Chapitre V. Les positionnements politiques pendant la guerre d’Algérie (1958-1962)
p. 135-162
Texte intégral
1La Ve République installée, le gouvernement de Michel Debré (UNR) aux commandes, l’opposition de gauche en miettes, le général de Gaulle doit d’abord régler le conflit algérien tout en engageant un vaste plan de réformes économiques et en accélérant la modernisation du pays dont la IVe République a posé les jalons. Comme le traité de Rome signé et ratifié en 1957 est entré en vigueur le 1er janvier 1959, la France doit adapter son économie au Marché commun mis en place dans l’Europe des Six. Dans le domaine agricole, la Bretagne, qui est en train de s’imposer comme une grande région d’élevage, va être confrontée à la concurrence européenne et à l’indispensable modernisation de ses petites exploitations et de ses réseaux commerciaux traditionnels, ce qui va entraîner les premières grandes mobilisations agricoles de 1961. L’exode rural s’accélère, alimentant la croissance urbaine régionale mais aussi les départs hors de la région. Les années 1959-1965 sont celles de l’apogée du gaullisme gouvernemental qui s’appuie jusqu’en 1962 non seulement sur l’UNR, le parti gaulliste, mais aussi le CNIP d’Antoine Pinay, ministre de l’Économie, et sur les centristes du MRP. 1962 est bien sûr l’année de la fin de la guerre d’Algérie, mais aussi celle d’une crise institutionnelle qui redistribue les cartes au sein de la majorité. Les élections municipales et sénatoriales de 1959 permettent de mesurer les rapports de force locaux, alors que la crise de 1958 a entraîné une certaine recomposition des forces politiques.
Les élections municipales de 1959 : pas de bouleversements
2Les élections municipales des 8 et 15 mars 1959 sont l’occasion de s’interroger sur l’implantation locale, à droite, du nouveau parti gaulliste encore peu organisé. La nouvelle loi électorale établit le scrutin majoritaire de liste à deux tours (et non plus la proportionnelle) avec la possibilité de panachage. Plusieurs villes réélisent leur maire sortant : Henri Fréville (MRP) à Rennes, Henry Orrion (CNIP) à Nantes, Jean Le Duc (CNIP, gaulliste) à Morlaix, Francis Decker (droite) à Vannes, François Blancho (SFIO) à Saint-Nazaire, Charles Linement (SFIO) à Concarneau, Hervé Mao (SFIO) à Châteaulin, Marcel Lambert maire CNIP depuis 1947 à Pontivy, Guy La Chambre (CNIP) à Saint-Malo, Hippolyte Réhault (MRP) à Fougères, Émile Le Brigant (modéré) à Redon, André Aubert (CNIP) à Dinan, Henri Kerfant (CCG, centriste) à Guingamp, Gabriel Nogues (CCG) à Lannion. À droite et au centre, « la prime au sortant » fonctionne à plein dans la mesure où l’UNR n’est pas encore organisée. Mais on constate aussi quelques changements d’hommes, voire de majorité. Des élus de 1945 ou de 1947 cèdent la place. À Loudéac, le Dr Pierre Étienne (droite) succède au sénateur Henri Cordier (CNIP). Henri Mortier (MRP) devient maire de Douarnenez et Jean Charter (CCG) de Quimperlé au détriment de la SFIO.
3Dans les Côtes-du-Nord, 102 communes (26 %) élisent un nouveau maire et 74 (18,9 %) changent d’orientation politique. En réalité, 89 maires sortants auraient changé d’étiquette depuis 1953, notamment 17 maires divers gauche (un PCF, 7 SFIO, 9 CCG), mais les majorités de droite et centristes confortent leurs assises municipales1. La nébuleuse centriste laïque éclatée en plusieurs étiquettes par le ministère de l’Intérieur (CCG, RRSS radicaux-socialistes, voire divers gauche) rend l’analyse partisane difficile car de nombreux élus ne sont pas encartés en période de crise des partis. En comparaison de 1953, plusieurs éléments se dégagent : à gauche, conservant 22 maires (5,6 %) dans des petites communes de Basse-Bretagne, le PCF est stable tandis que la SFIO en perd dix (75, 19,2 %) au profit des divers gauche (44, 11,2 %), résultat sans doute de la crise de la SFIO. Les trois maires du PSA sont inclus dans les divers gauche2. Les centristes reculent, aussi bien le centre laïque (CCG, 97, moins 12, 24,8 %) que le MRP (53 maires, 13,5 %, moins 10). La droite (CNIP et modérés) paraît progresser, mais les catégories sont différentes de celles de 1953 (89, 22,7 %)3, alors que l’UNR rate son implantation (deux maires). On le constate, il y a une grande stabilité des orientations politiques municipales dans les Côtes-du-Nord où le changement de République n’a nullement modifié la vie locale. À Saint-Brieuc, six listes sont en compétition le 8 mars 1959 (droite-gaullistes, 23,5 %, MRP, 22,9 %, ex-UDSR, 4,6 %, PSA, 20,5 %, Union travailliste, 9,5 %, PCF, 18,9 %), mais le panachage est possible. Ces résultats donnent une image du rapport des forces dans la préfecture des Côtes-du-Nord : 18 conseillers sont élus au 1er tour (10 MRP, 8 droite), mais au second tour, le 15 mars, la liste du centre et de droite soutenue par Ouest-France est battue par celle de la gauche unie qui enlève les 13 sièges (7 PSA, dont Antoine Mazier et Yves Le Foll, 6 Action travailliste du Dr Rahuel, aucun PCF). Fait notable : les deux têtes de liste de la droite sont battues, le député-maire sortant Victor Rault (MRP) ainsi que Robert Richet (indépendant, gaulliste), si bien que Me Raoul Poupard (MRP) devient maire de Saint-Brieuc4.
4Quinze ans après l’obtention du vote des femmes, elles ne sont guère présentes même au niveau local. En 1959, quatre communes seulement élisent une mairesse5 dans les Côtes-du-Nord et six dans le Finistère6. À gauche, ici ou là des frémissements proviennent de la constitution de listes d’union des gauches au second tour pour tenter de battre les majorités sortantes (à Brest, à Saint-Brieuc, à Rezé…). La SFIO, qui n’avait que trois municipalités dans les cités ouvrières de Saint-Nazaire, Trignac et Couëron, va s’emparer de Rezé, une ville en plein essor aux portes de Nantes. Bravant l’interdiction de la direction nationale et du comité fédéral de s’allier avec le PCF, la section de Rezé forme une liste d’union des gauches (SFIO, PCF, UGS, radicaux-socialistes, militants laïques) qui permet au socialiste Alexandre Plancher de l’emporter au second tour contre une liste CNIP-UNR7. À Nantes, sept listes sont en présence au 1er tour (droite, UNR, MRP, radicale moricienne, SFIO, PCF, UFD). Radicaux d’un côté, socialistes d’André Routier-Preuvost de l’autre, très anticléricaux, attaquent durement la liste de l’UFD conduite par le radical mendésiste Henri Forget8. Pour la première fois, des militants laïques et des catholiques de gauche font liste commune mais ils n’obtiennent que 3 088 voix et aucun élu. Les responsables de la CFTC Gilbert Declercq et Maurice Milpied sont remplacés par leurs épouses. À Brest, cinq listes s’affrontent au 1er tour : UNR-Indépendants codirigée par le récent député Georges Lombard (CNIP) et l’ancien maire RPF Alfred Chupin avec DCF (31,6 %), MRP du sénateur-maire Yves Jaouen (21,1 %), PCF (Paul, 19 %), SFIO (Gravot, 18,1 %), UGS (Le Gouill, 5,5 %) et gaulliste de gauche (Griffe, 4,7 %)9. Au second tour, les deux adversaires de droite et du centre fusionnent et gardent la mairie (56 %) contre la liste d’union de la gauche brestoise (sans les gaullistes de gauche) conduite par Robert Gravot (SFIO). Mais les alliés indépendants, modérés et UNR sont en concurrence : Georges Lombard est élu maire au 3e tour par 18 voix contre 16 à Alfred Chupin et 11 blancs. Il va achever la reconstruction de la cité du Ponant. La perte de Brest a des incidences au sein du MRP car le sénateur sortant Yves Jaouen n’est pas reconduit aux élections sénatoriales10. Du fait de la division des gauches, Lorient bascule à droite dans une triangulaire en faveur de Louis Glotin. Contre Jean Coutaller (SFIO), Roger Le Hyaric (PCF) présente sa liste, ainsi que René Dervout (UFD, PSA-UGS), 6,1 % au 1er tour. Au second tour, communistes et PSA, qui ont fusionné, se maintiennent. Mais dans une période de difficultés économiques pour les Forges menacées de fermeture, à Hennebont l’instituteur communiste Eugène Crépeau bat le maire et conseiller général sortant Ferdinand Thomas, ex-socialiste passé à droite en 1951.
5Le tableau I permet de connaître la répartition politique des maires de trois départements en 1959.
Tableau I. – La répartition politique des maires dans trois départements bretons en 1959.

CCG : Centre et centre gauche.
6Dans le Finistère, en dépit de la perte de la mairie de Brest, le MRP maintient son ancrage local et même progresse en obtenant 85 maires (29,2 %), stabilisant son nombre de conseillers municipaux de 1953. Les démocrates-chrétiens résistent à l’UNR et aux modérés dans le Léon, 32 maires sur 82 dans l’arrondissement de Brest (39 %) et en Cornouaille (24 maires sur 85, 28,2 %)11. Les modérés comptent 70 maires (24 %) et le bloc centriste une trentaine (10,6 %). Jean-Louis Rohou (CCG) prend Carhaix. La gauche résiste assez bien car le PCF conserve 15 mairies (moins trois), gardant les ports de pêche de la côte sud conquis en 1935 ou à la Libération (Le Guilvinec, Penmarch, Audierne), Scaër, et quatre des huit communes du canton du Huelgoat, fief de l’ancien député Alphonse Penven. Selon une liste nominative non datée mais sans doute de 1960, la SFIO a 50 maires. Mais, en 1959, elle devait en avoir une soixantaine avant la scission du PSA d’octobre 1959 car d’après cette liste, le PSU de Tanguy Prigent a six maires, tous dans l’arrondissement de Morlaix, et il y a quatre divers gauche dans son canton de Lanmeur qui vont adhérer au PSU. Comme ailleurs, les radicaux-socialistes (4 maires) sont en cours d’élimination (perte de près de la moitié de leurs conseillers municipaux).
7Contrairement à la vague RPF de 1947, l’UNR gaulliste n’obtient que des résultats limités en 1959 car les notables de droite et les démocrates chrétiens ne s’y rallient pas. Selon les RG, très peu de candidats se sont présentés sous cette étiquette. Dans le Finistère, c’est un échec. L’UNR n’a que 17 maires sur 291 (5,8 %), à condition de considérer le député Jean Le Duc à Morlaix comme « gaulliste », mais il n’appartient pas à l’UNR. Ils sont concentrés dans le Léon occidental (14 maires), essentiellement dans les deux cantons de Plabennec et de Saint-Renan (huit), la zone d’influence du nouveau député Gabriel de Poulpiquet réélu depuis 1945 dans sa commune de Coat-Méal12. L’UNR, 300 conseillers municipaux (6,4 %) en perd même 84 par rapport à 1953. Une grande stabilité politique se dégage des élections municipales de 1959 dans le Finistère où une quinzaine de municipalités seulement ont changé de majorité ; elles ont été marquées par quelques progrès du MRP, mais avec le même nombre de conseillers municipaux et une percée limitée de l’UNR dans un département pourtant fort gaulliste.
8Dans le Morbihan, les indépendants de droite, au CNIP ou modérés, dominent la scène municipale avec 55,3 % des maires et 52 % des conseillers municipaux. Le MRP recule à environ 10 % des édiles (26) en en perdant onze ; il se situe désormais au niveau des radicaux de centre droit (26, moins trois). La SFIO (moins 2) se stabilise, gardant des villes dans la région lorientaise – mais le Lorient est perdu, et dans le Nord-Ouest du département. Toutefois, le glissement vers la droite s’est accentué depuis 1953 car huit divers gauche ont disparu. En revanche, l’UNR regagne du terrain avec une dizaine de maires supplémentaires (12,1 % du total) mais seulement 6,5 % des conseillers municipaux13. Quelques anciens RPF ont pu reprendre une étiquette gaulliste, d’autres s’inscrire dans une mouvance porteuse. Mais une nouvelle génération de maires choisit l’UNR comme Yves Le Cabellec à Plouay ou Jean Thomas à Bignan. La grande majorité des maires UNR élus dans le Morbihan en 1959 le sont dans le conservateur Vannetais. Dans les Côtes-du-Nord, l’UNR ne fait pas recette : elle avait trois mairies et n’en conserve que deux, dont Perros-Guirec détenue depuis 1947 par Yves Le Jannou, ancien RPF.
