Chapitre VIII. Au temps du pompidolisme (1969-1974)
p. 213-244
Texte intégral
1Georges Pompidou a fait preuve durant la crise de 1968 de son efficacité en tenant à bout de bras un appareil d’État en pleine déliquescence. Son renvoi brutal est un choc, même si de Gaulle laisse entendre qu’il est en réserve de la République. D’ailleurs, le député du Cantal pose des jalons lors d’une déclaration à Rome le 17 janvier 1969 en faisant savoir qu’il sera candidat à l’élection présidentielle « quand il y en aura une », déclaration qui avait passablement agacé le général de Gaulle qui lui répond le 22 qu’il remplira son mandat jusqu’au bout. Mais la succession arrive beaucoup plus tôt que prévu, avec trois années d’avance. De Gaulle parti, Pompidou est élu à l’Élysée où il dirige le pays de 1969 à son décès en 1974, assurant une transition politique en douceur tout en infléchissant la politique gaullienne sur l’Europe et en poursuivant la politique d’industrialisation et de modernisation de la France à l’apogée des Trente Glorieuses.
Georges Pompidou, président : le ralliement d’une fraction des centristes bretons au gaullo-pompidolisme (juin 1969)
2Le général de Gaulle rentré à Colombey-les-Deux-Églises, le centriste Alain Poher, depuis peu président du Sénat, est chargé d’assurer l’intérim jusqu’aux élections présidentielles fixées le 1er et le 15 juin 1969. Des électeurs de droite ont voté non car ils savaient la succession assurée. Dès le 29 avril, avant même l’investiture de l’UDR, l’ancien Premier ministre déclare sa candidature obtenant l’appui de Valéry Giscard d’Estaing (RI). Le 13 mai, porté par les sondages et se voulant le porte-parole de ceux qui ont voté non, Alain Poher (ex-MRP, CD) annonce sa candidature soutenue par Jean Lecanuet, le Parti radical et une partie du PDM. Après l’échec de mai-juin 1968, la gauche a volé en éclats : elle ne présente pas moins de quatre candidats, dont deux visant un électorat d’extrême gauche, Michel Rocard (PSU) et Alain Krivine (Ligue communiste). François Mitterrand, quelque peu discrédité par sa proposition de remplacer de Gaulle à la fin de mai 1968, passe son tour, laissant le champ libre à Jacques Duclos pour le PCF et à Gaston Defferre pour une SFIO en pleine opération de survie.
3La campagne est brève. Avec son slogan « Le changement dans la continuité », le candidat de l’UDR rassure son camp en disant qu’il ne dissoudra pas l’Assemblée nationale, pratiquant l’ouverture vers des centristes d’opposition du PDM, ce qui est un moyen d’élargir sa majorité. Le leader du groupe PDM Jacques Duhamel (rad.) et Joseph Fontanet (CD) se rallient à Georges Pompidou, faisant imploser le centrisme qui se voulait d’opposition alors que Jean Lecanuet (leader du CD) soutient Alain Poher au programme et à la future majorité plutôt flous. Inscrit dans cette mouvance, Ouest-France appuie Alain Poher qui bénéficie aussi d’une discrète préférence de Guy Mollet, le patron de la SFIO. La SFIO a pourtant son candidat : Gaston Defferre qui fait campagne en tandem avec Pierre Mendès France annoncé comme Premier ministre. René Pleven, qui plaide pour un « nouveau style » et dresse le 3 mai un portrait-robot du nouveau président assez ressemblant au candidat gaulliste, contribue en coulisses au ralliement par étapes des leaders centristes du PDM1. Après Joseph Fontanet et Jacques Duhamel, dans une interview au Monde du 27 mai, René Pleven refuse de soutenir Alain Poher qui aura des voix de gauche : son élection entraînerait la dissolution de l’Assemblée. Cela revient à soutenir Pompidou en creux. D’ailleurs, à la veille du 1er tour, Pleven se prononce en sa faveur comme une douzaine de députés du groupe PDM sur 30. Le 7 juin, après avoir été reçu par le candidat de l’UDR, il appelle tous les « démocrates encore hésitants le 1er juin, de reporter leurs voix sur l’ancien Premier ministre ». Le 11 juin, Georges Pompidou vient d’ailleurs tenir son dernier meeting de province à Guingamp, la ville du député-maire Édouard Ollivro, et la circonscription la plus à gauche de Bretagne qui a voté à 31,4 % pour Jacques Duclos (PCF). Pompidou ne néglige pas le réservoir de voix centristes de la région. Dans ce contexte, le communiste Jacques Duclos fait vite figure de principal opposant. Malgré une abstention élevée (21,8 % des inscrits), les résultats du premier tour sont sans équivoque (voir le tableau I).
Tableau I. – Les résultats des élections présidentielles de juin 1969 en Bretagne et en France.

4Georges Pompidou obtient la majorité absolue dès le 1er tour en Bretagne et dans trois départements sur cinq, sauf en Loire-Atlantique (49,5 %) et dans les Côtes-du-Nord (43 %), faisant mieux que de Gaulle en 19652. Le ralliement d’une partie du PDM a pesé puisque Alain Poher y obtient un score un peu inférieur à sa moyenne nationale, ce qui est exceptionnel dans une région où la démocratie chrétienne a été forte mais est de plus en plus laminée par le gaullisme. Poher fait ses meilleurs résultats (plus de 26 %) en Ille-et-Vilaine (29,1 % à Vitré), en Loire-Atlantique (à Ancenis et à Châteaubriant) et dans la circonscription d’Hennebont, celle du centriste Paul Ihuel. Jacques Duclos et Gaston Defferre font moins bien en Bretagne que dans le pays, même si le communiste recueille une partie du vote urbain de gauche et atteint 23,7 % des voix dans les Côtes-du-Nord. Il obtient 26,2 % à Quimperlé, 25 % à Hennebont et progresse à Saint-Nazaire (+6,8 % sur 1967), prenant des voix socialistes. Quant à lui, Michel Rocard fait 0,5 % de mieux que son score national, captant une partie des suffrages des partisans de Mai 1968 dans les grandes villes et à Morlaix (7,9 %)3.
5Le second tour est sans surprise, Georges Pompidou, qui a capté les voix d’Alain Ducatel, écrase Alain Poher en Bretagne obtenant 63 % des suffrages exprimés (67,1 % dans le Finistère, 66,9 % dans le Morbihan) contre 57,5 % dans le pays. Mais plus d’un tiers des électeurs ne se sont pas prononcés (31 % d’abstentions, 4,5 % de blancs et nuls), de ce fait il ne recueille que 37,1 % des inscrits contre 44,8 % au général de Gaulle en 1965 (moins 2 millions de voix, moins 145 324 en Bretagne). Alain Poher, qui a bénéficié du désistement de Gaston Defferre qui n’avait dépassé les 5 % au 1er tour qu’à Brest et à Saint-Nazaire, récolte une grande partie des suffrages socialistes, surtout en Basse-Bretagne, faisant 42,2 % des voix dans les Côtes-du-Nord, un département qui n’apprécie guère le ralliement de ses députés centristes à Georges Pompidou, et 39,6 % en Loire-Atlantique. « Bonnet blanc ou blanc bonnet », Jacques Duclos a estimé que les deux candidats en lice étaient de droite si bien que, comme le PSU, le PCF a appelé à s’abstenir. Cet appel n’a manifestement pas été suivi par tous dans les terres de gauche bretonnes. Environ un tiers des électeurs de gauche du 1er tour ont voté Poher contre Pompidou. Un an après Mai 1968, la gauche est de nouveau en miettes alors que la majorité renforcée s’est élargie.
6Dans le gros gouvernement « d’ouverture » de 39 membres (19 ministres et 20 secrétaires d’État) formé par Jacques Chaban-Delmas le 22 juin 1969, l’UDR se taille la part du lion (27 ministres) au détriment des quatre ministres républicains-indépendants, dont leur leader Valéry Giscard d’Estaing qui revient aux Finances. Les trois ministres centristes ralliés à Georges Pompidou forment le 4 juillet un nouveau parti, le Centre démocratie et progrès (CDP). Les élus de Bretagne sont très présents dans ce gouvernement. Successeur d’André Malraux, le gaulliste Edmond Michelet, qui s’est rallié à Georges Pompidou, redevient l’un des trois ministres d’État en charge des Affaires culturelles. Raymond Marcellin (RI) reste à l’Intérieur alors qu’Olivier Guichard est nommé au ministère exposé de l’Éducation nationale. Le Nantais Henry Rey est ministre des DOM-TOM. Le retour de René Pleven comme garde des Sceaux au 5e rang protocolaire, onze ans après avoir quitté l’avant-dernier gouvernement de la IVe République, est le signe de l’ouverture de la majorité au centre et un signal aux partisans de l’élargissement de l’Europe des Six vers les Britanniques. Ce gouvernement compte aussi deux secrétaires d’État de la région : Yvon Bourges reste à la Coopération tout comme Marie-Madeleine Dienesch aux Affaires sociales. Dans le gouvernement Chaban-Delmas, qui va mettre en œuvre la « nouvelle société », la Bretagne ne compte pas moins de sept ministres dont trois à des postes régaliens. Huitième membre, Michel Cointat est nommé ministre de l’Agriculture du 8 janvier 1971 au limogeage de Chaban-Delmas en 1972.
7À la veille de revenir au gouvernement, René Pleven n’oublie pas les enjeux bretons. Dans son éditorial du Petit Bleu des Côtes-du-Nord, « L’heure d’amnistier », le député de Dinan réclame une « loi de pardon » incluant les militants du FLB en attente de jugement et dont certains ont fait une grève de la faim en février pour obtenir le statut de « prisonnier politique ». Celui qui aurait été appelé à témoigner au procès des inculpés devant la Cour de sûreté de l’État rappelle les amnisties précédentes pour des faits beaucoup plus graves (1966, Mai 1968, 24 juillet 1968 pour les putschistes d’Algérie) et il plaide pour la clémence et un geste de réconciliation contre l’avis de Raymond Marcellin qui, lui, prône la répression contre les « gauchistes et autres séparatistes ». Le ministre de l’Intérieur regrettera, dans un livre publié en 1985, que Georges Pompidou ait donné satisfaction à son nouveau ministre de la Justice qui a fait voter la loi d’amnistie le 30 juin 1969. Il est vrai qu’à l’initiative de l’UDB, qui condamne les attentats du FLB, 1 200 personnalités avaient signé en mai une pétition en faveur de la remise en liberté des derniers détenus emprisonnés. Dans la foulée, un FLB légal est même créé à Rennes le 14 septembre 1969 : il se veut un front révolutionnaire et nationaliste breton.
Domination des partis de droite et éclatement du centre (1967-1974)
8Le choc de Mai 1968 ébranle toutes les formations politiques, provoquant en 1969-1970 des restructurations mais aussi une certaine dynamisation sous l’impulsion de petits groupes d’extrême gauche issus de la contestation étudiante qui se prolonge pendant plusieurs années dans les universités et les lycées contre les nombreuses réformes décidées par le pouvoir.
9Parti dominant à droite, dans les années 1960 l’UNR/UDR peine à s’implanter durablement surtout dans les Côtes-du-Nord et dans le Morbihan. Après les élections législatives de 1967, l’UNR devenu UD Ve se réorganise lors du congrès de Lille de novembre 1967 qui accentue la tutelle du Premier ministre sur le parti. Les fédérations départementales se structurent davantage en créant des comités directeurs en 1968 composés des parlementaires, d’élus et de militants. L’UDR revendique entre 160 000 et 180 000 adhérents en 1969 et 238 000 en 1973-1974 quand Le Monde lui en attribue 100 000 en octobre 1974. Sous la houlette du secrétaire général Robert Poujade, le nombre d’adhérents aurait presque doublé de 1967 à 1971, passant de 80 000 à près de 140 0004. C’est le cas en Loire-Atlantique où, en 1968, on passe de 750 à 1 500 adhérents. En Ille-et-Vilaine, l’UDR aurait multiplié ses effectifs par 2,5 à 3 de 1968 à 1970, surtout dans la région de Saint-Malo, sous l’impulsion du ministre Yvon Bourges, passant de 124 membres en 1968 à 321 en 1970, atteignant entre 1 010 et 1 200 adhérents à la fin de 1970 et 1 900 en octobre 19735. Mais à Rennes, qui a deux députés UDR, ce parti n’a guère plus d’une cinquantaine de membres et encore moins à Fougères, la ville du député Michel Cointat. Pourtant, en juin 1970, le parti gaulliste a cherché à se renforcer en Bretagne en créant un comité régional présidé par le député rennais François Le Douarec, des vice-présidents des autres départements et un secrétaire général, Jean Coutaud, membre du comité central depuis 1967. Dans le Finistère, les RG estimaient leur nombre à 800 en 1965. Quatre-vingts cadres et militants (responsables ou élus) ont été identifiés dans les années 1960, dont seulement trois femmes. Par rapport à 1958, le nombre d’anciens résistants (12 sur 25 en 1958) et d’anciens du RPF tend à se réduire avec l’arrivée d’une nouvelle génération plus jeune qui accède aux mandats électifs en 1962 ou 1967-1968. Les 2/3 vivent à Brest ou dans le Léon et le recrutement est surtout urbain6. Sociologiquement, les 56 adhérents connus appartiennent aux professions libérales (santé), au patronat, sont cadres, mais aussi exploitants agricoles (onze, dans le Léon). L’Action ouvrière n’existe pas. L’UNR/UDR est un parti de notables, constat qui peut être étendu à toute la région.
10En Ille-et-Vilaine, Jean Coutaud, un ancien du RPF, professeur à l’École supérieure nationale agronomique de Rennes, est secrétaire départemental de l’UNR/UDR. Les principales villes sont dotées de comités directeurs. Celui de Rennes est présidé par le contre-amiral Roux, Compagnon de la Libération, et celui de Saint-Malo par le sénateur Yves Estève. Les secrétaires départementaux sont Maurice Coudert en Loire-Atlantique, un ancien du RPF, membre du comité central, et M. Givry dans le Finistère (1969). En 1969, celui des Côtes-du-Nord Henri Berre est un parfait inconnu sur le terrain, aussi bien électif que militant, signe de la faiblesse de la fédération UDR7. Il est en fait chargé de mission au cabinet d’Yvon Bourges et donc sans doute peu présent. Il apparaît qu’en Bretagne, à la fin des années 1960 et au début des années 1970, la présence de l’UNR-UDR tient davantage à l’action de ses parlementaires qu’au militantisme des adhérents qui ne se déploie qu’en période électorale ou de crise, y compris à Nantes. Les fédérations bretonnes ont beaucoup d’électeurs « indépendamment d’une implantation classique très faible, voire inexistante » dans des « départements agricoles où les personnalités et les sympathisants comptent davantage que les militants dans la réussite électorale8 ». Le parti gaulliste s’appuie par ailleurs sur des organisations parallèles qu’il dirige à l’instar des organisations de masse du PCF9.
