La JEC, école d’ouverture à la vie militante et à une foi agissante
p. 67-76
Texte intégral
Mon histoire familiale
Qui je suis…
1Aujourd’hui, à la veille de mes 78 ans, je suis prêtre dans le diocèse de Saint-Denis, le département du « 93 », sur la ville de Romainville (27 000 habitants). J’ai été aumônier JOC et ACO longtemps. Maintenant localement, en service paroissial – et au niveau du diocèse, le service de la « coopération missionnaire » (l’ouverture à l’international). J’accompagne une équipe ACO, et depuis peu deux équipes ACI.
2Je suis né en décembre 1939 dans un petit village berrichon au nord de Bourges (Vignoux-sous-les-Aix), troisième enfant d’une famille de 4 : 2 sœurs aînées et une plus jeune, dix ans plus tard.
Ma famille
3Mon père avait fait Saint-Cyr. Il a quitté l’armée après la Libération et a trouvé du travail dans un cabinet de prospection d’emploi, comme psychologue. Ma mère avait une formation d’infirmière mais est restée au foyer à élever ses quatre enfants. Ma famille est de classe moyenne, ou de petite bourgeoisie. Politiquement, elle votait au centre, pour le MRP (Mouvement républicain populaire). Mais j’ai grandi dans un environnement où « on ne faisait pas de politique ».
Place de la religion
4Mes parents étaient de tradition et de formation chrétiennes, avec une foi réelle, une pratique religieuse régulière. Ma mère a fait du catéchisme dans la paroisse (à Saint-Mandé) durant plusieurs années. Mon père respectait le temps du carême en cessant de fumer. Durant les mois d’été, étant encore enfant, j’ai participé à plusieurs pèlerinages avec le diocèse de Bourges : à Lourdes, à Issoudun… Je peux dire que l’Évangile était un repère pour mes parents, à travers le respect des autres, notamment de ceux qui étaient d’une condition sociale inférieure.
5Mais la démarche de l’Action Catholique était inconnue à la maison. Mes trois sœurs ont rejoint, à travers leur établissement scolaire religieux, la Croisade eucharistique (le Mouvement eucharistique des Jeunes maintenant). Mes deux aînées sont restées actives dans l’Église, à la différence de ma sœur plus jeune qui a pris ses distances dans la mouvance de 1968, et qui aujourd’hui ne se reconnaît pas croyante en Dieu.
6En ce qui me concerne, j’ai suivi le parcours classique de l’époque : catéchisme paroissial en même temps que l’école paroissiale (à Saint-Mandé, dans le Val de Marne), puis, de la classe de 6e à la 1re, école Massillon (à Paris, près de la Bastille) tenue par des Oratoriens : c’est là que j’ai fait ma confirmation à 11 ans et ma profession de foi. Je n’en ai pas grand souvenir, sinon que le Père Auber nous avait demandé d’apprendre par cœur une page de l’Évangile : l’allégorie de la vigne, dans Saint-Jean. Durant ma scolarité à Massillon, je ne participais pas aux activités de la paroisse : je ne me sentais pas bien à l’aise avec les jeunes de mon âge, probablement par timidité, et sans doute parce qu’ils étaient de milieux plus populaires. J’allais simplement à la messe du dimanche.
7Donc, en résumé, une vie de croyant tranquille, « protégé », entouré d’autres croyants que je qualifierais de sincères dans leur foi.
L’ouverture à une vie militante
Mon parcours en JEC
8Comment j’ai entendu parler de l’Action Catholique ?
9Nous sommes en 1954. J’étais en classe de seconde. Un dimanche, probablement en novembre ou décembre, à la fin de la messe dans ma paroisse à Saint-Mandé, un jeune jéciste prend la parole pour annoncer une vente de calendriers-agendas de la Jeunesse étudiante chrétienne à la sortie de l’église. Je n’ai aucun souvenir de ce qu’il a dit, mais je me souviens qu’après la messe, j’ai eu envie de parler avec lui. Probablement avait-il parlé d’une action menée en milieu scolaire. En tout cas, quelque chose a résonné en moi. J’ai mémorisé le nom de ce jeune : Philippe Cauchetier. J’ai compris après qu’il était responsable fédéral à la JEC. Dans l’échange avec lui, à la fin de la messe, il m’a demandé où j’allais à l’école, comment ça se passait.