9L’Ille-et-Vilaine reste dominée par les modérés et par le MRP. La gauche y est faiblement implantée car seulement une petite dizaine de maires sont encartés à la SFIO auxquels s’ajoutent 17 édiles de la gauche républicaine et laïque plus ou moins socialisants dans des petites communes14. Mais la SFIO a perdu ses élus à Rennes et à Fougères.
10Au début des années 1960, trois villes bretonnes changent de maire : Quimper, Guingamp et Saint-Brieuc, dont deux basculent à gauche. La création du Grand Quimper en gestation depuis la Libération aboutit en 1960. En intégrant trois communes voisines, la ville double sa population. Après 1953, les socialistes quimpérois relancent le projet mais le maire MRP André Monteil est longtemps réticent15. En avril 1959, cinq listes se sont affrontées à Quimper : celle du MRP s’est imposée sans André Monteil qui a pris un poste de professeur à Paris après son échec aux élections législatives. Gabriel Autrou est maire pour quelques mois. À Penhars (Léon Goraguer, divers gauche) et à Ergué-Armel (Yves Thépot, maire SFIO depuis 1945), les listes socialistes-radicaux l’emportent tandis que les modérés ont conservé Kerfeunteun. La fusion des quatre communes le 1er janvier 1960 nécessite un nouveau scrutin. Socialistes et radicaux présentent une liste commune ; le PCF part seul. Le centre et la droite, le sénateur MRP André Monteil et le député UNR Hervé Nader, s’affrontent durement dans un pugilat qui ressemble aux jeux du cirque ou à un match de boxe, selon la propagande du second (battu à Penhars en 1959), qui multiplie les attaques ad hominen dans une cité pourtant très modérée16. Le 24 février 1960, la liste MRP arrive en tête (32 %) devant celle des socialistes et radicaux (28 %), de l’UNR-modérés (21 %) et du PCF (19 %). La gauche refuse l’accord avec le PCF qui se retire alors que les adversaires de droite, qui se sont copieusement insultés pendant la campagne, parviennent à fusionner. Une fraction de leur électorat n’apprécie guère, Yves Thépot (SFIO) enlève Quimper (29 élus sur 33).
11En octobre 1961, la crise municipale qui a déchiré la majorité de Henri Kerfant (rad.) a provoqué un nouveau scrutin à Guingamp : Édouard Ollivro (indépendant de droite), professeur au lycée, l’emporte avec 51,7 % des voix contre son collègue communiste François Leizour (union des gauches, 44,4 %). Mais c’est le résultat de Saint-Brieuc en plein été de 1962 (forte abstention) qui marque les esprits. En effet, les élections de 1959 ont été invalidées par le Conseil d’État parce que le matin du second tour l’évêque Mgr Coupel avait fait lire en chaire un mandement condamnant l’alliance de chrétiens de gauche avec des communistes, dont d’ailleurs aucun n’avait été élu, provoquant des protestations de certains catholiques17. Comme en 1959, la municipalité sortante de Raoul Poupard (MRP, 12 élus au 1er tour), Antoine Mazier (PSU-Action travailliste) et Édouard Prigent (PCF) sont en lice. Le 26 août, Antoine Mazier et sa liste d’union des gauches enlève les 18 des 19 sièges encore à pourvoir (6 PSU, 5 travaillistes, 5 PCF, 2 divers gauche) avec 27 voix d’avance, un résultat inversé par rapport à 195918. Le premier adjoint Édouard Prigent (PCF) succédera même pendant trois mois à Antoine Mazier, après son décès, au début de 1965. Saint-Brieuc bascule à gauche jusqu’en 2001 et est considéré en Bretagne comme une sorte de laboratoire de l’union de la gauche. L’attentat raté de l’OAS contre le général de Gaulle au Petit-Clamart le 22 août n’a pas empêché la victoire de la gauche unie.
Les élections sénatoriales de 1959 : la continuité
12Reflet de la relative stabilité des élections municipales, les élections sénatoriales du 26 avril 1959 qui renouvellent en entier la Haute Assemblée voient la réélection de nombreux sortants ou l’élection de sénateurs de la même tendance. Le 23 septembre 1962, le premier tiers seulement des départements est concerné incluant les Côtes-du-Nord, le Finistère et l’Ille-et-Vilaine.
13Dans les Côtes-du-Nord, comme en 1955 la liste soutenue par René Pleven s’impose en 1959. Depuis 1948, André Cornu (radical moricien), conseiller général de Pléneuf (1949-1964) et maire d’Erquy (1953-1971), conduit la liste d’union renouvelée en raison du retrait de Henri Cordier (CNIP) et de Yves Jézéquel (ex-UDSR). Ils sont remplacés par Jean Frottier de Bagneux, propriétaire foncier, maire (1947-1983) et conseiller général de Quintin (1951-1976), par ailleurs vice-président du CNIP des Côtes-du-Nord, et par le pharmacien Bernard Lemarié, maire MRP (1947-1983) et conseiller général de Caulnes (1945-1988)19. Cette liste élue dès le 1er tour contre quatre autres listes traduit l’élargissement du bloc plévéniste vers les démocrates-chrétiens du MRP dans le cadre de la recomposition des centres en cours20.
14Dans le Finistère, le MRP présente ses deux leaders battus en 1958 : André Colin et André Monteil. Ce parti, qui avait deux sortants, gagne un troisième siège au Sénat au 2e tour pour Yves Hamon, maire et conseiller général de Pleyben. La liste d’union CNIP-UNR emporte le 4e siège mais le gaulliste sortant Yves Le Bot (UNR) est battu au profit de l’indépendant Jean Fichoux, maire et conseiller général d’Arzano. Le socialiste Jean-Louis Rolland, qui vient d’être réélu de justesse maire de Landerneau (51 %), perd son siège. La SFIO n’a plus de sénateur en Bretagne. Avec 17,3 % des grands électeurs, elle a pourtant retrouvé son niveau de 1948.
15En Ille-et-Vilaine, le président du conseil général et sénateur sortant Marcel Rupied (CNIP) est battu. En effet, au second tour, si la liste de l’UNR-CNIP conduite par Yves Estève, le maire et conseiller général (1945) de Dol-de-Bretagne, sénateur depuis 1948, obtient deux sièges, elle doit en laisser un au MRP à l’industriel Jean Noury, conseiller général de Saint-Malo (1945) et vice-président de cette assemblée de 1948 à 1953. Il avait conduit la liste du MRP en 1955 mais n’était pas parvenu à déboulonner Guy La Chambre à la mairie de Saint-Malo en 1959. L’autre nouveau sénateur est le vicomte Roger du Halgouët (UNR), propriétaire exploitant mais aussi administrateur de sociétés, dont le groupe de Wendel avec lequel il a des attaches familiales. C’est l’héritier d’une dynastie politique, maire de Saint-Just dans le pays de Redon depuis 1936 et conseiller général de Pipriac (1945).
16La continuité l’emporte en Loire-Atlantique et dans le Morbihan. En Loire-Atlantique, la liste des indépendants de droite, soutenue par l’UNR, voit ses trois sortants Abel Durand, Michel de Pontbriand et René Dubois réélus dès le 1er tour. Ils sont rejoints au second par Albert Boucher, un exploitant agricole, ancien syndic de la Corporation paysanne, président de la FDSEA depuis 1945 et de la chambre d’agriculture (1952), qui reprend le siège gagné par le MRP en 1955. Dans le Morbihan, le MRP et les indépendants ont formé une liste alors que le sortant UNR Victor Golvan se représentait. Joseph Yvon (MRP), sénateur depuis 1952, est réélu dès le 1er tour. Au second, le maire de Quiberon Victor Golvan (UNR) est réélu, mais pas le sortant Louis Le Léannec (républicain indépendant). Les grands électeurs lui ont préféré le maire de Pontivy depuis 1947, l’industriel Marcel Lambert (RI). En Bretagne, le MRP est le gagnant des élections sénatoriales de 1959 avec six sièges (plus trois) sur 17 à égalité avec le CNIP, devant l’UNR (quatre) et un centriste radical. Les trois principaux groupes ont respectivement 28 (MRP), 74 (RI) et 44 (UNR) sénateurs21. À cette occasion, plusieurs ténors de la IVe République reviennent au Parlement : François Mitterrand, Edgar Faure, Jacques Duclos.
Une certaine recomposition politique (1958-1962)
17Tous les partis politiques ont été ébranlés par la crise de 1958 et le retour en force des gaullistes de l’UNR à l’Assemblée nationale et par l’intensification de la guerre d’Algérie. Ce n’est pas sans incidences sur la vie politique locale.
18À l’UDSR, les prises de position du leader du parti François Mitterrand, en juin 1958 et pendant la campagne référendaire, ont provoqué la rupture de l’aile droite animée par René Pleven et Eugène Claudius-Petit. En 1957 et au début de 1958 déjà, René Pleven plaidait dans son Petit Bleu des Côtes-du-Nord pour un regroupement des centres, avec les radicaux non mendésistes, voire le MRP, à savoir un élargissement bien au-delà de la petite UDSR. Lors du congrès de l’UDSR du 3 février 1958 présidé par le ministre ivoirien Félix Houphouët-Boigny (RDA-UDSR), la fédération des Côtes-du-Nord avait lancé un appel au regroupement de tous les partis du centre « pour la formation d’un groupe, ni marxiste, ni confessionnel ». François Mitterrand ayant évolué vers la gauche antigaulliste, René Pleven et Claudius-Petit ont quitté l’UDSR à l’automne de 1958. Le 12 octobre 1958, avec l’accord de son comité directeur, René Pleven a dissous la fédération des Côtes-du-Nord, l’une des plus importantes de France22. Les deux hommes proposent en février 1959 un « regroupement des démocrates » aux 22 fédérations de l’UDSR qui ont rompu en septembre 1958 avec la direction du parti23. Selon leur communiqué, des délégués de 22 fédérations en rupture et des militants de 14 autres se sont retrouvés à Paris le 7 février pour lancer une Union pour la démocratie moderne affirmant rester fidèles à leurs idéaux de 1945, soutenir loyalement la Ve République et participer à la « rénovation des mœurs politiques ». René Pleven, qui fait partie du Comité de liaison provisoire, met sur pied en avril-mai 1959, après les élections municipales, un nouveau parti dans les Côtes-du-Nord : l’Union démocratique moderne (UDM). Des statuts sont déposés, un secrétariat constitué et un congrès inaugural se tient à Saint-Brieuc en mai 1959. Un mois plus tard, le 14 juin, lors d’une assemblée générale constitutive de 300 personnes, « en majorité des notables » selon les RG, l’UDM plévéniste intègre la grande majorité des radicaux moriciens du Centre républicain et ses leaders André Cornu, tout juste réélu sénateur, et le député de Lannion Pierre Bourdellès. Dans ce département, les centristes laïques se rassemblent dans la même formation qui change légèrement de sigle devenant l’UDEM, l’Union démocratique et moderne.
