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L’évolution des forces politiques en Bretagne

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Christian Bougeard

Première partie. Enjeux et vie politique en Bretagne sous la IVe République (1946-1958)

Chapitre II. Le temps des tensions politiques (1949-1953)

Texte intégral

1Alors que le pays en pleine reconstruction et en plein baby-boom sort progressivement du temps des pénuries et que les tensions internationales ne cessent de s’accroître (guerre de Corée, aggravation de la situation en Indochine), les élections cantonales de mars 1949 sont une sorte de répétition générale avant les élections législatives de juin 1951 qui vont permettre de mesurer la solidité de la IVe République face aux assauts du RPF sur sa droite et du PCF sur sa gauche. En Bretagne, après les municipales de 1947, ces élections vont refermer la parenthèse de la Libération qui avait vu des progrès de la gauche. Des élections locales aux élections générales, la vie politique régionale s’aligne sur les enjeux nationaux.

Les élections cantonales de 1949 et de 1951 : la poussée du RPF et des droites

  • 1 Bougeard Christian, René Pleven, op. cit., p. 186-187.

2Après le choc politique des élections municipales de 1947 et en pleine période d’expansion du RPF qui contraint la Troisième Force au pouvoir à resserrer les rangs, les gouvernements Schuman (MRP), Marie (rad.) et Queuille (rad.) cherchent à gagner du temps en retardant les élections cantonales prévues en octobre 1948 et finalement fixées aux 20 et 27 mars 1949. Les deux oppositions ont bien sûr dénoncé cette manœuvre antidémocratique. Mais René Pleven, le leader national de l’UDSR qui apporte un soutien critique à la majorité, a lui aussi contesté cette mesure tout au long de l’année 1948 et lors du 2e congrès de l’UDSR en mai 1948. En août 1948, au nom du RGR, il ferraille contre un projet d’ajournement déposé par un député MRP et voté avec l’appui du PCF, dénonçant sous le titre « Tricheurs et fuyards » dans son journal Le Petit Bleu des Côtes-du-Nord « la violation de la loi républicaine1 ».

  • 2 Bougeard Christian, « Les droites dans les élections cantonales de 1945 et de 1949 », in Gilles Ric (...)

3Le RPF va-t-il à nouveau bousculer les élus de la Libération ? Entièrement renouvelés en septembre 1945, les conseils généraux le sont par moitié (1 507 sièges en jeu), si bien qu’il faudra attendre 1951 (1 517) pour connaître l’ampleur des changements. Campagne locale habituellement, les élections de 1949 et de 1951 sont politisées par les deux forces d’opposition à la majorité, le PCF et le RPF, présents à peu près partout2. En pleine guerre froide, la politique atlantiste qui conduit le 4 avril 1949 à la signature du traité de l’Atlantique nord (OTAN) est combattue par le PCF qui dénonce aussi la continuation de la guerre d’Indochine. Comme la SFIO est partie prenante du gouvernement, le PCF maintient ses candidats contre les socialistes au 2e tour, quitte à faire élire des gaullistes à la faveur de nombreuses triangulaires. La SFIO et le MRP ou la SFIO et les radicaux, partenaires de la Troisième Force, s’entendent souvent sur une candidature unique de « défense républicaine » au 2e tour, alors que le RGR adopte des positions au cas par cas. Il est vrai que des RGR acceptent le patronage du RPF qui, lui, se maintient partout où il arrive en tête, refusant tout désistement. Mais parfois il se retire pour barrer la route au PCF.

  • 3 L’Année politique (L’AP), 1951, p. 252-254 et 712-717.

4Dans tout le pays, la poussée à droite est marquée en 1949 et la Bretagne n’y échappe pas. Pour l’expliquer, un rapport notait à propos des Côtes-du-Nord que dans une partie de l’électorat socialiste, l’anticommunisme l’emportait sur l’anticléricalisme, situation que l’on retrouve ailleurs. En octobre 1951, la configuration nationale est comparable avec deux facteurs plus affirmés encore : l’anticommunisme et la question scolaire, celle des subventions à l’école confessionnelle, particulièrement marquée dans la France de l’Ouest3.

Tableau I. – La répartition politique des conseillers généraux de Bretagne en 1945-1946, 1949 et 1951.

