Chapitre VI. L’apogée de la République gaullienne (1962-1966)
p. 136-192
Texte intégral
1La fin de la guerre d’Algérie amène le général de Gaulle à changer de gouvernement en remplaçant Michel Debré, usé, par Georges Pompidou, un non-parlementaire. Déchargé du boulet algérien, le Général souhaite développer sa politique de grandeur et de souveraineté nationale en prenant ses distances avec les États-Unis d’Amérique. Il n’a plus autant besoin des centristes et il veut surtout engager une grande réforme constitutionnelle, n’hésitant pas pour ce faire à provoquer une grave crise politique à la fin de 1962. Contre les notables qui osent l’affronter, l’opinion publique le suit en particulier en Bretagne aussi bien en 1962 que lors des élections présidentielles de 1965 et des élections législatives de 1967. Mais en raison de la rapide modernisation de la région et du rajeunissement de la population, des facteurs de changement sont à l’œuvre dans la société bretonne générant un certain mécontentement. Comment ces changements se répercutent-ils dans la vie politique ?
Le retour à la normale : les centristes passent dans une semi-opposition
2La guerre d’Algérie achevée, la bataille politique reprend ses droits. Le 27 avril 1962, vingt et un députés bretons seulement sur 33 ont voté l’investiture de Georges Pompidou, le nouveau Premier ministre qui succède à Michel Debré, deux contre (René Pleven et Pierre Bourdellès) et dix se sont abstenus (quatre MRP). Les centristes, plévénistes et démocrates-chrétiens, prennent leur distance avec la majorité. Ils sont d’autant plus heurtés par la conférence de presse du général de Gaulle du 15 mai dans laquelle il s’est opposé à « l’Europe intégrée » qu’il avait rejeté en 1961 la première demande d’entrée du Royaume-Uni dans l’Europe des Six. Les six ministres MRP quittent le gouvernement ; les centristes pro-européens passent dans une semi-opposition au Général. Raymond Marcellin en profite pour revenir le 16 mai 1962 dans le gouvernement Pompidou remanié comme ministre de la Santé publique et de la Population, fonction qu’il occupera jusqu’en janvier 1966.
3Les forces vives de la Bretagne s’opposent depuis 1961 à la volonté centralisatrice de l’État gaullien qui refuse une loi-programme pour la région mais doit finalement, au début de 1962, agréer le CELIB présidé par René Pleven comme comité régional d’expansion économique, un organisme consultatif placé sous la tutelle du préfet de région. Un autre bras de fer, appelé un peu abusivement « bataille du rail » en référence à la Résistance, est en gestation. En effet, la SNCF souhaite réviser ses tarifs marchandises en fonction du « prix de revient », c’est-à-dire du coût réel du transport. La Bretagne risque d’être pénalisée du fait de son éloignement des grands centres économiques. En juin 1962, les 1 200 membres du CELIB réunis en assemblée générale à Lorient et les syndicats professionnels ont averti qu’ils étaient prêts à la confrontation. Les négociations avec le ministère et la SNCF échouent à la fin de septembre : on commence à barrer les voies ferrées en Basse-Bretagne. Le ministre des Transports décide alors de ne pas appliquer la réforme tarifaire en Bretagne et dans le Massif central, et on parvient à un compromis le 10 octobre. Cet accord était d’autant plus urgent que le pays est secoué par une crise politique qui va bouleverser durablement, à droite, le paysage politique breton.
Automne de 1962 : crise politique majeure et percée gaulliste en Bretagne
4La rupture avec les notables a été consommée lorsque Charles de Gaulle a décidé le 12 septembre 1962, après l’attentat du Petit-Clamart (22 août), de modifier la Constitution et de faire élire le président de la République au suffrage universel direct. Refusant le recours au référendum et prônant la voie parlementaire, 280 députés votent la censure du gouvernement Pompidou qui est renversé le 5 octobre 1962. Au moins 24 députés bretons MRP, centristes et indépendants de droite ont censuré le gouvernement, de même que deux UNR sur six, Bernard Le Douarec (Guérande) et Hervé Nader. Malade le jour du vote, Hervé Nader (Quimper) a fait voter la censure, ce qui lui vaut d’être exclu de l’UNR. Certains ont soutenu le gouvernement, dont bien sûr Raymond Marcellin avec la petite minorité du CNIP qui suit Valéry Giscard d’Estaing devenu ministre des Finances le 18 janvier 1962. Membre du « Cartel des non », le CNIP n’est pas suivi par tous ses députés bretons. Dans le Finistère, les trois indépendants ont censuré le gouvernement, mais un mois et demi plus tard Jean Crouan s’est ravisé appelant à voter oui au référendum par fidélité à de Gaulle. En Loire-Atlantique, trois indépendants censurent Pompidou, mais pas Olivier de Sesmaisons qui a soutenu la politique algérienne de De Gaulle depuis 1959. Il quitte le CNIP et va bientôt rejoindre le groupe des Républicains indépendants (RI) de Valéry Giscard d’Estaing. En Bretagne, la censure est votée par dix MRP sur 12, les deux plévénistes, dix indépendants sur 12 et deux UNR sur six1. Trente-trois des 37 membres du groupe de l’Entente démocratique, le groupe des radicaux centristes auquel René Pleven appartient, ont voté la censure2. En réponse, de Gaulle dissout l’Assemblée nationale le 10 octobre et convoque un référendum sur sa réforme.
5Les partis de gauche (PCF, SFIO, PSU) font campagne pour le non tout comme les radicaux. La direction nationale du MRP est divisée entre les partisans du oui et ceux du non, dont les responsables bretons André Colin et Pierre-Henri Teitgen, ainsi que Jean Lecanuet. Le parti appelle à voter non3. Dans son Petit Bleu des Côtes-du-Nord, René Pleven fait campagne pour le non, soulignant « Le choix difficile » : « Ce vote qui coûte plus à ceux d’entre nous qui répondirent à l’appel du 18 juin qu’à tant d’autres » (27 octobre 1962). Le comité directeur de son microparti, l’Union démocratique des Côtes-du-Nord, a approuvé le choix du non car, selon lui, ce référendum est « entaché de très grave illégalité » et on ne veut « s’associer en aucune manière à la violation de la Constitution » (débat entre l’article 89 et l’article 11). Mais, contrairement à l’unanimité réalisée sur les accords d’Évian, cette position n’est entérinée que par 52 voix contre 11 et un bulletin blanc. Le « Cartel des non » défend en effet une conception et une lecture parlementaristes de la Constitution dans le prolongement du premier modèle républicain de la IIIe et de la IVe République, craignant le bonapartisme du chef de l’État, quand l’UNR, en dépit de dissidences, soutient de Gaulle.
6Charles de Gaulle met tout son poids dans la balance. La réponse de l’électorat le 28 octobre 1962 est sans ambiguïté : le oui recueille 74,4 % des suffrages exprimés en Bretagne pour seulement 61,7 % au niveau national (avec une abstention de 22,8 %). L’agitation paysanne de 1961 et les questions tarifaires n’ont guère pesé. Au contraire, l’électorat breton a désavoué ses notables traditionnels. Au gaullisme présidentiel, la majorité des Bretons va bientôt ajouter le gaullisme législatif. À la veille d’élections législatives qui risquent d’être périlleuses pour le parti gaulliste qui a été en partie désorganisé par les secousses de la guerre d’Algérie (départ de 35 parlementaires), sous la pression du Général et de Michel Debré qui dirige la campagne, les négociations entamées avec l’Union démocratique du travail (UDT) de Louis Vallon et René Capitant, des gaullistes de gauche, aboutissent : l’UNR concède 33 circonscriptions à l’UDT qui va faire élire quatorze de ses membres, dont Robert Richet à Saint-Brieuc, mais Henri Blandin est battu à Lannion4. Le parti gaulliste peut ainsi ratisser plus large. D’ailleurs, l’UDT fusionnera avec l’UNR après les élections.
7Les élections législatives des 18 et 25 novembre 1962 se traduisent en France par une forte poussée de l’UNR (233 sièges) au détriment des indépendants de droite (CNIP) balayés, sauf la fraction giscardienne qui, avec Raymond Marcellin, se regroupe au sein du groupe des Républicains indépendants (36 députés RI). La gauche regagne du terrain depuis 1958 notamment en raison des désistements républicains au second tour. Pour la première fois depuis bien longtemps, le patron de la SFIO Guy Mollet donne pour consigne de voter pour un communiste si cela permet de battre un UNR. Le PCF passe de dix à 41 députés, la SFIO de 44 à 66, on compte une quarantaine de députés de centre gauche au groupe Rassemblement démocratique, 26 radicaux et l’UDSR François Mitterrand élu dans la Nièvre. Les grands perdants sont les élus du MRP et du CNIP qui se retrouvent dans le Centre démocratique (55 députés, une quinzaine d’indépendants), groupe auquel s’inscrit René Pleven.
8En Bretagne, 152 candidats, dont 65 de gauche, se présentent. Résultat de la crise politique qui vient de secouer le pays, le renouvellement est important : 17 nouveaux députés sur 33 (voir les tableaux I, II et III, p. 167, 169 et 171), mais le taux de participation de 69,5 % a faibli depuis le référendum du 28 octobre (77,2 %), sauf dans les Côtes-du-Nord (80 %). Un tiers des députés sont élus au premier tour et, contrairement à 1958, une tendance à la bipolarisation partisane se dégage : on ne note plus que quatre triangulaires et trois quadrangulaires, surtout dans le Finistère. Comme au niveau national, le paysage parlementaire est marqué par la poussée gaulliste au détriment de nombreux sortants de la droite traditionnelle et du MRP. La Bretagne s’affirme comme un nouveau bastion du gaullisme parlementaire : ses 26 candidats du premier tour sont passés de 16,5 % des voix en 1958 à 28,6 % en 1962 (32 % au niveau national)5. Au soir du second tour, la région envoie 16 UNR-UDT au Palais-Bourbon. C’est un vrai raz de marée dans le Finistère (36,7 % des voix au 1er tour) et en Loire-Atlantique (28,8 % des voix).
9La poussée gaulliste est impressionnante dans le Finistère : six sièges sur huit, réduisant le MRP qui avait été le grand gagnant des sénatoriales au seul député Louis Orvoën très difficilement réélu à Quimperlé au 2e tour dans une quadrangulaire avec 37,5 % des suffrages exprimés contre un communiste, un UNR et un centre gauche. Ce n’est pas le cas de l’UNR Gabriel de Poulpiquet réélu dès le premier tour avec 73,8 % des voix dans le Léon occidental (voir le tableau I, p. 167)6.
10Les circonscriptions de Brest et de Quimper sont disputées (sept candidats chacune dont un SFIO et un PSU). À Brest, Georges Lombard (CNIP) est sanctionné par l’électorat de droite en raison de ses positions (Algérie, censure), largement distancé au 1er tour et battu au second dans une triangulaire par le leader de l’UNR Charles Le Goasguen. Les trois candidats de gauche ne recueillent que 28,6 % et l’ancien député MRP Emmanuel Fouyet n’atteint pas les 5 % au 1er tour. Comme Yves Jaouen en 1958, après son échec Georges Lombard démissionne de son poste de maire, rompant son alliance de 1959 avec l’UNR, mais il est réélu contre le nouveau député en janvier 1963. À Quimper, l’UNR règle ses comptes avec son ex-député Hervé Nader éliminé dès le 1er tour. L’UNR Roger Évrard est facilement élu au second tour contre le cadre communiste Daniel Trellu. Jean Crouan et Joseph Pinvidic (CNIP) ne se représentant pas, leur succession suscite bon nombre de candidatures de personnalités locales de droite et du centre (cinq à Châteaulin, six à Landivisiau7). Suzanne Ploux, indépendante passée à l’UNR, gagne la quadrangulaire avec un tiers des suffrages seulement. À Landivisiau, l’UNR Antoine Caill s’impose largement. C’est aussi le cas de Gabriel Miossec à Douarnenez qui, après avoir distancé Xavier Trellu, le député sortant et président de la fédération MRP du Finistère, bat le candidat communiste. L’enjeu de ces élections de 1962 est la circonscription de Morlaix qui est reprise au second tour au Dr Le Duc par Tanguy Prigent (PSU, 52,3 %). À droite, le député sortant (CNIP, gaulliste) avait contre lui un maire et conseiller général MRP, mais aussi un candidat de l’UNR.