11Au lendemain des événements de Mai 1968, l’UDR structure les CDR pour prévenir « le grand soir » en liaison avec Raymond Marcellin, le ministre de l’Intérieur qui veut mater les « agitateurs gauchistes » ainsi que les clandestins du 1er Front de libération de la Bretagne (FLB) qui, depuis 1966, commet des attentats à l’explosif contre des bâtiments publics. Mais les cadres gaullistes souhaitent distinguer les CDR du parti comme l’indique en mars 1969 Givry dans le Finistère : « L’UDR est gaulliste alors que le CDR est d’abord anticommuniste », organisé sur la base des circonscriptions électorales. En réalité, le parti contrôle le CDR : sous la houlette du commandant Cariou et de Michel de Bennetot, sept des huit responsables sont des cadres ou des élus UDR (un maire, un conseiller municipal), le dernier étant le conseiller général RI de Lesneven. C’est en réalité un appendice de l’UDR sans beaucoup de troupes. Dans les Côtes-du-Nord, aucun comité n’existe et en janvier 1969 il n’y a qu’un correspondant proche de l’ancien député Robert Richet10. Tout au plus trouve-t-on un communiqué de presse du CDR de Saint-Brieuc le 26 octobre 1972. Signe de la collusion entre l’appareil d’État et ce mouvement parapolitique, le secrétaire général Yves Lancien, ancien Français libre, s’est adressé directement au préfet des Côtes-du-Nord pour lui demander de lui fournir un délégué départemental. Des CDR sont pourtant présents dans 79 départements. Ils prétendent avoir de 60 000 à 100 000 membres dans le pays en janvier 1969, chiffres évidemment gonflés, car ils n’en conservent que 12 000 au début des années 1970, dont la moitié a sa carte à l’UDR. Ce sont les durs du parti, la fraction la plus conservatrice qui conteste les réformes libérales du général de Gaulle en 1968-1969, dont celle d’Edgar Faure sur l’Université, tout en se préparant à faire face à « un soulèvement gauchiste », puis désapprouve les réformes libérales de Jacques Chaban-Delmas et de sa « nouvelle société » de 1969 à 1972. En Bretagne, l’activité de l’UDR semble se confondre avec celle de ses élus.
12L’Union des jeunes pour le progrès, l’UJP, réunissant les cadets du gaullisme, essentiellement des étudiants des IEP et des facultés de droit, a été fondée en juin 1965. Elle se veut une école de formation politique des futurs cadres du parti comptant moins de 3 000 militants avant mai 1968, beaucoup moins que sa rivale de l’Union des étudiants communistes (UEC)11. D’abord proche des gaullistes de gauche, l’UJP est reprise en main par Georges Pompidou et Robert Grossmann, son premier président, qui l’oriente vers un réformisme moins contestataire. Son implantation en Bretagne paraît bien faible se manifestant par un communiqué de presse à Rennes au début des événements de Mai pour demander une réforme de l’Université. Toutefois, l’UJP a mis sur pied un bureau départemental à Quimper en mars 1967 avec un délégué, Paul Jacopin, membre du comité national, et Mlle Scouarnec, secrétaire générale ; une réunion en mai de la section ne rassemble qu’une douzaine d’étudiants (classes préparatoires) et d’élèves12. Le député UD Ve Marc Bécam intervient lors d’une réunion publique de l’UJP à laquelle participe une vingtaine de militants du parti adulte. En retour, quelques jeunes militants sont présents aux assises régionales de l’UNR-UDT à Quimper en novembre. Formée en avril 1967 dans les Côtes-du-Nord, l’UJP est dirigée par un Briochin étudiant en droit à Rennes13.
13L’UJP passe à côté des mobilisations étudiantes de Mai 1968, ne se réveillant qu’au début de juin pour participer aux manifestations de soutien des CDR à de Gaulle, comme Jean-Pierre Bazin, étudiant en histoire à Nantes, ancien responsable de la JEC du Morbihan, responsable départemental. Mais dans cette ville, cas assez rare de « gaullo-gauchisme », Pierre Bévillon, gaulliste de gauche qui a été outré par la répression policière lors de l’occupation pacifique du rectorat en février 1968, rejoint l’extrême gauche et les jeunes contestataires qui dressent des barricades (nuits du 13 et du 24 mai). C’est après les événements que l’UJP se développe en France (environ 10 000 militants au printemps de 1969) et quelque peu en Bretagne. À Brest, où les collèges universitaires vont se transformer en université de Bretagne occidentale (UBO) en 1969-1970, l’UJP ne se manifeste qu’à la rentrée de 1968 par un tract : « Révolution = participation », et un premier bulletin mensuel en décembre Révolution 29, qui soutient les réformes du Général prônant « la participation » puis la régionalisation et la suppression du Sénat au printemps de 1969. La propagande contre l’extrême gauche et le PCF prend alors de l’ampleur (affiches, inscriptions, croix de Lorraine) dans plusieurs villes du Finistère servant de relais à l’UDR qui veut les encadrer. Lors des assises départementales de l’UJP en novembre 1968, deux députés sont présents, ainsi que Maurice Coudert. Un an après, le 6 novembre 1969, en présence de trois députés UDR finistériens, le secrétaire d’État André Fanton célèbre l’unité : « Ici sont rassemblés les militants des CDR, de l’UJP et du SAC. Ils ne forment qu’une seule famille : celle du gaullisme. » Mais de 1970 à 1974, le fonctionnement de l’UPJ semble assez chaotique en Bretagne avec une forte rotation des responsables caractéristique des mouvements de jeunesse. En juin 1970, Denise Mestrius succède comme déléguée régionale à Yves Le Guy. L’UJP a 63 adhérents dans les Côtes-du-Nord lors de ses assises départementales de Saint-Quay-Portrieux le 11 novembre 1970. Georges Rouault est élu délégué départemental contre le candidat soutenu par l’ancien député Robert Richet. Des assises régionales se tiennent le 14 novembre 1970 mais, ensuite, selon les RG des Côtes-du-Nord, il n’y a « aucune activité militante », sauf lors des élections municipales de 1971, en pleines grèves lycéennes, quand l’UJP et l’UDR font campagne contre la municipalité « marxiste » sortante de Saint-Brieuc qualifiée de « véritable foyer d’agitation révolutionnaire ». Le 24 novembre 1973, le vice-président national Yves Deniaud relance le mouvement en reconstituant un bureau régional. Bruno Joncour, le futur maire centriste de Saint-Brieuc (2001), est alors secrétaire départemental d’un mouvement qui revendique 60 cotisants. En décembre 1974, le délégué régional est Jean-François Brault. L’UJP ne fait pas le poids contre les nombreux mouvements d’extrême gauche qui occupent le terrain dans les lycées et les universités bretonnes.
14Second pilier de la majorité pompidolienne, les républicains indépendants giscardiens s’appuient toujours sur leur solide réseau de notables, élus municipaux et conseillers généraux surtout dans le Morbihan et en Loire-Atlantique. Leur « locomotive » en Bretagne est Raymond Marcellin, le ministre à poigne de l’Intérieur. Il incarne bien cette majorité qui supporte de plus en plus mal les velléités réformatrices de Jacques Chaban-Delmas, si bien qu’en dépit d’un vote de confiance massif, le 23 mai le Premier ministre est contraint à la démission par le président Pompidou le 5 juillet 1972. Des campagnes de presse contre Jacques Chaban-Delmas et les médiocres résultats du référendum du 23 avril sur l’élargissement de l’Europe ont pesé dans son renvoi. La publication par Le Canard enchaîné du 2 janvier 1972 de sa déclaration de revenus montrant que, légalement, il n’a pas payé un centime au fisc de 1966 à 1969, l’a d’autant plus fragilisé que des députés UDR de base s’en sont émus. Parmi eux, le député UDR de Landerneau Gabriel de Poulpiquet qui déclare le 8 mai 1972 à L’Express, l’hebdomadaire de Jean-Jacques Servan-Schreiber par ailleurs leader du parti centriste d’opposition Les Réformateurs : « M. Chaban-Delmas manque de vigilance, perd son autorité et pratique une mauvaise politique14. »
15Alors que l’on attendait Olivier Guichard, c’est Pierre Messmer qui est nommé à Matignon le 6 juillet 1972, un homme qui représente le gaullisme de la France libre et a été ministre des Armées du général de Gaulle de 1960 à 1969. Il ne peut guère faire de l’ombre au président. C’est aussi un signal en direction des « barons » du gaullisme, dont Michel Debré qui reste à la Défense nationale. Désormais, Georges Pompidou imprime sa marque mettant fin à un certain libéralisme réformiste tout en confortant la fraction la plus conservatrice de l’UDR qui critiquait de plus en plus durement le Premier ministre15. Dans ce premier gouvernement Messmer, les principaux ministres restent en place. Seul Olivier Guichard, dont le président et son entourage considèrent qu’il a été trop laxiste face à l’agitation universitaire et dans l’Éducation nationale, hérite d’un grand ministère de l’Aménagement du territoire taillé sur mesure. Le décès d’Edmond Michelet le 9 octobre 1970 avait affaibli la représentation bretonne au gouvernement compensée par la nomination de Michel Cointat à l’Agriculture le 8 janvier 1971. Cointat est remplacé à ce poste en 1972 par Jacques Chirac, un fidèle de Georges Pompidou. De même, Henry Rey a été nommé au Conseil constitutionnel en février 1971. Le changement est limité : Raymond Marcellin, René Pleven, Marie-Madeleine Dienesch conservent leur ministère, mais le poids des RI morbihannais est renforcé par la nomination de Christian Bonnet (décédé en 2020) comme secrétaire d’État au Logement auprès d’Olivier Guichard. Dans le second gouvernement Messmer, en avril 1973, Suzanne Ploux, deuxième députée élue de Bretagne, est nommée secrétaire d’État à l’Éducation nationale. La Bretagne a donc cinq ou six ministres de 1972 à 1974. En 1972, Georges Pompidou a nommé un gouvernement de combat plus conservateur pour gagner les élections législatives de 1973. Du 16 au 18 novembre 1973, l’UDR, devenue l’Union des démocrates pour la République, réunit 5 000 participants à ses assises à Nantes sur le thème « La recherche d’une troisième voie entre le capitalisme et le socialisme » à un moment où, Georges Pompidou déjà très malade, les relations entre le parti et l’Élysée sont mauvaises16. Écartés, les « barons » reprennent la main : Michel Debré se rêve président du parti et Jacques Chaban-Delmas se prépare pour les présidentielles. Des turbulences traversent ce parti discipliné dirigé d’en haut. Depuis mai 1973, 56 députés ont formé « un groupe de réflexion et de propositions » qui conteste la mainmise des Parisiens sur la direction de l’UDR alors dirigée par Alexandre Sanguinetti. On trouve deux députés bretons dans le bureau politique de dix membres de ce groupe : Marc Bécam et André Glon, le suppléant de Marie-Madeleine Dienesch.
16Le Centre démocratie et progrès (CDP) est la troisième composante de la majorité. René Pleven, qui est l’un des leaders du CDP avec Jacques Duhamel, met ses réseaux bretons au service de la majorité, ce qui le coupe d’une partie de son électorat centriste. Le garde des Sceaux s’investit dans ses tâches ministérielles dans une période très agitée : militantisme et activisme de l’extrême gauche, agitation des commerçants et artisans du CID-UNATI contre la multiplication des super et hypermarchés (1970-1973), vote de la loi anticasseurs (29 avril 1970), révolte des prisons et gestion des scandales immobiliers de membres de l’UDR (1971-1972). Les textes répressifs éclipsent des réformes libérales de la « nouvelle société » (partage de l’autorité parentale, loi sur la filiation reconnaissant les droits à la succession des enfants illégitimes, modernisation de la justice)17. Le jeune Pierre Méhaignerie, le fils de l’ancien député MRP de Vitré, qui travaille dans un cabinet ministériel, adhère au CDP et se prépare à reconquérir la circonscription paternelle.
17Il subsiste une formation centriste issue du Centre démocrate (CD) de Jean Lecanuet qui n’appartient pas formellement à la majorité et s’appuie sur un tissu d’élus locaux et quelques sénateurs dans le Finistère et en Ille-et-Vilaine (Henri Fréville élu en 1971). Mais elle a été très affaiblie par le ralliement de René Pleven au pouvoir et la formation du CDP (trois députés dans les Côtes-du-Nord). En Bretagne, il ne reste plus que le député du Morbihan Paul Ihuel, qui parfois vote les lois du gouvernement, parfois s’abstient notamment à partir de 1972. En novembre 1971, en se rapprochant des radicaux valoisiens de Jean-Jacques Servan-Schreiber au sein d’un nouveau parti, le Mouvement des réformateurs, ce courant issu du MRP tente de conserver un espace politique au centre entre la majorité et la gauche qui est entrée dans un processus de rapprochement.
18Quant à l’extrême droite, toujours très faible en Bretagne, elle a été quasiment rayée de la carte en 1968. Aucun groupe organisé n’existe dans les Côtes-du-Nord à l’été de 1973. Quand l’organisation Occident, fondée en 1964 notamment par Alain Madelin, futur député de Redon (1978), sur le substrat de Jeune nation et d’Europe-Action, est dissoute le 1er novembre 1968 à la suite d’actions violentes à Paris, elle avait des sections dans six villes de Bretagne, dont Nantes, et comptait environ 800 militants dans le pays. De 1966 à 1968, la poignée de militants étudiants s’est manifestée par des inscriptions, des croix celtiques, la vente du journal dans les villes universitaires et quelques autres (Saint-Brieuc et Lannion à l’été de 1966, Rennes, Nantes). L’extrême droite tente de se réorganiser en 1972-1973. Créé en 1972, le Front national (FN) a treize militants en Ille-et-Vilaine, un dans les Côtes-du-Nord. Les mouvements royalistes, L’Œuvre française, la Nouvelle action française (NAF) et la Fédération des unions royalistes de France dont les dirigeants sont à Nantes, ne comptent que quelques militants isolés. La NAF, issue d’une scission de Restauration nationale en avril 1971, tient quelques réunions à Rennes, à Lorient, à Saint-Brieuc (trois sympathisants) avec des anciens des comités Tixier-Vignancour. En juillet 1972, Yolande de Prunez, responsable de la Fédération royaliste de Bretagne organise un camp de vacances de formation politique pour une trentaine de jeunes à Mégrit (Côtes-du-Nord). Créé en 1969, Ordre nouveau tente d’implanter une section à Rennes en 1972 (15 membres, aucun dans les Côtes-du-Nord), mais le parti est frappé par la dissolution décidée par le gouvernement le 27 juin 1973 qui touche aussi la Ligue communiste. Son principal responsable rallie alors le mouvement Faire front.