19Le vieux Parti radical-socialiste valoisien qui a joué un grand rôle politique dans l’entre-deux-guerres disparaît des Côtes-du-Nord au cours de l’année 1959, l’une de ses zones de force dans les années 1930. Ayant environ 500 adhérents dans les années 1950, il ne recrutait pratiquement plus depuis 1945, servant selon les RG « de tremplin à quelques ambitions personnelles ». Son évolution est tortueuse dans les Côtes-du-Nord, seul département breton avec la Loire-Atlantique où il a encore une réelle implantation électorale et partisane. De fait, divisions internes et scission d’André Morice en 1956 ont paralysé la fédération moricienne qui a pourtant obtenu deux parlementaires en 1958-1959. Mais le retour au pouvoir du général de Gaulle a sifflé la fin de la partie. La fraction radicale dirigée par le sénateur André Cornu ne suit plus le leader nantais André Morice dans sa volonté d’intégration totale de l’Algérie à la France. À la veille du référendum constitutionnel du 28 septembre 1958, le bureau a demandé à revenir au vieux parti radical de la rue de Valois, mais à condition que la fédération radicale mendésiste des Côtes-du-Nord, présidée par Pierre Sérandour, n’y soit plus admise. Même si Pierre Mendès France a pris ses distances avec la direction du parti valoisien, une telle condition est inacceptable. Les ex-Moriciens conservent donc une fédération autonome mais ils sont en quête d’un regroupement qui leur est bientôt proposé par René Pleven. À l’été de 1959, ses membres, surtout des élus locaux, adhèrent à l’UDEM de Pleven, une formation à vocation départementale. Seule personnalité connue, Me Le Gouce, avocat briochin et ancien secrétaire de la fédération moricienne, reste au Parti radical-socialiste. En novembre 1959, les RG analysent finement la signification de ce regroupement politique : la place occupée par le radicalisme au centre de l’échiquier départemental est prise aujourd’hui par l’UDEM de Pleven qui, « tout en se réclamant d’une politique centre gauche, cautionnée par la présence de ses rouges et de ses restes radicaux-socialistes, repose en réalité sur des assises centre droit et bénéficie de l’appui de la droite indépendante ». Le député de Dinan occupe une position centrale, dont le leadership ne peut plus guère être contesté dans les Côtes-du-Nord, mais ce nouveau parti départemental en dit long sur le séisme politique de 1958. Quelques mois plus tard, en octobre 1959, les radicaux mendésistes, Pierre Sérandour et le secrétaire général, le Dr Caillet de Guingamp, suivent leur leader au PSA.
20En Loire-Atlantique, en dépit de ses positions très Algérie française et bien que privé de mandats électoraux nationaux, André Morice a gardé le contrôle de sa fédération tout en présidant son parti, le Centre républicain. Très hostile aux gaullistes, il essaie alors de se rapprocher des libéraux et des socialistes SFIO opposés à tout accord avec le PCF et la nouvelle gauche (UGS, UFD, PSU).
21L’organisation de l’Union pour la nouvelle république (UNR) se fait lentement et difficilement en Bretagne car l’appui au général de Gaulle ne signifie nullement l’adhésion au nouveau parti, comme le montre l’exemple du Finistère, ancien bastion du RPF. On y retrouve l’opposition traditionnelle entre le Nord et le Sud, mais cela tient aussi aux divergences politiques entre les deux députés, Gabriel de Poulpiquet et Hervé Nader. Et la politique algérienne du général de Gaulle n’y est pas pour rien24. Dès 1959, Nader s’oppose de fait à la politique du chef de l’État. Le 20 décembre 1958, en vue de préparer les élections municipales, à Brest d’anciens responsables et élus du RPF créent une section présidée par Corentine Piriou (conseillère municipale) à laquelle adhère l’ancien sénateur RPF Yves Le Bot, maire de Lannilis. Le lendemain, Hervé Nader réunit 250 personnes à Quimper qui doivent servir de base au parti, mais les « authentiques » gaullistes comme l’ancien conseiller général RPF de Pont-l’Abbé Jean Lavalou ne goûtent guère l’arrivée dans leurs rangs du nouveau député de Quimper qui joue les trublions. En outre, la mise en œuvre du plan d’assainissement de l’économie (Pinay-Rueff) par le gouvernement de Michel Debré et les sacrifices demandés aux Français (suppression de la retraite des anciens combattants, désindexation des prix agricoles, hausse des impôts…) n’attirent pas les foules vers l’UNR. Les conflits de personnes ne manquent pas entre gaullistes issus de la guerre (FFL et résistants) et notables de la droite classique comme Hervé Nader25. Une fédération départementale UNR n’est constituée que lors du congrès du Faou le 21 juin 1959 (une centaine de délégués) à l’instigation de l’abbé Laudrin qui fait figure de chef de file en Basse-Bretagne et de la direction parisienne. Le Français libre et Compagnon de la Libération, l’avocat Charles Le Goasguen, président de l’Association pour le soutien à l’action du général de Gaulle en 1958, en devient le secrétaire départemental. Dans ce parti très centralisé, le responsable départemental est nommé par le secrétaire général du mouvement après accord du comité central26. De futurs députés de 1962, comme Roger Evrard à Quimper, Antoine Caill et Gabriel Miossec, font partie du comité départemental de l’UNR élu le 25 octobre 1959, un an après la naissance nationale de l’UNR. À cette date, selon les RG, les adhérents ne disposent pas encore de carte et il n’y a pas de président départemental comme dans certaines unions. L’Association pour le soutien à l’action du général de Gaulle a été mise en sommeil au début de 1959 mais elle sera réactivée en janvier 1960 au moment de la Semaine des barricades à Alger. Les candidats « gaullistes de gauche » (CCR) de 1958 se dispersent : Paul Guyader adhère à l’UNR tandis que Jean Griffe rejoint l’Union démocratique du travail (UDT) de Louis Vallon en mai 1959. Mais l’ancien responsable du RPF, le Dr Jacquin, maire et conseiller général de Crozon, n’a pas adhéré à l’UNR car il est étiqueté CNIP aux élections cantonales de juin 1961, tout comme Jean Le Duc à Morlaix. L’implantation territoriale de l’UNR se heurte à l’enracinement du MRP et des notables modérés comme le montrent d’ailleurs les résultats des élections locales. En novembre 1960, en dehors des villes, il n’existe pas de sections communales de l’UNR, y compris dans le Léon. Et l’attitude belliqueuse d’Hervé Nader face au sénateur MRP André Monteil dans le Finistère Sud sert de repoussoir et est critiquée par les responsables du parti. Le nombre d’adhérents, qui passe d’une fourchette de 50 à 100 en juillet 1959 à 300 à 600 en juillet 1963, n’a rien à voir avec les milliers d’adhérents du RPF (15 000 en 1948)27.
22Dans le Morbihan, les affrontements lors des élections législatives de novembre 1958 ont aussi laissé des traces. Des nouveaux venus semblent vouloir mettre à l’écart les « vieux » du RPF et des oppositions sur la politique algérienne du chef de l’État se font jour. L’abbé Laudrin apparaît comme une figure nouvelle. Mais le secrétariat départemental tombe rapidement en léthargie. En 1960, le secrétaire départemental Marcel Marchandeau, ancien responsable des républicains sociaux, n’est pas une personnalité connue. Selon les RG, en décembre 1959, l’UNR n’aurait que 92 adhérents dans ce département. En Loire-Inférieure, l’UNR peut compter sur l’audience de son nouveau député Henry Rey, cadre du RPF et des républicains sociaux, mais qui va surtout s’investir dans les instances dirigeantes du parti28.
23Dans les Côtes-du-Nord, où le RPF ne s’est jamais bien implanté, ses anciens dirigeants se sont regroupés après le 13 mai dans un Comité pour le renouveau français. Ce petit noyau d’une dizaine de membres, dont les quatre candidats des élections législatives de novembre 1958, organise une réunion constitutive de l’UNR le 21 décembre et met sur pied un comité départemental qui élit un bureau d’une dizaine de membres : Henri de Mauduit, ancien gouverneur des Colonies, responsable de l’Association nationale pour le soutien au général de Gaulle, devient secrétaire général. On y retrouve Georges Gallais, ancien conseiller général, et le maire de Perros-Guirec Yves Le Jannou, ainsi que l’ancien secrétaire général du RPF Cardin, mais comme le soulignent les RG, « le nombre d’adhérents assez restreint ne doit pas dépasser la cinquantaine29 ». L’UNR va stagner à ce niveau-là. Au printemps de 1959, des tensions internes semblent traverser le mouvement lors de discussions avec les indépendants – peut-être pour les sénatoriales ? – car les modérés souhaiteraient l’exclusion « d’éléments trop impulsifs et rigides ». Mais en 1960 et 1961, l’UNR éclate car plusieurs dirigeants, dont Georges Gallais, s’opposent à la politique algérienne du chef de l’État. Ils « se sont écartés de l’orthodoxie du mouvement », comme Henri de Mauduit. En mai 1962, les RG estiment les militants des Côtes-du-Nord à « 10 à 15 sans doute », précisant que le bureau de l’UNR a été totalement renouvelé depuis 1959. En février 1962, François Daniel de Rostrenen, secrétaire général, est l’un des trois conseillers nationaux du département, les deux autres étant des inconnus. Les difficultés paraissent telles que des responsables nationaux, comme Louis Terrenoire, organisent en janvier et en juin 1962 des réunions et des congrès régionaux des députés et des cadres bretons de l’UNR. Des départs de militants de la première heure peuvent être compensés par quelques arrivées. À Saint-Brieuc, Robert Richet, candidat aux élections législatives de 1958, leader de la droite aux élections municipales de 1959, un temps vice-président du CNIP, adhère à l’UDT à la mi-février 1960, quinze jours après avoir participé à une réunion extraordinaire du parti d’Antoine Pinay à Paris. Il est même élu au comité directeur et nommé délégué de l’UDT pour la Bretagne.
24La guerre d’Algérie a aussi fait des ravages chez les gaullistes, ce qui explique en partie la relative faiblesse du nombre d’adhérents en Bretagne. En juillet 1959, selon les sources internes de l’UNR qui revendique 24 195 adhérents, ils seraient moins de 50 dans le Morbihan, entre 50 et 100 dans le Finistère et les Côtes-du-Nord, entre 100 et 200 en Loire-Atlantique et dans la fourchette de 200 à 500 en Ille-et-Vilaine30. En réalité, le général de Gaulle ne souhaite pas être entravé par un parti trop puissant, si bien que l’UNR ne compte encore que 35 000 adhérents en octobre 1960. En juillet 1963, après les succès électoraux de 1962, tous les départements bretons sont dans la fourchette des 300-600, sauf les Côtes-du-Nord qui stagnent entre 100 et 200, ce qui traduit un essor militant limité car on est loin des grandes fédérations du Nord, de Paris ou de Gironde. En Bretagne, l’UNR est un parti de notables et nullement un parti de masse. Comme pour tous les partis, le décalage entre le nombre d’électeurs et le nombre d’adhérents est considérable.
25Quant au CNIP, en dehors de ses nombreux élus, il a une « activité fort restreinte » sur le terrain et une organisation minimale tant les élus qui s’en réclament souhaitent garder leur indépendance, ne se mobilisant qu’en période électorale. Les puissants réseaux agricoles, catholiques et scolaires leur servent d’efficaces relais. Dans le Finistère, le député Jean Crouan a envisagé en avril 1956 la « constitution d’un organisme permanent de propagande » avec un bureau et un secrétariat départemental chargé de recruter des adhérents. René Duchet doit venir participer à des réunions privées à Brest et à Quimper31. Mais en octobre 1958, selon les RG, le CNIP ne dispose d’aucune organisation de base et les réunions publiques sont « exceptionnelles ». Dans les Côtes-du-Nord, le parti est représenté dans les réunions nationales par le sénateur Jean de Bagneux et par le Dr Pellan, conseiller général de Châtelaudren. En 1960, des divergences avec de Gaulle s’expriment sur l’Algérie et sur l’Europe, mais on estime que pour éviter les désordres le Général doit rester au pouvoir. En novembre 1960, les RG considèrent que les tendances René Duchet et Courant-Mondon s’équilibrent dans ce département.
26Si elle a été éliminée électoralement en 1958, l’extrême droite incarnée principalement par le poujadisme n’a pas disparu pour autant32. Les responsables poujadistes tiennent des réunions et des meetings de 1959 à 1962. Pierre Poujade, qui dirige directement le parti, se déplace à plusieurs reprises dans la région mais il ne fait plus recette, d’autant plus que des opposants de gauche (communistes) sont présents. La propagande est limitée. L’UDCA du Finistère, qui n’a pas présenté de candidats à la députation en 1958, tente de se relancer au début de 1959 en mettant sur pied des bureaux d’arrondissement à Morlaix, à Brest, à Châteaulin avec de nouveaux responsables, petits commerçants et artisans33. Henri Charretour devient président départemental. Les poujadistes présentent des listes aux élections consulaires de décembre 1959 à Brest et, avec quelque succès, à Morlaix. Mais le mouvement organisé disparaît au cours de l’année 1960 car il se refuse aux dérives nationalistes des ultras de l’Algérie française. Dans les Côtes-du-Nord, où la présence de l’abbé Le Breton, par ailleurs membre du Mouvement d’organisation de la Bretagne (MOB) de Yann Fouéré, ennuie les responsables dont le secrétaire départemental Goutal, l’UDCA maintient une certaine activité jusqu’en 1962, même si son audience est limitée.