11Dans le Morbihan, où le PCF et la SFIO (12,8 % des voix) présentent des candidats dans les six circonscriptions, cinq députés sortants sur six sont réélus dès le 1er tour : 85,1 % des voix pour Raymond Marcellin, 76,3 % pour Yves du Halgouët, 73,6 % pour l’abbé Laudrin (UNR) et même 62,2 % pour Paul Ihuel (MRP). Le seul siège en ballotage est celui de Lorient où l’ancien ouvrier métallurgiste devenu industriel Maurice Bardet (UNR), cadre du RPF, l’emporte (57,6 %) contre Jean Maurice, le maire communiste de Lanester. Le sortant Louis Le Montagner (CNIP) a été distancé au 1er tour.
Tableau I. – Les résultats des principaux candidats du Finistère (en % des suffrages exprimés) aux élections législatives de 1962, 1967, 1968.

12En Ille-et-Vilaine, les sortants MRP qui ont voté la censure, Henri Fréville à Rennes-Nord (50 %) et Alexis Méhaignerie à Vitré (54,8 %), ont été réélus au 1er tour comme Isidore Renouard à Redon (65,1 %) qui n’a pas censuré le gouvernement Pompidou et va s’apparenter aux RI. L’UNR n’a que deux élus en Ille-et-Vilaine malgré sa poussée en voix. Car le général Guillain de Bénouville, exclu de l’UNR à cause de ses positions pro-Algérie française, ne s’est pas représenté, si bien que la circonscription de Fougères est perdue au profit du vétérinaire et conseiller général (CNIP) Jean-François Le Lann (47,7 %) contre un gaulliste et un radical soutenu par la SFIO8. En revanche, le « parachutage » à Saint-Malo d’Yvon Bourges (Ve République), un haut fonctionnaire qui a fait carrière en Afrique Noire (gouverneur de l’AEF en 1958) et directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur, mais a des attaches familiales en Ille-et-Vilaine, est un succès. Au soir du 1er tour, le sortant MRP Georges Coudray est largement distancé, il se désiste pour Yvon Bourges (77,3 % des voix) qui bat le communiste J. Lemaitre9. De même, à Rennes-Sud, l’avocat UNR François Le Douarec, le frère de Bernard député UNR de Guérande de 1958 à 1962, bat dans une triangulaire le sortant CNIP Henri Jouault qui était partisan de l’Algérie française.
13En Loire-Atlantique, les droites conservent sept sièges sur huit mais le CNIP, en dehors d’Olivier de Sesmaisons qui n’a pas voté la censure et a rejoint les RI, est éliminé car l’UNR enlève cinq circonscriptions au second tour en particulier à Nantes (voir le tableau II, p. 169)10.
14Dans la circonscription bourgeoise du centre-ville Henry Rey (UNR) est réélu au second tour contre le candidat communiste et le MRP Jean Le Mappian. Le socialiste SFIO André Routier-Preuvost a été devancé au 1er tour par H. Hemedy (PCF) du fait de la candidature du PSU Jacques Dulac (5,2 %), ce qui n’arrange pas les relations entre les socialistes nantais. Dans la nouvelle chambre, Henry Rey devient vice-président puis président (le 16 mai 1963) du groupe UNR-UDT tout en accédant au comité central et à la commission politique. Il est donc dans les années 1960, l’une des principales personnalités du parti gaulliste qui enlève les deux autres circonscriptions de l’agglomération nantaise au CNIP. À Nantes-2 (ouest-Saint-Herblain), le député-maire sortant Henry Orrion est battu au 1er tour par Albert Dassié (UNR), l’ancien suppléant d’Henry Rey ; Dassié l’emporte au second tour contre le socialiste SFIO Christian Chauvel. La 3e circonscription (sud de l’agglomération) revient à l’UNR Benoît Macquet, représentant de commerce, ancien résistant et déporté, qui a devancé au 1er tour le député sortant (CNIP) et maire de Bouguenais Henri Robichon (CNIP). Il ne fait pas de doute que le notable a été sanctionné par les électeurs pour son opposition à la politique algérienne du général de Gaulle. Au second tour, Macquet s’impose face au maire SFIO de Rezé Alexandre Plancher.
Tableau II. – Les résultats des élections législatives en Loire-Atlantique de 1962 à 1973 au second tour (en % des suffrages exprimés).

* = Élu au 1er tour.
15Comme en 1958, la circonscription ouvrière de Saint-Nazaire est très disputée. Cette fois, François Blancho, le maire de la ville et ancien député d’avant-guerre bat au second tour Nestor Rombeaut, le député MRP sortant, et le candidat de l’UNR grâce aux voix communistes. Dans les quatre autres circonscriptions rurales, les droites conservent le pouvoir, même si le renouvellement des hommes est important car les deux CNIP sont éliminés par des gaullistes. Seul le marquis Olivier de Sesmaisons, qui a quitté le CNIP, est confortablement réélu dans son fief d’Ancenis, avec l’appui de l’UNR, contre le maire MRP de la ville Maurice Moutel et un candidat du CNIP. Bernard Lambert, qui a pris ses distances avec la démocratie chrétienne pendant la guerre d’Algérie, est battu dès le 1er tour à Châteaubriant par Xavier Hunault, le nouveau maire de la ville, qui a fait l’union des droites – sans étiquette précise il va siéger comme non inscrit. Le jeune syndicaliste agricole est en train d’évoluer vers la gauche. Hunault fonde une dynastie politique qui existe toujours en 2020. L’UNR enlève les deux dernières circonscriptions dans lesquelles les candidats de gauche (PCF et SFIO à Guérande) font de très faibles scores. Pierre Litoux (UNR) conserve la circonscription de Guérande contre le candidat du MRP. Bernard Le Douarec, qui a voté la censure et a démissionné de l’UNR, ne s’est pas représenté. À Paimbœuf, le Dr Richard (apparenté UNR) bat le député sortant Jean de Grandmaison. Par-delà les turbulences et les alternances, il sera réélu jusqu’en 1993. En Loire-Atlantique, les élections législatives de 1962 traduisent le glissement de l’électorat de droite vers le gaullisme (cinq députés sur huit), l’élimination du CNIP qui perd près des deux tiers de ses électeurs de 1958 et la reconquête de Saint-Nazaire par la SFIO. Les électeurs de droite ont sanctionné les notables qui s’étaient opposés à de Gaulle en renouvelant fortement leurs députés : six sur huit, dont cinq UNR.
16Les Côtes-du-Nord restent centristes : les quatre sortants sont réélus, dont René Pleven à Dinan dès la 1er tour (75,2 %) contre le communiste Roger Esnault (voir le tableau III, p. 171)11. À Guingamp, le sortant MRP Alain Le Guen, soutenu par l’UNR parce qu’il n’a pas voté la censure, l’emporte au second tour contre son adversaire communiste François Leizour, mais il a été menacé au 1er tour par le maire de la ville, l’indépendant Édouard Ollivro (23,9 %). Le PSU et le socialiste Alexandre Thomas à Guingamp se sont désistés pour le communiste, de même que le communiste Édouard Quemper (12,5 %) en faveur d’Antoine Mazier (PSU) à Saint-Brieuc. Les communistes font campagne pour l’école publique et contre « le danger de dictature ». L’avocat UNR-UDT Henri Blandin, élu maire de Lannion en mai 1961, se maintient sans succès au second tour pour tenter de battre le centriste Pierre Bourdellès. Seul changement : l’entrepreneur en bâtiment Robert Richet (UNR-UDT) l’emporte à Saint-Brieuc (51,6 %) contre le nouveau maire Antoine Mazier (PSU) après avoir devancé à droite le sortant MRP Victor Rault.
17À droite, les grands perdants de la poussée gaulliste sont les indépendants du CNIP qui ont voté la censure : ils n’ont plus qu’un seul député en Bretagne, n’en conservant que 29 en France sur 133 en 1958. Les trois rescapés (RI) ont rallié la majorité gaulliste tandis qu’à Châteaubriant, l’huissier Xavier Hunault, maire de la ville depuis 1959, siège comme non inscrit mais est à droite. Dans leurs bastions du Finistère et de Loire-Atlantique, c’est un désastre pour les indépendants qui sont rayés de la carte. L’électorat de la droite catholique les a abandonnés en rase campagne pour rallier le gaullisme, mais ce sont parfois les mêmes personnalités comme Suzanne Ploux, élue dans une quadrangulaire à Châteaulin avec l’appui de Jean Crouan. Vingt et un députés bretons sur trente-trois appartiennent à la nouvelle majorité (UNR-RI) de Georges Pompidou.
Tableau III. – Les résultats des élections législatives de 1962, 1967, 1968 dans les Côtes-du-Nord.

*Au 1er tour, seuls les résultats des principaux candidats sont indiqués.
18Les centristes du groupe du Centre démocratique (dix députés) reculent aussi, le MRP ne conservant que sept sortants, les autres ayant été battus par des gaullistes. S’y ajoutent les deux plévénistes et un CNIP à Fougères12. Notons que le MRP Christian Bonnet, réélu à Auray, se rapproche de Raymond Marcellin qu’il rejoindra bientôt chez les giscardiens (RI). En 1962, la gauche amorce une légère remontée grâce à des accords de désistement au second tour entre le PCF, la SFIO et le PSU. À Saint-Nazaire, le député d’avant-guerre François Blancho (SFIO) revient à l’Assemblée. La SFIO reprend son fief nazairien tout comme Tanguy Prigent le sien à Morlaix. Tanguy Prigent est l’un des deux députés du PSU en France et bientôt le seul. Le PSU n’a présenté que neuf candidats, dont quatre dans les Côtes-du-Nord (12,9 % des voix en moyenne départementale), trois dans le Finistère (4,3 %), Charles Foulon à Rennes-Nord (2,1 %) et Jacques Dulac (ex-PSA) à Nantes-1 (5,2 %)13. À Nantes, cette intrusion du PSU est mal perçue aussi bien par la SFIO que par le PCF, même si Dulac s’est désisté pour le communiste au 2e tour. Ces résultats permettent de mesurer le poids réel et de fait la faiblesse électorale du nouveau parti en Bretagne en dépit de sa victoire à Morlaix. La gauche non communiste divisée (32 candidats) n’a pourtant rassemblé que 13,1 % des voix, reculant de 1,2 % par rapport à 1958. Le PSU en a recueilli 4,32 % et la SFIO 7,48 %. Après son recul de 1958, le PCF a regagné 2 % des voix (14,5 %), remontant à 22,7 % dans les Côtes-du-Nord. Pourtant, les gauches ne représentent plus qu’un peu plus du quart de l’électorat de la région en 1962 (27,4 %, ne gagnant que 0,8 point sur 1958).
19En 1962, la Ve République désormais bien installée donne à voir une Bretagne acquise au général de Gaulle, massivement ancrée à droite avec un centrisme de centre droit principalement démocrate-chrétien encore influent et une gauche divisée très affaiblie. Cette situation politique va rester globalement valable jusqu’en 1981, même si des forces de changement sont à l’œuvre dans la société dans les années 1960-1970. En effet, lorsque la France tourne la page de la guerre d’Algérie, grâce à son dynamisme démographique et à la volonté de ses hommes, la Bretagne s’est déjà engagée dans un processus de modernisation économique et social qui fait bouger les cadres traditionnels. Mais il faudra deux décennies pour que ces forces de changement conduisent à l’alternance politique.
Les partis de gauche dispersés dans les années 1960
20De 1958 à 1962, les partis de gauche ont souffert de la nouvelle donne politique même si la guerre d’Algérie a permis des rapprochements militants entre le PCF et le PSU et avec des syndicalistes engagés de la CGT, de la CFTC, de la FEN et de l’UNEF. En 1962, le « Cartel des non » a clairement conduit Guy Mollet et la SFIO à entrer dans une opposition ferme au pouvoir gaulliste. Le désistement au second tour de la SFIO, pratiqué à peu près partout, a ouvert des possibilités de rapprochement avec les communistes. Comment les partis de gauche traversent-ils ces années d’opposition au gaullisme en Bretagne ?
21Fort de son socle militant, de son contrôle de la CGT et de son rayonnement à travers de nombreuses associations amies, le PCF domine d’autant plus à gauche que les socialistes se sont divisés en deux partis rivaux. La présence le plus souvent au second tour aux élections législatives de 1962 de communistes contre des gaullistes ou des centristes témoigne de leur implantation électorale. Quand on considère ses effectifs en Bretagne, on constate que le PCF a subi le contrecoup de son opposition frontale au général de Gaulle et de son recul électoral de 1958, ne parvenant à rattraper le niveau de 1958 qu’en 196214. Du fait d’une certaine ouverture à gauche, il monte à environ 10 500 adhérents dans les années 1963-1967, une augmentation de 23,5 % tout de même de 1962 à 1965, puis stagne à ce niveau. Les événements de Mai 1968 augmentent peu les effectifs. Cependant, la région ne représente que 3,3 à 3,8 % des effectifs nationaux, si bien qu’elle n’est guère représentée au comité central (deux suppléants de 1964 à 1970). Comme dans les années 1930 et à la Libération, les deux principales fédérations sont celles des Côtes-du-Nord et du Finistère. Celle de Loire-Atlantique n’est pas à la hauteur de l’importante population d’ouvriers et d’employés de la Basse-Loire (voir le tableau IV, p. 173)15.