Aux origines de la renaissance socialiste : la laborieuse marche vers le nouveau PS
19Le rapprochement de la gauche non communiste est affecté par l’échec de la FGDS à l’issue de la crise de mai-juin 1968 qui a pourtant accentué la bipolarisation de la vie politique. D’abord, le Parti radical valoisien, qui s’était davantage tourné vers la gauche à partir de 1966 et qui a eu trois députés de plus en 1967 (26), en perd la moitié en 1968 (13). Dès juillet, la ligne de gauche de René Billières est contestée : report des discussions d’unification de la FGDS, l’anticommunisme étant renforcé en août par l’invasion de la Tchécoslovaquie par les armées du pacte de Varsovie écrasant le « printemps de Prague ». Le congrès de Paris (novembre 1968) rejette la fusion avec la CIR et la SFIO au moment où la FGDS disparaît de fait. Les radicaux soutiennent Alain Poher en juin 1969. À l’automne, signe de défiance à l’égard de la gauche, Maurice Faure reprend la direction du parti valoisien et charge Jean-Jacques Servan-Schreiber de le rénover. Les radicaux bretons ne sont sans doute plus très nombreux. Chaque composante de l’ex-FGDS vit sa propre vie. Des militants venant du PSU veulent aussi jouer leur partition à gauche.
20En 1967, Jean Poperen (ex-communiste), leader de la tendance « unitaire » favorable à l’union de la gauche et au soutien direct à François Mitterrand en 1965, quitte le PSU pour fonder le 7 octobre son club, l’Union des groupes et clubs socialistes (UGCS), marxiste, qui adhère à la FGDS18. En effet, au congrès du PSU de juin 1967 qui a élu Michel Rocard secrétaire national, Gilles Martinet, soutenu par plusieurs dirigeants « historiques » du parti, dont Jean Poperen, Robert Verdier et Serge Mallet, a proposé de s’associer à la FGDS, prélude à une adhésion, mais leur texte (30 % des voix) a été battu par celui des partisans de l’autonomie qui ne veulent pas revenir à la vieille SFIO. En Loire-Atlantique, dix militants nantais démissionnent publiquement du PSU, dont plusieurs responsables fédéraux (Roland Andrieu) pour créer le Club socialiste nantais, lequel s’affilie à l’UGCS de Jean Poperen19.
21Dès lors, suite à l’arrivée d’étudiants et d’intellectuels, le PSU se « gauchise ». Cette évolution est d’autant plus sensible à Rennes, Saint-Brieuc et Nantes (soutien au Vietcong et au tiers-monde), que des étudiants du PSU ou proches, les ESU (Étudiants socialistes unifiés) accèdent à des postes de direction dans l’UNEF, le syndicat étudiant. À Rennes, ce mouvement a été facilité par le retrait volontaire d’équipes venues de la JEC. Au niveau national, Jacques Sauvageot (PSU) devient vice-président de l’UNEF dans une période de montée des contestations de la jeunesse, mais aussi des luttes ouvrières et paysannes qui débouchent sur Mai 1968.
22Après la crise de Mai 1968, Guy Mollet, le patron de la SFIO, est prêt à s’effacer pour permettre la création d’un Nouveau parti socialiste (NPS). La gestation du NPS, décidée en décembre 1968 et devant aboutir avant le 1er mai 1969, est laborieuse et parfois confuse au niveau national comme sur le terrain. Un comité provisoire doit organiser un congrès constitutif national fixé aux 9-11 mai. Il s’agit de rassembler la SFIO, la CIR et l’UCRG, l’Union des clubs pour le renouveau de la gauche animée par Alain Savary (fusion de trois clubs pilotés par des hommes passés souvent par le PSU comme Robert Verdier et Pierre Bérégovoy). L’UCRG de Savary a adhéré à la FGDS en mars 1966. Mais, en raison du départ du général de Gaulle et des élections présidentielles, Guy Mollet avance le congrès d’Alforville au 4 mai car il ne souhaite pas soutenir à nouveau François Mitterrand, et il est contraint d’entériner la candidature de Gaston Defferre annoncée le 29 avril. De leur côté, la CIR et le club de Jean Poperen (UGCS) se réunissent à Saint-Gratien le même jour pour tenter de désigner un candidat unique de la gauche qui aurait l’appui du PCF. Les tractations entre les socialistes et la CIR échouent. Jacques Duclos (PCF) et Michel Rocard (PSU) décident de se présenter. Gaston Defferre, en concurrence avec Alain Savary à Alfortville, n’est investi par son parti qu’après des manœuvres d’appareil20. La naissance d’un nouveau PS élargi est remise à plus tard, même s’il voit officiellement le jour à Issy-les-Moulineaux (11-13 juillet 1969) en intégrant la SFIO, l’UCRG et l’UGCS de Poperen : Alain Savary est élu premier secrétaire du NPS à une voix de majorité devant Pierre Mauroy, signe d’un engagement clair à gauche, mais la SFIO y reste très influente. François Mitterrand et la CIR se tiennent à l’écart de ce regroupement.
23La soixantaine de Finistériens approuve d’autant moins ces manœuvres que les conventionnels (35) sont plus nombreux que les SFIO (25)21. Des discussions entre des socialistes et la CIR animée par Francis Le Blé ont été entamées en janvier 1969 pour créer une « Entente des socialistes de Bretagne ». Le 4 février, une section brestoise du NPS voit le jour, puis 150 militants se retrouvent à Châteaulin le 30 mars : Hervé Mao pilote l’élection d’un comité provisoire de quinze membres animé par Francis Le Blé, dont le trésorier est un autre conventionnel, Jo Gourmelon ; ce comité soutient une candidature unique de la gauche aux présidentielles, d’où son refus de reconnaître la légitimité du congrès d’Alfortville tout en y envoyant deux délégués, dont Hervé Mao, défendre sa position. Ce 4 mai, le NPS naît à Port-Launay (Finistère) enregistrant 107 adhérents et pas les 400 espérés22. Unanimement, le congrès se dote d’une structure de 22 membres, conteste la désignation de Defferre au nom de l’union de la gauche et réclame un vrai congrès constitutif avec toutes les organisations non communistes. Ces militants ne font pas campagne pour Defferre. Pourtant, les six sections finistériennes adhèrent au NPS en juillet 1969. Un nouveau bureau est élu le 7 décembre 1969 à l’unanimité avec les mêmes animateurs revendiquant 162 adhérents au printemps de 1970, dont 46 à Brest. Le parti présente sept candidats aux élections cantonales et obtient deux élus : Francis Manach à Sizun (depuis 1946) et Armand Berthou, le maire de Plouigneau.
24Dans les Côtes-du-Nord, au début de 1968, une poignée de militants animée par Claude Saunier, professeur d’histoire et géographie, de la tendance unitaire de Jean Poperen, quitte le PSU dont ils trouvent les orientations trop « gauchistes » pour l’UGCS. Au début de 1969, ils adhèrent au NPS en construction rejoignant le responsable départemental de la CIR, René Régnault, candidat aux élections législatives à Dinan en 1968 (11,9 % des voix)23. Les négociations entre la SFIO tombée à 75 cartes au printemps de 1969 et les poperénistes qui se sont rapprochés de la CIR aboutissent à la création d’une fédération du NPS lors d’une assemblée départementale le 1er mai 1969 qui revendique 130 inscrits, mais il n’y a que 70 présents24. Claude Saunier est élu 1er secrétaire (52 voix) et Alexandre Thomas 2e secrétaire (45 voix) sur une cinquantaine de votants, mais immédiatement le vote sur les motions divise le nouveau parti en deux blocs de force équivalente : ex-SFIO et nouveaux venus. Pourtant lors du congrès d’Alfortville, Thomas met ses six mandats sur la désignation de Gaston Defferre comme candidat à la présidentielle alors que la moitié de la base était pour un candidat d’union de la gauche (réunion de Saint-Gratien). Dans les jours suivants, à Saint-Brieuc les explications sont houleuses provoquant le départ du bureau fédéral des trois ex-SFIO qui appellent à voter pour Alain Poher alors que les autres demandent de voter « contre Pompidou ». À peine né, le nouveau parti subit déjà une scission « de fait » des anciens SFIO qui excluent du bureau le 6 juillet les trois élus de l’autre tendance (un tiers) à la veille du congrès d’Issy-les-Moulineaux. La crise va durer jusqu’à l’automne, arbitrée par la direction nationale. À la fin de l’année 1969, les douze sections du NPS totalisent 131 cotisants, dont 13 femmes selon une liste nominative : 30 à Saint-Brieuc et 29 à Moustéru, la commune dont Alexandre Thomas est le maire. Quand un accord intervient, le rapport des forces au sein du PS des Côtes-du-Nord est clair : 115 SFIO, tous les anciens cadres qui avaient refusé de rejoindre le PSA et le PSU, 11 UGCS, 5 nouveaux adhérents. La situation paraît s’apaiser ensuite mais le véritable démarrage du recrutement n’aura lieu qu’après le congrès d’Épinay.
25Dans les Côtes-du-Nord, l’Action travailliste qui s’était rapprochée de la CIR en 1966 et avait des sections dans une dizaine de communes à la fin de 1968 est en contact depuis la fin de 1967 avec Robert Buron, ancien ministre du MRP, et son mouvement Objectif 72 (créé en 1966). Son secrétaire-adjoint Émile Boutbien, ancien adjoint au maire de Saint-Brieuc (1962-1965), membre du bureau de l’UD CFDT, candidat aux élections législatives en 1968 (5,5 % des voix) organise une convention à Binic le 22 février 1970 avec une quarantaine de personnes. Certains souhaitent adhérer au nouveau PS. L’évolution de ce petit courant travailliste entre la gauche, le centre droit, puis le PS est pour le moins erratique dans les années 1960.
26En Ille-et-Vilaine, après la création du NPS, le congrès fédéral du 23 novembre 1969 élit une nouvelle commission exécutive et un premier secrétaire Jean-Pierre Plankaert, libraire à Rennes. Des sections ne semblent exister que dans les villes et à La Guerche25. En Loire-Atlantique, la SFIO toujours dirigée par André Routier-Preuvost n’est guère enthousiaste lors de la fondation du NPS ; elle soutient mollement Gaston Defferre aux présidentielles, plusieurs de ses membres préférant voter Alain Poher dès le 1er tour. Lors du congrès d’Issy-les-Moulineaux, elle met son véto à l’adhésion en bloc du Club nantais socialiste rattaché à l’UGCS exigeant des adhésions individuelles. Il s’agit en réalité d’empêcher l’arrivée au PS de Roland Andrieu, permanent des marins du Commerce CGT considéré comme un « sous-marin du PCF26 ». Ils devront attendre Épinay pour pouvoir adhérer.
27En effet, la refondation socialiste est élargie lors du congrès d’Épinay-sur-Seine (11-13 juin 1971) qui voit l’arrivée de la CIR et François Mitterrand prendre la tête du PS. Au sein du nouveau PS, de 1969 à 1972 la cohabitation des sensibilités et des générations a parfois été difficile dans les Côtes-du-Nord, en Loire-Atlantique ou à Quimper. Dans les Côtes-du-Nord, à la veille du congrès, il n’y a encore que 172 adhérents, guère plus qu’à la fin de 1969, dont 100 au PS, 12 à la CIR et 60 nouveaux adhérents, si bien que les trois délégués proviennent du PS. Dans le Finistère, « le congrès de l’unité socialiste » s’est tenu à Morlaix le 6 juin 1971 (94 délégués). Depuis le début de l’année, une délégation de huit membres (4 PS, 2 CIR, 2 « inorganisés ») a préparé le terrain. 278 voix se portent sur la motion M favorable à l’union de la gauche avec le PCF de Jean Poperen signée par les dirigeants finistériens, sauf Hervé Mao qui soutient la motion O Savary-Mollet (17 voix)27. Un premier conflit éclate d’ailleurs entre les deux courants lors des sénatoriales de septembre 1971 : Hervé Mao qui conduit la liste du PS refuse de se désister au second tour pour celle du PCF contre la décision de la majorité de la fédération. La commission exécutive de 23 membres du PS comprend alors 12 PS, 6 nouveaux adhérents, 5 CIR. Selon le secrétaire fédéral Francis Le Blé, le 19 janvier 1972 la fédération PS du Finistère ne compte que 220 adhérents – 227 au congrès de novembre 1971 –, un seul maire conseiller général plus quelques conseillers municipaux. En Ille-et-Vilaine, le PS passe de 91 adhérents à la fin de 1970 à 195 et dix sections sans doute au début de 1973, 300 en 1974, et une trentaine de sections selon des sources internes28. Jean-Pierre Michel est secrétaire fédéral en 1973. Toujours dirigée par Yves Guélard, la très laïcarde fédération du Morbihan veut ouvrir ses portes aux chrétiens qui, lors du congrès fédéral de la fin de 1971, seraient nombreux à rejoindre un parti « restant fidèle à sa doctrine, à la laïcité de l’école et de l’État29 ». C’est alors plus un vœu pieux qu’une réalité. Le PS du Morbihan ne compte que 239 adhérents cette année-là, le point bas de son histoire, onze fois moins qu’à son apogée de 1947 (2 800). Dans ce département conservateur, il s’appuie essentiellement sur les réseaux laïques et enseignants, sur quelques élus fidèles et sur les militants ouvriers la région lorientaise30. Son ancrage dans la SFIO transparaît au congrès d’Épinay lors du vote : 240 voix sur la motion Savary-Mollet, 12 pour le CERES, aucune pour François Mitterrand (Mermaz ou Mauroy).