10Cette rencontre est arrivée à un moment où je commençais à sentir le besoin que ça bouge un peu dans ma vie. Il m’a proposé de m’aider à démarrer une équipe, à condition que je réunisse quelques copains de ma classe… On échange nos coordonnées. Et c’est comme ça que ma découverte de la JEC a commencé.
Mon parcours militant avec la JEC (chronologiquement)
111954-1955 : J’ai peu de souvenirs précis de cette première année de démarrage d’équipe. Nous devions n’être que trois ou quatre, entre nous, sans adulte. Je me souviens seulement que j’étais alors sensible aux clans qui s’étaient formés dans ma classe, et que c’est là-dessus que je souhaitais agir… Je pense qu’au terme de cette année de seconde, il m’a été proposé de participer à un « centre de militants », au début des vacances de juillet. C’était à Noisy-sur-Oise, durant 5 jours. C’était la première fois que je quittais ma famille. On était autour de 25 jeunes lycéens. On n’était que des garçons, à l’époque. Les animateurs de cette session de formation étaient des jeunes un peu plus âgés qui m’impressionnaient par leur dynamisme naturel et leur témoignage d’amitié. J’ai toujours en mémoire les noms de deux d’entre eux : Michel Farin (qui habitait Vincennes) et Bernard Mounios (devenu prêtre sur le diocèse de Créteil). C’était des temps de formation à différents niveaux : on s’apprenait à prendre la parole en public, à improviser une intervention, à animer une réunion, à chanter ou à lancer un chant (les chants du Père Duval : « Qu’est-ce que j’ai dans ma petite tête ? » « Le ciel est rouge », etc.) ! On nous initiait à la démarche du « voir, juger, agir », à l’histoire de l’Action catholique. On avait des temps de prière. Le tout dans une ambiance assez spartiate : on dormait tous ensemble dans un même local où était simplement étalé sur le sol en béton une bonne épaisseur de paille. Au lever, il y avait un moment de gymnastique ou de décrassage matinal… Tout cela dans un climat de grande amitié.
121955-1956 : De mon activité jéciste l’année suivante, en classe de première, je n’ai pas de souvenirs – sinon que j’avais dû intervenir auprès d’un professeur d’histoire-géo (que je trouvais proche de nous, ses élèves) pour lui demander s’il accepterait de venir donner son témoignage de professeur au cours d’une rencontre « fédérale » dans le local de la fédé (rue Pierre Nicole à Paris, près du Luxembourg). En juillet, j’ai dû participer à un second centre de militants, et en revenir « gonflé à bloc » pour faire vivre la JEC !
131956-1957 : À ce moment-là, l’école Massillon n’ayant pas de classe de terminales, je suis entré au lycée Charlemagne, pas très loin de la Bastille. J’y ai fait deux années de philo. Je ne sais plus comment cela s’est mis en route, mais une équipe JEC s’est formée assez vite avec des copains partageant le même désir de vivre quelque chose sur le lycée. Je me souviens de deux noms : Jean-Paul Duretelle, Rémi Spindler…
141957-1958 : C’est à cette période qu’il m’a été proposé de rejoindre l’équipe fédérale. On se retrouvait au local de la fédé, rue Pierre Nicole, près du métro Port-Royal. L’aumônier fédéral, le père Letourneux, était un jésuite. J’ai dû vivre trois années en responsabilité fédérale. J’ai alors participé aux « SND » Sessions nationales de dirigeants, durant les grandes vacances. Je crois en avoir vécu deux, l’une d’elle étant dans les environs de Saintes. Je n’ai pas de souvenirs précis de ma participation à ces moments de formation.
151958-1959 : Année de Propédeutique en Sorbonne (en même temps qu’une première année de Droit – que j’ai abandonné au bout d’un an). Suivie de deux ans pour obtenir la licence de sociologie.
