Chapitre IX. Le septennat de Valéry Giscard d’Estaing et les effets de la crise (1974-1981)
p. 245-282
Texte intégral
1La disparition de Georges Pompidou le 2 avril 1974 avance les élections présidentielles de deux années et elle engage une redistribution des cartes à droite au profit des giscardiens et au détriment des gaullistes de l’UDR. Conséquence du premier choc pétrolier, les économies occidentales, tout comme l’économie française très dépendante des hydrocarbures importés, entrent dans une longue période appelée « la crise » dont on ne prend conscience que progressivement. Mais au printemps de 1974, l’enjeu de l’élection présidentielle est entre la victoire de l’Union de la gauche qui présente comme en 1965 un candidat unique, François Mitterrand, et les prétendants de la majorité sortante de droite.
Mai 1974 : « Giscard à la barre ! » en Bretagne aussi
2Dans la majorité, la rivalité feutrée éclate dès la mort du président Pompidou, sans même respecter un délai de décence chez les gaullistes : Christian Fouchet, hostile à Pompidou, Jacques Chaban-Delmas et Edgar Faure (un rallié) annoncent leur candidature. Afin d’éviter l’éclatement, dès le 7 avril 1974, le comité central de l’UDR, ainsi que les groupes parlementaires, décident de soutenir Jacques Chaban-Delmas, celui qui pourrait le mieux « maintenir l’héritage ». Le lendemain, Valéry Giscard d’Estaing, le puissant ministre de l’Économie et des Finances qui avait hésité à se lancer en 1969 et attendait son heure, fait de même depuis sa mairie de Chamalières (Puy-de-Dôme). Devant la multiplication des candidatures, le Premier ministre Pierre Messmer se propose le 9 avril en candidat d’union des droites. Comme Jacques Chaban-Delmas, le député-maire de Bordeaux se maintient, il n’insiste pas.
3La récente et dynamique Union de la gauche (PS, PCF, MRG) est sur une trajectoire ascendante. Dès le 4 avril, Georges Marchais a proposé au nom du PCF à François Mitterrand d’être le candidat « commun » de la gauche. Mais, pour ne pas être prisonnier du PCF, ce dernier veut d’abord être désigné par le PS, ce qui est fait le 8 avril. Les syndicats (CGT, CFDT, FEN) lui apportent leur soutien. Le débat est rude au sein de la direction nationale du PSU entre ceux qui, avec Michel Rocard, veulent participer à la campagne de François Mitterrand, et ceux qui s’y opposent (48 voix contre 35). Ce sera une étape décisive dans le ralliement de la majorité du PSU au PS.
4Les centristes, qui ne présentent pas de candidat contrairement à 1965 et 1969, se divisent eux aussi : dans la majorité depuis 1969, le CDP apporte son appui à Chaban-Delmas, tel René Pleven, tandis que Jean Lecanuet et son Centre démocrate-Réformateurs, dont Henri Fréville, soutiennent Valéry Giscard d’Estaing. Prudent, René Pleven annonce son choix le 20 avril en faveur de son ancien Premier ministre par fidélité et parce que, selon lui, il pourra mieux rassembler au second tour contre le danger représenté par le candidat « socialo-communiste » Mitterrand, son vieil adversaire de l’UDSR1. Mais il appelle déjà au vote Giscard si ce dernier arrivait en tête à droite au premier tour afin « d’épargner à la France l’aventure ». Coup de tonnerre : le 13 avril est lancé l’appel des 43 signé de quatre ministres et 33 députés UDR et de six autres députés. Ce texte, de fait favorable à Valéry Giscard d’Estaing, vient perturber le jeu partisan traditionnel tant, au nom d’une candidature unique, il vise à affaiblir Chaban-Delmas. L’UDR Jacques Chirac, un proche de Georges Pompidou, nommé ministre de l’Intérieur le 1er mars où il a remplacé Raymond Marcellin (RI) qui lui succède à l’Agriculture, est à l’origine de cette opération de torpillage de la candidature gaulliste montée par les deux conseillers de l’ombre très à droite du défunt président, Pierre Juillet et Marie-France Garaud, qui détestent Chaban-Delmas. Pierre Lelong, député de Morlaix, fait partie des proches « conspirateurs ». Il sera brièvement récompensé par un poste de secrétaire d’État aux Postes et Télécommunications de mai 1974 au 31 janvier 1975. Parmi les signataires, deux autres députés finistériens : Gabriel de Poulpiquet et Jean Crenn, le suppléant de Suzanne Ploux. Cette opération va permettre à Jacques Chirac d’être nommé Premier ministre.
5Douze candidats sont en lice le 5 mai 1974, dont les trotskistes Alain Krivine (FCR, 0,36 %) et Arlette Laguiller (LO, 2,33 %) à l’extrême gauche, l’écologiste René Dumont (ex-PSU, 1,32 %), le très droitier ministre Jean Royer (3,17 %) et à l’extrême droite Jean-Marie Le Pen (Front national, 0,74 %) et Bertrand Renouvin (Nouvelle Action française, 0,16 %)2. Au soir du premier tour, en Bretagne où la participation a été forte (85,3 %), avec 40,7 % des suffrages exprimés (8,2 points de plus que sa moyenne nationale), Valéry Giscard d’Estaing qui a fait campagne sur le slogan « le changement sans le risque » est nettement en tête, faisant mieux qu’Alain Poher au second tour en 1969, devant François Mitterrand, 37,1 % (43,3 % en France) et Jacques Chaban-Delmas, 13,7 % (15,1 %) [voir le tableau I, p. 247]3.
6Giscard frôle les 46 % dans le Morbihan et dépasse les 43 % en Ille-et-Vilaine. Il dépasse les 50 % dans le Léon, à Vitré (55 %), à Vannes et à Ploërmel. La chute en voix de Chaban-Delmas par rapport aux résultats des candidats UDR de 1973 est brutale (perte de plus de la moitié des voix gaullistes de 1973 et ne parlons pas de Pompidou en 1969). Il est vrai que trois députés UDR finistériens ont signé l’appel des 43. Chez de Poulpiquet, il n’obtient que 15,7 % des voix. Chaban-Delmas ne surnage (18-20 %) que dans quelques bastions de notables gaullistes (Guérande, Fougères, Douarnenez). Giscard capte une grande partie du vote gaulliste plus celui des centristes. Quant à lui, François Mitterrand a gagné 10,5 % depuis 1965, obtenant ses meilleurs scores dans les Côtes-du-Nord (45,1 %, 52 % à Guingamp), mais sans recueillir la totalité des voix de gauche de 1973 (moins 3,1 %). Une partie de l’électorat du PSU l’a boudé ou s’est dispersée sur les candidats d’extrême gauche.
Tableau I. – Les résultats des principaux candidats aux élections présidentielles en Bretagne et en France en 1974 et 1981.

7Au second tour, le 19 mai, l’UDR appelle à voter pour Valéry Giscard d’Estaing mais certains refusent de choisir et environ 20 % de l’électorat gaulliste s’abstient. Antoine Pinay soutient son ancien « poulain » ; Jean-Jacques Servan-Schreiber, le président du Parti radical valoisien4 s’y rallie et trois candidats de droite du 1er tour, ainsi que Jean-Marie Le Pen, appellent à voter pour Giscard d’Estaing5, tandis que l’écologiste et les deux trostskistes font de même pour Mitterrand. Contrairement aux résultats nationaux très serrés – Valéry Giscard d’Estaing recueille 50,8 % des voix –, le leader des républicains indépendants est confortablement élu en Bretagne avec 57,9 % des suffrages exprimés (plus de 60 % en Ille-et-Vilaine et dans le Morbihan). Il a notamment bénéficié du report de l’électorat de Jean Royer qui avait recueilli autour de 5 % des voix dans la frange orientale de la région. Fait notable, pour la première fois sous la Ve République, le département des Côtes-du-Nord a accordé la majorité absolue au candidat de l’Union de la gauche, 50,2 %. Néanmoins, en 1974, la Bretagne catholique conserve d’autant plus son image de région de droite que la fusion des libéraux et de tous les centristes s’est opérée au profit du nouveau président.
8Dans les gouvernements de Jacques Chirac (1974-1976), puis de Raymond Barre (1976-1981), plusieurs Bretons vont occuper des postes ministériels. À l’été de 1974, ils ne pèsent pas très lourd : un seul ministre, Christian Bonnet (RI-PR), déjà secrétaire d’État au Logement dans les cabinets Messmer, est chargé de l’agriculture de 1974 à 1977 ; Pierre Lelong est secrétaire d’État. Mais au fil des remaniements, leur présence se renforce : Yvon Bourges (UDR-RPR) est nommé ministre de la Défense du 31 janvier 1975 à la fin de 1980. À cette occasion, Pierre Lelong s’en va mais Pierre Méhaignerie devient secrétaire d’État à l’Agriculture. Baron du gaullisme, après la démission de Jacques Chirac de Matignon le 25 août 1976, Olivier Guichard revient dans le 1er gouvernement Barre comme ministre d’État, garde des Sceaux (août 1976-mars 1977). De 1977 à 1981, Christian Bonnet occupe le poste stratégique de ministre de l’Intérieur et il est remplacé par Pierre Méhaignerie à l’Agriculture. Alors que la crise économique s’approfondit, Valéry Giscard d’Estaing veut tenir à l’œil les remuants agriculteurs bretons. De même, Marc Bécam, qui a gagné Quimper aux élections municipales de 1977, une des rares victoires de la droite, est nommé secrétaire d’État aux Collectivités locales. À la fin de 1980, Yvon Bourges et lui quittent le 3e gouvernement Barre pour rejoindre le Sénat.
9Des élections sénatoriales se déroulent en Loire-Atlantique et dans le Morbihan le 22 septembre 1974. Raymond Marcellin, qui choisit de rejoindre la Haute Assemblée, conduit la liste d’union de la majorité composée du centriste Joseph Yvon réélu, mais le gaulliste Victor Golvan est l’un des quinze sortants battus6. En Loire-Atlantique, André Morice, qui a rejoint les Réformateurs en 1971 et est donc dans la majorité giscardienne en 1974, est réélu ainsi que Michel Chauty (UDR) et Paul Guillard (RI). Le quatrième siège détenu par le RI Maurice Sambron, décédé en 1973, est gagné par le centriste Bernard Legrand (CD), dessinateur aux Chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire, maire de La Chapelle-des-Marais. La représentation sénatoriale bretonne reste à droite tandis que l’on note une poussée de la gauche.
Les reclassements politiques : une gauche unie en progrès
10Durant le septennat de Valéry Giscard d’Estaing, la recomposition politique se poursuit. D’abord, la dynamique de l’Union de la gauche et l’arrivée de la plupart des adhérents du PSU donnent un coup de fouet au PS qui passe en Bretagne, selon les sources internes des fédérations, d’environ 2 300 adhérents en 1973 (le niveau de la SFIO en 1961) à 7 000 en 1977 et à 8 000 entre 1978 et 1981, quatre fois plus que la SFIO en 1962. Les fédérations revendiquent davantage de cartes : 9 400 en 1978-1981. Les effectifs socialistes ont plus que doublé de 1972 à 1975, atteignant 5 837 adhérents cette année-là, et ils triplent de 1973 à 1977 (voir le tableau II, p. 249)7, mais ils restent faibles et inférieurs de moitié à ceux du PCF (voir le tableau IV, p. 252). Plus que le nombre, l’importance réside dans le renouvellement de la base militante, mais le décalage reste fort entre la montée en puissance électorale du PS et le nombre d’adhérents.
Tableau II. – L’augmentation des effectifs du PS de 1973 à 1977.

11La fédération d’Ille-et-Vilaine, qui revendique 1 000 adhérents en 1975, mais en aurait la moitié moins, et 1 800 en 1981, est dirigée par Edmond Hervé qui appartient au CERES ainsi que Jean-Michel Boucheron, l’aile gauche de Jean-Pierre Chevènement, puis par Michel Decroix et en 1979 par Louis Chopier, le maire de Saint-Malo8. Les jeunes militants du CERES s’opposent au mitterrandiste Michel Phlipponneau ; à l’issue d’un débat tendu, ils obtiennent la désignation d’Edmond Hervé comme tête de liste PS aux élections municipales de 1977 à Rennes. Dans les Côtes-du-Nord, Charles Josselin succède à Claude Saunier (poperéniste) comme premier secrétaire fédéral de 1973 à 1976, puis est remplacé par Didier Chouat (poperéniste)9. À l’issue du congrès de Pau (1975) qui suit l’arrivée des PSU, la fusion se fait sous la houlette de Charles Josselin et de Claude Saunier10. La fédération, qui passe de près de 600 adhérents en 1974 à 2 000 en 1981, a « au moins » 83 sections en juin 1978. Dans le Finistère, signe des progrès accomplis, au congrès fédéral de mai 1976 le PS recrute un permanent, Jean-Pierre Thomin, futur maire (1989) et conseiller général de Landerneau, et un journaliste qui s’occupe de la nouvelle série du Breton socialiste sous la tutelle d’Erwan Guéguen, le nouveau secrétaire fédéral, remplacé en mai 1979 par le rocardien Bernard Poignant, professeur d’histoire à Quimper11. Le PS se développe rapidement : selon les données internes, le nombre d’adhérents atteint les 2 000 au printemps de 1977 et les 2 100 à la fin de 1978 répartis en 98 sections ; il est présent dans 150 communes sur 286, y compris dans les petites villes du Léon. Pourtant, les difficultés financières contraignent le PS finistérien à arrêter la publication du Breton socialiste. Dans la deuxième moitié des années 1970, le PS progresse aussi dans le Morbihan sous la houlette du 1er secrétaire Jo Le Lamer, de 240 adhérents en 1971 à 1 250 (ou 1 400 ?) en 1977 avant de se tasser autour de 1 200 en 1979.
12Pendant ce temps, la fédération PS de Loire-Atlantique, dont l’appareil est toujours contrôlé par les anciens SFIO, est un vrai sac de nœuds. Le 8 novembre 1974, le CERES et les poperénistes s’allient pour tenter d’obtenir la rupture de l’alliance de Troisième Force à Nantes demandant aux élus socialistes nantais de passer dans l’opposition à André Morice, ce qui ébranle la majorité des Routier-Preuvost père et fils12. L’arrivée au PS de membres du PSU et de la CFDT modifie les rapports de force internes au congrès fédéral du 26 janvier 1975 : seul Alain Chénard, le secrétaire de la section nantaise démissionne de son poste d’adjoint. Les onze autres élus socialistes refusent de rompre avec le maire de Nantes : ils sont exclus du PS, dont le député Christian Chauvel, et rejoignent la Fédération des socialistes démocrates d’Éric Hintermann qui a quitté le PS après le congrès de Pau (janvier 1975)13. Aux élections cantonales de mars 1976, les électeurs de gauche vont avoir à trancher entre des sortants exclus et de nouveaux candidats du PS. La situation politique est fort complexe dans cette fédération où les anciens du PSU a priori rocardiens ne sont pas les bienvenus : au congrès de Pau, refusés sur la motion 1 (Mitterrand, Mauroy, Rocard), ils ont dû aller sur la motion 2 du CERES rejoints par des poperénistes, si bien que cette motion a recueilli 52,4 % des suffrages en Loire-Atlantique (25 % au niveau national). L’alliance de circonstance des rocardiens et du CERES est de courte durée car en juin 1976 quatre dirigeants nationaux mitterrandistes obtiennent de Claude Évin et de Maurice Milpied qu’ils rejoignent la majorité du parti comme l’avait fait Michel Rocard en 1975. Seul François Autain et la section de Bouguenais refusent. Cette clarification politique a permis au PS de multiplier ses effectifs par plus de trois depuis 1971, atteignant environ 2 200 adhérents en 1981 (1 500 en 1975). Mais la bataille politique se poursuit en 1977 et 1978 entre les ex-SFIO et les ex-PSU pour les têtes de liste aux élections municipales et lors des élections législatives, les décisions de la base étant parfois désavouées par les instances supérieures. Pourtant, François Autain s’impose contre Jean-Claude Routier-Leroy à Nantes-3 en 1978 et est élu député. Le secrétaire fédéral démissionne, remplacé par Xavier Prou venant de la CIR. Après le congrès de Metz (1979), Jean Natiez, candidat à Ancenis depuis 1973, qui vient de la mouvance chrétienne d’Objectif 72 et est le leader du CERES lui succède. En dix ans, la base du PS de Loire-Atlantique a été fortement renouvelée avec le départ des anciens de la SFIO.