28Contrairement à une idée reçue, le congrès d’Épinay ne déclenche donc pas un flux d’adhésions, sauf un peu en Loire-Atlantique où la SFIO avait mieux résisté. On constate même un recul en 1972 dans trois des cinq fédérations bretonnes (voir le tableau II)31. À sa naissance en 1971, le PS d’Épinay ne compte qu’un peu plus de 1 500 adhérents en Bretagne, le niveau de la SFIO en 1965 et 1968, 1,89 % des effectifs nationaux.
Tableau II. – Les adhérents du PS en Bretagne (1971-1975).

29Voyant que l’union à gauche risque d’être la ligne aux élections municipales de 1971, la section nantaise du PS refuse dès le 29 octobre 1970 de rompre son alliance avec André Morice. Des personnalités appellent sans succès à la formation d’une liste unique de la gauche. Mais le congrès d’Épinay va quelque peu changer la donne en Loire-Atlantique avec l’arrivée de la CIR, du Club socialiste nantais, d’Objectif 72, de militants syndicalistes (CFDT, CGT, FEN) et du Cercle Jean XXIII, des chrétiens progressistes animés par Guy Goureaux. Ces mouvements vont bientôt fournir des élus au PS. Du coup, le PS monte à 741 adhérents, près de la moitié de toute la région. Le vote sur les motions à Épinay montre que les nouveaux venus bousculent les anciens puisque l’aile gauche du CERES, appuyée par bon nombre de poperénistes, obtient 23 % des voix (8 % au plan national), Poperen 8 % (12 %), Mauroy-Defferre 41 % (30 %), Savary-Mollet 13 % (34 %), mais les partisans de la Troisième Force restent influents à Nantes. Des responsables de la CFDT ont adhéré au PS (Gilbert Declercq et Daniel Palvadeau, secrétaire départemental de l’UD très actif en 1968) et de la FDSEA (Bernard Thareau qui va rallier au PS les milieux agricoles proches de la démocratie chrétienne). Cette mouvance catholique bouscule les anciens de la SFIO et de FO souvent anticléricaux qui, en outre, désapprouvent la signature du programme commun. Certains s’en vont (26 à Nantes sur 338). Les orthodoxes conservent cependant le contrôle des investitures aux élections législatives de 1973 – Christian Chauvel regagne Nantes-2 –, et malgré les progrès du CERES et des poperénistes au congrès de Grenoble, une nouvelle génération de la même tendance garde le contrôle de la fédération : Jean-Claude Routier-Preuvost, le fils d’André, devient secrétaire fédéral, si bien que les délégués socialistes nantais votent à nouveau pour André Morice aux élections sénatoriales de 1974. L’analyse fine des évolutions régionales souligne la diversité et la complexité de la mise en place du PS sur le terreau de la vieille SFIO, mais aussi les apports de sang neuf.
30Cette dynamique politique commence néanmoins à porter ses fruits en Bretagne : le PS capte l’énergie militante d’une nouvelle génération ambitieuse qui obtient ses premiers parlementaires en 1973 (Charles Josselin et Louis Le Pensec). Ce parti bénéficie du vote d’une fraction de la société, surtout des classes moyennes urbaines qui aspirent au changement sans être attirées ni par le communisme, ni par le gauchisme, et ne se laissent pas leurrer par la « démocratie avancée » de Valéry Giscard d’Estaing. De fait, les débuts du nouveau PS sont difficiles : en 1972, son nombre d’adhérents est comparable à celui de la SFIO en 1968 montrant déjà le décalage entre implantation militante et résultats électoraux.
31Toujours en concurrence avec le PSU, le PS revendique 3 000 adhérents dans la région en 1973, mais les données connues sont très inférieures (voir le tableau II, p. 225). Si l’effet programme commun de la gauche commence à se faire sentir, le décollage n’intervient vraiment qu’en 1975 après les élections présidentielles. Avec 2,1 % du total national des adhérents en 1973 et 3,9 % en 1975 (5 837), les fédérations bretonnes pèsent bien peu dans le PS. Sa force va consister à capter une partie de la dynamique sociale et culturelle des années 1968 lorsque l’attraction de l’extrême gauche se tasse et que les luttes sociales se replient du fait de la crise.
32Les vagues de départs du PSU de 1963 à 1967 ont été largement compensées par l’arrivée de nouveaux militants en 196832. Du fait de son engagement dans les grèves en mai-juin 1968, le PSU a vu ses effectifs bondir passant en Bretagne de 1 025 adhérents en 1967 à 1 580 en 1968 (10,2 % du total national). Ils doublent en Loire-Atlantique (à Nantes, à Saint-Nazaire et des sections sont créées à La Baule ou recréées à Châteaubriant), ainsi que dans le Morbihan tout en restant assez faibles (voir le tableau III)33. Les effectifs s’effritent dès 1969, le PSU perdant la moitié de ses adhérents de 1968 en 1972-1973, un tiers en France, alors que le PS a encore du mal à décoller. Dans les Côtes-du-Nord et en Ille-et-Vilaine, les effectifs sont divisés par quatre et par trois en 1973, avant même les assises du socialisme, alors qu’Yves Le Foll est réélu député de Saint-Brieuc. Néanmoins, l’influence des idées du PSU déborde de très loin son implantation militante qui devient presque inexistante dans le Morbihan et en Ille-et-Vilaine. Mais ce profond renouvellement de jeunes militants investis dans les nombreuses grèves et comités de soutien, attirés par les idées révolutionnaires et marxistes, modifie fortement la nature du PSU mettant souvent en porte-à-faux les élus locaux ou syndicaux qui sont dans la tradition et la culture politique socialiste classique, notamment dans les Côtes-du-Nord et le Finistère. Les débats idéologiques internes et la mise en avant de « la question bretonne » sur laquelle Jean Bars à Saint-Brieuc a beaucoup réfléchi tendent à prendre le pas sur la gestion des collectivités. En Loire-Atlantique, après Roland Andrieu en 1967, Gilbert Declercq, responsable de la CFDT, démissionne en 1969. En fin d’année, une vingtaine de militants conteste les fortes critiques de la CIR et la trop grande proximité avec l’extrême gauche. Dans les Côtes-du-Nord, l’adhésion de Guy Caro et son élection au conseil général illustre ces tensions. La pression « gauchiste », d’un côté, l’attraction réformiste du nouveau PS, de l’autre, sont bientôt fatales au PSU.
Tableau III. – Les adhérents du PSU en Bretagne (1968-1975).

33La concurrence des groupes d’extrême gauche et du PS est rude pour ce parti divisé en multiples courants et tendances qui s’accordent sur l’objectif de l’autogestion en 1972. Plusieurs élus et cadres quittent discrètement le PSU au fur et à mesure du gauchissement du discours du parti. Deux courants s’autonomisent en 1972 puis quittent le PSU : la Gauche ouvrière et paysanne (GOP) et la Gauche révolutionnaire (GR). Le syndicaliste paysan Bernard Lambert, qui a publié en 1970 Les paysans dans la lutte des classes, et a été élu secrétaire national à l’agriculture au congrès de Lille en juin 1971 participe à la création de la GOP en juin 1972 puis quitte le PSU à la fin de novembre sans rejoindre pour autant l’organisation maoïste qui lui succède en 1974 et 1975 tout en restant en contact avec les militants de Loire-Atlantique. Il préfère s’investir dans le mouvement des Paysans travailleurs. En revanche, le jeune éducateur Claude Évin, qui a adhéré à la section de Saint-Nazaire, devient secrétaire fédéral adjoint du PSU en 1973. De son côté, le courant de la GR apparu au congrès de Lille en juin 1971 devient autonome en 1972. Il compte alors 47 militants en Ille-et-Vilaine, dont 38 étudiants, ainsi que quelques autres à Saint-Brieuc. Un de ses dirigeants régionaux est le Dr Guy Caro, venu de la CIR et de la FGDS. N’ayant pas été investi par la FGDS aux élections législatives de 1967 à Loudéac, il en a démissionné en janvier pour adhérer au PSU à Paris où il est médecin. Aux élections législatives de 1968, tout en appartenant au mouvement Objectif 72 de Robert Buron, il défend les couleurs du PSU à Loudéac (23,5 % au 1er tour). En 1970, Guy Caro gagne le canton conservateur de Plessala jouant les trouble-fêtes au conseil général dans ses joutes oratoires avec René Pleven. En septembre 1971, ce psychiatre partisan des méthodes de l’antipsychiatrie et spécialiste de l’alcoolisme est licencié par la Fondation santé des étudiants de France de la direction de la clinique Burloud à Rennes, ce qui déclenche une longue grève. Pendant ce temps, la GR se rapproche des marxistes-léninistes du Travailleur de l’Ouest. Influent en Bretagne dans les années 1960, le PSU, déjà écartelé et tombé à environ 700 militants en 1973, va être très affaibli par le ralliement de Michel Rocard au PS en 1974.
Le PCF et l’Union de la gauche
34Au début des années 1970 et jusqu’en 1978, le Parti communiste français reste la principale force politique organisée de la gauche sur le plan militant dans le pays et en Bretagne. En outre, le PCF voit ses assises électorales locales se développer dans les années 1970 en profitant de l’Union de la gauche, soit pour gagner de nouvelles municipalités comme dans les Côtes-du-Nord, soit pour y entrer dans bon nombre de villes. Avec les événements de 1968, le parti dirigé par Waldeck Rochet puis Georges Marchais connaît un certain regain d’adhésions au niveau national, d’autant plus que le PCF a condamné en août 1968 l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’URSS et les troupes du pacte de Varsovie, contrairement à la Hongrie en 1956. En outre, la remise en cause de l’anticommunisme rejeté par le PS et le relatif succès électoral de Jacques Duclos en 1969 ont conforté la ligne d’ouverture et la stratégie d’union de la gauche assumée par Georges Marchais qui a remplacé de fait Waldeck Rochet, malade au XIXe congrès du PCF (février 1970), comme secrétaire général adjoint puis secrétaire général en 1972. Après Épinay, le 9 octobre 1971 le PCF publie son programme « Changer de cap, programme pour un gouvernement démocratique d’union populaire », qui doit ouvrir « la voie au socialisme » et sert de base à la négociation avec les socialistes et à la signature le 27 juin 1972 du programme commun de gouvernement avec le PS. Les deux partis de gauche sont rejoints par les radicaux de gauche de Robert Fabre au prix d’une scission du parti radical. Mais les partenaires sont en concurrence : devant l’Internationale socialiste à Vienne, François Mitterrand fixe son objectif « de construire un grand PS sur le terrain occupé par le PC » et de lui prendre 3 millions de ses 5 millions d’électeurs ; au comité central des 29 et 30 juin, dans un rapport secret (pendant trois ans) Georges Marchais réitère sa méfiance à l’égard de la social-démocratie dont il faut attirer la base sociale34.
35Aujourd’hui connue grâce aux sources internes du Parti, la progression des effectifs est bien réelle mais moindre que celle qui était annoncée. En réalité, elle est inférieure d’un tiers aux chiffres officiels : limitée à 5,9 % de 1967 à 1970, beaucoup plus forte entre 1972 et 1974 (+17,7 %). Le PCF annonce être passé de 427 000 adhérents en 1967 à 501 000 en 1974, alors qu’il a en réalité progressé de 288 411 cartes placées à 366 68435. Au contraire, en Bretagne, sauf pour l’année 1968 où le nombre d’adhérents augmente de 2,3 %, le PCF connaît un certain tassement puis une stagnation de 1970 à 1972. La baisse est plus marquée dans le bastion finistérien (voir le tableau IV)36.
36Porté par l’Union de la gauche, un redressement s’opère à partir de 1972 : toutes les fédérations progressent fortement dans les deux années suivantes avec un gain de 20,8 % de 1971 à 1974. Les élections législatives et présidentielles de 1973 et 1974 jouent un rôle de stimulant. Force est de constater qu’en termes d’adhésions, le PCF n’a guère profité des grèves de mai et juin 1968 ni des nombreux conflits sociaux des années suivantes qu’il a soutenus souvent avec réticences. Car il a été concurrencé sur sa gauche d’abord par le PSU puis par des partis « gauchistes » qu’il combat fermement. L’alliance avec le PS lui semble profitable, mais la concurrence va se développer sur le terrain électoral. Fort de sa solide implantation, surtout en Basse-Bretagne, le PCF n’a pas vu venir la concurrence des socialistes, estimant que les petits noyaux socialistes dispersés au début des années 1970 n’avaient guère d’avenir, mais Épinay a changé la donne.
Tableau IV. – Les effectifs du PCF en Bretagne (1967-1974).

37La fraction de gauche du mouvement breton ou Emsav connaît aussi un certain essor après Mai 1968. C’est le cas de l’Union démocratique bretonne (UDB) [environ 200 adhérents], bientôt traversée par des tensions internes lors de son congrès de novembre 196937. Le 1er février 1970, deux responsables parisiens sont exclus pour « gauchisme » ; dix militants parisiens et 26 Rennais qui contestaient cette décision sont exclus à leur tour. Dès lors, à son congrès de mars, le parti régionaliste breton adopte le « centralisme démocratique » et s’affirme pour une Bretagne socialiste, des principes formalisés dans la nouvelle charte de 1973. Cela a permis un rapprochement avec le PCF et l’Union de la gauche en 1972 au moment où l’analyse « Bretagne = colonie », popularisée par une brochure de 1971, connaît un certain succès. Depuis 1970, le parti autonomiste publie un mensuel en breton Pobl Vreizh qui complète son journal Le Peuple breton. Mais c’est surtout la floraison et le dynamisme militant des extrêmes gauches qui frappe dans la première moitié des années 1970.
