Chapitre X. De l’alternance politique à l’enracinement du PS (1981-2004)
p. 283-324
Texte intégral
1En deux décennies, à la fin du xxe siècle, le paysage politique change radicalement en Bretagne durant les deux septennats de François Mitterrand (1981-1995) et le premier septennat de Jacques Chirac (1995-2002). Force minoritaire mais en essor depuis le début des années 1970, le PS occupe désormais un large espace politique au détriment du RPR et de l’UDF. Porté par une nouvelle génération d’élus (en 1981), profitant de la marginalisation de l’extrême gauche et de l’affaiblissement du PCF, au fil des élections la Bretagne devient une zone de force du socialisme en France, le processus se manifestant par le basculement à gauche, après les Côtes-du-Nord, de trois autres conseils généraux et du conseil régional en 2004.
Les élections présidentielles de 1981 : François Mitterrand presque majoritaire en Bretagne le 10 mai
2Les élections présidentielles d’avril-mai 1981 font figure de match retour de 1974 du fait de l’affrontement les deux principaux candidats, Valéry Giscard d’Estaing (UDF) et François Mitterrand, investi par le PS après avoir écarté Michel Rocard qui avait posé sa candidature le 19 octobre 1980 (voir le tableau I, chap. 9, p. 247). Mais le contexte politique est bien différent. Depuis 1976, le président sortant est contesté par Jacques Chirac et son RPR, et il a contre lui deux autres candidats gaullistes, Michel Debré et Marie-France Garaud, qui se veulent des gaullistes authentiques. L’Union de la gauche a été rompue par les communistes en 1977, si bien que François Mitterrand (PS), Georges Marchais (PCF) et Michel Crépeau (MRG) s’affrontent au premier tour. Il faut y ajouter à l’extrême gauche Huguette Bourchardeau (PSU) qui fait son meilleur score national dans le Finistère (2,06 %) et Arlette Laguiller (LO) déjà candidate en 1974. Normalement hors du clivage gauche-droite, l’écologiste Brice Lalonde, passé par le PSU mais exclu en 1976 puis les Amis de la Terre et Écologie 78, a été désigné lors d’une élection primaire. Il bénéficie du soutien de René Dumont, le candidat de 1974. Au total, dix candidats sur 64 prétendants au départ ont réuni les cinq cents parrainages d’élus validés par le Conseil constitutionnel. Cette mesure décidée pour limiter le nombre de postulants a éliminé plusieurs candidats de 1974 : Alain Krivine (LCR) et à l’extrême droite Jean-Marie Le Pen (FN) et Bertrand Renouvin (NAF).
3Le 10 mai 1981, les résultats régionaux sont l’inverse des résultats nationaux : Valéry Giscard d’Estaing reste majoritaire en Bretagne avec 50,8 % des suffrages exprimés au second tour (voir le tableau I, p. 284), soit 2,6 % de plus que sa moyenne nationale1. Placé en tête au soir du premier tour le 26 avril (un quart des inscrits, 30,9 % des exprimés, soit 3,1 % de plus que dans le pays, 34,3 % dans le Morbihan), le président sortant a néanmoins perdu près de 100 000 voix depuis 1974, 9,8 %, et il est talonné par François Mitterrand (27 %). Le président dépasse les 35 % dans dix circonscriptions dans le Léon, le Vannetais et la bordure orientale (44,4 % à Vitré), les zones de tradition blanche.
4À l’issue du premier tour, totalisant 52,3 % des voix (3,5 % de plus que leur moyenne nationale), les candidats des droites sont toujours majoritaires en Bretagne, mais le gaullisme présidentiel, longtemps dominant, connaît un sévère affaiblissement. Jacques Chirac (18,7 % des suffrages) ne fait pas mieux que sa moyenne nationale et les trois candidats se réclamant de ce courant politique n’obtiennent que 21,3 %, en recul de 4,4 % depuis 19782. Entre les deux grands partis de la gauche désormais désunie, le rapport des forces s’est inversé comme au niveau national : François Mitterrand a gagné 2,3 % de suffrages de plus que les candidats du PS aux élections législatives de 1978, alors qu’avec seulement 10,2 % des voix, Georges Marchais (5,5 % de moins que Jacques Duclos en 1969) en a perdu 3,9 %, et est en retrait de 5,2 % sur sa moyenne nationale. Le PCF ne résiste vraiment que dans son fief des Côtes-du-Nord (16,2 %), ailleurs Georges Marchais n’atteint pas les 10 % (7,3 % en Ille-et-Vilaine). Le vote utile a joué. Michel Crépeau (MRG, 2 %), Huguette Bourchardeau (PSU, 1,6 %) et Arlette Laguiller (LO, 2,5 %) ne pèsent pas très lourd. Un peu supérieur à son résultat national, le score du candidat écologiste Brice Lalonde n’est pas négligeable : sans doute est-ce là le résultat des fortes mobilisations contre les marées noires (l’Amoco Cadiz en 1978), les décisions de construire une centrale nucléaire à Plogoff et au Pellerin, et d’une amorce de critique du productivisme du « modèle agricole » breton.
Tableau I. – Le rapport droite-gauche en Bretagne aux élections présidentielles de 1981.

5Signe de l’aspiration à l’alternance, François Mitterrand bénéficie au second tour du bon report des votes communistes et écologistes mais aussi d’une hausse de la participation de 4,6 % qui joue surtout en sa faveur. Il l’emporte dans 18 circonscriptions sur 33 et dans les grandes villes dirigées par l’Union de la gauche (57,5 % à Nantes, 56,2 % à Rennes). Certes, Valéry Giscard d’Estaing a gagné dans quatre départements sur cinq, mais l’écart a été de moins de 1 000 voix en Loire-Atlantique et il n’a eu que 51 % dans le Finistère alors qu’il tombait à 44,5 % dans les Côtes-du-Nord. Il a souffert de l’abstention d’électeurs gaullistes du 1er tour perdant 7,1 % des suffrages sur son score de 1974. La 10 mai 1981, la gauche n’est toujours pas majoritaire en Bretagne mais la progression est spectaculaire, traduisant un rattrapage par rapport à l’Hexagone et un rééquilibrage, signe des multiples changements à l’œuvre. Les élections législatives de juin vont amplifier les résultats. Afin de les préparer, le premier gouvernement de Pierre Mauroy voit l’entrée de trois élus socialistes bretons : Louis Le Pensec au nouveau ministère de la Mer, Edmond Hervé à la Santé et François Autain, secrétaire d’État chargé de la Sécurité sociale.
Les élections législatives de juin 1981 : « la vague rose » déferle sur la Bretagne
6Après l’entrée de François Mitterrand à l’Élysée et la dissolution de l’Assemblée nationale, la « vague rose » déferle sur la Bretagne comme sur le pays lors des élections législatives de juin 1981. La gauche, qui était minoritaire en sièges en 1978 (sept PS et un PCF) face à la domination des droites (quatorze RPR, dix UDF dont quatre centristes et un non-inscrit) se retrouve avec dix-neuf députés socialistes (voir le tableau VII, chap. 9, p. 277), dont les trois ministres du premier gouvernement de Pierre Mauroy qui sont reconduits. Le rapport des forces est inversé par rapport à 1978, situation sans précédent depuis 1958.
7En raison des enjeux, le nombre de candidats a baissé par rapport à 1978 : 161. À gauche, on est passé de 168 à 118 candidats (de 59 à 23 à l’extrême gauche), plus six écologistes. L’UDB, qui n’a appelé à voter Mitterrand qu’au second tour, signe une plate-forme électorale avec le PSU (onze candidats) ; ses quinze candidats ne recueillent que 2,15 % des voix en moyenne. Pour tenter d’empêcher la formation d’un gouvernement de gauche avec des ministres communistes, la droite sortante s’est accordée sur une candidature unique dès le 1er tour dans l’Union pour la nouvelle majorité (UNM), sauf dans quatre circonscriptions, ce qui donne 19 RPR, 18 UDF (9 PR, 7 CDS, un radical, un sans étiquette), 3 centristes, 2 CNIP et 8 extrême droite. Une crise secoue le PS du Morbihan car des élus morbihannais ont parrainé Huguette Bouchardeau (PSU) malgré l’interdiction de la direction nationale qui a « parachuté » deux « Parisiens » à Hennebont et à Vannes. Mais Jean Giovannelli, qui a succédé à son père comme maire d’Inzinzac-Lochrist en 1977, et Henri Le Rohellec, conseiller général de Vannes-Ouest en 1979 où il a battu le député-maire Paul Chapel, se maintiennent, si bien qu’ils sont exclus du parti.
8Le 14 juin, au soir du 1er tour, avec une participation moins forte qu’en 1978, quinze députés sont élus, dont onze UNM dans leurs principaux fiefs de droite ainsi que trois PS sortants, les ministres Le Pensec et Autain, plus Charles Josselin qui reprend le siège de Dinan perdu en 1978. Le PS sans les radicaux de gauche ni le PSU a rassemblé 38,4 % des voix, gagnant 13,7 % sur 1978 tandis que le PCF tombait à 9 %, perdant quant à lui 5,1 %. François Leizour, son unique député sortant, a été devancé à Guingamp par son 1er adjoint, l’avocat Maurice Briand, qui est le socialiste le mieux élu de la région au 2e tour (65,8 % des voix). Le déclin du PCF transparaît dans son positionnement général : alors qu’en 1967 ses candidats arrivaient en tête de la gauche au 1er tour dans 16 circonscriptions contre 14 PS et 3 PSU, ce n’est plus le cas dans aucune en 19813. Bien que ce ne fût pas acquis au soir du 1er tour, le PS réalise le « grand chelem » dans les Côtes-du-Nord grâce au bon report des voix communistes : cinq députés sur cinq (41,5 % des voix au 1er tour). Charles Josselin qui avait été battu par René Benoit (UDF-PR) l’emporte avec 51,3 % ; Pierre Jagoret est réélu à Lannion ; Yves Dollo reprend Saint-Brieuc à Sébastien Couépel (CDS-UDF) et Didier Chouat enlève Loudéac où Marie-Madeleine Dienesch, députée depuis 1945, ne se représentait pas. Les résultats sont aussi bons dans le Finistère où le PS (39,3 % au 1er tour) passe de deux à six députés sur huit. Des cinq sortants, il ne reste que deux députés RPR dans leurs fiefs catholiques léonards, Charles Miossec et Jean-Louis Goasduff. Marie Jacq est réélue à Morlaix (60 %). Des nouveaux venus s’imposent : Bernard Poignant à Quimper contre Alain Gérard (RPR), le suppléant de Marc Bécam entré au Sénat. De même, à Douarnenez, le catholique de gauche Jean Peuziat fait mordre la poussière au sortant RPR Guy Guermeur, l’homme qui avait fait voter une loi très favorable à l’enseignement privé confessionnel en 1977. À Brest, Joseph Gourmelon (54,8 %), qui s’était imposé contre Francis Le Blé auprès des militants, bat le député PR sortant.
9En Loire-Atlantique, le PS passe de trois à quatre députés contrôlant désormais les trois circonscriptions nantaises en plus de son bastion de Saint-Nazaire où le rocardien Claude Évin a été réélu au 1er tour. Alain Chénard (56,7 %) est réélu à Nantes-2 et Jean Natiez prend Nantes-1 (51,8 %). Nouveauté, en Ille-et-Vilaine l’agglomération rennaise élit deux socialistes : Edmond Hervé (54,6 %) bat Jacques Cressard (RPR sortant) et Jean-Michel Boucheron (57 %) succède à François Le Douarec (RPR) qui ne se représentait pas. Dans le Morbihan, outre la réélection aisée de Jean-Yves Le Drian (62,6 %), la région lorientaise envoie un deuxième député socialiste au Palais-Bourbon (52,8 %) : les électeurs ont tranché en plaçant le dissident Jean Giovannelli en tête au 1er tour (35,8 % des voix) contre le candidat officiel du PS (3,4 %). Il en a été de même à Vannes (36,7 % à Le Rohellec contre 5,9 %), même si Raymond Marcellin a quitté son douillet fauteuil de sénateur pour reprendre son siège de député (59,1 %). Les Bretons n’aiment guère les « parachutés ». Jean-Yves Le Drian qui, depuis plusieurs mois, cherchait à écarter avec l’aval d’Yves Allainmat le maire de Lorient Jean Lagarde, mais en a été empêché par la direction nationale du PS, organise un putsch avec l’appui de la section de Lorient : il est élu maire le 4 juillet 1981. Plusieurs adjoints de Lagarde démissionnent, dont son premier adjoint Yves Guélard. Une nouvelle équipe remplace les anciens de la SFIO. Mais la fédération socialiste du Morbihan est mal en point : sa direction est dissoute pour indiscipline par le bureau national en dépit d’un congrès de « réconciliation » à Pontivy et la direction nommée exclut plusieurs militants. Le résultat ne se fait pas attendre : le nombre d’adhérents du PS chute de 1 200 à 500.
10Les deux partis de droite sont les grands perdants de cette « vague rose », surtout le RPR qui voit sa représentation divisée par deux (de quatorze à sept députés), alors qu’il n’a perdu que 1 % des voix (24,7 %) sur 1978 au premier tour. Seuls les « barons » du parti et les anciens ministres de Georges Pompidou et de Valéry Giscard d’Estaing résistent bien dans leur fief : Michel Cointat à Fougères (54,7 % au 1er tour) et Jean Hamelin, le successeur d’Yvon Bourges à Saint-Malo (51,8 % au 2e tour contre Louis Chopier), Olivier Guichard à Guérande-La Baule et Lucien Richard dans le pays de Retz réélus eux aussi au 1er tour. Victime du glissement d’une fraction du vote centriste vers le PS, l’UDF est très touchée, perdant quatre sièges et près de 4 % des voix (22,8 %). Néanmoins, les caciques et anciens ministres du Parti républicain (PR) sont facilement réélus : l’indéracinable Raymond Marcellin à Vannes, Christian Bonnet à Auray (62,5 %) et le jeune Alain Madelin à Redon (53,7 %), mais Pierre Bourges (PS, ex-PSU) a réduit l’écart. Le leader national du Centre des démocrates sociaux (CDS-UDF) Pierre Méhaignerie obtient le meilleur score : 72,4 % à Vitré au 1er tour. L’UDF a six députés, deux CDS, dont Loïc Bouvard réélu à Ploërmel, et quatre PR sortants.
11À l’issue de ce scrutin législatif, pour la première fois depuis 1945 la gauche est majoritaire en Bretagne : elle a rassemblé 51,1 % des voix mais elle accuse encore un retard de 5,5 % sur sa moyenne nationale. La conséquence immédiate est l’annonce de l’abandon de la centrale de Plogoff par Louis Le Pensec, avant même la décision du nouveau président de la République et du gouvernement. Dans la nouvelle assemblée, le PS (269 députés) a la majorité absolue sans ses alliés (14 MRG, 6 divers gauche), le PCF étant réduit à 44 députés (moins 42). Le RPR n’a que 83 sièges (moins 70), l’UDF 61 (moins 55) et on compte onze divers droite. L’alternance politique réussie, Pierre Mauroy a les moyens de mettre en œuvre les 110 propositions du candidat Mitterrand. Les trois ministres bretons sont reconduits dans son 2e gouvernement : Louis Le Pensec reste à la Mer ; Edmond Hervé devient ministre délégué auprès du ministre de l’Industrie chargé de l’Énergie ; François Autain est secrétaire d’État chargé des Immigrés.
Les Bretons et la gauche au pouvoir (1981-1983)
12Les grandes réformes du « changement » promises sont réalisées en 1981-1982 (5e semaine de congés payés, 39 heures, impôt sur la fortune, nationalisations, abolition de la peine de mort, lois Defferre sur la décentralisation, lois Auroux sur les droits des salariés…). Elles sont en général rejetées par au moins 11 à 12 députés de droite de la région sur 14 (suppression de la Cour de sûreté de l’État et loi d’amnistie qui concerne les militants du FLB votées par Loïc Bouvard avec parfois des abstentions notamment de Pierre Méhaignerie et de Loïc Bouvard, 1re loi Defferre). L’abolition de la peine de mort présentée par Robert Badinter le 18 septembre 1981 est rejetée par onze députés de droite mais votée par Pierre Méhaignerie, Loïc Bouvard (deux CDS-UDF) et Xavier Hunault. De jeunes députés de l’opposition, dont Alain Madelin, vont mener la vie dure au gouvernement Mauroy. Sur le terrain, les droites et les tenants de l’école privée catholique se mobilisent immédiatement contre la mise en place du « grand service public unifié et laïque de l’Éducation nationale » (90e des 110 propositions) porté par le ministre Alain Savary. Dès le 27 juin 1981, près de 5 000 personnes de Bretagne et des Pays de la Loire manifestent à Vannes. Mais rapidement à « l’état de grâce » succède « l’état de disgrâce » (Jean Charlot) parce qu’en pleine crise économique mondiale, la politique contracyclique de relance « par la consommation populaire » est un échec à un moment où les politiques néolibérales tatchériennes et reaganiennes s’imposent au capitalisme occidental. L’inflation galope (14,1 % de mars 1981 à mars 1982, 9,7 % à la fin de 1982 du fait du blocage des prix), le déficit commercial plonge et le chômage grimpe (de 1,7 million de chômeurs en mars 1981 à 2 millions en mars et décembre 1982), contraignant le pouvoir socialiste à dévaluer le franc par rapport au mark (en octobre 1981, juin 1982 et mars 1983). La récession frappe l’économie française en 1982, si bien qu’en mars 1983 le gouvernement doit se résoudre au tournant de « la rigueur » engagé l’année précédente.
Tableau II. – La composition politique des conseils généraux de Bretagne en 1982, 1985, 1988.

13Premier test électoral national, les élections cantonales des 14 et 21 mars 1982 sont marquées par une hausse de la participation (70 %). Pour la gauche, comme l’écrit Jacques Fauvet dans Le Monde du 23 mars : « Cette fois, c’est plus qu’un échec : c’est un revers. » Alors que l’on a découpé 186 nouveaux cantons dans les zones urbaines, la gauche perd 98 sièges, 45 pour le seul PCF, mais dix seulement pour le PS, alors que la droite en gagne 246. En voix, la gauche ne fait que 49,6 % des voix au 1er tour contre 56,3 % en 1976 (même série de cantons) et 55,1 % en 19794. La majorité perd huit présidences de conseils généraux n’en conservant que 36 pour 59 à la droite dans l’Hexagone. En revanche, encore sur sa lancée de 1973, en Bretagne le PS continue de gagner des sièges de conseillers généraux progressant partout (84 élus, 33,6 %). Charles Josselin consolide sa majorité (38 élus sur 52) dans les Côtes-du-Nord (27 PS, 11 PCF, stable) et le PS progresse dans le Finistère : de 13 en 1976 à 17 en 1979 et 21 en 1982 (voir le tableau II)5. À Douarnenez, le député PS Jean Peuziat a battu Guy Guermeur (RPR) qui n’a plus aucun mandat. Mais cette progression se fait au détriment du PCF qui recule de 17 à 14 élus (5,6 %) ; il perd un siège dans le Finistère, en Loire-Atlantique et dans le Morbihan, départements où il en avait deux6. Le PS gagne la plupart des nouveaux cantons urbains, en particulier dans les régions rennaise et nantaise7, à Saint-Brieuc8 et à Saint-Malo où le maire Louis Chopier est élu. Le PS consolide ses groupes d’opposition dans les quatre départements où il est minoritaire. En Ille-et-Vilaine, Pierre Méhaignerie, le député-maire de Vitré, s’impose contre le sortant François Le Douarec (RPR) candidat à sa succession : il va présider le conseil général jusqu’en 2001, tandis que Louis Orvoën (CDS-UDF) et Raymond Marcellin (PR-UDF), réélu dès le 1er tour à Sarzeau (70,2 %), sont reconduits.