Tableau IV. – L’évolution des adhérents du PCF en Bretagne de 1958 à 1968.

22La sociologie des secrétariats fédéraux de 1953 à 1968 montre que les ouvriers en constituent plus de la moitié, et même 73 % dans le Morbihan et en Ille-et-Vilaine, pour près d’un quart d’enseignants et 12,5 % d’employés. Exception : il y a 16,7 % de paysans dans les Côtes-du-Nord où le Parti est bien implanté dans le Centre-Bretagne16. Mais la plupart sont permanents et élus (conseillers municipaux et généraux). Les principaux dirigeants fédéraux, originaires à 80 % de la région, sont stables depuis les années 1950-1960 : Marcel Alory de 1950 à 1977 et Édouard Quemper dans les Côtes-du-Nord ; Armand Guillemot dans le Morbihan ; Paul Le Gall (1956-1971, membre du comité central de 1964 à 1982) dans le Finistère, relayé par Louis Le Roux (1953-1986, au comité central de 1970 à 1986). La fédération d’Ille-et-Vilaine traverse une crise en 1962 notamment en raison de la séparation des époux Guerlavas – Émile était secrétaire fédéral du Parti mais il reste au bureau fédéral, Simone est secrétaire de l’UD CGT. La direction envoie Serge Huber, un cadre confirmé ancien métallurgiste venant de la région parisienne, pour redresser une fédération en difficulté, la plus faible de Bretagne ; il oriente le travail militant vers les entreprises et Citroën. Il sera secrétaire fédéral de janvier 1963 à 1977, mais aussi secrétaire interdépartemental des quatre départements bretons et suppléant au comité central. En 1964, Huber doit en outre gérer la crise de l’Union des étudiants communistes (UEC) à Rennes.
23Dans les années 1960, le comité fédéral d’Ille-et-Vilaine compte une quarantaine de membres (sept femmes) avec une moyenne d’âge de 40 ans (en 1966) et on note une assez grande stabilité de sa composition17. Les fédérations bretonnes du PCF sont dans la ligne nationale, mais les élus locaux, maires et conseillers généraux, essentiellement en Basse-Bretagne, s’adaptent au terrain. S’appuyant sur des personnalités reconnues, souvent issues de la Résistance, le communisme rural est plus en phase avec les problèmes locaux et l’opposition à la majorité de droite qu’avec les débats idéologiques. Les sociabilités communistes sont fortes. Cet ancrage permet au PCF de conserver des municipalités dans les Côtes-du-Nord de 1945 à 1959 et au-delà dans les cinq cantons de Haute-Cornouaille où il recrute environ 10 % de ses adhérents18. La force de cette fédération est visible : à la fin de mai 1965, elle peut réunir 143 délégués lors d’une conférence fédérale et près de 2 000 personnes à la fête de L’Aube nouvelle.
24Quoi qu’il en soit, la direction nationale toujours très liée au « parti frère » d’Union soviétique, s’efforce de développer une ligne unitaire à gauche. Et il ne semble pas que « l’affaire Casanova-Servin », l’élimination de ces deux hauts responsables longtemps proches de Maurice Thorez par le secrétaire général lui-même au XVIe congrès du PCF (mai 1961), ait d’importantes répercussions dans les fédérations bretonnes19. Lors de ce congrès, Waldeck Rochet devient secrétaire général adjoint, un homme favorable à une évolution en douceur du parti communiste vers davantage de déstalinisation. Après la mort de Maurice Thorez en juillet 1964, il accentue le mouvement en faveur de l’union de la gauche (XVIIe congrès) qui porte quelques fruits aux élections cantonales de 1964 et municipales de 1965 grâce à des accords avec la SFIO. Fort de ses 280 000 militants en 1965 – des effectifs en progression depuis 1962 (+7,7 %) –, et de ses bases électorales, le PCF est un parti puissant.
25À côté, l’épuisement militant de la SFIO transparaît dans l’évolution officielle du nombre de ses adhérents de 1958 à la disparition du parti en 1969 (voir le tableau V)20. Après avoir perdu la moitié de ses adhérents entre 1958 et 1962 (départ vers PSA puis le PSU), le parti de Guy Mollet en perd encore la moitié en Bretagne de 1962 à 1969, ne devenant qu’une force résiduelle (1,8 % des effectifs nationaux), sauf en Loire-Atlantique. Le parti de Jean Jaurès et de Léon Blum, qui n’apparaît plus qu’à l’occasion des élections, est devenu une formation d’élus sans réelle activité militante21.
26Pourtant, faisant face à la dissidence du PSA-PSU, plusieurs anciens députés se sont efforcés de maintenir les fédérations de la SFIO, tels Hervé Mao, le maire de Châteaulin dans le Finistère, Alexis Le Strat en Ille-et-Vilaine (jusqu’en 1966), Jean Le Coutaller (décédé en 1960) dans le Morbihan ou Alexandre Thomas, exploitant agricole et maire de Moustéru, dans les Côtes-du-Nord où il est appuyé par le Briochin André Laithier, secrétaire du l’UD CGT-FO de 1948 à 1967. Responsable agricole de la SFIO, permanent régional, Alexandre Thomas participe à des tournées de propagande dans les départements tout au long des années 1960 pour tenter de relancer les activités22.
Tableau V. – L’évolution des adhérents de la SFIO en Bretagne de 1958 à sa disparition en 1969.

27Mais les temps sont durs pour « la vieille maison ». Le préfet du Finistère note le 18 avril 1963 : « La fédération socialiste se survit grâce à l’activité de son principal animateur Mao23. » Un questionnaire adressé par le centre national à dix sections à l’automne en dit long sur l’atonie générale : l’ancien secrétaire de 81 ans (depuis 41 ans, donc 1922) de la section de Poullaouen dans la Montagne, région de gauche, indique qu’il n’a pas pu trouver de remplaçant et qu’elle est en sommeil depuis le 1er janvier ; il n’y a plus de bureau depuis deux ans alors qu’il restait neuf adhérents en 1962. Partout, les adhérents sont « un peu vieux pour militer activement » et très peu nombreux : huit en moyenne, moins de douze à Audierne, une dizaine dans la région de Roscoff-Saint-Pol-de-Léon, trois ou quatre seulement autour de Lanmeur où les socialistes ont rejoint Tanguy Prigent au PSU. Mais on ne dispose pas des données des villes. Le Breton socialiste est réduit à deux pages tous les quinze jours. À Brest, le salut réside dans le rapprochement avec le PCF et les autres partis de gauche (radicaux, PSU, JR), position adoptée par le congrès fédéral du 12 mai 1963. Au congrès national de mai-juin 1963, Hervé Mao défend la thèse d’un regroupement des forces de la gauche non communiste pour peser à côté du PCF et contre la droite. À Brest, Robert Gravot, conseiller général battu en 1964, prend ses distances après une tentative avortée de rapprochement avec Georges Lombard aux élections municipales de 1965. Il refuse la liste d’union avec le PCF et le PSU. C’est aussi le cas à Concarneau où Charles Linement est réélu maire contre la liste communiste. La situation se dégrade au point qu’en 1967, alors qu’elle revendique encore 200 adhérents, la fédération du Finistère n’envoie aucun délégué au 56e congrès national de la SFIO.
28La situation n’est guère plus brillante dans les Côtes-du-Nord où le PSU s’est imposé. Le congrès fédéral, élargi à la section de Saint-Brieuc, n’a réuni qu’une vingtaine de personnes le 22 mai 1965 en présence d’Alexandre Thomas et de Jean Le Garzic, les deux principaux responsables. En novembre 1965, la direction est réorganisée car depuis l’été des divergences opposent ceux qui, comme André Laithier, sont favorables aux initiatives de rénovation de Michel Phlipponneau rencontré à Rennes et Le Garzic qui s’y oppose24. Thomas souhaiterait abandonner le secrétariat fédéral en raison de ses responsabilités nationales et régionales. La fédération de Loire-Atlantique est solidement tenue en main par André Routier-Preuvost qui devient le 2e adjoint d’André Morice à Nantes en 1965. En Ille-et-Vilaine, le professeur de lycée Charles Lecomte devient secrétaire fédéral en 1966 tout comme l’instituteur Yves Guélard dans le Morbihan en 1963. Vieillissement et défections frappent partout la SFIO après les élections de 1965. Cette situation contraste avec le dynamisme apparent du PSU qui a pourtant un peu moins d’adhérents (voir le tableau VI, p. 176)25, un parti dont le rayonnement et la force d’attraction dépassent le cadre partisan.
29À partir de 1960, la Bretagne constitue avec la région parisienne l’un des principaux points d’appui du nouveau Parti socialiste unifié (PSU). Mais après l’intense mobilisation contre la guerre d’Algérie et en dépit de son réseau d’élus dans deux départements, le PSU connaît une baisse de ses effectifs qui se stabilisent de 1964 à 1967. D’incessants débats et luttes de courants finissent par lasser des adhérents qui s’en vont. À la fin de 1963, une crise traverse la fédération de Loire-Atlantique : les membres fondateurs sont remplacés par une nouvelle équipe, le parti est affaibli à Nantes puis dans les villes de Basse-Loire en 1964 malgré les efforts de réorganisation26. En 1965, le PSU fait liste commune avec le PCF à Saint-Nazaire ainsi qu’à Nantes contre la liste UNR et celle d’André Morice allié à la SFIO, ce qui, encore une fois, n’arrange pas ses relations avec les socialistes locaux27. Le refus de s’engager dans la campagne de François Mitterrand en 1965 provoque des départs compensés par l’adhésion de dirigeants de la CFDT (Gilbert Declercq). En 1966, signe d’un certain regain, l’adhésion d’anciens du MRP, dont celle de Bernard Lambert (en juillet), est acceptée par le Comité politique national (CPN) et la section de Nantes.
30Dans les Côtes-du-Nord, Antoine Mazier est secrétaire fédéral jusqu’à son décès en décembre 1964, fonction reprise au congrès fédéral du 17 janvier 1965 par son épouse Jeanne Mazier en présence de Serge Mallet, puis assumée par Yves Dollo. Le PSU, dirigé par un comité fédéral (CF) de 13 membres, réunit alors une centaine de personnes représentant 30 sections28. Dans le Finistère, Paul Trémintin assure cette responsabilité, de même que Charles Foulon qui, en Ille-et-Vilaine, est partisan d’une ligne unitaire avec le PCF. La rotation des secrétaires fédéraux est forte en Loire-Atlantique, dont deux membres siègent à la CPN en 196529. Comme à la SFIO, de nombreux enseignants s’investissent dans ce parti porteur des espoirs de rénovation du socialisme, mais les départs provoqués par les luttes de courants en freinent le développement. De fait, les effectifs du PSU restent limités en Bretagne, région qui compte néanmoins environ 10 % des effectifs nationaux.
Tableau VI. – L’évolution des adhérents du PSU en Bretagne de 1961 à 1967.

31Laboratoire d’idées, le PSU contribue avec les clubs qui foisonnent au début des années 1960 à refonder la gauche et à faire évoluer ses vieux partis en prenant en compte, en Bretagne, la question de l’État, du pouvoir et la question régionale. Dès les années 1950, les députés socialistes Tanguy Prigent, président de la commission parlementaire jusqu’en 1958, et Antoine Mazier avaient activement participé aux travaux du CELIB, mais passés au PSU, ils deviennent plus critiques à l’égard de cet organisme contestant le poids et les blocages des élus UNR après 196230. Ces réflexions et projets ont encore bien peu d’incidences sur la vie politique et les résultats électoraux.
Les enjeux politiques d’avant présidentielles : cantonales, municipales, sénatoriales (1964-1965)
32Le référendum et les élections législatives de novembre 1962 ont conforté le pouvoir du général de Gaulle et fortement réduit l’activité des partis d’opposition renforçant l’UNR au niveau national. Selon le préfet du Finistère qui exprime un constat plus général, l’opposition serait même entrée « en hibernation » (18 avril 1963) car « la vie politique est littéralement figée » (22 avril 1963). Dans le Finistère et ailleurs, le CNIP a éclaté et l’activité du MRP « mise en sommeil ». L’opinion publique se désintéresse. L’UNR se repose sur l’action de ses parlementaires, si bien que son implantation locale ne progresse guère même dans le Finistère ou en Loire-Atlantique. Les élus locaux de droite et du centre songent surtout à leur réélection.
