Chapitre III. Turbulences et détente au milieu des années 1950 (1953-1958)
p. 79-110
Texte intégral
1Dans les années 1952-1954, la droite gouverne le pays. Si le gouvernement Pinay a été renversé par le MRP en décembre 1952, il a été remplacé par celui de René Mayer (rad.) de janvier à mai 1953, puis par le gouvernement de Joseph Laniel (CNIP) de juin 1953 à juin 1954. Les mêmes hommes gouvernent le pays qui se divise sur la Communauté européenne de défense (CED) et s’enlise dans les rizières d’Indochine. Pourtant, la tentative d’investiture le 4 juin 1953 de Pierre Mendès France (rad.), hostile à la poursuite de la guerre d’Indochine, semble présenter une alternative politique qui va secouer tous les partis politiques, y compris localement, et créer à partir de juin 1954 pour une partie de la société et surtout de la jeunesse un espoir de renouveau et de modernisation en bousculant les habitudes. Le RPF ne représente plus une menace pour les institutions de la IVe République, alors que le PCF tente de sortir de son isolement. Mais les débuts de la guerre d’Algérie (1er novembre 1954) portent un nouveau coup au régime que le retour au pouvoir de la gauche en 1956, dans le cadre du Front républicain, ne parvient pas à redresser, bien au contraire.
Les secousses de la CED et de l’Indochine
2Avatar du plan Pleven de réarmement de l’Allemagne de 1950, la Communauté européenne de défense doit élargir la Communauté du charbon et de l’acier (CECA) qui entre en vigueur en février 1953, première forme de marché commun à Six intégrant l’Allemagne fédérale (RFA). Le gouvernement Pinay a signé le traité de la CED le 27 mai 1952 mais il s’est bien gardé de le faire ratifier par le Parlement tant il divise l’opinion. Les communistes s’y opposent, mais le général de Gaulle le rejette aussi le 27 février 1953 alors que le Bundestag le ratifie un mois après. Ces deux partis vont mener des campagnes contre la CED, en principe soutenue par le MRP, la SFIO, les radicaux et la droite, pendant plusieurs mois. En réalité, tous les partis se divisent sur la question.
3Le MRP, qui est le parti le plus favorable à la CED et à la guerre d’Indochine, participe pleinement aux gouvernements Mayer et Laniel. Pierre-Henri Teitgen, président du parti depuis 1952, est vice-président du Conseil de Joseph Laniel. Chez les démocrates-chrétiens, certains anciens résistants sont déchirés sur la question d’une armée européenne qui doit intégrer des soldats allemands. Dans la fédération MRP des Côtes-du-Nord, en juin 1953, les « positions avancées » du député Henri Bouret, qui conteste les positions de son parti à l’Assemblée nationale, posent problème aux responsables qui souhaitent lui retirer le secrétariat fédéral1. Le député préfère démissionner afin de défendre ses positions. Le congrès fédéral du 10 mars, présidé par l’ancien ministre de l’Agriculture Pierre Pflimlin défenseur de la politique européenne du MRP, a précisé les positions. Henri Bouret explique que la CED lui pose un cas de conscience et qu’il ne peut approuver le traité en l’état. Il propose de réorganiser la fédération qui fonctionne mal depuis 1950 en désignant un délégué par canton au bureau départemental. La rupture est consommée quand, en novembre 1953, le député participe à une Conférence nationale sur le problème allemand à Paris et fait adopter une résolution, publiée par L’Humanité, condamnant la CED. La fédération considère qu’Henri Bouret ne la représente plus car un Comité d’action anti-CED est en préparation dans les Côtes-du-Nord associant Henri Bouret, le responsable du RPF André Cardin, des radicaux et certains socialistes. Le 30 août 1954, Pierre Mendès France décide de faire trancher le débat par un vote : par 319 voix contre 264, la CED est enterrée. Avec seize autres députés bretons, Henri Bouret vote le rejet (refus d’en discuter) contre 20, joignant sa voix aux cinq communistes, à trois socialistes, six indépendants, dont Raymond Marcellin, et deux gaullistes au grand dam de René Pleven qui reproche au président du Conseil de ne pas avoir mis tout son poids dans la balance. Comme tous les membres du gouvernement, le MRP André Monteil n’a pas pris part au vote. Seuls deux députés du MRP, Henri Bouret et André Denis de Dordogne, ont voté contre la CED ; ils sont immédiatement exclus du parti. En dépit d’une demande d’amnistie de sa fédération, cette exclusion est définitive en novembre 1954, si bien qu’Henri Bouret et ses amis, soutenus pas de jeunes militants démocrates-chrétiens et de la CFTC, envisagent de créer une nouvelle organisation.
4Les socialistes SFIO se divisent eux aussi sur la CED puisque trois députés sur six ont voté contre : Antoine Mazier, Alexandre Thomas et Jean-Baptiste Guitton, les deux Finistériens et Jean Le Coutaller s’étant alignés sur la position de Guy Mollet. Pourtant, en mai 1952, la fédération des Côtes-du-Nord avait approuvé « le principe de la CED » mais avec des modifications à négocier. Deux ans après, Mazier s’oppose à la CED. La fédération du Finistère s’est divisée. Souvent absent en 1953 en raison de graves problèmes de santé, Tanguy Prigent défend la ligne majoritaire de la SFIO qui a décidé au conseil national de Puteaux (février 1954) de rejeter la liberté de vote des parlementaires, position confirmée lors du congrès national extraordinaire de Puteaux mais qui n’a guère été suivie le 30 août2. En effet, le secrétaire fédéral du Finistère a renforcé ses liens d’amitié avec Guy Mollet qu’il a accompagné lors d’un voyage d’étude en Yougoslavie en mars 1952. Guy Mollet est venu présider le congrès départemental de Châteaulin le 4 mai suivant. Lors du débat sur la CED au congrès extraordinaire de Châteaulin le 23 mai 1954, les trois parlementaires socialistes finistériens font d’abord rejeter la liberté de vote, puis proposent l’obligation pour le groupe de voter pour la CED. Mais ils se heurtent à une opposition, en particulier des sections brestoises favorables à l’unité d’action avec le PCF et donc contre la CED3. Pour Le Breton socialiste du 9 septembre, l’abandon de la CED est une « tragique décision4 ». Le fossé s’accroît avec les Brestois du fait de sanctions contre les indisciplinés puis lorsqu’en décembre 1954 leur parti ratifie les accords européens de Londres et de Paris, sorte de substitut à la CED. En janvier 1955, deux responsables brestois, par ailleurs conseillers municipaux, Aimé Le Cozannet (président du groupe) et Jean Le Gouill, démissionnent de la SFIO, sans être suivis par les militants car on ne note que quatre départs. Ils ont fait campagne contre ces accords dans le journal communiste Ouest-Matin et vont rejoindre ce qu’on va bientôt appeler la Nouvelle Gauche (NG). Durant cette période, la fédération SFIO du Finistère perd de sa substance militante, tombant à 970 adhérents en 1954 et 950 en 1955 (voir le tableau IV, chap. 3, p. 99).
5Les communistes, en butte à la répression de plus en plus forte de l’État, poursuivent leurs actions contre l’influence de « l’impérialisme américain », la guerre d’Indochine et la CED en particulier à Brest. En mai 1952, la violente manifestation parisienne contre la venue du général américain Ridgway, commandant en chef des troupes américaines en Corée accusé – à tort – d’employer des armes bactériologiques, entraîne l’arrestation de Jacques Duclos inculpé d’atteinte à la sûreté de l’État. La CGT organise un débrayage de 5 000 ouvriers à l’arsenal le 28 mai, et le lendemain 150 ouvriers manifestent5. La Maison des syndicats est perquisitionnée. En octobre 1952, l’arrestation du secrétaire général (avec Benoît Frachon) de la CGT Alain Le Léap, originaire du Finistère, proche du PCF mais non adhérent, provoque des réactions beaucoup plus importantes : pétitions, débrayage de 90 % des ouvriers de l’arsenal le 14 octobre à l’appel de la CGT, de la CFTC, de FO et de la CNT anarchiste, rassemblement de 300 personnes à Châteauneuf-du-Faou le 18 janvier 1953. Des personnalités progressistes apportent leur soutien. De nouvelles arrestations à Paris de cadres de la CGT le 24 mars renforcent la tension dans le monde ouvrier à Brest où des renforts de CRS sont dépêchés. Mais la grève du 27 est peu suivie. Cette tension dure tout au long de l’année, notamment en raison de la brève arrestation de Benoît Frachon en novembre. L’UL CFTC apporte son soutien, ce qui contribue au « gauchissement » du syndicat chrétien. La lutte contre la CED prend alors le relais dans la cité du Ponant. Pour la première fois, le 10 juillet 1954, la CFTC de l’arsenal qui pèse lourd dans le Finistère s’associe à la CGT et au Mouvement de la Paix pour réclamer « la paix en Indochine » et « le rejet de la CED ». C’est une prise de position qui met en cause les orientations de la Confédération chrétienne et une rupture nette avec le MRP. En décembre, contre les accords de Paris et de Londres, une délégation de la CGT auprès des trois députés brestois Marcel Paul (PCF), Emmanuel Fouyet (MRP) et Alfred Chupin (UDSR, ex-RPF) est accompagnée par Francis Le Blé, secrétaire de l’UL et secrétaire-adjoint de l’UD CFTC. C’est le résultat d’une évolution entamée en 1950, l’unité d’action CGT-CFTC, qui va redistribuer les cartes et avoir des répercussions politiques affectant aussi bien les démocrates-chrétiens que les socialistes brestois. Le bref passage de Pierre Mendès France au gouvernement (18 juin 1954-6 février 1955) va aussi faire bouger les lignes au sein des partis.
L’expérience mendésiste et la montée du poujadisme
6Alors que la situation se dégrade en Indochine, le radical-socialiste Pierre Mendès France, qui a pris clairement position contre le conflit, tente une première fois sa chance comme président du Conseil le 4 juin 1953 après la chute du gouvernement Mayer, mais il rate l’investiture de 13 voix. Il a placé les députés devant leurs responsabilités et préconisé des mesures d’urgence pour régler bon nombre de problèmes en suspens. Quelques jours auparavant, le 14 mai, deux jeunes journalistes Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud ont lancé L’Express, un hebdomadaire qui va se faire le porte-parole moderniste de ce l’on va appeler le mendésisme. Une volonté de rénovation de la République va mobiliser une partie de l’opinion publique, notamment dans la jeunesse, et secouer tous les partis politiques, bien sûr le vieux Parti radical-socialiste de plus en plus tenaillé entre sa droite et sa gauche, mais aussi la SFIO. Mais il faudra un an de gouvernement Laniel, une grande grève des fonctionnaires à l’été de 1953 et le désastre de Diên Biên Phu le 7 mai 1954 pour que l’Assemblée se résolve à faire appel à Pierre Mendès France, investi comme syndic de faillite le 18 juin 1954 par 419 voix contre 47 et 143 abstentions, dont celles du MRP. Les 99 communistes ont voté pour lui mais Mendès France ne veut pas prendre leurs voix en compte pour ne pas se lier les mains lors des négociations de Genève avec le Viet-Minh, la Chine de Mao et l’URSS. Dix-sept députés bretons seulement ont voté pour, les socialistes, les communistes, le radical Morice, Guy La Chambre et deux ex-RPF, mais aussi deux MRP, Henri Bouret et André Monteil, alors que les autres s’abstenaient. Cinq députés de droite ont voté contre et il y a eu 17 abstentions (8 MRP). René Pleven, ministre de la Défense du gouvernement sortant, Raymond Marcellin et Pierre-Henri Teitgen s’abstiennent. Les votes sur les accords de Genève sont à peu près les mêmes le 23 juillet.
7La vague mendésiste ne touche guère les élus bretons. Pourtant, deux d’entre eux participent au gouvernement resserré du député de l’Eure : les députés-maires de Quimper et de Saint-Malo André Monteil et Guy La Chambre. André Monteil, qui avait été secrétaire d’État à la Marine en 1949-1950, le redevient. À la suite de la démission de trois ministres cédistes qui n’acceptent pas le rejet de la CED, il est même promu ministre de la Santé publique et de la Population en septembre 1954, ce qui lui vaut une mise à l’écart de son parti qui dénonce « le crime du 30 août » et critique violemment Pierre Mendès France. Pierre-Henri Teitgen, le président du MRP, considérait plus de trente ans après que Monteil et Robert Buron, député de la Mayenne, qui avaient accepté d’entrer dans ce gouvernement, l’avaient fait « à titre personnel » et qu’ils étaient des « dissidents » « otages » du gouvernement6. Cacique et ministre de la IIIe République dans les années 1930, Guy La Chambre (CNIP) retrouve un maroquin d’abord comme ministre des États associés de juin à septembre puis comme ministre d’État. La SFIO soutient ce gouvernement mais refuse d’y participer, même si bon nombre de socialistes, dont Tanguy Prigent, sont favorables à son expérience. Ayant réglé en quelques semaines la guerre d’Indochine, la crise tunisienne en ouvrant la voie à l’indépendance du protectorat et la CED, mais en ayant aussi répondu fermement à l’insurrection du FLN en Algérie, Pierre Mendès France va se heurter à l’opposition de nombreux parlementaires, dont les radicaux de droite de son propre parti. Le 5 février 1955, son gouvernement est renversé par 319 voix contre 273. Il n’y a plus que onze députés bretons à le soutenir, ses deux ministres, les MRP Bouret et Hutin-Desgrées, les six socialistes et le gaulliste Golvan dont le groupe participe au gouvernement. Edgar Faure (rad.) peut reprendre le fonctionnement habituel en faisant entrer dans son gouvernement le leader du MRP Pierre-Henri Teitgen comme ministre de la France d’Outre-mer au moment où la situation se dégrade au Maroc. Dans tous les partis, cette brève « expérience Mendès France » a de fortes répercussions.
