21Jusque-là, la vie du Christ peut être lue comme le fondement d’un militantisme révolutionnaire. Mais le texte va plus loin et reconnaît que la transformation espérée n’est pas seulement de ce monde. « L’homme est appelé à la liberté, à briser les tabous, les peurs, les échecs, les déterminations, la finitude. […] Jésus va jusqu’à désenclore l’homme de la limite radicale, la mort. » En ce sens, la résurrection n’est pas un miracle mais une promesse d’accomplissement : elle montre que la libération de l’homme est collective et totale, c’est-à-dire qu’elle ne se limite pas aux aspects matériels de l’existence. Arguant que Dieu a refusé tout pouvoir, le rapport postule que la libération réelle n’est finalement pas politique mais existentielle. Considérant que Jésus a refusé de se faire chef, il conclut que chacun est libre de réaliser – ou non – sa libération et de choisir sa voie pour le faire. Enfin, il rappelle la dimension surnaturelle de l’existence en montrant que par ses actes comme par ses propos, Jésus a témoigné du fait que la libération humaine ne peut être immédiate ni se limiter aux dimensions terrestres.
22Ainsi, les dirigeants jécistes conservent-ils un horizon surnaturel. La transformation politique peut être un moyen, elle ne saurait constituer une fin. Ce choix sous-tend le refus d’absolutiser tout mode d’organisation humaine et une méfiance toujours vive envers toute forme de domination institutionnelle. Finalement, cette lecture des textes saints accompagne la JEC dans son adhésion à l’autogestion à la deuxième gauche. Et pourtant les temps changent.
Une lecture en voie de dépolitisation (après 1976)
23Le 3 octobre 1975, invité de l’émission Apostrophe, Michel Clévenot – qui avait quitté la JEC comme le sacerdoce – se voit vivement reprocher par Maurice Clavel de compromettre le christianisme avec le marxisme, alors même que cette idéologie se meurt dans ses apories. Ce même plateau avait accueilli, le 11 avril, Aleksandr Soljenitsyne pour qu’il présente L’archipel du goulag. On assiste alors à la fin de la suprématie paradigmatique du marxisme. En janvier 1976, c’est au tour des évêques de dénoncer publiquement cette philosophie. Mgr Matagrin rejette « une voie qui n’a jamais débouché sur autre chose que sur le totalitarisme27 ». Il est bientôt suivi par le cardinal Marty, archevêque de Paris, par Mgr Etchegaray président de la conférence épiscopale28, et par le Conseil permanent de l’Épiscopat. De leur côté, plusieurs théologiens dénoncent les insuffisances de l’ouvrage que Fernando Belo a tiré de ces années recherche29.
24Ces interventions correspondent à un raffermissement de la parole épiscopale. En un temps très bref, l’Église de France réaffirme ses conceptions traditionnelles sur des sujets de société, s’offre une nouvelle visibilité, remet à l’honneur des temps de prière ou d’effusion partagées et des sacrements en voie de dépréciation. « La crise catholique de la société française » telle que l’a définie Denis Pelletier laisse place à un retour identitaire bientôt conforté par l’élection de Karol Wojtyla sur le trône de Pierre. Le milieu des années soixante-dix correspond, pour le catholicisme français, à ce que Gérard Cholvy a opportunément repéré comme un « tournant spirituel et intellectuel30 ».