13La progression militante et électorale en Bretagne et dans l’Ouest de la France est saluée par la rue de Solférino : le PS organise son congrès national à Nantes en juin 1977 après des élections municipales victorieuses. Contre le CERES, mais aussi les mitterrandistes, Michel Rocard y formule la thèse des « deux cultures » qui traversent le mouvement socialiste, formalisant cette « deuxième gauche » dont le poids n’est pas négligeable en Bretagne. Lors du congrès de Nantes, le CERES pèse 27 % des voix dans le Finistère mais tombe à 14 % deux plus tard. On assiste au congrès de Metz (1979) à une redistribution des cartes internes entre les courants montrant la forte influence des rocardiens dans trois fédérations du PS. Après la rupture de l’Union de la gauche et l’échec de 1978, porté par les sondages, Michel Rocard est en concurrence de fait avec François Mitterrand pour la candidature à l’élection présidentielle de 1981. Les alliances de courants se repositionnent. Les fédérations bretonnes (331 mandats, 4,7 % du total national) se prononcent à l’inverse du courant majoritaire (motion A Mitterrand, 48 %), sauf dans les Côtes-du-Nord. Avec près de 42 % des voix, le courant rocardien (motion C) obtient le double de sa moyenne nationale (voir le tableau III, p. 251)14. Il est vrai que les principaux élus bretons le soutiennent, ex-mitterrandistes (Louis Le Pensec, Charles Josselin), ex-PSU (Yves Le Foll, Marie Jacq), nouveaux venus (Jean-Yves Le Drian), alors que Francis Le Blé, après avoir été au CERES en 1973, soutient d’abord la motion Mauroy-Rocard puis Mitterrand15. La répartition est plus équilibrée en Loire-Atlantique où le CERES est la première force.
Tableau III. – Le poids des courants dans le PS en Bretagne au congrès de Metz (1979).

14L’Ille-et-Vilaine est éclatée en quatre courants : la motion C devance la motion A mais le CERES, qui aurait été en tête, s’est divisé en deux blocs égaux, Edmond Hervé défendant la motion Pierret qui n’a pas fait recette. Dans le Morbihan, poperénistes (ex-SFIO et partisans de Pierre Mauroy ralliés à la motion A) affrontent durement les rocardiens.
15Durant les années 1970, le PS d’Épinay monte en puissance en Bretagne sous l’impulsion de nouvelles générations militantes qui renouvellent celles de la SFIO en amalgamant de multiples réseaux syndicaux, culturels, associatifs, et en conjuguant non sans conflits de personnes et de courants les héritiers de la culture socialiste laïque et ceux que l’on appelle les « catholiques de gauche ». Le PSU, qui a montré la voie et a servi de laboratoire d’expériences et d’idées, est marginalisé en 1974 quand une grande partie de ses troupes adhère au PS.
16Pour le Parti communiste français, l’Union de la gauche est une période faste car elle signe l’augmentation du nombre de ses adhérents et des conquêtes municipales, même après la rupture de cet accord en septembre 1977. L’année 1978, 21 665 adhérents, est même celle de l’apogée des fédérations bretonnes sous la Ve République (voir le tableau IV, p. 252)16, près de trois fois plus qu’en 1960-1961, mais bien loin des 48 531 de 1946. En 1979, la Bretagne ne pèse que 3,8 % des effectifs nationaux. Toutefois, en 1978 les effectifs ont doublé depuis la signature du programme commun en 1972, en hausse de 55,2 % depuis 1975. Du fait de l’ouverture vers les « nouvelles couches sociales », le recrutement se rajeunit, se féminise quelque peu, se diversifie et s’élargit en direction des employés du tertiaire, des fonctionnaires, des enseignants, renouvelant la composition sociologique du Parti. Les enseignants, de plus en plus nombreux, sont surreprésentés dans les organismes de direction. L’Union de la gauche attire de nouveaux militants après 1972 qui ne sont pas passés par le moule communiste et qui vont s’éclipser dans les années 1980 après la rupture de cette union et le repli sur le Parti après 1984. La fédération de Loire-Atlantique connaît un bond spectaculaire de 1975 à 1978 en doublant presque ses effectifs (+87 %). La section de Saint-Nazaire retrouve son niveau de la Libération avec un millier d’adhérents, dont 70 % de nouveaux17. En 1976, 10 000 salariés travaillent aux Chantiers de l’Atlantique. Beaucoup résident à Saint-Nazaire ou dans les communes du marais de la Grande Brière (350 cartes). Dans le Marais, influence rurale et ouvrière se conjuguent à la fin des années 1970 en touchant des milieux catholiques (JOC, ACO, CFDT). Depuis l’après-guerre, des instituteurs d’origine ouvrière animent le PCF à Saint-Nazaire ainsi que l’amicale laïque, mais dans les années 1950 l’ouvriérisation imposée par la direction a eu du mal à se mettre en place. Cette ligne a été illustrée par le profil de Maurice Rocher, métallo puis ouvrier du bâtiment, permanent en 1963 qui a succédé à Gilles Gravoille comme secrétaire fédéral du PCF de Loire-Atlantique pendant près de vingt ans. Comme à Lorient, à Lanester ou à Brest, les communistes ont animé les associations de sinistrés jusqu’au début des années 1960 dans les « cités en baraques » provisoires. Mais les socialistes tiennent bien en main la cité nazairienne.
Tableau IV. – Les effectifs du PCF en Bretagne (1975-1981).

17Cette progression militante du PCF se traduit dans les bons résultats lors des élections municipales de 1977 et par la victoire à la députation en 1978 de François Leizour, le nouveau maire de Guingamp. Mais, conséquence de la rupture du programme commun et des tensions avec le PS, les adhésions baissent dès 1979, un mouvement qui s’accentue les années suivantes. La fédération des Côtes-du-Nord, toujours dirigée par le tandem Marcel Alory et Édouard Quemper18, confirme sa première place face à l’affaiblissement relatif de celle du Finistère, réorganisée en deux fédérations lors d’une conférence fédérale le 25 janvier 1970, celle du Nord et celle du Sud dirigées par Louis Le Roux19 et Paul Le Gall. À la fin des années 1970, le PCF évolue quelque peu sur le plan organisationnel en prenant en compte la question régionale : une structure régionale puis un comité régional du PCF (1980) sont créés, rassemblant les premiers secrétaires de la région Bretagne : Louis Le Roux et Paul Le Gall (Finistère), Marcel Alory (Côtes-du-Nord), Serge Huber (Ille-et-Vilaine) et Armand Guillemot (Morbihan). Ce qui frappe, c’est la longévité politique de ces dirigeants dont certains sont en fonction depuis les années 1950. Tiré par le populaire Jean Maurice, les communistes ont contrôlé leur bastion ouvrier de Lanester depuis 1945, mais en 1971 ils ont ouvert leur liste aux socialistes et à l’UDB. En dépit de la concurrence du PS, le PCF apparaît comme la première force militante de la gauche jusqu’en 1981.
UDB, PSU, mouvements écologistes
18Proche du PCF, favorable à l’Union de la gauche et ayant appelé à voter pour François Mitterrand au 2e tour des élections présidentielles de 1974, l’Union démocratique bretonne (UDB) poursuit un développement rapide. Ce parti serait passé de 500 adhérents en 1974 à 1 250 en 1977 et environ 2 000 en 1980-1981, mais les cotisants sont moins nombreux. Le positionnement à gauche, allié à la participation active aux luttes sociales et à l’attraction de la chanson et de la culture bretonne, favorisent cet essor. En 1975, appuyée sur la présentation de la pièce de théâtre de Paol Keineg Le printemps des Bonnets rouges, une tournée militante rencontre un large succès. Pourtant une partie du mouvement de jeunesse de l’UDB, les Jeunesses progressistes bretonnes (JPB) créées en 1971 et le groupe qui publie le journal Sklerijenn-Clarté, ont pris leurs distances en 1974 rejoignant les maoïstes de HR-PCMLF en juin 1975.
19Après avoir présenté quatre candidats aux élections législatives de 1973 (1,8 % des voix en moyenne), l’UDB en présente 17 en mars 1978 (sept dans le Finistère) qui n’obtiennent que 1,87 % en moyenne (3,5 % à Landerneau). Forte déconvenue pour cette composante de l’Union de la gauche qui suscite le débat interne20. Trois lignes s’affrontent : un courant favorable au rapprochement avec le Parti socialiste conduit par l’historien Roger Leprohon, fondateur du parti élu sur la liste d’union de la gauche à Brest en 1977, désigné conseiller régional au titre de la CUB – il adhérera d’ailleurs au PS en 1982 et reviendra à l’UDB en 1998 –, un courant plus favorable au PCF autour de Jean Guéguéniat, et une troisième tendance qui veut maintenir l’autonomie par rapport au PCF et au PS dans le cadre d’un Bloc progressiste breton. C’est ce dernier courant qui l’emporte au congrès de Saint-Nazaire en avril 1980 ; Herri Gourmelen devient porte-parole de l’UDB, un parti qui sera secoué par plusieurs crises dans les années 1980. Pour la première fois, en dépit de ses faibles scores électoraux, un parti autonomiste et régionaliste breton connaît un certain succès en attirant de jeunes militants.
20Tiraillé par des courants centrifuges, le PSU national est profondément divisé en 1973-1974 entre les partisans du maintien de l’autonomie du parti, souvent proches de l’extrême gauche, dont des membres de la GOP encore au PSU, et ceux (les élus) qui souhaitent intégrer l’Union de la gauche et rejoindre le PS en jouant de leur position charnière. Les élections présidentielles de 1974 accélèrent un processus qui débouche sur les assises du socialisme avec le PS et des dirigeants de la CFDT. Comme au plan national, les fédérations bretonnes sont divisées sur la stratégie à suivre et affaiblies par les vagues de départs à bas bruit21. En effet, en 1967 (les poperénistes), en 1971 et surtout en 1972, après Épinay, des élus et des militants du PSU ont rejoint le PS ainsi que des syndicalistes agricoles de Loire-Atlantique (Bernard Thareau). Le PSU, tombé en 1973 à 709 adhérents dans la région (7,75 % des effectifs nationaux), est de plus en plus divisé entre les partisans du « pouvoir ouvrier et populaire » et ceux de l’Union de la gauche. À l’automne de 1973, la direction nationale s’interroge sur sa stratégie d’autonomie. Dans les Côtes-du-Nord, où la pratique d’union de la gauche est ancienne et en dépit de la réélection d’Yves Le Foll, la question est posée mais, de manière confuse, la section de Saint-Brieuc fait part de sa méfiance aussi bien à l’égard de l’unification envisagée avec le PS qu’envers l’autogestion. En 1974, Michel Rocard, qui a été remplacé à la direction du PSU par Robert Chapuis, appelle à voter pour François Mitterrand et participe à sa campagne, alors que l’aile gauche voulait la candidature de Charles Piaget, le populaire leader de la lutte des Lip à Besançon. Sur le terrain, les négociations se mènent dans un contexte de croissance du PS défavorable au PSU. La rupture s’opère lors du conseil national extraordinaire d’Orléans qui précède les assises du socialisme (12-13 octobre 1974). Michel Rocard et le bureau national sont pour rejoindre le PS, le courant d’extrême gauche s’y oppose, un 3e texte propose une voie intermédiaire (comités d’action communs avec le PS). En Bretagne, les votes sont très serrés : le Finistère refuse l’union ; l’Ille-et-Vilaine et la Loire-Atlantique sont pour ; les Côtes-du-Nord se partagent presque à égalité entre les partisans de la fusion (Yves Dollo et les élus) et ceux de la position intermédiaire (André Le Milinaire) car les « gauchistes », militants de la GR (Guy Périou), sont déjà partis et en passe de rejoindre l’Humanité rouge maoïste22. Les tenants du refus ne sont que 11 %, dont Jacques Galaup, ancien de l’UGS, qui maintient le PSU (80 militants en 1975) et devient responsable régional. Les anciens leaders de la CFDT (Jean Le Faucheur et Michel Cadoret) ont négocié de leur côté leur passage au PS. Environ la moitié des adhérents du PSU des Côtes-du-Nord – et même 80 % selon une note interne du PS – aurait adhéré au Parti socialiste, mais ce ne sont sans doute pas les 140 annoncés23. De même en Loire-Atlantique, François Autain et Claude Évin, futurs députés (1978) et ministres PS (en 1981 et 1988), ont milité pour l’adhésion. Lors des négociations avec le PS, Claude Évin a publié une liste de 270 personnes voulant rejoindre le PS alors que le PSU n’a que 241 cartes en 1973 (peut-être englobe-t-il d’anciens adhérents et des sympathisants ?), d’autant plus qu’une centaine refuse ce choix. D’ailleurs, avec 140 adhérents en 1975, la Loire-Atlantique est la première fédération bretonne du PSU devant celle du Finistère (130) qui a bien résisté. Le combat contre la centrale nucléaire du Pellerin a sans doute amené l’adhésion de jeunes militants. Dans le Trégor finistérien, les tensions anciennes avec l’ancien député PSU Roger Prat sont très fortes : Marie Jacq, l’ancienne secrétaire de Tanguy Prigent, a rejoint le PS en 1972 et s’est présentée aux élections législatives de 1973 (27,8 % au 1er tour) contre un PSU (2,1 %). Au début de 1975, la plupart des militants de cette région passent au PS. En Ille-et-Vilaine, où plusieurs élus ont déjà adhéré au PS, Pierre-Yves Heurtin, secrétaire fédéral du PSU depuis 1969, négocie avec Edmond Hervé l’arrivée d’une partie des adhérents, des cadres de la CFDT comme André Marivin n’adhérant pas immédiatement au PS. Les apports semblent limités24. Dans le Morbihan, le PSU est trop faible pour s’impliquer dans les assises du socialisme, d’autant plus que des militants sont attirés par l’extrême gauche ou par le combat écologiste.