14Les élections municipales des 6 et 13 mars 1983 se déroulent selon de nouvelles règles introduisant un système mixte et une dose de proportionnelle permettant aux minorités d’être représentées dans les communes de plus de 3 500 habitants. Le gouvernement Mauroy risque d’être sanctionné car chacun sait que le tournant de « la rigueur » pour les uns, de « l’austérité » pour les autres, est inévitable. Les conquêtes municipales de 1977 du PS et de l’Union de la gauche sont confrontées à l’heure de vérité, alors que le mécontentement monte dans la population. La participation (78,4 %) est aussi forte qu’en 1977. Après le 1er tour, Ouest-France titre : « La forte poussée de l’opposition », et au second : « La gauche s’est ressaisie. » En effet, au 1er tour, la droite engrange 53,3 % des voix dans les villes de plus de 30 000 habitants, et même 58 % dans celles de plus de 100 000 habitants9. Le second tour permet de limiter un peu les succès de l’opposition : Gaston Defferre garde Marseille, Pierre Mauroy Lille, mais Jacques Chirac triomphe à Paris. La gauche perd 31 villes de plus de 30 000 habitants : sur les 236 villes, elle en administre encore 125, la droite 111. La Bretagne, où des listes d’union de la gauche ont été constituées à peu près partout, est concernée par ce reflux puisque Nantes et Brest sont perdues au soir du 1er tour : c’est la revanche de 1977. À Nantes, Alain Chénard (39,7 %) est battu par le sénateur Michel Chauty (50,48 %). Il avait contre lui une liste du PSU (4,2 %), la liste de Routier-Preuvost (PSD, 4,1 %), l’ancien leader de la SFIO, et de Christian Chauvel qui ont des comptes à régler depuis 1975-1977, et une liste de la LCR (1,3 %). La concurrence à gauche, la forte abstention (33,2 %) et le mécontentement causé par les chantiers du tramway en centre-ville expliquent l’échec de la gauche à Nantes dès le 1er tour. Le sénateur André Morice peut savourer sa revanche. Jacques Berthelot, adhérent du RPR depuis 1968 qui s’est imposé contre Georges Lombard comme leader de l’opposition, l’emporte au 1er tour (50,42 %) à Brest en battant le maire sortant Pierre Maille (PS, 47,5 %) qui avait succédé en juin 1982 à Francis Le Blé décédé10. Le chômage a pesé lourd puisqu’il a doublé depuis 1977 du fait des réductions d’emplois à l’arsenal et dans les chantiers navals. Mais la nouvelle municipalité brestoise va rapidement se déchirer ; en 1987, le maire démissionne pour laisser la place à Georges Kerbrat (RPR)11. À Rennes en revanche, Edmond Hervé (47,1 %) qui affronte Claude Champaud (RPR, 43,8 %), est en ballottage favorable au soir du 1er tour, la liste écologiste d’Yves Cochet ayant obtenu 6,2 %, mais les relations sont très tendues entre le socialiste et l’écologiste12. Le ministre qui a refusé un accord avec Yves Cochet qui exigeait quatre places éligibles l’emporte néanmoins au second tour (52,8 %).
15Dans le Finistère, Marc Bécam (RPR) est réélu à Quimper dès le 1er tour (51 %) contre la liste d’Union de la gauche de Bernard Poignant (PS) et la liste de l’écologiste Alain Uguen (5,6 %). Jean Jacques Cléach (PS) est réélu à Morlaix au 1er tour (51,3 %), tout comme Michel Mazéas (PCF, 55,2 %) à Douarnenez. Gilbert Le Bris (PS), qui remplace Louis Le Pensec à l’Assemblée depuis 1981, est élu à Concarneau (55,4 % au 2e tour), une ville détenue par un maire communiste depuis 1977. Le PS prend aussi Scaër qui avait un maire communiste depuis 1945 mais Jean-Pierre Jeudy (PCF) est réélu à Carhaix. À Quimperlé, le maire Yves Guillou (ex-PS) est réélu dans une triangulaire contre le PS et l’UDF. Le PS perd Crozon et Ergué-Gabéric mais gagne Audierne et Plouguerneau. Le RPR prend Guipavas au PCF et conserve Landerneau. Un premier maire UDB Iffig Rémond est élu à Saint-Hernin, une petite commune du centre du Finistère. L’UDB obtient deux maires et 80 conseillers municipaux.
16Le reflux est net dans les Côtes-du-Nord, même si le passage de témoin entre Yves Le Foll (PS) et son 1er adjoint Claude Saunier qui a reconstitué une liste d’union de la gauche (18 PS, 11 PCF, 1 MRG, 1 PSU, 2 UDB élus) est réussi (54 %) contre Me Morin (UDF). Le député Maurice Briand (PS) s’impose de justesse (74 voix) après avoir devancé au 1er tour le maire sortant François Leizour (PCF), mais son collègue Pierre Jagoret (PS) est battu par Yves Nédélec (RPR) à Lannion13. Roger Ollivier (PCF, 51,9 %) conserve Plérin malgré une liste PS au 1er tour, tout comme Jean Dérian (PCF) Ploufragan. L’ancien député René Benoît (PR-UDF) devient maire de Dinan (61,5 % au 1er tour) et Fernand Labbé (RPR) est réélu à Lamballe avec le même score. La droite conserve Loudéac. L’opposition de droite enlève Langueux, Rostrenen, Bourbriac, mais la majorité gagne Caulnes, la ville du sénateur Lemarié (UDF), et des cités de la côte (Pleubian, Trégastel, Trébeurden, Plestin-les-Grèves).
17En Ille-et-Vilaine, Pierre Méhaignerie est brillamment réélu au 1er tour à Vitré (75,1 %) ainsi qu’Yvon Bourges à Dinard (56,8 %), mais plusieurs changements interviennent. À Saint-Malo, l’équipe de 1977 de Louis Chopier (PS) s’était déchirée dans une crise municipale avec le PCF mais il avait été réélu en mai 1978 (liste PS-MRG). En 1983, la cité corsaire est reprise par l’ancien maire de 1967 à 1976 Marcel Planchet (divers droite, 51,8 %), opposé à une liste RPR au 1er tour. Nouveauté et signe de l’enracinement urbain du PS, la gauche gagne deux villes : à Fougères, Jacques Faucheux (ex-PSU, PS, 51,9 %) bat le sortant Michel Cointat qui démissionne aussitôt14 ; à Redon, Pierre Bourges (PS, 50,8 %) bat aussi le maire Jean Tiger (PR-UDF)15.
18En Loire-Atlantique, les socialistes François Autain (59,6 %) et Jean-Marc Ayrault (60,4 %) sont réélus dès le 1er tour à Bouguenais et à Saint-Herblain, ainsi que Jacques Floch (56 %) qui a succédé à Alexandre Plancher à Rezé en 1978. Le PS conserve Couëron. Il en est de même pour les villes de droite où les sortants sont réélus : Châteaubriant (Xavier Hunault, 55,3 %), La Baule (Olivier Guichard, 61,7 %), Vertou (Luc Dejoie, RPR, 60 %). À Saint-Nazaire, Joël Batteux (PS), qui prend le relais d’Étienne Caux, largement en tête au 1er tour (47,1 %) contre le RPR Garnier (38 %), est réélu (56,6 %) comme Jean-Louis Le Corre (PCF) à Trignac16. La perte de Nantes est considérée comme une lourde défaite pour le PS mais s’il perd Orvault dans la banlieue nantaise prise en 1977, il gagne Saint-Sébastien-sur-Loire et Donges près de Saint-Nazaire. En réalité, ce parti résiste bien en Loire-Atlantique, d’autant plus que le RPR a échoué dans son OPA sur les municipalités modérées de cinq communes autour de Nantes.
19La situation évolue peu dans le Morbihan, si ce n’est la perte de Pontivy par la gauche : Michel Masson (PS), maire depuis 1971 qui a une autre liste de gauche contre lui, est battu au 2e tour par Joseph Lécuyer (CDS-UDF, 53,6 %). La question du financement des écoles privées (le refus d’un forfait communal) explique cette défaite. Jean-Yves Le Drian (PS, 52,1 %) a été réélu au 1er tour à Lorient contre une liste RPR conduite par l’ancien député du Finistère Guy Guermeur (42,2 %) et une liste PSU (5,6 %). Lanester et Hennebont conservent des maires communistes (Jean Maurice, 66,4 %, et le nouvel édile Jean Le Borgne, 50,4 %). Pierre Pavec (PR-UDF, 55,9 %) succède à Paul Chapel à Vannes et Paul Anselin (RPR), ami de Jacques Chirac, est réélu à Ploërmel. La gauche l’emporte à Gourin17. En Bretagne, la gauche a perdu deux grandes villes sur trois (Nantes et Brest) et trois villes moyennes (Saint-Malo, Lannion et Pontivy), mais elle en a gagné deux (Fougères et Redon). La droite et le centre (CDS) conservent sept villes et restent solidement ancrés dans les communes rurales. La « question scolaire » réactivée depuis plusieurs mois a pesé lourd dans les résultats, en particulier dans le Morbihan, stoppant la progression du PS (région de Pontivy) et entraînant une nette diminution du nombre de maires socialistes, de 27 en 1977 à 17 en 1983, du fait du retrait ou de l’échec (dix) de la génération de la SFIO. Mais ailleurs en Bretagne, le PS a plutôt progressé en nombre de maires : de 9 à 14 en Ille-et-Vilaine, de 16 à 20 en Loire-Atlantique, de 33 à 40 dans le Finistère (quinze nouveaux, 350 conseillers municipaux) et 79 dans les Côtes-du-Nord (un tiers de nouveaux élus)18. Une génération de jeunes militants socialistes poursuit la relève engagée en 1977.
20Les élections municipales sont « un sérieux avertissement », entendu par la majorité selon Lionel Jospin, le premier secrétaire du PS ; elles accentuent le malaise du PCF qui a quatre ministres depuis juin 1981. En effet, les communistes qui ont perdu plusieurs grandes villes sont les principales victimes de ces élections. Pierre Mauroy forme le 22 mars 1983 un 3e gouvernement plus resserré (15 ministres de plein exercice seulement, mais 8 ministres délégués et 19 secrétaires d’État). Deux ministres bretons changent d’attribution : Edmond Hervé est nommé secrétaire d’État à la Santé et François Autain, secrétaire d’État à la Défense rattaché au ministre Charles Hernu. Mais Louis Le Pensec s’en va car il n’accepte pas que le ministère de la Mer qu’il a créé en 1981 soit réduit à un secrétariat d’État ; il est facilement réélu député le 8 mai 1983 contre un RPR et un UDF. Il n’y a plus de rocardiens bretons au gouvernement jusqu’à la nomination de Charles Josselin en 1985.
21Pierre Mauroy est chargé d’appliquer le tournant de la rigueur (3e dévaluation du franc, sévère plan d’austérité de Jacques Delors, le numéro 2 du gouvernement). La gauche grogne, en particulier le CERES lors du congrès du PS de Bourg-en-Bresse (28-30 octobre 1983) : son leader Jean-Pierre Chevènement, qui a quitté le gouvernement, accentue ses critiques de la politique économique de Jacques Delors et passe dans l’opposition à la majorité de Lionel Jospin. De son côté, n’acceptant guère d’être cantonnée dans l’opposition, la droite se prend à rêver d’un Mai 1968 à l’envers19. Une certaine agitation sociale se développe au printemps de 1983 : manifestations de policiers et des artisans à Paris, grève des étudiants contre une réforme des études de médecine, manifestations paysannes contre la baisse des cours du porc provoquant de violents incidents à Quimper dans la nuit du 23 au 24 avril. Devenu PDG et gros éleveur, Alexis Gourvennec remonte « sur les barricades » contre le gouvernement de gauche et le nouveau ministre de l’Agriculture Michel Rocard.
22Les élections sénatoriales du 25 septembre 1983 sont marquées par le succès de l’opposition confirmant la domination des droites en Loire-Atlantique et dans le Morbihan, si ce n’est que dans le premier département l’ajout d’un siège et un système électif proportionnel permettent l’entrée au Sénat du ministre PS François Autain à la tête d’une liste d’union de la gauche (26,7 % des voix). La gauche gagne cinq des treize sièges supplémentaires en France. Les quatre autres sièges de Loire-Atlantique reviennent au 1er tour à la liste des droites (71,9 % des voix)20. Charles-Henri de Cossé-Brissac (radical-UDF), président du conseil général, a été sollicité pour mettre fin aux rivalités de personnes et partisanes : Michel Chauty (RPR) et Bernard Legrand (CDS-UDF) sont réélus rejoints par Luc Dejoie, conseiller général RPR et maire de Vertou. Dans le Morbihan, Henri Le Breton, qui avait succédé à Raymond Marcellin en 1981 (UDF), est réélu et Christian Bonnet (PR-UDF) abandonne son siège de député pour entrer au Sénat. Josselin de Rohan (RPR), maire et conseiller général de Josselin, énarque cadre supérieur chez Elf Aquitaine, n’est élu qu’au 2e tour21. À la fin de l’année 1983, l’opposition renforcée par les élections municipales et sénatoriales est à l’offensive.
Des temps difficiles pour la majorité présidentielle (1984-1985)
23Les restructurations industrielles annoncées en 1984 sont douloureuses et on prévoit 2,5 millions de chômeurs en fin d’année. Le plan gouvernemental est articulé en trois volets : les constructions navales, les charbonnages et la sidérurgie où le « plan acier » prévoit de supprimer un quart des emplois (de 20 à 25 000). Cette annonce déclenche en avril une grève générale en Lorraine et une marche sur Paris le 13 avril (35 000 personnes) à laquelle Georges Marchais participe, même si les députés communistes votent la confiance au gouvernement le 19 avril. Dans la construction navale, cinq sites sont conservés, dont ceux de Saint-Nazaire et de Nantes : la production doit être réduite de 30 % en trois ans, ce qui signifie la suppression de 5 000 emplois sur 18 000.
24Depuis la fin de 1981, la « question scolaire » fait monter la pression dans tout le pays et singulièrement dans l’Ouest où la remise en cause de l’école confessionnelle est toujours très sensible22. Initiées par les directions diocésaines de l’enseignement catholique et les associations de parents d’élèves – les APEL –, appuyées par Mgr Gouyon, le cardinal de Rennes, et relayées par Ouest-France, les manifestations se succèdent à partir de l’automne de 1981 en Bretagne (10 000 personnes à Rennes le 14 novembre, 15 000 à 20 000 à Pontivy le 12 décembre)23. Elles se déploient en 1982 avec l’appui des conseils généraux de droite et des candidats aux élections municipales de 1983, surtout dans le Finistère et en Loire-Atlantique. En novembre-décembre 1982, au moins 70 000 personnes se rassemblent à Nantes, Brest, Saint-Nazaire et Pontivy sous l’impulsion du comité nantais du 4 décembre 1981, le C4D qui impose ses slogans comme « L’école libre vivra » aux responsables nationaux. La « guerre scolaire » rallumée contribue à la défaite de la gauche à Nantes, à Brest et à Pontivy en mars 198324. En 1983, le frère de Ploërmel Guy Leclerc, par ailleurs frère d’Édouard Leclerc, directeur d’un établissement à Châteaulin, en conflit avec le rectorat, fait une grève de la faim : 20 000 personnes viennent le soutenir à Quimper le 21 septembre. Les droites n’hésitent pas à recourir aux registres d’action de la gauche militante, voire de l’extrême gauche. De gros moyens sont déployés dans les Pays de la Loire contre l’avis du chanoine Guiberteau, nantais d’origine, secrétaire général de l’enseignement catholique qui négocie avec Alain Savary : il y aurait 100 000 personnes à Nantes le 22 octobre 1983 en présence des leaders du RPR Olivier Guichard, Guy Guermeur et François Fillon, récent député de la Sarthe. L’Ouest veut faire pression au niveau national. Les responsables du privé rejettent la fonctionnarisation des maîtres. Les défenseurs de l’école laïque tentent aussi de mobiliser, sans beaucoup de succès, et rejettent les compromis négociés. Quand le projet de loi Savary est connu (décembre 1983), cinq manifestations régionales sont programmées par l’APEL : celle de Rennes le 18 février 1984 aurait déplacé entre 200 000 et 300 000 personnes selon Ouest-France ; celle de Versailles, le 4 mars, va atteindre entre 500 et 800 000. Pour faire pression sur le gouvernement, les trois présidents des conseils régionaux de l’Ouest sont présents, dont Raymond Marcellin et Olivier Guichard. Quant à Guy Guermeur, président du Combat pour la liberté de l’enseignement (CLE), il a appelé dans Ouest-France à rompre la négociation en cours. Il faut refuser tout « compromis historique avec les thèses socialistes » (Le Figaro, 20 février). Contre les instances nationales plus modérées, la base et les responsables de l’Ouest veulent une grande manifestation parisienne. Des clercs et des catholiques de gauche protestent auprès de leur évêque sans grand succès. Le CNAL (Comité national d’action laïque) programme 94 manifestations dans tout le pays le 26 avril. Le 29 avril, l’enseignement catholique rejette le projet de loi Savary. Du 21 au 30 mai, lors des débats à l’Assemblée nationale, le C4D occupe l’esplanade de Montparnasse : les ténors de la droite viennent signer le livre d’or, l’extrême droite intégriste et le Front national s’efforcent d’opposer les participants à Pierre Daniel, le président national modéré de l’UNAPEL.