25Mouvement chrétien et intellectuel, la JEC ne pouvait que ressentir ce double virage. Encore fallait-il qu’elle l’accepte et l’intègre. Or, pour elle, l’année 1975 correspond à la nomination d’un nouvel aumônier national, en la personne de Gérard Sindt. Les raisons et les conditions de sa nomination n’ont pas été sondées. Mais l’aumônier de lycée à Sarreguemines est un adepte de la révision de vie et un connaisseur des Saintes Écritures31. Il complète d’ailleurs la formation théologique et exégétique qu’il a reçue à Rome et Jérusalem, en s’inscrivant à l’École pratique des Hautes études en 1976-1978. Sous son impulsion, les responsables nationaux prennent progressivement leurs distances avec la lecture matérialiste de la Bible. La session nationale qui se tient en décembre 1976, à Bièvres, offre l’occasion d’un bilan critique, en présence de Michel Clévenot, à propos de cette méthode32. L’abbé Sindt le reprend quelques mois après et constate :
« On assiste depuis quelques temps dans le mouvement à une sorte d’essoufflement, à la fin d’un engouement qui aurait pu laisser croire que tout était gagné. On peut constater que ceux qui pratiquaient le plus assidûment la lecture biblique sont menacés de saturation et posent des questions nouvelles33. »
26Sous forme de prudentes interrogations, des écueils inhérents à la démarche sont exprimés par l’équipe nationale. Le premier pointé tient à la rigidité de l’exercice : « C’est une lecture qui se présente avec ses grilles, ses codes. Ne risque-t-elle pas de devenir une lecture totalitaire ? de s’imposer comme un fait d’avance34 ? » Deuxième reproche : la lecture matérialiste de la Bible est difficile. Outre une bonne culture biblique, elle nécessite de maîtriser la méthode historique et l’analyse structurale, ce qui semble compliqué lorsque l’on garde en mémoire que le mouvement s’adresse alors essentiellement à des lycéens. Pour évidente qu’elle soit, cette remarque constitue une charge sévère car elle laisse entendre que l’aîné qui mène la réunion peut alors se trouver en situation de mandarin, profitant de l’insuffisance de ses auditeurs pour leur inculquer ses propres valeurs sans respecter leur libre arbitre et en brimant leur spontanéité. Par ailleurs, l’équipe restaure un champ religieux, qui échappe au tout politique :
« Il reste des questions qui ne sont pas forcément idéalistes, ni intellectuelles, ni bourgeoises, telles que la prière, le Père, l’esprit, le pardon, l’amour, la mort. En quels termes peut-on parler de tout cela ? On peut encore poser la question autrement : est-ce qu’en abandonnant une lecture de l’Évangile située dans l’idéologie dominante, on ne risque pas d’abandonner le tout ou partie de l’Évangile ? Est-ce qu’on n’évacue pas, par l’approche matérialiste, l’histoire sainte dans laquelle Jésus s’insère ? […] Est-ce qu’on fait disparaître cette histoire sainte derrière l’histoire de la lutte des classes ou bien est-ce que ces deux “réalités” s’articulent dans une même histoire35 ? »
27Enfin, la pertinence épistémologique même d’une lecture marxiste est contestée aux motifs qu’elle semble peu appropriée à la compréhension du monde précapitaliste de la Bible et qu’elle surestime l’importance des critères économiques. Mais le grief principal fait à la démarche est de trop lier une méthode scientifique à un projet politique. L’abbé Sindt conserve l’approche rationnelle des écrits bibliques, il tente d’en évacuer l’essence politique.
28Autour de lui se met ainsi en place un nouveau groupe d’étude biblique, qui poursuit l’examen la première lettre de Paul aux Thessaloniciens. Pour bien marquer sa prise de distance avec le marxisme, il renonce à l’épithète « matérialiste » et parle d’une lecture « réaliste ». Derrière cette nouvelle dénomination se cache un mode de lecture qui mêle les approches historique, structurale et linguistique. Ce travail débouchera à son tour sur une synthèse intitulée Ces chrétiens d’avant les Évangiles : une lecture de la première lettre de Paul aux Thessaloniciens36.