8Après le renversement de Pierre Mendès France, le mendésisme cherche à se structurer en prenant le contrôle du vieux Parti radical et radical-socialiste créé en 1901. Tout au long de l’année 1955 se déroule une bataille pour la direction du parti dont l’appareil est tenu par Léon Martinaut-Déplat, secrétaire administratif, très hostile à Mendès France. Lors du congrès de Paris de mai 1955, les deux hommes s’affrontent : le premier refuse le retour des alliances à gauche proposées par le second. Sous l’impulsion de Pierre Mendès France, les instances dirigeantes sont rénovées et élargies et, au congrès de Paris du 4 novembre, Mendès France est élu premier vice-président du Parti radical (63,6 % des voix)7. Ce processus de rénovation déclenche une vague d’adhésions de militants plus jeunes, plus urbains, plus intellectuels que les notables radicaux. Dans l’Ouest, le mendésisme mord même sur les milieux catholiques de gauche déçus par le MRP. Mendès France a proposé au congrès de Paris un vaste programme de modernisation et de développement, ainsi que le retour au scrutin d’arrondissement souhaité par la plupart des partis, sauf le MRP, et surtout la recherche d’une solution pacifique en Algérie. Il propose une alliance électorale aux socialistes, à l’aile gauche de l’UDSR (François Mitterrand) et aux républicains sociaux qui l’ont soutenu. C’est la base du Front républicain. Ce faisant, il heurte de plein fouet les intérêts d’Edgar Faure, autre leader radical, qui est président du Conseil. En réponse, ce dernier décide de dissoudre l’Assemblée nationale pour prendre de vitesse le Front républicain en gestation. Au nom des principes « républicains » invoqués aussi par Édouard Herriot, le président d’honneur du parti valoisien, Edgar Faure est exclu. Quelques jours plus tard, plusieurs leaders de la droite du parti sont exclus à leur tour dont René Mayer et Léon Martinaud-Déplat. Derrière Edgar Faure, les exclus font la campagne électorale de 1956 sous l’étiquette du RGR qui veut conserver la majorité sortante de centre droit.
9La modernisation des structures économiques entamée avec la reconstruction du pays s’intensifie au milieu des années 1950 provoquant un malaise dans plusieurs milieux sociaux. Les salariés aspirent à une meilleure répartition des fruits de la croissance. Les conflits salariaux sont nombreux, dont celui de Saint-Nazaire et de Nantes pendant l’été de 1955 qui a un retentissement national. Paris Match va même jusqu’à titrer : « La France des grèves a pour capitale Nantes. » Dans tous les secteurs, dont la construction navale, les écarts de salaires des ouvriers professionnels entre la Bretagne et la région parisienne sont de plus de 30 %. Le 22 juin 1955, des grèves démarrent aux chantiers navals de Saint-Nazaire sur des questions salariales. Le conflit est très dur et long mais l’unité d’action syndicale CGT, FO, CFTC va s’avérer payante : de graves incidents se produisent le 1er août, malgré tout les ouvriers nazairiens arrachent un accord salarial le 20 août, une hausse de 22 %. Les Nantais qui réclament les mêmes augmentations se heurtent à un patronat intransigeant qui ferme les entreprises (lock-out) le 18 août. Le lendemain, comme à Brest en 1950, le maçon Jean Rigollet tombe sous les balles de la police à Nantes lors d’un défilé interprofessionnel. Ce conflit en Basse-Loire de quarante-neuf jours est émaillé de nombreuses bagarres avec les CRS, de barricades, de manifestations de solidarité notamment de femmes qui défilent avec leur poussette. Par sa démarche unitaire, le syndicalisme ouvrier se renforce notamment du fait de l’unité d’action de la CGT et de la CFTC, en dépit de l’opposition de la direction nationale du syndicat chrétien. À Nantes et en Loire-Inférieure, comme à Brest, la CFTC connaît un certain essor et une certaine radicalisation sous la houlette de Gilbert Declercq, dirigeant de la minorité Reconstruction qui milite pour la déconfessionnalisation de la Centrale chrétienne. C’est un ancien responsable de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), secrétaire des métallos de Nantes et futur secrétaire fédéral de l’UD CFTC.
10Ce sont les professions indépendantes, petits commerçants, artisans, petits agriculteurs confrontés à une concurrence ouverte et à la fin du temps des pénuries qui leur avait permis de prospérer qui s’agitent le plus. La modernisation de la fiscalité de l’État et surtout le renforcement des contrôles du fisc agacent puis exaspèrent bon nombre d’entre eux. En 1953, Pierre Poujade, petit papetier de Saint-Céré (Lot), prend la tête d’un mouvement de contestation auquel il va donner son nom, le poujadisme, en créant l’Union des commerçants et artisans (UDCA). Une fraction des droites autoritaires, en déshérence depuis l’éclatement du RPF, va surfer sur cette vague de mécontentement corporatiste en amalgamant divers courants qui évoluent vers l’extrême droite populiste. Par exemple, Roger Bouret, qui sera élu député des Côtes-du-Nord en 1956, est un commerçant en tissus dinannais, ex-UDSR passé par le RPF, candidat sur la liste des indépendants d’André Aubert aux élections municipales de 1953. Poursuivi pour un défaut de paiement de cotisations sociales à la Caisse d’allocations familiales, il crée une section de l’UDCA à Dinan en octobre 1955 et en devient président départemental8. L’UDCA est apparue en Bretagne au début de 1955. En Ille-et-Vilaine, elle commence à tenir des réunions de propagande en janvier-février 19559. En avril 1955, le mouvement Poujade compte selon les RG 1 110 adhérents, plus que le MRP ou la SFIO, 300 à Rennes, 200 à Dinard, 150 à Fougères, mais il en revendique 8 000. Cela représente 2,6 % des commerçants et artisans du département. Les militants de l’UDCA veulent des actions corporatives et ne se résolvent que tardivement à présenter une liste aux élections législatives. Ainsi, en novembre 1955, la majorité du comité départemental a refusé un accord électoral avec Henry Dorgères.
11Dans le Finistère, c’est dans le nord du département que le mouvement se structure à partir de janvier 1955 et une première réunion officielle à Saint-Pol-de-Léon le 17 janvier suivie par l’adhésion d’une partie des commerçants de Landerneau en butte à Édouard Leclerc qui y a ouvert à la fin de 1949 une épicerie très concurrentielle10. Le syndicat des petites et moyennes entreprises, la CGPME de Léon Gingembre, a pourtant tenté de lui barrer la route en intensifiant ses activités (actions contre les ventes-saisies de commerces comme l’UDCA), son recrutement, et en reprenant ses revendications. Le 28 mars 1955, la journée de fermeture des commerces à l’appel de Pierre Poujade n’est suivie que dans le Finistère Nord (600 personnes à un meeting à Morlaix). Chevret, le délégué national chargé de la Bretagne, s’est déplacé. Brest, Landivisiau, Lesneven se manifestent les jours suivants et le meeting test de Pierre Poujade à Saint-Pol-de-Léon le 25 avril aurait déplacé 2 500 personnes. En septembre 1955, un nouveau bureau départemental est mis en place présidé par Marcel Cléach avec Maurice Morand comme délégué à la propagande, tous les deux sur la liste de 1956 (3e et 2e). L’organisation s’étend vers les villes du sud du Finistère sans attirer beaucoup de monde ; elle est à la recherche d’une personnalité de droite pour conduire sa liste11.
Les élections de 1955
12Elles se déroulent dans un climat plus apaisé sans remettre en cause les équilibres politiques locaux. D’abord, en raison du décès du député de Quimper Joseph Halléguen en janvier 1955, une élection législative partielle est organisée dans le Finistère en mars-avril 1955. Huit candidats sont en lice au 1er tour : Jean Crouan (CNIP) ex-RPF, Hervé Mao, le maire socialiste de Châteaulin, Pierre Mazé (PCF), le frère de l’ouvrier tué à Brest en 1950, Louis Orvoën, ancien député MRP de juin 1946 à 1951, et Eugène Bérest (Jeune République), 2,7 % des suffrages, ce qui traduit la division des démocrates-chrétiens. Un inconnu, Jean-Maurice Demarquet (5,8 % des voix) se parachute dans le Finistère pour le Rassemblement national (extrême droite) contre l’avis de son chef Jean-Louis Tixier-Vignancour (extrême droite) : il s’apprête à surfer sur le vague poujadiste. Président du conseil général et maire de Quémeneven en 1947, réélu en 1953, Jean Crouan vise plutôt le Conseil de la République mais, à la demande des droites, du député Pinvidic ex-RPF qui a rejoint le CNIP, de ses amis finistériens et aussi de René Duchet, secrétaire général du CNIP, il s’est laissé forcer la main comme candidat d’Union nationale12. Au dernier moment, Me Bonthonneau, l’un de ses colistiers PRL de 1946, ancien président de l’APEL du Finistère, et Guillaume Le Roux (5,4 %) se présentent aussi. La concurrence est rude à droite. Jean Crouan arrive en tête le 20 mars (28,8 %) devant Louis Orvoën (25,3 %). Fait notable, Hervé Mao (18,8 %) devance de peu le communiste (18,2 %), une première depuis 1945. Mais, en raison d’une très forte abstention (46,5 %), un second tour doit avoir lieu le 3 avril. Orvoën, Bérest, Demarquet, Bonthonneau se désistent pour Crouan. Dans la triangulaire, Jean Crouan est réélu à l’Assemblée nationale où il a déjà siégé de 1936 à 1940 et en 1945-1946 avec 54,6 % des voix. Hervé Mao (20,7 %) devance Pierre Mazé (19,1 %). Le rapport de force droite/gauche dans le Finistère est de 60/40, mais à gauche la SFIO a regagné du terrain par rapport à 1951 alors que le PCF s’est stabilisé.
13Les élections cantonales se tiennent dans la foulée en avril 1955 : le MRP gagne cinq sièges. Jean Crouan, encore considéré comme républicain social (gaulliste), n’est réélu à la présidence qu’avec 24 voix sur 43 (moins qu’en 1951), ce qui signifie qu’il n’a pas eu l’appui du MRP. Le groupe des ex-RPF tombe de onze élus en mai à cinq en décembre 1955, signe de leur retour dans le giron des indépendants. La parenthèse du gaullisme paraît bien refermée dans le Finistère.
14Dans les Côtes-du-Nord, des deux conseillers généraux RPF de 1949, il n’en reste qu’un en 1955, Georges Gallais, qui ne se représente pas. Dans son canton, le maire MRP de Saint-Brieuc Victor Rault l’emporte de peu sur son 1er adjoint, le député SFIO Antoine Mazier. Nouveauté et effet indirect des combats communs contre la CED, voire du mendésisme, un accord de désistement est conclu au second tour entre les deux partis de gauche au grand dam de René Pleven qui dénonce « la collusion socialo-communiste13 ». On note un certain renouvellement : 15 sortants sur 24 réélus (mais cinq ne se représentaient pas). Le clivage droite/gauche recommence à jouer dans les Côtes-du-Nord où la gauche progresse : la SFIO gagne un siège (huit) alors que le PCF (cinq) en perd un à Bourbriac, mais il y a deux socialistes indépendants et un divers gauche en plus. En revanche, il ne reste que quatre MRP (et deux ex-MRP) et les indépendants reculent de 19 à 16 au profit des centristes plévénistes du RGR (rad. et UDSR), 13 (plus quatre). Après la mort de Staline et un début de dégel en URSS, les communistes cherchent à sortir de leur ghetto et les socialistes mettent en sourdine leur anticommunisme. Du coup, la majorité de René Pleven est amoindrie : il n’est réélu à la présidence qu’avec 27 voix contre 15 (socialistes et PCF) et 3 bulletins blancs (trois absents de la majorité) alors qui avait obtenu 41 suffrages en 1951. Désormais, les socialistes ne participent plus au bureau où ils sont remplacés par le député Henri Bouret (ex-MRP) et le Dr Rahuel (MRP de l’aile gauche du parti).
15Dans le Morbihan, la stabilité des hommes et des courants politiques l’emporte aussi car 15 des 19 sortants de 1949 sont réélus14. Les ex-indépendants RPF retournés au CNIP dominent le conseil général (vingt élus sur 38, plus six par rapport à 1951) et six élus sont encore classés comme républicains sociaux (gaullistes), mais deux seulement s’en réclament vraiment, les ex-radicaux Victor Golvan à Quiberon et Adrien Charrier à Port-Louis. Les MRP sont au nombre de six, dont le président Paul Ihuel. Il y a toujours deux socialistes dont Alexis Kergaravat, maire de Gourin (1947), ancien radical-socialiste passé à la SFIO qui reprend le canton. Les radicaux et divers gauche gagnent deux sièges (quatre), dont un à La Trinité-Porhoët. La région lorientaise s’ancre à droite en élisant deux indépendants à Lorient-2 et à Pont-Scorff, Louis Le Montagner, maire de Guidel15. Le rapport gauche/droite est de 6 à 32. Dans le Morbihan, l’épisode RPF a permis le passage à droite de cantons gagnés par la gauche dans les années 1920-1930.
16En Ille-et-Vilaine, les indépendants de droite renforcent leur tutelle sur le conseil général puisqu’ils passent de 22 à 28 sur 43, mais cela s’explique par le retour d’anciens RPF tombés de dix en 1951 à trois16. Le MRP s’érode à six élus (moins deux) tandis que les radicaux-socialistes doublent leur représentation (de 3 à 6), mais comme depuis 1951 la SFIO n’a plus d’élu, la gauche est très faible. Lui-même faible dans les élections locales face aux notables conservateurs, le MRP a remplacé la gauche à Antrain, Saint-Malo, Rennes-Sud-Est. Depuis 1945, la droite n’a cessé de renforcer son emprise. Il en est de même en Loire-Inférieure où elle est toujours hégémonique.
17Au niveau national, en voix comme en sièges, le déclin du RPF est confirmé : il est passé de 25,3 % des suffrages exprimés en mars 1949 à 5,5 % en avril 1955 (même série de cantons) et de 453 conseillers généraux à 72 sur 1 498 renouvelables (4,8 %) ; il avait encore 13,4 % de voix et 175 sièges en octobre 1951. En voix, depuis 1951 le PCF baisse à 21 % (moins 2,8 %), la SFIO (17 %) et le MRP (9 %) sont stables alors que les radicaux-RGR (19,7 %) progressent de plus de cinq points tout comme les modérés (27,3 %, plus 6 %), doublant leur voix de 1949. Ces modérés récupèrent donc une grande partie du vote gaulliste17.