Les partis de gauche à la peine : le PCF moins isolé, du Parti socialiste autonome au Parti socialiste unifié (1958-1962)
27Depuis 1958, et parfois avant, dans divers comités dont des comités de vigilance lancés par le PCF en mai et juin 1958, les partis de gauche (PCF, PSA puis PSU) se mobilisent avec les syndicats (CGT, CFTC, l’UNEF dans les villes étudiantes) contre la guerre d’Algérie.
28Le choc de 1958 a été rude pour le Parti communiste français qui a perdu un quart de son électorat et l’essentiel de ses députés dans le pays. En Bretagne, où il n’en a plus aucun, il limite la baisse du nombre d’adhérents puisqu’il passe de 8 661 en 1958 à 8 526 en 1962. Mais le recul a été plus net en 1961 (7 972) [voir le tableau IV, chap. 6, p. 173]. Trois fédérations progressent en 1962 (Côtes-du-Nord, Finistère, Loire-Atlantique). Malgré les risques, en particulier les attaques, voire les attentats de l’extrême droite Algérie française, le PCF mobilise ses troupes pour la paix en Algérie. En 1959, sa propagande s’adresse aux jeunes appelés en refusant l’allongement du service militaire de 24 à 30 mois. Il dénonce les camps de regroupement de la population musulmane algérienne et, bien sûr, la torture, à l’instar de leur militant en Algérie Henri Alleg, prônant l’ouverture de négociations immédiates avec le FLN. Les communistes tentent d’entraîner la SFIO dans l’unité d’action, mais les socialistes ne répondent pas ou sont hostiles (Loire-Atlantique, Morbihan), si bien que les divers comités ne fonctionnent plus guère. La direction du PCF met en doute la volonté du général de Gaulle de recourir à l’autodétermination (septembre 1959) et refuse le vote des pouvoirs spéciaux lors de la Semaine des barricades. Néanmoins, les forces de gauche (PCF, SFIO, PSA, UGS, syndicats) ont réagi dès le 25 janvier 1960 « pour barrer la route au fascisme » et exiger « la paix en Algérie par la négociation » selon un tract brestois dont les mots d’ordre sont repris partout34. Dans les villes, les comités d’action républicaine devenus antifascistes sont réactivés et animés par les communistes qui disposent de forces militantes. Lors des réunions, aux ultras de l’Algérie française on oppose « le droit du peuple algérien à disposer de lui-même », donc la possibilité de l’indépendance. Le 1er février 1960, les syndicats ouvriers et enseignants, ainsi que l’UNEF, le syndicat étudiant dans les trois villes universitaires, appellent à une grève générale bien suivie. Ensuite, l’unité d’action du PCF avec la SFIO est assez difficile alors que Tanguy Prigent, passé au PSA puis au PSU, y est favorable.
29Depuis septembre 1958, les socialistes bretons se sont divisés en plusieurs temps et à des rythmes différents selon les départements. Antoine Mazier a adhéré au Parti socialiste autonome (PSA) dès sa fondation à la mi-septembre. Le député de Saint-Brieuc n’a pas claqué la porte brutalement : le 14 septembre, il fait part de son choix à Yves Le Foll, le secrétaire fédéral de la SFIO, et vient s’expliquer devant les militants le 21 septembre lors d’un congrès extraordinaire35. Mazier remet ses mandats électoraux et créé son journal Le Combat socialiste. Trois conseillers généraux et plusieurs maires SFIO suivent Mazier dans la dissidence. Le 30 septembre, la section briochine bascule, emportant 50 puis 70 militants sur 120, suivie de nombreuses sections animées par des instituteurs ou des professeurs de collège dans l’Ouest bretonnant et le pays de Loudéac, alors que ceux du pays de Dinan vont rester à la SFIO. Les élections législatives et la désignation d’un candidat de la SFIO contre le sortant Antoine Mazier provoquent le passage d’Yves Le Foll, suivi de nombreux adhérents, au PSA. Autour du nouveau secrétaire fédéral, l’ancien député Alexandre Thomas, la SFIO tombe de 1 150 adhérents en 1958 à 250 en 1959 et 200 en 1960, alors que le PSA compte 600 adhérents en novembre 1959 et près de 700 en avril 1960 lors de la naissance du PSU. Le PSA pèse les 9/10e des adhérents du nouveau parti auquel il apporte ses réseaux et ses élus locaux.
30La formation du PSA est plus complexe dans le Finistère car Tanguy Prigent n’a pas fait scission en septembre 1958, même si la fédération SFIO s’est divisée sur le référendum. Un petit noyau PSA s’est toutefois formé à Brest (une vingtaine d’adhérents) autour de professeurs du lycée dirigé par André Roulleau rejoints par quelques militants isolés à Quimper et à Concarneau. Mais au cours de l’année 1959, Tanguy Prigent se rend compte qu’il ne peut pas mener le combat contre Guy Mollet à l’intérieur d’un parti verrouillé36. Apprenant que Pierre Mendès France allait rejoindre le PSA ainsi que neuf anciens parlementaires de la SFIO, l’ancien député de Morlaix précipite son départ de la « vieille maison » : le 22 septembre 1959, il démissionne de la présidence de la commission agricole ; le 30 septembre, il vient expliquer sa position au comité directeur de la SFIO ; le 1er octobre, il en informe les responsables fédéraux, puis le comité fédéral le 4, adressant le 5 une lettre à ses camarades finistériens. C’est un choc car le maire de Saint-Jean-du-Doigt, qui vit souvent à Paris, n’a pas pris le temps d’en discuter avec ses camarades. Les cadres de la SFIO du Finistère, pourtant opposés à la ligne de Guy Mollet, ne le suivent pas, notamment les Brestois, et il lui faudra plusieurs mois pour entraîner ses amis au PSA, y compris dans le Trégor. Choqués, bon nombre de socialistes refuseront de le suivre au PSU. Sa démarche a été l’inverse de celle d’Antoine Mazier. Intégré au bureau national du PSA, Tanguy Prigent ne rencontre les militants brestois du PSA et de l’UGS qu’en décembre 1959 afin de préparer l’unification au sein du PSU. Malgré l’arrivée de Tanguy Prigent, le PSA du Finistère n’a pas fait recette puisqu’il n’est passé que de 21 adhérents à la fin de 1958 à 178 en mars 1960 lors de la fusion avec l’UGS, la SFIO conservant 800 adhérents à la fin de 1960. Cette UGS est composée de trois noyaux (ex-Nouvelle Gauche brestoise, des enseignants du sud du Finistère parfois passés par le trotskisme, les chrétiens du MLP à Brest). L’UGS des Côtes-du-Nord compte des militants de l’Action travailliste, mais tous n’acceptent pas la fusion (80 %, une trentaine de militants suivant Jacques Galaup). Dans le Finistère, la création du PSU est précoce (début de 1960) et sans difficultés, plus tardive dans les Côtes-du-Nord, le 27 mars 1960 seulement mais en présence de 150 personnes dont plusieurs élus. Quelques mendésistes y adhèrent. Autour de Mazier, les ex-PSA, en général enseignants, occupent l’essentiel des responsabilités, mais on note l’adhésion au nouveau parti de Jean Le Faucheur, le secrétaire de l’UD CFTC. Dans le Finistère, la répartition est plus équilibrée au bureau (4 PSA, 3 UGS) ; le professeur Paul Trémintin (PSA) devient secrétaire fédéral (jusqu’en 1967), tandis que Tanguy Prigent est le directeur du journal Le Socialiste. Quoi qu’il en soit, dans les Côtes-du-Nord et le Finistère, le PSU est largement constitué d’anciens de la SFIO, ce qui fait que la culture et l’élément laïques y sont dominants.
31C’est aussi le cas en Ille-et-Vilaine où le PSU est issu en mai 1960 de la fusion du PSA et de l’UGS37. Les militants du PSA sont les plus nombreux dans un parti implanté essentiellement à Rennes et recrutant surtout des enseignants. Alors que dans certaines fédérations, la rotation des adhérents est forte (la moitié en 1961 en Loire-Atlantique), celle d’Ille-et-Vilaine animée par Charles Foulon est stable : en 1962, elle n’a perdu que 7 adhérents mais en a gagné 53. Sa sociologie s’est diversifiée (26 % d’enseignants, 10 % d’étudiants, 15 % de cadres, mais 28 % d’ouvriers et d’employés) quand les fédérations de Loire-Atlantique et du Morbihan ont 35 et 29 % d’ouvriers38. Signe d’une implantation plus ancienne, les agriculteurs sont assez nombreux dans les Côtes-du-Nord et le Finistère.
32En Loire-Atlantique, la presse annonce en octobre 1958 la création d’une « fédération » du PSA mais elle disparaît au printemps de 1959. Dans ce département, la matrice du PSU fondé en avril 1960 par des militants de la nouvelle gauche, passés par l’UFD, est différente39. Sa centaine de militants vient essentiellement de l’UGS et des syndicats (CFTC, CGT, FEN, UNEF), avec quatre PSA seulement. À Nantes, ils sont environ 25 et une vingtaine à Saint-Nazaire (un tiers UGS, un tiers PSA, un tiers sans appartenance partisane), dont Roland Andrieu, secrétaire du syndicat CGT des marins de commerce venant de l’Union progressiste puis de l’UGS. La base ouvrière y est importante. Le PSU s’implante à partir des sections UGS à Rezé, Couëron, La Montage et Châteaubriant publiant Combat socialiste. Ils seront 154 adhérents à la fin de 1961 et 195 en 1962, dont 32 étudiants. Trois dirigeants pilotent le nouveau parti en butte à la SFIO molletiste : Paul Richard, Raymond Viaud et Richard Chollet. Les combats contre la guerre d’Algérie ont permis un essor limité du PSU (1 401 adhérents en Bretagne) car il a perdu 114 adhérents dans les Côtes-du-Nord entre 1961 et 1962. La fédération du Morbihan, animée par l’ancien socialiste SFIO Robert Dervout, stagne à une quarantaine de militants.
33Les créations du PSA puis du PSU ont de fortes répercussions sur un parti socialiste SFIO déjà en perte de vitesse. En Bretagne, le parti de Guy Mollet passe de 4 300 adhérents en 1958 à 2 040 en 1962, perdant plus de la moitié de ses adhérents (voir le tableau V, chap. 6, p. 174). Avec 200 adhérents en 1960, 1961 et 1962, il n’est plus qu’une force résiduelle dans les Côtes-du-Nord, même s’il conserve des élus locaux. L’engagement différencié des socialistes SFIO et du PSU, parti disposé à l’unité d’action avec les communistes contre la guerre d’Algérie, va encore accroître le fossé entre les socialistes au moins jusqu’en 1962. Forgées dans le combat contre la guerre d’Algérie, de nouvelles générations qui rejoindront l’extrême gauche ou le nouveau PS dans les années 1968 font leur apprentissage militant. Ainsi, Charles Josselin, dirigeant de l’assemblée générale UNEF de l’université de Rennes (AGER) [secrétaire général en 1956, président de 1957 à 1959], vice-président national chargé des questions internationales par le syndicat étudiant en 1959-1960 pilote la publication d’une brochure contre la guerre d’Algérie40. En 1960, l’UNEF mène « la bataille des sursis » contre leur suppression. Lors du grand meeting syndical de la Mutualité à Paris le 27 octobre 1960 « pour la paix négociée en Algérie », Tanguy Prigent est blessé par les charges de police. À gauche, la guerre d’Algérie est un temps fort de la relève des générations et un enjeu des recompositions socialistes. Pour de nombreux jeunes agriculteurs, militants jacistes qui auront des responsabilités dans le syndicalisme agricole puis seront élus locaux en particulier au PS dans les années 1970-2000, le service militaire en Algérie entre 1955 et 1962 a entraîné une prise de conscience politique en rupture avec leur milieu traditionnel catholique, facilitant leur évolution vers la gauche. C’est encore plus vrai pour les militants de la CFTC, centrale très engagée contre la guerre, qui vont adhérer au PSU dès sa constitution ou très rapidement41. Élus et appareils politiques de tous bords sont pareillement confrontés au choc de la guerre d’Algérie.