29Le choix de ce texte n’était pas anodin. Il s’agissait de comprendre comment Paul a organisé l’une des premières communautés chrétiennes, considérées comme un embryon de l’Église. L’étude devait nourrir les critiques vis-à-vis de l’institution telle qu’elle est devenue, permettre de dénoncer la trahison des clercs. Or ce n’est pas le résultat auquel aboutit la commission. La conclusion de l’ouvrage relève que Paul conseille à ses interlocuteurs d’imiter leurs précurseurs. Ce qui signifie que dès l’origine, l’Église se réfère à une tradition. Il faut le souligner, l’ouvrage est rédigé en 1979, c’est-à-dire lorsque la JEC célèbre ses cinquante ans d’existence et choisit, à cette occasion, de faire témoigner d’anciens militants pour mieux connaître son passé, pour y puiser quelques repères facilitant ses choix contemporains. Dans cette ambiance intellectuelle, les rédacteurs peuvent également réhabiliter la Tradition, au sens catholique du terme. « Elle a été et reste porteuse d’interrogations pour la pratique sociale des diverses générations37. »
30Dans la plus pure tradition de l’Action catholique, l’ouvrage explique encore : « La foi est une pratique : loin d’être un discours abstrait, elle se mesure à la vie concrète, à un certain comportement38. » Simplement voilà, voulant recenser les pratiques sociales que Paul a imposées à cette communauté, les auteurs relèvent : l’amour fraternel, le travail manuel, le refus de l’inceste. De belles recommandations, certes, et qui singularisaient alors les chrétiens dans la société du premier siècle ; mais les auteurs avouent : « pour nous, il est difficile de discerner en quoi cette manière de vivre a joué un rôle moteur dans le progrès social de l’ensemble de la société39 ». Comme si les premiers chrétiens n’étaient pas forcément engagés dans un processus de transformation sociale. Comme si leur contribution au salut était d’une autre nature. L’ouvrage s’achève alors sur une réhabilitation des nourritures spirituelles :
« Il y aurait aussi à évaluer le rôle de la foi et des valeurs véhiculées par Paul ; en particulier l’accentuation de l’espérance de la “venue” de Jésus. Si l’analyse réaliste nous porte à voir ces affirmations en termes fonctionnels (c’est-à-dire à chercher le rôle social qu’elles jouent), il est plus difficile de voir le rôle de stimulant qu’elles ont pu jouer dans une pratique éventuelle de libération sociale. Il n’est pas certain que cette espérance ait constitué une simple fuite en avant ou un idéalisme démobilisateur. Elle a dû permettre au groupe de trouver des voies nouvelles pour vivre ensemble. »
Conclusion
31Dans ce rapide panorama des différentes manières d’approcher la Bible qui ont été déployées dans ces années soixante-dix, on peut repérer une dynamique40. La lecture des textes bibliques à la messe relève d’une écoute passive, suite à laquelle l’auditeur reçoit l’interprétation donnée par le clerc ; lors de la révision de vie les auditeurs vont plus loin, en portant des « faits de vie » et l’aumônier les aident à les reconsidérer à la lumière des textes bibliques. Ces deux formes de lecture normative connaissent un déclassement dans les mois qui suivent les événements de Mai. Les jécistes – pas tous et pas seulement eux – cherchent dès lors une lecture du texte biblique qui en permette une réappropriation par le lecteur, une sorte de coconstruction/réinvention du sens. Elle doit accompagner l’émergence d’une autre forme de présence chrétienne au monde, décléricalisée, scientifiquement fondée et politiquement engagée : un christianisme révolutionnaire. À la faveur du renouvellement des dirigeants et des aumôniers, ce projet se fait moins hégémonique et les modes de lecture bibliques plus hétérogènes : ni retour à la révision de vie, ni maintien de l’analyse politico-scientifique, la lecture biblique semble prendre la forme de partages plus apaisés à la fin de la période.
32Au-delà des découpages chronologiques retenus, on peut dégager quelques permanences. D’une part, la lecture biblique, pratiquée depuis les origines, n’a jamais été abandonnée ; sans doute parce que les équipes dirigeantes ont constamment cherché à la crédibiliser en lui donnant une assise adaptée et incontestable, assise qui ne fut ni consensuelle, ni pérenne cependant. Une autre continuité tient au fait que son objectif reste d’être au service de l’action militante. Depuis l’origine de l’Action catholique, la lecture biblique devait servir la mise en cohérence entre la foi et la vie, notamment militante. Mais alors que l’ordonnancement des termes « voir, juger, agir » prônait de confronter l’observation de la réalité et l’expérience humaine à la Bible – telle que le catholicisme l’interprétait – avant de militer, les modes de lecture des années soixante-dix interrogent la Bible à partir de la pratique, à l’aide d’un appareillage technique plus ou moins élaboré. Cela leur permet de trouver une légitimité religieuse à leur engagement militant, mais aussi à leur choix de vie privée, puisque celui-ci aussi est aussi considéré comme un acte politique.