161960-1961 : C’est pour cette dernière année de fac qu’il m’a été proposé de rejoindre l’équipe nationale, rue Linné et de représenter la JEC à l’équipe de rédaction d’un journal mensuel produit par Bayard avec la participation de la JAC-F et de la JEC-F, « Rallye jeunesse ». Je passais une demi-journée ou une journée par semaine à la rédaction avec des responsables de la JACF, et un prêtre assomptionniste de Bayard, le père André Sève. Le premier article qu’on m’a demandé de faire, c’était la recension d’un livre. Le second : un reportage sur le métier d’un réparateur de vélomoteurs. J’ai mémoire d’un numéro qui avait fait un tabac avec un dossier sur les relations garçons-filles, avec un dossier ou un reportage autour de « Malou »… Je participais par ailleurs à un certain nombre de réunions de l’équipe nationale – j’ai surtout en mémoire une rencontre dont j’étais chargé de faire le compte-rendu : le sujet (et le débat !) était sur la position que la JEC nationale allait choisir de prendre par rapport à la guerre d’Algérie.
17À ce moment-là, la JEC et la JECF étaient deux mouvements séparés, mais des liens se forgeaient au moins entre les dirigeants nationaux. Le futur mariage entre Guy Boudon et Marcelle Saint-Genez, les deux présidents nationaux de l’époque, l’année où j’étais appelé à l’équipe nationale, en est une des preuves…
18C’est au terme de cette année universitaire 1960-1961 que, ayant terminé ma licence, j’ai quitté la JEC pour entrer au séminaire d’Issy-les-Moulineaux.
En quoi a consisté mon activité militante
Mes activités militantes de terrain
19En classe de seconde-première, j’ai évoqué le souci d’agir contre les clans. Mais je suis bien incapable de dire si nous avions mené une « action », sans doute plutôt des discussions…
20J’ai dû essayer de diffuser le journal de la JEC de l’époque : « 4 jeudis »…
21Au lycée, durant mes deux années de philo, on a mené plusieurs actions : lancé un journal de lycée (avec l’accord du proviseur, M. Pinon), pour lequel nous sollicitions la participation des copains de nos classes pour rédiger des articles, poèmes, petits témoignages, etc. Ce journal (« 101 RSA » du nom de l’adresse du lycée 101 rue Saint-Antoine) était un support pour impulser telle ou telle initiative (révisions à plusieurs, bourse aux livres…)
22Nous avons ainsi organisé, deux années de suite, une « bourse aux livres », en début de rentrée scolaire : les lycéens déposaient les livres scolaires de l’année précédente en proposant un prix modique – et d’autres élèves achetaient ces livres au prix proposé. L’argent était reversé à l’ancien propriétaire des livres. Cela demandait une minutieuse préparation, avec une logistique, en disposant, durant quelques jours, d’une salle du lycée avec l’accord du proviseur qui nous faisait confiance.
23Chaque année, il y avait l’opération de vente d’agendas et de calendriers de la JEC aux portes des églises : cela nous amenait à prendre contact avec le curé, préparer les quelques mots pour présenter la JEC, donner envie aux paroissiens de nous soutenir. À chacun, nous remettions une image souvenir fournie par le National.
24Une année, je ne sais plus laquelle, la fédé a organisé un concert avec Jacques Brel. L’objectif était probablement surtout financier, et il nous fallait vendre les billets aux copains.
25Durant mes trois années de fac, ma vie militante personnelle me semble avoir été réduite, et d’ordre individuel : des discussions avec des étudiants et des étudiantes, ou des coups de mains comme le fait de prendre des cours en double pour un étudiant algérien engagé au Front de Libération Nationale retenu par des actions contre la guerre d’Algérie (je me souviens de ce qu’il m’avait dit : « je comprends que tu ne te sentes pas à l’aise pour manifester avec nous, mais en prenant les notes du cours pour nous, c’est ta façon de participer à notre vie militante »). J’avais ma carte à l’UNEF, mais sans y être actif. J’étais un peu plus engagé dans un groupe d’étudiants en sociologie (le GESUP), notamment pour la polycopie de certains cours.
26Il y avait à ce moment une tension entre la JEC et le « Centre Richelieu » qui était l’aumônerie des étudiants de la Sorbonne (entre autres facultés). Je fréquentais ce « Centre Richelieu » pour la messe en semaine à midi, et pour le pèlerinage des étudiants à Chartres ; mais, en dehors de cela, j’étais peu à l’aise avec l’esprit de « l’entr’eux » chrétien que je ressentais sur place.