Réactions à la politique algérienne du général de Gaulle en Bretagne (1959-1962)
34La politique tortueuse du général de Gaulle, du « je vous ai compris » d’Alger le 4 juin 1958 à l’annonce d’un référendum sur l’autodétermination le 16 septembre 1959 et aux longues négociations qui aboutissent aux accords d’Évian et au cessez-le-feu le 19 mars 1962, puis à l’indépendance de l’Algérie le 1er juillet 1962, déconcerte bon nombre des partisans du retour au pouvoir du Général et fracture les partis de droite, CNIP et UNR. Quant à eux, les partis de gauche (PCF et PSU) s’opposent fortement à la poursuite du conflit. L’opinion qui soutient le chef de l’État est d’autant plus gagnée par la lassitude que régulièrement des appelés tombent en Algérie. Les référendums sont un bon indicateur des rapports des citoyens bretons au pouvoir gaulliste et à sa politique algérienne.
35Après avoir lancé le plan de Constantine de développement de l’Algérie (3 octobre 1958), proposé au FLN « la paix des braves » (23 octobre 1958), puis tenté de gagner la guerre militairement avec le plan Challe, le général de Gaulle sort de l’ambiguïté en annonçant le 16 septembre 1959 un référendum sur l’autodétermination de l’Algérie quand la situation le permettra. Le chef de l’État n’ignore pas que son annonce va provoquer de virulentes réactions des partisans de l’Algérie française. Les droites, les centres (plévénistes et démocrates-chrétiens) et une partie des socialistes SFIO ont approuvé ou se sont ralliés au retour au pouvoir du général de Gaulle en juin 1958 en espérant, pour les uns, qu’il conserve l’Algérie française, en croyant, pour les autres, qu’il réglera au plus vite la question algérienne et permettra aux appelés et réservistes mobilisés de rentrer dans leur foyer. Ainsi, dans leur profession de foi aux élections législatives de novembre 1958, les sortants ou les candidats du CNIP (Jean Crouan, Georges Lombard) affirment leur attachement à l’Algérie française et à la Communauté qui va remplacer l’Union française en Afrique noire. Jean Crouan fait confiance à de Gaulle « pour une politique d’indépendance nationale, pour le Salut de la République dans l’Unité, la Fraternité et la paix42 ».
36Les élus du MRP de Bretagne soutiennent le général de Gaulle d’autant plus qu’il a intégré leur leader Pierre Pflimlin dans son premier gouvernement et qu’ils ont trois ministres dans le 1er gouvernement Debré. Lors d’un comité directeur le 8 juin 1958, la fédération du Finistère appuie le gouvernement. Il n’est pas question de se rapprocher de la gauche qui milite pour la paix en Algérie : André Colin déconseille à ses militants de participer aux comités de vigilance, mais il leur laisse la liberté de choix. Cependant, à la mi-janvier 1959, sur proposition d’André Monteil, la section de Quimper prend ses distances dans une motion adressée aux dirigeants nationaux et au président départemental Xavier Trellu : elle regrette de ne pas avoir été consultée sur la participation au gouvernement et critique le plan de rigueur mis en place. Lors de son congrès du 25 octobre 1959, la fédération MRP du Finistère désapprouve la politique agricole et serait favorable à « une opposition constructive » comme la SFIO. Les démocrates-chrétiens cherchent à renouer avec leur base paysanne et ouvrière, mais en même temps ils soutiennent la politique algérienne du général de Gaulle.
37En janvier 1959, la nomination de Michel Debré au poste de Premier ministre, ferme partisan du maintien de l’Algérie française dont il fait « la priorité absolue » dans sa déclaration de politique générale, a rassuré les droites et tous les tenants de cette solution. Dans le Finistère, les quatre députés du CNIP et les deux indépendants passés à l’UNR approuvent les positions du gouvernement. Fidèle soutien du chef de l’État, l’UNR est en première ligne sur la question algérienne ; la direction du nouveau parti va évoluer par étapes en s’alignant sur les positions du général de Gaulle. Lors d’un voyage en Algérie en mars 1959, soutenant en apparence l’intégration totale à la France, le nouveau secrétaire général de l’UNR Albin Chalandon explique aux militants que le rôle du parti est avant tout de soutenir de Gaulle et que « la maturité politique de l’Algérie devra lui permettre de choisir son destin », propos repris le 25 mars par le président de la République lui-même dans sa première conférence de presse43. Les gaullistes partisans de l’Algérie française tels Jacques Soustelle, ministre délégué chargé du Sahara et des DOM-TOM, et Léon Delbecque, sentant que les positions évoluent, attaquent durement Chalandon au sein de l’UNR. Lors d’une réunion à Rennes le 20 juillet 1959, des cadres de l’UNR de douze départements de l’Ouest à laquelle assistent plusieurs députés bretons, Albin Chalandon les met en garde contre la tentation de former un bloc des droites cherchant à faire pression sur de Gaulle44. Le 16 septembre 1959, en dépit des tentatives de Jacques Soustelle d’infléchir la tendance, dans son allocation le chef de l’État amorce un tournant : il annonce son intention de recourir à un référendum sur l’autodétermination algérienne. Des trois solutions proposées, « la francisation complète », « la sécession » ou « le gouvernement des Algériens par les Algériens appuyés sur l’aide de la France », de Gaulle penche sans doute pour la troisième mais il ne le dit pas. Le MRP, sous les plumes de Paul Hutin-Desgrées et de François Desgrées du Lou dans Ouest-France, apporte son appui à « cette chance de paix et de réconciliation », tout comme la SFIO et le leader du CNIP Paul Reynaud. Le PCF et le PSU se montrent très critiques45.
38Mais Antoine Pinay, le ministre des Finances et leader du CNIP démissionne le 13 janvier 1960, en partie en raison du nouveau cours de la politique algérienne qui va fracturer les indépendants car c’est à droite, y compris au sein de l’UNR, que les plus vives réactions se manifestent. Opposés au processus initié, Georges Bidault et René Duchet créent le 19 septembre 1959 un Rassemblement pour l’Algérie française (RAF). Deux députés de l’UNR y participent dont Jean-Baptiste Biaggi qui adresse même une lettre à ses collègues pour leur demander d’y adhérer. Il est rappelé à l’ordre. Le 14 octobre, neuf députés partisans de l’intégration dont Delbecque quittent l’UNR. Dès lors, plusieurs groupuscules gaullistes dissidents se constituent de la fin de 1959 à 1962 à mesure que de Gaulle impose sa politique46.
39Pourtant, le 16 octobre 1959, 441 députés approuvent l’autodétermination, dont les 33 élus de Bretagne. René Pleven estime que de Gaulle est alors « le Français le plus capable de ramener la paix en Algérie et d’éviter la séparation de l’Algérie et de la France47 ». C’est aussi l’avis du MRP, mais tous ses députés ne mettent pas obligatoirement le même sens derrière le mot autodétermination. Ainsi, le jeune député de Châteaubriant Bernard Lambert, rappelé en Algérie de juin à septembre 1956, en revient avec la conviction que l’indépendance est inévitable selon un rapport adressé à la direction de la JAC48. Ce n’est sans doute pas un hasard s’il s’est présenté en 1958 contre André Morice, le défenseur de l’Algérie française. En juin 1959, sans l’autorisation du groupe MRP, son intervention sur l’Algérie à la tribune de l’Assemblée a défrayé la chronique : elle a été interrompue par le chahut de nombreux députés49. Ce qui va le rapprocher d’opposants à la guerre de l’UGS et du futur PSU.
40En Bretagne, l’UNR semble suivre son chef50. Le 26 octobre 1959, lors de son 1er congrès départemental, l’UNR du Finistère appuie le chef de l’État, y compris Hervé Nader. Charles Le Goasguen, fidèle parmi les fidèles, a fait voter « un soutien inconditionnel à la politique algérienne de De Gaulle51 ». D’ailleurs, aux assises de Bordeaux (mi-novembre), les intégrationnistes sont marginalisés au sein des instances de l’UNR. Mais la plupart des élus de droite veulent croire que l’autodétermination signifie le maintien de l’Algérie française. Georges Lombard (CNIP), reçu le soir du vote du 16 octobre par Maurice de Couve de Murville, le ministre des Affaires étrangères, affirme dans ses Mémoires que le ministre lui a déclaré que l’autodétermination répondait à « une nécessité diplomatique » et que la seule alternative « qui compte est la française52 ».
41Mais « la Semaine des barricades » à Alger (24 janvier-2 février 1960), provoquée par le limogeage du général Massu, radicalise les positions des partisans de l’Algérie française. L’ancien député Jean-Maurice Demarquet qui, après s’être présenté en 1958 dans le Jura contre Edgar Faure, est l’un des instigateurs du soulèvement d’Alger, est arrêté et il doit être jugé en novembre 1960 lors du « procès des barricades ». Les organisations ultras sont dissoutes (Mouvement populaire du 13 mai, MP13, de Robert Martel, « le chouan de la Mitidja », Jeune Nation), mais elles se reconstituent sous d’autres sigles ou poursuivent une activité clandestine. De Gaulle remanie son gouvernement et limoge Jacques Soustelle qui est exclu de l’UNR le 25 avril. Soustelle participe en juin au Comité de Vincennes qui rassemble les ultras de l’Algérie française (hommes politiques et intellectuels), puis créé en octobre 1960 son propre mouvement, le Regroupement national pour l’unité de la République.
42Répondant à l’appel à la Nation du général de Gaulle le 30 janvier 1960, André Colin, président national du MRP, a apporté le soutien total de son parti et les indépendants ont dû s’aligner au nom du maintien de l’autorité de l’État53. Dans le Finistère, Charles Le Goasguen réactive son association de soutien à de Gaulle. Gabriel de Poulpiquet adopte une attitude plus ambiguë collant aux positions du Général sans s’engager sur le terrain. Avec Corentine Piriou, il appartient au camp des « orthodoxes », alors qu’Hervé Nader glisse vers celui des « intégrationnistes ». Or Nader entretient des liens directs avec l’Algérie puisqu’il a créé à Quimper, en 1950, une entreprise commerciale, les Chais du Corniguel : il importe des vins algériens en vrac, les stocke et les distribue dans toute la Bretagne, et il exporte des produits agricoles bretons vers l’Algérie. Pendant la guerre, son entreprise prospère. Il n’est pas étonnant, vu sa culture politique, son passé de vichysto-résistant, son investiture tardive par l’UNR en 1958 contre l’avis de l’un des principaux gaullistes, le chef des FFI Roger Bourrières-Berthaud, qu’Hervé Nader soit partisan de l’Algérie française54. Il fait partie des « intégrationnistes » et contestataires de l’UNR que Le Goasguen cherche à écarter, envisageant même son exclusion en mars 1960.
43Pourtant, le 2 février 1960, 441 députés, dont 31 de Bretagne contre un (Henri Robichon), accordent pour un an au gouvernement Debré la possibilité de gouverner par ordonnances. Parmi les 75 opposants, on trouve bon nombre d’indépendants du CNIP qui, dans un premier temps, ont vu d’un bon œil les événements d’Alger, dont Henri Robichon de Nantes, un proche de René Duchet55. Mais le parti de droite est au bord de la scission : contre Duchet, Paul Reynaud soutient de Gaulle. Du coup, à Saint-Brieuc, l’indépendant et ancien résistant Robert Richet rejoint l’UDT gaulliste. Lors du congrès du MRP du Finistère le 24 avril 1960, qui « réunit plusieurs centaines de militants », André Colin déclare que « la solution du drame algérien est entre les mains du général de Gaulle56 ».