33En l’état des connaissances, on peine, faute d’études approfondies, à mesurer l’appropriation par les jécistes de ces méthodes vulgarisées par divers outils d’accompagnement (ouvrages, fiches, sessions de formation). De toutes, c’est sans conteste la lecture matérialiste de la Bible qui semble avoir rencontré le plus d’écho dans et hors du mouvement41. L’équipe nationale la promeut particulièrement au milieu des années soixante-dix. Cela ne nous renseigne pas sur la proportion de groupes qui s’en sont saisis à la base. On ne sait pas davantage si elle a consolidé la foi des militants, si elle leur a permis d’en assurer la cohérence avec leur engagement militant ou avec leur vie privée, si elle a facilité la sécularisation de l’un et de l’autre, comme un sas de sortie en douceur de la religion42.
34A priori, rien n’indique que cette relecture de l’Écriture permette l’autonomisation du sujet, tant elle est encadrée : elle doit se mener à partir d’une méthode ardue, ce qui donne à celui qui en a la maîtrise la place d’un nouveau tuteur ; elle se fait au sein d’un groupe, ce qui exerce une pression sur l’individu, sans doute moins bienveillante qu’elle ne l’était lors de la révision de vie. Cependant, toutes ces manières de lire la Bible restent porteuses de repères, qui permettent la construction de la personnalité. En s’imprégnant de ces récits anciens qui l’appellent à une relation personnelle et consentie avec son Dieu, le jéciste ne pouvait négliger, dans son projet politique, la liberté de l’individu. Précieux garde-fou à l’heure où les idéologies totalitaires séduisaient. En outre, face à sa révolte devant les injustices dont il prenait conscience et que le mouvement lui présentait comme la conséquence d’un système de domination, la Bible lui offrait un mode de réaction, de subversion. De moins en moins dans le domaine économique ou politique, mais davantage de l’ordre du symbolique, de l’éthique, de l’anthropologique même. Après tout c’est à la domination mystico-religieuse du sanhédrin ou des scribes que Jésus s’en prenait, pas à l’Empire romain ; par la Pâques, il a ouvert un horizon surnaturel, une espérance. Cette perspective pouvait stimuler l’action militante tout en en dessinant les limites. La véritable béatitude serait d’un autre ordre et elle échapperait aux hommes, de sorte qu’il ne fallait pas espérer s’engager dans la construction d’un paradis terrestre. Autre antidote précieux à tout projet totalitaire. Si l’on mesure la fécondité de telles découvertes à l’adolescence, susceptibles de fonder un choix de vie, on comprend alors que pour les jécistes, travailler et méditer les Écritures saintes pouvait prendre du sens et que, vraiment, il leur fallait conserver et utiliser leur vieille Bible.
Notes de bas de page
1 Sur l’Histoire de la JEC durant cette période, Prudhomme Claude, « Les jeunesses chrétiennes en crise (1955-1980) », dans Pelletier Denis et Schlegel Jean-Louis (dir.), À la gauche du Christ. Les chrétiens de gauche en France de 1945 à nos jours, Paris, Seuil, 2012, p. 323-340. Giroux Bernard, La Jeunesse étudiante chrétienne, des origines aux années soixante-dix, Paris, Cerf, 2013.
2 Secrétariat national de la JEC, Clés pour Saint-Marc, s. d. (1973).
3 Sans surprise, on constatera que la chronologie est très proche de celle dressée par Yvon Tranvouez à propos de la Lettre (Tranvouez Yvon, « La question théologique dans l’extrême gauche catholique en France 1968-1978 », dans Avon Dominique et Fourcade Michel [dir.], Un nouvel âge de la théologie ? 1965-1980. Colloque de Montpellier, juin 2007, Paris, Karthala, 2009, p. 165-179).
4 Brève biographie dans Barbiche Bernard et Sorrel Christian (éd.), La Jeunesse étudiante chrétienne (1929-2009), Chrétiens et sociétés, no 12, Lyon, 2011, p. 251-252. Voir aussi son autobiographie : Clévenot Michel, Haut-le-pied. Itinéraire d’un homme de foi, Paris, La Découverte, 1989.