33Deux ans après la fin de la guerre d’Algérie, alors que le pays est en pleine expansion et que des entreprises ont été décentralisées en Bretagne, créant des emplois industriels (Citroën à Rennes-La Janais, Michelin à Vannes, le Joint français à Saint-Brieuc, la CSF à Brest, des usines de téléphonie à Lannion…), les élections cantonales des 8 et 15 mars 1964 ne bouleversent guère les équilibres politiques, même si des présidences changent de main. Dans le Finistère, usé et vieillissant, mis en cause par des manifestations paysannes réprimées par son ami le préfet Ériau, Jean Crouan est nettement distancé au 1er tour (32,1 % des voix) par le MRP Édouard Le Jeune. Il se retire au second tour, achevant ainsi une longue carrière politique31. Le sénateur MRP André Colin devient président du conseil général avec l’appui des modérés. Dans le Morbihan, le ministre Raymond Marcellin évince le centriste MRP Paul Ihuel. En Loire-Atlantique, le sénateur Abel Durand n’est nullement menacé puisqu’au 1er tour, seize indépendants de droite et le MRP Le Doze ont été réélus32.
34Dans tout le pays et malgré une faible participation, la poussée de la gauche est sensible. Face aux sortants de droite et du centre qui jouent l’apolitisme au point de souvent gommer leurs étiquettes, les candidats de gauche parient sur la politisation. Le PCF conserve ses positions dans les Côtes-du-Nord, dans son bastion de Haute-Cornouaille (quatre conseillers généraux, le 5e étant un PSU à Glomel), et François Leizour reprend le canton de Guingamp, passant de cinq à six sièges. Les socialistes gagnent sept cantons en Bretagne, passant de 15 en 1958 et 1961 à 22 en 1964 du fait de progrès dans les Côtes-du-Nord et en Loire-Atlantique. Dans le premier département dominé par le PSU, les socialistes passent de huit à douze sièges de 1958 à 1964 et de un (Jean-Baptiste Guitton) à quatre pour 13 candidats et 46 cantons dans le second33. En Loire-Atlantique, Alain Chauvel et Alexandre Plancher (SFIO) gagnent les cantons de Nantes-6 et de Rezé. Dans les Côtes-du-Nord, l’union du PSU avec le PCF et l’Action travailliste, des laïques et des catholiques de gauche, ainsi qu’une active campagne d’Antoine Mazier commencent à porter leurs fruits : après la reconquête en 1962 de Bégard par François Clech père (PSU) lors d’une élection partielle, le PSU gagne trois sièges34, le PCF a six élus, deux centristes radicaux l’emportent avec des voix de gauche, si bien qu’avec André Cresseveur (Action travailliste), élu à Plestin-les-Grèves en 1961, l’opposition à René Pleven dispose de 21 sièges contre 27 à la majorité. Le président sortant est réélu avec 28 voix car un radical l’a rejoint35. Roger Prat (PSU) prend Morlaix mais Robert Gravot (SFIO) est battu à Brest.
35Les élections cantonales de 1964 se sont traduites par quelques progrès de la gauche en Bretagne quand il y avait un rapprochement entre socialistes et communistes. Vont-ils se concrétiser aux élections municipales des 14 et 21 mars 1965 ? La nouvelle loi électorale supprime le panachage et la proportionnelle imposant des listes bloquées dans les villes de plus de 30 000 habitants. Du fait de l’accélération de l’exode rural et d’une certaine industrialisation, la plupart des villes bretonnes connaissent une forte croissance démographique, édifiant des logements HLM dans des zones à urbaniser en priorité (ZUP), construisant des établissements scolaires (collèges, lycées, campus universitaires à Rennes, Nantes et bientôt à Brest). La population est rajeunie et la sociologie urbaine change, mais pas au point de bouleverser le paysage politique municipal au-delà de la relève des générations dans certaines cités. Des équipes sortantes sont reconduites, en général au second tour, à Rennes (Yves Fréville), Brest (Georges Lombard), Saint-Nazaire (François Blancho), Quimper (Yves Thépot), Morlaix (Jean Le Duc), Saint-Brieuc (Yves Le Foll), Guingamp (Édouard Ollivro), Lannion (Henri Blandin), Loudéac (Pierre Étienne). Mais à Dinan, le sortant André Aubert (CNIP) est battu par la liste modérée de Yves Blanchot (17 élus contre 10). De même à Landerneau, Jean-Louis Rolland (SFIO), maire depuis 1929, est battu d’une centaine de voix par la liste de droite (50,04 %) de Théophile Le Borgne (UNR) devenu conseiller général l’année précédente. Si de nouveaux maires sont élus à Saint-Malo, Fougères, Vitré et Redon, les majorités politiques de droite ne changent pas. À Rennes, Henri Fréville a renforcé sa tutelle sur une cité en plein essor (33 MRP et 4 indépendants).
36Poursuivant son cumul des mandats, Raymond Marcellin (RI) est devenu maire de Vannes (69,1 % des voix) dès le 1er tour contre la liste d’union de la gauche. Francis Decker, ne se représentant pas, a fait appel à lui afin d’éviter l’éclatement des forces de droite et du centre. La question se pose aussi à Nantes avec le retrait de Henry Orrion. Contre l’UNR (liste Monnet soutenue par Henry Rey, 45 % au 1er tour) et le PCF-PSU (liste Batard-Philippot, 23 %), comme au temps de la Troisième Force, André Morice structure une liste ELAN très large (33 %). Elle amalgame la SFIO (13), les radicaux moriciens du CR (11), la droite conservatrice et catholique (CNIP, 13), des syndicalistes FO et CFTC, tous unis dans le rejet du gaullisme et du communisme, et comprenant d’anciens partisans de l’Algérie française36. L’alliance avec des partisans de l’école privée provoque quelques remous dans la section socialiste nantaise car cette liste comprend l’un des dirigeants nationaux de l’APEL. Pourtant, Alexandre Hébert, le leader de FO de Loire-Atlantique, anarcho-syndicaliste et franc-maçon, appelle à voter pour la liste Morice. Au second tour, la liste Morice l’emporte (44,3 % des voix) devant la liste UNR (36,5 %) et la liste PCF-PSU (19,5 %). Le leader de la SFIO André Routier-Preuvost devient l’un des deux principaux adjoints du nouveau maire. Une certaine continuité politique l’emporte.
37À Lorient, l’enjeu est la reconquête de la ville par la gauche. Après la mort de Jean Le Coutaller en octobre 1960, un nouveau leader s’est imposé dans la SFIO : l’enseignant et inspecteur retraité Yves Allainmat. Au 1er tour, la liste d’union de la gauche avec le PCF et le PSU l’emporte. Si les droites et le centre dominent toujours la vie municipale en Bretagne, quatre villes sont désormais à gauche : à Saint-Nazaire s’ajoutent Quimper (1960), Saint-Brieuc (1962) et Lorient (1965). La SFIO affaiblie revendique 15 maires encartés et 10 sympathisants dans le Morbihan. Elle a perdu Gourin et deux autres communes du Nord-Ouest ainsi que des élus à Baud et à Hennebont37. Un conflit a traversé la section SFIO d’Hennebont entre les partisans du maintien de l’alliance avec le maire PCF Eugène Crépeau dont son 1er adjoint socialiste et ceux qui prônent l’accord avec les modérés pour tenter de reprendre la ville. Les seconds l’emportent, désavouant les premiers qui restent sur la liste d’union de la gauche (PCF, SFIO, radicaux) réélue. Toutefois, en termes de grands électeurs, grâce à Lorient, il y a une stabilité aux élections sénatoriales de 1965 par rapport à 1959. En Ille-et-Vilaine, la SFIO est plus faible encore car elle n’a que onze maires, dans des petites communes rurales, et 14 sympathisants.
Tableau VII. – La répartition politique des maires des Côtes-du-Nord de 1959 à 1977.

CCG : Centre et centre gauche.
38L’exemple des Côtes-du-Nord traduit cependant quelques évolutions, même si ce sont souvent les élus sortants de 1959. Depuis la crise de 1962 et l’éclatement du CNIP, de nombreux élus locaux ont navigué vers des eaux moins politisées sur des listes dites d’Action locale (ALIM). Dans les Côtes-du-Nord, les indépendants sont passés de 22,7 % des maires à 11,2 % (voir le tableau VII, p. 179). L’UNR n’est pas parvenue à s’implanter alors qu’elle a un député. Le bloc centriste du réseau plévéniste en a attiré une partie passant d’un quart à près de 30 % des élus38. Le MRP s’est affaibli (10,7 %).
39Ce sont les partis de gauche qui ont le plus progressé, atteignant 44,7 % des édiles39. Le PSU (14,6 %), classé extrême gauche par le ministère de l’Intérieur, a devancé nettement la SFIO qui a perdu la moitié de ses maires, tandis que la PCF en perdait quatre (18, 4,7 %). Contre une liste centriste (34,8 %) et une liste UNR (16 %), Yves Le Foll conduit dès le 1er tour la liste d’union de la gauche à Saint-Brieuc (PSU, PCF, SFIO, 49,2 % des voix) qui ne comporte plus de travaillistes car ils ont préféré se rapprocher des centristes. Au second tour, avec une très forte participation (84,6 %), Yves Le Foll obtient les 33 sièges (51,5 % des voix, le même résultat qu’en 1962) contre la liste centristes-UNR. La municipalité briochine se compose de 13 PSU, 11 PCF, 4 SFIO, 5 divers gauche40. Le secrétaire fédéral du PCF Édouard Quemper est 1er adjoint ; il deviendra conseiller général de Saint-Brieuc-Nord en 1967. Les travaillistes reviennent au bercail, au centre droit, ce qui aura une incidence sur les élections cantonales de 1967. Le poids de la gauche dans les Côtes-du-Nord va se manifester aux élections présidentielles alors que la bipolarisation progresse.
40Dans la foulée, le 26 septembre 1965, le Sénat est partiellement renouvelé. Dans le Morbihan, les trois sénateurs sortants, Joseph Yvon (MRP), Victor Golvan (UNR) et Marcel Lambert (RI) faisant liste commune, sont réélus dès le 1er tour. En revanche, pour la première fois depuis 1948, la domination sans partage des droites est un peu ébranlée en Loire-Atlantique. La surprise vient de l’élection du nouveau maire de Nantes, André Morice (Centre républicain), candidat isolé qui, en glanant des voix à droite, au centre et même à gauche, a été élu dès le 1er tour (59,5 %), notamment parce que André Routier-Preuvost (SFIO) s’est présenté seul pour la SFIO, espérant un accord avec le centre et la droite antigaulliste au 2e tour41. Après la crise de 1962, le bloc des droites est ébranlé : le sénateur René Dubois (RI), ancien résistant, maire de La Baule et conseiller général de Guérande (1945), qui s’est fortement opposé à la politique algérienne du général de Gaulle, est sèchement battu. La liste soutenue par le CNIP n’obtient que deux sièges au second tour. Abel Durand a été remplacé par l’industriel Maurice Sambron, maire (1945) et conseiller général (1951) de Pontchâteau, vice-président de la chambre de commerce de Saint-Nazaire et président du comité d’expansion économique de Loire-Atlantique. Le maraîcher Paul Guillard, vice-président de la chambre d’agriculture, conseiller général de Nantes-2 (1964) qui avait succédé au sénateur Albert Boucher décédé en mars 1965, est réélu. De sensibilité gaulliste, ancien résistant, représentant en tissage, devenu maire de Saint-Herblain en 1959, Michel Chauty (1924-2007) se présente en candidat isolé et est élu. Quoi qu’il en soit, les intérêts agricoles industriels et commerciaux nantais sont toujours bien représentés au Sénat comme à la municipalité de Nantes.