21Quoi qu’il en soit des chiffres réels, ce qui est sûr c’est que la quasi-totalité des élus adhère au PS. Des sections disparaissent (Redon) et celle de Rennes perd la moitié de ses adhérents. Réduit à 430 adhérents en Bretagne en 1975 sur 5 500 en France (7,8 %), le PSU défend une ligne autogestionnaire, régionaliste et antinucléaire au moment où se pose la question de la construction de deux centrales nucléaires, une dans la région Bretagne, l’autre en Loire-Atlantique. En 1976, une fédération PSU-Bretagne est formée par les quatre départements de la région administrative (250 adhérents, 17 sections), tandis que la Loire-Atlantique (une centaine d’adhérents, sept sections) conserve son autonomie. Même si le PSU obtient des conseillers municipaux sur des listes d’union de la gauche en 1977 (un millier en France), son déclin militant est inexorable à un moment où les effectifs du PS s’envolent. Le PSU-Bretagne oscille entre 235 adhérents (1978) et 205 en (1981). Les résultats de ses dix candidats en Bretagne (trois dans le Finistère) aux élections législatives de 1978 oscillent entre 0,5 et 2,4 % des voix (à Quimper). En 1981, Huguette Bourchardeau défend les couleurs du PSU aux élections présidentielles (1,1 % des voix au 1er tour). Le PSU national aurait 851 nouveaux adhérents (24 %), mais 21 % n’ont pas repris leur carte. Il connaît un certain rebond en Loire-Atlantique en 1981 (200, six sections), année de son 13e congrès national à Nantes (décembre), alors qu’il n’y a plus que 205 adhérents au PSU-Bretagne, dont 91 dans le Finistère. C’est tout de même 11,6 % des effectifs nationaux25. Parti passerelle ou parti passoire pour lequel 3 087 parcours biographiques ont été identifiés, le rôle du PSU dans les transformations de la gauche en Bretagne dépasse de beaucoup ses résultats électoraux et militants car il a permis à de multiples réseaux (laïques et chrétiens, urbains et ruraux, du MRP et de la JR en passant par l’UGS et la Nouvelle gauche) de converger et de rénover le socialisme face à une SFIO en crise. Il a irrigué les extrêmes gauches et surtout le PS à partir de 1971 et 1975, lui fournissant de nombreux élus de 1977 aux années 2010. La parenthèse PSA-PSU de 1958-1960 se referme.
22Des militants écologistes apparaissent au milieu des années 1970 au travers des luttes environnementales contre les projets de construction de centrales nucléaires décidés dans le cadre du plan Messmer de mars 1973 pour limiter la dépendance énergétique du pays révélée par le 1er choc pétrolier et la prise de conscience des ravages de huit marées noires qui, de 1967 à 1980, viennent souiller les côtes bretonnes. Des militants de la Société d’étude et de protection de la nature en Bretagne (SEPNB) et des Amis de la Terre (AT) se retrouvent en première ligne en 1974-1975 sur les sites de centrales nucléaires envisagés par EDF : Le Pellerin, près de Nantes, Erdeven près d’Auray dans le Morbihan, puis Plogoff dans le sud du Finistère26. Ces noyaux militants sont animés par des hommes et des femmes appartenant à la gauche critique, parfois passés par le PCF, mais surtout par le PSU, notamment le Mouvement d’écologie politique (MEP) de Loire-Atlantique27.
23Certains de ces pionniers qui animent le comité régional d’information nucléaire (CRIN) dès 1974 et des comités locaux (CLIN) vont se présenter aux élections municipales de 1977 ou législatives de 1978 sous le label d’Écologie 78. Ils organisent de 1975 à 1980 de grandes mobilisations festives sur les sites du Pellerin, d’Erdeven et de Plogoff. Une seconde génération un peu plus jeune émerge à l’occasion de la campagne présidentielle de Brice Lalonde en 1981 : elle lance la Fédération écologiste bretonne (FEB) en février 1982, s’appuyant sur trois noyaux urbains. À Rennes, Yves Cochet, responsable de l’AGER-UNEF en 1968 et enseignant à l’université de Rennes 1, issu d’une famille démocrate-chrétienne (MRP), milite à AT en 1977 puis à la FEB, tout comme Dominique Bernard. À Quimper, dans la dynamique du combat antinucléaire de Plogoff (1978-1981), la FEB est animée par Alain Uguen (formé à la JEC). Proche d’Erdeven, Lorient est le 3e pôle constitué à partir des AT et sous le leadership de Renée Conan et de Simone de Bollardière, militantes féministes, anticolonialistes et antinucléaires. Cette poignée de militants à l’origine des Verts en 1984 organise avec d’autres (PSU, extrême gauche, inorganisés), parfois avec l’appui de PS et de certains communistes locaux (à Plogoff), mais pas de la direction nationale pronucléaire du PCF, des rassemblements de milliers de personnes sur les sites « baladeurs » des centrales (de Posmorguer au nord de Brest à Plogoff près de la pointe du Raz). Les CLIN se fédèrent en mai 1975 dans un « collectif breton contre le programme électro-nucléaire » qui élabore une charte de l’écologie politique avec l’appui des paysans-travailleurs et des associations de défense de l’environnement.
24Ces pionniers de l’écologie politique s’opposent à la politique nationale et régionale de la droite puisque les conseils régionaux (Bretagne et Pays de la Loire) et les conseils généraux valident les projets de centrales tout en étant très gênés par les marées noires à répétition, surtout celle provoquée par l’Amoco Cadiz le 16 mars 1978 quand 230 000 tonnes de pétrole visqueux souillent les côtes, du Léon à la baie de Saint-Brieuc, entre les deux tours des élections législatives. En 1978, pour la première fois les écologistes ont présenté 273 candidats en France, dont 151 sous le label Écologie 78 (4,6 % des suffrages) qui se veulent hors du champ politique de la gauche et sont de fait en concurrence avec le Front autogestionnaire animé par le PSU28. En Bretagne, on repère huit candidats, dont les scores sont faibles (environ 2 %) dans le Trégor, à Quimper, à Lorient, sauf quand les candidats portent la lutte antinucléaire : à Auray Michel Le Corvec, le nouveau maire écologiste d’Erdeven, obtient 6,5 %, à Paimbœuf où se trouve Le Pellerin (Albert Héridet, 5,4 %) et à Nantes-1 (la militante féministe et écologiste Marie-Françoise Gonin, 5,9 %). Une nouvelle force politique émerge. Dans les années 1970, la dynamique militante irrigue aussi une extrême gauche peu nombreuse mais très active.
Diversité et dynamisme de l’extrême gauche en Bretagne
25À partir de 1974, la situation se clarifie quelque peu au sein d’une extrême gauche plus visible qui organise régulièrement des meetings, des manifestations, des fêtes locales, voire présente des candidats29. Aux élections municipales de mars 1977, on recense à Rennes une liste pour l’autogestion socialiste animée par le PSU (5,33 %), une liste LO (2,28 %) et une liste d’unité ouvrière et populaire (Drapeau rouge-OCF, 1 030 voix, 1,39 %). Ce sont les seules listes LO et maoïstes en Bretagne.
26Rebaptisé le 10 avril 1974 Front communiste révolutionnaire (FCR), le parti trotskiste d’Alain Krivine réapparaît sous le vocable de Ligue communiste révolutionnaire (LCR) lors de son premier congrès réuni en décembre. La LCR est présente dans les principales villes bretonnes car, comme dans tous les partis, des militants devenus enseignants ou employés ont développé l’organisation qui aurait compté 3 800 membres au niveau national en 1976. À part un meeting sur « la révolution au Portugal » en avril, son activité est assez réduite à Rennes en 1975. Mais l’arrestation en avril 1976 du leader étudiant Pierre-Yves Salingue, chef du service d’ordre de la LCR, relance une activité plus soutenue. Lors d’une grève étudiante contre une réforme du 2e cycle (arrêté Soisson), la chambre patronale d’Ille-et-Vilaine a été investie : deux militants sont traduits en correctionnelle et relaxés. En 1976 et 1977, l’agitation contre l’armée continue à travers les comités de soldats et à l’occasion de poursuites contre des appelés. La LCR publie le 1er numéro de Bretagne rouge en octobre 1976. L’organisation trotskiste y reconnaît « la personnalité propre des travailleurs bretons » victimes d’une « double oppression » : comme « travailleurs et bretons ». En 1977, la LCR diffuse ses thèses lors des élections municipales et participe au comité de soutien de la liste LO de Raymond Madec à Rennes. Pendant cette période, ses militants animent de multiples associations (presse, femmes, jeunes, pour le boycott de la Coupe du monde de football en Argentine…) et ils soutiennent les grèves avec les autres partis d’extrême gauche, comme à l’hypermarché Mammouth de Rennes au printemps de 197730.
27Lutte ouvrière, présente dans des entreprises et des hôpitaux, se manifeste lors des élections31. Signe d’une certaine implantation, aux élections législatives de mars 1978, LO présente des candidats dans les 33 circonscriptions bretonnes, 470 dans tout le pays, alors que la LCR en aligne 150. D’autres organisations naviguent à la charnière du trotskisme et du maoïsme. Issue du PSU, un temps dénommée Gauche ouvrière et paysanne (GOP), l’Organisation communiste-GOP qui a, en octobre 1975, fusionné avec deux autres mouvements, compte environ 25 militants à Nantes, dont Jacques Sauvageot, l’ancien leader de l’UNEF en 1968, et René Bourrigaud. Elle a un noyau à Saint-Brieuc et un militant actif à Brest. Ce dernier milite avec le groupe Révolution !, une scission de la Ligue communiste en février 1971, qui publie Le Grain, un journal ayant une certaine audience. Révolution ! compte une cinquante de militants en Bretagne (une dizaine à Rennes, à Nantes, et des établis à Brest et à Quimper). En février 1976, à Mûr-de-Bretagne l’OC-GOP, Révolution ! et le Parti communiste breton (PCB), qui a lui aussi une cinquantaine de militants et publie Bretagne révolutionnaire, ainsi que le Groupe 75 et l’Union marxiste de Nantes décident d’entrer dans un processus d’unification. En décembre 1976, ils constituent la fédération bretonne de l’Organisation communiste des travailleurs (OCT) qui publie Bonnets rouges et est implantée surtout à Brest et à Nantes. Quelque peu hétéroclite, cette nouvelle organisation se disloque dès 1978 ; ses militants s’investissent dans les mouvements sociaux et le combat antinucléaire.
28Dénommés « maoïstes », les marxistes-léninistes connaissent eux aussi un certain essor dans les années 1974-198032. Vitrine légale du PCMLF réservé aux militants les plus aguerris (une centaine), l’Humanité rouge (HR) s’affirme comme le premier parti d’extrême gauche en Bretagne. HR a en effet bénéficié de l’adhésion de la Gauche révolutionnaire (GR) en 1974, puis de militants du mouvement Paysans travailleurs d’Ille-et-Vilaine et d’autres départements bretons en janvier 1975, et de groupes issus de l’UDB, les JPB (une cinquantaine) et Sklerijenn (une trentaine) en juin 1975. L’organisation dispose donc d’une certaine base ouvrière et paysanne. Dirigée par des cadres urbains, dont à Rennes Jean-Manuel de Queiroz, orateur des meetings, et Armel Huet, entourée d’un cercle de diffuseurs du journal et de sympathisants formés sur le modèle communiste le plus strict, HR se développe. Durant cette période, s’alignant sur les thèses chinoises qui dénoncent les risques « d’une troisième guerre mondiale » qui serait provoquée par les deux superpuissances URSS-États-Unis, HR défend une ligne patriotique, voire nationaliste, prônant l’alliance avec la « bourgeoisie nationale », et donc des forces de droite et même d’extrême droite antisoviétiques. De telles positions posent problème à une partie des militants de la région. Dans la plupart des villes, des militants de HR animent des comités des Amitiés franco-chinoises qui organisent des voyages, des fêtes, des soirées-débats afin de faire connaître le modèle que constitue, selon eux, la République populaire de Chine.
29L’Humanité rouge est désormais en mesure de tenir des réunions dans plusieurs villes de Bretagne et des meetings à Rennes le 18 octobre 1974, le 21 février (antifasciste), le 11 octobre (soutien aux luttes sociales) et le 20 décembre 1975 (soutien au peuple espagnol). Ils drainent 400 personnes, dont la moitié de HR, l’autre moitié de l’organisation rivale RR et des organisations trotskistes. C’est parfois houleux. Le 18 janvier 1976, le dirigeant national et chef du PCMLF Jacques Jurquet déplace un millier de personnes au meeting régional de Rennes ; il prône un PCML unique alors qu’une organisation de jeunesse, la JCMLF, a été mise sur pied. En fin d’année, un rapprochement s’opère avec le Parti communiste révolutionnaire (PCR-ML) et son journal Front rouge qui se manifestait épisodiquement depuis 1974 à Rennes (une dizaine de militants), mais était plus actif à Nantes. Devenu quotidien, L’Humanité rouge est diffusée dans toutes les villes. Mais en avril 1976, trois militants lorientais sont interpellés, accusés de « reconstitution de ligue dissoute », le PCMLF, et risquent d’être traduits en Cour de sûreté de l’État. En effet, depuis 1975, des tracts, affiches et L’Humanité nouvelle, la publication du PCMLF clandestin, sont diffusés dans la région. Toute l’extrême gauche se mobilise pour exiger la libération de Romain Le Gal qui sera emprisonné pendant cinq mois. Le 22 avril et le 26 juin, 300 personnes manifestent à Rennes, puis à Lorient le 11 juillet. Deux manifestations concurrentes, le 18 et le 20 juin 1977, contre la visite de Léonid Brejnev en France, permettent de mesurer l’audience rennaise des deux partis maoïstes : 150 personnes pour HR, 30 pour Drapeau rouge.
30En mars 1978, après le troisième congrès du PCMLF, HR décide de recréer un parti légal, le PCML, après avoir présenté 113 candidats aux élections législatives dans le pays, dont dix en Bretagne. Pour l’occasion, HR s’est associée au PCR-ML qui avait d’abord négocié avec les partis trotskistes pour présenter des candidats sous le sigle UOPDP, « Union ouvrière et paysanne pour la démocratie prolétarienne ». Le 10 avril 1978, un attentat attribué à l’extrême droite (PFN) a visé son local rennais, « culture et diffusion ». Les résultats électoraux très décevants (0,8 à 2 % des voix au plus), qui montrent les limites de l’implantation réelle « parmi les masses », vont ouvrir des discussions internes sur les pratiques de la clandestinité ou le soutien au Kampuchéa démocratique, le régime des Khmers rouges au Cambodge. Ces débats dans les cellules débouchent sur une crise. Le 13 janvier 1980, le principal parti maoïste de la région décide de se saborder lors d’une assemblée générale à Saint-Brieuc qui réunit 160 militants33 : il aurait compté à son apogée en 1977-1978 près de 500 adhérents dans la région (en incluant sans doute les sympathisants), mais la direction nationale n’en reconnaît que 298 sur un total d’environ 1 500 militants. S’y ajouteraient plus 300 membres des JCML dont certains étaient aussi adhérents du parti. Il y a sans doute un double comptage qui fait que la réalité est certainement plus proche des 300 militants en Bretagne34. Environ un tiers des militants du PCML de Bretagne s’en vont vers d’autres horizons ne laissant qu’un petit groupe de fidèles35.