18Le 19 juin 1955, le rééquilibrage du Conseil de la République se poursuit dans le Finistère. En dépit de l’accord des indépendants et des républicains sociaux (400 délégués sénatoriaux réunis le 23 mai), les droites ne conservent qu’un sénateur sortant, l’agriculteur et maire de Lannilis (Finistère Nord) Yves Le Bot, ex-RPF18. Les socialistes gardent un sénateur, toujours le seul en Bretagne, mais Hippolyte Masson (80 ans) cède son siège au maire de Landerneau, l’ancien député Jean-Louis Rolland. Le MRP est le gagnant de ces sénatoriales car Yves Jaouen, le maire de Brest, est réélu rejoint par l’ancien FFL, professeur de lettres et conseiller général de Douarnenez Xavier Trellu. De même, en Loire-Inférieure, le MRP a gagné un siège sur les droites : Georges Aguesse, professeur de lettres puis journaliste, qui avait déjà été conseiller de la République MRP de 1946 à 1948. Trois sortants sont réélus, dont Abel Durand (CNIP), président du groupe RI qui accède à la vice-présidence du Conseil de la République, ainsi que le maire de La Baule René Dubois (CNIP) et Michel de Pontbriand qui reste, lui, fidèle aux républicains sociaux. Dans les Côtes-du-Nord, la continuité l’emporte puisque les trois sortants, Henri Cordier (CNIP), André Cornu (rad.) et Yves Jézéquel (UDSR), soutenus par René Pleven, sont réélus au second tour contre la liste socialiste conduite par le député Alexandre Thomas. La liste MRP s’est retirée mais ses voix sont allées en quasi-totalité aux sortants, et les communistes ont appelé à voter pour les socialistes19. Dans les Côtes-du-Nord, aux sénatoriales de 1955, le rapport droite/gauche est de 59 contre 41 %. Les élections législatives de 1956 vont permettre de mesurer les rapports de force.
Les élections législatives du 2 janvier 1956 : retour à la situation antérieure et poussée du poujadisme
19Afin de prendre de vitesse le Front républicain, alliance des radicaux mendésistes, des socialistes, de l’aile gauche de l’UDSR et d’une partie des républicains sociaux, qui risque de l’emporter, Edgar Faure et la majorité sortante décident d’avancer les élections législatives de six mois. Le président du Conseil fait renverser son gouvernement le 29 novembre 1955 – vingt députés bretons sont des 318 qui votent pour –, ce qui, comme la Constitution le lui permet si deux crises ministérielles sont intervenues en moins de 18 mois de dissoudre l’Assemblée le 2 décembre et de convoquer des élections pour le 2 janvier 1956. La brièveté de la campagne électorale n’empêche pas la multiplication des listes : 41 en Bretagne pour 39 sièges à pourvoir. La question des apparentements est à nouveau posée mais, sauf dans le Morbihan, ils jouent un rôle beaucoup moins important qu’en 1951. D’autant plus qu’à l’extrême droite un nouveau venu sur l’échiquier politique risque de redistribuer les cartes : le mouvement poujadiste qui présente partout ses listes d’Union et fraternité française (UFF).
20Dans les Côtes-du-Nord, René Pleven se désole que les apparentements de 1951 n’aient pas été reconduits car cela signifie la perte de deux sièges au profit du PCF. Il met en cause Antoine Mazier qui a rejeté cette proposition le 12 novembre 1955, sachant que la SFIO va perdre son second député au profit du PCF, mais il ne dit pas que les négociations entre le MRP et le RGR ont échoué « d’un commun accord20 ». Dans le Finistère, un apparentement est conclu entre le MRP, l’UDSR-RGR et le CNIP. Cet accord devrait permettre la réélection d’Alfred Chupin (ex-RPF passé à l’UDSR). Conduisant la liste poujadiste, Demarquet a tenté de s’apparenter aux listes précédentes mais il s’est heurté à un refus. En Ille-et-Vilaine, deux apparentements sont conclus entre la SFIO et les radicaux-socialistes, d’une part, et entre le CNIP et les républicains sociaux, de l’autre, mais ni le MRP, ni les poujadistes n’en veulent. En Loire-Inférieure, tiraillé depuis des mois entre une aile gauche et sa droite, le MRP s’apparente finalement au CNIP. La peur de la remise en cause par le Front républicain des lois Marie-Barangé a joué à plein. En revanche, contrairement à 1951, dans le Morbihan un très large apparentement est conclu entre les listes MRP, CNIP et les républicains sociaux. Ainsi, les apparentés vont pouvoir se partager les sept sièges. Le MRP a donc des stratégies variables selon les départements, mais elles sont toujours orientées vers la droite, ce qui, retombée du mendésisme, explique la présence en Bretagne de deux listes de la Jeune République qui se situent au centre gauche. Dans les Côtes-du-Nord, la liste d’Action travailliste (JR) est conduite par l’ancien député MRP Henri Bouret avec le Dr Rahuel en 3e position (5,9 % des voix) ; dans le Finistère, la liste de la Jeune République l’est par Eugène Bérest (2,1 %). La nouveauté de 1956 est la constitution d’une force de centre gauche catholique qui concurrence directement le MRP, signe des réalignements en cours.
21Les négociations pour composer les listes sont parfois âpres. Dans le Finistère, pour éviter une liste concurrente, celle du CNIP conduite par les deux sortants Joseph Pinvidic et Jean Crouan, deux ex-RPF, doit accepter en 3e position Pierre Uchard, un ancien cadre dorgériste soutenu par l’Office central de Landerneau, président de la FDSEA, déjà candidat en 1936. Écartés de la 3e place, les indépendants brestois en sont fort marris21. Dans les Côtes-du-Nord, l’alliance UDSR, radicaux-socialistes, CNIP est reconduite avec ses deux sortants. Yves Le Cozannet est remplacé par Joseph Clément (CNIP), maire de Saint-Glen et conseiller général de Moncontour depuis 1945, vice-président du conseil général. Si les instances de l’UDSR (300 congressistes à Saint-Brieuc le 9 octobre 1955) et du CNIP ont accepté l’alliance à l’unanimité, le comité directeur du Parti radical s’est divisé (17 voix contre cinq). Au sein de la fédération radicale-socialiste présidée par le sénateur Cornu, une opposition de gauche mendésiste emmenée par deux députés de l’entre-deux-guerres, Pierre Sérandour et André Lorgeré, s’affirme. N’acceptant pas cette alliance avec la droite, Pierre Sérandour présente une liste radicale mendésiste qui recueille plus de 18 000 voix (6,6 %). Là encore, parmi les centristes, le clivage gauche/droite recommence à jouer. L’augmentation du nombre d’électeurs, l’arrivée de jeunes inscrits qui veulent secouer les partis traditionnels et une baisse du taux d’abstention depuis 1951 (environ 20 %) ont joué.
22Quelques candidatures sont modifiées à gauche. Au PCF, Guillaume Le Caroff, secrétaire fédéral et permanent, conduit la liste devant l’ancien député Marcel Hamon dans les Côtes-du-Nord22, et dans le Finistère Auguste Penven, le maire et conseiller général du Huelgoat depuis 1945, est en 2e position (éligible) à la place d’Alain Signor. C’est le signe de la ligne d’ouverture mise en œuvre depuis 1953, du retour en grâce des élus locaux communistes ancrés dans leur territoire et du poids du Parti dans les campagnes du Centre-Bretagne. Dans plusieurs départements, dont les Côtes-du-Nord et le Finistère, le PCF propose même des apparentements à la SFIO, propositions rejetées car, selon ce parti, il faut à la fois combattre la « droite colonialiste » au gouvernement et « les hannetons moscoutaires » (congrès de Lille, décembre 1955). La fédération SFIO du Finistère présente le maire de Châteaulin Hervé Mao en 2e position derrière Tanguy Prigent à la place d’Eugène Reeb, tous les deux élus. Le congrès fédéral élargi du 8 décembre 1955 a désigné Mao contre Reeb à l’issue « d’un dépouillement long et pénible », certains parlant de « tripatouillage électoral23 ». La section de Concarneau, celle de Reeb, proteste alors que le secrétaire fédéral Tanguy Prigent a soutenu Mao contre Reeb. Cette faille interne va rejouer lors de la crise de 1958-1959. Craignant de perdre un siège, les socialistes font campagne contre les trois « listes d’escroquerie » et les apparentés qui « se sont déshonorés » en ne disant rien de la guerre d’Algérie24. Mais, sur le terrain, à part pour les communistes, la guerre d’Algérie n’est pas centrale dans la campagne électorale même si la SFIO a pour slogan : « Front républicain contre front réactionnaire : paix contre guerre en Algérie. »
23À droite, la situation n’est pas toujours simple non plus. Au MRP, de jeunes ambitieux cherchent à entamer une carrière politique comme Christian Bonnet (35 ans) qui, dans le Morbihan, a fait le siège de Paul Ihuel, des notables locaux et du secrétaire général pour être en 3e position éligible25. Dans les Côtes-du-Nord, seule personnalité ayant survécu depuis 1945, après l’exclusion d’Henri Bouret, Marie-Madeleine Dienesch conduit la liste assistée de Pierre Guillou, un agriculteur poussé à se présenter contre son gré d’après une déclaration de février 1957. Le comité directeur du MRP l’a investie, mais la députée sortante souligne elle-même les « inconvénients de présenter une femme comme tête de liste ». Douze ans après l’attribution du droit de vote aux femmes, le monde politique reste un monde d’hommes. Le MRP fait partout campagne sur la liberté d’enseignement, les questions agricoles et européennes, ce qui lui permet de récupérer à droite une fraction de l’électorat catholique conservateur. Il compense ainsi ses pertes à gauche en Basse-Bretagne.
24La droite qui a gouverné de 1952 à 1954 n’est pas en très bonne posture. En Loire-Inférieure, une liste de divers droite s’oppose à la liste officielle du CNIP et recueille 4,9 % des suffrages exprimés. Curiosité : une liste Témoins du Christ attire à elle 1 154 votants (0,3 %)26. Dans le Morbihan, Raymond Marcellin n’hésite pas à ressortir le paysan Joseph Cadic, député de 1936 à 1940, dorgériste et pétainiste condamné à l’indignité nationale en 1945, qui est élu en 2e position (14 %). On voit aussi réapparaître Henry Dorgères, le leader de la ligue de Défense paysanne puis un des chefs de la Corporation de Vichy, en Ille-et-Vilaine.
25Les républicains sociaux, héritiers directs du RPF, sont en situation difficile même s’ils présentent des listes partout et tentent de sauver leurs députés sortants en s’apparentant avec des listes de droite, Pierre Guillain de Bénouville en Ille-et-Vilaine et Victor Golvan dans le Morbihan, sans y parvenir en raison de leurs faibles scores. Leur liste est souvent conduite par des inconnus venus d’ailleurs : l’ancien député radical-socialiste de Charente (1936-1940) Raymond Réthoré dans les Côtes-du-Nord et le capitaine Guy, aide de camp du général de Gaulle, dans le Finistère. Les divisions minent les derniers partisans du parti gaulliste. Dans les Côtes-du-Nord, Réthoré a été investi par le Conseil national contre Louis Kérautret, le président de la fédération départementale (10 voix contre 7). Le 9 décembre 1955, cette fédération se saborde et refuse d’appeler à voter pour « un candidat étranger au département27 ». En fait, le différend est politique car il s’agit de s’opposer à la fraction des républicains sociaux qui, avec Jacques Chaban-Delmas, s’est associée au Front républicain, c’est-à-dire à la gauche non communiste. Dans un communiqué, le responsable départemental, reprenant curieusement l’argumentaire pétainiste, rejette « la formation d’un Front populaire responsable de la défaite de 1940 ». Les candidats gaullistes sont en outre concurrencés par des notables de la droite classique, souvent ex-RPF, et par l’extrême droite poujadiste et nationale-populiste. Dans le Morbihan, en dehors du député sortant Victor Golvan, il n’y a plus de notables connus sur la liste. Résultat : avec 4,2 % des suffrages en 1956, les gaullistes n’ont plus aucun député en Bretagne (voir le tableau I, p. 91).
26En Ille-et-Vilaine, Henry Dorgères, l’ancien leader des Chemises vertes fascisantes des années 1930, tente contre le CNIP de Guy La Chambre et les poujadistes un come-back politique28. Surfant sur le mécontentement latent dans les campagnes, Henry Dorgères se présente là où il a lancé ses comités de Défense paysanne en 1929 et dans les années 193029. Dorgères cherche à prendre des voix au MRP. Ainsi, le député Alexis Méhaignerie bénéficie de solides relais dans la FDSEA mais il est en concurrence avec l’extrême droite poujadiste. Dorgères est néanmoins élu (11,3 % des voix). En effet, les poujadistes présentent des listes d’Union et de fraternité française (UFF) dans tous les départements bretons et dans l’ensemble du pays sur le thème : « Sortez les sortants ! » Ils font élire le pâtissier rennais Robert Nerzic, délégué national à la propagande de l’UDCA. Récupérant une grande partie des voix RPF de 1951, ces deux listes d’extrême droite (un député chacune) pèsent plus du quart de l’électorat (26,7 %) d’Ille-et-Vilaine en 1956. Ailleurs, les listes poujadistes obtiennent entre 7 et 11 % des voix et surtout quatre députés en Bretagne sur 52, un dans chaque département, sauf dans le Morbihan (voir la liste des députés de 1956 : voir le tableau II, chap. 1, p. 15-16).
Tableau I. – Les résultats des élections législatives de 1956 en Bretagne (suffrages exprimés en %) et nombre de sièges par liste.

27Jean-Maurice Demarquet, qui s’est déjà présenté au printemps de 1955, est élu dans le Finistère (8,7 % des voix). Pourtant, le 8 décembre 1955, le bureau de l’UDCA était hostile à son investiture car il n’appartenait pas au milieu des petits commerçants et artisans et vivait à Paris. Mais, comme aucun des dirigeants locaux ne veut conduire la liste, on se rabat sur sa candidature30. Les conflits internes ne vont pas tarder, même si le bureau est modifié au début de 1956. Ses électeurs ne le verront guère puisqu’en septembre 1956, il s’engage comme parachutiste en Algérie avec son compère Jean-Marie Le Pen élu député de Paris. Ce fervent partisan de l’Algérie française rompt avec le mouvement poujadiste en 1957.