5 Une lecture de la Bible, brochure éditée par la JEC, 1970.
6 Clévenot Michel, Jeunes chrétiens du monde scolaire. Action et évangélisation, Paris, Centurion, 1969, p. 50.
7 Sur la révision de vie, voir les réflexions de Yann Raison du Cleuziou dans sa communication, Transformer la société et réinventer l’Église. Les enjeux de l’histoire des mouvements de jeunesse de l’Action catholique entre 1965 et 1979, ainsi que celles de Bernard Giroux et Vincent Flauraud dans les conclusions.
8 Dialogue, mai 1969. L’article est la recension d’un ouvrage, écrit par deux anciens responsables jécistes – démissionnaires lors de la crise de 1965 et passés par la Jeunesse universitaire chrétienne (JUC) – qui dénoncent l’Action catholique (Poulain Claude et Wagnon Claude, L’Église. Essai de critique radicale, Paris, Éditions de l’Épi, 1969).
9 Dialogue, mai 1969.
10 Ibid.
11 Né en 1933, ce prêtre, poète et théologien jésuite néerlandais, a présenté sa méthode dans la préface de son livre Quelqu’un parmi nous. Il s’est retiré de l’ordre jésuite et du diocèse de Haarlem en 1969, pour se marier le 25 avril 1970 (Oosterhuis Huub, Quelqu’un parmi nous, Paris, Desclée et Cie, 1968).
12 Gerhard Von Rad est un pasteur luthérien allemand qui a fait paraître les deux volumes de sa théologie de l’Ancien Testament à Munich en 1957-1960 ; le premier a été traduit en français en 1963 et le second en 1967. Sa méthode de travail est résumée dans un chapitre, de manière simple et accessible. Elle consiste en une contextualisation historique des concepts et des notions employés (Von Rad Gherard, Théologie de l’Ancien Testament, Genève, Labor et Fides, vol. 1 : Théologie des traditions historiques d’Israël, 1963, vol. 2 : Théologie des traditions prophétiques d’Israël, 1967).
13 Fouilloux Étienne, Une Église en quête de liberté. La pensée catholique française entre modernisme et Vatican II 1914-1962, Paris, Desclée de Brouwer, 1998, p. 12.
14 Recherches JEC, no 3-4, s. d. (1972).
15 Ibid.
16 Ibid.
17 Plusieurs ouvrages offrent alors aux travaux de Rudolf Bultmann une certaine notoriété (Bultmann Rudolf, Jésus. Mythologie et démythologisation, Paris, Seuil, 1968 et Comprendre Bultmann. Un dossier, Paris, Seuil, 1970).
18 Don Giulio Girardi a été professeur d’histoire de la philosophie et de la métaphysique à la faculté salésienne de Turin et expert au concile Vatican II. En 1969, il a été évincé de la chaire d’enseignement d’ontologie qu’il occupait à l’Athénée salésien de Rome. Installé à Paris, il est professeur à l’Université catholique : il enseigne l’anthropologie à la faculté de philosophie et le marxisme à l’Institut des sciences et théologie des religions. Il s’initie alors à la théologie de la libération.
19 Clévenot Michel, Lectures matérialistes de la Bible. Dialogues d’Histoire ancienne, no 7, 1981, p. 181. Sur les méthodes matérialistes pour relire la Bible, voir Rousseau Sabine, « Lecture militantes de la Bible dans les années 1970 » Siècles, 29, 2009, p. 123-134.
20 Il suit, en 1969-1971, plusieurs séminaires de sciences sociales qui le forment à la sociologie (Alain Touraine), la linguistique, la sémiologie (Roland Barthes, Algirdas-Julien Greimas), la narratologie (Gérard Genette), la philologie (Julia Kristeva). Parallèlement, il lit Althusser, Derrida, Barthes, Lacan, Bataille, Benveniste. Outre la JEC, il fréquente La Lettre, côtoie le pasteur Georges Casalis et le prêtre Paul Blanquart. Il suit de près les débuts de la théologie de la Libération.