31L’organisation maoïste concurrente Rennes révolutionnaire-Drapeau rouge, qui est dirigée par André Moisan, Jean Favreau et Christian Le Moënne, tous embauchés en usine, se tourne davantage vers les entreprises et les CET que vers les facultés. Le 11 octobre 1974, un meeting « La Chine et nous » déplace 500 personnes, toute l’extrême gauche rennaise, et 250 quinze jours après sur « les dangers de la 3e guerre mondiale ». Les propositions de HR d’unification des marxistes-léninistes sont refusées en 1976-1977, même si ensemble quatre organisations M-L ont organisé le 17 septembre un hommage à Mao Zedong à sa mort (400 personnes). Implanté dans une vingtaine de villes de France, dont Paris, Strasbourg, Marseille et Nice, Drapeau rouge fonde à la mi-novembre 1976 l’Organisation communiste de France (OCF-ML) qui compterait 250 militants dans tout le pays, dont trente dans la capitale bretonne, plus les sympathisants. Un second congrès aura lieu en 1979. L’OCF-ML est active en 1977-1979 (réunions, meetings anti-impérialistes, fêtes de quartier). En juin 1978, elle soutient deux appelés, dont un étudiant rennais, emprisonnés à Toulon et à Vincennes ; en juillet, elle participe à un comité d’action contre l’oppression.
32Peu nombreuse, 2 000 à 3 000 militants peut-être sans les sympathisants, mais activiste, l’extrême gauche a contribué à socialiser et à politiser une partie de la jeunesse, et pas seulement dans les universités. Après 1968, elle a marqué de son empreinte la vie politique, sociale et même culturelle de la Bretagne, semant finalement des graines qui, en 1981 et après, vont être récoltées par le PS et les mouvements écologistes.
Les recompositions dans la majorité
33La vie militante des partis politiques au pouvoir intéresse beaucoup moins les autorités, mais là aussi des recompositions sont en cours depuis l’élection de Valéry Giscard d’Estaing. Le premier parti touché par cet « événement » historique, la perte du pouvoir présidentiel par les gaullistes, est bien sûr l’UDR qui est largement déboussolée à l’été de 1974. Après la défaite de leur candidat et la grave crise provoquée par ce que certains considèrent comme « la trahison » de Jacques Chirac nommé Premier ministre par le nouveau président, les gaullistes ont perdu des plumes. À la fin de 1974, l’UDR en Ille-et-Vilaine ne conserve que 800 adhérents, la moitié moins qu’un an plus tôt36. Yvon Bourges s’efforce de réorganiser son parti en élargissant à 36 membres le comité départemental (un tiers d’élus, deux femmes seulement) et en le rajeunissant. Il est toujours présidé par Jean Coutaud car le sénateur Yves Estève a décliné cette responsabilité pour raison de santé. Mais chez les « vieux gaullistes », la chiraquisation de l’UDR a fait grincer des dents. Le 21 mai, les « barons », dont Olivier Guichard, se mettent d’accord pour créer une présidence du parti qui échapperait à la tutelle du gouvernement37. Du coup, Jacques Chirac décide d’en prendre le contrôle en organisant un véritable pronunciamiento en octobre-décembre 1974. Le comité central a lancé une enquête dans les fédérations pilotées par douze cadres afin de connaître les sentiments de la base. Le nouveau député de Douarnenez (1973) Guy Guermeur en fait partie. Jacques Chirac est épaulé dans son opération par des durs de l’UDR et des SAC, Charles Pasqua et René Tomasini, ancien secrétaire général, qui « chiraquisent » l’UDR durant l’été et l’automne de 1974 en marginalisant « les barons ». Ayant obtenu l’appui des secrétaires fédéraux, fait avancer la date de désignation et obtenu la démission de Sanguinetti, Jacques Chirac se fait élire par le comité central le 14 décembre secrétaire général de l’UDR. En Ille-et-Vilaine, faisant de facto partie des « barons », en novembre 1974 Yvon Bourges a émis des réserves sur la désignation du Premier ministre à la tête du mouvement, souhaitant « un leader indépendant du gouvernement et choisi en dehors des barons du gaullisme », selon les RG. En janvier 1975, il ne se rallie que du bout des lèvres au nouveau secrétaire général accepté par sa fédération. Celle du Finistère est « chiraquisée » depuis avril 1974 et l’appel des 43. D’ailleurs, lorsque la direction interne de l’UDR est réorganisée en décembre, Guy Guermeur est l’un de sept chargés de mission « régionaux » responsable de l’Ouest. En Loire-Atlantique, le député UDR de Nantes Benoît Macquet devient secrétaire fédéral alors qu’Olivier Guichard rassemble autour de lui dans un manifeste 34 parlementaires hostiles à « l’opération Chirac ». En Bretagne, seul le député de Nantes-1 Alexandre Bolo l’a signé, bien qu’il soit favorable au Premier ministre. Ayant assuré son contrôle sur son parti, Jacques Chirac quitte la direction de l’UDR lors des assises de Nice en juin 1975.
34Les grandes réformes sociétales de Valéry Giscard d’Estaing en 1974-1975 (majorité à 18 ans, droit à l’avortement, loi sur le divorce par consentement mutuel) sont l’occasion de mesurer le positionnement des parlementaires bretons de droite et du centre. Les débats et le vote de la loi défendue par la ministre de la Santé Simone Veil, ancienne conseillère au cabinet de René Pleven, sur l’interruption volontaire de la grossesse (IVG), sont un test éclairant. Combat pour l’émancipation des femmes, le droit à l’IVG est un marqueur dans une société et une région encore imprégnée de catholicisme comme la Bretagne. Or, le 25 juillet 1968, dans son encyclique Humanae vitae le pape Paul VI avait condamné la contraception. Ce faisant, le Vatican a heurté les évolutions des mœurs en cours en France et entraîné « une rupture silencieuse » entre de nombreux fidèles et l’Église romaine, en premier lieu avec les femmes qui étaient plus pratiquantes. Dans le même temps, prolongeant l’action du planning familial, des groupes de femmes dans les syndicats, surtout à la CFDT, et les partis politiques de gauche et d’extrême gauche s’investissent dans le Mouvement pour la liberté de l’avortement et la contraception (MLAC) fondé en mai 1973. Un an plus tard, le MLAC recense 169 comités locaux dans 73 départements. La bataille du MLAC est rude car elle oppose les forces progressistes à une partie des droites et à la hiérarchie catholique. De leur côté, les ultras animent le mouvement Laissez-les-vivre créé en 1971. Plusieurs députés bretons affrontent la ministre en premier lieu lors de l’actualisation de la loi Neuwirth de 1967 sur la contraception. L’abbé Laudrin (UDR) s’oppose « au nom de la morale publique » à la suppression de l’autorisation parentale pour les mineures et au remboursement par la Sécurité sociale de la pilule contraceptive. Au Sénat, Paul Guillard (Loire-Atlantique), soutenu par Maurice Schumann, propose de réintroduire cette autorisation parentale38. Ce texte est finalement adopté le 21 novembre 1974 grâce aux voix de la gauche. La bataille pour l’IVG paraît mal engagée à l’Assemblée puisque c’est un opposant déclaré, le député UDR nantais Alexandre Bolo, qui est élu rapporteur de la loi en commission le 14 novembre. Mais comme ses amendements sont rejetés, il en démissionne peu après, si bien que la loi est adoptée par les deux chambres le 20 décembre, plus largement que prévu, mais sans remboursement par la Sécurité sociale. Le 29 novembre 1974, 287 députés contre 181 ont voté la loi Veil, mais pas grâce aux Bretons car dix dont six PS seulement l’ont approuvée face à 23 opposants (13 UDR, 6 RI, 4 centristes)39. La plupart des sénateurs la rejettent sauf les centristes Henri Fréville et Bernard Legrand. La loi sur le divorce le 4 juin 1975 est plus largement acceptée, mais il y a tout de même huit députés bretons (6 UDR) sur les 34 opposants et six abstentions volontaires (4 UDR).
35Après le coup de semonce des élections cantonales de mars 1976 marquées par une poussée de la gauche unie, et afin de peser davantage au moment où l’UDR s’apprête à entrer en confrontation avec les giscardiens, les centristes de droite divisés dans leur choix aux présidentielles de 1969 et de 1974 peuvent se rapprocher car ils se retrouvent dans la même majorité giscardienne40. Laminés par la bipolarisation de la vie politique, c’est une question de survie pour les deux formations, d’autant plus que le CDP a été écarté du gouvernement Chirac par le nouveau président. Leur fusion est actée au congrès national de Rennes (21-23 mai 1976) qui donne naissance à une nouvelle formation : le Centre des démocrates sociaux (CDS), qui se veut « l’aile gauche de la majorité ». Les anciens démocrates-chrétiens sont en position de force dans le CDS, dont Jean Lecanuet, ministre de la Justice, partisan d’un rapprochement avec les républicains indépendants giscardiens, est élu président. Déjà membre du gouvernement, Pierre Méhaignerie (ex-CDP) en est une personnalité montante. Accueilli en vieux sage, René Pleven a plaidé pour un centrisme français européen et réformateur. Son collègue Édouard Ollivro entre au secrétariat national du CDS.
36En effet, à partir de l’été de 1976 et la démission de Jacques Chirac de Matignon (25 août), l’UDR s’oppose de plus en plus à « la société libérale avancée » défendue par Valéry Giscard d’Estaing. Visant désormais l’Élysée, l’ancien Premier ministre décide de lancer une nouvelle formation, le Rassemblement pour la République (RPR), qui doit remplacer l’UDR. Les fédérations UDR approuvent cette initiative comme celle de Loire-Atlantique, même si elle souhaite conserver le sigle UDR défendu par Olivier Guichard. Le 5 décembre 1976, devant 60 000 fidèles acheminés par Charles Pasqua à Paris, Jacques Chirac est élu président du RPR par 96 % des votants. Le gaullisme laisse la place au néogaullisme qui veut occuper le plus d’espace possible à droite. Le RPR revendique 260 000 adhérents dans le pays et 550 000 l’année suivante… alors que les estimations tourneraient autour de 160 000. Ce parti va mener la vie dure aux gouvernements de Raymond Barre pendant près de cinq ans.
37À la veille des élections législatives de mars 1978 qui pourraient être perdues par la majorité, les partisans de Valéry Giscard d’Estaing se regroupent pour faire pièce au RPR qui ne se reconnaît pas dans le programme de la majorité présenté à Blois par Raymond Barre le 7 janvier 197841. Quoi qu’il en soit, dans l’urgence et pour ne plus subir l’hégémonie gaulliste, les giscardiens organisés dans le Parti républicain (PR) depuis mai 1977 mettent sur pied une confédération des autres forces de la majorité au sein d’une Union pour la démocratie française (UDF) fondée le 1er février 1978. L’UDF se compose du PR, des centristes du CDS, des radicaux valoisiens qui ont réintégré le Centre républicain d’André Morice au début de 1976 et de petites formations (ex-socialistes). La création d’un parti présidentiel est en gestation depuis deux ans par l’entremise d’une discrète Association pour la démocratie (AD) afin de rééquilibrer le rapport des forces à droite, ce qui ne plaît guère au RPR qui reste puissant en Bretagne42. L’UDF va d’ailleurs avoir dix députés contre quatorze au RPR. Sous une formule souple, c’est une sorte de résurrection moderne du CNIP auquel Valéry Giscard d’Estaing avait appartenu.
38L’extrême droite n’est guère présente dans la région, même si une poignée de militants s’active dans le Parti des forces nouvelles (PFN). Ce parti a été créé en novembre 1974 après la dissolution d’Ordre nouveau et une bataille judiciaire qui a opposé Jean-Marie Le Pen et des dirigeants d’extrême droite pour le contrôle du Front national. Jacques Fuseau, un étudiant en architecture, anime d’abord en 1974 Faire front, une scission du Front national de Jean-Marie Le Pen créé par Alain Robert et François Brigneau qui a succédé à Ordre nouveau dissout en juin 1973, puis il lance le PFN à Rennes en janvier 197543. Il met sur pied un comité provisoire du PFN en Ille-et-Vilaine à l’été de 1975 présidé par un professeur de la faculté de médecine, puis organise un Front de la jeunesse qui s’en prend aux « gauchistes ». Il est membre du comité directeur du parti d’extrême droite et son délégué régional en 1976-1977. En janvier 1976, Fuseau a été condamné pour avoir agressé un lycéen (15 jours de prison après avoir lancé une grenade d’une voiture). En butte aux manifestations de l’extrême gauche, le PFN ne peut guère apparaître publiquement : il est contraint d’organiser des réunions privées avec ses leaders nationaux (Pascal Gauchon et Roland Gaucher) à l’hôtel Frantel à Rennes (quatre au début de 1977 lors des élections municipales et en soutien à la dictature de Pinochet au Chili), ainsi qu’un meeting le 14 juin 1977 contre la « marxisation de l’université » interrompu par une alerte à la bombe. 450 personnes manifestent contre ce meeting dans les rues de Rennes. L’audience du PFN est d’une vingtaine à une cinquantaine de personnes. À la fin de 1978, ce parti d’extrême droite diffuse en Bretagne un journal, Civilisation, tiré à un millier d’exemplaires.
Front de libération de la Bretagne : FLB, le retour
39Après l’amnistie de 1969, le FLB, ou plutôt les FLB se rappellent au bon souvenir de l’État français tout au long des années 1970. Des isolés commettent quelques attentats. Un nouveau sigle FLB-ARB est apparu en 1971. L’ARB recouvre en fait deux FLB très différents44. Le premier, qui se dénomme FLB 1-ARB pour Armée républicaine bretonne, est une émanation d’un Comité national pour la Bretagne libre dont Yann Goulet, l’ancien chef du service d’ordre du Parti national breton sous l’Occupation, se fait le porte-parole depuis l’Irlande où il s’est enfui après la guerre. C’est un avatar de la fraction d’extrême droite de l’Emsav. Plusieurs activistes sont arrêtés en 1971 et 1972. Parmi eux, certains se réclament de l’Armée révolutionnaire bretonne et du 2e FLB, et se disent socialistes. Pour eux, les cibles ne sont plus des bâtiments publics symbolisant l’État français comme pour le 1er FLB, mais elles sont liées aux luttes paysannes du moment contre le remembrement en particulier. D’avril 1971 à juin 1972, 37 attentats sont commis, une vingtaine par les « révolutionnaires », une dizaine par les « républicains » dans les Côtes-du-Nord. Ainsi, le 13 avril 1972, la villa de l’entrepreneur Francis Bouygues à Saint-Coulomb, près de Saint-Malo, est plastiquée. En fait, cette opération du FLB « révolutionnaire » semble bien avoir été manipulée par la DST de Rennes, les services policiers de la défense du territoire. Vingt-huit personnes sont interpellées ; onze militants traduits devant la Cour de sûreté de l’État. Du 3 au 10 octobre 1972, ils sont jugés pour dix-huit attentats commis en Haute-Bretagne. Se considérant comme des prisonniers politiques, les accusés transforment leur procès en tribune ; quarante personnalités bretonnes de tous bords témoignent en leur faveur ; une quinzaine de comités de soutien se forment en Bretagne et à Paris. Le 5 octobre, à la Mutualité à Paris, 2 000 personnes scandent : « Joint [français], lait, FLB, même combat ! » et applaudissent les chanteurs Glenmor, Gweltas Ar Fur et Kirjuhel. La Cour prononce huit condamnations et trois acquittements. Ce FBL-ARB n’en poursuit pas moins ses attentats.