44Tout au long de l’année 1960, le malaise de parlementaires de droite (CNIP et UNR) ne cesse de croître car le gouvernement Debré a d’abord entretenu l’ambiguïté. Mais à la fin de juin 1960, des négociations avec des représentants du gouvernement algérien en exil, le GPRA, se déroulent sans succès à Melun. Georges Lombard et Joseph Pinvidic, membres de la commission de la Défense nationale présidée par François Valentin (CNIP), un fervent partisan de l’Algérie française, contestent de plus en plus « la politique d’abandon » du Général. En revanche, d’autres députés du CNIP, Jean Crouan et Jean Le Duc (Finistère) ou Olivier de Sesmaisons (Loire-Atlantique), appuient de Gaulle quoi qu’il leur en coûte. Dans le même temps, les notables du bloc conservateur qui contrôlent le comité d’UNR (des droites)-CNIP de Loire-Atlantique, présidé par le comte Constant du Bois de Maquillé, s’engagent en faveur de l’Algérie française en mobilisant tous leurs réseaux. En septembre 1960, le sénateur Dubois y crée une antenne du Comité de Vincennes : un comité d’entente et d’action qui s’adresse à des centaines de personnes et fait voter deux vœux au conseil général, notamment celui de septembre condamnant « L’appel des 121 » sur le droit à l’insoumission lancé au moment de l’ouverture du procès du réseau Jeanson des « porteurs de valises », un réseau d’aide au FLN en métropole57. Ce comité d’entente est animé par le comte Horace Savelli, président départemental de l’UNC qui réunit des milliers d’anciens combattants, et par ailleurs maire de la Chapelle-sur-Erdre dont le 1er adjoint est le député de Sesmaisons. La plupart des notables du CNIP du département appartiennent à ce comité ou sont en contact avec lui : les députés et sénateurs de droite, le marquis Jean du Dresnay, vice-président du conseil général, l’ancien député d’avant-guerre Jean Le Cour Grandmaison, plusieurs responsables du parti « moricien », mais aussi des membres de l’Association pour la défense de la mémoire du maréchal Pétain (ADMP). En Loire-Atlantique, centristes, conservateurs, extrême droite monarchiste ou ultras se retrouvent dans ce comité.
45La fraction des poujadistes de l’Ouest favorable à l’Algérie française se radicalise, elle aussi, en 1960. Le 21 octobre 1960, une réunion privée rassemble 350 cadres de l’UDCA à Bazouges (Mayenne) : le délégué régional Bouvet annonce la création d’un Rassemblement populaire dirigé par le général Salan, Georges Bidault et Pierre Poujade. Ce mouvement qui souhaite renverser le régime n’est plus composé que des ultras farouchement antigaullistes. Dans le Finistère, dès 1959, ils se manifestent dans certains milieux résistants (FFL et ORA), de même qu’à Brest et à Lorient parmi les officiers de la Marine nationale58.
46Mais le général de Gaulle, qui a décidé d’accélérer les choses en organisant le référendum sur l’autodétermination, n’abandonne pas le terrain aux partisans de l’Algérie française. Le 5 septembre 1960, dans une conférence de presse, il déclare : « L’Algérie algérienne est en marche […] et le bon sens veut qu’elle soit unie à la France. » Dès le 6 septembre, afin de convaincre l’opinion et les élus de droite réticents, il engage une série de voyages dans le pays en commençant par la Bretagne historique. Au cours d’un périple de 1 800 kilomètres et en cinq jours de visite, le Général fait 75 arrêts et prononce 22 discours dans les principales villes. Acclamé par la population qui aspire à la fin d’un conflit qui fait des victimes parmi les jeunes appelés du contingent, le chef de l’État insiste sur l’unité nationale59. Ce voyage a été soigneusement préparé. Les préfets ont chargé les maires de mobiliser la population, mais aussi les militants UNR, lors de ses allocations dans les villes tout au long du parcours, de Rennes à Dinan, de Saint-Brieuc à Landerneau, où élus et notables l’accueillent. Dans le Finistère, le préfet parle « d’action psychologique » ; lors de ses huit principaux arrêts dans ce département, 131 000 personnes l’ont acclamé selon les RG. Le général de Gaulle développe inlassablement son argumentaire : le 6 septembre, à Brest, devant 50 000 personnes il déclare : « La France a choisi sa route… et cette route, c’est celle de la paix » ; à Châteaulin, il souhaite voir « l’Algérie appartenir à ses enfants60 ». À Quimper, il réunit les parlementaires dans le bureau du président du conseil général et leur annonce sans prendre de gants : « L’Algérie. Eh bien ! Une page de notre histoire est tournée… Ce n’est pas sans tristesse… La politique est l’art des réalités61. » On ne peut être plus clair mais c’est un choc pour les élus de droite, CNIP ou gaullistes, très attachés à l’Algérie française. La rupture entre de Gaulle et bon nombre d’indépendants de droite est consommée.
47Le 4 novembre 1960, de Gaulle annonce la tenue du référendum sur l’autodétermination le 8 janvier 1961, évoquant « la République algérienne » ; l’hypothèse de l’indépendance du pays à terme est avancée. Interrogé par Combat le 6 octobre au moment où la politique européenne de De Gaulle et son choix de l’arme nucléaire posent question, André Colin, le président national du MRP, réaffirme sa confiance dans le Général pour « régler le problème algérien » et il pense « l’association » toujours possible62. L’UNR, le MRP et la SFIO appellent à voter oui mais les « moriciens » sont pour le non, tout comme le PCF et le PSU qui refusent un plébiscite et réclament une « paix négociée ». Au sein du PSU, des débats ont eu lieu sur la position à adopter : les Côtes-du-Nord étaient pour le non quand le Finistère prônait le vote nul (par 10 mandats contre 7). Le CNIP laisse la liberté de vote afin d’éviter une scission. Dans le Finistère, les parlementaires appellent à voter oui sauf Georges Lombard. Hervé Nader a pourtant signé avec neuf autres gaullistes le manifeste du 17 décembre 1960 du député UNR de la Sarthe Raymond Dronne, ancien de la 2e DB, critiquant la politique du chef de l’État tout en réaffirmant leur fidélité. Un an plus tard, en novembre 1961, Dronne lance le mouvement Unité et sauvegarde de la République (USR) qui veut défendre l’Algérie française sans rejoindre l’OAS. Il est exclu de l’UNR. André Morice participe à cette organisation qui n’attire pas les foules.
48Le vote référendaire du 8 janvier 1961 sur l’autodétermination permet d’évaluer l’état de l’opinion bretonne par rapport au chef de l’État et sa politique algérienne. Le oui recueille 75,2 % des suffrages exprimés dans le pays mais l’abstention a été forte en métropole (23,5 %). La Bretagne s’est distinguée en montrant son attachement à de Gaulle, lui accordant 82,9 % de oui, des résultats oscillant de 77,2 % dans les Côtes-du-Nord à 86 % dans le Morbihan. Les réticences d’une fraction des droites ne sont pas suivies par les électeurs et les électrices (voir le tableau II)63.
Tableau II. – Le oui (en % des exprimés) en Bretagne aux référendums de 1958 à 1962.

49Les partisans de l’Algérie française au Parlement ont l’occasion de soutenir les inculpés de la Semaine des barricades : le 15 novembre 1960, ils votent pour la suspension de la détention – rejetée – de l’un des principaux insurgés, le député d’Algérie Pierre Lagaillarde64. Placés en liberté provisoire, Lagaillarde et Jean-Maurice Demarquet s’enfuient à Madrid où ils rejoignent le général Salan et lancent le Front de l’Algérie française (FAF), auquel on rajoute « national » (FNAF) en métropole, et bientôt l’Organisation de l’armée secrète (OAS). L’extrême droite touche peu de monde en Bretagne mais elle déploie un fort activisme à la fin de 1960 et en 1961. Selon les RG, à Brest, quelques officiers de marine retraités animent un comité Algérie française. Sauf en Loire-Atlantique, ce sont souvent des cadres extérieurs à la région qui tentent d’implanter des organisations extrémistes en essayant de noyauter des associations d’anciens d’Indochine, sans guère de succès dans le Finistère et les Côtes-du-Nord. Le Front national pour l’Algérie française, dont le délégué régional est le capitaine de corvette Jacques Roy, est signalé en Bretagne65. Il est animé par l’ancien secrétaire général des indépendants de Brest et par un lieutenant de vaisseau qui a appartenu au MP1366. Quand ce mouvement est dissous, d’autres groupuscules nationalistes prennent le relais : les sigles changent mais les militants restent. Le président départemental du Front national des combattants (FNC) du Finistère est le même que celui du FNAF. Animé par deux assistants de la faculté de droit – l’un est domicilié à Nantes –, un noyau d’étudiants (une dizaine plus quelques sympathisants) et d’activistes nationalistes plus âgés existe à Rennes en 1960-196267. Venant de Jeune Nation et de la Fédération des étudiants nationalistes fondée le 1er mai 1960, ils sont en liaison avec le Cercle des jeunes monarchistes, le mouvement Restauration nationale, l’Association de défense de la mémoire du maréchal Pétain qui a tenté de tenir un congrès à Rennes le 14 mai 1960 mais ses délégués ont été molestés par des résistants, et un dirigeant du MP13 expulsé d’Algérie en avril 1960 et enseignant à l’École d’agronomie. Ce petit monde, qui poursuit en 1961 une activité clandestine après la dissolution de leurs divers mouvements, est surveillé de près par la police mais aussi par les militants de l’UNEF.
50Faisant campagne pour le non au référendum, en janvier 1961 le Comité national pour la défense de l’intégrité du territoire de Jacques Soustelle et Georges Bidault organise un meeting au théâtre de Brest : 300 sympathisants. Mais le député de Paris Jean-Marie Le Pen, désormais au CNIP, est copieusement conspué par les 600 opposants présents68. Le maire Georges Lombard et plusieurs élus indépendants, soit une trentaine de personnes, rencontrent ensuite l’orateur lors d’une réunion privée. Des activistes d’extrême droite, souvent des étudiants rennais ou parisiens, collent à plusieurs reprises des affiches la nuit et font des inscriptions sur les routes de la région. Même si des tracts sont distribués, Jeune Nation de Pierre Sidos n’existe pas en tant que telle dans les Côtes-du-Nord en 1959-1960 où quelques personnes sont surveillées (un professeur de lettres au lycée de Saint-Brieuc, un colonel en retraite et un ancien collaborationniste). Dans le Finistère, bien que dissoute, Jeune Nation dirigée en novembre 1960 par un médecin brestois, poursuit une activité clandestine.
51Provoqué par la reprise des négociations avec le GPRA, le putsch de quatre généraux à Alger du 22 au 24 avril 1961 radicalise la situation. Ouest-France publie un numéro spécial de soutien à de Gaulle le 23 avril. Au congrès départemental du MRP du Finistère qui se tient pendant le putsch, André Colin réitère l’appui de son parti au chef de l’État, mais il souhaite toujours « parvenir à une paix fondée sur l’association entre la France et l’Algérie69 ». Répondant aux appels du chef de l’État et de son Premier ministre, dans plusieurs villes de Bretagne des barrages routiers sont dressés et à Quimper le conseiller général MRP appelle les agriculteurs à venir bloquer l’aéroport pour empêcher les parachutistes putschistes de débarquer70. Gabriel de Poulpiquet aurait été appelé en pleine nuit (23-24 avril) par le ministre Roger Frey pour faire de même sur l’aéroport de Guipavas, près de Brest71. Mais il ne se passe rien. Partout, les partis de gauche (PCF, PSU) et les syndicats ouvriers mobilisent leurs troupes contre les « factieux » pour défendre l’ordre républicain. Le 24 avril, des centaines de citoyens se rassemblent dans des meetings à Quimper, à Concarneau (600) et 12 000 personnes manifestent à Brest. Les conseils municipaux adressent des motions de soutien à de Gaulle et au gouvernement.
52Cette grave crise politico-militaire qui tourne au fiasco pour les putschistes n’empêche pas, moins de deux mois après, d’importantes manifestations paysannes en Bretagne en réponse aux « événements » de Morlaix du 8 juin 1961. La prise de la sous-préfecture par les légumiers du Léon dans une opération commando spectaculaire préparée par de jeunes militants de la FDSEA qui « ont fait l’Algérie », en présence de la presse nationale et régionale avertie du coup de force, indispose Michel Debré qui fait arrêter les leaders Alexis Gourvennec et Marcel Léon. Depuis deux ans, les campagnes bretonnes grondent, les FDSEA mobilisant à plusieurs reprises des milliers d’agriculteurs qui bloquent les routes, les gares et défilent en ville avec leurs tracteurs (20 000 dans le Finistère le 19 octobre 1959, 100 000 dans la région le 14 décembre, 10 000 en Haute-Bretagne à Redon le 26 mai 1961)72. Alors que l’on négocie à Évian avec le FLN, toute la Bretagne paysanne s’enflamme en juin 1961 pour faire libérer ses leaders syndicaux (55 manifestations du 11 au 22 juin, sabotages de lignes téléphoniques, bagarres avec la police faisant des blessés dans plusieurs villes). Nouveauté : le 20 juin, les syndicats ouvriers et agricoles de Saint-Nazaire appellent à une manifestation de soutien. C’est une première qui frappe l’opinion publique, même si un tract commun avait déjà été diffusé dans le Finistère lors de la visite de De Gaulle en septembre 1960. Jugés à Rennes, les deux leaders sont relaxés et libérés mais, en Bretagne, les mobilisations et violences paysannes vont marquer les deux décennies suivantes. Le député Louis Orvoën (MRP) réclame un plan de Constantine pour la Bretagne. Contestations agricoles et crise algérienne se rejoignent mais sans modifier pour autant l’attachement des Bretons au chef de l’État et à leurs élus locaux comme le montrent diverses élections.