25C’est donc dans ce contexte de tension sociale et de crise politique que se déroulent les élections européennes le 17 juin 1984. Enjeu plus national qu’européen, avec une assez faible participation (56,7 %), sans surprise les résultats sont favorables à la droite et à l’extrême droite. La percée du Front national (10,98 % des voix et dix sièges sur 81 pour la liste Le Pen) est un choc. Le FN égale presque le score de la liste de Georges Marchais (11,28 des voix, dix sièges aussi), le PCF ayant perdu près de la moitié de son électorat de 1979. La liste Jospin (PS-MRG) a 20 élus (20,75 % des voix)25. Aucune des dix autres « petites listes » n’a atteint les 5 %26. C’est un succès pour la liste UDF-RPR conduite par Simone Veil qui, avec 43 % des voix, obtient 41 sièges (21 UDF, 20 RPR). Elle oscille entre 48 et près de 52 % des voix dans quatre des cinq départements bretons, ne faisant que 43,3 % dans les Côtes-du-Nord. Les droites unies sont encore solides dans la région. La liste de Lionel Jospin est à 23-24 % (moins de 20 % dans le Morbihan), trois points de plus que sa moyenne nationale, alors que celle du PCF se situe entre 6 et 8 % des voix selon les départements (12,6 % dans les Côtes-du-Nord). Des trois sortants PS (depuis 1981), seul Bernard Thareau est reconduit, tandis que Guy Guermeur (RPR) rejoint le Parlement européen. Le FN est à 5-6 %, deux fois moins que son score national, sauf dans le Morbihan (9,1 %). Les droites ont le vent en poupe et ferraillent ferme contre le gouvernement au Palais-Bourbon et au Sénat notamment contre la loi sur la presse. Trois jeunes parlementaires qui mènent la bagarre, dont Alain Madelin, ont été sanctionnés le 2 février 1984 pour des propos « injurieux » sur le passé de François Mitterrand sous l’Occupation.
26L’acmé de la mobilisation de défense de l’école privée se produit le 24 juin, une semaine après les élections européennes. Toute cette agitation débouche sur « la plus grande manifestation jamais organisée en France » à la Bastille à Paris : environ un million de manifestants selon Le Monde27. Tous les ténors de l’opposition sont dans la rue. Trois semaines plus tard, le 17 juillet, le projet Savary est retiré par François Mitterrand : Alain Savary démissionne, suivi de Pierre Mauroy dont le gouvernement est à bout de souffle. Les opposants ont gagné. Toutefois, une fraction des organisateurs de l’Ouest qui voulaient en découdre se radicalisent, en particulier des Nantais qui vont prolonger leurs actions pendant plusieurs mois. Mauroy est aussitôt remplacé par Laurent Fabius. Les communistes décident de ne plus participer au gouvernement. Jean-Pierre Chevènement remplace Alain Savary à l’Éducation nationale avec mission de colmater les brèches et de faire retomber la pression. Edmond Hervé reste secrétaire d’État à la Santé, seul ministre breton depuis septembre 1983. Charles Josselin le rejoint brièvement le 15 novembre 1985 comme secrétaire d’État en charge des Transports. En prônant « un nouveau rassemblement populaire majoritaire », le XXVe congrès du PCF (février 1985) tourne non seulement le dos à la participation gouvernementale mais le Parti bascule dans l’opposition au pouvoir socialiste. Cette ligne conduit les communistes dans une impasse, ce qui va susciter une contestation interne. La tension est un peu retombée lors des élections cantonales des 10 et 17 mars 1985.
27En Bretagne, les difficultés économiques (fermeture d’entreprises, licenciements) influent sur les résultats28. Après l’apogée de 1982, le reflux de la gauche et du PS est sensible partout : perte de huit sièges dans les Côtes-du-Nord, trois dans le Finistère, en Ille-et-Vilaine et en Loire-Atlantique (voir le tableau II, p. 288). Dans les Côtes-du-Nord, le PS limite les dégâts au 1er tour, même si Charles Josselin est en ballottage difficile ; le PCF et l’UDB reculent fortement en voix. Le recul de la gauche est net puisque le PS perd sa majorité absolue en sièges (23), n’en sauvant plusieurs que de quelques voix. Au 2e tour, avec une participation en hausse, les résultats très serrés sont favorables à la droite. Si le député PS Didier Chouat gagne à Loudéac, son collègue Yves Dollo est battu à Saint-Brieuc-Ouest par Bruno Joncour, 31 ans (RPR)29, tout comme le sénateur René Régnault battu par un UDF à Dinan-Ouest. La crise chez Chaffoteaux et dans la métallurgie à Saint-Brieuc, de la téléphonie dans le Trégor et l’instauration de quotas laitiers ont joué contre le PS. Mais le PCF, qui a refusé de participer au gouvernement Fabius et critique de plus en plus durement la majorité, n’est pas épargné pour autant. Le PCF perd aussi quatre conseillers généraux, dont son dirigeant Édouard Quemper, battu à Plérin ; il cède ses fiefs détenus depuis la Libération à Rostrenen, Saint-Nicolas-du-Pélem où Auguste Le Coënt ne se représentait pas, Bourbriac tout en conservant Maël-Carhaix et Plestin-les-Grèves30. Le report des voix de gauche sur les communistes a été mauvais, confirmant l’érosion électorale dans les bastions des Côtes-du-Nord. Il ne reste plus qu’une seule femme, Michelle Le Brun (PS).
28Dans le Finistère, quelques évolutions sont notables, dont une modification du rapport des forces à droite en faveur du RPR qui gagne quatre sièges (de 10 à 14)31 et fait presque jeu égal avec l’UDF du sénateur Louis Orvoën (CDS) qui a 15 élus. Symbole de cette évolution, Alphonse Arzel, le sénateur-maire de Ploudalmézeau, est battu par l’amiral Édouard Talarmin (droite). Le PS conserve Arzano (Georges Dauphin, ancien responsable de la FDSEA) Concarneau (Gilbert Le Bris), Bannalec et Pierre Maille, maire de 1982 à 1983, est élu à Brest 2 contre un RPR sortant mais les socialistes perdent cinq cantons32. En Ille-et-Vilaine, la majorité de Pierre Méhaignerie, président national du CDS, sort renforcée de ces élections cantonales puisque le PS perd trois sièges : Michel Phlipponneau, 1er adjoint du ministre Edmond Hervé, est battu de 48 voix par un PR-UDF à Rennes-Sud-Est et le PS perd le canton de Pleine-Fougères où Albert Dory ne se représentait pas. Marcel Planchet, réélu maire de Saint-Malo en 1983, revient au conseil général.
29En Loire-Atlantique, la gauche perd quatre sièges, passant de 17 à 13 cantons, alors que les droites en contrôlent désormais 46 sur 59. Le maire de Saint-Nazaire Joël Batteux est battu de 185 voix par Étienne Garnier (RPR) en raison de la crise de la construction navale qui a fait exploser le chômage à 22 % de la population active33. La crise économique est défavorable au PS au pouvoir qui a toutefois conservé trois cantons nantais sur cinq, plus Charles Gautier, secrétaire fédéral de 1983 à 1990, élu dans le nouveau canton de Saint-Herblain-Ouest34. Le sortant communiste Michel Moreau est éliminé par une socialiste, Mme Seyse, à Nantes-5 dans un duel de 2e tour. Le PCF disparaît du conseil général de Loire-Atlantique où la majorité du sénateur Charles-Henri de Cossé-Brissac est renforcée. La situation bouge peu dans le Morbihan où la majorité départementale de droite bat les sortants socialistes à Vannes-Ouest et à Ploemeur35. Mais le PS conserve Lorient-Nord (Henri Scanvic), gagne Guéméné-sur-Scorff où Jean Moëc bat l’UDF Yvon Querrec, le doyen de l’assemblé départementale. Jean Maurice, le maire communiste de Lanester depuis 1953 est réélu (62 % des voix). Les présidents sortants de droite confortent leur majorité. Toutefois, dans le Finistère, Louis Orvoën doit faire plus de place dans le bureau au RPR (10 contre 9 UDF) et accorder la première vice-présidence au sénateur-maire de Quimper Marc Bécam. Pratiquant une opposition très dure au gouvernement Fabius, le RPR est en Bretagne le principal bénéficiaire des élections cantonales de 1985 car il est passé de 34 conseillers généraux (13,6 %) en 1982 à 47 (18,3 %) en 1985 pour 256 cantons (six de plus qu’en 1982). Pour la première fois depuis 1958, dans la foulée de ses succès aux élections municipales de 1983, le parti gaulliste semble s’enraciner localement. L’UDF et les divers droite non encartés (51,9 %) ont chacun un peu plus d’un quart des élus, tandis que le PS, retombant à son niveau de 1979 (68 conseillers généraux), mais avec plus de cantons, régresse à 26,5 %. Le PCF (dix élus, 3,5 %) est en voie de marginalisation car, comme dans le pays, il a perdu la moitié de ses suffrages en six ans, passant de 14,5 % des voix en 1979 à 7,9 % en 1985. En revanche, malgré ses difficultés, le PS a un peu progressé (de 27,5 % à 28,9 % des voix), tandis que les droites (en ajoutant le FN) passaient de 55 à 60,9 %36. Quoi qu’il en soit, la gauche n’a que 30 % des sièges en Bretagne. Au total, en mars 1985, à nouveau divisée, la gauche perd dix départements mais en gagne deux outre-mer (71 de droite, 28 de gauche), même si le PS est parvenu à limiter les pertes grâce à un sursaut de son électorat au second tour. La configuration partisane est affectée par les évolutions électorales.
Éléments d’évolution des partis politiques
30Nous manquons d’études régionales précises sur les partis politiques dans les années 1980-1990 hormis le PS. Parvenu au pouvoir, le PS met quelque temps entre parenthèses ses luttes de courants, notamment lors du congrès unanimiste et triomphaliste de Valence (23-25 octobre 1981). Si les effectifs nationaux déclarés ont doublé de 1971 à 1982 (213 584 adhérents), la victoire de 1981 n’a pas déclenché d’adhésions massives (plus 8,6 %). En revanche, les difficultés du pouvoir et le tournant de la rigueur de 1983 provoquent leur lot de désillusions : en 1984-1986, les effectifs du PS diminuent de 17,1 %, le parti retombant à son niveau de 197837. La fédération PS du Finistère, dirigée depuis octobre 1981 par la rocardienne Geneviève Garros, maintiendrait à peu près, selon ses sources internes, son nombre d’adhérents : 1 951 en 1981 répartis dans 92 sections, 2 141 en 1983 (109 sections), 1 940 et 99 sections en 1985 et 1 988 adhérents en 1987 (97 sections)38. Fruit des déceptions à gauche et de l’abandon du « changement », le repli militant est en réalité déjà engagé puisqu’en 1983 « 18 sections n’ont donné aucun signe tangible de vie militante » et en 1985 « quinze d’entre elles n’ont repris aucune carte ». Le PS est déjà en train de se transformer en parti d’élus et de collaborateurs d’élus et on peut penser que la situation est comparable dans les autres départements. La fédération du Morbihan revendique dans la presse régionale 1 000 adhérents en 1985 et 600 en 1994, mais il y en a de la moitié moins en 1985. En réalité, dans les années 1990, le nombre de cotisants au PS diminue en Bretagne.
31En 1983, le congrès de Bourg-en-Bresse donne une idée des rapports de force dans les fédérations bretonnes du PS à travers les 332 mandats (4,4 % du total national) et du poids de la majorité du premier secrétaire Lionel Jospin (mitterrandistes, mauroyistes, rocardiens) qui domine dans les fédérations du Finistère (83,7 %), d’Ille-et-Vilaine (81,6 %) et du Morbihan (75,5 %), le CERES ne résistant qu’en Loire-Atlantique autour de François Autain et dans les Côtes-du-Nord (voir le tableau III). L’aile droite des rocardiens a cherché à se compter sur la motion d’Alain Richard.
Tableau III. – La répartition des mandats sur les motions au congrès du PS de Bourg-en-Bresse en 1983.

32L’heure est pour certains au repositionnement. Dans le Morbihan, Jean-Yves Le Drian est passé des rocardiens au courant Mauroy ; d’aucuns y voient une conséquence de son initiation à la maçonnerie au Grand Orient de France39. Sa section de Lorient tangue ; des militants tentent de ne pas le réinvestir comme tête de liste aux municipales de 1983, sans succès. Le 19 décembre 1984, le Lorientais lance avec trois amis qui appartiennent aux différents courants du PS les « Transcourants » en publiant une tribune dans Le Monde : « Pour être moderne, soyons démocrates. » Un livre suit : La gauche bouge40. Les signataires veulent rénover le PS, prônent de fait des thèses « sociales-libérales » en phase avec la politique de Laurent Fabius, et estiment qu’il faut abandonner l’alliance avec le PCF. Jacques Delors, le nouveau président de la Commission européenne, parraine le 1er séminaire des Transcourants à Lorient le 21 août 1985 et l’association Démocratie 2000 qui deviendra le club Témoins en 1992 et militera pour sa candidature en 1995. Cette rencontre se tient chaque année jusqu’en 1997.
33Au congrès du PS de Toulouse (11-13 octobre 1985), Michel Rocard, en désaccord avec l’instauration de la proportionnelle aux élections législatives de 1986 et qui a démissionné du gouvernement Fabius le 4 avril 1985, défend son propre texte (28,5 % des suffrages de la base), mais accepte la « synthèse » avec la motion Jospin. Les rocardiens sont toujours forts en Bretagne (65,2 % dans le Finistère)41. Mais le nouveau mode de scrutin va mettre à mal l’unité du parti car des députés sortants ne pourront pas être réélus. Le 6 juillet 1985, le comité directeur décide de l’attribution des places sur les listes selon le poids des courants, mais ce choix est contesté sur le terrain. Dans le Finistère, les trois premières places éligibles doivent revenir aux rocardiens mais le député mitterrandiste brestois Jo Gourmelon le conteste. Or, en septembre 1985, le courant rocardien éclate car Louis Le Pensec a formé une liste avec Gourmelon en 2e position en reléguant Bernard Poignant en 6e position. Ce dernier proteste. Le Brestois Tino Kerdraon remplace Geneviève Garros proche de Bernard Poignant comme premier fédéral (de 1986 à 1990). Toutefois, la scission est évitée.
Tableau IV. – L’évolution des effectifs du PCF en Bretagne de 1981 à 2003 (cartes placées).

34Qu’en est-il des effectifs du parti communiste français et de l’épreuve du pouvoir de 1981 à 1984 et de 1997 à 2002 ? Grâce à l’Union de la gauche, le PCF a connu une réelle croissance de 1973 à 1978, atteignant 21 665 adhérents en Bretagne selon les cartes placées sur 565 058 en France métropolitaine. Quel est l’impact des mauvais résultats électoraux de l’ère Marchais, mais aussi de ses successeurs à la tête du Parti dont Robert Hue ? La rupture du programme commun en 1977 avait déjà entraîné une inversion de la courbe des adhésions et la tendance s’accélère en dépit de la participation de quatre ministres communistes aux gouvernements de Pierre Mauroy. De 1981 à 1984, les fédérations bretonnes perdent 22,3 % de leurs effectifs alors que le PCF en perd 25,6 % en France métropolitaine (voir le tableau IV)42. La décrue se ralentit mais se poursuit lors du 2e septennat de François Mitterrand. De 1997 à 2002, la participation de ministres communistes au gouvernement Jospin de la gauche plurielle n’enraye pas la tendance puisque le PCF perd encore un tiers de ses effectifs dans la région pour plus de la moitié dans le pays (54,2 %) de 1995 à 2002. La situation se stabilise après 2003. Mais la brutale hausse d’un tiers dans les Côtes-d’Armor en 2003, de 1 040 à 1 500 est pour le moins étonnante ; il s’agit sans doute d’une erreur de transcription43.
35Comme les autres partis politiques, le PCF est touché par une hémorragie régulière dans les deux dernières décennies du xxe siècle, loin de sa force de la Libération (48 691 adhérents en 1946). La hiérarchie des fédérations se modifie : celles des Côtes-du-Nord et du Finistère sont dépassées par la Loire-Inférieure en 1985-1986, le bastion costarmoricain perdant près des 4/5e de ses adhérents entre 1981 et 2002. L’Ille-et-Vilaine et le Morbihan passent sous la barre des 1 000 membres en 1993 et 2002, revenant à leurs niveaux d’avant-guerre. Dans le Morbihan, les sections sont concentrées à Lanester (250 sur 1 515 adhérents en 1992), Hennebont et Lorient. La crise des rénovateurs et juquinistes de 1987-1990 semble avoir épargné la région, les adhésions augmentant même un peu entre 1986 et 1989 en Loire-Atlantique et dans le Morbihan.
36En revanche, frappé par une grave crise interne en 1987-1988, le Finistère perd près de la moitié de ses adhérents de 1984 à 1993. Des dirigeants communistes hostiles à la ligne Marchais comme Paul Le Gall, secrétaire fédéral du Finistère Sud (1970) et Louis Aminot, secrétaire fédéral de 1974 à 1985 devenu communiste refondateur puis reconstructeur, sont exclus ou quittent le parti, ainsi que de nombreux militants de la région brestoise dont Yvonne Lagadec et de la côte sud44. C’est aussi le cas de Jean-Pierre Jeudy, le maire de Carhaix, que le PCF contribue à faire battre en 1995. Depuis des années, les divergences portent sur l’appui de Georges Marchais au nucléaire (Plogoff), l’intervention soviétique en Afghanistan et le bilan « globalement positif » des pays socialistes. Les deux dirigeants finistériens Louis Le Roux et Paul Le Gall s’affrontent même en plein comité central. Pour sortir de la crise, les fédérations du Nord et du Sud Finistère sont fusionnées d’autorité en 1986 sous la tutelle de Piero Rainero et de Louis Le Roux, membre du comité central de 1970 à 198745. Aux élections législatives et cantonales de 1988, aux municipales de 1989 et aux cantonales de 1992, des dissidents (divers gauche ou rénovateurs) affrontent les candidats officiels et obtiennent partout de bien meilleurs résultats (3 ou 4 fois plus de voix en 1992) dans les anciens fiefs communistes (sept cantons). Alliés à l’UDB, ils entrent dans la municipalité socialiste de Gilbert Le Bris à Concarneau en 1989 et les deux camps sont contraints de cohabiter à Brest sous la houlette de Pierre Maille (PS). De fait, les socialistes ont récupéré l’essentiel de l’électorat communiste finistérien.
37Se situant à gauche, l’UDB avait presque quadruplé ses effectifs selon les cartes placées de 1971 (215) à 1979 (1 000), mais dans les années 1980 elle subit une hémorragie silencieuse et une série de crises qui la font retomber à 500 adhérents en 1984 et 250 en 1986 pour remonter à 400-500 en 1992-1993 et environ autant de sympathisants46. De nombreux militants de l’Emsav s’engagent alors dans la défense de la langue et de la culture bretonne ainsi que dans les écoles Diwan créées à partir de 1977. En avril 1984, au congrès de Lorient, tendances « régionaliste » et « nationaliste » s’affrontent, les deux principales sections de Brest et du Léon voulant une prise de distance avec le PS que Ronan Leprohon a rejoint en 1982. Ces contestataires de l’UDB obtiennent près d’un tiers des voix. En janvier 1986, ils scissionnent pour créer le mouvement Frankiz Breizh qui reviendra vers l’UDB en 199447. Au congrès de novembre 1986, un tournant idéologique est pris par les 250 adhérents restants : abandon de l’analyse « Bretagne = colonie » pour « une région en voie de développement », du marxisme et du centralisme démocratique, intérêt pour les questions d’environnement, développement des liens avec les peuples d’Europe sans État. En 1988, l’UDB soutient Pierre Juquin au 1er tour des élections présidentielles puis François Mitterrand sans présenter de candidats aux élections législatives.