40Le 1er mai 1973, un troisième groupe, le FLB-LNS (pour la Libération nationale et le socialisme) a été constitué par de jeunes militants qui sont arrêtés à la suite d’un premier attentat commis à Concarneau en janvier 1974 (seize interpellations). Quatre personnes déférées en Cour de sûreté de l’État vont bénéficier de l’amnistie du nouveau président Valéry Giscard d’Estaing. Auparavant, Raymond Marcellin, le ministre de l’Intérieur de Georges Pompidou, a dissous le 30 janvier 1974 deux des trois FLB, celui de l’Armée républicaine et LNS, ainsi que le mouvement basque Enbata et le Front paysan corse de libération. Le même jour, en pleine grève des abattoirs Doux à Pédernec, une bombe explose dans les bureaux de Port-Launay. Un tract du FLB-ARB retrouvé sur place lance un « Avertissement aux négriers des temps modernes ». Réponse à la dissolution, l’opération la plus spectaculaire se produit le 14 février 1974. Le pylône de 220 mètres du relais de télévision de l’ORTF de Roc’h-Trédudon (Finistère) est abattu par deux explosions : 300 000 familles de Basse-Bretagne sont privées de télévision pendant plusieurs semaines. L’émotion est très forte. Cette fois, beaucoup condamnent cette action à l’instar de Bretagne nouvelle, le journal du PCF. Dénonçant Yann Goulet qui a revendiqué l’attentat, le journal titre le 24 février : « Le FLB est bien la forme bretonne du fascisme ! » Une rumeur attribue l’opération à l’armée, mais il s’agit bien d’un commando de trois hommes du FLB-ARB.
41Les attentats revendiqués ou non par le FLB-ARB s’intensifient, provoquant la répression des autorités : 25 en 1974, 27 en 1975, 24 en 1976, 54 en 1977, 31 en 1978, 14 en 1979, 4 en 1980 et un seul en janvier 1981. De nombreuses cibles publiques et privées sont visées : gendarmeries, casernes, centres des impôts, centres d’EDF, agences du Crédit Agricole… mais aussi la centrale de Brennilis ou les résidences de plusieurs parlementaires de droite ou du centre. Les dégâts sont parfois considérables. Réponse tardive à Raymond Marcellin, le palais des Arts de Vannes est frappé dans la nuit du 25-26 septembre 1 975. Signal politique, les Jeunes giscardiens venaient de s’y réunir et on avait annoncé la présence du fils du président de la République. Ces attentats à l’explosif perpétrés dans toute la région sont revendiqués par une poignée d’hommes utilisant plusieurs signatures et relevant de commandos autonomes d’un FLB-ARB. Mais ils ne sont pas les seuls à agir. Dans la nuit du 22 octobre 1975, Jean-Charles Denis, un jeune Morbihannais, est arrêté en flagrant délit alors qu’il s’apprêtait à plastiquer le domicile de Michel de Bennetot, le député UDR de Brest45.
42Le 29 septembre 1976, Yann Kel Kernaleguen de Quimper (22 ans) est tué par la bombe qu’il s’apprêtait à poser sur le chantier d’une caserne près de Châteaulin ; c’est la première victime des attentats du FLB. Depuis 1974, les arrestations et les jugements d’activistes ne parviennent pas à tarir la violence nationaliste. L’État se doit de réagir. Le 18 octobre 1975, 127 personnes sont interpellées et 65 placées en garde à vue dont Yann Fouéré, des militants du SAV, d’autres du FASAB, le Front autonomiste, socialiste et autogestionnaire breton, qui soutiennent le FLB-ARB. Guy Caro, le leader du FASAB, entame aussitôt une grève de la faim. Un procès se tient en 1977. Des attentats accompagnent la venue de Valéry Giscard d’Estaing en Bretagne en février 1977. Surtout, dans la nuit du 25 juin 1978, une explosion ravage une aile du château de Versailles, plaçant le FLB-ARB en pleine lumière. Les deux auteurs, Lionel Chenevière et Padrig Montauzier, sont rapidement arrêtés à Rennes par le commissaire Le Taillanter. En novembre, ils sont condamnés à quinze ans de réclusion criminelle. Quatorze Bretons, presque tous des Côtes-du-Nord, ont été jugés en Cour de sûreté de l’État en juillet 1978 pour « reconstitution de ligue dissoute », treize attentats commis de 1975 à 1977 et des vols d’explosifs. Des peines de prison sont prononcées (8 ans pour la plus lourde) sans décourager le FLB-ARB. Le 30 mai 1979, trois hommes qui parviendront à gagner l’Irlande font sauter la maison du commissaire Le Taillanter à Plouézec, près de Paimpol, après avoir séquestré son épouse. Dans les semaines suivantes, plusieurs groupes sont démantelés. En septembre-octobre 1979, vingt-cinq accusés comparaissent à Paris (six acquittés, 11 condamnés avec un sursis total ou partiel, les autres écopent de plusieurs années de prison). Trois autres procès ont lieu en 1980 (23 condamnés au total à 200 années de prison). Comme en Corse, ces attentats du FLB sont une épine dans le pied de l’État giscardien.
43En juin 1981, François Mitterrand amnistiera une centaine de militants politiques autonomistes encore en prison, dont dix-neuf Bretons, et supprimera la juridiction d’exception qu’était la Cour de sûreté de l’État. La page du FLB paraît tournée. Des attentats reprendront sporadiquement en 1983.
Les élections cantonales de mars 1976 : les Côtes-du-Nord basculent à gauche
44Conséquences du programme commun de la gauche et des effets sociaux du 1er choc pétrolier qui se traduit par la montée du chômage en France, les élections cantonales des 7 et 14 mars 1976 sont davantage politisées et la participation (62 %) plus forte qu’habituellement. Les résultats sont mauvais pour la majorité et favorables au PS et à la gauche46. Deux ministres giscardiens (RI) sont battus, ainsi que huit des quinze présidents de conseils généraux en ballotage. C’est le cas du sénateur-maire (CD) Henri Fréville (40,4 % au 1er tour), président depuis dix ans du conseil général d’Ille-et-Vilaine, qui est nettement battu par Jean-Michel Boucheron (55,5 %), un jeune universitaire socialiste de 28 ans dans le canton de Rennes-547. Les deux autres cantons rennais en jeu sont aussi emportés48 par le PS qui en détient désormais cinq sur dix à Rennes et huit cantons sur 49 dans le département (voir le tableau V, p. 267)49. Un an avant les élections municipales, Rennes semble basculer en faveur du PS, la défaite d’Henri Fréville étant un coup dur pour les centristes de la majorité giscardienne. Néanmoins, la majorité de droite, encore solide, élit le député UDR Le Douarec à la présidence alors que les gaullistes n’ont que six sièges et les centristes une vingtaine. Dans le Morbihan, le sénateur Raymond Marcellin n’a pas de souci à se faire. Toutefois, Eugène Crépeau, le maire communiste d’Hennebont, a nettement battu le Dr Ferdinand Thomas, son vice-président, ancien socialiste passé chez les gaullistes puis les RI. La gauche a gagné trois ballotages sur quatre (2 PS à Baud et à Cléguérec).
45Dans le Finistère, le sénateur sortant André Colin (CD) est facilement réélu car la gauche a peu progressé (17 PS et 4 PCF). Le PSU n’a plus de conseiller général car Roger Prat ne s’est pas représenté à Morlaix où le maire Jean-Jacques Cléach (PS) est élu, tout comme Louis Le Pensec à Quimperlé. Guy Guermeur (UDR) est réélu à Douarnenez contre le maire PCF Michel Mazéas. André Colin disparaît en 1978 ; le sénateur Louis Orvoën (CD) lui succède. La gauche ne progresse pas en sièges par rapport à 1973 en Loire-Atlantique, mais elle a gagné des voix et remporté sept des onze ballotages : le communiste est réélu à Montoir-de-Bretagne ; le PS a toujours dix conseillers généraux. Mais deux députés sont battus par de jeunes socialistes, le leader de l’UDR Benoît Macquet dans le canton de Bouaye par Jacques Floch (38 ans), 1er adjoint au maire de Rezé, et Christian Chauvel (FSD) à Saint-Herblain par Jean-Marc Ayrault, un professeur d’allemand de 26 ans. Un nouveau cycle politique s’amorce dans l’agglomération nantaise. En réalité, les électeurs ont tranché la querelle entre socialistes en écartant les anciens SFIO, considérés en fait comme des candidats du maire de Nantes, qui avaient rejeté le programme commun et le nouveau PS en s’affiliant à la Fédération des socialistes démocrates (FSD) d’Éric Hintermann. À Nantes, deux conseillers généraux sortants (FSD), adjoints d’André Morice, sont éliminés : André Routier-Preuvost s’est retiré entre les deux tours, permettant l’élection de Guy Goureaux du Club Jean XXIII, et Jean-Marc Ayrault s’est imposé largement. Le seul rescapé de l’équipe est Alain Chénard à Nantes-6 : le seul à avoir choisi le PS, il est réélu en battant un FSD. Alexandre Plancher (PS) est aussi réélu à Rezé. Un an avant les élections municipales, un nouveau cycle politique s’amorce dans l’agglomération nantaise. Le président sortant ne s’étant pas représenté, le châtelain et propriétaire foncier Charles-Henri de Cossé-Brissac (RI-UDF) prend à 40 ans les rênes du conseil général qu’il présidera jusqu’en 1994, devenant sénateur en 198350.
46En 1976, le changement vient des Côtes-du-Nord où René Pleven, qui est devenu président du 1er conseil régional de Bretagne (à quatre départements) en 1974, ne se représente pas. Charles Josselin, député PS, son « tombeur » de 1973, lui succède à la présidence du conseil général à 38 ans. Ce département, le seul à gauche de tout le Grand Ouest, renoue avec une majorité d’union de la gauche (PS-PCF) perdue en 1949. La majorité de 1970 et 1973 (26 sièges sur 48) s’est inversée en faveur du PS passé de 14 à 17 sièges avec l’appui du PCF (de 8 à 10). C’est le reflet d’une soif de changement et de la montée du vote de gauche (en 1973 et 1974) face à une majorité sortante usée qui n’a plus de leader. Là où des sortants ne se représentaient pas, le PS l’a emporté comme à Quintin, le fief du sénateur de Bagneux (RI). La bipolaristion politique est une réalité : dans les deux camps, les reports de voix sur le candidat arrivé en tête ont été bons. Deux femmes entrent dans cette assemblée (Marie-Madeleine Dienesch élue dès le 1er tour et Michelle Le Brun [PS] à Mûr-de-Bretagne).
Tableau V. – La répartition politique des conseillers généraux de Bretagne en 1976 et 1979.

47En Bretagne, la poussée du PS est sensible, même si quatre majorités sortantes ne sont guère menacées : ce parti passe de 23 conseillers généraux en 1970 à 43 en 1973, et 53 en 1976 sur 236 (22,5 % du total)51. Le PCF progresse peu : de trois en 1970 à quatre en 1976 dans le Finistère, de huit à dix dans les Côtes-du-Nord, mais dans le Finistère où il avait gagné deux sièges en 1973 (cinq), il en perd un52. Le parti de Georges Marchais compte 17 conseillers généraux (7,2 %) en Bretagne en 1976. La gauche pèse 31 % des sièges. Le Centre démocrate (12,7 % des élus), dont le leader Jean Lecanuet est garde des Sceaux, est toujours bien implanté dans le Finistère et en Ille-et-Vilaine, tandis que l’UDR ne parvient toujours pas à s’enraciner (14 élus, 5,9 %), étant devancée par les RI (20, 8,5 %)53. La droite non encartée classée par le ministère de l’Intérieur « modérés majorité » (82, 34,7 %) est forte dans quatre départements sur cinq. Mais derrière une relative stabilité politique, le renouvellement générationnel est important : dans le Morbihan et les Côtes-du-Nord notamment, des sortants ne se sont pas représentés, d’autres risquant d’être battus se sont retirés entre les deux tours. Deux ans après l’élection présidentielle et quelques semaines avant la rupture brutale de Jacques Chirac avec Valéry Giscard d’Estaing, la dynamique électorale de l’Union de la gauche porte ses fruits dans le pays (51,5 % des voix). Une quinzaine de conseils généraux sont gagnés par la gauche, surtout par le PS, le PCF prenant la tête de l’Essonne et du Val-de-Marne en banlieue parisienne en plus de la Seine-Saint-Denis. Georges Marchais trouve cependant que l’Union de la gauche a plus profité au PS qu’au PCF. Le rapport des départements dirigés par les droites passe de 69/26 à 54/41. Les élections municipales vont-elles confirmer cette poussée ?
La poussée de la gauche en Bretagne et ses limites aux élections municipales de 1977
48Dans un contexte de difficultés économiques, de montée rapide du chômage, de 1er plan Barre d’austérité et de libéralisation de l’économie en 1976 après l’échec du plan de relance de Jacques Chirac en 1975-1976, les élections municipales de 1977 sont elles aussi politisées. Les dynamiques nationales se télescopent avec les situations locales : généralement, les listes de droite et du centre, renouvelées ou non, jouent la carte de l’expérience, de « l’apolitisme » et de l’intérêt local en dénonçant les dangers représentés par les listes d’Union de la gauche (PS, PCF, MRG, PSU et UDB dans quelques villes)54. L’anticommunisme et l’accusation d’appartenance à « l’extrême gauche » cimentent le discours des majorités sortantes comme à Rennes où le professeur de droit Jean-Pierre Chaudet (RI) prend le relais d’Henri Fréville (CDS-UDF) ou à Vannes où Paul Chapel (RI) succède à Raymond Marcellin. À Rennes, lors d’un débat sur France Inter le 17 mars 1977, Jean-Pierre Chaudet accuse Edmond Hervé (PS), surnommé Saint-Just, d’avoir « caché son appartenance au CERES », c’est-à-dire selon lui « l’aile autogestionnaire et révolutionnaire du PS ». Dans bon nombre de villes, de trois à cinq listes s’affrontent au premier tour : cinq à Rennes, quatre à Fougères, Saint-Malo et Saint-Brieuc, trois à Brest, Nantes, Vitré, Dinan, Loudéac, Lanester, Concarneau, Quimperlé… (voir le tableau VI, p. 269-27155). Les divisions des droites vont peser lourd à Brest et à Saint-Malo. En revanche, à Vitré, Pierre Méhaignerie, leader national du CDS et ministre, l’emporte au 1er tour avec plus de 60 % des voix contre deux listes (gaulliste et de gauche). Il y a bien quelques listes d’extrême gauche ou du PSU (à Rennes), mais des listes unitaires à gauche prévalent à peu près partout sauf à Saint-Brieuc. Dans cette ville, le communiste et premier adjoint Édouard Quemper revendique la tête de la liste d’union contre le député-maire sortant Yves Le Foll, si bien que trois listes de gauche sont en compétition au premier tour (PS, PCF, PSU) face à une liste de droite et du centre faible (37,5 % des voix). Yves Le Foll arrive en tête au premier tour de 88 voix et est aisément réélu au second avec 57,2 % à la tête d’une liste homogène (19 PS, 2 MRG, 14 « société civile »). Le PCF est allé à l’épreuve de force et a perdu, faisant de la cité briochine, qui avait été en 1962 un laboratoire de l’union des gauches, le contre-exemple du modèle municipal unitaire de 1977.