21 Cf. Avon Dominique et Fourcade Michel (dir.), Un nouvel âge de la théologie ?…, op. cit., p. 10.
22 S/Z est le nom d’un essai que fait paraître R. Barthes en 1970. Il s’agit d’une étude d’un roman de Balzac, Sarrasine. S et Z sont les initiales des protagonistes : Sarrasine, le sculpteur amoureux, et Zambinella, le castrat sous son nom féminisé. La barre symbolise leur opposition.
23 Aristide, mars 1974.
24 Ibid.
25 Clés pour Saint Marc est complétée l’année suivante par une autre brochure titrée L’Évangile de Marc, un récit ouvert.
26 Pour les deux citations : JEC Orléans 73, supplément à Aristide, no 10, septembre 1973.
27 Message rédigé le 4 janvier 1976. Cf. Pelletier D., La crise catholique…, op. cit. p. 240.
28 Mgr Matagrin en est vice-président.
29 Belo Fernando, Lecture matérialiste de l’Évangile de Marc, Paris, Cerf, 1974. Pour s’en tenir aux recensions en français : Henri-Irénée Marrou dans Les quatre fleuves, Yves-Marie Congar dans les Études et Robert Waelkens dans la Revue théologique de Louvain.
30 Pelletier Denis, La crise catholique…, op. cit. Cholvy Gérard et Hilaire Yves-Marie (dir.), Le Fait religieux aujourd’hui en France. Les trente dernières années (1974-2004), Paris, Cerf, 2004, p. 17 et suiv.
31 Né en 1939, il a été ordonné prêtre en 1965 ; jusqu’en 1969, il fréquente la faculté de théologie dominicaine (Rome) et à l’Institut biblique pontifical (Rome) et l’École biblique et archéologique française (Jérusalem), puis devient aumônier de lycée. Entretien avec l’auteur. Notice biographique dans Barbiche Bernard et Sorrel Christian (éd.), La Jeunesse étudiante chrétienne (1929-2009), op. cit., p. 263.
32 Recherches JEC no 21, 1977.
33 Recherches JEC, no 23, décembre 1977.
34 Recherches JEC no 21, 1977.
35 Ibid.
36 Laurenceau Nicolas, Panis Christophe et Sindt Gérard, Ces chrétiens d’avant les Évangiles : une lecture de la première lettre de Paul aux Thessaloniciens, Paris, Centurion, 1980.
37 Ibid. p. 152.
38 Ibid. p. 151.
39 Ibid. p. 152.
40 Je suis ici l’interprétation de Sabine Rousseau (Rousseau Sabine, op. cit.).
41 La méthode matérialiste se diffuse dans les milieux gauchistes chrétiens, en France et à l’étranger. Après 1974, Michel Clévenot la vulgarisera lui-même, en s’appuyant sur le réseau de la Lettre. Cf. Clévenot Michel, Lectures matérialistes de la Bible, op. cit., p. 181-182. Tranvouez Yvon, « La question théologique… », op. cit. p. 176-177. Tranvouez Yvon, « De Marc à Marx, une voie sans issue », dans À la gauche du Christ…, op. cit., p. 536-537. Le président de la JEC la présente dans la revue Cultures et foi en janvier 1975. Cf. Rousseau Sabine, Lectures militants de la Bible…, op. cit.
42 De la vaste enquête menée dans les années 2000 auprès des anciens militants, on peut retenir 15 questionnaires émanant de militants de la période étudiée (entre 1970 et 1981). Aucune question ne portait expressément sur les méthodes de lecture de la Bible. Mais deux anciens l’évoquent spontanément, deux hommes qui étaient responsables nationaux dans la seconde moitié des années soixante-dix. Le premier explique que la lecture de Marc à la JEC l’a conduit à cheminer vers l’athéisme ; le second se définit comme un « chrétien du seuil » mais précise qu’il a animé des groupes bibliques et que la Bible reste le livre vers lequel il revient toujours. Cf. Giroux Bernard, La Jeunesse étudiante chrétienne…, p. 597-644.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008