28Sauf dans le Morbihan, les apparentements ont un effet électoral plus limité qu’en 1951 (voir le tableau I). Dans ce département, le MRP se taille la part du lion : un tiers des suffrages, cinq députés dont deux apparentés sur sept n’en laissant que deux au CNIP de Raymond Marcellin comme en 195131. On peut mesurer le poids réel du MRP qui auparavant faisait liste commune avec des indépendants de droite. Dans le Finistère, le MRP ne bénéficie pas vraiment de l’effondrement du vote RPF : il conserve trois élus, les deux sortants André Colin et André Monteil et le sudiste Louis Orvoën qui redevient député au détriment du Brestois Emmanuel Fouyet. Ce parti progresse en voix dans les Côtes-du-Nord (plus 12 000), malgré la scission d’Henri Bouret, mais stagne dans le Finistère et recule en Ille-et-Vilaine où une partie des voix du RPF se portent sur les poujadistes. Tombé à neuf députés en 1955 avec l’exclusion de Bouret et la mise à l’écart de Monteil, réintégré en octobre 1955, le MRP progresse à treize (avec ses deux apparentés morbihannais), un tiers des députés bretons (voir le tableau I, p. 91).
29De même, s’il se tasse en voix, le PCF regagne un siège en Bretagne grâce aux Côtes-du-Nord (deux élus sur sept), mais il en a perdu un dans le Morbihan. Recueillant un quart des suffrages dans les Côtes-du-Nord et plus de 18 % dans le Finistère, il conserve un socle électoral solide en Basse-Bretagne en dépit d’une ligne politique dure de 1949 à 1953. C’est aussi le cas de la SFIO qui a progressé de près de deux points, mais n’a plus que cinq députés car si elle en a regagné un en Ille-et-Vilaine (Alexis Le Strat), elle en a perdu un dans les Côtes-du-Nord et un autre dans le Morbihan. Dans les Côtes-du-Nord, sa progression en voix n’est pas négligeable. Comme le MRP, elle aurait pris des voix à la liste Pleven (moins 20 000, en recul de 8,3 %)32. La composante radicale est affectée par la présence d’une liste de gauche mendésiste et une partie de l’électorat de droite a sans doute préféré le poujadisme aux indépendants. René Pleven ne cache pas sa déception33. Dans ce département, en incluant la JR, le préfet considère que le corps électoral a glissé à gauche. En incluant les communistes (24,6 % des voix) en voie de réintégration et les partisans du Front républicain (29 %), la gauche redevient majoritaire dans les Côtes-du-Nord (53,6 %) et atteint 44,1 % dans le Finistère.
30En sièges, le RGR est stable avec la réélection de René Pleven (UDSR) et d’André Morice (radical), mais depuis 1951 ces deux ministres qui ont appartenu à des gouvernements de droite ont glissé vers le centre droit. André Morice refuse le Front républicain et soutient Edgar Faure contre Pierre Mendès France. Comme celle de Pleven, sa liste a perdu 3,9 % des voix depuis 1951 malgré l’absence d’une liste UDSR en Loire-Inférieure. Les radicaux-socialistes de gauche font des scores limités en Bretagne mais s’affirment à nouveau dans les Côtes-du-Nord avec la percée de la liste mendésiste. Concurrencé sur sa droite par les poujadistes, le CNIP a des résultats décevants partout, même s’il conserve des députés sortants dans quatre départements sur cinq. Les onze députés indépendants de droite, après le ralliement de cinq RPF, inscrits dans quatre groupes différents en janvier 1955, ne sont plus que huit un an après, dont Michel Raingeard, Olivier de Sesmaisons et Étienne Toublanc réélus en Loire-Inférieure où, n’étant plus associé aux gaullistes, le CNIP a perdu 10 % de ses suffrages de 1951. Apparentés au MRP, ils espéraient pourtant dépasser la majorité absolue mais une partie des classes moyennes a fait défection. Ils ont dû céder un siège aux poujadistes qui ont quatre députés en Bretagne plus Henry Dorgères (non inscrit) en Ille-et-Vilaine34.
Le gouvernement de Guy Mollet (1956-1957)
31Les élections législatives de 1956 ne bouleversent pas le paysage politique breton toujours clairement ancré à droite, mais elles traduisent un certain redressement du MRP et de la SFIO, un affaiblissement du centrisme laïque qui se divise et une poussée à l’extrême droite qui se substitue en partie au RPF. Au niveau national, le Front républicain l’emporte de peu, créant un certain espoir à gauche. Mais comme le montrent les sondages, alors que l’opinion publique attend Pierre Mendès France, c’est Guy Mollet qui est chargé par le président Coty de former le nouveau gouvernement investi par 19 députés bretons seulement sur 420, dont les communistes contre huit (cinq poujadistes et les trois élus de droite de Loire-Inférieure) et dix abstentions (six MRP, quatre de droite). Dans la nouvelle assemblée, le PCF redevient puissant, passant de 99 députés à 150. Premier parti du Front républicain, la SFIO a 95 députés alors que les radicaux, pas tous mendésistes, sont 58. Guy Mollet prend quatorze radicaux « orthodoxes » dans son gouvernement, mais les mendésistes sont fort déçus car Pierre Mendès France n’obtient ni les Affaires étrangères – le MRP ne veut pas d’un anticédiste – ni l’Économie. On lui donne un poste de ministre d’État sans périmètre bien défini, si bien qu’il démissionne dès le 23 mai 1956, affaiblissant de fait le gouvernement Mollet. Tanguy Prigent, qui espérait retourner au ministère de l’Agriculture, se voit attribuer celui des Anciens combattants par son ami Guy Mollet qui doit composer avec les radicaux35. Ce ministère ne l’enthousiasme guère mais il fait appel au Morbihannais Jean Le Coutaller qui a perdu son siège, d’abord comme directeur de cabinet, puis comme sous-secrétaire d’État aux Anciens combattants.
32La guerre d’Algérie est le premier défi à relever. Une partie de l’opinion espère un rapide règlement de la question algérienne, car depuis le vote de l’état d’urgence le 2 avril et la terrible répression qui répond à l’insurrection du FLN dans le Constantinois en août 1955, la guerre a pris un nouveau tour. En principe élu pour faire la paix en Algérie, le gouvernement de Guy Mollet va intensifier la guerre à la suite de « la journée des tomates » à Alger le 6 février 1956. Le président du Conseil qui a nommé le général Catroux, un libéral, à la place de Jacques Soustelle, accompagné de Tanguy Prigent, est accueilli par une véritable émeute organisée par des anciens combattants et un comité d’entente d’extrême droite dans lequel se trouve Jean-Maurice Demarquet. Guy Mollet découvre que le peuple pied-noir est dans la rue. Les socialistes dénoncent « un coup de main fasciste » : Le Breton socialiste finistérien du 11 février écrit : « Le tout Alger pétainiste, collaborateur et colonialiste était là […]. À Alger, Demarquet va souffler la haine. Chez nous, il pourrait bien sous peu récolter la tempête. » Bouleversé, Guy Mollet abandonne ses promesses de paix et de réformes libérales et il va s’accrocher au triptyque : « Cessez-le-feu, élections, négociations », ce que le FLN, qui négociait secrètement avec le gouvernement, ne peut accepter. Fort du vote des pouvoirs spéciaux le 12 mars 1956, avec les voix du PCF, Guy Mollet, qui a nommé Robert Lacoste, un socialiste à poigne en Algérie, va intensifier la guerre et y envoyer le contingent36. Cette guerre en Algérie accélère la structuration des marges de la gauche en gestation depuis 1953-1954.
Vers une nouvelle gauche (1955-1958)
33En marge du PCF et de la SFIO, des petits noyaux militants marginaux, en désaccord avec la ligne de leur parti sur la CED, la guerre d’Indochine puis la guerre d’Algérie, s’efforcent de s’organiser. À Brest, Aimé Le Cozannet et Jean Le Gouill, qui ont démissionné de la SFIO puis du conseil municipal, créent le 26 janvier 1955 une section brestoise du Centre d’action des gauches indépendantes, le CAGI, qui ambitionne de se situer entre la SFIO et le PCF, et a 12 à 15 adhérents relayant le Parti socialiste unitaire de Guillaume Leyer qui a disparu. Aimé Le Cozannet en est le secrétaire secondé par Francis Le Blé, responsable de l’UL CFTC et de l’UD. C’est d’autant plus remarquable que des militants laïques s’associent à des catholiques, ces chrétiens de gauche qui contribuent à dépasser un clivage séculaire et défendent des positions anticolonialistes. En cours d’année, le CAGI se fond dans la Nouvelle gauche (NG) qui devient un mouvement politique national en novembre 1955. Deux autres noyaux finistériens rejoignent la NG : quelques enseignants de Pont-l’Abbé autour de Lanig Le Dilosquer, ancien résistant passé par le trotskisme, et une dizaine de Quimpérois avec Maurice Boivin, professeur à l’École normale37. Ce sont des militants laïques et syndicalistes de sensibilité d’extrême gauche, lecteurs de France Observateur, qui vont rejoindre l’Union de la gauche socialiste (UGS) en décembre 1957. Outre le combat contre la guerre d’Algérie, ils souhaitent œuvrer à l’union des gauches, ce qui n’est pas le cas dans le Finistère. Ils se battent avec le PCF contre la guerre mais condamnent aussi l’intervention soviétique en Hongrie en novembre 1956. Sur ce point, la NG soutient des militants CGT de la Poste du sud du Finistère qui vont la rejoindre38. De 1955 à 1958, selon les RG, il y aurait de 50 à 100 militants à la NG finistérienne.
34Après la disparition de l’UCP, l’Union des chrétiens progressistes, cette mouvance proche du PCF est faible en Bretagne même si des cadres militent à la CGT. Des militants de l’aile droite de l’UCP se sont retrouvés dans Jeunesse de l’Église condamnée en octobre 1953 qui disparaît du Finistère la même année lors du départ de Cécile Jullien39. Ce sont souvent des lecteurs du bimensuel La Quinzaine, lui aussi condamné par l’Église en février 1955. Le nombre d’abonnés en Bretagne à La Quinzaine, ainsi que celui des abonnés à Témoignage chrétien, journal qui refuse le progressisme chrétien, permet de mesurer la très faible influence de ces courants au sein des catholiques bretons. Les minoritaires de La Quinzaine lisent souvent les deux périodiques.
Tableau II. – Les abonnés à La Quinzaine et à Témoignage chrétien en Bretagne de 1950 à 1955.

35De 1950 à 1955, le nombre total d’abonnés à La Quinzaine s’élève à 484 (4,8 % du total national), mais annuellement il n’y a qu’une cinquantaine d’abonnés par département, ce qui est très marginal (voir le tableau II, p. 94). La situation est meilleure pour le lectorat de Témoignage chrétien, 12,1 %, composé de gens qui n’acceptent pas, ou plus, la tutelle du MRP. Dans les deux cas, la Loire-Inférieure arrive en tête. Le lectorat de La Quinzaine est urbain et plus intellectuel à Rennes (enseignants, étudiants), plus ouvrier dans les Côtes-du-Nord, mixte dans le Finistère et en Loire-Inférieure. On retrouve parmi eux des militants engagés sur le terrain politique et social, dans le syndicalisme et au Mouvement populaire des familles (MPF) auquel a succédé le Mouvement de libération du peuple (MLP), comme Paul Léon. Geneviève et Guy Grattesat ont milité au MPF à Saint-Brieuc avant de participer à la rédaction du journal à Paris. À Brest, le jociste Henri Berlivet, ex-UCP, milite à la CGT, à l’ACO et au MLP qui aurait une quarantaine d’adhérents dans la cité au début de 1957. Les militants diffusent Le Monde ouvrier et condamnent la guerre d’Algérie. À Saint-Nazaire, Gilbert Declercq, futur responsable de l’UD, milite au sein du courant contestataire de la CFTC. La hiérarchie catholique s’inquiète de l’influence des idées de La Quinzaine sur le jeune clergé (vicaires et aumôniers). En 1951, parmi les 50 abonnés des Côtes-du-Nord, il y a au moins 15 prêtres, trois et un séminariste sur 32 en Ille-et-Vilaine, onze sur 26 dans le Finistère, mais certains sont autour de Mgr Fauvel, moyen pour l’évêque de connaître les arguments des contestataires. La participation de cette poignée de militants chrétiens et syndicalistes aux conflits sociaux et à la lutte anticolonialiste (Indochine puis Algérie) est un facteur d’évolution politique non négligeable dans la région. Des convergences avec le PCF s’opèrent à la fin de 1955 dans l’opposition commune au rappel des réservistes pour l’Algérie.
36L’approche des élections législatives de 1956 a accéléré les recompositions politiques. Dans les Côtes-du-Nord, des militants de l’aile gauche du MRP fondent à l’initiative du député exclu Henri Bouret une fédération de la Jeune République le 23 octobre 1955 en présence de 150 à 180 personnes, de maires ruraux et de « nombreux militants de la CFTC40 ». Conseiller municipal de Saint-Brieuc, le professeur de lycée Roger Huon en devient secrétaire fédéral assisté du Dr Rahuel, aussi conseiller municipal et général de la ville. Le maire de Saint-Brieuc Victor Rault, 4e sur la liste du MRP, est affaibli. Des sections JR-Action travailliste des Côtes-du-Nord voient le jour dans la région de Loudéac, à Guingamp et à Lannion. C’est la reprise sur des positions plus à gauche, même si Henri Bouret reste favorable à la liberté d’enseignement, de la JR animée en 1945 par le Dr Moisan, conseiller général de Merdrignac, qui a rejoint l’UDSR. Dans le Finistère, la JR s’est réorganisée en janvier 1955 à partir de la section de Brest animée par le professeur de lycée Eugène Bérest, secrétaire fédéral, avec l’appui de Jean Peuziat, conseiller municipal MRP de Douarnenez, ancien responsable national de la JOC et militant de l’ACO41. À la fin de 1957, elle a des militants dans la plupart des villes et compte, selon les RG, 80 adhérents à Brest et 45 à Douarnenez. Bérest s’est présenté à l’élection législative partielle de 1955 et il a conduit la liste de la JR en 1956. La fédération finistérienne est alors hostile au PCF, mais elle se divise en 1957 entre Bérest, plus favorable à l’unité d’action, et Peuziat opposé. Dès la fin de 1955, l’opposition de la JR au rappel des réservistes (pour l’Algérie) a été un vecteur de mobilisation.