49En Bretagne, cette campagne municipale est « pimentée » par des attentats à l’explosif du FLB (sept attentats depuis le début de l’année ; un 8e vise un centre EDF à Rennes durant l’entre-deux-tours). Le 3 mars 1977, François Mitterrand fait une visite éclair tenant des meetings à Saint-Brieuc, Brest, Quimper, Lorient, Rennes (8 000 personnes). À Quimper, où la section du PS a refusé d’investir le maire sortant Jean Lemeunier, préférant une liste d’Union de la gauche conduite par le jeune Bernard Poignant, le premier secrétaire du Parti socialiste a estimé que « les décisions appartiennent aux militants ».
50Ces élections municipales de mars 1977 sont marquées par une poussée de la gauche dans tout le pays : elle contrôle 211 villes de plus de 30 000 habitants. En Bretagne, les droites en détenaient six et la gauche cinq56, le 20 mars au soir, les droites n’en conservent que deux : Vannes et Quimper. L’Union de la gauche a gagné quatre cités mais elle a perdu Quimper dès le 1er tour, un des deux cas en France avec Cambrai. Marc Bécam (RPR) gagne (52,7 % des voix) car une partie de l’électorat de centre gauche a fait défaut. Ailleurs, la gauche est aisément réélue dans ses bastions de Lorient, de Saint-Brieuc et de Saint-Nazaire où les maires sortants PS Jean Lagarde (59,6 %), Yves Le Foll (57,2 %) et Étienne Caux (58,8 % contre un RPR) s’imposent.
Tableau VI. – Les élections municipales de mars 1977 dans les principales villes de Bretagne.



* = maire sortant.
51À Rennes, en dépit de la présence sur sa gauche de trois listes concurrentes57, Edmond Hervé (48,6 des voix) devance nettement son adversaire de droite (42,4 %) au soir du premier tour et l’emporte facilement au second avec 55,85 %. Nantes bascule aussi à gauche : Alain Chénard (PS) dirige l’Union de la gauche contre le sénateur André Morice qui a élargi sa liste au RPR (9 ex-socialistes, 6 RI, 6 RPR). C’est la direction nationale du PS qui a imposé Chénard contre Guy Goureaux. Chénard et Morice sont à égalité au soir du 1er tour, mais le socialiste l’emporte de 531 voix au second (50,2 %), une partie de l’électorat de la liste jobertiste (gaulliste) du Dr Sourdille s’étant reportée sur la gauche, mais surtout en raison d’une hausse de la participation de 5 %. Jean-Marc Ayrault (PS) enlève Saint-Herblain au sénateur Chauty (RPR) et les équipes sortantes sont réélues à Rezé (Plancher) et à Bouguenais (Autain). La métropole nantaise passe à gauche avec la conquête de Couëron et d’Orvault. Le PCF progresse de 13 conseillers municipaux en 1971 à 75 en 1977 dans dix communes et de 38 à 125 en Loire-Atlantique58. Étienne Caux (PS) est réélu à Saint-Nazaire et a pour la première fois trois adjoints communistes, dont un ajusteur chrétien qui adhère ensuite au Parti. Jean-Louis Le Corre, conseiller général (PCF) et 1er adjoint de Trignac, est élu maire. Le parcours est identique pour l’ajusteur Hubert Bouyer, militant CFDT et d’associations sportives, élu sur la liste communiste sans être membre du Parti à Montoir-de-Bretagne contre la liste PS et une liste de droite59. L’ancrage local et dans le milieu socio-professionnel est essentiel. Dans le Morbihan, Jean Lagarde (PS) est aisément réélu à Lorient, tout comme les maires communistes de Lanester, Jean Maurice, et d’Hennebont, Eugène Crépeau.
52À Brest et à Saint-Malo, la division des droites et du centre explique la victoire de l’Union de la gauche. À Brest, le sénateur Georges Lombard a laissé les clés de la mairie à son premier adjoint Eugène Bérest (RI) en 1973, mais il veut les reprendre quitte à faire liste commune avec son ancien adversaire, le député RPR Michel de Bennetot. Désorientée ou mécontente, une partie de l’électorat modéré s’abstient au premier tour (à plus de 30 %), se réservant de choisir au second. C’est ce qui permet à la liste d’Union de la gauche de Francis Le Blé (PS) de l’emporter à la surprise générale au 1er tour de 32 voix (50,04 %)60. À Saint-Malo aussi les divisions de la majorité sortante expliquent son échec. En effet, l’ancien maire Marcel Planchet condamné en justice en 1976 ne peut pas se représenter, ce qui aiguise les ambitions. Trois listes se disputent l’héritage : centriste de son premier adjoint Réhel, RPR et RI. Au soir du 1er tour, elles totalisent deux tiers des suffrages, mais au 2e tour le RPR se maintient contre les centristes, Louis Chopier (PS) l’emporte (40,2 %). Le même jour, dans la même configuration le socialiste Alain Roman gagne le siège de conseiller général de Saint-Malo-Sud.
53En 1977, des moyennes et des petites villes bretonnes sont aussi gagnées par l’Union de la gauche contre des maires sortants, souvent réélus mais désormais minoritaires à un ou deux sièges près. Ainsi, à Lannion, Pierre Jagoret (PS) bat le sénateur-maire sortant Pierre Marzin (14 élus contre 13). À Guingamp, le combat épique engagé de longue date entre deux professeurs du lycée Pavie se solde par la victoire de François Leizour (PCF) au détriment du député-maire sortant Édouard Ollivro (CDS). Les deux nouveaux maires entreront à l’Assemblée nationale l’année suivante. Deux cités de la périphérie briochine basculent à gauche en faveur de maires communistes : Roger Ollivier à Plérin et Jean Derian à Ploufragan.
54Moins nette dans la région rennaise61, la métropolisation du vote de gauche se retrouve dans la périphérie nantaise et aux portes de Brest à Plouzané et au Relecq-Kerhuon où un socialiste et un communiste sont élus. C’est vrai aussi à Ergué-Gabéric près de Quimper. Plusieurs autres petites villes du Finistère basculent à gauche : Rosporden, Carhaix où Jean-Pierre Jeudy62, le conseiller général communiste allié au 1er tour à l’UDB, bat le maire centriste sortant tout comme Yves Guillou (PS) à Quimperlé qui bat le maire divers gauche. À Crozon, Claude Yvenat (PS) succède au Dr Jacquin (RPR), maire depuis 1947. Conduite par le communiste Robert Jan qui avait été maire de 1945 à 1947 et conseiller général, la gauche enlève Concarneau dès le 1er tour en battant le modéré Yves Couchouron malgré une 3e liste de sensibilité écologiste-divers gauche.
55Mais, en 1977, surtout en Haute-Bretagne, bon nombre de municipalités de droite résistent. C’est parfois difficile, comme à Vannes, du fait de la présence d’une 3e liste qui se dit « apolitique et socio-professionnelle ». Au second tour, Paul Chapel, le 1er adjoint sortant et député, est élu de justesse (50,7 % des voix). Des ténors sont accrochés dans leur fief : à La Baule, Olivier Guichard affronte la liste d’un amiral en retraite soutenu par des écologistes opposés au bétonnage à tous crins du front de mer ; il n’est réélu qu’avec 47 % des voix. À Châteaubriant, Xavier Hunault, maire (1959) et député (1962), est pour la première fois mis en difficulté par Martine Buron (PS, 46 %), la fille de l’ancien ministre MRP et maire de Laval. Ailleurs, dans les petites villes solidement ancrées à droite, les maires sortants sont réélus sans difficultés comme Yvon Bourges à Dinard, Jean Tiger à Redon, Paul Anselin à Ploërmel (RPR), Fernand Labbé (RPR) à Lamballe, Yves Blanchot (RI) à Dinan ou le Dr Pierre Étienne à Loudéac. Châteaulin est conservée par la majorité. À Fougères, bien qu’opposé à trois autres listes (gauche, giscardienne et Mouvement des démocrates de Michel Jobert), Michel Cointat (RPR) l’emporte au second tour. Des relèves et un renouvellement générationnel s’opèrent ici ou là. Pierre Méhaignerie (CDS), qui va être nommé ministre de l’Agriculture, prend Vitré qu’il va administrer jusqu’en 2020, record de longévité. Édouard Landrain (futur UDF) devient maire d’Ancenis jusqu’en 2001. Il y a parfois un changement de leader, mais pas d’orientation politique comme à Landerneau (Finistère) : François Hily, le 1er adjoint de Théophile Le Borgne (RPR), l’emporte au 1er tour (54 % des voix) contre le jeune socialiste Jean-Pierre Thomin, mais le nouveau maire est le modéré Ferdinand Grall63. À droite aussi les électeurs aspirent à un changement des notables en place : à Saint-Pol-de-Léon (Finistère), les deux anciens maires de droite sont battus. Dans le Morbihan, les maires de Larmor-Plage et de Malestroit le sont aussi tandis qu’à Guer et à Belz, réélus, ils sont en minorité. À Quiberon, où il avait développé un établissement de thalassothérapie, l’ancien champion cycliste Louison Bobet ne parvient pas à devenir maire. L’abbé Laudrin décède durant l’entre-deux-tours alors qu’il avait été facilement réélu à Locminé (Morbihan).
56Dans les Côtes-du-Nord, l’Union de la gauche compte désormais 135 maires, 36,6 % du total (3 radicaux inclus), auxquels s’ajoutent 64 maires divers gauche (17,3 %), mais la plupart ont refusé l’alliance avec le PCF64. Par rapport à 1971, étant passé de 31 à 48 maires (13 %) le PCF est le principal bénéficiaire (voir le tableau VII, chap. 6, p. 179). En revanche, l’ensemble PSU (62)-PS (35), soit 97 maires (25,2 %) de 1971, est en recul en 1977 pour les socialistes encartés (84, 22,7 % des maires, 82 PS, 2 PSU). Sans les radicaux de la mouvance plévéniste, le glissement municipal à gauche (maires PCF, PSU, SFIO) semble avoir été plus conséquent entre 1965 et 1971, de 109 à 128, que de 1971 à 1977, où on atteint 132 maires clairement identifiés à gauche. Il y aurait donc plutôt stabilité que poussée mais la progression des maires divers gauche (de 52 à 67, 18,1 %) donnerait la majorité à ce camp et elle est porteuse d’avenir puisqu’une quinzaine d’entre eux va adhérer au PS. En 1977, le nombre de maires centristes, plévénistes et démocrates-chrétiens, est stable (7,3 %), le RPR recule à six maires (1,6 %), tout comme les libéraux de droite et les modérés (32,2 %), mais ce bloc résiste plutôt bien. Il apparaît donc qu’on assiste en 1977 à une poussée limitée de l’Union de la gauche dans les Côtes-du-Nord et plutôt à une redistribution des cartes en son sein en faveur du PCF à l’occasion d’un fort renouvellement générationnel : un tiers de nouveaux maires (121), mais encore très peu de femmes (onze, 3 %). C’est néanmoins le plus important renouvellement depuis celui de la Libération, il est vrai exceptionnel, puisqu’il avait été de 59,3 % en mai 1945. Désormais, la gauche unie administre six (en incluant Paimpol) des dix villes du département, un gain de quatre cités auxquels s’ajoutent cinq chefs-lieux de canton.
57La poussée de l’Union de la gauche touche plus fortement le Finistère où elle s’impose dans une douzaine de villes, même si les municipalités centristes ont bien résisté dans la région quimpéroise et celles de droite dans le Léon. La SFIO, qui avait encore un maire sur cinq en 1959 à côté d’une quinzaine de communistes, était tombée à 13 maires encartés en 1971 pour une dizaine au PCF. Avec 33 élus (11,5 %), les élections de 1977 apparaissent comme le point de départ d’une reconquête municipale des territoires perdus et de nouvelles cités. Les victoires d’Edmond Hervé à Rennes et de Louis Chopier à Saint-Malo ne doivent pas faire oublier qu’en Ille-et-Vilaine le PS part de très bas : de cinq maires en 1971 à neuf en 1977 et aucun communiste. Dans le Morbihan, c’est la stabilité qui prévaut car, de 1965 à 1977, le PS a conservé 33 édiles (12,6 %) dans la couronne lorientaise et dans la zone bretonnante, le PCF n’ayant qu’une poignée de maires. La Loire-Atlantique connaît un certain décollage municipal de la gauche en 1977 : d’une dizaine de maires PS après reclassement de 1971 à 1973 à 17 en 1977. Signalons aussi pour la première fois l’élection en Bretagne de deux maires « écologistes » en réaction au projet de centrale nucléaire à Erdeven : Michel Le Corvec, militant du CRIN, devient maire d’Étel de 1977 à 1989, et Dr Le Formal, un conseiller municipal sortant de droite, le premier magistrat de Belz. Autre spécificité bretonne : l’élection sur des listes d’Union de la gauche de 35 conseillers municipaux UDB dont la moitié dans le Finistère, la plupart dans les grandes villes (trois à Brest, Rennes, Lorient, Nantes).
58La poussée électorale de la gauche unie est bien réelle en Bretagne lors des élections municipales de mars 1977. Du fait des succès dans les grandes villes, à Brest, Rennes et Nantes, mais aussi Angers et Le Mans (maire PCF), elle paraît spectaculaire dans l’Ouest catholique et conservateur aux observateurs parisiens, mais elle occulte la poussée sensible dans les villes moyennes, plus marquée en Basse-Bretagne. Toutefois, il ne faudrait pas négliger la bonne résistance des listes du centre et de droite. Depuis 1967-1968, une partie des Bretons aspire à bousculer l’ordre établi et à renouveler des notables vieillissants comme le notait le 22 mars 1977 Le Télégramme, constatant que « beaucoup de maires âgés [ont été] battus ». La gauche unie et surtout le PS se sont mis en position de capter cette soif de changement politique. De nouvelles générations d’élus arrivent aux affaires, à gauche mais aussi parfois à droite. Elles vont faire leur apprentissage de la gestion, la mairie leur servant de tremplin à des carrières politiques ultérieures. Un nouveau cycle politique s’ouvre et il va durer 40 ans pour de jeunes élus socialistes comme Edmond Hervé. Près de dix ans après Mai 1968, la dynamique unitaire est payante à gauche et des espoirs sont permis pour 1978.
Les élections législatives de mars 1978 : la majorité sortante résiste bien mais la gauche progresse
59Ces élections législatives sont un enjeu majeur car la montée de la gauche aux élections locales pourrait déboucher pour la première fois sous la Ve République sur une alternance politique et une cohabitation que le président Valéry Giscard d’Estaing est prêt à accepter. Or, les négociations sur la réactualisation du programme commun de gouvernement de la gauche rendues nécessaires par les effets de la crise économique et la montée du chômage se sont achevées le 14 septembre 1977 sur une rupture entre le PS et le MRG et le PCF65. Voyant que le PS bénéficiait électoralement de cet accord, Georges Marchais a délibérément cherché cette rupture en mettant la barre très haut. S’ouvre alors une période de rudes critiques du PCF à l’égard de ses ex-alliés, le PS se voulant unitaire pour deux. À droite, les divisions sont tout aussi marquées entre le RPR de Jacques Chirac et le président de la République. Dans son discours du 27 janvier 1978 à Verdun-sur-le-Doubs (Saône-et-Loire), Valéry Giscard d’Estaing a appelé les Français « à faire le bon choix pour la France », c’est-à-dire à ne pas voter à gauche.