Dans le cadre des responsabilités
27À l’équipe fédérale, je me souviens des démarches que j’avais à faire auprès de plusieurs aumôniers de lycée pour présenter la JEC, en essayant de « récupérer » auprès d’eux quelques noms de jeunes à contacter… Avec le recul, j’étais surpris d’avoir eu l’audace de solliciter des rendez-vous à ces aumôniers de lycées de Paris, souvent débordés… et d’être assez souvent bien accueilli !
28L’activité, c’était aussi d’assurer à notre tour l’organisation et l’animation des « centres de militants ». Ou de prendre l’initiative de week-ends ciblés sur un point particulier (j’ai souvenance d’un week-end à Yerres (dans l’Essonne) proposé aux militants de Terminales pour cerner ce qui était spécifique à ce niveau de vie scolaire… Il fallait aussi maintenir le contact avec les équipes, animer les rencontres de responsables…
29Je me souviens avoir travaillé personnellement sur un petit livre de réflexion théologique pour approfondir la présentation d’une des campagnes d’année. Je ne saurais plus dire sur quel thème – mais ça m’avait semblé intéressant parce que cet approfondissement fondait la campagne d’année non pas simplement comme une directive d’actions à conduire mais comme une manière de vivre un projet apostolique.
Mon apprentissage militant
Les rapports avec les adultes en Mouvement
30En débarquant dans mon premier « centre de militants », j’ai été marqué par la stature des jeunes qui étaient en responsabilité. Ils étaient sympas… Ils savaient ce qu’ils voulaient… Ils donnaient du temps pour les autres…
31Les adultes, c’était uniquement des aumôniers. J’ai « fréquenté » essentiellement deux d’entre eux, l’un avec l’équipe de JEC à Charlemagne (le père Pierre Laridan, un père Blanc). L’autre avec l’équipe fédérale (le père Letourneux, un jésuite). Ils m’ont certainement beaucoup apporté. Ils étaient à la fois discrets et en même temps bien présents, attentifs, veilleurs ; des guides, des formateurs au plan humain et apostolique… Je pense qu’ils m’ont aidé à prendre confiance en moi, parce qu’ils me faisaient confiance. Ils m’ont aidé à acquérir un certain savoir-faire : prise de parole, animation… En centre de militants, je me souviens d’activités ludiques où nous étions formés à prendre la parole, improviser une intervention, conduire une réunion…
32Avec le père Letourneux, j’ai vécu plusieurs moments forts, au-delà de la dimension fédérale : des temps de retraite (durant les vacances de Noël à Ginette, à Versailles, école tenue par les jésuites) : trois jours de retraite, avec des apports, des temps de silence, la messe. J’ai au moins vécu deux retraites de ce type, peut-être trois.
33Durant les vacances d’été, le père Letourneux organisait des camps itinérants à vélo pour un petit nombre de jeunes (autour d’une huitaine) : découverte de la Bretagne une année, les châteaux de la Loire une autre année. C’était une expérience de vie de groupe.
Les outils du Mouvement
34Au début de mes relations avec la JEC, j’ai connu un mensuel, « Les quatre jeudis ». Le fait d’essayer de proposer ce journal du mouvement à quelques copains a dû nourrir en moi le sentiment d’appartenir à la JEC. Sans doute aussi l’invitation à proposer le journal à certains copains de ma classe m’a éveillé à la démarche militante…
35Sans que ce soit édité par la JEC, c’est par la JEC que j’ai connu un petit livre qui m’avait aidé à comprendre la sexualité et la vie affective des ados (« Vie belle, vie donnée », autant que je me souvienne).
36C’est plus quand j’étais à l’équipe fédérale que j’ai eu le désir de lire les revues du mouvement… je ne me souviens pas du nom de la revue à laquelle je m’étais abonné, mais j’ai mémoire d’avoir travaillé, crayon en mains, sur certains articles qui présentaient la campagne d’année, ou fournissaient des pistes de réflexion ou des moyens pour animer les rencontres d’équipe.