37Dans le camp laïque, secouant le radicalisme qui a glissé à droite, des militants soutiennent les efforts de rénovation du Parti radical-socialiste entrepris par Pierre Mendès France. Dans les Côtes-du-Nord, la présentation de la liste de Pierre Sérandour clarifie la situation. La section de Guingamp s’est opposée à la majorité d’André Cornu lors du congrès départemental en refusant l’alliance avec l’UDSR et la droite. De fortes divisions se sont manifestées le 30 octobre 1955 lors du congrès régional des fédérations radicales-socialistes de Bretagne présidé par André Morice alors ministre du Commerce et de l’Industrie d’Edgar Faure. Partisans et opposants de Pierre Mendès France ont finalement accepté « une motion de transaction » afin de préserver l’unité du parti en réaffirmant que « la fédération de Bretagne souhaite que le parti se maintienne dans une ligne traditionnelle, celle d’un parti de gauche et de progrès social42 ». Mais cette prise de position ne va pas empêcher une scission à la fin de 1956.
38La Jeune République s’organise en lançant le 1er mars 1956 un mensuel L’Action travailliste des Côtes-du-Nord. Henri Bouret, qui n’est plus que conseiller général de Lanvollon, apporte son appui au gouvernement de gauche mais il insiste surtout sur « l’arrêt des hostilités en Algérie » et la recherche d’une solution négociée. Le congrès départemental s’est tenu en juin 1956 sous la présidence de Léo Hamon, lui aussi exclu du MRP sur la question de la CED. En juillet 1956, avec les communistes et les socialistes, les deux conseillers généraux JR proposent à leur assemblée de voter un vœu pour la paix en Algérie refusé par la majorité. Tout au long de l’année 1956, l’action « contre la violence en Algérie » est un axe fort développé par un jeune professeur d’anglais de Saint-Brieuc, Jacques Galaup43. Mais en novembre 1956, la JR dénonce aussi l’écrasement de la révolution hongroise à Budapest par les Soviétiques, ce qui constitue un obstacle au rapprochement avec le PCF. Tout au long de l’année 1957, les militants de l’Action travailliste-JR tiennent des réunions sur l’Algérie sans parvenir à déplacer beaucoup de monde. En décembre 1957, au plan national, le regroupement des maigres forces de la JR, du MLP, de la NG et de l’Action socialiste au sein de l’Union de la gauche socialiste (UGS) est à l’ordre du jour. Dans les Côtes-du-Nord, le 1er décembre 1957, le congrès de la JR (20 militants) se prononce pour intégrer l’UGS qui doit rassembler les catholiques de gauche venant de l’Action travailliste et du MLP, dont un noyau existe à Guingamp animé par l’architecte Ernest Novello. L’UGS tient sa première réunion à Saint-Brieuc le 19 décembre44. Un tract la présente comme un « parti socialiste, révolutionnaire, démocratique ». Mais Roger Huon, secrétaire général de la JR, revient du congrès d’unification de Paris qui a donné naissance à l’UGS le 8 décembre en refusant la fusion car la Nouvelle gauche a imposé ses positions sur la laïcité : suppression de la loi Barangé et défense de l’école publique45. La majorité de la JR avec Roger Huon et le Dr Rahuel refuse de disparaître. Jacques Galaup est élu président de l’UGS des Côtes-du-Nord qui se constitue en janvier 1958 avec une poignée de militants. Dans le Finistère, une vingtaine de militants, surtout de l’arsenal, venant du progressisme chrétien et du Mouvement de libération du peuple (MLP) brestois, rejoignent l’UGS dont Henri Berlivet devient le secrétaire fédéral. Mais ils sont très réservés à l’égard de la Jeune République qui, de toute façon, ne rejoint pas l’UGS. À Brest et dans le sud du Finistère, l’UGS se fait connaître dans le comité Audin dans lequel elle milite avec des communistes et des cégétistes pour la paix en Algérie. Des syndicalistes laïques du SNI comme Roger Prat (tendance École émancipée) y participent. En avril 1958, le bureau fédéral définitif s’installe : le Brestois Henri Berlivet est secrétaire fédéral assisté de deux adjoints, Jean Le Gouill (NG, ex-SFIO) et Lanig Le Dilosquer (NG). Deux responsables enseignants du sud du Finistère sont à ce moment-là poursuivis en justice pour « entreprise de démoralisation de l’armée » et diffusion de tracts, ce qui suscite le soutien des syndicats enseignants de la FEN et du SGEN-CFTC.
39En Loire-Atlantique, les militants chrétiens du MLP, qui a des sections à Nantes, Couëron, La Montagne dans le monde ouvrier, rejoignent l’UGS avec quelques militants de la NG et de l’Action socialiste46. Le MLP est dirigé par Raymond Viaud et André Coutant. Contrairement au Finistère, les liens étroits du MLP avec la JR font que la fédération dirigée par Paul Richard adhère à l’UGS. La fusion est décidée à Nantes le 14 décembre 1957. La fédération de l’UGS, qui compte un peu moins de 100 adhérents, structure huit sections en février 195847. Un peu partout en 1958, le combat contre la guerre d’Algérie puis contre le retour au pouvoir du général de Gaulle va attirer des sympathisants. La lutte commune anticolonialiste et contre la guerre d’Algérie a rapproché la NG et le MLP en 1956 et 1957, mais des divergences sur la question scolaire ont empêché un rapprochement plus poussé entre la NG et la JR dans le Finistère comme dans les Côtes-du-Nord. L’hebdomadaire de l’UGS La Tribune du peuple appelle à « un immense effort de rajeunissement de la vie politique française pour un renouveau du socialisme ». À la fin de 1958, il y a une centaine d’abonnés à Brest et autant dans le Finistère Sud, ce qui ne plaît guère aux communistes bien implantés dans les ports de pêche.
40Même si ses effectifs restent très limités par rapport aux deux grands partis de gauche, la nouvelle gauche réunie dans l’UGS, présente dans 70 départements, constitue un espoir pour une petite fraction de l’opinion qui désespère de la SFIO (politique molletiste en Algérie) et du PCF stalinien. Voilà des éléments de renouvellement d’un paysage politique qui paraissait bloqué à gauche.
L’évolution des forces politiques : les partis de gauche (1956-1958)
41Au milieu des années 1950, le Parti communiste français s’efforce de sortir de son isolement politique en se rapprochant des socialistes comme l’ont montré les élections de 1955, mais le fossé est encore large et la SFIO aussi bien que la CGT-FO refusent la main tendue en dépit de la bonne volonté des parlementaires communistes lors des investitures de Pierre Mendès France puis de Guy Mollet. La politique de Guy Mollet, la « bataille d’Alger » et la couverture de la torture d’un côté, l’approbation par le PCF de l’intervention de l’Armée rouge écrasant les insurgés de Budapest de l’autre, ne vont guère rapprocher les deux partis de gauche au sommet, même si sur le terrain des échanges fructueux se nouent.
42Dans les années 1950, le PCF renouvelle peu ses cadres dirigeants en Bretagne, sauf dans le Finistère où Pierre Le Rose est écarté en 1956 par la direction nationale, pour cause de « sectarisme », mais reste au bureau fédéral, au profit de Paul Le Gall, artisan maçon de Concarneau qui devient permanent. Pas directement mêlé à la ligne dure des années précédentes, il incarne l’ouverture vers les autres partis de gauche. Il est secondé par Louis Le Roux qui a adhéré au Parti en 1949 et est devenu à Brest en 1950 rédacteur de Ouest-Matin. Il est possible, à partir des sources internes communistes désormais accessibles, de mieux connaître le nombre réel d’adhérents, même si le vrai chiffre n’existe pas. Selon les données des cartes placées, en 1954 la hiérarchie des fédérations bretonnes s’est peu modifiée sauf pour la Loire-Inférieure passée en 3e position avant le Morbihan et l’Ille-et-Vilaine (voir le tableau III)48.
Tableau III. – L’évolution des effectifs du PCF en Bretagne de 1954 à 1958 (cartes placées).

43Les données de 1955 sont incomplètes et il y a vraisemblablement une erreur pour les Côtes-du-Nord (2 905 au lieu de 1 905 ?). Comme au niveau national, la victoire électorale du Front républicain et l’augmentation d’un tiers du nombre de députés communistes se traduisent par une hausse des adhésions surtout dans le Finistère et en Loire-Inférieure, mais le soufflé retombe en 1957 (d’environ 17 % dans les Côtes-du-Nord et le Finistère) et l’année 1958 voit une stagnation.
44La baisse de 1957 en Bretagne par rapport à 1956 est de 14,9 %, le double de la moyenne nationale. Est-ce l’impact du XXe congrès du PCUS révélant les crimes de Staline ou la conséquence de l’écrasement de la révolution hongroise ? La nouveauté est que les Côtes-du-Nord ont perdu beaucoup d’adhérents, plaçant ce département à égalité avec le Finistère49. En Loire-Inférieure, la hausse de 1956 est brève et en 1957 cette fédération est au niveau de celle du Morbihan qui stagne. La facture des années de guerre froide est lourde puisqu’en 1958 le PCF a perdu les 4/5e de ses adhérents de 1946, mais c’est vrai pour tous les grands partis. Pourtant, le fort militantisme contre la guerre d’Algérie aurait dû apporter de nouvelles troupes. Mais on peut penser que la nouvelle gauche est plus attractive. La décrue est importante dans le Finistère puisqu’on est passé de 49 sections et 368 cellules en 1949 à 37 sections et 196 cellules en 195350.
45Dirigée par Édouard Quemper, à la fin de 1955 la fédération des Côtes-du-Nord fait campagne pour un Front populaire puis pour la paix en Algérie51. Lors de l’intervention soviétique en Hongrie, elle distribue des tracts à Saint-Brieuc (nuit du 8-9 novembre) : « Halte aux fascistes de France et de Hongrie », et multiplie les réunions publiques et privées. Son siège est à nouveau victime d’un attentat à l’explosif trois jours après.
46La SFIO, qui a connu elle aussi un affaiblissement de ses effectifs au début des années 1950, se redresse quelque peu en 1956 et 1957, effet du retour au gouvernement avec Guy Mollet. En 1953-1954, toutes les fédérations sont passées au-dessous de 1 000 adhérents (voir le tableau IV). Un redressement s’opère de 1954 à 1957 (gain de 1 365 membres, plus 41,2 %), puis les effectifs fléchissent à nouveau en 1958. Les Côtes-du-Nord, le Finistère et l’Ille-et-Vilaine profitent de ce rebond52.
Tableau IV. – L’évolution des effectifs de la SFIO en Bretagne de 1952 à 1960.

47Quatre fédérations socialistes sur cinq appuient majoritairement la direction nationale de Guy Mollet et donc sa politique algérienne. En Loire-Inférieure, la fédération très anticommuniste et anticléricale, dont les effectifs oscillent de 500 adhérents en 1953 à 700 en 1956, est solidement tenue en main depuis 1955 par André Routier-Preuvost53. Le parti n’est guère implanté que dans son bastion nazairien, à Nantes et dans quelques cités ouvrières. Ses militants se retrouvent à FO et, pour les enseignants, au SNI et à la FEN. Pour eux, la nouvelle gauche est un adversaire politique à combattre au même titre que les communistes. Dans le Finistère, Tanguy Prigent impose une ligne tout aussi molletiste. Le congrès fédéral de Châteaulin du 18 mars 1956 vote une motion de compromis marquant quelques hésitations sur l’Algérie, estimant qu’il faut poursuivre « la pacification », négocier au plus vite et faire des réformes politiques et sociales, mais « l’idée d’abandon » est dangereuse54. Mais quand Guy Mollet vient présider le congrès suivant le 22 avril au moment où la guerre s’intensifie, il verrouille la fédération pour les deux années à venir. Elle appuie à la quasi-unanimité la motion Commin, celle de la majorité au congrès national de Lille (29 juin-3 juillet 1956). Tanguy Prigent, qui a fustigé la démission de Pierre Mendès France du gouvernement comme une « fuite inqualifiable », durcit sa position et son discours. Il est vrai que la SFIO est soumise depuis le printemps de 1956 aux pressions d’un comité brestois pour une solution pacifique en Afrique du Nord animé par le PCF, la NG, le MLP, la JR dont les socialistes se retirent. Le 12 décembre 1956, le comité fédéral réaffirme « sa confiance » à Guy Mollet et « félicite Robert Lacoste pour son action en Algérie ». Un seul membre de la direction démissionne pour protester. Les révélations sur la torture en Algérie et la « bataille d’Alger » ne modifient guère la situation : en juin 1957, les socialistes finistériens approuvent toujours « l’ensemble de la politique gouvernementale du gouvernement » (91 % des mandats pour la motion Commin un peu amendée au congrès de Toulouse, 27-30 juin), mais à la fin de l’année, la situation évolue quelque peu puisque 61,5 % se prononcent contre la participation gouvernementale. La crise de 1958 va clarifier les choses. On peut penser que les fédérations d’Ille-et-Vilaine et du Morbihan sont sur les mêmes positions, d’autant plus que le secrétaire fédéral Jean Coutaller est un proche collaborateur de Tanguy Prigent au gouvernement.