60En Bretagne, du fait de l’abaissement du droit de vote à 18 ans et de l’accroissement démographique, le corps électoral a augmenté de près de 15 %. Les candidatures aux élections législatives n’ont jamais été aussi nombreuses : 274 (70 de plus qu’en 1973) pour 33 sièges à pourvoir. Les gauches en alignent 168 (17 UDB qui recueilleront 1,87 % des voix, 10 PSU), dont 59 pour l’extrême gauche (33 LO)66. Pour la première fois, HR-PCML, ainsi que huit écologistes, se présentent. C’est la traduction de l’effervescence politique des années post-1968. À droite, ils sont 98 candidats dont 32 UDF, 26 RPR, 15 divers centristes et 14 extrême droite. Comme en France, la participation est très élevée : 84,4 %. Dans le pays, la gauche arrive en tête des suffrages au premier tour mais est battue au second du fait d’un mauvais report des voix, surtout vis-à-vis des communistes. La majorité sortante conserve 291 sièges contre 200. Le RPR (154 élus) perd 29 députés poursuivant son érosion entamée en 1973 tandis que la récente UDF (121) en gagne deux, rééquilibrant quelque peu le rapport des forces de droite. Elles restent nettement majoritaires en Bretagne : 54,7 % des voix contre 44,3 %, mais l’écart qui était de 24,5 points en 1973 s’est réduit à 10,4 % en 1978, signe des évolutions politiques en cours dix ans après Mai 1968. La gauche qui progresse partout (+6,6 %) est même majoritaire en voix dans les Côtes-du-Nord (52,5 %) quand la droite perd 7,5 %. Une fraction de l’électorat centriste est en train de glisser vers la gauche. De même, une redistribution des cartes s’opère en Bretagne comme dans le pays : le PCF (14,1 % des voix) recule (−0,6 %) alors que la gauche non communiste progresse nettement (+5,7 %), dépassant pour la première fois sa moyenne nationale (27,9 %). Le PS rassemble 24,7 % des suffrages (22,7 % en France), mais il est quelque peu concurrencé par le PSU, l’UDB, l’extrême gauche et les écologistes. À droite, le recul est à peu près partagé, mais l’UDF rassemblant centristes et giscardiens (26,7 %) devance désormais le RPR (25,7 %).
61En raison du nombre important de candidats, il n’y a que six élus dès le premier tour (3 RPR, 3 UDF), dont les ministres Christian Bonnet, Yvon Bourges, Olivier Guichard et Pierre Méhaignerie (72,3 %) et Marc Bécam à Quimper. Au second tour, la stabilité semble l’emporter en sièges : l’UDF conserve dix députés (plus un non-inscrit proche), tandis que le RPR recule de 17 à 14. Mais le renouvellement est important : 15 sur 33 du fait du retrait des uns, de la défaite des autres. Les résultats sont souvent très serrés dans les circonscriptions les plus disputées. Dans les fiefs gaullistes, une nouvelle génération prend la relève : Jean-Louis Goasduff succède à Gabriel de Poulpiquet à Landerneau (voir le tableau VII, p. 277), Charles Miossec est élu à Landivisiau à l’issue d’une triangulaire provoquée par un centriste ; Jean Crenn, ancien suppléant de Suzanne Ploux, l’emporte à Châteaulin, tout comme Guy Guermeur à Douarnenez ; à Pontivy, Jean-Claude Cavaillé succède à l’abbé Laudrin. Le Finistère (5 RPR) et l’Ille-et-Vilaine (4 RPR) restent des bastions gaullistes. Mais à Brest, Michel de Bennetot (RPR) est battu par le giscardien Eugène Bérest (PR-UDF). La majorité perd aussi Morlaix en faveur de Marie Jacq (PS) et Nantes-3-Rezé est enlevé par François Autain (PS). L’UDF résiste mieux : quatre centristes du CDS et six PR dont le jeune Alain Madelin, ancien militant d’extrême droite à Occident, élu à Redon. Ses candidats gagnent même deux sièges dans les Côtes-du-Nord : pour cause de « guerre scolaire » (opposition à la loi Guermeur très favorable à l’enseignement privé), Charles Josselin est battu de peu par René Benoît, le maire PR de Dinan et successeur de René Pleven au conseil général. À Saint-Brieuc, Yves Dollo (PS), le successeur d’Yves Le Foll, est devancé au 1er tour par le communiste Édouard Quemper qui est battu au second par le centriste Sébastien Couépel (CDS) alors que les gauches étaient majoritaires en voix au 1er tour. Dans ce département, on assiste à la fin du plévénisme puisqu’à Guingamp Édouard Ollivro (CDS-UDF) est battu par le communiste François Leizour, le seul député de ce parti élu dans la région depuis 1958. De même, à Lannion où Pierre Bourdellès ne se représentait pas Pierre Jagoret (PS) l’emporte. Ce sont les nouveaux maires de 1977 des deux cités qui s’imposent. N’étant plus ni ministre, ni diplomate, Marie-Madeleine Dienesch est réélue sans coup férir pour sa 10e et dernière législature à Loudéac. Ayant rejoint le Sénat, Raymond Marcellin a laissé le siège de Vannes à Paul Chapel (65 %), le nouveau maire de la ville.
Tableau VII. – Les députés élus en Bretagne en 1978 et en 1981 (résultats du 2e tour).

En italiques, suppléant appelé à siéger en remplacement du député nommé au gouvernement pendant la législature. * élu au 1er tour.
62En 1978, totalisant sept députés, le PS n’a gagné qu’un seul siège, mais il a progressé en voix et le renouvellement des hommes est en cours : outre la facile réélection de Louis Le Pensec à Quimperlé et l’élection de Marie Jacq et de Pierre Jagoret dans le Trégor, une nouvelle génération entame de longues carrières parlementaires : Alain Chénard et François Autain à Nantes, Claude Évin à Saint-Nazaire, Jean-Yves Le Drian à Lorient67. Ancien responsable national de la JEC, assistant d’histoire à l’université Rennes 2, Jean-Yves Le Drian a adhéré au PS en 1974 après avoir été subjugué par François Mitterrand lors de son meeting à Rennes le 28 avril 1974. Il devient secrétaire de la section de Lorient l’année suivante et écarte en 1977 le Lorientais Gérard Le Gall qui travaille à Paris et que les mitterrandistes verraient bien succéder à Yves Allainmat dans ce fief socialiste68. Mais le mauroyiste Yves Allainmat, vice-président de l’Assemblée nationale, a un compte à régler avec Jean Lagarde, son camarade qui l’a écarté sans ménagement de la mairie à l’été de 1973. Il soutient donc le jeune Le Drian, dont le père, militant catholique de gauche et CFDT, est adjoint au maire communiste de Lanester. Comme en Loire-Atlantique, ce conflit oppose la vieille garde laïque de la SFIO à une nouvelle génération militante et ambitieuse qui a fait ses armes à l’UNEF contre la guerre d’Algérie (Josselin, Le Pensec), dans les combats de la JEC au milieu des années 1960 et en Mai 1968 (Le Drian, député à 30 ans) ou en étant passés par le PSU (Autain et Évin). Ainsi, soutenus eux aussi par la base, les ex-PSU François Autain et Claude Évin sont parvenus à s’imposer en 1978 contre les anciens de la SFIO à Nantes-Rezé et à Saint-Nazaire où le sortant Georges Carpentier doit laisser la place. Mais à Nantes-2, la circonscription du sortant Christian Chauvel, la direction du PS impose Alain Chénard contre Jean-Marc Ayrault qui avait été désigné par les sections. Les élections législatives de 1978 sont quelque peu décevantes pour la gauche, mais l’analyse fine des résultats montre des évolutions encourageantes : à Brest, Francis Le Blé a obtenu 49,6 % et à Rennes 1 et 2 Edmond Hervé et Jean-Michel Boucheron sont à 45-46 %. C’est le vote rural qui a fait la différence.
63Outre Yvon Bourges, Christian Bonnet et Pierre Méhaignerie qui restent dans le gouvernement Barre reconduit, Marc Bécam y entre. En octobre 1980, Michel Cointat est chargé du commerce extérieur lors du départ d’Yvon Bourges pour le Sénat.
Les élections européennes (1979) et sénatoriales (1980) : les droites toujours solides en Bretagne
64Les premières élections européennes au suffrage universel direct le 7 juin 1979 permettent de mesurer les rapports de force politiques. Une dizaine de listes sont en présence. Dans son « appel de Cochin » lancé le 6 décembre 1978, de tonalité souverainiste, Jacques Chirac qui conduit la liste du RPR avec Michel Debré, s’en est pris violemment au président de la République rendant impossible toute liste unique de la majorité. La populaire Simone Veil accepte de conduire la liste de l’UDF. François Mitterrand a pris la tête de la liste PS-MRG pro-européenne et Georges Marchais celle du PCF qui est hostile à cette Europe « antisoviétique ». Les deux blocs politiques sont fracturés. Les Français se déplacent peu (60,8 % de votants, dont 5,2 % de bulletins blancs et nuls). Les gaullistes font un mauvais résultat : 18,1 % (autour de 17 % en Bretagne) ; le PCF maintient son score de 1978 (20,6 %, 14,2 dans la région) ; le PS recule légèrement de 24,9 à 23,7 % en France, mais il obtient 25,3 % des suffrages en Bretagne, et même 28 % dans les Côtes-du-Nord. L’UDF progresse nettement, passant de 23,9 à 27,4 %, du fait du glissement en sa faveur d’une fraction de l’électorat gaulliste. En Bretagne, la confédération giscardienne recueille 32,5 % des suffrages exprimés et même 35,6 en Ille-et-Vilaine. Les petites listes affirment leur présence : outre les deux listes d’extrême droite, signe des mobilisations en cours, la liste écologiste obtient 4,4 % des suffrages quand la liste trotskiste conduite par Arlette Laguiller, alliance de LO et de la LCR, en a 3,07 %. Charles Josselin, battu à la députation en 1978, est l’un des 22 socialistes à rejoindre le Parlement européen, tout comme Marie-Madeleine Dienesch élue sur la liste du RPR. En 1981, l’entrée de plusieurs socialistes au Palais-Bourbon permet l’arrivée à Strasbourg de Bernard Thareau, responsable syndicaliste agricole, et de Marie-Jacqueline Desouches, conseillère générale de Brest. Si le rapport droite-gauche a peu évolué depuis 1978, Valéry Giscard d’Estaing sort de ce scrutin européen conforté. Néanmoins, le second choc pétrolier en juillet 1979, la hausse du chômage, la dérive conservatrice du gouvernement et les « affaires » (affaire des diamants de Bokassa, « suicide » du ministre Robert Boulin au second semestre de 1979) ont quelque peu modifié la donne dans les derniers mois du septennat.
65Le renouvellement cantonal de mars 1979 confirme la montée en puissance du PS qui présente des candidats à peu près partout, y compris contre les sortants communistes notamment dans le Centre-Bretagne69. C’est l’une des conséquences de la rupture de l’Union de la gauche (voir le tableau V, p. 267). Le PS poursuit sa progression en Bretagne en ayant 68 élus (28,8 %), trois fois plus qu’en 1970 : il en obtient 23 dans les Côtes-du-Nord (huit nouveaux) où la majorité de Charles Josselin est renforcée (34 sur 48), passe de 13 en 1973 à 17 dans le Finistère, de neuf à 13 en Loire-Atlantique, mais ne gagne qu’un siège en Ille-et-Vilaine (dix) et dans le Morbihan (cinq)70. Le PCF progresse aussi : 17 conseillers généraux (7,2 %, 14,5 % des voix) dont onze dans les Côtes-du-Nord, son apogée sous la Ve République, mais il perd deux sièges dans le Finistère : Jean-Pierre Jeudy, le maire de Carhaix est battu par l’ancien maire et conseiller général Jean Rohou. Dans le pays, sur les 1 847 cantons renouvelables, la gauche en a gagné 189 (154 PS)71. Mais les majorités de droite dont les présidents sont reconduits en Bretagne sont d’autant moins menacées que la direction du PCF s’en prend de plus en plus durement au PS.
66Les élections sénatoriales du 28 septembre 1980 sont un test pour mesurer l’impact des élections municipales de 1977. Dans le Finistère où Louis Orvoën n’est pas candidat, Georges Lombard (UDF), qui a succédé à René Pleven à la tête du CELIB, est réélu en 2e position sur la liste centriste d’Édouard Le Jeune (CDS-UDF) au 2e tour. Les centristes ont un troisième siège avec Alphonse Arzel (CDS-UDF), ancien militant de la JAC et du MRP, agriculteur, maire (1961) et conseiller général (1967) de Ploudalmézeau, président de la chambre d’agriculture de 1974 à 1981. Candidat malheureux contre Gabriel de Poulpiquet, il s’est fait connaître en 1978 au niveau national lors de la marée noire de l’Amoco Cadiz qui frappe sa commune à Portsall. Le dernier siège est gagné par le ministre RPR Marc Bécam, maire de Quimper. En Ille-et-Vilaine, le ministre de la Défense RPR Yvon Bourges prend le relais d’Yves Estève, sénateur gaulliste depuis 1948, faisant réélire sur sa Liste pour la Ve République le sortant Louis de La Forest (RI-UDF), complétée de deux CDS-UDF, Jean Madelain, directeur d’usine, et Marcel Daunay, agriculteur à Saint-Méen-le-Grand. Militant de la JAC, fondateur d’une coopérative laitière, Marcel Daunay a présidé le CDJA d’Ille-et-Vilaine (1963-1965), puis la FDSEA (1966-1977), devenant vice-président national de la FNSEA en 1978 tout en dirigeant aussi la chambre d’agriculture de 1977 à 1994. Son parcours incarne bien la notabilisation d’une génération de syndicalistes agricoles. Deux des quatre ministres élus sénateurs en 1980 le sont en Bretagne (deux RPR).
67Aux sénatoriales de 1980, la gauche progresse moins qu’attendu en raison du PCF qui bloque volontairement la progression du PS (gain de neuf sièges dans le pays) en maintenant ses listes au 2e tour dans le Finistère (27,2 % au PS au 1er tour, 27,4 % en Ille-et-Vilaine) et les Côtes-du-Nord (39,3 %). Dans les Côtes-du-Nord le contentieux est lourd (élimination des communistes de la mairie de Saint-Brieuc en 1977, échec d’Édouard Quemper au 2e tour en 1978). Du fait des progrès aux élections municipales de 1977, la gauche est théoriquement majoritaire dans ce département. Le comité fédéral du PCF propose une liste commune dès le 1er tour (2 PS, 1 PCF), proposition refusée par le PS qui remarque que cela ne se fait nulle part ailleurs72. Il semble que le PS croit être en mesure d’enlever seul les trois sièges au 2e tour ? Au 1er tour, la liste d’Édouard Quemper (PCF) obtient 301 voix en moyenne, celle de René Régnault (PS), maire de Saint-Samson-sur-Rance et conseiller général de Dinan, 581, celle de la droite de Bernard Lemarié (CDS-UDF) 586. Au second tour, le PCF refuse de constituer une liste d’union et se maintient, ce qui permet l’élection de deux sénateurs de droite (moyenne 648 voix) : le sortant Bernard Lemarié (659 voix) et Yves Le Cozannet (657 voix) qui succède à Pierre Marzin. Seul René Régnault est élu (656 voix, moyenne de 641), mais Claude Saunier, le 1er adjoint d’Yves Le Foll, qui avait eu deux voix de plus que Régnault au premier tour (585), est battu (645 voix). La liste du PCF (180) a perdu 121 voix entre les deux tours. La moitié des grands électeurs communistes a voté pour le PS mais l’autre moitié s’est portée sur la liste de droite en plaçant Quemper en tête73. C’est un signal national car pour la direction du PCF les Côtes-du-Nord sont un banc d’essai de la stratégie de confrontation avec le PS. Jean Poperen dénonce la « tactique de terre brûlée du PCF ». Mais, du coup, des élus municipaux proches du Parti s’éloignent ; cette stratégie pèsera certainement en 1981 dans un électorat communiste unitaire. Néanmoins, pour la première fois depuis 1959, le PS a un sénateur en Bretagne.