53Les résultats du référendum du 8 janvier 1961 poussent les chefs de l’Organisation de l’armée secrète (OAS), fondée en février 1961, à étendre leur mouvement clandestin dans l’Hexagone : après l’échec du putsch des généraux à Alger, l’OAS-Métro commet des attentats sanglants notamment à Paris. Le général Salan en prend la direction ; Pierre Sergent recrute de préférence des militaires ou d’anciens militaires en France à partir de l’été de 1961. Dans la IIIe région militaire (le Grand Ouest), il obtient en septembre 1961 le concours d’une personnalité de choix, Horace Savelli, un notable et dirigeant du CNIP, résistant de la première heure, officier de la 2e DB de 1941 à 1945, Compagnon de la Libération. Après avoir hésité, Savelli, devenu Marceau-Garin, met sur pied l’OAS dans l’Ouest de la France assisté de deux officiers de l’École de Saint-Cyr Coëtquidan, Charles Renault et Charles Met. L’Organisation ultra-nationaliste développe des antennes dans plusieurs départements (Finistère, Morbihan, Loire-Atlantique, Vendée…) en s’appuyant surtout sur des militaires d’active, mais aussi quelques hommes ayant milité au CNIP, développe sa propagande et constitue des stocks d’armes en prévision de la prise du pouvoir. À Brest, en octobre 1961, des fanions OAS sont hissés sur les mairies de Saint-Marc et de Saint-Pierre-Quilbignon73. Quelques papillons anti-OAS d’un « comité de soutien pour la Ve République » sont placardés à Dinard en janvier 1962. Au début de 1962, Pierre Sergent ordonne de commettre des attentats. Dans la nuit du 10 au 11 février, sept attentats au plastic sont perpétrés dans l’Ouest contre des partisans de la paix en Algérie, à Nantes (locaux du PCF, agence d’Ouest-France), dans le Morbihan à Vannes, Lanester et Pontivy, faisant cinq blessés dont trois graves. C’en est trop. La police, qui surveille les réunions des partisans de l’Algérie française, procède à des arrestations d’activistes de l’OAS à partir du 11 février. Marceau-Garin tombe le 5 mars quelques jours avant la signature des accords d’Évian. Le procès du réseau OAS-Ouest s’ouvre en septembre 1962 : de nombreuses personnalités de droite viennent soutenir Horace Savelli qui n’échappe pas à une lourde peine de prison, tout comme Jacques de Villiers, le maire de Boulogne en Vendée74. Craignant d’être arrêté, Jacques Soustelle a été exfiltré vers l’Italie en juin 1961, avec l’aide de son ami Pierre de Bénouville. Cet appui place le député UNR de Fougères, ancien pilier comme Soustelle du RPF, dans le camp des partisans de l’Algérie française et lui vaudra le ressentiment du général de Gaulle.
54Dans les Côtes-du-Nord, un parti d’extrême droite des partisans de l’Algérie française ne semble s’être mis sur pied que le 30 novembre 1962 après la fin de la guerre. À Saint-Brieuc, dans ce Front national populaire présidé par le commandant Richard, ancien président délégué de l’UDCA poujadiste, se retrouvent plusieurs anciens gaullistes du RPF et de l’UNR, dont Georges Gallais, vice-président, deux professeurs du lycée Le-Braz d’extrême droite, dont Georges Rondouin qui est secrétaire général, un représentant des pieds-noirs, sans doute rapatrié d’Algérie, et l’abbé Le Breton, l’activiste de l’Emsav.
55La signature des accords d’Évian le 18 mars 1962 est un réel soulagement dans une région peu concernée par la question des pieds-noirs et par l’immigration algérienne. Le 8 avril 1962, avec une participation de 75 %, les accords d’Évian et donc l’indépendance de l’Algérie sont entérinés par référendum par 90,7 % des Français et 94,5 % des Bretons (avec une participation comparable à celle de 1961). La Loire-Atlantique, 93,1 % de oui, est le département qui donne le plus faible score : sauf à Nantes, les élites de droite du CNIP ont peu pesé en dépit de la liberté de vote. Tous les autres partis ont appelé à voter oui sauf le PSU favorable de fait à un vote nul en donnant comme consigne d’écrire sur les bulletins « Oui à la paix en Algérie. Non à de Gaulle. » Les pourcentages les plus forts de non s’observent dans les terres de gauche où le PSU est influent (Morlaix, Guingamp), à Rennes et à Nantes (10 %) et dans la commune de Guer (moins de 80 % de oui) où votent les militaires de Saint-Cyr Coëtquidan. À l’issue de près de huit années de guerre, une page douloureuse se tourne. Le bilan des victimes bretonnes de cette guerre coloniale n’est pas négligeable. Selon les noms inscrits sur les monuments aux victimes des guerres d’Afrique du Nord (AFN) érigés depuis 2002, 1 682 hommes sont tombés en Tunisie, au Maroc, mais surtout en Algérie, de 1952 à 1962. Toute une génération de soldats envoyés en AFN est marquée par cette « guerre sans nom ». Pour beaucoup, elle a accéléré la prise de conscience politique.
Des élections cantonales de juin 1961 aux sénatoriales de septembre 1962 : la continuité
56En Bretagne, la guerre d’Algérie n’a guère modifié les équilibres politiques locaux, d’autant plus que le vote de la loi Debré sur l’enseignement privé le 23 décembre 1959 a donné satisfaction à une large fraction de l’opinion publique et aux défenseurs de l’enseignement privé. Tous les parlementaires bretons l’ont votée sans état d’âme puisqu’il n’y a plus d’élus de la gauche laïque au Parlement. En revanche, la première loi d’orientation agricole a rencontré davantage de réticences le 25 juillet 1960 en divisant chacun des trois partis de la majorité75. Un an plus tard, les producteurs d’artichauts de la région de Saint-Pol-de-Léon s’invitent dans les élections cantonales des 4 et 11 juin 1961 à l’appel de jeunes militants de la FDSEA, dont Alexis Gourvennec, qui combattent depuis deux ans le monopole des négociants de la ville et trouvent que les réformes promises par le gouvernement ne vont pas assez vite. Dans le Finistère, les urnes sont enlevées au 1er tour dans trois communes du canton de Pont-l’Abbé, une opération qui vise à attirer l’attention des médias.
57Comme aux municipales de 1959, l’UNR ne parvient pas réellement à s’implanter lors des élections cantonales de juin 1961. Dans le Finistère, elle n’a que trois conseillers généraux sur 43 dont deux sortants (le député de Poulpiquet et Suzanne Ploux) ne gagnant que le canton de Brest 2 (Georges Kerbrat). Le CNIP du président du conseil général Jean Crouan est affaibli (10 élus auxquels on peut ajouter trois modérés Action locale) face au MRP qui a seize conseillers (37,2 %)76. Les centristes laïques sont au nombre de quatre dont Jean Charter (ex-UDSR), le maire de Quimperlé, et Jean-Louis Rohou, celui de Carhaix. En dépit de leurs divisions, les socialistes conservent cinq élus : la SFIO passe de trois à quatre (Pierre Boëdec élu à Bannalec dans une triangulaire) et Tanguy Prigent (PSU) est réélu dans son fief de Lanmeur avec 60 % des voix au 1er tour. Le PCF tombe à un seul élu, Alphonse Penven, du fait de la perte du canton de Carhaix gagné en 1955 dans une triangulaire par l’instituteur Roger Thomas, ancien maire de Spézet ; Jean-Louis Rohou, l’a emporté dès le 1er tour. En effet, le canton de Concarneau n’est plus PCF. Le sortant Michel Naviner (41,6 % au 1er tour), qui a été exclu du Parti au début des années 1950 et est classé extrême gauche, affronte le candidat officiel, le secrétaire fédéral Paul Le Gall (18,3 %), et le maire socialiste Charles Linement (19,3 %). Naviner est réélu au second tour (55,7 %) dans une triangulaire. Contre le sénateur André Colin (MRP), Jean Crouan peut encore compter en 1961 sur les voix de la droite, de l’UNR et de centristes pour conserver sa présidence de plus en plus menacée.
58La stabilité l’emporte aussi dans les autres départements bretons. Dans les Côtes-du-Nord, René Pleven conserve une confortable majorité face aux huit socialistes SFIO et PSU, aux cinq communistes et à un mendésiste qui n’a pas adhéré au PSU. Abel Durand (CNIP) est réélu en Loire-Inférieure. Paul Ihuel (MRP) parvient à conserver sa présidence dans le Morbihan. En Ille-et-Vilaine, le président du conseil général Marcel Rupied (CNIP) se retire : Robert de Toulouse-Lautrec, de la même tendance, lui succède de 1961 à 1966, signe que les équilibres politiques ne se sont pas modifiés.
59Dans la mesure où il n’y a pas eu d’élections municipales depuis 1959, le rapport de force n’a pas changé lors des élections sénatoriales du 23 septembre 1962 qui concernent le premier tiers des départements. Sauf qu’en Bretagne, elles se déroulent dans un contexte social agité : à l’agitation paysanne du Léon de 1960-1961 succède « la seconde bataille du rail » (sur les tarifs fret de la SNCF) impulsée par les syndicats professionnels. Ce climat de fronde n’a guère d’incidence sur les résultats, sauf au détriment de l’UNR souvent alliée aux indépendants et en faveur du MRP.
60Dans les Côtes-du-Nord, les trois sortants sont réélus dès le 1er tour77. Il en va de même en Ille-et-Vilaine où le MRP Jean Noury est réélu dès le 1er tour78. Le MRP élargit sa représentation sénatoriale dans le Finistère en raflant les quatre sièges au 2e tour : ses trois sortants sont réélus au Palais du Luxembourg ainsi que Louis Guillou. Jean Crouan, investi par le CNIP, pensait pouvoir couronner sa carrière politique en entrant au Sénat79. Encouragé par Georges Pompidou qui souhaite faire chuter André Colin, le président national du MRP passé dans l’opposition sur la question européenne, Jean Crouan, conduit une liste de trois indépendants (Jean Fichoux, 2e) avec l’UNR Yves Le Bot. Mais chaque parti fait campagne séparément et, à la surprise générale, Crouan est battu. En fait, plusieurs facteurs internes au CNIP expliquent cet échec retentissant : le député Joseph Pinvidic, très hostile à la politique algérienne de Gaulle, a fait campagne contre l’alliance avec l’UNR au 1er tour ; pour les mêmes raisons et par calcul politique, le député-maire de Brest Georges Lombard a fait voter MRP. À cela s’ajoute l’annonce par le général de Gaulle de sa réforme de l’élection présidentielle au suffrage universel, ce qui mécontente bon nombre de délégués sénatoriaux qui avaient voté pour lui en 1958, et la question de la tarification de la SNCF qui handicape la Bretagne. La liste Crouan en fait les frais.
⁂
61La guerre d’Algérie a marqué durablement la vie politique nationale en confortant l’ancrage du gaullisme présidentiel et référendaire. Toutes les forces politiques ont été affectées par ce conflit qui, une fois la guerre achevée, va redistribuer les cartes sur d’autres enjeux, en particulier la politique européenne. Mais c’est la réforme constitutionnelle décidée par le Général en 1962 qui va bouleverser la vie politique de la Ve République.
Notes de bas de page
1 ADCA. 20 W 98, 1192 W 7 et 10. Élections municipales de 1959.
2 Jean Kéribin à Maël-Carhaix, Louis Hingant à Noyal, Joseph Chas à Plouer-sur-Rance.
3 Douze sortants sont classés « extrême droite », ils ne sont plus que trois élus en 1959, dont Guillaume de Nantois à Pléneuf et Huon de Penanster à Ploubezre. Les autres ont été battus ou comptabilisés avec les modérés.