Les élections présidentielles de décembre 1965 : de Gaulle en ballottage en France, presque réélu au 1er tour en Bretagne
41Dans la gaulliste Bretagne, des résistances au pouvoir s’expriment néanmoins portées par les élus et de plus en plus par le mouvement social. Sous la houlette de Michel Debré, puis de Georges Pompidou, le gouvernement a refusé un traitement économique spécifique à la région sous la forme d’un projet de loi-programme élaboré par le CELIB mais enterré en 1964. Afin de désamorcer la grogne, dans le cadre de la création en mars 1964 de 21 régions économiques dirigées par un préfet de région assisté d’une commission de développement économique régional (CODER), purement consultative, la CODER de Bretagne est confiée aux leaders du CELIB : René Pleven (président) et Joseph Martray (secrétaire général). C’est un moyen de tenter de phagocyter cet organisme original qui regroupe les forces vives de la région. Expert du CELIB, le géographe rennais Michel Phlipponneau considère qu’il s’agit d’une « trahison des notables » : il évolue vers la gauche à un moment où les partis de gauche (PSU, PCF, SFIO), les syndicats (UD CGT et CFTC, FO du Morbihan, FEN, SNI, AGER UNEF) et des associations se sont rapprochés au sein d’un Comité d’action pour la Bretagne (CAB). Déjà sensible à la défense de la langue bretonne, Tanguy Prigent (député PSU) a été en contact au début de 1963 avec les responsables du MOB lors du combat commun pour la loi-programme. De son côté, Antoine Mazier cherche à élargir l’audience de son parti et à attirer de jeunes militants en participant à la création du CAB à Pontivy le 12 octobre 1963 initié par Armand Keravel, le président d’Ar Falz-La Faucille, une association culturelle et linguistique laïque défendant la langue bretonne42. Ce serait une sorte de CELIB de gauche au moment où les gaullistes s’efforcent de verrouiller l’institution. Phlipponneau et Martray participent à des réunions en 1964, mais pour la gauche le MOB de Yann Fouéré sent le soufre et, du fait de ses divisions, le CAB se délite en 1965.
42D’un autre côté, en raison de la faiblesse militante de l’UNR et des RI, à l’approche des élections présidentielles les parlementaires de la majorité s’efforcent de contrer l’action du CELIB tout en y participant. Envisagé en octobre 1964, un Groupement d’action des parlementaires de la majorité de l’Ouest (GAPMO) soutenant le gouvernement est lancé le 15 janvier 1965 à Rennes par les députés gaullistes des cinq départements bretons en présence de Jacques Baumel, le secrétaire national de l’UNR-UDT43. Les statuts du GAPMO, qui se veut « le trait d’union entre les populations et le gouvernement », sont adoptés à Lorient le 5 février et un mensuel gaulliste, Ouest 65, est lancé. Le mouvement se dit « apolitique », mais il veut agir auprès du gouvernement, des ministères, de la DATAR et des organismes du Ve plan pour « la modernisation régionale » de l’économie bretonne qui connaît des difficultés (crise agricole, fermeture des Forges d’Hennebont…), tout en défendant « l’œuvre accomplie par la Ve République » depuis 1958. Cet organisme n’oublie pas d’affirmer en novembre 1965 que, sous de Gaulle, les subventions à l’enseignement privé ont été dix fois plus importantes que sous « les gouvernements MRP de la IVe République ». On voit bien qu’à l’approche des présidentielles, l’électorat catholique de Jean Lecanuet est la cible principale de l’UNR44.
43Alors que la mainmise du pouvoir exécutif ne cesse de se renforcer sur ce que l’on a appelé l’État-UNR, les élections présidentielles au suffrage universel direct, les premières du genre depuis 1848, sont un enjeu majeur pour tous les partis. Les adversaires d’extrême droite du général de Gaulle soutiennent Jean-Louis Tixier Vignancour, l’avocat du général Salan et de Bastien-Thiry l’organisateur de l’attentat du Petit-Clamart, qui annonce sa candidature le 20 avril 1964. Son directeur de campagne est Jean-Marie Le Pen. Des comités de soutien départementaux sont mis sur pied mais leur action « est confidentielle », notamment en Basse-Bretagne45. Dans les Côtes-du-Nord, un comité briochin existe en 1965 présidé par Charles Raffray, un professeur de lettres délégué départemental, constitué essentiellement d’enseignants – des partisans de l’Algérie française – avec un délégué à Dinan et à Lannion46. En août 1965, quand Tixier-Vignancour fait une « tournée des plages », il aurait 315 adhérents, mais leur nombre descend à 225 en novembre car il est trop marqué à l’extrême droite et le délégué à la propagande a démissionné. Soutenu par plusieurs anciens activistes de l’Algérie française, dont un ancien des réseaux OAS condamné, le futur candidat avait tout de même réuni 1 500 personnes, dont la moitié d’opposants, à Brest le 16 janvier 1965, dont pas mal de gens de la bourgeoisie de droite et d’extrême droite de la région.
44Les candidatures sont longtemps incertaines. À partir de 1963, plusieurs responsables centristes poussent Antoine Pinay qui a quitté le gouvernement en 1960 à se présenter contre de Gaulle mais, en dépit de multiples relances en 1964 et 1965, l’ancien leader du CNIP se refuse à descendre dans l’arène, se réservant peut-être pour l’après-de Gaulle ? Pendant un temps, en 1964, le sénateur des Côtes-du-Nord André Cornu est disposé à prêter ses services au parti radical pour affronter de Gaulle. Mais un accident de cheval l’en aurait dissuadé. L’opération la plus sérieuse entre 1963 et 1965 est celle du député-maire de Marseille, Gaston Defferre (SFIO). Le 19 septembre 1963, L’Express, hebdomadaire anciennement mendésiste toujours dirigé par Jean-Jacques Servan-Schreiber, dresse le portrait-robot de M. X, le meilleur candidat contre le général de Gaulle. Il s’avère rapidement qu’il s’agit de Gaston Defferre qui reçoit l’appui d’une partie de la gauche intellectuelle et des clubs (Jean-Moulin, Citoyen 60), puis des radicaux (Maurice Faure) et même du MRP très divisé sur la question. En avril 1964, Gaston Defferre est investi par la SFIO contre l’avis du leader du parti Guy Mollet qui, hostile au renforcement du pouvoir présidentiel depuis 1962, veut faire l’impasse sur ces élections47. Le PCF et le PSU sont opposés à cette tentative de convergence des centres.
45La fédération SFIO du Finistère, réduite à une vingtaine de sections, soutient l’initiative de Defferre. Le maire de Marseille entame son tour de France par la Bretagne Sud venant à Lorient, Quimper et Concarneau le 12 avril 1964, mais sa structure de soutien, Horizon 80, n’a pas d’antenne dans ces départements. Michel Phlipponneau, militant de la cause régionaliste, expert du CELIB avec lequel il vient de rompre mais qui n’est pas socialiste, l’accompagne. L’animateur du club Bretagne et démocratie accepte d’intégrer l’équipe nationale d’Horizon 80 et en devient le responsable régional48.
46Au printemps de 1965, Gaston Defferre tente de mettre sur pied une Fédération démocrate socialiste de type Troisième Force avec les radicaux élargie au MRP, c’est-à-dire au centre droit. Elle doit aussi inclure la nouvelle formation de François Mitterrand qui, tout en conservant la marque UDSR, a mis sur pied en juin 1964 la Convention des institutions républicaines (CIR) qu’il préside, un regroupement d’associations et de clubs républicains (Club des Jacobins de Charles Hernu, LDH, JR) qui se situent à gauche. Les socialistes du Finistère appuient cette initiative de Gaston Defferre qui répond à leurs vœux de constituer une force travailliste entre le PCF et la majorité, position défendue par Hervé Mao au congrès de Clichy (juin 1965), mais à condition d’être ferme sur la question scolaire et laïque et le refus de financer l’enseignement privé. Pour cette raison, la fédération des Côtes-du-Nord est réservée sur le projet Defferre car l’anticléricalisme reste sa marque de fabrique. Avant le congrès national de la SFIO, Robert Gravot avait déjà mis sur pied à Brest une union des démocrates (socialistes, radicaux, MRP, CFDT), mais il est fort critiqué. En effet, en juin 1965, la tentative de créer une Grande fédération au centre de l’échiquier politique en isolant les communistes capote car Guy Mollet a imposé une orientation socialiste et, surtout, est intransigeant sur la question scolaire, ce que dans l’Ouest le MRP ne peut accepter. Gaston Defferre jette l’éponge le 25 juin. Lors d’un congrès régional de la SFIO à Rennes le 9 août 1965, Hervé Mao plaide alors pour une « petite » fédération démocrate et socialiste, sans le MRP, proposition appuyée par les socialistes des Côtes-du-Nord. C’est aller dans le sens d’une Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS) que François Mitterrand appelle de ses vœux en septembre mais qui ne se mettra en place qu’après les élections présidentielles. Michel Phlipponneau transforme alors Horizon 80 en club Bretagne et démocratie dont il devient l’animateur, attirant de jeunes militants non encartés, mais il refuse de devenir le délégué départemental de François Mitterrand. Son club ne rejoindra la CIR qu’ultérieurement.
47L’opération M. X-Grande fédération ayant échoué, l’opposition au général de Gaulle n’ayant pas dégagé de leader crédible, des outsiders vont tenter leur chance. Le premier est François Mitterrand qui, sans parti puissant derrière lui, profite d’un vide à gauche pour prendre tout le monde de vitesse en posant sa candidature le 9 septembre 1965. Sans poser de conditions, Waldeck Rochet lui apporte le soutien du PCF qui ne souhaite pas présenter de candidat. Une partie des radicaux suit, faute de mieux, ainsi que la SFIO. Le choix se fait beaucoup plus difficilement au PSU49. Pendant l’été, le PSU a songé à présenter Daniel Mayer mais la SFIO s’y est opposée et le 8 septembre Mitterrand a convaincu le président de la LDH de ne pas se présenter. Tanguy Prigent, qui s’était opposé à la CPN à l’opération de Grande fédération de Gaston Defferre, adresse une lettre à François Mitterrand le 11 septembre lui indiquant qu’il ne le soutient pas. Finalement, le PSU divisé n’appuie que du bout des lèvres le candidat unique de la gauche à la mi-octobre sans participer à sa campagne. Pourtant, derrière Jean Poperen, une forte minorité « unitaire » voulait se mobiliser pour l’ancien ministre de la IVe République. C’est apparemment la position des fédérations bretonnes du PSU, sauf en Loire-Atlantique. Charles Foulon préside d’ailleurs le meeting du candidat à Rennes. Finalement, Tanguy Prigent s’engage dans la campagne en novembre, de même qu’Yves Le Foll qui réunit tous les élus PSU de l’Ouest à Saint-Brieuc le 14 novembre 1965.
48La gauche non communiste engage un début de recomposition. Le 10 septembre, au lendemain de l’annonce de sa candidature, François Mitterrand lance la FGDS qui doit rassembler la SFIO, le Parti radical et la CIR en en excluant les centristes de droite qui de toute façon cherchent leur propre voie. Le troisième postulant est Jean Lecanuet, le président du MRP depuis le congrès de La Baule de 1963. Il avait présidé le 20e congrès départemental du MRP du Finistère en juin 1965, appelant encore à « créer une fédération nouvelle où convergent l’idéal de la démocratie et la pensée du socialisme moderne50 ». En octobre 1965, Jean Lecanuet annonce sa candidature : il bénéficie de l’appui du MRP, du CNIP puisque Antoine Pinay n’a pas voulu franchir le pas, de certains radicaux et des ex-UDSR René Pleven et Eugène Claudius-Petit. Quant à lui, le général de Gaulle annonce tardivement sa candidature le 4 novembre 1965. Sans réellement faire campagne, il pense être réélu dès le premier tour. Les sondages IFOP ne lui donnent-ils pas 66 % d’intentions de vote ?