38Dès 1981, le RPR de Jacques Chirac s’est affirmé comme le fer de lance de l’opposition au « pouvoir absolu » des « socialo-communistes ». Aux assises de Toulouse (automne de 1981), on assiste à un renouvellement des cadres locaux et les adhérents affluent : le RPR revendique 870 000 adhérents en 1985, mais il en aurait en réalité 98 000 en 198648. Après le second échec de Jacques Chirac aux élections présidentielles de 1988 qui entraîne une baisse des effectifs, il y aurait encore selon le RPR 250 000 cotisations à jour. En réalité, bizarrement au 31 décembre 1990, on distingue les adhérents « potentiels » de 1989 (touchés par le mailing du parti) de ceux qui ont payé leur cotisation ; or, selon les départements, ils ne sont souvent que 15 à 25 %. Du coup, les chiffres sont beaucoup plus faibles (voir le tableau V)49. Ainsi en Bretagne, le RPR revendique près de 21 500 adhérents potentiels mais il n’en a que 4 672 (21,8 %).
Tableau V. – Les adhérents « potentiels » et réels du RPR en Bretagne en 1990.

39On retrouve la géographie d’implantation du RPF et des débuts de l’UNR, sauf pour le Morbihan, la Loire-Atlantique d’Olivier Guichard ayant une meilleure tenue, mais c’est aussi le département le plus peuplé. En 1985, Guichard est d’ailleurs le seul représentant de la région au bureau politique du RPR (20 membres). En outre, le parachutage depuis Paris de candidats aux élections législatives de 1986 a déclenché des crises sans oublier les difficultés internes comme dans la municipalité Berthelot à Brest. C’est le cas dans les Côtes-du-Nord où l’arrivée de Bertrand Cousin, le numéro 3 du groupe de presse Hersant, est refusée par une partie de la direction départementale : Louis Marteil, maire d’Yffiniac (1977-1989) et président fédéral démissionne, de même que Bruno Joncour, conseiller général de Saint-Brieuc et ancien responsable de l’UJP. Longtemps considéré comme RPR dissident, Joncour rejoint l’UDF dont il est le président départemental en 1997.
40L’UDF, sonnée par la défaite de Valéry Giscard d’Estaing en 1981, met plus de temps à se remettre en selle avec bientôt une rivalité sous-jacente entre Raymond Barre et l’ancien président. La confédération UDF présidée par Jean Lecanuet revendique selon Le Monde 300 000 adhérents en 1983, dont 190 000 pour le PR qui a Alain Madelin comme délégué général, 49 000 pour le CDS (1986) présidé par Pierre Méhaignerie, plutôt barriste, par ailleurs vice-président de l’UDF, 20 000 pour le Parti radical et autant pour le club Perspectives et réalités (1985)50. Ces chiffres sont très surévalués mais nous ne disposons d’aucune donnée pour la Bretagne. Après 1981, le CDS a eu des velléités de quitter l’UDF (62 députés), mais son groupe réduit (23) l’en a empêché. En dehors de ses élus, l’UDF n’a guère d’activité sur le terrain. Désormais, les deux formations de droite sont concurrencées par le Front national.
41De leur côté, les écologistes se sont regroupés en 1984 dans un parti : Les Verts. Yves Cochet, qui s’affirme comme l’un des leaders nationaux du parti, est élu député européen en juin 1989. Issue d’Écologie 78, c’est surtout une nouvelle génération militante qui créé en février 1982 la Fédération écologiste bretonne (FEB), structure régionale donnant naissance aux Verts en 1984 à partir de trois noyaux : le groupe rennais des Amis de la Terre fondé en 1977 et animé par Yves Cochet, opposant au maire PS Edmond Hervé de 1989 à 1995 ; le groupe de Quimper issu du combat contre Plogoff animé par deux militants rivaux, Alain Uguen et Pierre Delignère, qui passe ensuite à Génération écologie, et les réseaux environnementalistes et de la gauche alternative de Lorient animés par Renée Conan et Simone de Bollardière51. La fusion des trois principales organisations écologistes françaises au sein des Verts en janvier 1984 est confuse et compliquée : le nouveau parti rassemble moins de 2 000 militants dans le pays en 198452. Comme dans les formations d’extrême gauche, ils sont peu nombreux (45 dans le Morbihan en 1991) et le turnover y est fort car beaucoup de jeunes passent par Les Verts, surtout lorsqu’ils font d’excellents scores comme aux élections municipales de 1989 et en 1992. Dans les années 1990, Les Verts attirent des militants associatifs ainsi que des membres de la gauche alternative et syndicale en déshérence passés par le PSU ou les mouvances maoïste et trotskiste. Durant toute la période, les écologistes bretons servent souvent d’aiguillon aux socialistes et leurs résultats électoraux sont un bon baromètre des rapports de l’électorat de gauche au PS.
Les élections régionales et législatives de 1986 : la bonne résistance du PS
42Au plus bas aux Européennes, la gauche va se redresser lors des élections législatives du 16 mars 1986 qui se tiennent le même jour que les premières élections régionales au suffrage universel. L’instauration du scrutin proportionnel de liste départemental change la donne. François Mitterrand réalise une promesse de 1981, mais surtout il cherche à limiter la casse pour le PS et à affaiblir la droite car cette réforme va permettre au FN d’envoyer des députés à l’Assemblée, facteur de division à droite car certains élus lorgnent vers le FN. Le nombre de députés est porté à 577, trois de plus dans la région (36). L’opposition s’apprête à revenir au pouvoir dans le cadre d’une cohabitation inédite refusée par Raymond Barre. Le 10 avril 1985, le RPR et l’UDF signent un accord pour « gouverner ensemble et seulement ensemble », en excluant donc le FN. Le 18 octobre, des listes d’union RPR-UDF sont validées dans près des deux tiers des départements, quatre sur cinq en Bretagne. En Ille-et-Vilaine, le RPR (un élu, Michel Cointat) et l’UDF ont préféré se présenter séparément (trois élus dont le CDS Yves Fréville à Rennes qui reprend le flambeau de son père). En outre, la composition des listes a provoqué la formation de deux listes RPR dissidentes : dans les Côtes-du-Nord, Bertrand Cousin, un « parachuté » parisien par ailleurs adjoint au maire de Brest est élu, et dans le Finistère le sénateur-maire de Quimper Marc Bécam revient à l’Assemblée mais est exclu du RPR.
43L’épreuve du pouvoir va-t-elle faire de la poussée du PS en Bretagne un feu de paille dans une région de conquête récente ? Sans surprise, les droites républicaines redeviennent majoritaires en voix (48,7 % pour les listes unies RPR-UDF, et même 54,7 % avec les listes dissidentes et divers droite) et en sièges (21 députés contre 15 au PS)53. Mais en voix, les deux grands partis de droite n’ont pas regagné leur supériorité des années 1960 quand ils obtenaient plus de 66 % des suffrages en 1962 et 1967, et même 68 % en 1968, ne progressant que de 1,2 % depuis 1981. La Bretagne a résisté au vote frontiste : 5,4 % contre 9,8 dans le pays. N’ayant que 45,2 %, les candidats de gauche ont perdu près de 6 points depuis 1981, retombant à leur niveau de 1978. La gauche n’est plus majoritaire que dans les Côtes-du-Nord et elle est tombée à 40,4 % dans le Morbihan. Parti de gouvernement, avec 36 % des voix, le PS a plutôt bien résisté (5,4 % de plus que sa moyenne nationale)54, le PCF poursuivant sa chute à 6,4 % (11,6 dans les Côtes-du-Nord, mais 3,3 % en Ille-et-Vilaine, moins que le FN, 4,3 %). Le nouveau mode de scrutin a assurément limité la casse en sièges pour le PS mais dans ses départements de force il a perdu des députés sortants moins bien placés sur la liste pour des raisons de rapports de force entre les courants et de géographie électorale55. En revanche, en Ille-et-Vilaine, le PS (34,8 % des voix) obtient un troisième député, Clément Théaudin, le suppléant d’Edmond Hervé depuis 1981. Et il y avait pourtant une liste socialiste dissidente conduite par Louis Chopier et Michel Phlipponneau (1,91 %). De même, le Morbihan conserve ses deux députés sortants. En 1986, le renouvellement des hommes est très limité, si ce n’est l’élection de Jean-Marc Ayrault qui conduit la liste en Loire-Atlantique (quatre élus comme en 1981). Là où elles sont présentes, les listes trotskistes (LO, MPTT) font des résultats dérisoires (1 à 2 %).
Tableau VI. – Les députés élus en Bretagne le 16 mars 1986.

44À droite, des sortants sont réélus : quatre en Loire-Atlantique et dans le Morbihan, dont Aimé Kerguéris (PR-UDF) qui avait succédé à Christian Bonnet, trois en Ille-et-Vilaine, deux dans le Finistère. Des battus de 1981 reviennent au Palais-Bourbon (René Benoit, PR, et Sébastien Couépel, CDS, dans les Côtes-du-Nord) et des nouveaux font leur entrée (trois CDS : Jean-Yves Cozan dans le Finistère, Monique Papon à Nantes, Yves Fréville à Rennes et la RPR Élisabeth Hubert à Nantes). Il n’y a que cinq nouveaux députés sur 36, tous de droite, et seulement trois femmes. Au total, en 1986, le RPR gagne deux sièges en Bretagne (neuf députés), mais la principale gagnante est l’UDF, 12 députés (6 PR, 6 CDS). En Ille-et-Vilaine, la liste séparée de Michel Cointat essuie un échec face à l’UDF ; le PS se paie même le luxe d’arriver en tête à Dinard, la ville d’Yvon Bourges. La Bretagne semble revenue à droite mais le PS allié au MRG a, comme au niveau national, plutôt bien résisté. Il conserve 215 sièges pour 35 au PCF, 145 au RPR et 129 à l’UDF, plus 14 divers droite et 35 extrême droite (FN). Jacques Chirac choisit trois ministres bretons dans son gouvernement de cohabitation : Pierre Méhaignerie, ministre de l’Équipement, du Logement, de l’Aménagement du territoire et des Transports, Alain Madelin à l’Industrie, aux P et T et au Tourisme, et le Finistérien Ambroise Guellec (UDF-CDS), secrétaire d’État à la Mer. Voulant la « rupture » avec le socialisme, Édouard Balladur, ministre d’État à l’Économie et aux Finances, engage une politique libérale de type anglo-saxon marquée symboliquement par les privatisations et la suppression de l’impôt sur les grandes fortunes.
45Dans une région à la forte identité régionale, les élections régionales sont l’occasion de mesurer si un vote régionaliste existe, voire s’il y a un éventuel décalage entre enjeux nationaux et régionaux. Le 16 mars 1986, 41 listes départementales sont en lice dans les cinq départements bretons, sachant que la Loire-Atlantique appartient à la région des Pays de la Loire. Pour les principales formations politiques, l’écart entre les résultats aux élections législatives et aux élections régionales est très faible, moins de 1 % pour le PCF (6,6 %), l’UDF-RPR (47,7 %) et le Front national (5,1 %). En revanche, avec 33 %, le PS est en retrait de 3 points. Cela s’explique par la présence en Ille-et-Vilaine de la liste dissidente Gauche démocratique et régionaliste des ex-socialistes et d’une liste des radicaux de gauche. Présents dans quatre départements sur cinq, les écologistes obtiennent 2,6 % des voix (3,5 % en Loire-Atlantique). Même si elles ont pu prendre quelques voix au PS, les listes Convergence bretonne-Kemper Breizh n’attirent que 1,5 % des votants (2,39 % dans les Côtes-du-Nord). Elles sont pourtant soutenues par l’UDB et une partie de l’extrême gauche (PSU, LCR, des écologistes). Défendant un projet autonomiste et révolutionnaire – ils soutiendront Pierre Juquin en 1988 –, ces forces ne font guère recette, soulignant par là même la faiblesse du vote régionaliste de gauche en Bretagne56. Aux élections régionales de 1986, le rapport des forces droite/gauche est de 54,1 % contre 43,2 %, si bien qu’à la région Bretagne, désormais présidée par le sénateur Yvon Bourges (RPR), la droite et le centre disposent de 45 conseillers (24 UDF, 16 RPR, 5 divers droite), la gauche de 34 (30 PS, 4 PCF) et le FN de deux. Ce sont presque tous de grands élus, députés, ex ou futurs députés ou ministres, maires des grandes villes avec seulement trois femmes. La Loire-Atlantique envoie 31 élus au conseil régional des Pays de la Loire présidé par le RPR Olivier Guichard (16 union de l’opposition, 12 PS, 1 PCF, 2 FN). Les droites dirigent 20 régions françaises sur 22.
46Notons que les élections de 1986 ont failli être fatales à la Fédération écologiste bretonne (FEB) qui a rassemblé les deux formations écologistes dans le nouveau parti des Verts en janvier 198457. Or, Les Verts n’ont pas présenté de listes aux élections législatives en Bretagne, mais leur leader national et rennais Yves Cochet est allé se présenter, sans succès, dans le Nord au grand dam des militants bretons. Cette situation provoque une crise interne entre les partisans d’Yves Cochet, alors majoritaires dans la région, et ceux d’Antoine Waechter, hostile à tout accord avec la gauche alternative, qui prennent le contrôle du parti lors de l’assemblée générale régionale de 1986. Les Verts passent de 82 adhérents en 1985 à 46 en 1986 selon leur organe Bretagne écologie (novembre 1986) et à 25 en 1987. Ces chiffres traduisent l’extrême faiblesse militante de ce parti dans une région où il recueille pourtant pas mal de voix.
Présidentielles de 1988 : les Bretons votent « Tonton »
47Les élections présidentielles de 1988 interviennent à l’issue de deux années de cohabitation et de fortes tensions entre les deux pôles de l’exécutif (réforme Devaquet en 1986, crises des otages du Liban et de Nouvelle-Calédonie…). En s’opposant à son Premier ministre qui dispose d’une majorité étroite, le président retrouve une popularité perdue lui permettant de se représenter. Les résultats du 8 mai 1988 confirment les évolutions politiques en Bretagne, puisqu’avec 55 % des suffrages, le président sortant est largement réélu au second tour (54 % en France) [voir le tableau VII, p. 305]58. Il obtient 59,3 % dans les Côtes-du-Nord, et même 52,9 % dans le Morbihan. La majorité sortante de 1986 a volé en éclats puisque le Premier ministre RPR Jacques Chirac a affronté au premier tour Raymond Barre, l’ancien Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing qui représente la droite libérale et les centristes de l’UDF. Raymond Barre (19,4 % des voix) recueille trois points de plus que sa moyenne nationale, talonnant Jacques Chirac qui, avec 20,1 %, dépasse de peu son résultat dans le pays mais a perdu 1,2 % sur le score des trois candidats gaullistes de 1981. Le gaullisme présidentiel n’existe plus en Bretagne, ce vote étant au mieux stabilisé à un votant sur cinq.
48Recueillant 36,5 % des suffrages (2,6 % de plus que dans le pays), en hausse de 9,5 % depuis 1981, François Mitterrand a largement mordu dès le 1er tour sur l’électorat giscardo-centriste qui s’est effondré depuis 1974 (baisse de 21 %), retombant au niveau de Jean Lecanuet en 1965. Si les résultats départementaux de Raymond Barre, soutenu de fait par l’UDF, sont assez homogènes, la baisse est forte dans les traditionnels bastions blancs de la droite : Morbihan, partie orientale de l’Ille-et-Vilaine et même dans le Léon finistérien, territoires dans lesquels le président sortant a progressé. Certes, une partie de cet électorat s’est reportée sur le candidat d’extrême droite du Front national (FN) Jean-Marie Le Pen qui obtient 9,9 % des voix en Bretagne, toutefois 4,5 % de moins que sa moyenne nationale. Il atteint 12,9 % dans le Morbihan, son département de naissance, en particulier sur le littoral et dans certaines villes. Effets retraités et classes moyennes aisées ?
Tableau VII. – Les résultats des principaux candidats aux élections présidentielles en 1988, 1995 et 2002 en Bretagne.

49En 1988, après sa participation au gouvernement et son refus de rester dans le gouvernement Fabius en 1984, la gauche communiste est mal en point car elle présente deux candidats : André Lajoinie, candidat officiel du PCF qui n’obtient que 4,5 % des voix dans la région (7,9 % dans les Côtes-du-Nord), soit un recul de 5,7 % par rapport à 1981, et Pierre Juquin, rénovateur exclu du PCF qui ne capte que 2,3 % des suffrages, autant qu’Arlette Laguiller (LO). Le PCF est bien en voie de marginalisation en Bretagne : en un septennat, il a perdu près de 10 % de voix dans ses bastions de Guingamp et du Trégor (Lannion et Morlaix). Quant à Antoine Waechter (Les Verts), il maintient le score écologiste de 1981. Au soir du 24 avril, en dépit de l’affaiblissement du PCF, le total des voix des candidats de gauche a progressé depuis 1981, alors que celui des droites et de l’extrême droite a perdu la majorité absolue. Le second tour est sans appel : François Mitterrand bénéficie d’un nouveau transfert de l’électorat centriste, surtout en Ille-et-Vilaine et dans le Morbihan, d’une partie des voix du FN et des trois quarts du vote écologiste. Dans les années 1980, le vote en faveur de François Mitterrand, qui s’affiche en « père de la nation » d’une « France unie » dans sa Lettre à tous les Français du 7 avril 1988, a fortement progressé aux élections présidentielles. Est-ce le cas aux élections législatives ?
50François Mitterrand nomme Michel Rocard Premier ministre le 10 mai et dissout l’Assemblée nationale le 14. Les élections législatives se déroulent les 5 et 12 juin 1988. Leurs résultats en Bretagne sont plutôt en demi-teinte pour la gauche. On est revenu au scrutin d’arrondissement majoritaire dans des circonscriptions redécoupées par l’ancien ministre de l’Intérieur Charles Pasqua. Le premier tour est marqué par une forte abstention (31,7 %). Seize députés sortants sont réélus dès le 1er tour et il y a peu de résultats serrés au second. Le rapport des forces évolue peu : 20 sièges pour la nouvelle opposition de droite nommée l’Union du rassemblement et du centre (URC) contre 16 au PS59. Le renouvellement des députés est limité (5 sur 36). À l’Assemblée, le PS et ses alliés (277) n’ont pas la majorité absolue, les droites ayant 272 sièges (130 UDF, 128 RPR, 14 divers droite). Bien que réduit à 27 députés, le PCF est en position d’arbitre, ce qui va contraindre Michel Rocard à s’appuyer parfois sur les centristes du CDS ou à user du 49.3 pour faire voter ses lois, « l’ouverture » vers le centre n’ayant pas vraiment fonctionné60.