48La situation est bien différente dans les Côtes-du-Nord où Antoine Mazier, député et secrétaire fédéral, opposé à la CED, devient en 1956 l’un des leaders des minoritaires de la SFIO qui se sont regroupés après le revirement de Guy Mollet provoqué par « la journée des tomates » à Alger. Les députés Daniel Mayer et Robert Verdier prennent la tête d’opposants qui n’ont voté les pouvoirs spéciaux au président du Conseil le 12 mars 1956 que par discipline de parti55. Le 10 juin 1956, les minoritaires ne pèsent que 6,1 % des voix au sein de la SFIO, et au congrès de Lille la motion Philip ne recueille qu’à peine 10 % des mandats. Au conseil fédéral du 25 juin, Antoine Mazier fait adopter la motion de Daniel Mayer « pour la paix en Algérie » et le 8 décembre le congrès fédéral (120 participants) confirme son positionnement minoritaire56. Cette prise de position provoque une crise dans la section briochine entre André Laithier, secrétaire de l’UD FO des Côtes-du-Nord, et Antoine Mazier, tous deux conseillers municipaux. L’affaire dépasse « l’incompatibilité d’humeur » signalée par les RG puisque Laithier, qui n’a pas repris sa carte en 1956, démissionne du parti le 15 avril 1957. La section briochine, à l’unanimité, et une grosse majorité de la fédération approuvent les positions de Mazier sur l’Algérie. Le Dr Dalibot de Plumaudan, candidat en 3e position sur la liste SFIO en 1956, se prononce même pour l’indépendance.
49Lors des débats publics du début de 1957, les minoritaires socialistes publient La Lettre du comité d’étude et d’action pour la paix en Algérie du 7 mars dans laquelle Édouard Depreux dénonce la torture cautionnée par le gouvernement Mollet. Le 3 juin 1957, lors d’un conseil national, au nom des minoritaires Antoine Mazier affronte durement Guy Mollet. Le 17 juin, à l’unanimité le conseil fédéral blâme le groupe parlementaire d’avoir accepté de participer au gouvernement de Bourgès-Maunoury, mais sur les 28 mandats, 19 vont à la motion minoritaire (Verdier), signée par Mazier, cinq à la motion majoritaire (Commin-Mollet) et quatre à la motion Defferre. En un an, le nombre de fédérations soutenant les minoritaires est passé de six à 37. Le congrès de Toulouse est houleux, mais la majorité molletiste résiste bien, les positions des Côtes-du-Nord et du Finistère étant radicalement opposées57. En dépit de ses virulentes critiques, le député des Côtes-du-Nord est discipliné puisqu’en juillet 1957 il a voté les pouvoirs spéciaux au gouvernement, contrairement à dix députés SFIO suspendus pour six mois, et le 29 novembre il vote la confiance sur la loi-cadre en Algérie avec 26 députés bretons (10 contre, PCF et poujadistes). On retrouve la même configuration en Bretagne lors de la ratification du traité de Rome le 9 juillet 1957 (27 pour, 11 contre). La guerre d’Algérie divise durablement la SFIO alors que la situation sur le terrain ne cesse de se dégrader en 1958, risquant de provoquer une crise de régime.
Les radicaux en crise (1956-1958)
50À partir de 1956, le RGR perd toute consistance – c’est l’étiquette utilisée par les partisans d’Edgar Faure aux élections législatives – en raison de l’éclatement du Parti radical et radical-socialiste (PRRS) pris en main par les mendésistes, d’autant plus que la cohabitation d’une aile droite pro-Algérie française incarnée par André Morice et d’une aile gauche dirigée par Pierre Mendès France qui pense qu’il faut négocier n’est plus tenable. Sans être partisan de l’indépendance de l’Algérie, Mendès France penche vers l’autonomie et condamne la politique menée ou soutenue par le gouvernement de gauche (torture, détournement de l’avion de chefs du FLN, véritable acte de piraterie aérienne, intervention militaire en Égypte avec les Britanniques après la nationalisation du canal de Suez par Nasser). À partir de la fin de 1956, il vote souvent contre le gouvernement, notamment sur la Marché commun et le futur traité de Rome le 22 janvier 1957.
51Cette évolution politique du leader du Parti radical-socialiste provoque une nouvelle scission de l’aile droite favorable à la politique algérienne de Guy Mollet au congrès de Lyon (11-14 octobre 1956). Henri Queuille et André Marie voudraient reprendre la direction du parti ; André Morice dénonce chez les mendésistes « un esprit monolithique et totalitaire qui n’est pas le nôtre ». La confiance en Mendès France, toujours soutenu par Édouard Herriot, est renouvelée à 69,5 % des voix. Les minoritaires s’en vont créer une nouvelle formation : le Centre républicain qui se dénomme aussi Parti radical-socialiste (PRS) installé boulevard Saint-Germain à Paris, ce qui entretient la confusion avec le parti de la rue de Valois. Ils sont rejoints par les leaders de l’aile droite exclus un an plus tôt, dont les radicaux d’Algérie, une vingtaine de fédérations et environ 10 000 adhérents. L’ensemble de la fédération de Loire-Inférieure et celle des Côtes-du-Nord suivent André Morice58. Cela semble aussi être le cas en Ille-et-Vilaine où la fédération radicale (tendance Morice) est présidée par Kérambrun, ancien président de la cour d’appel de Rennes. Le 20 octobre 1956, le bureau de la fédération des Côtes-du-Nord approuve la scission (21 voix sur 25) en l’absence des mendésistes. Lors du congrès du 31 mars 1957 à Saint-Brieuc, cette fédération paraît au complet derrière son président le sénateur Cornu, membre du comité directeur du parti, son secrétaire général et conseiller de l’Union française Albert Menguy et ses élus, quatre conseillers généraux présents, dont l’ancien député Pierre Bourdellès, et les maires de Guingamp et de Lannion, Henri Kerfant (1947) et Henri Nogues (1953)59. André Cornu estime que la scission « inévitable » a été provoquée par les mendésistes, approuve la politique de fermeté en Algérie et plaide pour « la restauration de l’État républicain ». Avant la scission, la fédération radicale-socialiste des Côtes-du-Nord aurait eu environ 800 adhérents, Cornu annonce 500 cartes placées. Mais les RG signalent la perte de nombreux militants. De fait, dans ce département deux fédérations radicales concurrentes existent au printemps de 1957 divergeant totalement sur le plan politique : celle d’André Cornu qui envisage un accord avec l’UDCA poujadiste, et celle, mendésiste, présidée par Pierre Sérandour qui est en contact avec la JR et souhaite un accord avec les progressistes et avec la SFIO. La fédération radicale mendésiste, implantée surtout dans la région de Guingamp et considérée comme antiplévéniste, s’est constituée lors d’un congrès le 27 mars 1957. Elle n’a qu’un seul conseiller général, André Fairier, du canton de Plémet, et le Dr Caillet, le maire de Saint-Quay-Portrieux, élu secrétaire général60. Il y aurait 250 cartes vendues et la section de Paimpol en aurait commandé 50, ce qui donne une idée du rapport des forces. Un orateur juge lui aussi que la scission était « inévitable » en raison des « grenouillages, marchandages et compromis » du « duumvirat Cornu-Menguy » décrit comme « rouge à l’extérieur mais blanc à l’intérieur ». La fédération mendésiste se prononce pour la paix en Algérie le plus vite possible et contre le Marché commun. En octobre 1957, elle regrette le départ de Pierre Mendès France de la direction et réclame « d’urgence une solution politique en Algérie » car « la pacification militaire » est un échec en proposant « une solution fédérale ». Dans le Finistère et dans le Morbihan, l’essentiel du Parti radical est resté avec Mendès France. Au début de 1958, l’ancien sénateur-maire de Brest, Victor Le Gorgeu, commissaire de la République en Bretagne à la Libération, préside la fédération régionale mendésiste contre celle animée par André Morice.
52Mais au niveau national, les divisions internes au Parti radical-socialiste maintenu perdurent entre les partisans de la participation gouvernementale et les autres, si bien que Pierre Mendès France démissionne le 23 mai 1957 de la direction du parti, cédant la place à Édouard Daladier, président après Herriot, et à de jeunes élus radicaux qui vont diriger les derniers gouvernements de la IVe République, Maurice Bourgès-Maunoury et Félix Gaillard, et poursuivre la guerre d’Algérie en rappelant par exemple André Morice au gouvernement. En désaccord et minoritaires, les mendésistes s’organisent à part. L’aura de Pierre Mendès France est forte en Bretagne : le 13 mars 1958, 1 800 personnes assistent à Saint-Brieuc à son meeting prévu depuis plusieurs mois. Il est entouré des responsables départementaux du parti : Sérandour et Lorgeré des Côtes-du-Nord, Le Gorgeu du Finistère et Roger Leroux du Morbihan. Toutes les forces de gauche sont présentes. Approuvé par le socialiste Antoine Mazier, il s’en prend à la politique du gouvernement de Félix Gaillard en Afrique du Nord : il n’est pas question de soutenir l’indépendance de l’Algérie mais d’aller vers un système fédératif avec le Maroc et la Tunisie. Cette proposition paraît peu viable puisque ces deux pays sont indépendants depuis 1956.
53Fermement contrôlée par René Pleven, la fédération UDSR des Côtes-du-Nord connaît une vie moins agitée. Elle s’éloigne tranquillement de son président national François Mitterrand qui a été ministre de l’Intérieur de Mendès France en 1954-1955 et ministre de la Justice de Guy Mollet de 1956 à 1957. Il a pris toute sa part dans la lutte contre le FLN et la répression en Algérie, refusant de proposer la grâce des condamnés à mort au président Coty. En octobre 1956, à la veille du congrès national de Nancy, la direction vote une motion de soutien à la politique du gouvernement Mollet. Le 2 février 1958, l’assemblée générale de l’UDSR, présidée par l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny (RDA, allié à l’UDSR), ministre de la Santé publique et de la Population, déplace 350 personnes, dont les alliés politiques habituels (radicaux moriciens, CNIP). Les cadres sont inchangés depuis la création du parti. L’idée déjà avancée par René Pleven dans son journal de mettre en place « un grand parti du Centre » pouvant aller jusqu’au MRP est approuvée sauf par les mendésistes.
54René Pleven, l’ancien commissaire aux Colonies, qui a vécu à Alger en 1943-1944, suit de près les événements d’Algérie. Surpris comme tout le monde par l’insurrection du 1er novembre 1954, au nom d’un « impératif national » (Le Petit Bleu, 25 juin 1955), il soutient immédiatement la politique de fermeté de Pierre Mendès France. Son éditorial « Algérie » du 20 novembre est clair : « Quand des troubles violents ensanglantent notre Algérie, chacun ici ressent profondément ce qui est une grave atteinte à la substance même de la patrie » car ce sont « des départements français comme ceux de Bretagne et de Normandie ». Sa position est fixée pour de longs mois. Dès 1955, soulignant la gravité de la situation, il plaide pour une politique de réformes et soutient la politique d’intégration de Jacques Soustelle puis celle de Guy Mollet qui intensifie la guerre. Mais, partisan d’une solution libérale, il émet des doutes sur son triptyque : « Cessez-le-feu, élections, négociations » ; il faudrait engager des discussions sans attendre. Dressant un constat lucide, c’est ce qu’il propose à l’issue d’un séjour en Algérie en avril 1956 et, face au terrorisme urbain du FLN, il publie le 12 mai 1956 « l’appel d’Albert Camus pour une trêve civile en Algérie ». Après le 13 mai 1958, de retour au gouvernement, il va être directement confronté à la crise algérienne.
Le MRP entre soutien et critiques
55Dans ce contexte, le MRP est devenu davantage un parti de notables qu’un parti de militants qui tient néanmoins des congrès fédéraux annuels non sans difficultés d’organisation, notamment dans les Côtes-du-Nord. Le positionnement du parti démocrate-chrétien est très critique à l’égard du Front républicain, même s’il approuve la politique de Guy Mollet et la politique européenne (mise en place du Marché commun) dont il s’attribue les mérites. Cette position critique est exposée par Marie-Madeleine Dienesch aux adhérents des Côtes-du-Nord dans sa circulaire no 6 du 20 février 195761. Signe des difficultés, le MRP doit reporter son congrès au printemps de 1957 et le déplacer de Loudéac à la petite commune de Corlay, faute de salle disponible, et une nouvelle fois réorganiser son secrétariat fédéral présidé par Albert Gortais62. Trois cents personnes y assistent dont de nombreux jeunes ruraux, quatre fois plus qu’en 1956, signe d’un certain renouvellement depuis la Libération. Le comité fédéral réélu est composé presque uniquement d’élus locaux. Mais en dehors des congrès et des périodes électorales, les réunions publiques sont rares.
56Comme pour tous les partis, le taux d’implantation, c’est-à-dire le rapport entre le nombre d’électeurs inscrits et le nombre d’adhérents, s’est fortement érodé dans les fédérations bretonnes du MRP depuis la Libération (voir le tableau V). Elles ont toutes reculé au classement national, sauf en Loire-Atlantique, et le fossé s’est creusé même quand les résultats électoraux ont progressé en 1956. Le décrochage est particulièrement marqué dans les Côtes-du-Nord63.
Tableau V. – L’évolution du taux d’implantation du MRP en Bretagne de 1945 à 1956 (nombre d’électeurs inscrits pour un adhérent du MRP).

57En dépit de son affaiblissement depuis 1945, qui semble enrayé en 1956, la Bretagne reste l’un des principaux bastions du parti démocrate-chrétien. Signe de l’importance de la fédération d’Ille-et-Vilaine et de son leader national Pierre-Henri Teitgen, le MRP a décidé de tenir son 14e congrès national au casino de Saint-Malo du 15 au 18 mai 1958 alors que la crise finale de IVe République a commencé deux jours auparavant. Président de la fédération, maire de Paramé (1945-1967) qui vient d’être élu conseiller général de Dinard en succédant à Guy La Chambre, le député Georges Coudray ouvre le congrès64. Henri Fréville préside plusieurs séances. Des responsables bretons présentent des rapports : le député Pierre-Henri Teitgen celui de politique générale, le sénateur de Loire-Atlantique Georges Aguesse celui de la politique extérieure, le député Louis Orvoën (Finistère) traite du monde rural quand le Nantais Jean Fonteneau, militant CFTC, ancien permanent de la JOC, secrétaire du MRP depuis 1945, rend compte de la vie du mouvement. Durant ce congrès, deux lignes politiques s’affrontent au sommet sur l’Algérie : Georges Bidault défend la lutte intransigeante pour conserver l’Algérie française quand Pierre Pflimlin, le nouveau chef du gouvernement, est pour engager des négociations. Cette position libérale et ouverte, majoritaire dans l’Ouest et au congrès, va se solder par la scission de Bidault. En 1958, en Bretagne le MRP veut camper au centre de l’échiquier politique pour ne pas se couper de la SFIO, mais en réalité il est perçu comme de droite aussi bien par les gens de gauche que par la petite minorité de catholiques de gauche.