49Dans le cadre d’une très forte participation (85,2 % au 1er tour), les élections présidentielles de décembre 1965 reflètent la faiblesse de la gauche en Bretagne tout en confirmant l’attachement des Bretons au chef de l’État sortant (voir le tableau VIII, p. 185)51. Le général de Gaulle frôle la majorité absolue (48,5 %) au soir du premier tour (près de cinq points de plus que sa moyenne nationale), devançant le candidat unique de la gauche François Mitterrand, 26,5 % (5,7 % de moins que dans le pays) et le démocrate-chrétien Jean Lecanuet, 19,7 %. Majoritaire dans le Morbihan et en Ille-et-Vilaine, de Gaulle a obtenu plus de 65 % des voix dans le Léon occidental, le Vannetais et le Vitréen, les régions de tradition blanche. Le gaullisme présidentiel domine le paysage politique breton dès le 1er tour. En dehors des villes et de la Basse-Loire, la coupure Haute-Bretagne/Basse-Bretagne, sauf dans le Léon, est très nette. François Mitterrand ne fait pas mieux que les scores réunis du PCF et de la gauche non communiste de 1962. Il obtient ses meilleurs résultats dans les Côtes-du-Nord (près de 35 %), à Guingamp (43,7 %) et à Lannion, à Morlaix et dans certaines villes, à Nantes-2 et Saint-Nazaire (près de 40 %) et à Hennebont. Jean Lecanuet, le jeune candidat « démocrate, social et européen », qui a fait une campagne à « la John Kennedy » dans laquelle pour la première fois en France la télévision pèse, recueille près de 20 % des suffrages en Bretagne, près de 4 % de plus que dans le pays52. Paradoxalement, la Loire-Atlantique, notamment la région d’Ancenis (29 %), lui donne ses meilleurs résultats (23,2 %) alors qu’ils sont décevants dans les deux départements où il y avait jusqu’en 1962 de fortes fédérations MRP : le Finistère et l’Ille-et-Vilaine. Dans ce dernier département, les droites représentent les 4/5e des électeurs. Dans les deux cas, accentuant la poussée gaulliste de 1962, le général de Gaulle a capté une partie de l’électorat catholique modéré. Les candidats modérés, le sénateur Pierre Marcilhacy (1,4 % en Bretagne, 1,7 % en France) et Marcel Barbu (1,1 % en France) ne font pas recette. Jean-Louis Tixier Vignancour s’en sort mieux : le 5 décembre 1965, il recueille 5,2 % des voix mais ses résultats sont décevants en Bretagne, de 2 % dans le Finistère à 4,1 % en Loire-Atlantique. Les Bretons s’avèrent rétifs à l’extrême droite, ce qui se confirmera dans les années 1980-2010. C’est une forte déception pour l’extrême droite qui était parvenue à se rassembler pour l’occasion, mais éclate dès 1966 en trois courants rivaux53. Le candidat d’extrême droite se désiste pour François Mitterrand qui ne rejette pas ses électeurs.
Tableau VIII. – Les résultats des trois principaux candidats aux élections présidentielles de décembre 1965 en Bretagne.

50Des centristes qui ont soutenu Jean Lecanuet appellent à voter pour le général de Gaulle au second tour. C’est le cas René Pleven : il ne pouvait voter pour son rival de l’UDSR, qui plus est soutenu par le PCF. Les MRP Marie-Madeleine Dienesch, Alain Le Guen ou Christian Bonnet font de même. Une partie des démocrates-chrétiens bretons entame alors un processus de rapprochement avec la majorité gaulliste. Le 19 décembre 1965, de Gaulle l’emporte en Bretagne avec 62,6 % des suffrages exprimés (83 % dans les circonscriptions de Landerneau et de Vitré) ; avec 37,4 %, Mitterrand accuse dans la région un déficit de 7 % sur sa moyenne nationale. Mais la participation a été un peu moins forte et en Haute-Bretagne le vote blanc et nul a augmenté, ce qui signifie que des électeurs centristes ont refusé de voter pour Charles de Gaulle. Le député de la Nièvre a, quant à lui, bénéficié du report d’une partie de l’électorat centriste recueillant 45,2 % des suffrages dans les Côtes-du-Nord, et même 54 % dans les circonscriptions de Guingamp et de Saint-Nazaire. Cependant, en pleine crise européenne de « la chaise vide » (boycott par la France des institutions), René Pleven met en garde contre toute « euphorie » et appelle le gouvernement Pompidou à « négocier » à Bruxelles54.
51En 1965, les mutations à l’œuvre dans la société bretonne n’ont pas encore de traduction politique. Au contraire, c’est l’apogée du gaullisme politique. Deux élus de Bretagne participent au troisième gouvernement Pompidou qui est formé le 8 janvier 1966 : Raymond Marcellin est nommé à l’Industrie et Yvon Bourges qui était devenu secrétaire d’État à la Recherche scientifique et aux Questions atomiques et spatiales le 23 février 1965 est chargé de l’information auprès du Premier ministre. En dépit de son vote gaulliste, la région n’est guère représentée au cœur de « l’État-UNR ».
Recompositions politiques au milieu des années 1960
52Les élections présidentielles de 1965 entraînent une certaine recomposition politique à l’extrême droite, au centre et à gauche. Regroupés derrière la candidature de Jean-Louis Tixier-Vignancour, des groupuscules d’extrême droite animés par des étudiants se manifestent épisodiquement de 1965 à 1968 en collant des affiches dans les villes universitaires (Rennes, Nantes, Brest) ou des petites villes. Il en va ainsi de la Fédération des étudiants nationalistes (FEN) ou d’Europe action. En avril 1966, à Saint-Brieuc, des lycéens de Le-Braz et du collège privé Saint-Charles s’efforcent de former un groupe de la FEN qui diffuse une brochure Nouvelle race, « organe des lycéens de Rennes et d’Ille-et-Vilaine », mais cette tentative échoue à Dinan55. Durant l’été de 1966, des militants du groupe Occident vendent leur journal à Saint-Brieuc, à Lannion et sur la côte. Mais l’essentiel est que l’échec électoral de Tixier-Vignancour se solde par une scission des tixiéristes : le 23 janvier 1966, au congrès de Paris, les délégués des comités se divisent en trois factions rivales, alors que le leader cherchait à créer un parti. L’ancien candidat lance son Alliance républicaine pour les libertés (ARL), Jean-Marie Le Pen un Cercle du Panthéon, Dominique Venner et Europe action le Mouvement nationaliste du progrès, le plus important des trois transformé bientôt en Rassemblement européen de la liberté (REL) qui vise les élections législatives obtenant des résultats dérisoires. Cette scission désappointe leurs partisans. Le délégué des Côtes-du-Nord qui n’avait réuni que douze personnes en janvier 1966 décide de dissoudre le comité Tixier qui se transforme en Secours populaire pour l’entraide et la solidarité des prisonniers politiques d’Algérie.
53Profitant de ses résultats honorables, Jean Lecanuet transforme le MRP en Centre démocrate (CD) le 2 février 1966. Le CD est une fédération hétérogène de centre droit comprenant le noyau dur du MRP, les indépendants du CNIP, des radicaux (Maurice Faure et ses amis) et quelques socialistes indépendants qui ont soutenu Lecanuet aux présidentielles. Mais une majorité de radicaux a participé au lancement de la FGDS avec René Billères qui a remplacé Maurice Faure à la présidence du Parti radical au congrès de Lyon (octobre 1965), se rapprochant de la SFIO et de François Mitterrand. Les radicaux se positionnent donc à gauche et non plus au centre droit avec le MRP. Quelques personnalités régionales du MRP en profitent pour quitter la formation démocrate-chrétienne. Le député du Morbihan Christian Bonnet rejoint Raymond Marcellin chez les républicains indépendants, la minorité du CNIP qui a fait scission en 1962. Après les élections présidentielles de 1965, Valéry Giscard d’Estaing, qui n’appartient plus au gouvernement, prend ses distances avec la majorité songeant à ses propres ambitions. D’abord, il veut occuper l’espace politique abandonné par le CNIP en fondant son propre parti le 1er juin 1966 : La Fédération nationale des républicains indépendants (FNRI), en développant les clubs Perspectives et réalités et en créant en décembre les Jeunes RI56.
54En Bretagne, en déshérence depuis 1962, les indépendants qui n’ont pas rejoint les giscardiens se sont rapprochés du MRP et des centristes plévénistes au sein d’une mouvance de centre droit peu structurée mais qui compte de nombreux élus locaux ne voulant pas passer sous les fourches caudines du gaullisme. La politique européenne et internationale et d’affirmation de souveraineté nationale entre les deux blocs du général de Gaulle les heurte : « L’Europe des patries » et le plan Fouchet, la crise de « la chaise vide » en 1965-1966, la sortie du commandement unifié de l’OTAN et la fermeture des bases militaires américaines en 1966, le rejet de la seconde demande d’adhésion du Royaume-Uni en 1967. René Pleven fait connaître son désaccord dans son journal et à l’Assemblée. En 1967, ces opposants à « l’État-UNR », affaiblis depuis 1962, se présentent aux élections législatives sous le sigle de Progrès et démocratie moderne (PDM). En Bretagne, on y retrouve aussi bien René Pleven (ex-UDSR) que Georges Lombard (ex-CNIP), Henri Fréville que Paul Ihuel (Centre démocrate).
55Mais depuis 1962, et encore au congrès du Touquet, derrière Maurice Schumann une fraction du MRP plaide pour un rapprochement avec la majorité gaulliste. Dans les Côtes-du-Nord, les députés MRP Alain Le Guen et Marie-Madeleine Dienesch suivent cette trajectoire. En 1963, la députée de Loudéac était vice-présidente du groupe du Centre démocratique à l’Assemblée mais elle n’adhère pas au nouveau CD. Au contraire, en 1966, « elle s’est efforcée d’éviter ou tout au moins de différer le plus longtemps possible une prise de position du comité départemental du MRP », et en 1967 elle est investie par l’UD Ve République gaulliste57. Elle a entraîné avec elle une partie du MRP qui est en passe de rejoindre la majorité et contrôle de fait L’Avenir républicain des Côtes-du-Nord, l’ancien organe de la fédération MRP qui reparaît à l’approche des élections de 1967 et est diffusé à la fin de 1966 dans les régions de Loudéac et de Guingamp (7 000 exemplaires).
La FGDS : une tentative de rassembler la gauche non communiste
56La gauche se restructure elle aussi. Lancée au niveau national le 10 septembre 1965, la FGDS ne prend véritablement forme qu’en 1966, voire 1967 après les élections législatives, les socialistes SFIO en constituant la principale armature, tandis que le PSU reste à l’écart. La lente mise en place sur le terrain est fonction de l’investissement des socialistes, parti dont les caisses sont vides comme le souligne Yves Guélard dans le Morbihan et de l’arrivée de personnalités issues des clubs. À Rennes, Edmond Hervé, assistant à la faculté de droit, fonde une section des étudiants socialistes en 1966. Faisant à vélo la tournée des anciens adhérents, souvent des instituteurs ou des secrétaires de mairie, il tente de redynamiser la SFIO58. Le 13 mars 1964, une section du Club des Jacobins de Charles Hernu (originaire de Quimper, ancien radical passé par la PSU) a été lancée à Lorient. En Ille-et-Vilaine, s’appuyant sur son club Bretagne et démocratie à vocation régionale, Michel Phlipponneau devient le porte-parole de la FGDS dont il a pris le leadership à la demande d’Alexis Le Strat (SFIO). Le club publie un mensuel Le Fédéré Bretagne et démocratie (no 1 en juin 1967) qui est aussi l’organe de la FGDS. Dans les Côtes-du-Nord, l’Action travailliste dirigée par Roger Huon depuis la mort du Dr Rahuel a glissé vers la droite en s’alliant au MRP à Saint-Brieuc lors des élections municipales. N’étant attirée ni par la FGDS ni par le CD de Jean Lecanuet, la petite formation qui compte 45 militants et sympathisants se tourne vers le club de Michel Phlipponneau rencontré à Rennes le 28 avril 196659. Mais, constatant sans doute son tropisme de gauche, elle ne s’intègre pas au club Bretagne et démocratie.
57C’est dans ces clubs qui gravitent autour de la CIR, à Paris ou en Bretagne, que de jeunes militants s’attèlent à la rénovation du socialisme. Ainsi, Charles Josselin, secrétaire financier de la Banque de l’Union parisienne, ancien président de l’AGER-UNEF de Rennes, milite à Paris au sein du club breton des Bonnets rouges rattaché à la CIR par le Club des Jacobins60. En 1966-1967, il intègre le comité permanent de la CIR. Ces militants de la CIR ne sont pas très nombreux mais ils sont actifs. Dans le Finistère, la CIR est animée par Francis Le Blé, ancien secrétaire de l’UD CFTC-CFDT. Dans les Côtes-du-Nord, René Régnault et le Dr Guy Caro (avant de passer au PSU) la mettent sur pied en 1966-1967.