51En voix, la gauche est à 49,5 %, plus 0,3 % pour les candidats écologistes en Bretagne, ce qui montre que plus de 5 % des voix centristes qui s’étaient portées sur François Mitterrand sont revenues vers l’UDF. Avec plus de 42 % des voix au 1er tour (46 % dans les Côtes-du-Nord), le PS devient hégémonique à gauche alors que le PCF se stabilise à 7 % (13,2 % dans les Côtes-du-Nord). Le PS réalise un nouveau « grand chelem » dans les Côtes-du-Nord où Pierre-Yvon Trémel succède à Pierre Jagoret à Lannion, conserve quatre députés sur huit dans le Finistère – Bernard Poignant est réélu à Quimper contre Marc Bécam – et deux dans le Morbihan, mais en perd un en Ille-et-Vilaine et un en Loire-Atlantique. Le PS ne conserve que trois députés car Alain Chénard a été battu à Nantes-Orvault par Monique Papon. En revanche, à Châteaubriant, Martine Buron (PS) a mis en difficulté Xavier Hunault qui s’affiche désormais UDF (voir le tableau VIII p. 307)61.
Tableau VIII. – Les députés de Bretagne de 1988 à 2002.

52Du fait de la présence du FN (5,3 %, deux fois moins que dans le pays), en 1988 l’Union de la droite retombe à 44,8 % des voix en Bretagne, 4,3 points de moins qu’en 1986 et 9,4 % de moins qu’en 1978. Après les deux années d’exercice du pouvoir par Jacques Chirac, le RPR perd deux sièges (sept) ne gardant que ses grands notables installés depuis longtemps, sauf une nouvelle venue, Élisabeth Hubert à Nantes62. En revanche, l’UDF progresse : 13 députés dont sept pour le CDS. La Bretagne paraît retrouver son tropisme centriste démocrate chrétien. Dans le Finistère, Jean-Yves Cozan et Ambroise Guellec, qui bat le sortant Jean Peuziat, sont élus de justesse alors que René Couanau l’emporte facilement à Saint-Malo. Au grand dam des ténors de l’UDF, Valéry Giscard d’Estaing et Raymond Barre, Pierre Méhaignerie forme un groupe centriste autonome à l’Assemblée qui se place dans l’opposition. L’échec de ses deux anciens Premiers ministres laisse entrevoir à Valéry Giscard d’Estaing un possible retour au premier plan. À cet effet, il prend la présidence de l’UDF de 1988 à 1996.
53En 1988, le rapport gauche/droite est relativement équilibré en Bretagne, la décennie ayant vu un net progrès de la gauche socialiste. La construction de réseaux dans les syndicats, le monde enseignant, les associations sportives et culturelles, et de relais locaux n’y a pas été pour rien. Les deux rocardiens Louis Le Pensec (DOM-TOM) et Claude Évin (aux Affaires sociales) sont ministres de Michel Rocard.
54Les élections cantonales des 25 septembre et 2 octobre 1988 ne modifient pas le rapport des forces : avec une abstention qui dépasse les 50 % en France, la droite (45 %) et le FN (5,2 %) sont légèrement majoritaires en voix au 1er tour, mais la gauche progresse en sièges au second (+87 pour le PS et le Bretagne y contribue) sans modifier le rapport des forces (71 présidences à droite contre 30). En Bretagne, la situation évolue peu : le PS a 22 élus (plus cinq) dans le Finistère (les trois cantons quimpérois où la construction d’une rocade a joué contre le maire RPR). Les divisions du RPR se traduisent par un recul ou le départ d’élus (de 14 à 9) qui se disent divers droite, de même la composante centriste de l’UDF se réduit à sept. Louis Orvoën ne s’étant pas représenté, sa succession à la présidence du conseil général est disputée entre les deux partis de droite : c’est le député RPR Charles Miossec de Landivisiau qui l’emporte. Dans les Côtes-du-Nord, le PS a 24 sièges (+1), mais le PCF reprend Guingamp au PS et passe de sept à neuf conseillers généraux (voir le tableau II, p. 288). La majorité de Charles Josselin est confortée (33 contre 19). Si à Dinan-Est, l’ancien député René Benoît (PR) sauve son siège de 5 voix, le sénateur Yves Le Cozannet (CDS-UDF) est battu par un socialiste à Tréguier. En Ille-et-Vilaine, la majorité de Pierre Méhaignerie n’est nullement en difficulté, même si le PS gagne trois cantons (treize) tandis que Louis Chopier (majorité présidentielle), qui avait un candidat du PS contre lui, est réélu à Saint-Malo. La situation est identique en Loire-Atlantique où le PS gagne deux sièges (seize) : Martine Buron à Châteaubriant et Moïse Landreau qui a battu Francis Lambourg, conseiller général du Pellerin depuis 196463. Le RPR (17) poursuit son implantation locale en attirant des divers droite, phénomène sensible aussi dans le Morbihan. Dans ce département, seize des 18 sortants sont réélus, le PS gagnant deux sièges (de 5 à 7). À 73 ans, Raymond Marcellin poursuit sa longue carrière politique. Avec un gain de treize sièges en 1988 (plus un, majorité présidentielle), le PS récupère à peu près ses pertes de 1985, mais on note l’arrivée d’une nouvelle génération d’élus. Désormais, tous les partis doivent compter avec la présence des Verts en Bretagne où leurs 23 candidats obtiennent en moyenne 7,3 % des voix.
Des succès du rocardisme à la débâcle du PS en 1993
55Michel Rocard parvient d’abord en quelques jours à désamorcer la bombe sur le point d’exploser en Nouvelle-Calédonie. Un accord sur le statut du territoire entre les Caldoches du RPCR et les Kanaks du FLNKS est signé à Matignon le 26 juin 1988, ratifié par référendum le 6 novembre. En décembre, le revenu minimum d’insertion (RMI) est créé ainsi que la contribution sociale généralisée (CSG) deux ans plus tard. À l’été de 1989, des lois assainissent le financement des partis et de la vie politique et la célébration fastueuse du bicentenaire de la Révolution française voulue par François Mitterrand est un succès. Toutefois, si le chômage baisse un peu en 1989, il reste très élevé (2,5 millions).
56Les élections municipales de mars 1989 se déroulent donc dans un contexte favorable aux socialistes, même si les enseignants attendent avec impatience la revalorisation de leur métier promise par Lionel Jospin, le numéro 2 du gouvernement. Ce mécontentement se traduit d’ailleurs dans les urnes par une forte poussée au 1er tour dans les villes du vote écologiste ou du vote d’extrême gauche. Les Verts se maintiennent souvent au 2e tour et entrent dans plusieurs conseils municipaux. Néanmoins, la gauche regagne une partie des villes perdues en 1983, mais le PCF poursuit son affaiblissement : elle passe de 125 à 133 villes de plus de 30 000 habitants, la droite et le centre de 111 à 103. En Bretagne, ce succès est marqué par bon nombre de victoires des socialistes, les plus spectaculaires étant celles de Jean-Marc Ayrault à Nantes et de Pierre Maille à Brest64. Edmond Hervé est réélu à Rennes ainsi que Jean-Yves Le Drian à Lorient, de même que Claude Saunier à Saint-Brieuc, Joël Batteux à Saint-Nazaire, Jacques Floch à Rezé, Gilbert Le Bris à Concarneau, Jacques Faucheux à Fougères, Pierre Bourges à Redon. Bernard Poignant (PS) reprend Quimper à la droite RPR, de même qu’Alain Gouriou à Lannion. Jean-Pierre Thomin gagne Landerneau, Guy Savin Quimperlé, Martine Buron Châteaubriant, Didier Chouat Loudéac. Mais le PS perd Morlaix au profit d’Arnaud Cazin d’Honincthun (CDS-UDF) et Guingamp (Albert Lissilour). Les divisions de la gauche expliquent ces échecs. S’il conserve ses maires communistes à Douarnenez (Michel Mazéas), Carhaix (Jean-Pierre Jeudy), Lanester (Jean Maurice) et à Hennebont (Jean Le Borgne), le PCF perd Plérin. La droite conserve sans difficulté Vannes (Pierre Pavec, PR), Vitré (Pierre Méhaignerie, CDS), Saint-Malo (René Couanau, CDS), Dinan (René Benoit, PR), Lamballe (Fernand Labbé, RPR), Pontivy et Ploërmel (Paul Anselin, RPR). Mais à Dinard, le dauphin d’Yvon Bourges est battu par Marius Mallet (divers droite). Les élections municipales de 1989 sont un bon cru pour la gauche en Bretagne, essentiellement pour le PS qui reprend des mairies perdues en 1983, gagnant quelques villes et en concédant assez peu. Les listes vertes obtiennent d’excellents scores au 1er tour et progressent au 2e. La liste « Rennes verte » d’Yves Cochet frôle les 14 % et a quatre élus au soir du 1er tour65. Les Verts ont des conseillers à Saint-Nazaire (trois, 11,1 % des voix), Quimper (trois, 15,1 %), Lorient (deux, 20,4 % au 2e tour en alliance avec l’UDB), Vannes (21,2 % au 2e tour), Saint-Brieuc où ils sont passés de 14,5 à 22,2 %, Orvault (cinq élus après fusion avec la liste de gauche), mais 4,4 % seulement à Nantes. La FEB-Les Verts, reprise en main par Yves Cochet depuis 1988 et passée depuis un an d’une centaine d’adhérents à plus de 200, obtient 20 conseillers municipaux qui, en général, sauf à Quimper et à Orvault, siègent dans l’opposition municipale. La puissance municipale du PS paraît contestée. En revanche, alliée à la gauche dans plusieurs villes, l’UDB a environ 70 conseillers municipaux – deux de Frankiz Breizh à Brest – et conserve ses deux maires sortants66.
57Dans la foulée, les élections européennes de juin 1989 sont bonnes pour le PS (23,6 % des voix pour la liste Laurent Fabius, 3,2 % de plus qu’en 1984, 20 députés) et surtout Les Verts (10,6 %, neuf députés)67. En Bretagne, soutenus par l’UDB, Les Verts recueillent 12,2 % et leur leader national Yves Cochet va sièger à Strasbourg jusqu’en décembre 1991 en vertu du tourniquet (rotation des élus à mi-mandat). Dans ce cadre, Renée Conan est présente quelques mois jusqu’à son décès en juillet 1992. Les socialistes bretons sont aussi représentés par Bernard Thareau réélu qui avait été conforté en 1988 par Martine Buron et Louis Chopier, réintégré au PS après la crise des régionales de 1986. De 1989 à 1994, ils sont deux représentants de Loire-Atlantique sur 81 (Thareau et Buron). L’UDF et le RPR n’accordent pas le même intérêt aux Bretons qui sont pourtant majoritairement pro-européens : Alain Madelin démissionne en novembre 1989 et Guy Guermeur ne siège qu’en 1993-1994.
58Mais le tissu des petites communes rurales reste encore largement ancré à droite et au centre, sauf dans les Côtes-du-Nord, comme en témoignent les élections sénatoriales du 24 septembre 1989. Dans le Finistère et en Ille-et-Vilaine, les listes de droite unies emportent tous les sièges : dans le 1er département, les centristes Alphonse Arzel et Édouard Le Jeune sont réélus au 2e tour contre la liste de Pierre Maille (PS), de même que le RPR Alain Gérard auquel s’ajoute Jacques de Menou (RPR)68. En Ille-et-Vilaine, Yvon Bourges (RPR) reste au Palais du Luxembourg mais, signe de déclin du gaullisme, trois CDS-UDF sont élus : Jean Madelain et Marcel Daunay réélus, et André Egu entre au Sénat. En revanche, les Côtes-du-Nord basculent totalement à gauche : René Régnault réélu et Claude Saunier (PS) élu, ainsi que Félix Leyzour (PCF) au 2e tour. Contrairement à 1980, cette fois l’union de la gauche s’est imposée69. Il n’y avait plus eu de sénateur communiste en Bretagne depuis 1948. Félix Leyzour apporte un 16e siège au groupe communiste.
59À partir de 1991, une crise de confiance frappe les gouvernements de François Mitterrand, malade, et le PS au pouvoir : révélations sur le passé à Vichy du chef de l’État et ses relations maintenues avec René Bousquet, affaire Urba de financement occulte du PS, crise économique et montée du chômage. Deux socialistes bretons occupent brièvement des postes ministériels : Jean-Yves Le Drian, secrétaire d’État à la Mer dans le gouvernement d’Édith Cresson (15 mai 1991-2 avril 1992), puis Charles Josselin au même poste dans le gouvernement de Pierre Bérégovoy (1992-mars 1993).
60Plusieurs consultations en 1992 témoignent du rapport des forces. Les élections régionales du 22 mars 1992 ne remettent pas en cause la suprématie des droites. En Bretagne, l’UDF a 20 élus, le RPR 18 plus 4 divers droite alors que le gauche n’a que 21 sièges (18 PS, 3 PCF)70. En revanche, les écologistes divisés ont capté une partie du vote de gauche : 12 sièges (6 Verts, 4 Génération écologie-GE, 2 écologistes). La situation est comparable en Loire-Atlantique (région Pays de la Loire) : sur 31 sièges, la liste RPR-UDF en a 15, le PS 7 (le PCF aucun), une liste écologiste 3 et Les Verts 2, le FN 3 et les Chasseurs 1. Les présidences d’Yvon Bourges et d’Olivier Guichard sont solides. Depuis 1989, le fait politique notable est la poussée du vote écologiste en Bretagne. En concurrence avec Les Verts considérés comme « sectaires », encouragé par François Mitterrand, son ministre de l’Environnement Brice Lalonde a fondé en décembre 1990 le mouvement Génération écologie (GE). En rupture de parti, des personnalités venues de différents horizons (ex-Verts, PS, MRG, voire de droite), sans beaucoup de militants sur le terrain, s’imposent en 199271. GE obtient 8,6 % des voix en Bretagne (7,1 % en France), devançant Les Verts, 7 % (6,8 % dans le pays)72. Une structure politique régionale GE n’est créée qu’à l’été de 1993, mais ce parti est déjà secoué par des scissions. Néanmoins, en votant écologiste en 1992 (plus de 15 % des voix), une partie de l’électorat de gauche et du centre a signifié ainsi son rejet du PS. En revanche, pour l’UDB qui s’est coalisée avec les nationalistes bretons de Pobl sur des listes « Peuple breton, peuple d’Europe », c’est un nouvel échec (2,07 % des voix). Le référendum du 20 septembre 1992 (près de 30 % d’abstentions) confirme l’attachement des Bretons à la construction européenne. Convergence des électorats socialiste et démocrate-chrétien, influence de leurs réseaux dans les milieux économiques (agricoles et urbains), les Bretons ont voté oui à 59,85 % en faveur du traité de Maastricht (plus de 62 % à Rennes, Brest, Quimper, Morlaix…). Ils contribuent avec les Alsaciens à la victoire étriquée en France (51 %) d’un traité qui engage la création à terme de la monnaie unique, l’euro.
61Les élections sénatoriales de septembre de 1992 confirment la force des droites en Haute-Bretagne. Dans le Morbihan, les trois sortants sont réélus, ainsi que trois sénateurs de Loire-Atlantique sur cinq. Notons l’arrivée du RPR Guy Lemaire et surtout la progression du PS (deux élus). Suppléante de Claude Évin à Saint-Nazaire, ayant siégé de 1988 à 1991, Marie-Madeleine Dieulangard est sénatrice jusqu’en 2001, première femme de la région à entrer au Palais du Luxembourg.
62Dans ce contexte quelque peu crépusculaire et face à des droites très offensives, les élections législatives de mars 1993 sont un désastre pour la gauche : le PS ne garde que cinq députés en Bretagne : deux dans la banlieue nantaise, un à Rennes, Charles Josselin et Louis Le Pensec. Des anciens ministres sont battus parfois par des inconnus : Edmond Hervé, Jean-Yves Le Drian, Claude Évin (à 200 voix) ; Kofi Yamgnane, le secrétaire d’État à l’Intégration, ne parvient pas à l’emporter contre Jean-Yves Cozan à Châteaulin (voir le tableau VIII, p. 307). À Lorient, la CGT et le PCF font payer cash à Jean-Yves Le Drian sa réforme du statut des dockers qui, depuis la Libération, permettait la mainmise syndicale sur l’embauche. Les droites raflent 480 sièges, n’en laissant que 92 à la gauche, 67 au PS et ses alliés, 25 au PCF, une chambre introuvable. En Bretagne (15 nouveaux députés), le RPR a remporté 14 sièges (cinq sur dix en Loire-Atlantique), l’UDF 17 dont 12 pour le CDS de Pierre Méhaignerie (réélu à 62,2 % au 1er tour), 5 PR plus le divers droite Jacques Le Nay qui a battu de 117 voix un RPR à Hennebont. Pour la première fois depuis longtemps, Raymond Marcellin a été mis en ballottage. Des successions ont été disputées à droite, notamment à Paimbœuf où un centriste l’emporte sur un RPR. De même, à Fougères, ayant refusé l’accord des droites, Marie-Thérèse Boisseau bat le RPR Michel Cointat. À Châteaubriant, Michel Hunault (conseiller général et maire de Derval) succède à son père mais sous la bannière du RPR ; Élisabeth Hubert, présidente départementale du RPR, est réélue à Nantes et le siège du vignoble va à un RPR, le député sortant UDF-PR étant son suppléant. Même les Côtes-d’Armor donnent trois élus au parti néogaulliste. En 1993, l’union des droites (UDF-RPR) recueille 49 % des suffrages en Bretagne (+0,3 % sur 1986), le FN 7,9 %, tandis que PS tombe à 21 % (près de 20 points de moins qu’en 1988) et que le PCF se stabilise à 6,7 %. Les voix perdues par le PS se sont portées sur les écologistes, Les Verts et Europe écologie qui récoltent 11,3 %73. L’UDB a présenté sept candidats (2,57 % des voix). La gauche, qui était aux élections législatives à 50,5 % des voix en 1981 et 49,9 % en 1988, tombe à 30,8 %. La sanction électorale est sévère en sièges et en voix. La tendance était déjà la même aux élections locales. Les élections cantonales de 1992 ont enregistré un fléchissement du PS : ce parti perd de un à trois cantons (Côtes-du-Nord et Finistère), sauf en Loire-Atlantique (plus deux). C’est une perte de sept sièges depuis 1988. Le recul est comparable en mars 1994 puisque le PS perd huit cantons en Bretagne, retombant à son niveau de 1985 (67), dont quatre en Loire-Atlantique où Jean-Louis Le Corre (PCF) est élu à Montoir-de-Bretagne (onze communistes au total)74. Face à l’UDF et aux modérés, le RPR poursuit son enracinement (53). Les droites conservent 77 présidences, la gauche 24. Charles Josselin (PS) est réélu président, tout comme Charles Miossec (RPR), Pierre Méhaignerie (CDS) et Raymond Marcellin (PR). En Loire-Atlantique, le sénateur RPR Luc Dejoie a pris la présidence à l’UDF car le sénateur sortant ne se représentait pas : cette famille politique de la droite indépendante la détenait depuis 1945.