Des moments de crise
37Dans le cadre des « Centres de militants », je me souviens que le père Letourneux nous a fait un topo sur l’ACJF, en expliquant que la JOC n’était pas d’accord sur le principe d’une organisation globale de la Jeunesse chrétienne… Le même aumônier nous a fait une formation sur « le mandat » donné aux mouvements d’Action catholique par l’Assemblée des Cardinaux et Archevêques… je ne comprenais pas bien tout ce qui était en jeu à travers les débats de l’époque…
38Un peu plus tard, dans le cadre de l’équipe fédérale, je me souviens de discussions autour de la prise en charge des collèges d’enseignement technique de l’époque, source de tensions avec la JOC (que je ne connaissais pas à ce moment-là) qui disait : « ces jeunes sont de famille ouvrière : c’est à nous de les prendre en charge » – pendant que les responsables JEC disaient : « non, ce sont des scolaires, c’est à nous de les prendre en charge »… Ce qui était en cause, c’était la conception de la notion de « milieu », différente d’un côté pour la JEC-JAC et de l’autre pour la JOC-JIC, milieu « fonctionnel » d’un côté, milieu « de vie » de l’autre.
39Dans le cadre de l’équipe nationale, j’ai évoqué plus haut le débat autour de la position à prendre par rapport à la guerre d’Algérie. Pouvions-nous engager le mouvement national sur une position politique ? Pouvions-nous rester silencieux devant l’usage de la torture ? Le débat était serré. L’arrivée d’un nouvel évêque à Paris, Mgr Veuillot, et ses interventions, ont provoqué une certaine mise à distance de l’équipe nationale à l’égard de la hiérarchie.
40Je ne vivais pas ces débats avec plaisir ! J’étais très peu éveillé à quelque dimension politique que ce soit. Je n’aimais pas les tensions, les oppositions… Je n’étais pas à l’aise dans les manifestations d’étudiants. Mais c’est sans doute à travers ces débats que j’ai commencé à comprendre que l’Évangile nous appelait à prendre position dans les conflits.
41À travers tout ce parcours, la JEC m’a certainement aidé à prendre confiance en moi, à oser m’exprimer, à dire « je » (même si demeure en moi un fond de timidité). Elle m’a donné le goût de m’investir dans la relation avec d’autres, et d’autres différents de moi. Elle m’a ouvert à l’apprentissage de l’action organisée. À travers la mise en œuvre de sa démarche du « voir-juger-agir », la JEC m’a appris à prendre le temps d’écouter, de regarder, d’accueillir, d’analyser, pour essayer de comprendre les évènements ou la vie qui m’entoure et pour conduire une réflexion qui débouche sur une action, sur des initiatives qui puissent transformer peu ou prou les situations ou les structures de vie sociale.
L’ouverture à une foi chrétienne agissante
Les moments et les outils de formation
42Sur la fédé, nous avions des journées d’étude (dimanche ou soirées, je ne sais plus) : nous avons utilisé les fiches doctrinales du Père Varillon, éditées plus tard en livre de poche (2 tomes : « Éléments de doctrine chrétienne », je crois). J’ai acheté ces fiches et les ai travaillées avec intérêt.
43Un autre livre m’avait nourri, du Père Yves de Montcheuil, « Problèmes de vie spirituelle », aux éditions de l’Épi. Ça me dépassait un peu mais j’aimais ces temps de formation. J’ai retrouvé ce livre dans ma bibliothèque, avec les passages que j’avais soulignés, encadrés… Je vous livre simplement deux lignes qui m’ont certainement nourri et orienté jusqu’à maintenant :
« Dans la vie pourtant si humaine du Christ, transparaît une charité qui ne vient pas de l’homme. Impossible de “l’expulser” de l’humanité et impossible de l’y réduire. Il réalise la présence du mystère dans l’habituel de la vie humaine1. »
44Je me souviens aussi d’une petite plaquette de textes bibliques avec des commentaires, des réflexions : « Ce feu qui dévore », signé du Père Roche. Je m’en suis assez souvent servi pour méditer, pour prier.
45En équipe de base, au lycée, je ne me souviens pas si nous ménagions un temps de prière… J’ai mémoire en revanche d’une rencontre-récollection, à l’initiative de notre équipe JEC, ouverte à des copains au-delà de notre équipe, autour d’un passage de la Lettre de Saint-Jacques dans le Nouveau Testament, sur « la foi et les œuvres », avec un temps de réflexion et de prière.
L’expérience des célébrations, des temps de prière
46J’ai évoqué ci-dessus les « retraites de Noël » proposées et animées par l’aumônier fédéral, le Père Letourneux. Temps de recul, d’approfondissement spirituel et de prière. Ces moments ont certainement contribué à nourrir en moi un appétit spirituel.