Tableau I. – La répartition politique des conseillers généraux de Bretagne en 1945-1946, 1949 et 1951.
  • 4 À Pleyben, le sortant MRP Jean Saliou a adhéré au RPF à la veille du scrutin pour éviter un concurr (...)
  • 5 L’AP, 1949, p. 44-47. Les indications d’étiquettes données par le ministère de l’Intérieur et publi (...)
  • 6 AN. F1c II. 271. 1949. Cantonales. 15,4 % des élus de droite ont la double appartenance.
  • 7 Sources : archives départementales et travaux cités rectifiant les statistiques électorales du mini (...)

5Depuis 1947, des conseillers généraux ont adhéré au RPF : neuf dans le Finistère (un UDSR, un ex-MRP, deux RI, 5 RPF), cinq dans les Côtes-du-Nord (3 RGR, 2 RPF), cinq en Loire-Inférieure où le PRL domine l’assemblée départementale. En 1949, la tactique du RPF consiste à accorder son patronage à de nombreux conseillers sortants de droite, voire à des MRP qui se présentent comme indépendants, notamment dans le Morbihan. Dans le Finistère, il peut ainsi présenter vingt candidats pour 21 sièges4. Certains l’ont ouvertement demandé mais d’autres l’acceptent en conservant leur étiquette partisane, ce qui rend complexe l’interprétation des résultats5. Ainsi, en jouant sur la double appartenance, le RPF revendique 527 élus dans le pays (avec l’Algérie), alors que le ministère de l’Intérieur lui en reconnaît 389, ceux qui se réclament uniquement du mouvement selon L’Année politique. Mais une statistique détaillée par force politique donne d’autres chiffres : 283 RPF plus 166 élus acceptant le patronage gaulliste, soit 449 conseillers généraux, 15 % du total de l’Hexagone6. Ce n’est pas le raz de marée attendu. De même, le RGR revendique 481 élus, le ministère lui en accorde 359 et le RPF 321. Le tableau I ci-dessus (p. 48) s’est efforcé de préciser les résultats à partir des études départementales7.

  • 8 AN. F1c II. 277. 1949. Cantonales. Ille-et-Vilaine.
  • 9 2 PRL, 5 indépendants, 2 MRP.
  • 10 Revanche politique, il est le neveu de Ferdinand Lancien, l’ancien député, sénateur et président du (...)

6À la veille des élections, le 11 mars 1949, le préfet d’Ille-et-Vilaine explicite la situation : comme le RPF n’a pas de candidats partout, « il a imaginé de donner son patronage à des sortants de droite considérés comme certains du succès », y compris s’ils ne se sont pas prononcés pour le mouvement gaulliste8. Sur 19 sortants et 21 sièges à pourvoir, dix ont conservé leur étiquette et neuf ont accepté le soutien du RPF9, tactique gagnante puisqu’ils sont réélus dès le 1er tour ainsi que deux MRP. Le conseiller de la République et président du conseil général sortant Marcel Rupied (PRL-RPF) a montré l’exemple. Le maire de Vitré, qui avait présidé le conseil général d’Ille-et-Vilaine de 1937 à 1939, n’a d’ailleurs pas attendu le renouvellement de 1949 pour reprendre son fauteuil puisqu’en novembre 1948 il a ravi la présidence au MRP Marcel Ménager. En effet, depuis 1947 ou 1948, des conseillers généraux ont adhéré au RPF. Dans le Finistère, le RPF revendique douze élus (57 %), quatre sortants dont trois MRP. Il prend Pont-l’Abbé au PCF et bat des candidats de gauche : le Dr Jacquin est élu à Crozon. À Carhaix, où la crise municipale entre socialistes et communistes a laissé des traces, le sortant Pierre Postollec (SFIO) et le maire communiste sont battus dans une triangulaire par le RPF Hervé Lancien, un « laïque10 ». À Brest-3, le vieux militant socialiste Jean Julien est éliminé par le maire RPF Alfred Chupin. Gabriel de Poulpiquet, indépendant de droite, adhère au RPF. En 1951, le RPF peut encore présenter treize candidats pour 22 sièges et faire élire les maires de Quimper et de Morlaix. Il devient le 1er groupe (18 sur 43). En 1949, le succès est au rendez-vous en Loire-Inférieure : une quinzaine de conseillers généraux (5 RPF, 7 indépendants de droite, 2 UDSR sur 3).