Les droites et l’extrême droite (1956-1958)
58Comme celui du RPF, le succès électoral du poujadisme (52 députés) bouscule les autres partis politiques, surtout à droite, mais cette poussée sera tout aussi éphémère. Pour l’heure, la formation du gouvernement de gauche de Guy Mollet (5 février 1956-21 mai 1957) et l’intensification de la guerre d’Algérie apportent de l’eau au moulin de l’extrême droite. L’UDCA d’Ille-et-Vilaine a, selon les RG, 3 471 adhérents au début de 1956 et encore 2 868 en 1958. En Loire-Inférieure, elle en a 4 000 en 1956 mais décline déjà en 1957 tombant à 1 800 en dépit du ralliement au mouvement du député de droite Étienne Toublanc.
59Dans le Finistère, en l’absence de leur député Demarquet, parti en visite en Algérie avec Jean-Marie Le Pen, au début de 1956 les poujadistes multiplient les réunions et structurent leur mouvement (bureaux dans dix cantons du nord et sept du sud, délégués cantonaux). Il y aurait 1 500 à 1 600 adhérents en janvier-février 195665. Mais, dès la fin février, deux des fondateurs de l’UDCA, les frères Morand, refusent de reconnaître le nouveau bureau départemental. Des incidents éclatent avec les communistes lors de meetings à Carhaix le 5 avril 1956 et à Brest le 13 (blessés). Syndicats et forces de gauche mobilisent contre un mouvement qualifié de « fasciste », ce qui contraint les poujadistes à se replier vers des réunions privées. Demarquet est rarement présent pour arbitrer les conflits. Dès l’été de 1956, de nombreux adhérents ne souhaitent pas reprendre leur carte, le découragement gagne et des commerçants craignent le boycott de leur magasin. La dérive vers l’extrême droite inquiète les modérés. On fait appel à Pierre Poujade lors d’un meeting à Morlaix le 31 juillet 1956 qui déplace 1 800 personnes. Venant d’Auray avec Jean-Maurice Demarquet et Jean-Marie Le Pen, il harangue la foule. Mais la gauche s’est aussi mobilisée avec deux députés (Penven, PCF, et Mao, SFIO) et elle est parvenue à entrer dans la salle, déclenchant une violente bagarre. Armé de barres de fer, le service d’ordre poujadiste fait plusieurs blessés et expulse 20 opposants. Pierre Poujade, très mécontent, décide de ne plus venir dans le Finistère. Dès lors, la propagande de l’UDCA décline rapidement, les effectifs fondent66. Plusieurs responsables du bureau, qui refusent la droitisation, démissionnent en septembre 1956, remplacés par un dur, Potvin, tenant des propos violents et organisant des manifestations musclées mais très minoritaires contre des contrôles de l’administration fiscale. Le départ de Jean-Maurice Demarquet pour l’Algérie n’arrange pas les choses car on considère qu’il a trahi son mandat. Potvin doit démissionner à son tour en juillet 1957. Ce qu’il reste de l’UDCA dans le Finistère est clairement positionné à l’extrême droite, d’autant plus qu’à leur retour d’Algérie à l’été de 1957, Demarquet et Le Pen veulent faire une OPA en faveur de leur Front national des combattants (FNC), pro-Algérie française. Le responsable régional de ce mouvement est Louis Roussin, de Lorient, délégué départemental de l’UDCA du Morbihan, qui organise en Bretagne une tournée des « commandos de propagande » du FNC. Des réunions sont programmées dans le Morbihan et dans huit villes du Finistère et des tracts sont distribués le 10 août dans les principales villes des Côtes-du-Nord. Mais il ne semble pas y avoir d’organisation structurée dans ce département67. La rupture intervient alors entre les poujadistes finistériens et leur député. Au début de 1958, ils envisagent de collaborer avec les dorgéristes, mais les nombreuses réunions catégorielles programmées (paysans, commerçants) ne déplacent plus grand monde68. Les principaux responsables de l’UDCA sont rentrés dans le rang des organismes professionnels traditionnels (chambres de commerce, CGPME).
60Dans le Morbihan, la défense de l’Algérie française voit converger des hommes venus de la droite, des poujadistes, et même des gaullistes, avec l’extrême droite. Le 28 mars 1956, un comité départemental des Volontaires de l’Union française (VUF) se constitue à Lorient à l’instigation du responsable poujadiste Louis Roussin en attirant d’anciens du RPF et d’anciens résistants, et même l’ancien maire socialiste Julien Le Pan69. Mais le glissement à l’extrême droite des VUF et leur activisme entraînent le départ d’une partie des gaullistes en 1957. Ceux qui restent vont militer après 1958 dans une extrême droite dure.
61Dans les Côtes-du-Nord, les activités de propagande de l’UDCA se développent surtout après les élections de 1956. Plus nombreux en début d’année, les auditoires du député Bouret se restreignent ensuite (100 à 250 personnes). Le 17 avril, Pierre Poujade déplace 3 500 personnes à Guingamp, mais la gauche syndicale et politique (avec les députés communistes et socialiste) mobilise 500 contre-manifestants70. Le congrès départemental de l’UDCA (75 personnes) se tient à Plœuc le 18 novembre en présence de trois députés et des présidents départementaux d’Ille-et-Vilaine et du Finistère. En 1957, l’audience des nombreuses réunions locales n’augmente guère mais l’antiparlementarisme s’exprime sans fard. Parfois, des militants communistes viennent apporter la contradiction, ce qui provoque des heurts. Les principales mobilisations sont liées aux procès de poujadistes ayant refusé des contrôles fiscaux ou ayant menacé des fonctionnaires. Nous n’avons pas de chiffres du nombre d’adhérents, mais un congrès des cadres le 5 avril à Dinan, avec le député Roger Bouret et Pierre Poujade, réunit 250 personnes lors d’une réunion publique. L’influence militante paraît moins forte que dans les départements voisins. Au printemps de 1958, à l’approche des élections cantonales, l’UDCA d’Ille-et-Vilaine organise avec Défense paysanne, le mouvement d’Henry Dorgères, une tournée de propagande dans six communes des régions de Saint-Malo et de Dol animée par quatre députés. Dans une zone de force, l’auditoire est si faible (60 personnes à Saint-Malo) que le cycle ne va pas à son terme71. Le vote poujadiste a été l’expression d’un mécontentement plus qu’une adhésion aux thèses de l’extrême droite.
62Profitant de la guerre d’Algérie et de l’obligation de Guy Mollet de s’appuyer sur lui après la démission de Pierre Mendès France et la montée de l’opposition du PCF à la guerre, le CNIP s’efforce de regagner le terrain perdu sur les poujadistes. Lors du congrès national de Versailles du 23 au 25 novembre 1956, le parti, qui est parvenu à regrouper tous les députés indépendants dans un même groupe, adopte une nouvelle devise, « Liberté, Autorité, Nation », qui doit symboliquement réconcilier les trois droites identifiées en 1954 par l’historien René Rémond72. Le Comité d’UNR de Loire-Inférieure, désormais intégré dans ce parti, y adhère totalement. La fédération des Côtes-du-Nord envoie une délégation de dix membres conduite par son président, le sénateur Cordier73. En dehors des périodes électorales, l’audience de ce parti est restreinte : une centaine de personnes aux réunions publiques avec des députés en 1956 et 1957, même quand René Duchet se déplace à Saint-Brieuc le 3 novembre 1956. Quand, en octobre 1957, Paul Antier, le président du Parti paysan, passe une alliance électorale avec Pierre Poujade et Henry Dorgères en prévision des élections à venir, cet accord n’a aucune répercussion dans les Côtes-du-Nord74. La droitisation des modérés est alors accélérée par la guerre d’Algérie.
63Face à l’inconsistance du député poujadiste Pierre Charles et aux incohérences de Pierre Poujade, les modérés de Loire-Inférieure devenue Atlantique regagnent du terrain dès 1957 relayés, comme dans le Finistère, par une CGPME très offensive contre le gouvernement. André Morice ayant rompu avec le Parti radical-socialiste dirigé par Pierre Mendès France, le rapprochement avec les libéraux de droite peut se poursuivre. Michel Raingeard (CNIP) rentre d’un voyage d’étude en Algérie au printemps de 1956, convaincu de la justesse de la politique du ministre résidant socialiste Robert Lacoste (intégration et intensification de la guerre). Droite et radicaux vont se battre côte à côte pour la préservation de l’Algérie française, d’autant plus qu’André Morice devient en juin 1957 le ministre de la Défense nationale du gouvernement de Maurice Bourgès-Maunoury (rad.) et lance la construction aux frontières tunisienne et marocaine de la « ligne Morice », un barrage électrifié qui doit empêcher l’aide extérieure des pays arabes au Front de libération nationale (FLN) algérien et le repli de l’Armée de libération nationale (ALN) dans ces territoires. Le 26 juin 1957, André Morice prononce à Nantes un vibrant plaidoyer à la gloire de la France des deux rives de la Méditerranée, un an après la série de conférences sur le même thème de Michel Raingeard. Défenseur intransigeant du maintien de l’Algérie dans la République, André Morice appartient avec René Duchet (CNIP), Georges Bidault (MRP) et Jacques Soustelle (gaulliste) à ceux que L’Express désigne comme les quatre « mousquetaires de l’Algérie française ».
64D’un autre côté, la peur de la remise en cause de la loi Barangé et de projets intégrationnistes de l’école catholique dans le service public par le Front républicain soude les droites et le MRP tout au long de l’année 1956. Les divers comités de défense et les parents d’élèves catholiques de l’Ouest, mobilisés souterrainement par le CALS, projettent en février puis en octobre-novembre un très grand rassemblement à Nantes comme en 1950. À l’appel de leurs évêques, dont Mgr Villepelet à Nantes, et de l’APEL, les partisans de l’école libre descendent dans la rue le 6 novembre 1956. Dans les Côtes-du-Nord, on dénombre plus de 5 000 manifestants75. À Nantes, selon les archives de Vendée, on attendait 200 000 personnes mais elles ne sont pas au rendez-vous car la hiérarchie catholique qui négocie avec Guy Mollet freine le mouvement76. Dans les deux camps, l’heure n’est pas à rallumer la guerre scolaire en dépit des jusqu’au-boutistes qui s’agitent dans l’Ouest de la France.
Les élections locales du début de 1958 : une certaine stabilité
65À l’approche des élections cantonales d’avril 1958, les partis politiques remobilisent leurs troupes. Le MRP se veut plus offensif. Dans les Côtes-du-Nord, le 20 janvier 1958 la fédération lance un mensuel, L’Avenir des Côtes-du-Nord (3 000 exemplaires), financé par les deux députés. Et le 3 février, une journée régionale des femmes se tient à Saint-Brieuc en présence de la députée et de la secrétaire fédérale du Finistère Mme Le Roux (110 participantes). Le 17 mars 1958, le congrès départemental de Guingamp présidé par le secrétaire d’État à l’Agriculture Henri Dorey et centré sur la réforme des institutions ne déplace qu’une centaine de participants.
66Les résultats des élections cantonales de 1958 sont marqués par une certaine stabilité en Bretagne avec quelques progrès du MRP sur les indépendants : un canton briochin repris à un dissident de la JR, les deux cantons rennais grâce à l’élection du maire Henri Fréville et de l’ancien responsable de l’UD CFTC Léon Grimault. En Ille-et-Vilaine, les démocrates-chrétiens sont les grands gagnants, passant de six à onze conseillers, alors que les indépendants perdent deux sièges (un seul gaulliste) gardant la majorité absolue. Dans les Côtes-du-Nord, les communistes conservent cinq élus (perte de Guingamp mais gain de Callac), la SFIO (sept) perd un siège (Dr Clec’h). Les deux sortants JR ne se représentant pas, ils sont remplacés par un partisan de la majorité plévéniste et par un socialiste : en effet, le député Antoine Mazier bat la députée Marie-Madeleine Dienesch (MRP) dans le canton de Saint-Brieuc-Sud. René Pleven est confortablement réélu à la présidence par 32 voix contre 13 au socialiste Hourdin (29 contre 15 en 1957)77. Même stabilité dans le Morbihan où il n’y a que trois nouveaux élus dont le député Christian Bonnet à Belle-Île et Jean-Baptiste Thébaud, ancien secrétaire départemental du RPF en 1952 et futur élu UNR à Grand-Champ. Les indépendants progressent (22 au lieu de 20), ainsi que le MRP (de six à neuf) au détriment des gaullistes (de six à deux). Les gauches perdent un siège (un radical), tombant à cinq sur 3878. Dans le Finistère, en gagnant un siège, le MRP devient le premier groupe (16), menaçant les indépendants de droite (quinze). La présidence de Jean Crouan, lui-même accroché par un MRP mais réélu au 2e tour, est menacée par André Colin. Il est finalement réélu par 19 voix contre 1579. La SFIO, éliminée de Brest depuis 1949, regagne un siège (1er canton) en faveur de son dirigeant, le professeur de philosophie Robert Gravot80, grâce à un désistement réciproque au second tour avec le communiste Henri Menès, en tête mais battu dans le 3e canton. L’accord a concerné six cantons. La SFIO passe de trois à quatre conseillers généraux. Dans le Trégor, Yves Le Lann est réélu à Plouigneau, mais le député-maire Hervé Mao et le sénateur-maire Jean-Louis Rolland sont battus à Châteaulin et à Landerneau. Alors que depuis le bombardement de Sakhiet en Tunisie, la France est confrontée aux pressions internationales, en Bretagne les élections cantonales de 1958 sont favorables aux centristes (MRP ou plévénistes), les indépendants stagnent et les gaullistes ont quasiment disparu du paysage politique local.