47Nos rencontres d’équipe fédérale étaient des lieux de partage où nous vivions une confiance entre nous. C’est au sein de cette équipe fédérale qu’un soir, j’ai, pour la première fois, évoqué la question que je me posais depuis plusieurs années sans avoir osé en parler à quiconque, d’être prêtre.
48Dans le cadre des sessions de militants, que ce soit au niveau de la fédération de Paris (Centres de militants, journées d’étude), ou au plan national (session de dirigeants), il nous était proposé la messe quotidienne (dans les Centres de militants), ou un temps quotidien de prière ou de célébration (session nationale). C’était des célébrations plus « intimes » que les messes paroissiales auxquelles j’étais habitué. Nous étions invités à les préparer. On pouvait partager des intentions de prière. Ces moments-là « collaient » de plus près à ma vie.
Un compagnonnage avec le Christ
49Parallèlement à mon engagement en JEC, quand j’étais en fac, j’ai rejoint une petite équipe d’étudiants attirés par la spiritualité du Père Charles de Foucauld (une équipe « Jésus-Caritas »). On se retrouvait tous les mois, hébergés par les Pères du Saint-Esprit, rue Lhomond, près du Panthéon, pour une soirée rythmée de trois temps : une heure d’adoration ou de méditation silencieuse à la chapelle à partir d’un passage de l’Évangile, un temps d’échange et de partage ensuite, puis le repas. Nous nous retrouvions plusieurs jécistes dans cette équipe de fraternité. Entre autres, un certain André Vingt-Trois, qui était aussi à l’équipe fédérale JEC, devenu plus tard cardinal de Paris… Pour moi, c’était nourrissant et structurant de ma foi, de ma vie spirituelle. Ces équipes de spiritualité (il y en avait plusieurs) avaient été suscitées et encouragées par l’aumônier du lycée à Henri IV, le Père Yves Gernigon.
50C’est ce même aumônier qui organisait, début juillet, un rassemblement de quelques jours à Saints, en Seine-et-Marne : le « camp de Saints ». Se retrouvaient là peut-être entre vingt et trente étudiants et étudiantes pour un temps d’étude, de conférences, d’échanges et de prière dans la spiritualité du Père de Foucauld. Plusieurs des participants, mais pas tous, étaient à la JEC. Je me souviens avoir été sollicité, dans ce cadre, pour préparer une intervention sur ce qu’était la révision de vie.
Conclusion
51La JEC m’a donné du goût pour regarder, prendre en compte, le réel, le concret, l’histoire de chacun. Le « Voir », ce temps où on se coltine l’attention à ce qui nous entoure, à ce qui se vit comme initiatives heureuses, mais aussi les difficultés, les injustices, etc.
52Elle m’a aidé à désirer une Église qui ne se regarde pas elle-même mais qui sait accueillir la vie qui l’entoure !
⁂
53La JEC m’a aidé à prendre du recul par rapport au vécu : un recul à la fois humain (pourquoi c’est comme ça…) et avec un regard éclairé par les Évangiles, par la mémoire chrétienne : Qu’est-ce qui est en jeu dans cet événement, dans cette tranche de vie qu’on a partagée ? Qu’est-ce que l’Évangile peut éclairer ? C’est le « juger »…
54Elle m’a aidé à me réjouir d’une Église qui prend en compte les chemins de vie qui viennent d’ailleurs, en lesquels elle perçoit des pépites d’Évangile…
⁂
55La JEC m’a guidé dans le souci de déboucher sur la mise en œuvre d’un « agir » : Qu’est-ce qu’on fait de tout ce qu’on s’est dit ? Qu’est-ce qu’on met en route pour changer ce qui ne va pas ? Avec qui on va le faire ?
56Elle a nourri en moi la passion d’une Église qui ne se contente pas de belles paroles et encore moins de jugements moraux, mais qui s’engage dans la lutte pour une société où le plus petit est pris en compte parce qu’il est simplement fils de Dieu…
⁂
57Un vieil aumônier de JOC avait l’habitude de dire : quand un arbre est tordu dans ses premières années, il restera tordu toute sa vie. L’Action catholique a forgé en bonne partie ce que je suis, elle m’a « tordu »… et j’en suis heureux ! Merci !
Notes de bas de page
1 Montcheuil Yves de, Problèmes de vie spirituelle, Éditions de l’Épi, Paris, 1947, p. 29.
Auteur
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