  • 11 Bougeard Christian, René Pleven, op. cit., p. 189.
  • 12 Bougeard Christian, « Élites et notables des Côtes-du-Nord (années 1930-1950) », art. cité.
  • 13 Georges Gallais était pourtant vice-président du conseil général.

7La situation politique est beaucoup moins favorable pour les gaullistes dans les Côtes-du-Nord : des cinq conseillers généraux RPF sur 48, deux le sont réellement, dont le dirigeant Georges Gallais élu à Saint-Brieuc-Nord, les autres étant les sénateurs de 1948. Mais le recul des gauches permet à René Pleven, l’un des rares élus locaux de l’UDSR et le seul en France, d’accéder à la présidence du conseil général en 1949 au 2e tour (29 voix sur 48), sur proposition du RGR (plus trois sièges) dont il fait partie, avec l’appui des indépendants de droite (plus sept élus) et le désistement du MRP passé de neuf à six conseillers11. René Pleven va diriger le département des Côtes-du-Nord, perdu par la gauche, jusqu’à sa retraite en 1976. Le taux de renouvellement de 1949 a été très fort (58,3 %, 15 conseillers généraux sur 24)12. Ensuite, sa majorité s’élargit : Pleven est réélu avec 38 voix, dont celles des socialistes, contre sept communistes et l’abstention des deux RPF en 1950. En 1952, après les élections cantonales de 1951, il sera même réélu par 41 voix sur 46 votants. Cette abstention des RPF, sur ordre de Paris, a provoqué la rupture des trois sénateurs plévénistes avec le Rassemblement13. De fait, de retour au gouvernement en octobre 1949, Pleven est devenu pour le général de Gaulle la cible à abattre.

  • 14 En 1949, le PCF perd 150 élus de 1945 et la SFIO 149, n’en conservant respectivement que 222 et 712 (...)

8En raison de leurs divisions et du choix socialiste de la Troisième Force, les deux partis de la gauche se réclamant du marxisme sont les victimes de la poussée à droite dans les deux départements où ils étaient bien implantés à la Libération comme dans l’ensemble du pays14. À l’issue des deux renouvellements de 1949 et de 1951, le PCF et la SFIO souvent opposés dans des triangulaires ont perdu la moitié de leurs conseillers généraux en Bretagne (voir le tableau I, p. 48). Dans les Côtes-du-Nord, le PCF est passé de 13 élus sur 48 en 1945-1946 à huit en 1949 et six en 1951, et la SFIO de 12 élus en 1946 après la recomposition qui a vu l’adhésion de radicaux-socialistes à huit en 1949 et sept en 1951. En 1949, la gauche perd ce département présidé par François Clech (SFIO) depuis 1947. Dans le Finistère, le PCF maintient sa présence à quatre puis trois conseillers, tandis que la SFIO tombe de sept à trois connaissant une évolution identique dans le Morbihan. Par exemple, à Lorient, le député communiste Armand Guillemot, conseiller sortant, affronte dans une triangulaire au second tour Julien Le Pan, maire SFIO de la ville, ce qui permet au RPF Émile Jouannic, adjoint de Le Pan, de l’emporter. Le PCF perd son unique conseiller général. En Ille-et-Vilaine et en Loire-Inférieure, la présence de ces deux partis n’était déjà qu’anecdotique (un ou deux élus), ce qui traduit le faible ancrage à gauche des territoires en dépit des progrès électoraux de la Libération. Le Parti radical-socialiste, très affaibli en 1945, connaît la même évolution, passant en Bretagne de 32 conseillers généraux en 1945 à 16 en 1951. Mais plusieurs radicaux réellement de gauche ont rapidement rejoint la SFIO en 1946, tandis que d’autres s’intégraient au RGR et que quelques autres cédaient aux sirènes du RPF comme Victor Golvan, élu à Quiberon en 1949.

  • 15 AN. F1c II. 278. 1949. Cantonales. Morbihan.
  • 16 AN. F1c II. 276. 1949. Cantonales. Finistère. Selon le préfet, Jaouen est élu par la Troisième Forc (...)