Une extrême gauche dynamique : du côté des maoïstes
38Dans la foulée de Mai 1968, en dépit de ses divisions et de ses scissions, l’extrême gauche connaît un certain essor en Bretagne, occupant souvent le devant de la scène et investissant les nombreux comités de soutien aux luttes sociales. Membres d’un parti de la gauche institutionnelle qui a des élus, une fraction des militants du PSU flirte avec l’extrême gauche que certains rejoignent dans les années 1972-1974. Tous les groupes d’extrême gauche participent aux nombreuses luttes sociales qui culminent en 1972 avec la grande grève du Joint français à Saint-Brieuc, celles de Big Dutchman à Saint-Carreuc et des Kaolins de Plémet, grèves victorieuses grâce à une forte solidarité locale puis régionale. Ces mouvements combattent en outre les lois répressives du pouvoir pompidolien (loi anticasseurs en 1970) et les réformes scolaires et universitaires (loi Debré de 1973 sur la suppression de sursis pour le service militaire). Depuis 1968, des mobilisations récurrentes dans les universités et les lycées (grèves, occupations) permettent de recruter des militants à partir des multiples comités d’action (CA), comités de lutte (CL) et comités d’action lycéens (CAL) qui s’opposent aux syndicats étudiants classiques, en particulier à l’UNEF qui a éclaté et n’attire plus grand monde. Les partis d’extrême gauche, reconstitués après leur dissolution en juin 1968, deviennent des cibles de choix du pouvoir. Les condamnations judiciaires pleuvent : plus d’une centaine dans le pays entre la mi-avril et la mi-mai 1970 selon Raymond Marcellin qui ordonne de frapper des partis qu’il considère comme dangereux, et en premier lieu la Gauche prolétarienne (GP). La presse de gauche s’indigne de la sévérité des peines prononcées.
39Après Mai 1968, la mouvance dite maoïste a éclaté en plusieurs organisations rivales. Issu de l’UJCML, un Parti communiste révolutionnaire prolétarien (PCRP), plus connu sous le nom de Gauche prolétarienne, s’est formé les 11 et 12 janvier 1969. La GP préconise des actions de type commando et n’hésite pas à recourir à la violence révolutionnaire, si bien qu’elle est dissoute le 27 mai 1970 au matin du procès à Paris de deux de ses responsables. L’audience nationale de la GP tient à des dirigeants connus comme Alain Geismar, ancien leader du SNESUP en 1968, et à d’autres qui vont le devenir grâce à ce procès médiatisé. C’est le cas des Bretons Jean-Pierre Le Dantec, arrêté le 22 mars, puis de son successeur Michel Le Bris le 30 avril, les directeurs de La Cause du peuple, le journal autour duquel s’est reconstitué un mouvement clandestin. Estimée à 2 000 militants par la police à la fin de 1969, la GP bénéficie de l’appui de prestigieux intellectuels parisiens. Jean-Paul Sartre, qui a déposé comme témoin au procès, préside avec Simone de Beauvoir les Amis de La Cause du peuple. Lors de ce procès, le Quartier latin s’embrase (500 interpellations). Le Dantec et Le Bris sont condamnés à un an et à huit mois de prison ferme ; le premier est gracié par le président Pompidou le 23 décembre. Le 25 juin, Alain Geismar est arrêté et il sera lui aussi condamné par la Cour de sûreté de l’État à deux ans de prison ferme.
40La GP ne compte qu’une poignée de militants en Bretagne, mais lors du procès, ils sont mobilisés par Joëlle, la sœur de Jean-Pierre Le Dantec, étudiante en lettres à Rennes 2. Les militants rennais apportent leur soutien à Guingamp où enseignent les parents Le Dantec38. À la suite d’inscriptions et de la distribution d’un tract de La Cause du peuple, « La vérité vaincra », sur le marché de la ville le 30 mai, la police « boucle » le quartier et arrête 27 jeunes (21 militants en garde à vue à Guingamp et à Saint-Brieuc). En dépit de leurs réserves quant aux modes d’action des « maos spontex », syndicalistes et partis de gauche des Côtes-du-Nord, sauf le PCF et la CGT, dénoncent la répression policière. Le PSU republie le tract incriminé le 6 juin. En Bretagne, reprenant l’initiative de l’AGER-UNEF de Rennes à Rostrenen en août 1968 (18 militants de l’UJCML), l’ex-GP a organisé des « Longues marches paysannes » (étés 1970 et 1971). En 1972, l’initiative est reprise par la Gauche révolutionnaire (GR-PSU) dans l’Ouest de la France (quatre camps) en liaison avec des agriculteurs des CDJA et du mouvement Paysans travailleurs. Des étudiants, surtout de région parisienne, viennent travailler dans quelques fermes d’Ille-et-Vilaine et des Côtes-du-Nord (une vingtaine à Plésidy, près de Guingamp). Plutôt bien accueillis par la population, ils organisent dix veillées agrémentées de spectacles militants : pièces de théâtre comme Faut que ça bosse ! du Groupe d’action culturelle de Rennes, films sur les luttes paysannes contre le cumul des terres ou le remembrement. Mais la mobilisation s’essouffle : en 1973, la GR s’occupe de trois camps dans les Côtes-du-Nord et un dans le Morbihan ; en 1974, il n’y en a plus qu’un seul à Bourbriac (Côtes-du-Nord, neuf participants). En juillet 1973, de leur côté une cinquantaine de militants de Paris et de Nantes de l’ex-GP ont tenu une « école ouvrière » à Plourivo, près de Paimpol. De fait, le chant du cygne de ce parti a eu lieu à la mi-mars 1972 lorsque, en pleine grève du Joint français, le philosophe Maurice Clavel a tenu une dizaine de réunions dans la région, attirant par sa notoriété télévisuelle 4 000 auditeurs.
41Les militants du PCMLF clandestin se sont regroupés autour de L’Humanité rouge (HR) en 1969-1970. Dès la fin de juin 1968, trois cellules se reforment à Lannion autour de Gilbert Denis et Henri Le Diraison, à Rennes et à Brest. Celle de Lannion est très active. Les groupes locaux de Bretagne, plus ou moins autonomes, vont se couper pendant trois ans de la direction nationale du parti. Dans un rapport de synthèse d’avril 1975, les RG considèrent que c’était « le temps de l’ultra-maoïsme39 ». HR a joué un rôle d’autant plus important dans les universités qu’en 1969-1970 la Ligue communiste a déserté le terrain pour le travail en milieu ouvrier. Animant des comités d’action, les militants ML contrôlent désormais l’UNEF à Rennes et sont influents à Brest, comme le montre la composition des délégations au congrès d’Orléans en avril 1970. Une liste du 25 juin 1970 de 35 étudiants « révolutionnaires » originaires des Côtes-du-Nord, surveillés par la police, recense des militants des CA UNEF Lettres et Sciences (15), des cercles HR (9), 6 ex-GP, 3 Ligue communiste et un anarchiste40. Les maoïstes sont les plus nombreux. Mais une crise a éclaté à la direction nationale du PCMLF-HR. Ayant pris l’initiative de réunir des membres du bureau politique de la direction clandestine contre le leader Jacques Jurquet, Raymond Casas, un ouvrier syndicaliste qui souhaite une ligne plus ouverte vers l’extérieur, est exclu en février 1970. En avril-mai 1970, les scissionnistes forment le groupe Le Travailleur-PCMLF. Gilbert Denis, le principal responsable de Bretagne, suit Casas, ce qui provoque une baisse du nombre de militants. En juillet 1971, lors d’assises régionales, L’Ouvrier de l’Ouest se rattache au journal national Le Travailleur avant de reprendre son autonomie en mai 1972 autour de son propre journal Le Travailleur de l’Ouest qui compte à Rennes une quarantaine de militantes et de militants, essentiellement étudiants, et bientôt enseignants ou médecins. Ils vont développer le mouvement dans la plupart des villes de la région (Lannion, Brest, Morlaix, Quimper, Saint-Brieuc, Guingamp, Lorient, Nantes…). Une autre scission à la fin de 1970, celle du PCMLF-Front rouge n’a guère d’écho dans la région.
42Dans les turbulences du mouvement marxiste-léniniste, des militants issus pour la plupart de l’UJCML ont été exclus de HR à Rennes le 15 octobre 197041. Afin de « retrouver la juste ligne du PCMLF » et de mieux « servir le peuple », comme le préconise le président Mao Zedong, il convient selon eux de travailler avec les prolétaires pour préparer la révolution. Ce groupe s’appelle d’abord Rennes révolutionnaire (RR) et diffuse un journal qui devient Drapeau rouge en novembre 1971. À RR-Drapeau rouge, le débat porte sur la question de l’établissement en entreprise. En février 1971, les dirigeants et les militants les plus motivés (une quinzaine) abandonnent leurs études pour « s’établir ». Les « établis » de RR poussent, au sein de la CFDT, à la séquestration de cadres lors de grèves à Rennes. Le 14 janvier 1972, une centaine de militants affronte la police (quatre blessés) lors de la visite à Rennes d’Achille Peretti, le président UDR de l’Assemblée nationale depuis juin 1969 ; trois militants sont interpellés, dont deux jeunes chômeurs écroués pour détention de cocktails Molotov. La Ligue communiste (LC) lance un comité de soutien pour la libération des deux emprisonnés ; les domiciles des cinq principaux responsables de RR sont perquisitionnés. Le 19 octobre, en vertu de la loi anticasseurs, les deux militants sont condamnés à des peines de prison (deux mois ferme pour l’un, avec sursis pour l’autre). En juillet 1972, RR compterait une soixantaine de militants à Rennes et est présente à Fougères, Brest, Saint-Brieuc, Nantes, Saint-Nazaire et Angers. Le groupe maoïste Prolétaire ligne rouge existe aussi à Nantes, tout comme la Fédération anarchiste à Brest, Morlaix, Rennes et Lorient.
43En mai 1973, Le Travailleur de l’Ouest annonce son ralliement à l’Humanité rouge, c’est-à-dire que le PCMLF est considéré comme le véritable parti communiste, celui de la classe ouvrière, reconnu comme parti frère par le PC chinois. Sa principale cible est le Parti « communiste » français accusé de « révisionnisme ». Un an plus tard, lors du 2e congrès national de 1974, l’essentiel de la centaine de militants de la GR de Rennes et du Finistère rejoint HR. L’Humanité rouge, qui comptait plus d’une centaine de militants et de nombreux sympathisants, s’affirme comme l’une des principales forces de l’extrême gauche bretonne.
Les organisations trotskistes
44En mars 1968, la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR) est présente dans une trentaine de villes du pays, dont Rennes (15 militants), Nantes et Brest (deux ou trois anciens de l’UEC). La Bretagne est pourtant considérée comme un « pôle fort » d’un mouvement passé en France de 350 à 1 000 militants de mars à juin 1968. En dépit de son activisme en mai 1968, la JCR a moins de 50 militants à Rennes lors de sa dissolution, le 12 juin, mais c’est tout de même 5 % de l’effectif national42. En juillet 1968, 28 étudiants rennais vont faire un stage à l’abbaye de Boquen dirigée par le jeune prieur Bernard Besret à l’initiative de l’ex-JCR. Le parti dirigé par Alain Krivine reconstitué sous l’appellation de Ligue communiste (LC), affiliée à la IVe Internationale, s’affirme comme la principale organisation trotskiste en Bretagne. En décembre 1969, la LC rennaise vient de publier son premier numéro de La Taupe rouge quand la traduction, le 9 février 1970, devant le tribunal des forces armées de Rennes de trois appelés de Vannes (Devaux, Trouilleux et Hervé accusés d’avoir formé une cellule révolutionnaire), lui donne l’occasion d’une campagne de solidarité. Le 29 janvier, Alain Krivine et Michel Rocard avaient mobilisé plusieurs centaines de personnes contre « les lois scélérates ». En juin 1970, les RG repèrent quatre abonnés au journal Rouge dans les Côtes-du-Nord43. En 1971, les organisations d’extrême gauche se bagarrent pour contrôler les comités locaux du Secours rouge (SR) créé au niveau national en 1970 pour riposter au prurit répressif du gouvernement contre la GP et dirigé par le PSU, dont Bernard Lambert. La LC prend le contrôle du comité rennais créé à l’automne de 1970 avec le PSU, HR et l’ex-GP, ainsi que celui de Nantes. Le PSU a la main sur ceux de Brest et de Quimper, de Lannion et de Guingamp, de Saint-Malo44. En 1971, le grain à moudre ne manque pas : procès d’un syndicaliste paysan du Finistère, soutien à un objecteur de conscience qui fait une grève de la faim à Lannion, collectes en faveur des grévistes des Batignolles à Nantes ou soutien aux Basques de l’ETA à Burgos. Dans les Côtes-du-Nord, les enseignants du PSU sont très engagés dans le Secours rouge qui a pris la suite d’un comité de lutte contre la répression créé le 4 décembre 1969 par des professeurs de philosophie de trois départements bretons. Le comité de Guingamp accueille Jean-Pierre Le Dantec le 12 février 1971. Toutes ces actions se heurtent à l’hostilité du PCF et de la CGT qui n’apprécient guère cet activisme militant sur leurs terres.
45Revenue vers les universités et les lycées avec ses comités de lutte qui rivalisent avec les comités d’action des maoïstes, la Ligue communiste, dirigée à Rennes par Gilles Blanchard – il en devient permanent en 1972 –, s’est étoffée en 1971. Autour d’une cinquantaine de militants chevronnés gravitent ceux qui font leurs classes dans les comités rouges. Dans cette ville, elle compte une centaine de militants très actifs. Le 5 mars, un meeting d’Alain Krivine a déplacé 600 personnes, étudiants et militants des organisations trotskistes concurrentes et surtout des maoïstes. Lors d’une manifestation internationale les 15 et 16 mai, la LC a été en mesure de convoyer à Paris 120 militants de Rennes et des autres villes bretonnes (Brest, Vannes, Lorient, Saint-Brieuc, Nantes). À la fin de l’été, elle a six cellules à Rennes et neuf comités rouges dans les facultés et quatre lycées (50 adhérents et 70 sympathisants). Comme Rennes révolutionnaire, les trotskistes essaient de s’implanter dans les collèges d’enseignement technique (CET). Dans les Côtes-du-Nord, la LC, animée à partir de 1971 par Édouard Renard, professeur à Guingamp puis à Saint-Brieuc, recrute quelques jeunes militants.
46En prévision du procès de trois militants inculpés lors de l’intervention aux portes de l’usine Citroën à Rennes le 13 mai 1970, la Ligue communiste développe à la fin de 1972 une campagne anti-CFT, le syndicat-maison, à travers sept comités rennais qui ne regroupent guère que ses militants, même si le PSU et les autres organisations d’extrême gauche leur apportent un soutien contre la répression. Le 24 janvier 1973, 400 personnes assistent à un contre-procès aux Lices. Le 25, jour du procès, 120 « gauchistes » distribuent un tract devant les deux usines Citroën ; 350 manifestent dans la soirée. Le 15 février, les trois prévenus sont condamnés à un mois de prison avec sursis. La veille, en campagne pour les élections législatives, Alain Krivine a rassemblé 800 auditeurs.