63Le deuxième gouvernement de cohabitation formé le 30 mars 1993 est présidé par Édouard Balladur (RPR), Jacques Chirac se réservant pour les élections présidentielles de 1995. Il comprend quatre ministres d’État dont Pierre Méhaignerie, garde des Sceaux, Alain Madelin obtenant le ministère des Entreprises et du Développement économique. Comme Charles Pasqua est redevenu ministre de l’Intérieur, Josselin de Rohan prend la présidence du groupe RPR au Sénat.
64Rapidement, le Premier ministre, populaire dans les sondages, se prépare pour l’élection présidentielle, disposé à affronter le chef de son parti et ancien mentor, Jacques Chirac, qui attend son heure à l’hôtel de ville de Paris. Mais le gouvernement Balladur est affaibli par toute une série de difficultés. En décembre 1993, le ministre de l’Éducation nationale François Bayrou fait voter la réforme de la « loi Falloux » de 1850 exigée par l’aile dure de l’UNAPEL. Cette loi reconnaissant la liberté de l’enseignement limitait toutefois à 10 % le financement des établissements privés par les collectivités locales. C’est ce verrou que la droite dure veut faire sauter. Ce vote déclenche une vaste mobilisation des partisans de l’école publique à Paris le 18 janvier 1994 : entre 600 000 et 900 000 manifestants selon Le Monde. Cette sorte de revanche de la manifestation parisienne du privé du 24 juin 1984 requinque une gauche abasourdie par le désastre électoral de mars 1993. De même, la création du contrat d’insertion professionnelle (CIP) qui permettrait d’embaucher des bacheliers et bac +2 au-dessous du SMIC jette dans la rue en mars 1994 des milliers d’étudiants, notamment des IUT. Le gouvernement est contraint de retirer son décret. Les ports de Bretagne sont particulièrement touchés par la crise de la pêche. Or, le 4 février 1994, Édouard Balladur, accompagné de six ministres, vient signer à Rennes un contrat de plan État-Région. C’est perçu comme une provocation par les pêcheurs : de violents affrontements avec la police se déroulent toute la journée avec leur lot de dégradations dans le centre-ville. Dans la nuit qui suit, en raison d’une fusée de détresse envoyée dans les combles, le parlement de Bretagne brûle. C’est un symbole de l’histoire et de l’identité régionale qui est ravagé par les flammes laissant certainement des traces électorales. Par ailleurs, la mise en examen de trois ministres pour différentes « affaires » les contraint à la démission au second semestre 1994.
Le premier septennat de Jacques Chirac (1995-2002) : de la « fracture sociale » à la 3e cohabitation
65Durant la deuxième cohabitation, le Parti socialiste est en mauvaise posture, d’autant plus que la direction affaiblie depuis le désastreux congrès de Rennes (15-18 mars 1990) est en proie aux luttes de succession. Laurent Fabius et Lionel Jospin s’affrontent pour la direction du parti, déchirant la majorité mitterrandiste et montrant la perte d’autorité du président de la République sur son parti. Depuis son apogée de 1979-1981, le PS a perdu 20 % de ses adhérents mais il en revendique encore 7 450 en Bretagne, ce qui n’est que 4,5 % du total national et un adhérent pour 100 électeurs socialistes. Les fédérations du Finistère (2 175) et de Loire-Atlantique (2 075) résistent à la chute des effectifs, contrairement à celles des Côtes-d’Armor75 (1 150, une perte de 40 % en 10 ans), le même nombre que l’Ille-et-Vilaine, et du Morbihan (900)76. On peut suivre l’évolution de la vie interne du PS du Finistère qui se retrouve dans les autres fédérations77. En 1990, le PS y revendique 2 310 adhérents mais ils ne sont que 1 568 à voter sur les motions en prévision du congrès de Rennes : 59,7 % de rocardiens pour une moyenne nationale de 24,3 % ; 12,54 % pour la motion Mauroy-Jospin (27,58), 10,52 % pour les fabusiens (28,9 %), 4,13 % pour Socialisme et République, ex-CERES (8,5 %). Derrière Louis Le Pensec, tous les principaux élus socialistes sont rocardiens. La participation à la vie du parti s’atrophie dans ces années de crise du mitterrandisme : seulement 38,8 % des 1 841 adhérents officiels du Finistère votent lors du congrès de 1992, 56,2 % des 1 200 adhérents fin 1994 mais 86,8 % des 1 368 adhérents de 1995 choisissent Lionel Jospin comme candidat.
66Au lendemain de la défaite électorale, le 3 avril 1993, Michel Rocard renverse Laurent Fabius qui avait succédé à Pierre Mauroy comme 1er secrétaire en janvier 1992, devenant président d’une direction provisoire. Au congrès de Bordeaux, le 12 juillet 1992, Michel Rocard s’était présenté en « candidat naturel » du PS à l’élection présidentielle. Lionel Jospin annonce son éloignement de la vie politique et Jean-Pierre Chevènement rompt avec le PS. Au milieu des années 1980, ce dernier avait créé le courant République et socialisme puis, ministre de la Défense, avait démissionné du gouvernement le 29 janvier 1991 en désaccord avec l’intervention française aux côtés des Américains lors de la 1re guerre du Golfe. Le 19 avril 1993, Chevènement quitte le PS pour fonder le Mouvement des citoyens (MDC) auquel appartiennent certains élus comme Joël Batteux, le maire de Saint-Nazaire.
67Au congrès du PS de Bourges (22-24 octobre 1993), Michel Rocard est élu premier secrétaire mais les résultats désastreux de la liste PS aux élections européennes du 12 juin 1994 (14,5 % des voix, 15 députés sur 87, aucun Breton) se soldent par son renvoi. Il y avait vingt listes en lice. La liste socialiste fait ses meilleurs scores dans les Côtes-d’Armor et le Finistère (18,1 et 18,6 %), obtenant 17,8 % en Loire-Atlantique, 16,8 % en Ille-et-Vilaine et 14,5 % dans le Morbihan78. C’est quand même près de trois points de plus que sa moyenne nationale de 14,5 %. La liste UDF-RPF de Dominique Baudis a obtenu 28 sièges (25,6 % des voix), dont un pour le Nantais Jean-Pierre Bazin (RPR). Le vote écologiste s’effondre aussi en Bretagne (3 % pour Les Verts, 2,2 % pour GE, des résultats identiques aux scores nationaux), tandis que la liste régionaliste et fédéraliste conduite par le Corse Edmond Siméoni et soutenue par l’UDB ne fait pas recette (0,39 %), contrairement aux listes de Bernard Tapie et de Philippe de Villiers qui dépassent les 12 % et ont treize députés chacune contre onze au FN et sept au PCF.
68Au congrès de Liévin, à l’automne de 1994, Henri Emmanuelli est élu premier secrétaire du PS. Depuis des mois, alors que les annonces de candidatures se succèdent (Jean-Marie Le Pen le 18 septembre, Robert Hue pour le PCF le 21, Brice Lalonde pour Génération écologie le 17 octobre, Dominique Voynet pour Les Verts le 20, Jacques Chirac le 4 novembre), les socialistes voient en Jacques Delors encore président de la Commission européenne leur « sauveur ». Mais le 11 décembre, Delors annonce qu’il ne sera pas candidat. Le 3 février 1995, Lionel Jospin est choisi par les militants contre Henri Emmanuelli79. À droite, durant la campagne, l’opposition entre « les amis de 30 ans », Édouard Balladur soutenu par l’UDF et une partie des cadres du RPR et Jacques Chirac, est féroce.
69Le 1er tour des élections présidentielles le 23 avril 1995 les départages : Jacques Chirac (20,73 %) devance Édouard Balladur (18,54 %), mais la surprise vient de Lionel Jospin qui récolte 23,31 % (voir le tableau VII, p. 305). Il est en tête en Bretagne sauf dans le Morbihan. La poussée de l’extrême droite est forte car Jean-Marie Le Pen (FN) est à 15,07 % dans le pays quand Robert Hue (PCF) est à 8,69 %80. Arlette Laguiller (LO) dépasse les 5 % (5,32 %) alors que le score de Dominique Voynet pour Les Verts est faible : 3,32 %, mais 4,07 % en Bretagne. Les résultats sont un peu différents à droite dans la région. Appuyé par les centristes de l’UDF et les anciens républicains indépendants du Morbihan, Édouard Balladur, 21,57 % (plus 3 %), arrive en tête dans quatre départements sauf dans le Finistère, Jacques Chirac ne récoltant que 20,07 % des suffrages comme en 1988 (à peine sa moyenne nationale). Il a pourtant pu compter sur l’appui de la minorité chiraquienne de l’UDF emmenée par Alain Madelin ainsi que sur celui, de fait, de Valéry Giscard d’Estaing. Lionel Jospin, 25,62 % des voix (27,57 dans les Côtes-d’Armor) fait 2,3 % de mieux que sa moyenne nationale. Jean-Marie Le Pen (FN) obtient autour de 9 % dans quatre départements, mais 13,79 % dans le Morbihan, soit 10,1 % en Bretagne comme en 1988, cinq points de moins que sa moyenne nationale. Robert Hue stabilise les suffrages communistes à 7,85 % (plus 1 %, 11,2 % dans les Côtes-d’Armor) et Arlette Laguiller frôle les 6 % montrant l’enracinement d’un vote d’extrême gauche dans la région où Les Verts stagnent depuis 1974 autour de 4 %. Le 7 mai, aboutissement d’un parcours entamé en 1981, Jacques Chirac devient le 5e président de la Ve République (52,64 % des voix). En Bretagne, il n’est que légèrement majoritaire (50,4 % des voix), Lionel Jospin se situant au niveau de François Mitterrand en 1981 (mais en ayant 54,05 % dans les Côtes-d’Armor). Même dans une situation difficile, la région vote plus à gauche que la moyenne nationale (3 points de plus). Elle n’est plus un bastion de la droite et du centre. Deux députés de la région sont nommés dans le 1er gouvernement d’Alain Juppé : Alain Madelin à l’Économie et aux Finances (numéro 2 du gouvernement) et Élisabeth Hubert à la Santé publique. Mais Alain Madelin est contraint à la démission le 26 août 1995 à la suite de déclarations jugées inacceptables. Quant à Élisabeth Hubert, elle est victime du renvoi de huit « juppettes » sur 12 femmes ministres le 7 novembre 1995. La Bretagne n’a plus de représentant au gouvernement.
70Dans la foulée, les élections municipales des 11 et 18 juin 1995 voient un tassement de la gauche dans les villes de plus de 30 000 habitants (126, moins sept) contre 110 à la droite. Dans les principales villes de Bretagne, elles sont favorables aux équipes sortantes. Le PS reprend toutefois Morlaix (Marylise Lebranchu), Guingamp (Noël Le Graët) et Pontivy (Jean-Pierre Le Roch) ; il gagne Lamballe (Loïc Cauret) et Pont-l’Abbé (Annick Le Loch), mais Alain Madelin reprend Redon et la gauche perd Douarnenez et Carhaix (deux maires PCF). Bernard Poignant ne sauve son fauteuil à Quimper que de 24 voix. Ces municipales confortent l’enracinement municipal du PS. Dans le Finistère, on note un fort renouvellement générationnel : 123 maires sur 283 (43,5 %) et quelques progrès de la féminisation : 24 femmes élues maires (8,5 %), un doublement depuis 198981. Ancrés clairement à gauche depuis leur congrès de Lille de 1993 – Antoine Waechter est parti créer le Mouvement des écologistes indépendants (MEI) inexistant en Bretagne –, des Verts participent aux majorités municipales de gauche à Brest, Quimper, Lorient, Nantes. Comme en 1989, l’UDB conserve environ 70 conseillers municipaux.
Un nouveau palier dans l’enracinement du PS en Bretagne (1997-1999)
71Jacques Chirac a été élu sur l’ambiguïté de « la fracture sociale » mais le gouvernement d’Alain Juppé est très vite confronté à la réalité économique et sociale. La volonté de réformer en même temps la Sécurité sociale, de revoir les retraites des fonctionnaires, c’est-à-dire d’allonger la durée de cotisations, et de supprimer le statut des cheminots déclenche en novembre-décembre 1995 un grand mouvement social de manifestations jamais vu depuis 1968. Le pays est paralysé et Alain Juppé doit céder. En août 1996, l’évacuation par la police de sans-papiers qui occupent une église à Paris choque l’opinion. Sur les conseils de Dominique de Villepin et afin de reprendre la main, Jacques Chirac et Alain Juppé décident d’avancer d’un an les élections en dissolvant l’Assemblée nationale.
72Les élections législatives des 25 mai et 1er juin 1997, marquées par un fort taux d’abstention (31,6 % au 1er tour), sont un succès pour la gauche notamment du fait de nombreuses triangulaires provoquées à droite par le maintien du Front national. Ce n’est pas le cas en Bretagne où, après l’échec de 1993, le balancier repart dans l’autre sens en faveur de la gauche. Le PS passe de cinq à vingt députés. Le sénateur communiste Félix Leyzour, qui a devancé le socialiste au 1er tour, est élu député de Guingamp après son homonyme François Leizour (1978-1981). La droite ne conserve que quinze élus dont neuf pour l’UDF : six pour le CDS de Pierre Méhaignerie devenu Force démocrate (FD) et cinq seulement pour le RPR. Le RPR, qui était fort en Ille-et-Vilaine dans les années 1970, n’a plus aucun député. Le PR, qui a trois élus, voit l’élection à Vannes de François Goulard, le successeur de Raymond Marcellin député depuis 1946. Les transitions ont souvent été des échecs pour les chiraquiens : contre Jacques Berthelot réintégré au RPR, Tino Kerdraon (PS) reprend Brest-Centre tandis que François Cuillandre, premier secrétaire du PS depuis 1990, s’impose de justesse contre un RPR à Brest-Ouest où Louis Goasduff ne se représentait pas. À Guérande-La Baule, le dauphin d’Olivier Guichard est battu par le socialiste René Leroux. À Nantes-Sud, Marie-Françoise Clergeau (PS) bat Élisabeth Hubert, l’ancienne ministre de la Santé d’Alain Juppé. Des socialistes battent aussi plusieurs sortants UDF centristes : trois dans le Finistère, une à Nantes82. Des personnalités socialistes battues en 1993 retrouvent leur siège : Edmond Hervé à Rennes, Jean-Yves Le Drian à Lorient, Didier Chouat à Loudéac, Claude Évin à Saint-Nazaire. Au total, il y a quinze nouveaux élus (quatre retours). Notons la présence de cinq femmes : quatre socialistes (deux dans le Finistère sur huit députés) dont Danièle Bousquet à Saint-Brieuc. Une certaine relève apparaît au PS qui, résultat du succès, tiendra son congrès national en 1997 à Brest, congrès qui confirmera François Hollande comme premier secrétaire. La droite paie la dissolution ratée. Du coup, en dehors de François Goulard, il n’y a pas de nouveaux élus, la relève s’étant opérée en 1993. L’UDB, dont l’activité militante s’est redressée dans les années 1990, a présenté 22 candidats (sept en Loire-Atlantique et six dans le Morbihan) dont les résultats sont toujours aussi faibles (2 % des voix). Comme en 1981 et 1988, la gauche détient tous les sièges dans les Côtes-d’Armor, six sur huit dans le Finistère, la moitié en Loire-Atlantique et trois dans la région rennaise avec l’élection de Marcel Rogemont à Rennes-Montfort. En sièges, le PS retrouve son niveau de la « vague rose » de 1981 et fait mieux qu’en 1986 et 1988.
73Une nouvelle cohabitation qui va durer cinq ans commence entre le président Chirac et son Premier ministre Lionel Jospin. Plusieurs députés bretons participent au gouvernement de la majorité plurielle qui compte des ministres du PCF, du MDC, du MRG et des Verts : Louis Le Pensec, ministre de l’Agriculture et de la Pêche, Charles Josselin, secrétaire d’État puis ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, Marylise Lebranchu, proche de Martine Aubry, secrétaire d’État chargée des PME, du Commerce et de l’Artisanat. Le 18 octobre 2000, elle devient ministre de la Justice. Jacques Floch est nommé secrétaire d’État aux Anciens Combattants (3 septembre 2001). De même, le Rennais Yves Cochet, ancien conseiller municipal de Rennes (1989-1995), dirigeant national des Verts qui est allé se faire élire dans le Val-d’Oise dans le cadre des accords avec le PS, succède à Dominique Voynet au ministère de l’Environnement le 10 juillet 2001. Récompense de son vote à gauche en 1997, la Bretagne est bien représentée dans les gouvernements Jospin de 1997 à 2002. Charles Josselin étant ministre, Claudy Lebreton (PS) accède à la présidence du conseil général des Côtes-d’Armor en 1997.
74L’échec électoral a déclenché des turbulences au RPR réduit à 139 députés : on reproche au président et à Alain Juppé le ratage de la dissolution. Il en est de même à l’UDF (109 députés). François Bayrou, qui a créé Force démocrate (FD, ex-CDS) en novembre 1995 en fusionnant avec le PSD, estime avoir plus d’élus que le PR ; il revendique auprès de François Léotard la présidence du groupe UDF à l’Assemblée alors détenue par Gilles de Robien (PR) mais il ne l’obtient pas83. Au congrès de Lyon de l’UDF en mars 1996, allié à François Bayrou qui a déjà une stratégie présidentielle, François Léotard a été élu président de l’UDF contre Alain Madelin et deux autres candidats, renforçant la présidentialisation de la fonction et la fédéralisation d’un parti qui est une confédération de mouvements84. Déjà tiraillée, l’UDF éclate en 1998 en raison d’une double crise. Après l’échec aux élections législatives de 1997, le PR a changé de président – Alain Madelin remplace François Léotard – et de dénomination en devenant Démocratie libérale (DL). Les élections régionales de mars 1998 provoquent la crise quand, en dépit de l’opposition de l’UDF et de DL, quatre élus sous cette étiquette acceptent de devenir président de région avec les voix du Front national. La scission est inévitable : Madelin et DL quittent l’UDF, tandis que Bayrou conserve la tête de la Nouvelle UDF presque réduite à FD.