9La forte progression des droites en 1949 et l’attraction du RPF se font aussi au détriment des démocrates-chrétiens du MRP qui passent de 49 conseillers généraux en 1945-1946 à 25 en 1951, ne résistant bien qu’en Ille-et-Vilaine (de 15 à 10 élus). Le recul est sensible dans le Finistère et ses deux sortants sont même éliminés dès 1949 en Loire-Inférieure. Le 26 février 1949, le préfet du Morbihan notait que l’étiquette « indépendant ou républicain indépendant » était « très à la mode » chez d’anciens MRP car elle permettait d’accepter « l’appui officieux du RPF » pour se faire réélire15. Pourtant, des personnalités du MRP parviennent à se maintenir à la présidence du conseil général en 1949 : le député Paul Ihuel dans le Morbihan et le sénateur Yves Jaouen dans le Finistère. Ihuel, qui avait remplacé en 1946 l’ancien député et ministre Alphonse Rio (RS), est réélu par une majorité de droite. Affrontant deux RPF, un radical-socialiste et un communiste au 1er tour, Jaouen n’est réélu que très difficilement au 3e tour par 19 voix contre 18 au Dr Vourc’h et le maintien du communiste Alphonse Penven (trois voix sur quatre élus)16. Dans le Finistère, la majorité sortante qui était à droite (MRP, RI, RPF) glisse en 1949 vers la Troisième Force. Mais elle est fragile, si bien qu’en 1951, du fait de la progression du RPF (18 conseillers), la présidence échoit à Jean Crouan, ancien député (1936 et 1945), un PRL militant au RPF.

10Quelles que soient leurs étiquettes (PRL, RI, indépendants), les notables de droite sont les grands gagnants des scrutins cantonaux, d’autant plus que les élus du RPF viennent de ces familles politiques dans leur quasi-totalité. En Bretagne, la droite libérale (PRL-RI) obtient 91 élus en 1949 progressant sur 1945 (77) en dépit de la percée du RPF qui lui a volé pas mal de troupes (35 sièges). En 1951, en intégrant les radicaux indépendants, elle gagne quelques sièges (96 élus, 44 %), tout comme le RPF qui, en dépit de ses résultats mitigés aux élections législatives de juin 1951, gagnerait seize sièges (51 élus, 23,4 % du total), mais ces chiffres officiels du ministère (voir le tableau I, p. 48) sont sujets à caution car l’analyse de terrain indique plutôt une stagnation.

  • 17 Dans le canton de Saint-Brieuc-Midi, c’est le MRP qui prend le siège à la SFIO.
  • 18 Le RPF a présenté 13 candidats pour 22 cantons et obtenu 8 élus.
  • 19 Crouan Erwan, Jean Crouan (1906-1985). Un notable finistérien dans la tourmente du xxe siècle, maît (...)
  • 20 En réalité, en 1950, Pierre Vautrain, un indépendant de droite venu du MRP, a pris la présidence.

11Il n’y a pas eu d’accord RPF-indépendants en Loire-Inférieure et plusieurs conseillers généraux RPF ont rompu au printemps de 1951 dans le Morbihan. Dans les Côtes-du-Nord, l’heure du RPF est passée : il ne conserve que ses deux conseillers généraux de 1949 et, malgré plusieurs triangulaires, ne parvient pas à en conquérir de nouveau17. Les radicaux-RGR ne progressent pas non plus, contrairement à la droite qui passe de deux élus en 1945 à dix en 1949 et 17 en 1951. En revanche, dans le Finistère, la dynamique fonctionne encore en 1951 : le RPF passe de 12 à 18 conseillers généraux et devient la principale force politique18. Les maires de Quimper et de Morlaix, Yves Halléguen et le Dr Le Duc, sont élus. Le comité départemental du RPF propose à l’indépendant Jean Crouan, en compensation de sa non-élection aux élections législatives de juin (4e sur la liste), de succéder au Dr Vourc’h, sénateur RPF, dans le canton de Châteaulin19. Crouan est élu à la présidence par 27 voix sur 43 ; il obtient le ralliement de quelques MRP et sera réélu en 1952 avec 31 voix sur 39 votants, gardant sa présidence pendant 13 ans. Les droites dominent donc les conseils généraux de Bretagne en contrôlant 64,6 % des sièges, alors que communistes et socialistes n’en ont plus que 11 %. En 1949, des centristes (deux MRP, un UDSR) étaient à la tête de trois conseils généraux sur cinq, mais en 1951 ils perdent la présidence du Finistère au profit d’un indépendant de droite-RPF20. Solidement installés dans leur fauteuil de président, les sénateurs Marcel Rupied en Ille-et-Vilaine et Abel Durand en Loire-Inférieure, dont la majorité est hégémonique (40 contre 3), sont rejoints par Jean Crouan, trois élus d’avant-guerre. Ils vont rester en place jusqu’en 1961, 1970 et 1964. La page de la Résistance est bel et bien tournée. Mais ces consultations électorales qui montraient un glissement à droite de la Bretagne ne peuvent pas être séparées des mouvements qui agitent la société.