47Mais, à la suite de l’attaque par le service d’ordre de la LC d’un meeting du mouvement d’extrême droite Ordre nouveau à Paris le 21 juin 1973, le gouvernement dissout ces deux organisations le 27 juin. La protestation s’organise : à Rennes, elle n’est unitaire qu’à l’extrême gauche (tract commun PSU, HR, GR, LO, Révolution !) et lors du meeting du 6 juillet organisé par les organisations maoïstes (HR, GR, RR) avec le PCB et Lutte ouvrière. En revanche, la gauche du programme commun tient deux conférences de presse séparées (PS, PSU, CFDT, d’un côté ; PCF, JC, UDB, CGT, FEN, de l’autre), ce qui traduit bien les divergences d’analyse et d’attitudes à l’égard des « gauchistes ». Syndicats et partis de gauche protestent dans les Côtes-du-Nord. Les trotskistes d’Alain Krivine vont poursuivre leur combat sous la bannière de comités Rouge, puis en avril 1974 d’un Front communiste révolutionnaire (FCR).
48C’est un transfuge de la direction de la Ligue communiste qui a créé à Rennes en avril 1971 Lutte ouvrière (LO), autre organisation trotskiste. LO compte une dizaine de militants en 1971-1972, presque tous étudiants. André Cherblanc, étudiant à l’Agro, futur responsable régional et candidat à de nombreuses élections législatives, en devient le principal animateur. Le groupe se fait connaître par des campagnes d’affiches et la diffusion de l’hebdomadaire Lutte ouvrière. Il tient son premier meeting public un an après et est en mesure de présenter trois candidats aux élections législatives en Ille-et-Vilaine en mars 1973 (huit en Bretagne), un ouvrier électricien et deux employés de banque, ce qui traduit un certain élargissement sociologique.
49Un autre groupe trotskiste, l’Organisation communiste internationaliste (OCI) ou parti lambertiste (dirigé par Pierre Lambert), dissout en juin 1968, devient l’Organisation trotskiste (OT). Son organisation étudiante, la Fédération des étudiants révolutionnaires (FER) qui a pris ce nom en avril 1968 et existe au moins à Nantes, elle aussi dissoute, est relayée en 1969 par son organisation de jeunesse l’Alliance des jeunes pour le socialisme (AJS). Plusieurs étiquettes différentes recouvrent en fait la même poignée de militants que l’on retrouve dans les syndicats enseignants (FEN, tendance Front unique ouvrier) et ouvriers (FO). Le militant le plus connu en Bretagne est Yvon Rocton, délégué FO qui est parvenu à déclencher la grève illimitée avec occupation chez Sud-Aviation à Nantes le 14 mai 1968, donnant le coup d’envoi à la grève générale qui a paralysé tout le pays. Des noyaux de l’AJS existent dans les universités. En juin 1969, Édouard Le Moigne, enseignant à Saint-Brieuc, tente de créer un groupe. L’AJS a pris le contrôle de l’UNEF-Unité syndicale en février 1971 après le retrait du PSU et la scission de l’UNEF-Renouveau, la tendance animée par les communistes, deux organisations rivales qui ne représentent plus le syndicalisme étudiant. Mouvement aux méthodes musclées, l’AJS a quelques militants à Nantes et à Saint-Nazaire, à Rennes et à Saint-Brieuc, surtout à la FEN. Une militante du Nord est venue s’inscrire à l’université à Rennes en 1972 pour y implanter le mouvement (six militants). Pour la police, ces gauchistes rennais « posent un problème d’ordre permanent » dans la mesure où ils entretiennent « une agitation endémique » dans les facultés, agitation bien nourrie, il est vrai, par les projets de réformes qui se succèdent.
50Cette militance d’extrême gauche se nourrit aussi de l’appui aux mouvements antimilitaristes et en faveur de l’objection de conscience. Plusieurs objecteurs attirent l’attention sur cette question par des grèves de la faim à Lannion, Saint-Brieuc, Rennes. La dénonciation du franquisme agonisant, du coup d’État du général Pinochet au Chili en septembre 1973, ainsi que l’appui aux combats anti-impérialistes, en particulier les guerres menées contre les Américains au Vietnam, au Cambodge et au Laos, sont mobilisatrices. La grève du Joint français au printemps de 1972 à Saint-Brieuc est l’occasion pour tous les groupes d’extrême gauche, maoïstes (ex-GP, Le Travailleur de l’Ouest, GR-PSU, RR) et trotskistes (une centaine de la LC), de mobiliser leurs troupes de toute la région et même de Paris, comme lors de la manifestation du 25 avril à laquelle « 150 gauchistes » participent ainsi que 15 « gauchistes bretons ». Tous les leaders se déplacent. Les lycéens briochins sont nombreux, des étudiants rennais se mêlant aux milliers de personnes qui défilent pour condamner le refus du patronat de négocier. Des bousculades se produisent avec les services d’ordre syndicaux (CGT, CFDT) et du PCF, mais surtout avec les forces de l’ordre qui occupent l’usine. Les nombreux conflits sociaux de l’année 1972 contribuent à la politisation d’une partie de la jeunesse et à l’essor de l’extrême gauche.
51En ce début des années 1970, une fraction du mouvement breton glisse vers l’extrême gauche. L’amnistie des activistes du 1er FLB se prolonge par la mise sur pied d’un front révolutionnaire anticapitaliste qui veut se battre contre « l’impérialisme français » et pour « la libération nationale » bretonne. Un meeting de lancement se tient à la Mutualité à Paris en novembre 1969 avec le Dr Guy Caro, l’ancien résistant communiste et physicien Jean-Pierre Vigier, un membre du Comité révolutionnaire breton (CRB) apparu en avril 1969 et des anciens détenus du FLB. L’objectif est d’aboutir à une Bretagne socialiste et révolutionnaire. Ce mouvement, qui se transforme en janvier 1971 en Parti communiste breton (PCB), est animé à Paris par Jean-Pierre Vigier et Yann-Morvan Gefflot du CRB. Son idéologie s’oriente en 1973 vers l’autogestion et une République bretonne des conseils. Présent dans les grandes villes de la région, le PCB rassemble de 50 à 100 militants, mais il entre en sommeil à la fin de 1974.
52De même, un Secours populaire interceltique (SPI) est formé à Baud (Morbihan) le 27 octobre 1971 pour soutenir les Irlandais du Nord (accueil d’enfants à l’été puis à Noël 1972), présidé par Polig Monjarret, un ancien proche du PNB sous l’Occupation et des responsables d’associations culturelles bretonnes de diverses sensibilités politiques, dont Pierre Bernard, un responsable du PS, conseiller municipal à Lorient, qui avait été le président fondateur de la Jeunesse étudiante bretonne (JEB) en 195245. Des groupes plus ou moins éphémères surgissent puis disparaissent pendant cette période de grande effervescence politique comme le groupe Jeune Bretagne qui n’a jamais eu plus de 50 militants créé à Brest en octobre 1971 et qui, en janvier 1973, a des sections à Rennes, Saint-Malo et Dinan ; mais celle de Brest a disparu à la suite d’une crise interne en décembre 1972. En 1974, deux sections existent encore à Nantes et à Saint-Nazaire mais le leader s’en éloigne à l’été. Le sigle est repris au début de 1975 par une nouvelle équipe Jeune Bretagne-Breizh Yaouank qui publie la revue La Nation bretonne et est considérée par la police comme « un mouvement autonomiste d’extrême droite ». Loin de cette agitation politique, la vie politique poursuit son cours au rythme des consultations électorales.
Les élections locales et le référendum de 1972 : peu de changement politique
53Une série d’élections locales et nationales, de nature différente, permettent de mesurer la situation politique dans les premières années de la présidence de Georges Pompidou. Des élections cantonales (1970), municipales et sénatoriales (1971), et un référendum en 1972 sont l’occasion pour les citoyens de s’exprimer.
54En Bretagne, dans les conseils généraux et les municipalités comme au Sénat, les droites libérales et les centristes se partagent le pouvoir car l’UDR y est faiblement implantée. En 1970, leurs leaders président les cinq conseils généraux disposant de 184 élus sur 218, puis de 160 en 1973. Henri Fréville (CD), devenu sénateur en 1971, préside depuis 1966 un conseil général d’Ille-et-Vilaine plutôt centriste en 1973 (29 élus, dont 19 CD) contre des oppositions de droite (9 UDR, 3 divers droite) et de gauche (5 PS). Dans le Finistère, le sénateur André Colin (CD) est toujours à la tête du conseil général, tout comme René Pleven (CDP) dans les Côtes-du-Nord qui appartient désormais à la majorité (30 contre 18). Ceux du Morbihan (Raymond Marcellin) et de Loire-Atlantique sont dominés par la droite libérale et les modérés. Dans ce dernier département, le vicomte Jean du Dresnay (CNI), conseiller général de Saint-Nicolas-de-Redon depuis 1931, ancien membre des assemblées de Vichy, prend la relève d’Abel Durand jusqu’en 1976. En 1970, en Bretagne les partis de gauche perdent un siège par rapport à 1967 : 34 au lieu de 35 (PCF : 11, plus 1 ; PS : 12 =, PSU : 11, moins deux), mais, nouveauté, Jean-Louis Le Corre (PCF) gagne à Montoir-de Bretagne (Loire-Atlantique) dans un département massivement acquis à la droite.
55Sans bouleverser la donne, les élections municipales des 14 et 21 mars 1971 ont laissé entrevoir un léger frémissement46. Du fait de la croissance urbaine, le corps électoral s’est accru et rajeuni depuis 1965. La gauche, en général unie, a été réélue dans ses bastions urbains : Saint-Nazaire où Étienne Caux a succédé à François Blancho en 1968 est réélu au 2e tour47, Lorient (Yves Allainmat), Saint-Brieuc (Yves Le Foll). Ce n’est pas le cas à Quimper où Léon Goraguer (laïque non encarté), qui a succédé à Yves Thépot (SFIO-FGDS) décédé en 1967 et a été élu conseiller général en 1970, dirige la municipalité socialiste et radicale. En 1970, il envisage d’élargir sa liste à Edmond Michelet, donc à l’UDR, puis négocie avec André Monteil (CD)48. Mais les socialistes s’y opposent : une fraction souhaite une union avec le PCF. Élu d’opposition sortant, responsable du MOB de Yann Fouéré, Pierre Lemoine monte une liste d’alliance de militants bretons (15) avec le CD (19) conduite par le secrétaire départemental du parti centriste André Paubert, avec la bénédiction de Monteil. Quatre listes sont en lice : centre gauche (32,1 %), PCF (avec l’UDB et un Club socialiste de Cornouaille, 24 %), UDR avec le député Marc Bécam (26,3 %), autonomistes bretons-démocrates-chrétiens de centre droit (17,8 %). Les listes PCF et Lemoine se retirent, Goraguer est réélu maire (54,8 %)49. La surprise vient de Morlaix où la liste de la gauche non communiste (PSU, PS) enlève tous les sièges à la municipalité sortante du Dr Le Duc (CNIP), en place depuis 1947, faisant du Dr Jean-Jacques Cléach le nouveau maire. Michel Mazéas (PCF avec une majorité d’élus de gauche) gagne Douarnenez. Mais deux cités du Finistère détenues depuis 1945 et 1947 par des PS, Hervé Mao à Châteaulin et Charles Linement à Concarneau, basculent à droite en faveur des RI et de l’UDR. Symboliquement, après le long combat perdu pour sauver les Forges d’Hennebont, le vieux militant socialiste François Giovannelli, candidat à toutes les élections, maire d’Inzinzac-Lochrist, est réélu et Michel Masson (PS) l’emporte à Pontivy. De même, Alexandre Plancher (PS) est réélu au 1er tour à Rezé et, signe des changements sociologiques en cours dans la banlieue nantaise, le Dr François Autain (décédé en 2019) gagne Bouguenais : il est le 1er et le seul maire PSU de Loire-Atlantique. Trignac passe du PS au PCF.
56Mais les grandes métropoles sont conservées par les sortants de droite ou du centre : André Morice est réélu à Nantes dès le premier tour (58,2 % des voix contre les listes UDR, 26,2 %, et communiste 15,6 %)50. À Rennes, allié à la droite, Henri Fréville l’emporte aussi au 1er tour avec 58 % (25 CD, 7 UDR, 2 RI, un rad. et deux SFIO ralliés). Mais à gauche, une liste ouverte (PS, PSU, CIR, comités de quartiers, syndicalistes) a recueilli 25,1 %, devançant nettement celle du PCF (16,8 %). À Brest, cinq listes s’affrontent au 1er tour car la formation d’une liste commune PS-PCF a échoué : celle de Georges Lombard élargie à gauche (44,2 %), de Michel de Bennetot (UNR, 23,4 %), de Louis Le Roux, secrétaire fédéral du PCF du Finistère Nord (14,8 %), du PS qui présente huit femmes sur 37 (Francis Le Blé, 11,4 %) et de l’UDB (Pierre Barazer, 6,1 %)51. La percée de l’UDB est remarquable. Georges Lombard gagne la triangulaire (54,6 %) contre le PCF (23 %) qui ne fait pas le plein des voix de la gauche, dont une partie a préféré voter Lombard et l’UDR (20,5 %) qui régresse. Raymond Marcellin est réélu à Vannes (55 %) contre deux listes PS et PCF. De même, Blanchot (RI) est réélu à Dinan et Édouard Ollivro à Guingamp. On constate qu’à gauche, contrairement aux directives nationales, l’union PS-PCF ne s’est pas faite dans les villes, du moins au 1er tour.
57L’exemple des Côtes-du-Nord montre néanmoins une progression de la gauche depuis 1965 (voir le tableau VII, chap. 6, p. 179), même si elle reste minoritaire avec 46,7 % des maires. Le PCF est le grand gagnant de la consultation : 31 maires, 8 %, au lieu de 18, le PSU (62, plus 6, 16,1 %) a peu progressé, alors que le PS est stable (35, 9,1 %), tout comme les divers gauche (52, 13,5 %). Classé au centre et centre gauche (CCR), un quart en 1965, la mouvance plévéniste est désormais dans la majorité avec les divers droite et modérés (124, 32,3 %, plus 31 RI, 8,1 %). Du coup, le centrisme démocrate chrétien (CD) est affaibli, passant de 41 à 28 maires (6,8 %). L’UDR a bien triplé sa représentation, de 5 à 15 maires, mais elle est encore très faible (3,9 %). On ne compte encore que neuf femmes élues maires (2,3 %).