68Lorsque le septennat de Valéry Giscard d’Estaing approche de son terme, en raison de l’intégration de tous les centristes, démocrates-chrétiens et laïques dans l’UDF, la Bretagne paraît encore solidement ancrée à droite même si le RPR, appuyé sur ses « grands barons », subit une certaine érosion depuis 1974. Mais les répercussions à long terme de Mai 1968 (idéologiques et sociétales), les effets économiques et sociaux de la crise, les nombreuses mobilisations portées par les syndicats ouvriers et appuyées par l’extrême gauche semblent porteurs de changement. La montée en puissance d’un Parti socialiste rénové, rajeuni et conquérant sur le plan électoral, qui concurrence de plus en plus le PCF à gauche, offre une alternative crédible dans une région encore imprégnée de catholicisme. Les élections de 1981 vont concrétiser ces changements à l’œuvre en Bretagne.
Notes de bas de page
1 Bougeard Christian, René Pleven, op. cit., p. 428-431.
2 Il y a aussi deux candidats fédéralistes européens (0,23 %).
3 Sources : Nicolas Michel et Pihan Jean, Les Bretons et la politique, op. cit., p. 124-135 ; Richard Gilles, « L’élection présidentielle de 1974 : un événement », in Serge Berstein et Jean-François Sirinelli (dir.), Les années Giscard. Institution et pratiques politiques (1974-1978), Paris, Fayard, 2003, p. 15-33 ; Le Monde.
4 En octobre 1971, J.-J. Servan-Schreiber, inventeur de la formule « l’État-UDR », a battu Maurice Faure à la tête du Parti radical et formé en novembre le Mouvement des réformateurs avec le CD de Lecanuet, le Centre républicain d’André Morice et le Mouvement démocrate-socialiste de France (MDSF) d’Émile Muller, une poignée de socialistes qui a refusé le congrès d’Épinay. Muller a obtenu 0,69 % des voix aux présidentielles de 1974.
5 Chaban-Delmas, Royer, Muller, Le Pen.
6 Conord Fabien, Les élections sénatoriales en France (1875-2015), op. cit., p. 136-138.
7 Sources : Prigent François, Les réseaux socialistes en Bretagne des années 1930 aux années 1980, op. cit., t. 1, p. 240.
8 Fondation Jean-Jaurès. 13 EF 35.
9 Claude Saunier redevient 1er secrétaire en 1981 quand Didier Chouat est élu député de Loudéac.
10 OURS. 73 EF 22. Au secrétariat fédéral, la motion 1 majoritaire de François Mitterrand à laquelle appartiennent les rocardiens a 14 représentants dont 4 ex-PSU, la motion 2 du CERES animée par le jeune paysan-travailleur Jean Gaubert (futur député) 5.
11 Voir l’article de Jean-Jacques Urvoas dans Lucas Maurice (dir.), Les socialistes du Finistère (1905-2005), op. cit., p. 220-225.
12 Guiffan Jean, « De la SFIO au PS en Loire-Atlantique : la disparition de la “Vieille Maison” (1958-2004) », art. cité, p. 232-236.
13 Ainsi donc, Jean-Claude Routier-Leroy, toujours secrétaire fédéral, est chargé d’exclure son père du PS… À Pau, la motion 4 Hintermann a recueilli 2 % des voix, 11,5 % en Loire-Atlantique.
14 Sources : Prigent François, Les réseaux socialistes en Bretagne des années 1930 aux années 1980, op. cit., t. 1, p. 278. D’autres sources internes du PS (fondation Jean-Jaurès) donnent des résultats un peu différents, notamment dans les Côtes-du-Nord et le Finistère. Il y a sans doute eu des rectifications.
15 Dans les Côtes-du-Nord, au bureau fédéral la motion A compte 22 titulaires, dont Danièle Bousquet, future députée PS (1997-2012), 20 rocardiens et 4 CERES, dont Claudy Lebreton, futur président du conseil général (1997-2016). En novembre 1981, la répartition est 10 A, 7 C, 2 E.
16 Sources : Martelli Roger, Prendre sa carte (1920-2009), op. cit., p. 82-84.
17 Mischi Julian, Servir la classe ouvrière. Sociabilités militantes au PCF, Rennes, Presses universitaires de Rennes, chap. 3, p. 119-150.
18 Quand il est élu à la mairie de Saint-Brieuc puis conseiller général, Édouard Quemper cède la fonction de premier secrétaire (politique) à Marcel Alory.
19 Fils d’un ouvrier de l’arsenal de Cherbourg originaire de Scaër, il est d’abord soudeur à l’arsenal, journaliste à Ouest-Matin, plombier, puis permanent, élu membre suppléant du Comité central (1970) puis titulaire (1972-1987). Voir sa notice par Alain Prigent dans Le Maitron en ligne.
20 Kernalegenn Tudi et Pasquier Romain (dir.), L’Union démocratique bretonne, op. cit., p. 250-251 et 241.
21 Sainclivier Jacqueline, « Du PSU aux Assises du socialisme en Bretagne », art. cité, p. 263-265.
22 Prigent François, « Les réseaux socialistes PSU en Bretagne (1958-1981) », in Tudi Kernalegenn et al. (dir.), Le PSU vu d’en bas, op. cit., p. 89-92.
23 Les chiffres des partants paraissent fort surévalués : 140 alors que le PSU n’avait plus que 168 adhérents dans les Côtes-du-Nord en 1973 et il en conserve 80 en 1975, ce serait donc 88 départs ? Il faudrait disposer des fichiers pour connaître le nombre exact. Il y a peut-être de nouvelles adhésions au PSU en 1975, mais elles ne sont sans doute pas très nombreuses.
24 Il y avait 79 cartes PSU en 1973, 50 en 1975. Pour faire contrepoids au CERES, les PSU s’allient avec les réseaux de la CIR de Michel Phlipponneau dépassés par les nouveaux adhérents au PS pour se situer dans la majorité mitterrandiste.
25 Chiffres tirés des archives du PSU. Voir Drouet Yannick, « Le PSU (1974-1988) : une si longue agonie ? », in Noëlline Castagnez, Laurent Jalabert, Marc Lazar, Gilles Morin et Jean-François Sirinelli (dir.), Le Parti socialiste unifié. Histoire et postérité, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 301-313.
26 Kernalegenn Tudi, Histoire de l’écologie en Bretagne, Rennes, Éditions Goater, 2014.
27 Siloret Martin, « Trajectoires politiques de militants écologistes bretons (années 1970-années 1990) », in Christian Bougeard et François Prigent (dir.), La Bretagne en portrait(s) de groupe, op. cit., p. 135-146.
28 Vrignon Alexis, La naissance de l’écologie politique en France, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017, p. 193-202.
29 Kernalegenn Tudi, Drapeaux rouges et gwenn-ha-du. L’extrême gauche et la Bretagne dans les années 1970, Rennes, Éditions Apogée, 2005.
30 ADIV. 508 W 002 et 003. Partis politiques et extrême gauche. Rapports des RG.
31 ADIV. 508 W 81. Lutte ouvrière.
32 ADIV. 508 W 110. PCMLF-HR (1968-1978).
33 « PCML : la moitié des militants bretons le quittent », Ouest-France, 22 janvier 1980.
34 Le chiffre de 300 nous a été confirmé par le responsable des fichiers devenu responsable politique régional.
35 Suivant leurs dirigeants régionaux, 65 militants s’en vont en janvier 1980, 60 restent jusqu’au 4e congrès du PCML prévu en juin, d’autres sont indécis.
36 Sainclivier Jacqueline, « Yvon Bourges et le gaullisme en Bretagne (1962-1978) », art. cité, p. 185-186.
37 Pozzi Jérôme, Les Mouvements gaullistes, op. cit., p. 299-310.
38 Pavard Bibia, Si je veux quand je veux. Contraception et avortement dans la société française (1956-1979), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, chap. 8.
39 Trois UDR (Bécam, de Bennetot, Cointat) et le centriste Bourdellès votent le texte défendu par la majorité.
40 En 1973, les centristes bretons sont inscrits dans deux groupes différents, deux chez les Réformateurs, quatre à l’Union centriste (CDP) car Pierre Lelong (ex-UDR) les a rejoints.
41 Richard Gilles, « L’UDF de 1978 à 1981 : une insertion dans le système partisan français », in Sylvie Guillaume, Gilles Richard et Jean-François Sirinelli (dir.), Histoire de l’UDF. L’Union pour la démocratie française, 1978-2007, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 13-25.
42 François de Sesmaisons, le fils de l’ancien député RI de Loire-Atlantique, en est la cheville ouvrière avec Jean-Pierre Soisson, leader du PR.
43 ADIV. 508 W 113. Parti des forces nouvelles.
44 Henry Lionel et Lagadec Annick, FLN-ARB. L’histoire (1966-2005), Fouesnant, Yoran Embanner, 2006, chap. 4 à 7.
45 Ce militant breton qui agit seul a posé durant l’été de 1975 des bombes aux domiciles de parlementaires bretons : Yves Fréville et François Le Douarec à Rennes, Yves Estève à Dol-de-Bretagne. Voir Henry Lionel et Lagadec Annick, FLB-ARB, op. cit., chap. 8 à 13.
46 Barillon Raymond, « La poussée amplifiée du PS au second tour a assuré le succès de la gauche aux cantonales », Le Monde, 16 mars 1976.
47 Un candidat de l’UJP (4,1 %) s’est maintenu contre Fréville.
48 Edmond Hervé est réélu à Rennes-3 et Albert Renouf, syndicaliste cheminot CGT, dirigeant départemental du PSU de 1960 à 1972, gagne celui de Rennes-9.
49 Sources : Le Monde, 16 mars 1976, 27 mars 1979. François Prigent, Les réseaux socialistes en Bretagne des années 1930 aux années 1980, op. cit., t. 1, p. 237-240.
50 Il est conseiller général (1964) puis maire (1965) de Saint-Mars-la-Jaille.
51 Le PS gagne 3 sièges en Ille-et-Vilaine, 3 dans Côtes-du-Nord, 3 dans le Morbihan et un dans le Finistère.
52 Le PCF gagne Plouigneau (Le Nagard) mais perd deux sortants : Louis Hémery à Châteauneuf-du-Faou (1964), battu de 67 voix, et Christophe Poulichet, le maire de Scaër. En 1973, Jean-Pierre Jeudy a été élu à Carhaix.
53 Notons que selon Le Monde, il n’y aurait aucun élu UDR dans les Côtes-du-Nord alors que Marie-Madeleine Dienesch apparentée UDR est étiquetée Mouvement démocrate Ve. À ne pas confondre avec le Mouvement des démocrates de Michel Jobert.
54 Bougeard Christian, « Les élections municipales de 1977 en Bretagne : quelle poussée de la gauche ? », in Matthieu Boisdron et Michel Catala (dir.), Les élections municipales de 1977 en France, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2020, p. 155-168. Sources : Ouest-France et Le Télégramme.
55 Sources : Le Monde, 15 et 22 mars 1977, Ouest-France et Le Télégramme, mars 1977.
56 À droite : Rennes, Brest, Nantes, Vannes, Saint-Malo, Saint-Herblain ; à gauche : Lorient, Quimper, Saint-Brieuc, Saint-Nazaire, Rezé.
57 La liste PSU-autogestion recueille 5,3 % des voix, celle de Lutte ouvrière 2,3 % et celle de Rennes révolutionnaire-Drapeau rouge, 1,4 %. L’extrême gauche pèse 9 % des suffrages. Voir Prigent François, « Rennes 1977, une élection-matrice pour le système partisan à l’échelle locale », in Matthieu Boisdron et Michel Catala (dir.), Les élections municipales de 1977 en France, op. cit., p. 213-229.
58 Batardy Christophe, « Les communes de la métropole nantaise à l’heure du Programme commun et de l’Union de la gauche » et Billard Coralie, « Les batailles municipales de 1977 en Pays de la Loire », ibid., respectivement p. 199-211 et 169-182.
59 Mischi Julian, Servir la classe ouvrière, op. cit., p. 146-147. Le panachage a placé en tête des candidats sympathisants.
60 La liste Bérest dépasse les 30 % quand celle de Lombard n’atteint pas les 20 %. On peut suivre le psychodrame des droites brestoises dans Le Télégramme.
61 Selon Ouest-France du 22 mars 1977, la gauche passe de 26 à 45 élus sur 437 dans le district urbain de Rennes.
62 La situation entre communistes et socialistes est compliquée depuis la Libération à Carhaix. L’union de la gauche PCF-PS n’a pas pu se faire au 1er tour mais l’a emporté au second.
63 Kerhervé Jean et Élégoët Louis (dir.), Histoire de Landerneau, Morlaix, Skol Vreizh, 2016, p. 195-197.
64 Prigent François, Les réseaux socialistes en Bretagne des années 1930 aux années 1980, op. cit., t. 1, p. 272-277.
65 Vigreux Jean, « Le parti communiste à l’heure de l’union de la gauche », in Danielle Tartakowsky et Alain Bergounioux (dir.), L’union sans l’unité, op. cit., p. 54-56, et table ronde sur la rupture, p. 273-298.
66 Nicolas Michel et Pihan Jean, Les Bretons et la politique, op. cit., p. 135-149.
67 Après avoir été ministre de la Défense de François Hollande (2012-2017), Jean-Yves Le Drian est ministre des Affaires étrangères d’Emmanuel Macron (2017), toujours en fonction en 2022.
68 Keltz Benjamin et Legendre Nicolas, Le phénomène Le Drian, Châteaubourg, Les Éditions du coin de la rue, 2016, chap. 4 et 5.
69 À Rostrenen, Guillaume Le Caroff est réélu de justesse.
70 Prigent François, Les réseaux socialistes en Bretagne des années 1930 aux années 1980, op. cit., t. 1, p. 236-240 et 277-281.
71 Le Monde, 27 mars 1979.
72 Le Breton Arnaud, L’évolution du communisme rural dans le Sud-Ouest des Côtes-du-Nord 1958-1983, op. cit., p. 91-93.
73 Le PCF refuse de reconnaître qu’il a donné des consignes à ses plus fidèles élus. En 1998, lors de son enquête, Arnaud Le Breton n’en a trouvé qu’un seul à avouer son vote. La thèse officielle est que le PS ne voulait pas de sénateur communiste. Les déclarations des deux camps dans Ouest-France sont très virulentes.
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