Un climat politique tendu au début des années 1950

  • 21 Pour les enjeux internationaux et coloniaux de 1949-1951, voir Bougeard Christian, René Pleven, op.(...)

12Dans un contexte international de passage de la guerre froide à la guerre chaude lors de la guerre de Corée et de rapide détérioration de la situation militaire en Indochine, les élections législatives de 1951 sont un test majeur pour la majorité de Troisième Force sortante et même pour la IVe République qui paraît menacée à la fois par les communistes et par les gaullistes. René Pleven est en première ligne. Redevenu ministre chargé de la Défense nationale dans les gouvernements Bidault (MRP) et Queuille (rad.) du 27 octobre 1949 au 24 juin 1950, il suit de près la situation en Asie. Partisan de la mise en place en Indochine d’États associés à la France, le 4 février 1949 il a conseillé au président de la République Vincent Auriol de signer un traité avec l’empereur Bao Daï reconnaissant un « État du Vietnam » réunifié afin de couper l’herbe sous le pied du Viet-Minh et de Ho Chi Minh qui luttent pour l’indépendance de leur pays. L’opinion publique française n’est pas encore trop sensibilisée puisque, selon des sondages de décembre 1949, 52 % des Français se disent indifférents à ce qui se passe Outre-mer21. Quand, à la suite d’une longue crise ministérielle, le Breton forme son premier gouvernement (du 11 juillet 1950 au 28 février 1951) et demeure vice-président du Conseil dans le gouvernement Queuille (mars-août 1951), il doit en urgence faire face à l’attaque de la Corée du Sud par le Nord le 25 juin 1950, à la perte de Cao Bang à la frontière chinoise (octobre 1950) et à l’exigence américaine de réarmer l’Allemagne fédérale (RFA). Afin d’éviter la reconstitution d’une armée allemande qui choque de nombreux Français, le chef du gouvernement propose le plan Pleven (octobre 1950), la mise sur pied d’une armée européenne dans laquelle il y aurait des soldats allemands bientôt appelée Communauté européenne de défense ou CED. La question de la CED va empoisonner la vie politique du pays pendant quatre ans. Mais c’est sur une réforme électorale que le gouvernement Pleven démissionne le 28 février 1951.

13La majorité sortante voulait barrer la route du Palais-Bourbon en priorité aux communistes et secondairement aux gaullistes. Mais ses composantes, tout comme le gouvernement, étaient divisées sur le mode de scrutin : le MRP voulait conserver la proportionnelle départementale à un tour quand les radicaux et l’UDSR voulaient revenir au scrutin d’arrondissement à deux tours, ce qui était aussi souhaité par la SFIO. Le gouvernement et l’Assemblée se divisent lors de débats confus en février, provoquant la fin du premier gouvernement Pleven dont le chef préfère ménager l’avenir. La nouvelle loi électorale dite des apparentements n’est adoptée que le 7 mai 1951, cinq semaines avant les élections. Conservant un seul tour, elle prévoit que si deux ou plusieurs listes s’apparentent et qu’elles obtiennent la moitié des suffrages exprimés, elles se partagent tous les sièges de la circonscription, en général le département, proportionnellement au résultat de chacune. C’est un compromis.

  • 22 Le Moigne Frédéric, « 1945-1950 : les manifestations du militantisme scolaire catholique dans l’Oue (...)