75La première année du gouvernement de Lionel Jospin est appréciée des Français. C’est une année électorale faste pour le PS en Bretagne puisque les élections cantonales des 8 et 15 mars 1998 (voir le tableau IX, p. 318)85 voient le Finistère, à droite depuis 1945, basculer à gauche, et l’Ille-et-Vilaine le rater d’un siège tandis qu’au conseil régional la majorité de droite ne l’emporte que de très peu. La poussée du PS est marquée partout (gain de huit sièges dans les Côtes-d’Armor et dans le Finistère, dix en Ille-et-Vilaine, neuf en Loire-Atlantique, quatre dans le Morbihan). À la consultation suivante, en 2001, le PCF semble en voie de disparition puisqu’il ne conserve que quatre conseillers généraux dans les Côtes-d’Armor où la relève des sortants s’est mal faite (sept en Bretagne), ne reprenant qu’Hennebont où le socialiste se retirait. En 1998, le maire de Brest Pierre Maille (PS) enlève à la droite la présidence du conseil général du Finistère grâce au gain de dix sièges (avec les 3 divers gauche) et maintient l’écart de deux sièges en 2001. En Ille-et-Vilaine, la poussée du PS et des divers gauche (de trois à sept avec un radical de gauche) depuis 1994 est spectaculaire, ne laissant qu’un siège de majorité à l’UDF Pierre Méhaignerie. En 2001, en raison de la limitation des mandats à deux, il quitte la présidence du conseil général en ayant regagné un siège sur la gauche, Marie-Joseph Bissonnier (divers droite) lui succède. Le PS et la gauche progressent de 1998 à 2001 dans le Morbihan (de neuf à douze élus), mais sans remettre en cause la majorité du nouveau président RPR Jean-Charles Cavaillé qui a succédé à Raymond Marcellin en 1998. En revanche, en Loire-Atlantique l’écart gauche-droite se resserre en 2001. Le sénateur RPR Luc Dejoie, malade, est écarté de la présidence lors de la primaire des droites ; il est remplacé par André Trillard (RPR) qui l’a emporté sur Édouard Landrain, le député UDF d’Ancenis. Depuis 1998, la poussée de la gauche est notable aux élections cantonales : elle gagne onze départements, puis six nouveaux en 2001, passant dans l’Hexagone 32 à 38 présidences sur 95.
Tableau IX. – Les résultats des élections cantonales de 1998 à 2004 en Bretagne.

76Lors de la préparation des élections régionales le 15 mars 1998, les deux présidents sortants RPR, Yvon Bourges en Bretagne et Olivier Guichard en Pays de la Loire, sont poussés vers la sortie. En Bretagne, la droite se divise pour la conduite de la liste RPR-UDF alliée à Génération écologie (GE) de Brice Lalonde qui sera élu en Ille-et-Vilaine. Pierre Méhaignerie (FD-UDF) en revendique la tête mais l’arbitrage national est favorable à Josselin de Rohan (RPR). Ce choix provoque des listes dissidentes, celle du centriste et régionaliste Jean-Yves Cozan (UDF) dans le Finistère (2 élus) et celle de l’ancien patron des usines Citroën en Ille-et-Vilaine (2 élus). Ces dissidents vont monnayer en vice-présidences leur indispensable soutien. Oscillant entre 30,9 et 38,8 % des voix selon les départements, la droite a 34 sièges (17 UDF, 15 RPR, 2 divers droite)86. À gauche, Jean-Yves Le Drian (PS) a rassemblé la gauche plurielle (plus de 37 % des voix dans les Côtes-d’Armor et le Morbihan) qui a aussi 34 élus. Par rapport à 1992, le progrès est net : le PS passe de 18 à 25 élus, le PCF de 3 à 6, mais Les Verts de 6 à 3. Les écologistes se sont dispersés. Passée à droite, GE n’a plus qu’un siège contre 4. Nouveauté, l’extrême gauche obtient trois élus : deux dans le Finistère et un LO. Le FN (7 à 8 % des voix, 10,1 dans le Morbihan) conserve sept élus mais recule en voix. La région des Pays de la Loire, désormais présidée par François Fillon (RPR), reste ancrée à droite mais la poussée de la gauche plurielle est sensible en Loire-Atlantique. La liste de Yannick Vaugrenard (PS, 12 élus, 33 % des voix) arrive en tête devant la liste RPR-UDF de Michel Hunault (11 élus), une liste UDF dissidente (trois), le FN (trois) et les Chasseurs (deux). Avec ses propres listes, l’UDB n’a recueilli que 3,14 % des suffrages en moyenne. Les droites conservent le contrôle des deux conseils régionaux.
77Les élections sénatoriales du 27 septembre 1998 enregistrent les progrès de la gauche. Dans les Côtes-du-Nord, le sortant René Régnault se représente en dissident contre la liste de la « gauche unie » (PS-PCF) : Pierre-Yvon Trémel, maire de Cavan, est élu dès le 1er tour alors que le communiste Gérard Le Cam rate l’élection de quelques voix. Régnault se retire au 2e tour permettant la réélection de Claude Saunier et l’élection de Gérard Le Cam87. La surprise vient du Finistère où le PS emporte trois des quatre sièges du fait du maintien au second tour de la liste dissidente de Jean-Yves Cozan (FD-UDF) contre la liste RPR-UDF qui disposait pourtant d’une marge de 50 à 100 voix d’avance sur la gauche. Louis Le Pensec, Yolande Boyer, maire de Châteaulin, et François Marc (PS) entrent à la Haute Assemblée88. Seul le RPR sortant Alain Gérard est réélu ; Ambroise Guellec (FD) échoue. En Ille-et-Vilaine, où aucun sortant ne se représentait, deux listes étaient en compétition à droite au 1er tour mais la liste officielle (2 UDF-2 RPR) conduite par Yves Fréville (FD) l’emporte aisément contre la liste « majorité départementale » (droite)89. Il apparaît que la Bretagne n’est plus la chasse gardée de la droite au Sénat.
78Les élections européennes du 13 juin 1999 (52,3 % d’abstentions) sont elles aussi plutôt favorables à la gauche plurielle. La liste PS conduite par son nouveau secrétaire national François Hollande recueille 22 % des voix et 22 sièges, dont un en Bretagne (+7 députés, plus 7,5 % sur 1994) ; Les Verts conduits par Daniel Cohn-Bendit 9,7 % (neuf élus) ; le PCF et Robert Hue 6,8 % (six sièges). À droite, la liste souverainiste de Charles Pasqua et Philippe de Villiers (13,05 %, 13 élus comme en 1994) devance la liste RPR-DL de Nicolas Sarkozy et Alain Madelin (12,8 %, 12 députés) et celle de l’UDF de François Bayrou (9,3 %, neuf députés), alors qu’en 1994, la liste UDF-RPR avait recueilli 25,6 % des voix et 28 sièges. Dans la foulée, à la mi-juin, Nicolas Sarkozy démissionne de la présidence par intérim du RPR et Charles Pasqua fonde le Rassemblement pour la France (RPF) rejoint par Philippe de Villiers qui dissout son Mouvement pour la France (MPF). Les droites sortent affaiblies de cette séquence électorale, ainsi que le Front national qui avait obtenu 10,5 % des voix et 11 sièges aux Européennes de 1994. La scission et l’exclusion des mégrétistes au début de 1999 font que Jean-Marie Le Pen (FN) et Bruno Mégret (MNR) n’obtiennent que 5,7 % et 3,3 % des voix (5 sièges et zéro). En revanche, une liste Chasseurs fait 6,8 % et a six députés. De même, les deux partis trotskistes (LO-LCR) alliés derrière Arlette Laguiller entrent au Parlement européen (5,2 %, 5 députés). Le PS, qui a recueilli entre 22,1 % des voix dans le Morbihan et 26 % dans le Finistère, envoie Bernard Poignant, le député-maire de Quimper à Strasbourg (jusqu’en 2009). En Bretagne, Les Verts font un score très honorable : 11,5 % (1,4 % pour le MEI, le parti écologiste d’Antoine Waechter). Le PS semble assez bien résister à l’exercice du pouvoir.
Vers l’échec de la gauche plurielle (2001-2002) ?
79Une certaine euphorie règne à gauche dans une période d’embellie économique, de baisse du chômage et d’amélioration budgétaire. Le vote des lois Aubry (1998 et 2000) sur les 35 heures est une importante avancée sociale, mais leur mise en œuvre ne se fait pas sans difficultés dans les entreprises et à l’hôpital, et elles impliquent un blocage des salaires. Par ses saillies sur « le mammouth à dégraisser », Claude Allègre, le ministre de l’Éducation nationale, s’est mis les enseignants à dos. Son remplacement par Jack Lang ne permet pas de recoller les morceaux avant les élections municipales des 11 et 18 mars 2001 qui se tiennent en même temps que les cantonales. Pour la gauche plurielle, elles font l’effet d’une douche froide. Même si Paris et Lyon basculent à gauche, ce qui n’est pas rien, la droite gagne seize villes de plus de 30 000 habitants (126), inversant les résultats de 1995. Au moins six ministres sont battus. En Bretagne, on note une certaine stabilité en faveur de la gauche. Jean-Marc Ayrault est réélu au 1er tour à Nantes (54,9 %), tout comme Gilles Retière à Rezé (62,8 %) et Joël Batteux (MDC) à Saint-Nazaire (53,4 %). Bouguenais, Couëron et Saint-Herblain (au 2e tour) restent à gauche, mais Martine Buron (PS) perd Châteaubriant reconquise par la dynastie Hunault (Alain, le fils de Xavier). Des tensions locales entre le PS et ses alliés (MDC à Saint-Brieuc, Verts à Quimper) se soldent par des échecs. Ce qui frappe l’opinion, c’est la victoire de Bruno Joncour (UDF) à Saint-Brieuc (51,7 %) contre Michel Brémont, l’ancien secrétaire fédéral du PS, dans une ville détenue par la gauche depuis 39 ans. Paimpol est aussi perdue. Dans le Finistère, à Brest le député François Cuillandre, le successeur de Pierre Maille, est élu au 1er tour (57,5 %). Le PS reprend Douarnenez (Monique Prévost) et Christian Troadec (régionaliste, divers gauche allié à Jean-Pierre Jeudy) Carhaix. Mais à Quimper, Alain Gérard (sénateur RPR, 52,1 %) bat Jean-Claude Joseph, le successeur du député européen Bernard Poignant. De même, Pont-l’Abbé est reprise par la droite tout comme Gourin (Morbihan). En dépit des polémiques sur le métro (VAL), Edmond Hervé (PS) est réélu pour un 5e mandat (57,2 %) à Rennes contre Loïc Le Brun (UDF). Norbert Métairie (PS), qui avait succédé à Jean-Yves Le Drian en 1998, est élu à Lorient. À Lanester, Jean-Claude Perron, ex-communiste, l’emporte contre le maire PCF sortant et une liste de droite. Le député François Goulard (DL) est élu dans une triangulaire à Vannes. Finalement, en dépit de ses échecs, le socialisme urbain paraît bien enraciné.
80Les élections sénatoriales du 23 septembre 2001, au scrutin proportionnel dans les deux départements bretons concernés, la Loire-Atlantique et le Morbihan, rendent mieux compte des rapports de force locaux : la gauche obtient trois sièges (2 PS, un MDC sur huit), l’Union centriste trois, le RPR n’en conservant que deux. Deux sortants seulement sont réélus (François Autain, MDC, en Loire-Atlantique et Josselin de Rohan, RPR, dans le Morbihan)90. Il y a désormais trois femmes : la socialiste Odette Herviaux qui ouvre une brèche à gauche dans le Morbihan et les centristes Monique Papon et Gisèle Gautier en Loire-Atlantique91. L’enracinement local de la gauche et du PS se confirme puisque avec neuf sénateurs (sept PS, un PCF et un MDC), elle fait presque jeu égal avec la droite et le centre qui en ont dix (cinq RPR et cinq centristes).
81Fort de son bilan de cinq années de cohabitation, Lionel Jospin aborde avec confiance l’échéance présidentielle de 2002, pensant l’emporter sur Jacques Chirac. Seize candidats sont en lice. La gauche plurielle éclate en cinq candidatures, plus les trois trotskistes, ce qui va lui être fatal92. Dans son camp, Jacques Chirac a aussi sur sa route le chef de l’UDF centriste François Bayrou, le chef de Démocratie libérale Alain Madelin, Christine Boutin et un Chasseur. L’extrême droite présente deux candidats : Jean-Marie Le Pen (FN) et Bruno Mégret (MNR), son ex-numéro 2 chassé en 1999 au prix d’une scission qui a fait basculer une grande partie des cadres du FN, exaspérés par les saillies de leur chef, vers le MNR. Le 21 avril 2002, dans un contexte de forte abstention (27,86 %), le choc et la stupeur frappent le pays et le monde car si Jacques Chirac se qualifie difficilement (19,71 %), Jean-Marie Le Pen (16,95 %) élimine Lionel Jospin (16,12 %)93. Six candidats ont chacun entre 4 et 7 % des voix, François Bayrou étant en 4e position (6,86 %, 7,25 % en Bretagne). Les résultats ne sont pas très différents en Bretagne, sauf que Jean-Marie Le Pen n’obtient que 11,9 % (voir le tableau VII, p. 305) et Bruno Mégret (1,1 %). Comme toujours, Le Pen fait ses meilleurs scores dans le Morbihan (14,9 %), dans les villes côtières (20,1 % dans sa commune natale de La Trinité) et les campagnes conservatrices de l’est du département. Jacques Chirac est à 21 % et Lionel Jospin à 18,1 % (2 points de plus que sa moyenne nationale). Alain Madelin n’a guère fait recette sur ses terres (4,4 % contre 3,9 % dans le pays), pas même à Vannes (5,1 %) où il était soutenu par le député-maire François Goulard, ni dans sa ville de Redon (9,1 %) où ses amis l’avaient écarté de la mairie en 2001 pour cause d’absentéisme. À gauche, Robert Hue (3 %, 3,39 % dans le pays) s’effondre même dans les Côtes-d’Armor (4,83 %). Depuis 1995, les voix communistes ont été divisées par deux dans le Finistère et par trois en Ille-et-Vilaine. Signe de contestation du PS, l’électorat de gauche s’est porté sur l’écologiste et sur les deux principaux candidats de l’extrême gauche trotskiste qui approchent les 12 %. Arlette Laguiller (LO, 6,4 %) et Olivier Besancenot (LCR, 5,5 %) dépassent de 1 % leur moyenne nationale. C’est le cas aussi de Noël Mamère (Verts) qui obtient de bons résultats en Bretagne (6,6 %, 5,25 % en France)94. En revanche, dans une région pro-européenne et attachée à son identité régionale, Jean-Pierre Chevènement ne fait que 4,6 % des suffrages (5,3 % dans le pays). Pour l’ensemble des candidats, les écarts ne sont pas significatifs, sauf pour l’extrême droite qui, avec 13 %, obtient 6,3 % de moins qu’au niveau national.
82Les jours suivants et le 1er mai, beaucoup de jeunes qui n’ont pas voté et des dizaines de milliers de citoyens et de citoyennes descendent dans la rue pour, selon eux, « barrer la route au fascisme » et défendre la République. Avec une participation en hausse, les résultats du second tour sont sans appel : Jacques Chirac est réélu président avec 82,15 % et moins de 18 % à Jean-Marie Le Pen. Les Bretons votent encore plus massivement à 88,5 % pour Jacques Chirac (92,3 % à Rennes, 90,3 % à Nantes, et même à près de 90 % à Hennebont, ville avec un maire communiste). Le chef du FN a reculé, tombant à 11,5 %. En Bretagne, l’électorat de gauche a massivement voté pour le chef de l’État sortant. Jacques Chirac n’en tiendra guère compte. Encore une fois, et relativement, les Bretons ont résisté aux sirènes de l’extrême droite.
83Dans le cadre de l’instauration du quinquennat, décision conjointe des deux têtes de l’exécutif ratifiée par 73,1 % des Français par référendum le 24 septembre 2000 mais avec 69,7 % d’abstention, les élections législatives ont été placées après les élections présidentielles. L’objectif est de donner une franche majorité au président qui vient d’être élu et d’évacuer toute nouvelle cohabitation. En prévision des élections législatives de juin 2002, les partis de droite (RPR, DL) s’unifient dans une nouvelle formation, l’Union pour la majorité présidentielle (UMP), dirigée par Alain Juppé. Mais François Bayrou refuse l’absorption de son UDF (22 députés) par l’UMP, contrairement à Pierre Méhaignerie qui va intégrer ce nouveau parti qui doit se structurer à l’automne. Les 9 et 16 juin 2002, avec une abstention record de 39 % (33,7 % en Bretagne), l’UMP remporte ces élections : 399 députés de droite (369 UMP) contre 178 de gauche (141 PS, 21 PCF, 7 PRG, 6 divers gauche, 3 Verts dont Yves Cochet à Paris). Plusieurs anciens ministres de gauche sont battus (Martine Aubry, Dominique Voynet, Jean-Pierre Chevènement). Inversant la situation de 1997, la nouvelle majorité a 22 députés en Bretagne ; le PS est réduit à quatorze élus (voir le tableau VIII, p. 307). Ayant recueilli au 1er tour entre 28,3 % des voix en Ille-et-Vilaine et 34,4 % dans les Côtes-d’Armor, le PS perd six sièges ; il en conserve quatre sur cinq dans les Côtes-d’Armor où Marc Le Fur (UMP) bat Didier Chouat comme en 1993, quatre sur dix en Loire-Atlantique et trois sur huit dans le Finistère. Des ténors du PS laissent leur siège à leur suppléant : Charles Josselin à Dinan, Louis Le Pensec à Quimperlé, Edmond Hervé à Rennes. Sept députés sortants ont été réélus dans leur fief dès le 1er tour (six UMP, un PS). La nouveauté provient de l’élection de neuf femmes sur 36, dont cinq dans le Finistère (2 PS, 3 UMP)95 et deux dans les Côtes-d’Armor (2 PS), mais on est encore loin de la parité souhaitée par Lionel Jospin. À Guingamp, Marie-Renée Oget (55,8 %) s’est imposée contre le député communiste Félix Leyzour (au 1er tour) et Danièle Bousquet a été facilement réélue à Saint-Brieuc (55 %). Les 22 députés UMP se répartissent ainsi : huit RPR (quatre en Loire-Atlantique, deux dans le Finistère), quatre Démocratie libérale (DL), dont le président national du parti Alain Madelin qui a été accroché par une candidate PS à Redon, et dix centristes FD-UDF-UMP qui ne suivent pas François Bayrou. En juin 2002, à l’issue de cinq années de cohabitation et de gouvernement de la gauche plurielle, une nouvelle ère politique commence. Les droites détiennent tous les leviers du pouvoir au niveau national. En Bretagne, comme en 1993, le PS se replie sur ses terres.