58En Bretagne, la FGDS commence à se mettre en place en février-mars 1966. Dans le Finistère, plusieurs structures élargies cherchent à profiter de la dynamique créée par François Mitterrand : à Douarnenez un comité d’union des gauches appelle à discuter d’un programme commun ; à Brest, en mars un comité de liaison des partis de gauche se forme (PCF, SFIO, PSU, radicaux-socialistes)61. Le 21 février, Hervé Mao (SFIO) et Pierre Burin, le responsable du parti radical, adjoint au maire de Quimper, s’accordent pour créer la FGDS, sans le PSU refusé par le socialiste, mais ce n’est encore qu’un regroupement à vocation électorale. Peu charitables, les RG précisent : « L’entente existe de fait entre ces organisations, l’une décadente, l’autre squelettique. » Encore faut-il préciser qu’une partie des radicaux ne sont pas disposés à se fondre dans la FGDS. Un comité départemental est finalement créé le 14 mai (SFIO, R-S, CIR et clubs). En Bretagne, des socialistes SFIO animent ces clubs qui sont souvent des coquilles vides, comme le CEPED (René Heise, le maire de Camaret depuis 1947, ou Alain Chénard à Nantes). Démocratie et socialisme est représenté pas le responsable SFIO de Morlaix Jules Destables. La FGDS finistérienne ne se réunit que le 8 octobre 1966 pour discuter des candidatures aux élections législatives de mars 1967 : cinq FGDS-SFIO (8,7 % des voix) qui vont se désister pour les communistes et appeler à voter pour Roger Prat (PSU) à Morlaix. Un bureau provisoire de la FGDS n’est constitué qu’après les élections en avril 1967 mais ni François Mitterrand, qui a tenu un meeting à Rennes le 12 février, ni Charles Hernu invités ne daignent se déplacer dans le Finistère avant mars 1968 pour le second. L’organisation définitive de la FGDS n’intervient qu’en février-mars 1968 : le comité départemental porté de 13 à 19 membres permet de mesurer le poids de chacune des composantes : la SFIO passe de cinq à neuf, les clubs de trois à cinq, les radicaux restent à cinq62. Notons que la CIR mitterrandiste n’est pas représentée dans ce comité exécutif dirigé par les socialistes Hervé Mao (président) et René Heise (secrétaire général). Somme toute, une tournée de réunions en mars 1968 n’attire pas grand monde.
59Dans le Morbihan, la FGDS commence à se mettre en place en mars 1966 lors de la venue de son secrétaire général Charles Hernu à Lorient, mais il semble que la 1re assemblée générale départementale n’a lieu que le 31 mars 1968, un an après les élections législatives (une soixantaine de personnes, surtout socialistes). Selon un document non daté (fin de 1969), la SFIO (Yves Guélard, 1er secrétaire) et la CIR se sont partagé les postes au bureau fédéral. Les principaux élus de la SFIO participent à la commission exécutive fédérale (17 membres, dix Lorientais), ainsi que Roger Leroux, l’ancien responsable du parti radical.
60Dans les Côtes-du-Nord, une quarantaine de personnes (élus, syndicalistes ouvriers et paysans) tiennent le 10 août 1966 une convention départementale de la CIR animée par le Dr Guy Caro, originaire de Plessala mais travaillant à Paris, militant du club Citoyen 60 et de la CIR. Un bureau provisoire qu’il préside est installé le 18 août (une trentaine d’adhérents)63. Y figurent deux responsables de l’Action travailliste qui semble être la principale composante, un socialiste de Dinan, un ex-UGS de Guingamp qui n’a pas adhéré au PSU. Deux conseillers généraux, Lionel Rouvrais (Merdrignac), qui se positionne pour les élections législatives, et André Cresseveur (Plestin-les-Grèves) sont présents. Le 9 octobre 1966, une fédération départementale de la FGDS est constituée (7 SFIO, 6 CIR, un club Bretagne et démocratie, un UDSR). Mais un conflit éclate immédiatement pour la présidence apparemment revendiquée par Guy Caro qui en appelle à la direction nationale. Le 15 novembre, la CIR, dont le siège se situe chez Roger Huon, le leader de l’Action travailliste, décide de participer à la FGDS au nom « d’un socialisme moderne », mais on peut avoir des doutes compte tenu de l’orientation politique de l’Action travailliste qui dérive vers le centre droit comme les élections cantonales de 1967 le montreront. L’entente de la gauche non communiste ne fonctionne pas au 1er tour des élections législatives : deux candidats s’affrontent à Loudéac, Lionel Rouvrais (FGDS, centre gauche, radical), 6,6 % des voix, et Perrault (PSU), 8,4 %. L’ancien secrétaire fédéral de la SFIO Alexandre Thomas assure alors la direction de la FGDS. Guy Caro va adhérer au PSU et René Régnault s’occuper de la CIR.
61En Loire-Atlantique, n’ayant quasiment pas de militants de la CIR, François Mitterrand a été contraint de s’appuyer sur André Routier-Preuvost qu’il désigne comme délégué régional lors de sa campagne présidentielle. Le Nantais préside la FGDS à laquelle la SFIO apporte l’essentiel des troupes, directement ou par le contrôle de trois cercles ou clubs, se réservant les meilleures circonscriptions en 1967, abandonnant les « terres blanches » aux radicaux et à la CIR.
62Dans le cadre de la rénovation et des clubs, les socialistes bretons donnent une inflexion régionaliste à leur réflexion sous l’impulsion de Michel Phlipponneau qui a participé le 1er mai 1966 aux rencontres de Grenoble organisées par les leaders du PSU Pierre Mendès France et Michel Rocard. De son côté, au printemps de 1966, le PSU de Bretagne a proposé la création d’un conseil économique régional élu qui élaborerait un plan breton sur des bases socialistes. Après Grenoble, trois colloques régionaux se tiennent, dont celui de Saint-Brieuc les 26 et 27 novembre 1966. Dans le prolongement du Comité d’action breton (CAB), Yves Le Foll accueille dans sa mairie une rencontre de la gauche non communiste, de syndicalistes (CFDT, CNJA) et des militants bretons d’Ar Falz et de l’Union démocratique bretonne (UDB). Michel Rocard, le futur secrétaire national du PSU (juin 1967), y présente un rapport sur le thème « Décoloniser la province » qui a un certain retentissement national. Le PSU s’empare de la question régionale qu’il va développer dans les années suivantes, contrairement au PCF et à la SFIO qui demeurent « jacobins » et centralisateurs. À Saint-Brieuc, Michel Phlipponneau a proposé une véritable régionalisation64. Mais il est de plus en plus isolé dans son combat au sein du CELIB : Tanguy Prigent (PSU), qui l’a soutenu, quitte cet organisme le 29 décembre 1966, même si Yves Le Foll y reste jusqu’en juin 1970 tout en le critiquant. Michel Phlipponneau rompt avec le lobby breton lors de l’assemblée générale de Rennes le 8 mai 1967. Les conceptions institutionnelles de son club Bretagne et démocratie, élaborées par Pierre Mévellec durant l’hiver de 1967-1968, sont adoptées par la CIR lors de son congrès de Toulouse le 24 mars 1968.
63En marge des partis politiques traditionnels, cherchant à se dégager de sa gangue et de son image de droite, voire d’extrême droite, le mouvement breton ou Emsav s’efforce de s’intégrer au jeu politique. En effet, discréditée par la collaboration avec l’occupant de la fraction la plus ultra de l’Emsav, la question régionale redevient d’actualité dans les années 1960 : elle va structurer l’identité politique de nouvelles générations militantes. L’Emsav, qui avait été contraint de se replier sur les questions culturelles et linguistiques, réapparaît sur la scène politique bretonne. Blanchi par un nouveau procès en 1955 et rentré d’Irlande, Yann Fouéré a fondé à Lorient en novembre 1957 le Mouvement pour l’organisation de la Bretagne (MOB), un parti régionaliste qui campe très à droite. Mais, à Rennes, quelques étudiants du MOB avec Roger Leprohon et Jean-Yves Veillard font sécession : seize militants créent l’Union démocratique bretonne (UDB) le 4 janvier 1964. La rupture générationnelle avec les aînés est aussi politique : ces jeunes se sont politisés contre la guerre d’Algérie et contre l’OAS. En référence au modèle algérien, ils vont dénoncer la situation « coloniale » de la Bretagne. Ce nouveau parti autonomiste se positionne d’emblée à gauche. Il publie Le Peuple breton. Désormais, l’UDB, qui passe de 35 militants en 1965 à 85 en 1967, va occuper une partie de l’espace politique régionaliste en se situant clairement à gauche et en s’engageant dans les luttes sociales.
Le PCF et l’apparition de noyaux d’extrême gauche
64Face aux gauches non communistes éclatées, le PCF, qui est en train de s’ouvrir, fait figure de solide bloc bien organisé et discipliné, dirigé par les mêmes cadres depuis les années 1950 et reposant sur un solide réseau d’élus locaux en Basse-Bretagne et sur la CGT qui a 54 568 adhérents dans la région en 1965, dont 19 550 en Loire-Atlantique. La CGT est toujours la première centrale syndicale devant la CFDT (51 900) et la CGT-FO (18 686) liée à la SFIO, bien implantée en Loire-Atlantique (37,5 % des adhérents bretons) où la tradition anarcho-syndicaliste reste forte. Le PCF récupère en partie ses pertes électorales de 1958, loin des débats des intellectuels parisiens et des fractures du Mouvement communiste international (MCI).
65Pour l’heure, l’extrême gauche ne compte encore dans la région qu’une poignée de militants et de sympathisants, maoïstes ou trotskistes. La querelle sino-soviétique a ébranlé le PCF à partir de 1962, conduisant des militants qui veulent défendre le marxisme-léninisme, les M-L, à créer un mouvement communiste à l’instigation d’André Marty et de Jacques Jurquet qui dénoncent le « révisionnisme » du PCF65. Jurquet a organisé les premiers cercles M-L en 1963 ; ils se sont fédérés en septembre 1964 dans la Fédération communiste marxiste-léniniste (FCM-L) et ont publié L’Humanité nouvelle en février 1965. En juin 1965, une première cellule de la FCM-L apparaît en Bretagne, sans doute la seule, à Lannion, à l’instigation de Gilbert Denis, contrôleur des PTT. Une seconde se forme à Rennes en février 1967 à l’initiative d’un étudiant en lettres. En juin 1966, la FCM-L s’est transformée en Mouvement communiste français (MCF) chargé de préparer la naissance d’un nouveau parti communiste. Gilbert Denis est coopté au comité central du MCF. Les 30 et 31 décembre 1967, le congrès de Puyricard accouche du Parti communiste marxiste-léniniste de France (PCMLF), lequel est en rapport avec le Parti communiste chinois (PCC) et le Parti du travail albanais (PTA) alors que la rupture est consommée depuis 1964 entre la République populaire de Chine et l’URSS. La poignée de militants de cette mouvance ne va guère peser sur les « événements » de 1968 ni en France ni en Bretagne, ce qui n’empêche pas la dissolution du PCMLF le 12 juin.
66En revanche, la crise interne du PCF a un impact beaucoup plus important sur son organisation étudiante, l’Union des étudiants communistes (UEC), qui dispose d’une quarantaine de militants à Rennes en mai 1968. En effet, deux organisations très actives en sont issues, l’une maoïste, l’Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes (UJCML), l’autre trotskiste, la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR). L’UCJML a pris naissance parmi les élèves du philosophe Louis Althusser à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm à Paris en novembre-décembre 1966 du fait de l’exclusion du courant maoïste organisé plus ou moins clandestinement au sein de l’UEC. Formé d’étudiants et d’intellectuels influencés par la Révolution culturelle chinoise, ce mouvement recrute dans plusieurs villes universitaires. Une section de l’UJCML se forme à Rennes à l’automne de 1967 comptant alors une douzaine d’étudiants exclus ou démissionnaires de l’UEC. Ce mouvement est aussi présent à Nantes. Ces militants « gauchistes » apparaissent en mars 1968 à travers un comité de soutien aux travailleurs de Redon et un comité de soutien aux luttes des peuples. Dans leurs interventions, en raison d’une ligne « ouvriériste », ils vont davantage privilégier les grèves ouvrières que les luttes étudiantes, à l’inverse de la JCR.
67Ayant fait de l’entrisme au sein de l’UEC, des militants trotskistes favorables à la IVe Internationale et certains membres du Parti communiste internationaliste (PCI) en sont exclus. Le 2 avril 1966, des exclus venant de seize villes et de cinq universités fondent la JCR, dont le leader est Alain Krivine66. Le 11 mai 1966, des inscriptions et un tract dénonçant le PCF « réformiste et bureaucratique » signent à Rennes l’apparition de la JCR animée par un ancien responsable de l’UEC et de l’AGER-UNEF. La JCR se structure en juillet 1966 en un cercle d’une dizaine de membres qui veut toucher la jeunesse étudiante, lycéenne et ouvrière et diffuse au moins un numéro de L’Antidote au lycée Chateaubriand. Mais l’activisme en faveur du Vietnam ou de Cuba ne permet guère de recruter. À Brest, où survit une tradition anarchiste à l’arsenal, on rencontre quelques étudiants de la Fédération anarchiste (FA) ainsi qu’à Rennes, à Nantes et à Lorient. L’extrême gauche n’a que quelques dizaines de militants et de sympathisants en Bretagne où elle va se développer à partir de mai 1968. Sauf en milieu étudiant et dans les luttes de pouvoir au sein de l’UNEF et dans plusieurs organismes de gestion des œuvres universitaires, en particulier à Nantes où des anarcho-situationnistes se sont imposés en 1967-1968, l’extrême gauche n’a aucun impact sur la société67. D’ailleurs, depuis la guerre d’Algérie le pouvoir gaulliste classe comme « extrême gauche » les élus du PSU, y compris les maires, conseillers généraux et son seul député national Tanguy Prigent.