4 Ouest-France, 7-23 mars 1959.
5 Deux sont des héritières de dynasties municipales : Mlles Marie du Plessix de Grénedan à Quessoy (MRP) et Aliette Rioust de Largentaye (ext. droite modérée) à Saint-Lormel ; Albertine Provost (SFIO) à Sainte-Tréphine et Narcisse Chambrun (CCG) à Plancoët.
6 Deux socialistes, deux modérées, une MRP et Suzanne Ploux réélue à Pont-de-Buis (UNR en 1960).
7 Guiffan Jean, « De la SFIO au PS en Loire-Atlantique : la disparition de la “Vieille Maison” (1958-2004) », art. cité, p. 223.
8 Guiffan Jean, « Le PSU en Loire-Atlantique (1960-1975/5) », art. cité, p. 61. La SFIO dénonce « le mariage de la Carpe et du Lapin […], à Nantes moins qu’ailleurs, on ne peut prétendre à la fois se déclarer pour la laïcité et pour le cléricalisme, les droits des travailleurs et le patronat, et vouloir étaler son influence électorale de la porte du confessionnal à la cellule communiste ». H. Orrion obtient 14 sièges, le PCF 7, la SFIO 5, l’UNR 5, les radicaux 4, le MRP 2. Orrion est réélu par 21 voix contre 11.
9 Conq Marie-Laure, Brest de 1958 à 1965. Aspects politiques, économiques et sociaux, master 1, Brest, UBO, 2011.
10 Sa candidature avait été imposée par André Colin à la fédération du Finistère. Son échec est très critiqué par les militants. En novembre 1960, exclu du comité directeur, Yves Jaouen quitte le MRP alors qu’il avait milité au PDP depuis les années 1930. Georgelin Roselyne, Le Mouvement républicain populaire dans le Finistère (1954-1963), maîtrise d’histoire, Brest, UBO, 2003, p. 99-102.
11 ADF. 145 W 10-12 et 145 W 142. Élections municipales de 1959.
12 Dathanat Pierre, L’UNR et les gaullistes dans le Finistère de 1953 à 1969, op. cit., p. 70-72. Près de Quimper, à Penhars, le député Hervé Nader est éliminé dès le 1er tour. Le maire de l’île de Sein est l’un des rares fidèles au gaullisme dans le Finistère Sud (3 maires). Une liste de la fin de 1959 attribue 21 maires à l’UNR.
13 Rivière Christophe, « Les mouvements gaullistes dans le Morbihan, 1946-1958 », art. cité, p. 277 et 300-301.
14 Prigent François, Les réseaux socialistes en Bretagne des années 1930 aux années 1980, t. 1, thèse d’histoire, Rennes, université Rennes 2, 2011, p. 222-223.
15 Moreau Régis, Les évolutions politiques de Quimper de la Libération à l’aube des années 1970, op. cit., p. 63-80.
16 Cornouaille républicaine, 24 février 1960, journal électoral d’Hervé Nader.
17 ADCA. RG. Le texte condamnait le PCF concluant sans équivoque : « Un chrétien ne peut, sans trahir sa foi, lui [le PCF] donner l’appui de son nom ou de sa voix. »
18 Ouest-France, 20-27 août 1962.
19 Pour toutes les notices biographiques des sénateurs, voir le site Internet du Sénat. Notices en ligne IVe et Ve République.
20 Bernard Lemarié est vice-président du conseil général.
21 Conord Fabien, Les élections sénatoriales en France (1875-2015), op. cit., p. 120.
22 ADCA. 46 W 8 et 9. Rapports des RG.
23 Le Petit Bleu des Côtes-du-Nord, 14 février 1959.
24 Dathanat Pierre, L’UNR et les gaullistes dans le Finistère de 1953 à 1969, op. cit., p. 62-74.
25 Suzanne Ploux, « gaulliste indépendante », accuse l’UNR d’être responsable de son échec aux élections législatives, mais en 1961 elle appartient au parti.
26 Pozzi Jérome, Les Mouvements gaullistes. Partis, associations, réseaux (1958-1976), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 89-93.
27 Charlot Jean, L’UNR. Étude du pouvoir au sein d’un parti politique, Paris, Armand Colin/FNSP, 1967, p. 118-129. Il est significatif que les RG ne donnent aucun chiffre d’adhérents.
28 En Loire-Atlantique, le secrétaire départemental est Chauvel ; en Ille-et-Vilaine, le Dr Augustin Beauverger.
29 ADCA. 46 W 8 et 9. Rapports des RG.
30 Charlot Jean, L’UNR, op. cit., cartes p. 118.
31 Picard Marine, La droite modérée et l’extrême droite dans le Finistère du début de la guerre d’Algérie aux élections présidentielles de 1969, maîtrise d’histoire, Brest, UBO, 2002, p. 67-75.
32 Dans les Côtes-du-Nord, des négociations avec l’UNR ont conduit au retrait des deux candidats : Roger Bouret, le député sortant, mais un autre l’a remplacé, et Mme Le Couls à Lannion.
33 Picard Marine, La droite modérée et l’extrême droite dans le Finistère du début de la guerre d’Algérie aux élections présidentielles de 1969, op. cit., p. 21-28.
34 Férec Marie, L’impact de la guerre d’Algérie sur la vie politique à gauche dans le Finistère (1954-1962), op. cit., p. 228-258.
35 Bougeard Christian, « Origines et implantation du PSU en Bretagne : les fédérations des Côtes-du-Nord et du Finistère », in Tudi Kernalegenn et al. (dir.), Le PSU vu d’en bas, op. cit., p. 45-57.
36 Bougeard Christian, Tanguy Prigent, paysan ministre, op. cit., chap. xii.
37 Sainclivier Jacqueline, « Du PSU aux Assises du socialisme en Bretagne », in Christian Bougeard (dir.), Un siècle de socialismes en Bretagne, op. cit., p. 255-265.
38 Morin Gilles, « Le PSU breton : le poids des héritages », in Tudi Kernalegenn et al. (dir.), Le PSU vu d’en bas, op. cit., p. 39-44.
39 Guiffan Jean, « Le PSU en Loire-Atlantique (1960-1975/5) », in ibid., p. 61-63.
40 Prigent François, « Les socialistes bretons face au choc de la guerre d’Algérie : générations, recompositions, trajectoires », in Vincent Joly et Patrick Harismendy (dir.), Algérie, sortie(s) de guerre (1962-1965), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 177-188.
41 C’est le cas d’André Laurent à Lorient, d’André Marivin à Fougères, de Jean Le Faucheur et Michel Cadoret à Saint-Brieuc. Voir leurs notices rédigées par François Prigent dans Le Maitron en ligne.
42 Pocquet Sébastien, Les élus du Finistère et la guerre d’Algérie (1958-1962), op. cit., p. 85-100.
43 Charlot Jean, L’UNR, op. cit., p. 50-57.
44 Selon Le Monde, il déclare : « Nous suivons le Général sans qu’il nous commande directement. Nous sommes la chose du Général et il n’est pas la nôtre. »
45 Bougeard Christian, « La vie politique à la fin de la guerre d’Algérie en Bretagne », in Vincent Joly et Patrick Harismendy (dir.), Algérie, sortie(s) de guerre (1962-1965), op. cit., p. 163-166.
46 Pozzi Jérôme, Les Mouvements gaullistes, op. cit., p. 108-112.
47 Le Petit Bleu des Côtes-du-Nord, 17 octobre 1959.
48 Prigent François, « Les socialistes bretons face au choc de la guerre d’Algérie », art. cité, p. 181-182.
49 « Ce que je n’ai pas pu dire au Palais-Bourbon », Témoignage chrétien, 19 juin 1959.
50 Dathanat Pierre, L’UNR et les gaullistes dans le Finistère de 1953 à 1969, op. cit., p. 75-83, selon les RG.
51 ADF. 31 W 423. Rapport des RG du 26 octobre 1959.
52 Lombard Georges, Au service de Brest. De la mairie à la Communauté, Brest, Éditions de la Cité, 1976, p. 27.
53 Ouest-France, 30-31 janvier, 1er février 1960.
54 Couanault Emmanuel, « Hervé Nader entre Bretagne et Algérie française. Retour sur les élections législatives de 1958 à Quimper », in Erwan Le Gall et François Prigent (dir.), C’était 1958 en Bretagne, op. cit., p. 213-235.
55 Pascal Jean, Les députés bretons de 1789 à 1983, op. cit., p. 615. Yves du Halgouët n’a pas pris part au vote.
56 Ouest-France, 25 avril 1960.
57 Richard Gilles, « Le CNIP en Loire-Atlantique, entre de Gaulle et l’OAS… », in Erwan Le Gall et François Prigent (dir.), C’était 1958 en Bretagne, op. cit., p. 203-211.
58 Picard Marine, La droite modérée et l’extrême droite dans le Finistère du début de la guerre d’Algérie aux élections présidentielles de 1969, op. cit., p. 30-63. Le 3 juin 1959, un tract accuse de Gaulle de trahison et affirme qu’il est manipulé par des partisans du GPRA ! L’influence de cette prose doit être limitée.
59 Gourlay Patrick, « Les voyages du président de Gaulle en Bretagne », in Christian Bougeard, Vincent Porehl, Gilles Richard et Jacqueline Sainclivier (dir.), L’Ouest dans les années 68, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 146-147.
60 Ouest-France, 7 septembre 1960. Cité par Sébastien Poquet, op. cit., p. 136.
61 Lombard Georges, Au service de Brest, op. cit., p. 28. Dans une lettre du 17 août 1964 à Jean Crouan, l’ancien député Joseph Pinvidic (CNIP) rappelle sa réaction : « Rien ne m’avait plus meurtri que les propos tenus à Quimper. »
62 Le 24 octobre 1960, une motion de censure sur la priorité à la force atomique a été rejetée mais six députés bretons l’ont votée, dont trois MRP.
63 Sources : Nicolas Michel et Pihan Jean, Les Bretons et la politique, op. cit., p. 14-41.
64 C’est le cas de nombreux indépendants mais aussi du MRP Xavier Trellu, ami de Georges Bidault.
65 Jacques Roy sera condamné en mars 1962 à trois ans de prison avec sursis pour avoir tenté de créer un réseau de l’Organisation de l’armée secrète (OAS) dans la Marine. Ouest-France, 8 mars 1962.
66 Le MP13 n’a qu’un seul militant en Ille-et-Vilaine, responsable départemental, un homme venant de Nantes installé à Liffré qui tient une permanence peu fréquentée dans un hôtel rennais en janvier 1960.
67 ADIV. 0508 W 049, 078, 094, MP13 et Jeune Nation.
68 Le Télégramme, 2 janvier 1961.
69 Ouest-France, 24 avril 1961.
70 Ibid. Des barrages routiers sont signalés à Brest, Quimper, Concarneau et sans doute ailleurs.
71 Poulpiquet Gabriel de, Ma vérité, Quimper, Alain Bargain, 1997, p. 65.
72 Bougeard Christian, Les années 68 en Bretagne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017, p. 24-27.
73 Une perquisition le 25 avril 1961 chez un ancien étudiant royaliste passé au CNIP et détenant des armes le confirme.
74 Savelli est condamné à 13 ans de prison, ses deux adjoints à 10 ans. Il est gracié le 24 décembre 1965 et reprend son activité politique. En janvier 1966, il assiste au congrès du mouvement d’extrême droite Restauration nationale ; en 1975, il soutient le Parti des forces nouvelles (PNF) et adhère au Front national au début des années 1980, bénéficiant de la loi d’amnistie générale de François Mitterrand en 1982. Le 18 juin 1996, Jacques Chirac remet à ce Compagnon de la Libération devenu farouchement antigaulliste les insignes de commandeur de la Légion d’honneur. Un aristocrate du Finistère chez qui on a trouvé des explosifs est condamné à 3 ans de prison ferme.
75 12 députés ont voté pour (295), 15 contre (175), 3 abstentions, 2 n’ont pas voté.
76 ADF. 145 W 129 et 130. Élections cantonales de 1961. L’ancien député Pierre Trémintin (PDP-MRP), président de l’Association des maires de France, est réélu dans son fief de Plouescat avec 97,4 % des voix.
77 André Cornu (UDEM), Jean de Bagneux (CNIP), Bernard Lemarié (MRP).
78 Yves Estève (UNR), Roger du Halgouët (UNR).
79 Crouan Erwan, Jean Crouan (1906-1985), op. cit., p. 179-182.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008