58Les élections sénatoriales de septembre 1971 traduisent un certain renouvellement dans le pays car 22 sortants sur 88 ne se représentent pas et 20 sont battus52. La majorité (UDR, RI, CDP) en sort renforcée car les gaullistes ont souvent soutenu des centristes ou des modérés d’opposition. Dans les Côtes-du-Nord, les plévénistes conservent les trois sièges au 1er tour : Jean de Bagneux et Bernard Lemarié sont réélus, Pierre Marzin succède à André Cornu qui ne se représentait pas53. Marzin est le nouveau maire centriste de Lannion et ancien directeur du CNET qui avait plaidé avec René Pleven pour la décentralisation de cet organisme dans le Trégor à la fin des années 1950. Dans le Finistère, comme en 1962, la liste centriste conduite par André Colin enlève les quatre sièges au 2e tour, signe que les élections municipales n’ont pas changé les rapports de force (3 ex-CD, un PDM). André Monteil ne s’est pas représenté. Deux députés battus en 1968 entrent au Sénat, le maire de Brest Georges Lombard et celui de Moëlan-sur-Mer, Louis Orvoën, un ancien indépendant et un ancien MRP, rejoints par Édouard Le Jeune, conseiller général MRP de Châteaulin (1964-1988) où il s’est présenté sans succès à quatre reprises aux élections législatives. En Ille-et-Vilaine, Henri Fréville, qui s’est rapproché de la majorité, est élu au 1er tour, succédant au centriste Jean Noury. Il a fait élire sur sa liste d’Entente républicaine Louis de La Forest (RI), un agriculteur, maire depuis 1945 d’Irodouër et conseiller général de Bécherel depuis 1949. Yves Estève (UDR) est aussi réélu. Au-delà du renouvellement des hommes (six sur dix), les élections sénatoriales de 1971 traduisent une stabilité politique parfaite dans les trois départements bretons concernés.
59Georges Pompidou décide d’un référendum le 23 avril 1972 sur la ratification par les Français de l’élargissement de la Communauté économique européenne (CEE) au Royaume-Uni, à l’Irlande, au Danemark et à la Norvège, pays qui le refusera. Au-delà des enjeux européens, l’objectif est de raffermir sa légitimité populaire puisqu’il a conservé l’Assemblée élue en 1968, d’affirmer son autorité à un moment où plusieurs « affaires » secouent le parti gaulliste et, au passage, de diviser la gauche qui négocie son programme commun de gouvernement en opposant le PS pro-européen et le PCF hostile54. Or, en 1972, une certaine grogne sociale s’exprime dans le pays. Craignant une forte abstention et l’agitation sociale, les ministres Olivier Guichard et le très européen René Pleven avaient émis des réserves sur la procédure référendaire lors du Conseil des ministres du 5 avril 1972. En effet, l’implantation de super et d’hypermarchés (45 en 1969) et de grands centres commerciaux à la périphérie des villes met à mal le tissu des petits commerçants et artisans. Cette révolution commerciale est incarnée en Bretagne par Édouard Leclerc, « le petit épicier de Landerneau », qui en 1965 a déjà ouvert 174 centres E. Leclerc dans le pays, dont 44 dans la seule région Bretagne, et une centrale d’achat à Paris en 1968. Le groupe a 380 magasins adhérents en 1973. Son bras droit, Jean-Pierre Le Roch, a fait scission en 1969 pour lancer Intermarché et un autre Breton, Jean Cam, ouvre des Rallye. Débordant sur leur droite leurs syndicats traditionnels comme la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), des petits commerçants s’opposent dans tout le pays, de 1969 à 1973, à l’implantation de ces grandes surfaces. Reprenant les registres d’action poujadistes, le CID-UNATI dirigé par Gérard Nicoud, un cafetier de l’Isère, a recours à des actions violentes (attaques de perceptions en 1969, appel à la grève de l’impôt). Les relations sont conflictuelles avec le gouvernement depuis 1969, même si un secrétariat d’État aux PME et à l’Artisanat a été créé55. En avril 1972, les meetings des leaders et des ministres de la majorité sont perturbés par ces militants. D’ailleurs, le 20 avril, le garde des Sceaux ne peut pas prendre la parole au Mans. De même, le monde agricole s’agite à nouveau dans l’Ouest en raison de la baisse des prix du lait : en avril, les laiteries privées et les coopératives ont décidé de baisser de 4 centimes le prix d’achat du litre de lait qui passe de 60 à 56 centimes, alors que le CRJA estime le prix de revient à 75 centimes56. En Bretagne, région qui réalise près de 20 % de la production laitière nationale en valeur et où l’élevage laitier procure un revenu à la plupart des petites et moyennes exploitations agricoles, cette baisse est perçue comme une provocation. Les FDSEA du Finistère, du Morbihan et de Loire-Atlantique ripostent par la « grève du lait » du 23 mai au 4 juin en bloquant les camions de collecte de lait, obligeant les industriels à reculer. Le conflit est géré par Michel Cointat, le maire de Fougères, ministre de l’Agriculture. On peut d’ailleurs se demander si cette crise ne lui a pas coûté son poste dans le gouvernement Messmer en juin ? En outre, la consultation se déroule en pleine grève du Joint français à Saint-Brieuc qui mobilise toute la région.
60Néanmoins, le 23 avril 1972, l’électorat breton est resté très favorable à la majorité pompidolienne puisque le oui l’a emporté avec 74,8 % des suffrages exprimés, 7,1 % de plus que la moyenne nationale (67,7 %), mais seulement 65,1 % dans les Côtes-du-Nord. Toutefois, les votants ne représentent qu’un peu plus de deux inscrits sur cinq (41,8 %, 36,1 % en France), car le refus de vote (abstention) prôné par le PS et le PSU et le vote blanc ou nul ont été très forts (44 % des inscrits). Le PCF avait appelé à voter non. Les Bretons restaient à la fois favorables à la construction européenne et à la majorité. Ce résultat est perçu comme un échec personnel par le président Pompidou. Les élections législatives de mars 1973 vont-elles modifier la situation ?
Les élections législatives de mars 1973 : la majorité résiste
61Cinq ans après, la majorité sortante ne peut guère espérer réitérer ses succès de juin 1968 en raison de la droitisation de la politique du gouvernement Messmer qui a remisé la volonté réformatrice de Jacques Chaban-Delmas et des scandales financiers qui éclaboussent des membres de l’UDR. En revanche, la gauche unie peut espérer regagner le terrain perdu, voire davantage, mais elle ne rassemble que 46,4 % des suffrages au 1er tour (3 % de plus qu’en 1967). Pour le PS, le PSU est une cible à abattre car ses candidats critiquent le programme commun et ne s’engagent pas à soutenir un éventuel gouvernement de gauche. C’est du moins la position défendue par la fédération Bretagne du PS dans un courrier de quatre secrétaires fédéraux adressé à la direction du parti le 16 janvier 197357. Le PSU présente en effet seize candidats. À Saint-Brieuc, contre Yves Le Foll (PSU) le candidat du PS obtient 5,2 % des voix alors que Guy Caro est à nouveau candidat pour le PSU à Loudéac (11,8 %).
62Le scrutin de 1973 voit donc un affrontement bipolaire. C’est l’occasion de mesurer pour la première fois l’impact électoral du programme commun de l’Union de la gauche dont les candidats affrontent l’union des droites rassemblées derrière le programme de Provins (7 janvier 1973) du Premier ministre Pierre Messmer. Conservant 268 sièges (183 UDR) sur 490, la majorité sortante l’emporte nettement sur l’Union de la gauche (102 socialistes et radicaux de gauche, 73 communistes), alors que les centristes d’opposition, les Réformateurs, obtiennent 34 sièges58. En Bretagne, 204 candidats sont en lice. La gauche en présente 100, dont ceux du PCF et du PS présents partout. Effet 68 et utilisation des possibilités de la « démocratie bourgeoise », l’extrême gauche trotskiste aligne treize postulants (5 LCR sur 91 en France, 8 LO), tandis que les groupes marxistes-léninistes prônent « l’abstention révolutionnaire », position qui sera réitérée lors des élections présidentielles de 1974. Le mouvement breton descend lui aussi dans l’arène électorale : à gauche, les quatre candidats de l’UDB à Rennes-Sud, Nantes, Brest et Landerneau recueillent 6 062 voix (de 0,8 à 3 % des suffrages), quand à droite les 26 candidats du nouveau parti Strollad Ar Vro (SAV) en ont plus de 30 000 (1,7 % des exprimés).
63Cinq ans après la « vague bleue » de juin 1968, la forte participation de 82,4 % témoigne sans doute d’une volonté de rééquilibrage politique. En Bretagne, où 25 sortants sont réélus, la majorité tripolaire reste dominée par l’UDR gaulliste (24 candidats, 17 élus), laissant huit circonscriptions à ses alliés RI (4 élus) et cinq aux centristes ralliés du CDP. Ce parti obtient trois députés, dont Pierre Méhaignerie, qui reprend dès le premier tour à Henri Lassourd (UDR) le siège de Vitré et entame une carrière parlementaire jusqu’en 2012. Le centrisme d’opposition qui a présenté 30 candidats sous l’étiquette des Réformateurs est réduit à la portion congrue (deux sièges). Paul Ihuel, député depuis 1936, est réélu avec 58,9 % des voix à Hennebont (Morbihan) contre le maire communiste Eugène Crépeau. Il meurt en octobre 1974 et est remplacé par son suppléant Yves Le Cabellec, maire de Plouay et conseiller général. De même, Loïc Bouvard parvient à battre le sortant Yves du Halgouët, député RI de Ploërmel depuis 1958, à la faveur d’une triangulaire à droite. Chez les centristes ralliés à Georges Pompidou, une surprise de taille : la défaite de René Pleven battu de 45 voix à Dinan le 11 mars au second tour à l’issue de sa 10e campagne législative depuis octobre 1945. Signe des changements à l’œuvre en Bretagne dans ces années 1968, le ministre de la Justice a été défait par Charles Josselin, un économiste socialiste de 34 ans, quasi inconnu puisqu’il travaille à Paris. La campagne de Pleven contre l’Union de la gauche, « le danger communiste » et l’antimitterrandisme n’a pas fonctionné. Il avait pourtant rassemblé 46,9 % des suffrages au premier tour contre 45,6 % aux deux candidats de gauche (29,3 % pour Josselin). Le candidat réformateur (4,9 %) s’était pourtant retiré en appelant « à mettre en échec la coalition socialo-communiste ». L’événement a un retentissement national, la presse titrant sur le « menhir breton » abattu. Comme son collègue Maurice Schumann battu dans le Nord, René Pleven démissionne du gouvernement le 14 mars. Une fraction de l’électorat centriste n’a sans doute pas digéré le ralliement au pompidolisme du grand notable breton, éloigné du terrain par ses fonctions ministérielles et qui aurait dû transmettre le flambeau à son suppléant Yves Sabouret, un énarque des cabinets ministériels, maire de Saint-Cast.
64Face à l’usure du temps et du pouvoir, le renouvellement générationnel du nouveau PS est à l’œuvre. De même, à 36 ans Louis Le Pensec, maire de Mellac (1971), délégué national du PS aux questions régionales, a été facilement élu à Quimperlé contre le député sortant en captant à la fois le vote radical laïque et celui des chrétiens progressistes au 1er tour (35,3 %) et en bénéficiant du vote communiste au second (56,9 %). Comme Charles Josselin, c’est un militant PS, passé par l’UNEF à Rennes et les clubs, sans avoir appartenu à la SFIO. Yves Le Foll, unique député PSU de France, reprend de 57 voix le siège de Saint-Brieuc perdu en 1968. Dans les Côtes-du-Nord, Marie-Madeleine Dienesch réélue au premier tour (51,2 % des voix) reste dans le gouvernement Messmer, tandis que les deux autres sortants du CDP, Édouard Ollivro (51,7 %) et Pierre Bourdellès (53,6 %) sont réélus contre un communiste à Guingamp et à Lannion.
65En termes de sièges et de voix, la majorité sortante (25 députés sur 33) résiste plutôt bien en Bretagne où l’on semble revenir à la situation de 1967. Malgré un recul de près de sept points sur 1968, les droites conservent 62,2 % des suffrages exprimés59. Les « barons » de l’UDR et des RI ont été réélus dès le premier tour (Yvon Bourges, Olivier Guichard, Raymond Marcellin, Christian Bonnet, ainsi que Gabriel de Poulpiquet, dont le score est retombé à 61,9 %). Avec 17 députés et 28,5 % des voix (24,7 % en France), l’UDR et ses apparentés dominent toujours l’échiquier politique breton, mais face aux progrès du PS, voire des Réformateurs, le parti gaulliste a reculé de 6,2 % depuis 1968, la moitié moins toutefois qu’en France (moins 13,3 %). Deux nouveaux députés UDR entrent à l’Assemblée : à Nantes-1, Alexandre Bolo succède à Henry Rey et Guy Guermeur à Gabriel Miossec à Douarnenez. À Rennes, les UDR Jacques Cressard et François Le Douarec sont largement réélus (57 et 56 %). Les républicains indépendants sont plus touchés car ils perdent trois élus, dont Roger de Vitton battu par Yves Allainmat (PS) à Lorient (54,4 %). En juillet, ce dernier cède son fauteuil de maire de Lorient à Jean Lagarde (PS). Durant cette législature, du fait des nominations au gouvernement et du décès de quatre députés (Paul Ihuel et l’abbé Laudrin dans le Morbihan, Antoine Caill et Isidore Renouard), douze suppléants sont appelés à siéger au Palais-Bourbon (4 dans le Finistère et 4 dans le Morbihan), dont Yvonne Stéphan, la suppléante de Christian Bonnet à Auray.