67Les enjeux locaux sont parfois compliqués comme en témoignent les élections sénatoriales du 11 juin 1958 dans le Morbihan. L’ancien député gaulliste Victor Golvan se présente comme candidat isolé contre la liste des deux sénateurs indépendants sortants, une liste MRP et trois listes de gauche (22,4 % des voix au total)81. Le sénateur MRP sortant est réélu dès le 1er tour, l’indépendant sortant Louis Le Léannec (44,1 %) au second, ainsi que Victor Golvan (48,5 %) grâce au désistement de la liste du MRP en sa faveur. De fait, le MRP a fait campagne contre Raymond Marcellin et le modéré sortant qu’il soutenait, Joseph Le Digabel. C’est un renvoi d’ascenseur par rapport aux élections sénatoriales de 1952.
⁂
68Au printemps de 1958 la vie politique semble se dérouler normalement mais la IVe République est au bord d’une crise qui va lui être fatale. La vague gaulliste paraît avoir été absorbée par les institutions et les notables sont rentrés dans le rang, mais le poujadisme exprime les insatisfactions et les frustrations d’une population confrontée à la modernisation rapide du pays, à la poussée du baby-boom, à la « révolution silencieuse » dans les campagnes et au défi migratoire. Tous les partis politiques souffrent d’une véritable désaffection mais les guerres de décolonisation (Indochine puis Algérie) les divisent et perturbent l’entrée dans une ère de prospérité. Dans ces diverses composantes, la droite, y compris sa variante plus sociale du MRP, paraît solidement ancrée dans le paysage breton, administrant la quasi-totalité des villes à part Lorient et Saint-Nazaire. Les centrismes ne résistent pas à ce tropisme de droite. La gauche divisée est affaiblie en dépit d’un léger rebond en 1956. Sauf dans les Côtes-du-Nord, l’opposition entre le PCF et la SFIO est encore forte sur le terrain, mais en marge de ces deux forces des petits noyaux militants remettent en cause cette dichotomie. La crise du 13 mai 1958 va accélérer tous les processus à l’œuvre.
Notes de bas de page
1 ADCA. 1 W 13. Rapports des RG.
2 Bougeard Christian, Tanguy Prigent, paysan ministre, op. cit., p. 238-241.
3 La CED est approuvée par 129 voix contre 66 et 23 abstentions. Au congrès de Puteaux, 10,5 % des délégués finistériens ont voté pour la liberté de choix.
4 Les anciens ministres socialistes Daniel Mayer et Jules Moch, exclus provisoirement pour « indiscipline », seront réintégrés en 1955.
5 Trois femmes de l’UFF sont appréhendées pour avoir tenté de remplacer le drapeau américain par un drapeau français sur le monument américain de la ville. Voir Le Moigne Alain, Marine et ouvriers de la construction navale à l’arsenal de Brest (1918-1970), op. cit., p. 594-605.
6 Teitgen Pierre-Henri, « Faites entrer le témoin suivant ». 1940-1958 : de la Résistance à la Ve République, Rennes, Éditions Ouest-France, 1988, p. 452-457.
7 Lévêque Pierre, Histoire des forces politiques en France, t. 3, De 1940 à nos jours, Paris, Armand Colin, 1997, p. 231-236.
8 ADCA. 1192 W 39. Élections législatives de 1956. Sur la liste figurent deux commerçants en tissus, un propriétaire exploitant agricole Le Couls (no 2) et un agriculteur qui aurait été à la SFIO, un restaurateur, un minotier, un mareyeur.
9 Sainclivier Jacqueline, L’Ille-et-Vilaine, 1918-1958, op. cit., p. 322-325.
10 Jacq Marie-Aude, Le mouvement Poujade dans le Finistère de 1955 à 1971, maîtrise d’histoire, Brest, UBO, 1997.
11 Jean Crouan et l’ancien député Hervé Nader, négociant en vins à Quimper, auraient été approchés.
12 Crouan Erwan, Jean Crouan (1906-1985), op. cit., p. 152-157. Lettre du 11 février 1955 à l’avocat d’extrême droite Tixier-Vignancour qu’il a connu avant la guerre et échanges de divers courriers. Il est appuyé par le CNIP, les gaullistes devenus les républicains sociaux et les indépendants paysans.
13 Le Petit Bleu des Côtes-du-Nord, 23 et 30 avril 1955.
14 Rivière Christophe, Les notables municipaux et élus départementaux en Morbihan (1932-1959), maîtrise d’histoire, Brest, UBO, 1998.
15 Le MRP gagne le canton de Baud lors d’une élection partielle.
16 Sainclivier Jacqueline, L’Ille-et-Vilaine, 1918-1958, op. cit., p. 344-345.
17 Ponceyri Robert, « Le RPF et les élections », in Bernard Lachaise (dir.), De Gaulle et le RPF (1947-1955), op. cit., p. 296-334.
18 Le Dr Vourc’h ne se représente pas.
19 Le Petit Bleu des Côtes-du-Nord, 25 juin 1955. Deux ex-RPF se sont présentés, dont Kérautret (21 voix).
20 Le Petit Bleu des Côtes-du-Nord, 17 décembre 1955, 7 janvier 1956 et ADCA. 1192 W 39 et 40. Élections législatives de 1956.
21 Crouan Erwan, Jean Crouan (1906-1985), op. cit., p. 157-161.
22 Auguste Le Coënt, maire et conseiller général de Saint-Nicolas-du-Pélem depuis 1945, conseiller de la République de 1946 à 1948, obtient plus de voix que Marcel Hamon qui est néanmoins élu.
23 AN. 7 F/15 504. RG de Quimper du 3 février 1956.
24 Bougeard Christian, Tanguy Prigent, paysan ministre, op. cit., p. 242-244.
25 Letamendia Pierre, Le Mouvement républicain populaire, op. cit., p. 243. Il s’était fait connaître en allant interpeller Pierre Mendès France dans un meeting à Lorient.
26 Richard Gilles, « La Loire-Inférieure sous la IVe République : un bastion de la droite “modérée” », art. cité, p. 142-144.
27 ADCA. 1192 W 39 et 40. Élections législatives de 1956.
28 Sa liste s’intitule groupement pour la Réforme de l’État et la défense des libertés électorales.
29 Le Monde du 18-19 décembre 1955 ironise : « En Ille-et-Vilaine 20 après… ou le retour à la terre de M. Dorgères. »
30 Jacq Marie-Aude, Le mouvement Poujade dans le Finistère de 1955 à 1971, op. cit.
31 Valentin Vignard, conseiller de la République de 1946 à 1948, revient au Parlement.
32 Notons que les prévisions électorales des RG sont lourdement démenties : ils prévoyaient 96 000 voix pour la liste Pleven qui en a eu 41 474, 35 000 pour le MRP qui en obtient 49 885.
33 À chaud, René Pleven dans Le Petit Bleu du 7 janvier 1956, « Déçus, mais résolus », ne fait pas la même analyse politique. Il considère que 5 000 voix sont allées à la liste Sérandour et 15 000 à la liste Poujade, et que les 35 000 voix du RPF de 1951 seraient retournées au MRP et allées aux poujadistes.
34 Il s’agit de Roger Bouret, commerçant à Dinan (Côtes-du-Nord), Jean-Maurice Demarquet (Finistère), Robert Nerzic (Ille-et-Vilaine), Pierre Charles, industriel et agriculteur, vice-président de l’UDCA de Loire-Inférieure.
35 Bougeard Christian, Tanguy Prigent, paysan ministre, op. cit., p. 245-248.
36 Le 5 juin 1956, sa politique algérienne n’est approuvée que par 271 votants contre 59 (les cinq poujadistes de Bretagne) mais 201 abstentions (11 dans la région, communistes et droite).
37 Gramoullé Gilbert, Les origines du PSU en Cornouaille, maîtrise d’histoire, Brest, UBO, 1991.
38 Férec Marie, L’impact de la guerre d’Algérie sur la vie politique à gauche dans le Finistère (1954-1962), maîtrise d’histoire, Brest, UBO, 1999, p. 167-170. Le Gouill et Le Dilosquer se présentent à Brest et à Pont-l’Abbé aux cantonales de 1955.
39 Tranvouez Yvon, « Chrétiens progressistes en Bretagne (1945-1955) », art. cité, p. 2-7.
40 ADCA. 1192 W 39. Élections législatives de 1956. Le congrès est présidé par l’autre député exclu à cause de la CED A. Denis. Bouret entre à la commission exécutive de la JR.
41 Férec Marie, L’impact de la guerre d’Algérie sur la vie politique à gauche dans le Finistère (1954-1962), op. cit., p. 91 et 171.
42 ADCA. 1192 W 39. Élections législatives de 1956.
43 Notice « Jacques Galaup » de Christian Bougeard, Le Maitron en ligne.
44 Bougeard Christian, « Origines et implantation du PSU en Bretagne : les fédérations des Côtes-du-Nord et du Finistère », in Tudi Kernalegenn et al. (dir.), Le PSU vu d’en bas. Réseaux sociaux, mouvement politique, laboratoire d’idées (années 1950-années 1980), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 48-49.
45 L’Action travailliste des Côtes-du-Nord, no 20, 5 juillet 1958. « Nous n’avons pas adhéré à l’UGS. Pourquoi ? », appel à « regrouper tous les vrais socialistes ».
46 Guiffan Jean, « Le PSU en Loire-Atlantique (1960-1975/5) », in Tudi Kernalegenn et al. (dir.), Le PSU vu d’en bas, op. cit., p. 59-61.
47 Le MLP a 53 militants, la JR 16 à 18. Il y a quatre sections à Nantes et à Rezé, une à Saint-Nazaire et à Châteaubriant.
48 Voir Martelli Roger, Prendre sa carte (1920-2009). Données nouvelles sur les effectifs du PCF, Pantin/Bobigny, fondation Gabriel-Péri/conseil général de Seine-Saint-Denis, 2009. Sur la validité des chiffres du PCF et les diverses estimations, voir la 1re partie, « Le chiffre : une affaire de la direction », p. 7-13.
49 Notons que les RG du Finistère donnent des chiffres assez proches des données réelles sauf en 1957 : 2 435 en 1953, 3 720 en 1957, 2 485 en 1958, environ 2 300 en 1959.
50 Picard Isabelle, Le PCF à Brest de la Libération à la fin de IVe République (1944-1958), op. cit.
51 ADCA. 13 W 41. Rapports des RG.
52 Sources : l’OURS.
53 Guiffan Jean, « De la SFIO au PS en Loire-Atlantique : la disparition de la “Vieille Maison” (1958-2004) », in Christian Bougeard (dir.), Un siècle de socialismes en Bretagne, op. cit., p. 221-222.
54 Bougeard Christian, Tanguy Prigent, paysan ministre, op. cit., p. 248-255.
55 Morin Gilles, De l’opposition socialiste à la guerre d’Algérie au Parti socialiste autonome (1954-1960). Un courant socialiste de la SFIO au PSU, t. 2, thèse d’histoire, Paris, université Paris 1, 1992, p. 210-230.
56 ADCA. 46 W 8. Rapports des RG.
57 La motion Commin obtient 2 547 mandats (3 dans les Côtes-du-Nord, 36 dans le Finistère), celle de Defferre 779 et celle de Depreux 498 (23 dans les Côtes-du-Nord, 3 dans le Finistère).
58 Le congrès fédéral extraordinaire de Nantes du 21 octobre 1956 donne 378 mandats pour la scission, 4 contre, 21 abstentions.
59 ADCA. 46 W 8 et 13 W 41. Rapports des RG.
60 Sérandour est élu par 49 voix sur 53 votants, Caillet par 50 voix.
61 ADCA. 46 W 8. Rapports des RG.
62 Me Duault devient vice-président, trois conseillers généraux y siègent, ainsi que l’agriculteur Arthur Charles, président de la Mutualité sociale agricole (MSA). Mais il n’y a plus de section MRP à Guingamp.
63 Sources : Letamendia Pierre, Le Mouvement républicain populaire, op. cit., p. 208-209.
64 Prigent François, « Une journée avec le général de Gaulle (Rennes, 20 septembre 1958) », in Erwan Le Gall et François Prigent (dir.), C’était 1958 en Bretagne. Pour une histoire locale de la France, Rennes, Éditions Goater, 2018, p. 166-167.
65 Jacq Marie-Aude, Le mouvement Poujade dans le Finistère de 1955 à 1971, op. cit.
66 Sur 160 cartes à Quimperlé en 1956, il n’y en a plus que 12 en février 1957.
67 ADCA. 46 W 9. Rapports des RG.
68 Le 25 avril 1958, à Brest, 500 invitations, 50 présents en dépit de la présence d’un responsable national.
69 Rivière Christophe, « Les mouvements gaullistes dans le Morbihan, 1946-1958 », art. cité, p. 297. Par exemple, le chef des parachutistes SAS Pierre Bourgoin ou le FFL Maurice Bardet, conseiller municipal de Lorient, futur député UNR.
70 ADCA. 46 W 9. Rapports des RG.
71 ADIV. 1174 W 08. Sous-préfecture de Saint-Malo. 1958. Dorgères tient pourtant 31 réunions dans cet arrondissement de 1956 à l’été de 1958.
72 Rémond René, La droite en France, Paris, Aubier-Montaigne, 1954. Voir aussi Richard Gilles, « La Loire-Inférieure sous la IVe République : un bastion de la droite “modérée” », art. cité.
73 ADCA. 46 W 9. Rapports des RG.
74 Richard Gilles, Histoire des droites en France de 1815 à nos jours, Paris, Perrin, 2017, p. 305. Paul Antier perd la présidence du Parti paysan.
75 ADCA. 46 W 8. Rapports des RG. 3 000 à Saint-Brieuc, 1 500 à Dinan, 1 000 à Guingamp.
76 Le Moigne Frédéric, « 1945-1950 : les manifestations du militantisme scolaire catholique dans l’Ouest », art. cité, p. 211.
77 Le Petit Bleu des Côtes-du-Nord des 26 avril et 3 mai 1958. Pour René Pleven, c’est « l’échec du Front populaire ».
78 Rivière Christophe, Les notables municipaux et élus départementaux en Morbihan (1932-1959), op. cit.
79 Crouan Erwan, Jean Crouan (1906-1985), op. cit., p. 164-165.
80 Notice « Robert Gravot » de Christian Bougeard et Jacques Girault, Le Maitron en ligne.
81 Rivière Christophe, « Les mouvements gaullistes dans le Morbihan, 1946-1958 », art. cité, p. 296-297.
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Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008