⁂
84Engagé dans les années 1970, un long cheminement des années 1980 aux années 2000 a vu le PS devenir une importante force politique en Bretagne. Même s’il subit les aléas de la politique nationale, ce parti s’est enraciné localement au détriment du PCF qui n’a cessé de s’affaiblir depuis 1978. Mais durant la même période, contestant souvent la domination des socialistes, les écologistes ont connu un certain essor alors que les droites perdaient leur hégémonie sur la région et que le centre tendait à se fondre dans cette mouvance. La création de l’UMP en 2002 prend acte de cette évolution. Quant au PS, selon sa direction nationale, il aurait 6 296 membres en Bretagne en décembre 2004, 5 % des 126 150 adhérents96. Deux ans après l’échec de 2002, en mars 2004, la gauche triomphe dans les territoires puisque les socialistes raflent vingt régions sur 21 et la moitié des départements. La Bretagne apporte une importante contribution à cette sanction du gouvernement Raffarin puisque deux nouveaux conseils généraux basculent à gauche : l’Ille-et-Vilaine (Jean-Louis Tourenne, PS) et la Loire-Atlantique (Patrick Mareschal, ancien radical-socialiste ayant adhéré au PS en 1981), départements à droite depuis 1945 (voir le tableau IX, p. 318)97. Pierre Maille dans le Finistère (8 PS sur 8 cantons à Brest) consolide sa majorité ainsi que Claudy Lebreton dans les Côtes-d’Armor. Le Morbihan reste solidement ancré à droite où le PCF gagne un 2e siège sans parvenir à reprendre celui de Lanester, son ancien fief, à Jean-Claude Perron (divers gauche)98. Le sénateur centriste de droite (UDI) Joseph Kerguéris prend la présidence. Le PS est dominant à gauche dans quatre conseils généraux sur cinq. De même, les conseils régionaux de Bretagne et des Pays de la Loire basculent à gauche. Battu de peu en 1998, Jean-Yves Le Drian conduit une liste d’union PS-PCF-PRG-Verts-UDB qui s’impose aisément (58,6 %, 57 élus) contre le sortant Josselin de Rohan (UMP-UDF, 26 élus). Grâce à la Loire-Atlantique, la liste des gauches et des Verts de Jacques Auxiette (PS) l’emporte aussi à la surprise générale dans les Pays de la Loire (52,3 %, 60 élus) contre celle des droites de François Fillon, ministre des Affaires sociales (33 sièges). En 2004, le PS poursuit son enracinement en Bretagne et dans l’Ouest, mais il tend à devenir un parti d’élus installés. Sa force est de s’appuyer sur de multiples réseaux forgés parfois depuis un demi-siècle dans les mondes laïques et chrétiens, urbains et ruraux, syndicaux et enseignants, mais beaucoup moins sur des militants99. Quoi qu’il en soit, la Bretagne est bien passée de la droite à la gauche.
Notes de bas de page
1 Nicolas Michel et Pihan Jean, Les Bretons et la politique, op. cit., p. 150-163.
2 Bougeard Christian, « Les évolutions électorales en Bretagne dans les années 1980. L’enracinement de la gauche socialiste », in Gilles Richard et Sylvie Ollitrault (dir.), Les années Mitterrand, 1984-1988. L’alternance et la première cohabitation vues des régions, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018, p. 141-154.
3 Prigent François, Les réseaux socialistes en Bretagne des années 1930 aux années 1980, op. cit., t. 1, p. 239.
4 Becker Jean-Jacques, Crises et alternances (1974-1995), Paris, Le Seuil, 1998, p. 283-284.
5 Sources : Le Monde, Ouest-France, Le Télégramme. Nous avons retenu les données du Monde qui diffèrent parfois de la presse régionale, notamment pour les partis de droite.
6 Yvon Le Merrer, ancien maire PSU de Pabu, prend Guingamp au PCF sortant. Le PS bat le sortant René Le Nagard dans le Trégor finistérien ; Yannick Vaugrenard (PS) est élu à Montoir-de-Bretagne comme Albert Berthy à Hennebont où Eugène Crépeau ne se représentait pas.
7 Brigitte Ayrault prend le relais de son mari Jean-Marc à Saint-Herblain.
8 Yves Dollo, Claude Saunier, Jean-Luc Bommert, Michel Lesage à Langueux, député PS de 2012 à 2017.
9 Lancelot Alain, « Les élections municipales », Encyclopædia Universalis, Universalia 1984, p. 251-257.
10 La liste d’André Fichaut, membre du comité central de la LCR, a obtenu 2,1 % des voix.
11 En 1985, il a donné une conférence de presse sur un champ d’ordures pour dénoncer le complot de ses amis contre lui.
12 Les listes divers gauche et LO ont recueilli 1,6 % et 1,3 % des voix.
13 Il y a 39 voix d’écart mais une 3e liste modérée s’est maintenue.
14 Au 1er tour, la liste du Mouvement des démocrates de Michel Jobert qui a été ministre d’État de François Mitterrand de 1981 à 1983, conduite par M. Feuvrier, a obtenu 24 % des voix. Celle du PS, 33,3 %.
15 Pierre Bourges est passé par l’Union des chrétiens progressistes, le MLP, le PSU et la CFDT avant d’adhérer au PS.
16 Au 1er tour, la liste écologiste obtient 5,8 % et les trois listes PSU, PCI, LO 9 %.
17 Dans la petite commune ostréicole du Tour-du-Parc, une liste féminine autonome a deux élues.
18 Prigent François, Les réseaux socialistes en Bretagne des années 1930 aux années 1980, op. cit., t. 1, p. 290-292.
19 Charlot Jean, « L’année politique », art. cité, p. 246.
20 Le Monde, 27 septembre 1983. Paul Guillard (CNIP) et André Morice (rad.-UDF) ne se sont pas représentés en Loire-Atlantique, de même que Joseph Yvon (CDS-UDF) dans le Morbihan.
21 Il y avait cinq candidats isolés de droite, une liste PS et une liste PCF.
22 Le Moigne Frédéric, « Montparnasse-Bastille et la mobilisation contre la loi Savary », in Gilles Richard et Sylvie Ollitrault (dir.), Les années Mitterrand, 1984-1988, op. cit., p. 35-46.
23 Tous les chiffres cités sont ceux des organisateurs. Ils sont bien sûr très surévalués.
24 À Nantes, Dominique Pervenche, ancien suppléant (RPR) et député battu en 1981, chef d’un établissement privé est très actif.
25 Il y avait sept Bretons sur 81 sur la liste socialiste, dont Bernard Thareau 7e qui est donc élu.
26 La liste des Verts a 3,4 % des voix en Bretagne, le même score qu’au niveau national, mais elle est en concurrence avec la liste ERE, Entente radicale écologiste, d’Olivier Stirn, passé de droite à gauche, et de Brice Lalonde qui fait 3,3 %.
27 Les estimations varient entre 0,8 et 1,8 million de manifestants.
28 Le Monde, Ouest-France, Le Télégramme, mars 1985. Voir Prigent François, « La gauche en conflits. Entre mouvements sociaux, divergences idéologiques et repli électoral. Bretagne 1984-1985 », in Gilles Richard et Sylvie Ollitrault (dir.), Les années Mitterrand, 1984-1988, op. cit., p. 263-274. Une analyse fine des interactions du politique, de l’économique et du social dans le pays de Lannion.
29 Bruno Joncour deviendra maire de Saint-Brieuc (2001-2017, puis député LRM-Modem en 2017).
30 L’abbé Radenac qui a pris la mairie en 1983 est élu à Rostrenen. Rivoal (PCF) succède à Yvette Le Diguerher à Plestin-les-Grèves, canton gagné en 1973.
31 Jacques Berthelot est élu à Brest-7 ainsi qu’Alain Gérard à Quimper-3 contre Bernard Poignant. Georges Lombard (UDF) qui avait réélu en 1979 l’emporte à Brest-4.
32 Pont-l’Abbé, Pleyben, Crozon, Le Guilvinec, Brest-1.
33 Le Monde, 19 mars 1985.
34 Le RPR Benoît Macquet reprend Nantes-3 à Mme Prou (PS) ; un CNIP est élu à Nantes-9 (neuf voix d’écart) et Patrick Maréschal (PS) bat un radical-UDF, ancien de la municipalité Morice. En outre, Le PS perd les cantons de Saint-Étienne-de-Montluc, Derval (de deux voix en faveur de Michel Hunault, le fils du député-maire de Châteaubriant), Varades où Maurice Thareau, le frère du député européen, est battu par un RPR.
35 Le maire de Vannes Pierre Pavec (UDF) bat Henri Le Rohellec (PS).
36 Phlipponneau Michel, Géopolitique de la Bretagne, op. cit., p. 125-130.
37 Bergounioux Alain et Grunberg Gérard, Les socialistes français et le pouvoir, op. cit., p. 401-403.
38 Lucas Maurice (dir.), Les socialistes dans le Finistère (1905-2005), op. cit., p. 226-227.
39 Keltz Benjamin et Legendre Nicolas, Le phénomène Le Drian, op. cit., p. 122-126 et chap. 6.
40 Outre Jean-Yves Le Drian, il y a François Hollande, Jean-Michel Gaillard, ancien assistant d’histoire à Rennes 2, tous les deux conseillers à l’Élysée, et l’avocat Jean-Pierre Mignard.
41 Plusieurs Bretons siègent au bureau exécutif du PS. Pour la motion Jospin (20 titulaires et 17 suppléants), Martine Buron, Jean-Marc Ayrault, Jean Natiez, Bernard Thareau ; pour la motion Rocard (7 titulaires) : Louis Le Pensec.
42 Sources : Martelli Roger, Prendre sa carte (1920-2009), op. cit., p. 84-87.
43 De 2003 à 2005, on a le chiffre rond de 1 500, mais en 2006 on retombe à 1 050 cartes, chiffre plus conforme à la réalité qui renvoie aux 1 040 adhérents de 2002.
44 Monnier Jean-Jacques, Le comportement politique des Bretons, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1994, p. 226 et 233-234, et notice « Louis Le Roux » d’Alain Prigent dans Le Maitron en ligne.
45 Louis Le Roux est membre suppléant du CC en 1970 puis titulaire de 1972 à 1987 (non réélu), adjoint aux maires PS de Brest (1977-1980, 1982-1983), conseiller régional (1975-1992).
46 Monnier Jean-Jacques, Le comportement politique des Bretons, op. cit., p. 234-238.
47 Kernalegenn Tudi et Pasquier Romain (dir.), L’Union démocratique bretonne, op. cit., chronologie, p. 241-244.
48 Knapp Andrew, Le gaullisme après de Gaulle, op. cit., p. 389-414.
49 Sources : RPR.
50 Il faut y ajouter 25 000 adhérents directs et 7 000 PSD.
51 Siloret Martin, « Trajectoires politiques de militants écologistes bretons (années 1970-années 1990) », art. cité. Renée Conan sera brièvement députée européenne en 1992.
52 Vrignon Alexis, La naissance de l’écologie politique en France, op. cit., p. 294-299. Les Amis de la Terre ont 866 adhérents en juin 1983 et le MEP 398, plus de la moitié moins qu’en 1980. La Confédération écologiste en avait 654 à la fin de 1982.
53 Nicolas Michel et Pihan Jean, Les Bretons et la politique, op. cit., p. 178-201.
54 Les résultats du PS oscillent entre 38 % dans le Finistère et 31,6 % dans le Morbihan.
55 C’est le cas d’Yves Dollo en 3e position dans les Côtes-du-Nord (2 élus) ou de Bernard Poignant dans le Finistère qui conteste sa 6e place (4 élus). Yves Dollo rate la réélection de quelques voix, de même qu’un socialiste en Loire-Atlantique. Jean-Marc Ayrault obtient 51 % à Saint-Herblain et 48 % à Rezé.
56 En effet, Yann Fouéré a présenté une liste du POBL, le Parti pour l’organisation d’une Bretagne libre (extrême droite) qui recueille 0,5 % des suffrages en Ille-et-Vilaine.
57 Kernalegenn Tudi, « Bretagne, fragile bastion de l’écologie politique », Parlement[s], hors-série no 10 : Bretagne en politique, 2014, p. 69-84.
58 Sources : Le Monde.
59 À la proportionnelle, le PS n’aurait eu que 17 députés, un de plus.
60 Le FN n’a qu’une députée.
61 Sources : Le Monde.
62 Bertrand Cousin s’est présenté à Brest contre l’ancien maire Jacques Berthelot exclu du RPR. Le sortant socialiste Joseph Gourmelon est réélu.
63 La socialiste Michelle Charpentier est réélue à Rezé avec 75,7 % des voix.
64 Charles Gautier (PS) succède à Jean-Marc Ayrault à Saint-Herblain.
65 Kernalegenn Tudi, « Bretagne, fragile bastion de l’écologie politique », art. cité, p. 76-77.
66 Guiffan Jean, « L’UDB et les élections municipales », in Tudi Kernalegenn et Romain Pasquier (dir.), L’Union démocratique bretonne, op. cit., p. 95. En désaccord avec la gauche, l’UDB alliée au PSU à Douarnenez (16,5 % des voix) et aux Verts à Lorient (20,4 %) a deux élus dans chacune de ces deux villes.
67 Sauf dans le Morbihan, les résultats départementaux du PS sont supérieurs à la moyenne nationale (27,8 % en Loire-Atlantique).
68 Georges Lombard (CDS) et Marc Bécam (ex-RPR) se sont présentés en candidats isolés.
69 Ouest-France, 25 septembre 1989. Au 1er tour, la liste de droite du sénateur sortant Y. Le Cozannet obtient 656 voix (tête de liste), celle du PS de R. Régnault 658, celle du PCF de F. Leyzour, maire de Callac, 264 grâce à une quarantaine de grands électeurs socialistes, l’UDB 31. Au second tour, la gauche unie recueille 866 voix. Mais la direction du PS a dû voter pour départager Claude Saunier et Alain Gouriou qui avaient eu 632 voix au 1er tour.
70 Le Monde, 24 mars 1992.
71 Des écologistes de gauche, anciens du PSU et des comités Juquin, animent des groupes de l’Alternative rouge et verte (AREV) dans quelques villes.
72 Monnier Jean-Jacques, Le comportement politique des Bretons, op. cit., p. 238-241. En Ille-et-Vilaine, GE obtient 10,1 % des voix, Les Verts 8 %.
73 Ibid., p. 10-15.
74 À Rennes, le député Jean-Michel Boucheron (PS) est battu de 18 voix, ainsi que la députée Marie-Thérèse Boisseau (CDS-UDF) à Fougères. Le Monde, 29 mars 1994.
75 En 1989, Charles Josselin a obtenu de François Mitterrand que les Côtes-du-Nord deviennent les Côtes-d’Armor.
76 Monnier Jean-Jacques, Le comportement politique des Bretons, op. cit., p. 216-220.
77 Voir l’article de Jean-Jacques Urvoas dans Lucas Maurice (dir.), Les socialistes du Finistère, op. cit., p. 230-235.
78 Prigent François, Les réseaux socialistes en Bretagne des années 1930 aux années 1980, op. cit., t. 1, p. 408-411.
79 En janvier 1995, Philippe de Villiers, leader du Mouvement pour la France (MPF), l’écologiste Antoine Waechter (MEI) et Édouard Balladur annoncent leur candidature.
80 Philippe de Villiers (MPF) a 4,75 %, 6,96 % en Loire-Atlantique où il avait recueilli 17 % aux Européennes.
81 Guillou Anne, « Les nouveaux maires du Finistère élus en 1995 », in Christian Bougeard et Philippe Jarnoux (dir.), Élites et notables en Bretagne de l’Ancien régime à nos jours, Brest, CRBC/UBO, 1999, p. 319-332.
82 Marylise Lebranchu bat Arnaud Cazin à Morlaix et Jacqueline Lazard l’ancien ministre Ambroise Guellec a Douarnenez, Kofi Yamgnane écarte Jean-Yves Cozan à Châteaulin et Monique Papon est battue par Patrick Rimbert à Nantes-Ouest.
83 Alain Madelin, vice-président du PR et animateur un mouvement libéral Idées-Action, est lui aussi tenté de quitter l’UDF.
84 Sauger Nicolas, « L’UDF entre 1996 et 2002 : histoire d’une dissociation partisane », in Sylvie Guillaume et al. (dir.), Histoire de l’UDF, op. cit., p. 99-110.
85 Sources : Le Monde, mars 1998, 2001, 2004.
86 Le Monde et Ouest-France, 16 et 17 mars 1998.
87 Il succède à Jean Dérian, le maire de Ploufragan, qui avait pris le relais de Félix Leyzour devenu député en 1997.
88 Ouest-France et Le Monde 28 et 29 septembre 1998.
89 Sont élus Michel Esneu (RPR), maire et conseiller général de Dol, Philippe Nogrix (FD, conseiller général de Fougères) et Patrick Lassourd (RPR) maire et conseiller général de La Guerche.
90 François Autain, qui a suivi Jean-Pierre Chevénement au Mouvement des citoyens (MDC), s’inscrit en 2001 au groupe communiste, républicain et citoyen (CRC) de 23 sénateurs (18 PCF, 4 MDC, 1 PC réunionnais).
91 Site du Sénat. Les autres sénateurs sont Charles Gautier (PS) et André Trillard (RPR) en Loire-Atlantique et Joseph Kergéris (UC) dans le Morbihan.
92 Lionel Jospin (PS), Robert Hue (PCF) comme en 1995, Jean-Pierre Chevènement (MDC), Noël Mamère (Verts), Christiane Taubira (PRG). Chez les trotskistes : Arlette Laguiller (LO), Olivier Besancenot (LCR), Daniel Gluckstein (PT).
93 Le Monde, 23 avril et 7 mai 2002.
94 Corinne Lepage obtient aussi 2,27 %.
95 Patricia Adam à Brest et Marilyse Lebranchu à Morlaix (PS), les UMP Marguerite Lamour à Brest-rural, Marcelle Ramonet à Quimper qui a battu le Vert Daniel Le Bigot et Hélène Tanguy à Douarnenez. Réélue à Fougères Marie-Thérèse Boisseau est nommée secrétaire d’État aux Handicapés dans le 2e gouvernement Raffarin. C’est la seule ministre de la région.
96 Le Monde, 4 décembre 2004. 81,25 % des inscrits votent pour définir la position de leur parti au référendum sur la Constitution européenne. La Loire-Atlantique (2 310 inscrits) est au 10e rang national, le Finistère (1 645) au 18e. L’Ille-et-Vilaine 891 adhérents, les Côtes-d’Armor 850, le Morbihan 600, sont bien loin des 11 000 du Pas-de-Calais (1re fédération du PS).
97 En Ille-et-Vilaine, le canton de Rennes-Centre passe à gauche, de même que celui de Plélan-le-Grand dans lequel le président sortant est battu par une jeune socialiste de 25 ans, Rozenn Geffroy.
98 Le canton de Pontivy du président sortant Jean-Charles Cavaillé (UMP) qui ne se représentait pas est gagné par un socialiste.
99 Pour une analyse détaillée et sur la longue durée et une prosopographie des socialistes, voir la thèse citée de François Prigent, Les réseaux socialistes en Bretagne des années 1930 aux années 1980.
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