66Si la gauche ne gagne qu’un siège sur 1967, la dynamique de l’Union de la gauche se traduit par une progression en voix et la réélection de trois députés de 1967 battus en 1968, dont Christian Chauvel à Nantes-2 (51,5 %). Le PS progresse partout, y compris en Ille-et-Vilaine où il n’a aucun élu. Mais, hormis les Côtes-du-Nord où ils atteignent 48,22 % des voix, l’ensemble des candidats de gauche ne totalisent que 37,8 % des suffrages exprimés dans la région, 46 % dans le pays, plus 5 % par rapport à 1968. Le poids du PCF en léger progrès en voix sur 1968 (14,7 % contre 15,6 % en 1967, mais 21 % en France) tend à se restreindre, même s’il remonte à près d’un quart des suffrages exprimés dans les Côtes-du-Nord. En 1973, la dynamique du programme commun est favorable au PS en tête à gauche dans 23 circonscriptions contre neuf communistes, alors qu’en 1967 et 1968 le PCF faisait jeu égal avec la SFIO-FGDS. La progression du PS en voix est spectaculaire : 9,9 % en 1968, 18,3 % en 1973 (22,2 % pour la gauche non communiste), atteignant 22,1 % en Loire-Atlantique, 19,8 % dans le Finistère, et même 16,5 % en Ille-et-Vilaine. Dès 1973, le PCF est nettement dépassé par le PS en Bretagne alors qu’en France il est toujours en tête : 21 % des suffrages contre 20,5 % à la gauche non communiste, le PSU en ayant 3,3 %.
67Après les élections législatives, les élections cantonales des 23 et 30 septembre 1973 traduisent un véritable décollage puisque le nombre d’élus de gauche passe en Bretagne de 34 en 1970 à 58 (32 PS, 15 PCF, 11 PSU). Pour tenir compte de la croissance urbaine, un nouveau découpage cantonal a augmenté le nombre de cantons : de sept dans le Finistère (à Brest), de six en Ille-et-Vilaine (à Rennes), de sept en Loire-Atlantique, ce qui est plus favorable à la gauche. C’est le PS qui profite de l’Union de la gauche : alors que le PSU est stable et que le PCF gagne quatre sièges, le PS en engrange 20 de plus60. L’érosion du PSU est sensible puisque dans le pays il passe de 55 conseillers généraux en 1964 à 14 en 1973 (28 en 1970) et il n’en restera que deux en 197661. Dans les Côtes-du-Nord, deux PSU adhèrent discrètement au PS (Marcel Le Guyader et Marcel Launay), de même qu’Albert Dory, seul maire PSU d’Ille-et-Vilaine à Sains (depuis 1953), élu conseiller général PS de Pleine-Fougères en 1973. Charles Josselin est élu au 1er tour dans le canton de Ploubalay où Ernest Rouxel, l’ancien suppléant de René Pleven en place depuis 1945, ne se représentait pas. Trois nouveaux PS entrent à l’assemblée départementale où la majorité de René Pleven se réduit : 27 contre 21 (8 PCF, 13 PS et PSU)62. Nouveauté : le PS entre au conseil général d’Ille-et-Vilaine avec cinq élus, dont trois à Rennes et dans sa périphérie (Edmond Hervé, Georges Cano, maire de Saint-Jacques-de-la-Lande depuis 1971 ex-PSU, Michel Phlipponneau, Jean-Louis Tourenne à Hédé et Albert Dory). À Brest, l’UDR enlève l’un des six cantons au 1er tour, mais dans les cinq autres le PS devance le PCF qui revendique au moins celui de Recouvrance. Les communistes se désistent tandis que les nombreux candidats de droite de la majorité Lombard sont en concurrence. Georges Lombard est lui-même battu de 14 voix dans le 4e canton car la construction d’une raffinerie de pétrole, promise par l’État en 1968, soulève de fortes oppositions dans la population. Le PS enlève les cinq cantons brestois en ballotage : Francis Le Blé (2e canton, Recouvrance) est élu ainsi que Marie-Jacqueline Desouches. La physionomie politique du conseil général du Finistère est quelque peu modifiée : 19 centristes, 6 RI, 4 UDR, 2 divers droite, 12 de gauche (7 en 1970) ; André Colin est réélu. Battu, le sénateur Georges Lombard démissionne une seconde fois de son poste de maire en faveur de son 1er adjoint Eugène Bérest pour prendre la tête de la Communauté urbaine de Brest (CUB) créée au 1er janvier 1974.
⁂
68La présidence de Georges Pompidou se termine plus rapidement que prévu puisque le chef de l’État est emporté par la maladie le 2 avril 1974. Dans cette ultime phase des Trente Glorieuses, après la secousse de Mai 1968, les transformations économiques, sociales, syndicales et religieuses engagées dans les années 1960 et qui s’accélèrent ont amorcé une redistribution des cartes politiques en Bretagne, mais elle ne se traduit pas encore sur le terrain électoral, loin de là. Une extrême gauche remuante a émergé s’appuyant sur une jeunesse mobilisée. La question régionale et bretonne est posée. La majorité élargie aux centristes du CDP en 1969 paraît solidement établie, même si localement les forces de gauche progressent en 1971 et 1973. L’Union de la gauche conclue en 1972 ne porte pas encore ses fruits mais, face aux notables de droite, la nouvelle génération du PS qui poursuit l’amalgame des laïques et des catholiques enclenché autour du PSU dans les années 1960 paraît porteuse d’avenir.
Notes de bas de page
1 Bougeard Christian, René Pleven, op. cit., p. 385-395.
2 Nicolas Michel et Pihan Jean, Les Bretons et la politique, op. cit., p. 97-107.
3 Dans le Finistère, Michel Rocard (4,64 %) devance Gaston Defferre (4,2 %). Jacques Duclos a 17,05 % et Alain Krivine (0,85 %). Les gauches sont à 26,74 % seulement.
4 Pozzi Jérôme, Les Mouvements gaullistes, op. cit., p. 255.
5 Sainclivier Jacqueline, « Yvon Bourges et le gaullisme en Bretagne (1962-1978) », art. cité, p. 182-186.
6 Dathanat Pierre, L’UNR et les gaullistes dans le Finistère de 1953 à 1969, op. cit., p. 137-141.
7 Pozzi Jérôme, Les Mouvements gaullistes, op. cit., p. 282.
8 Charlot Jean, L’UNR, op. cit., p. 128. Dans sa typologie, il classe le Finistère dans cette 3e catégorie de fédérations. Il nous semble que l’on peut l’étendre à l’ensemble de la région.
9 La crise passée, l’UDR transforme son sigle en Union des démocrates pour la République.
10 ADCA. 1127 W 24. Partis III.
11 Audigier François, « Le malaise des jeunes gaullistes en Mai 68 », Vingtième siècle. Revue d’histoire, no 70, avril-juin 2001, p. 71-88.
12 Dathanat Pierre, L’UNR et les gaullistes dans le Finistère de 1953 à 1969, op. cit., p. 138-141.
13 ADCA. 1127 W 22. Partis I (1964-1978).
14 Pozzi Jérôme, Les Mouvements gaullistes, op. cit., p. 266-267.
15 Roussel Éric, Georges Pompidou, Paris, Marabout, 1985, chap. xxiv.
16 Pozzi Jérôme, Les Mouvements gaullistes, op. cit., p. 287-289.
17 Bougeard Christian, René Pleven, op. cit., p. 392-412.
18 Morin Gilles, « La CIR, un levain présidentialiste de gauche », in Bruno Benoit, Christian Chevandier, Gilles Morin, Gilles Richard et Gilles Vergnon (dir.), À chacun son Mai ? Le tour de France de mai-juin 1968, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 297-315.
19 Guiffan Jean, « Le PSU en Loire-Atlantique (1960-1975/5) », art. cité, p. 66-67.
20 Prévot Maryvonne, Alain Savary. Le refus en politique, Tournai, La Renaissance du livre, 2003, p. 180-191.
21 Lucas Maurice (dir.), Les socialistes dans le Finistère (1905-2005), Rennes, Apogée, 2005, p. 213-219. Les clubs n’ont que deux adhérents.
22 La géographie est la suivante : 50 à Brest, 28 à Quimper, 18 à Douarnenez, 6 à Châteaulin, 5 à Morlaix. Voilà ce que pèsent la SFIO, la CIR et les clubs dans le Finistère en 1969.
23 Deux conseillers municipaux de Saint-Brieuc ont quitté le PSU pendant les événements dont le père de Claude Saunier. Le suppléant de René Régnault est Romain Boquen passé chez les poperénistes.
24 Fondation Jean-Jaurès. 73 EF 22.
25 OURS. 72 EF 35.
26 Guiffan Jean, « De la SFIO au PS en Loire-Atlantique : la disparition de la “Vieille Maison” (1958-2004) », art. cité, p. 228-233.
27 On peut se demander si ces voix représentent celles de tous les adhérents. Dans ce cas, les pertes ont été rapides. Les motions du CERES et de Mermaz (ex-CIR) n’ont aucune voix. Urvoas Jean-Jacques, art. cité, p. 216-220.
28 Informations communiquées par Edmond Hervé que nous remercions. Les RG donnent les mêmes chiffres en 1971 et 1973 mais 500 adhérents en juin 1974.
29 Ouest-France, 16 novembre 1971.
30 Prigent François, « Le développement du socialisme morbihannais (1936-1971) », Le Rappel du Morbihan, supplément no 20, 2005, p. 6-9.
31 Sources : fondation Jean-Jaurès. EF 29. Prigent François, Les réseaux socialistes en Bretagne des années 1930 aux années 1980, op. cit., t. 1, p. 240.
32 À Nantes, le départ d’une dizaine de poperénistes en octobre 1967, dont plusieurs cadres fédéraux, oblige à réorganiser la direction : secrétaire fédéral Jean Aubry, adjoint Maurice Milpied. Aux élections cantonales de septembre, Raymond Viaud a atteint 15,8 % des voix dans le canton de Saint-Étienne-de-Montluc, derrière le PCF mais devant la SFIO.
33 Sources : Kernalegenn Tudi et al. (dir.), Le PSU vu d’en bas, op. cit., p. 350.
34 Tartakowsky Danielle et Bergounioux Alain (dir.), L’union sans l’unité. Le programme commun de la gauche (1963-1978), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012.
35 Martelli Roger, Prendre sa carte (1920-2009), op. cit., p. 45.
36 Sources : ibid., p. 82.
37 Kernalegenn Tudi et Pasquier Romain (dir.), L’Union démocratique bretonne. Un parti autonomiste dans un État unitaire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014. Voir la chronologie et les interventions des responsables de l’UDB p. 205-229.
38 ADCA. 1127 W 22. Partis.
39 Sur l’extrême gauche maoïste et trotskiste, de nombreuses sources aux archives départementales d’Ille-et-Vilaine : ADIV. 508 W 3, 508 W 002 et 003, 508 W 110, 508 W 127. Partis politiques et extrême gauche.
40 ADCA. 1127 W 23. Partis politiques II (68-76).
41 ADIV. 508 W 142. UJCML (68-69) ; 508 W 110. PCMLF (68-78) ; 508 W 127. RR (68-78).
42 Salles Jean-Paul, La Ligue communiste révolutionnaire (1968-1981), op. cit., chap. 3 et p. 137-139.
43 ADCA. 1127 W 23. Partis politiques II (68-76).
44 ADCA. 1127 W 24. Partis politiques III.
45 ADCA. 1127 W 24. Politique III et notice « Pierre Bernard » de François Prigent dans Le Maitron en ligne.
46 Bernard Mathias, « Quand la stabilité cache les mutations : les élections municipales de 1971 », in Gilles Richard et Jacqueline Sainclivier (dir.), Les partis à l’épreuve de 68. L’émergence de nouveaux clivages, 1971-1974, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 135-145.
47 La liste socialiste a eu 36,3 % des voix au 1er tour, 18 % au PCF, 8,3 % au PSU. À Couëron, l’Union de la gauche est réélue.
48 Moreau Régis, Les évolutions politiques de Quimper de la Libération à l’aube des années 1970, op. cit., p. 99-102.
49 Goraguer, âgé, se retire en 1975 et est remplacé par Jean Lemeunier. Trois opposants arrivent lors d’une élection partielle : Marc Bécam (UDR), André Paubert (CD) et une RI.
50 André Morice est alors président des sections françaises de l’Internationale libérale et du Mouvement libéral pour l’Europe.
51 En 1965, Georges Lombard avait attiré sur sa liste Eugène Bérest, le leader de la JR, en 1971 c’est au tour de Robert Gravot (ex-SFIO), en 14e position.
52 Conord Fabien, Les élections sénatoriales en France (1875-2015), op. cit., p. 133-136.
53 La gauche a présenté trois listes (PCF, PSU, PS).
54 Manigand Christine, « Le référendum du 23 avril 1972 : un risque mal calculé ? », in Gilles Richard et Jacqueline Sainclivier (dir.), Les partis à l’épreuve de 68, op. cit., p. 173-184.
55 Il devient un ministère en juillet 1972 géré par Yvon Bourges puis en avril 1973 par Jean Royer, le maire de Tours, qui fait voter une loi limitant l’implantation des grandes surfaces. Voir Guillaume Sylvie, « La place et le rôle des artisans et commerçants du Cid-unati dans les contestations des années 1970 », ibid., p. 109-120.
56 Sainclivier Jacqueline, « Contestation politique et sociale autour de la “grève du lait” (1971-1974) », ibid., p. 29-40.
57 Fondation Jean-Jaurès. 73 EF 22. Il est signé des secrétaires fédéraux Claude Saunier (Côtes-du-Nord), Jégou (Loire-Atlantique), Yves Guélard (Morbihan), Michel Phlipponneau (pour J.-P. Michel, Ille-et-Vilaine).
58 Richard Gilles, « les élections législatives de mars 1973 : victoire à la Pyrrhus des gaullistes et renforcement de la bipolarisation politique », in Gilles Richard et Jacqueline Sainclivier (dir.), Les partis à l’épreuve de 68, op. cit., p. 185-193.
59 Nicolas Michel et Pihan Jean, Les Bretons et la politique, op. cit., p. 112-123.
60 Prigent François, Les réseaux socialistes en Bretagne des années 1930 aux années 1980, op. cit., t. 1, p. 239. Le Monde du 3 octobre 1973 totalise 19 gains pour le PS (7 en Loire-Atlantique, 4 dans les Côtes-du-Nord, le Finistère et l’Ille-et-Vilaine, mais un 5e est gagné peu après dans ce département).
61 Kernalegenn Tudi et Prigent François, « La marginalisation du PSU dans le système partisan français (1967-1975) », in Gilles Richard et Jacqueline Sainclivier (dir.), Les partis à l’épreuve de 68, op. cit., p. 159-171.
62 Soubigou Alain, Le conseil général des Côtes-du-Nord (1945-1976), maîtrise d’histoire, Paris, université Paris 4.
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