⁂
68Pour l’heure, l’électorat breton fait toujours confiance au général de Gaulle, à sa majorité ou aux centristes qui représentent une opposition très modérée comme vont le montrer les élections législatives de mars 1967 qui ouvrent une nouvelle séquence dans l’histoire du gaullisme présidentiel. En 1962 comme en 1965, les Bretons ont majoritairement fait confiance au général de Gaulle et à sa politique de développement du pays. La région a profité des retombées d’une certaine décentralisation industrielle avec l’implantation d’usines dans des secteurs porteurs (l’automobile, l’électronique, la téléphonie…) et a été dotée d’équipements de prestige (CNET à Lannion, radôme de Pleumeur-Bodou, usine marémotrice de la Rance…), autant d’équipements que le chef de l’État ne s’est pas privé de venir inaugurer. Mais cela n’empêche pas la perception croissante que le développement de la région a été sacrifié par l’État central qui se refuse à prendre en compte les aspirations et les projets portés par le CELIB, d’autant plus que de nombreux secteurs traditionnels sont en difficulté (Forges d’Hennebont, constructions navales, industrie de la chaussure à Fougères…). Ce malaise va s’accroître en 1967 et éclater en 1968. Pourtant, les années 1962-1967 se sont traduites par l’affirmation et la domination du gaullisme et de ses alliés giscardiens (RI), et par un affaiblissement du centrisme et surtout de la droite libérale (CNIP) pratiquement rayée de la carte parlementaire. La gauche émiettée est mal en point mais elle tente de rassembler. Quelques lueurs d’espoir apparaissent pour elle en mars 1967.
Notes de bas de page
1 Le MRP Alain Le Guen (Guingamp) ne censure pas le gouvernement.
2 Bougeard Christian, René Pleven, op. cit., p. 346-349.
3 Pour le oui, on a Maurice Schumann, Pierre Pflimlin, Paul Bacon, Robert Buron, ministres jusqu’au printemps de 1962.
4 Notons que les deux candidats des Côtes-du-Nord ne sont pas de gauche car Robert Richet était jusqu’en 1960 l’un des leaders du CNIP.
5 Nicolas Michel et Pihan Jean, Les Bretons et la politique, op. cit., p. 42-53.
6 Voir Prat Stéphane, Les élections législatives de 1958, 1962 et 1967 dans le Finistère, op. cit.
7 L’ancien député SFIO Eugène Reeb du Finistère Sud vient se présenter dans ces terres de droite du Léon (7,4 %, 4,9 % pour le communiste).
8 Le Lann s’inscrit au groupe du Centre démocratique avec les MRP.
9 Sainclivier Jacqueline, « Yvon Bourges et le gaullisme en Bretagne (1962-1978) », in Christian Bougeard et al. (dir.), L’Ouest dans les années 68, op. cit., p. 175-186. Suite au décès du maire, Yvon Bourges a été élu maire de Dinard en juin 1962, point de départ de son implantation électorale.
10 Voir Jalabert Laurent, « Le gaullisme en Loire-Atlantique : une mal implantation (1958-1981) », in Laurent Jalabert (dir.), Gaullistes dans l’Ouest atlantique dans les élections législatives de 1958 à 1981, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 137-149.
11 Sources : ADCA. 1192 W 41, 43, 45, 46, 47, 49. Élections législatives de 1962, 1967, 1968.
12 Dans le Morbihan, Yves du Halgouët réélu avec 76,3 % rejoint les RI, ainsi que Isidore Renouard, de Redon, qui s’apparente au groupe.
13 Prigent François, Les réseaux socialistes en Bretagne des années 1930 aux années 1980, op. cit., les tableaux des résultats électoraux se trouvent au tome 2. Pour les Côtes-du-Nord, il n’indique que 3 PSU, mais les sources préfectorales considèrent qu’à Lannion Le Guyader est candidat du PSU et pas de la SFIO.
14 Les RG d’Ille-et-Vilaine attribuent 2 000 adhérents au PCF en 1958-1959, dont 300 aux Jeunesses communistes, le double de la réalité, mais 942 en juillet 1962 et 950 en 1966, ce qui est plus conforme.
15 Sources : Martelli Roger, Prendre sa carte (1920-2009), op. cit., p. 81-82. Cartes placées, chiffres réels inférieurs d’un tiers aux chiffres officiels.
16 Boulland Paul, « Les dirigeants du PCF en Bretagne, entre réseaux locaux et normes partisanes », in Christian Bougeard et François Prigent (dir.), La Bretagne en portraits(s) de groupe, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, p. 103-115.
17 ADIV. 508 W 107. PCF 1963-1966. En 1963, le comité fédéral comprend 10 enseignants, 9 ouvriers, 4 employés, 2 paysans.
18 Dans les cantons de Callac, Saint-Nicolas-du-Pélem, Maël-Carhaix, Rostrenen et Glomel, le PCF a 9 maires en 1945, 12 en 1947, 9 en 1953 et 1959, 11 en 1965. Le Breton Arnaud, L’évolution du communisme rural dans le Sud-Ouest des Côtes-du-Nord 1958-1983, maîtrise d’histoire, Brest, UBO, 1998.
19 Courtois Stéphane et Lazar Marc, Histoire du Parti communiste français, Paris, Presses universitaires de France, p. 312-327.
20 Sources : l’OURS. Congrès de la SFIO.
21 Exemple significatif : quand l’étudiant en droit à Rennes Edmond Hervé, originaire des Côtes-du-Nord, veut adhérer à la SFIO en 1966, il s’adresse à la direction parisienne.
22 Notice « Alexandre Thomas » de Christian Bougeard, Le Maitron en ligne.
23 Brigant Pierre, La fédération socialiste SFIO du Finistère (1908-1969), op. cit., t. 2, p. 700-708.
24 ADCA. 43 W 116. Partis politiques.
25 Sources : CHT Nantes-PSU 26.
26 Guiffan Jean, « Le PSU en Loire-Atlantique (1960-1975/5) », in Tudi Kernalegenn et al. (dir.), Le PSU vu d’en bas, op. cit., p. 63-67.
27 Le PSU a 4 élus sur des listes d’union de la gauche à Rezé et à Couëron.
28 ADCA. 16 W 116. Partis. Le professeur de philosophie Jean Bars remplace Yve Le Foll comme secrétaire adjoint. Le CF compte aussi Yves Dollo et Claude Saunier alors étudiant dont le père est conseiller municipal PSU.
29 Maurice Milpied et Alain Brisset, anciens secrétaires fédéraux.
30 Marzin Fabrice, « Les parlementaires et les maires PSU face à la question bretonne (des années 1950 aux années 1970) », in Tudi Kernalegenn et al. (dir.), Le PSU vu d’en bas, op. cit., p. 113-127.
31 Crouan Erwan, Jean Crouan (1906-1985), op. cit., p. 179-182. Il sera nommé au Conseil économique et social.
32 Nous remercions Jean Guiffan de nous avoir transmis ces résultats.
33 Prigent François, Les réseaux socialistes en Bretagne des années 1930 aux années 1980, op. cit., t. 1, p. 239 et 224-226. Dans le second volume, l’auteur a dressé la liste des parlementaires, des conseillers généraux et des maires de toutes les communes depuis le début du siècle. Il a rédigé les notices biographiques des principaux élus socialistes bretons que l’on peut consulter dans Le Maitron en ligne.
34 Pierre Jagoret (SFIO) est élu à Lannion.
35 Yves Le Foll succède en février 1965 à Antoine Mazier décédé.
36 Le MRP et des indépendants font leur propre liste. Guiffan Jean, « De la SFIO au PS en Loire-Atlantique : la disparition de la “Vieille Maison” (1958-2004) », in Christian Bougeard (dir.), Un siècle de socialismes en Bretagne, op. cit., p. 225-226.
37 OURS. 72 EF 56 et 35. Élections/fédérations SFIO.
38 Prigent François, Les réseaux socialistes en Bretagne des années 1930 aux années 1980, op. cit., t. 1, p. 223.
39 Dans l’arrondissement de Guingamp, on a 23 maires PSU, 14 SFIO et 5 PCF sur 91 (46,1 %).
40 Ouest-France, 15-28 mars 1965. Notons que les « frères ennemis » briochins du PSU et de la SFIO se retrouvent dans la même municipalité.
41 Guiffan Jean, « De la SFIO au PS en Loire-Atlantique : la disparition de la “Vieille Maison” (1958-2004) », art. cité, p. 226.
42 Marzin Fabrice, « Les parlementaires et les maires PSU face à la question bretonne (des années 1950 aux années 1970) », art. cité, p. 124-125.
43 Ouest-France, 17 janvier 1965 et Ouest 65, février et avril 1965. Voir Dathanat Pierre, L’UNR et les gaullistes dans le Finistère de 1953 à 1969, op. cit., p. 127-137.
44 Ouest 65 disparaît en novembre 1966.
45 ADF. 145 W 84. Rapport des RG du 14 octobre 1965.
46 ADCA. 127 W 22. Politique I (1964-1978). Comité Tixier-Vignancour (1965-1967).
47 Lafon François, « La perception de l’élection présidentielle de 1965 dans la gauche non communiste », in Gilles Richard et Jacqueline Sainclivier (dir.), Les partis et la République. La recomposition du système partisan, 1956-1967, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, p. 89-100.
48 Phlipponneau Michel, Géopolitique de la Bretagne, Rennes, Éditions Ouest-France, 1986, p. 76-79.
49 Bougeard Christian, Tanguy Prigent, paysan ministre, op. cit., p. 322-325.
50 Le Télégramme, 14 juin 1965. Le parti est alors dirigé par Manis et Mlle Le Roux, conseillère municipale de Brest.
51 Voir Nicolas Michel et Pihan Jean, Les Bretons et la politique, op. cit., p. 54-65.
52 Notons que Jean Lecanuet est soutenu par des personnalités d’extrême droite (Pierre Poujade, Jacques Isorni) ou Algérie française (Jacques Soustelle), un vote utile contre de Gaulle mais aussi contre Tixier-Vignancour.
53 Dard Olivier, « Crise et refonte des droites nationales, du poujadisme au tixiérisme », in Gilles Richard et Jacqueline Sainclivier (dir.), Les partis et la République, op. cit., p. 43-52.
54 Le Petit Bleu des Côtes-du-Nord, 25 décembre 1965, 29 janvier 1966.
55 ADCA. 1127 W 22. Politique I (1964-1978).
56 Bernard Mathias, « La restructuration des droites non gaullistes de 1962 à 1967 », in Gilles Richard et Jacqueline Sainclivier (dir.), Les partis et la République, op. cit., p. 31-42.
57 ADCA. 1192 W 46 et 49. Élections législatives de 1967 et 1968.
58 Témoignage d’Edmond Hervé.
59 ADCA. 1127 W 22. Politique I (1964-1978).
60 Notice « Charles Josselin » de François Prigent, Le Maitron en ligne.
61 Brigant Pierre, La fédération socialiste SFIO du Finistère (1908-1969), op. cit., t. 2, p. 708-711.
62 La SFIO revendique 300 adhérents mais en a en réalité 200, les autres composantes 100 chacune.
63 ADCA. 1127 W 22. Politique I (1964-1978). Voir Le Télégramme et Ouest-France.
64 Kernalegenn Tudi, « Le PSU et la question régionale à travers l’exemple de la Bretagne », in Tudi Kernalegenn et al. (dir.), Le PSU vu d’en bas, op. cit., p. 129-150.
65 Bourseiller Christophe, Les maoïstes en France, Paris, Plon, 1996, p. 21-94. ADIV. 508 W 3, W 002, W 110, W 127. Partis politiques et extrême gauche.
66 Salles Jean-Paul, La Ligue communiste révolutionnaire (1968-1981), Rennes, Presses universitaires de Rennes, chap. 1 et 3.
67 Bougeard Christian, Les années 68 en Bretagne, op. cit., p. 86-88.
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