14Isolé par ce système électoral, le PCF ne peut que perdre des députés, mais il en est de même pour le RPF qui espérait poursuivre sa percée de 1947-1949 car le général de Gaulle refuse tout apparentement avec les partis du « système ». En outre, dans l’Ouest de la France, les forces conservatrices catholiques, qui depuis plus de deux ans s’étaient mobilisées en faveur de l’école privée, poussent à l’affrontement avec l’État. Après la « grève des mairies » de 1948 qui a touché un millier de mairies dans l’Ouest, dont 150 dans le Finistère (surtout dans le Léon), cette action initiée par le Comité d’action pour la liberté scolaire (CALS) culmine le 23 avril 1950 lors de quatre grands rassemblements dans l’Ouest rural, dont celui du Folgoët dans le nord du Finistère (15 000 manifestants), qui déplacent au moins 200 000 personnes selon Le Monde22. Le CALS s’est chargé de l’organisation et du mot d’ordre lancé par Mgr Cazaux, l’évêque de Vendée : la grève de l’impôt. Hormis Mgr Le Bellec de Vannes, les prélats bretons sont plus prudents : le cardinal Roques s’abstient de venir à Pontmain et Mgr Fauvel, l’évêque de Quimper, prononce un discours modéré au Folgoët. Cette offensive de laïcs ultras met en question l’autorité de cadres de l’Église (Mgr Roques) et vise un gouvernement présidé par le démocrate-chrétien Georges Bidault (MRP). Au reste, cette volonté d’autonomisation politique, critique vis-à-vis des élus y compris de droite qui n’ont rien fait selon eux et du clergé, est fort mal vue par la hiérarchie catholique. Le Vatican crosse Mgr Cazaux et le nonce Roncalli met le holà, abandonnant en rase campagne les milliers de familles et de parents d’élèves prêts à en découdre. Mgr Roques admoneste sérieusement le CALS l’année suivante. De fait, le mouvement de grève de l’impôt est mort-né car le CALS a appelé à son abandon à la fin d’août 1950.

  • 23 ADF. 31 W 282 et 428. Cabinet du préfet.

15Dans cette affaire, le RPF est aussi à la manœuvre : il a proposé une allocation-éducation pour les élèves des écoles « libres », bon moyen de faire éclater la Troisième Force et de séparer le MRP, qui ne peut que défendre le privé, des socialistes. Ce qui se produit après les élections de 1951. Devenu président du Conseil en juillet 1950, René Pleven s’est pourtant efforcé de déminer le terrain en réunissant une commission présidée par Paul-Boncour. La question scolaire devient un thème central de la campagne électorale de 1951. Les candidats de droite et du MRP s’engagent à défendre et à financer l’école catholique. En juillet 1951, l’Association parlementaire pour la liberté de l’enseignement initiée par l’APEL rassemble 315 députés dont René Pleven, le nouveau président du Conseil. Dans le Finistère, où elle est présidée par Me Bonthonneau de Quimper et présente dans 157 communes sur près de 300, l’APEL serait passée de 80 000 adhérents en avril 1946 à 120 000 et 300 000 sympathisants en fin d’année, et de 20 500 familles à 27 000 en 1949. Elle serait la plus puissante de France23. Quoi qu’il en soit, l’association est une force de frappe politique considérable.

Tensions sociales

  • 24 Sainclivier Jacqueline, L’Ille-et-Vilaine, 1918-1958, op. cit., p. 354-358.

16Grèves et mobilisations sociales participent à cette tension dans le monde ouvrier. La reconstruction des villes détruites par les bombardements est bien engagée et les derniers tickets de rationnement ont disparu à la fin de 1949. Mais l’achèvement du déblaiement des ruines peut localement provoquer une hausse du chômage quand les terrassiers et manœuvres sont débauchés (à Saint-Malo, à Lorient, à Brest). Or, en Bretagne, le secteur du bâtiment et des travaux publics concerne beaucoup d’emplois. Globalement, le chômage officiel reste très faible : en Ille-et-Vilaine, il concerne 1 % de la population active du secondaire et du tertiaire en décembre 1946, mais passe de 2 % à 4 % de 1950 à janvier 1955 (de 1 970 à 3 739 personnes)24. En 1949, l’industrie de la chaussure à Fougères est déjà en difficulté avec une forte baisse d’activité au printemps (60 % des ouvriers travaillent moins de 40 heures par semaine). En outre, les salariés qui ont beaucoup œuvré depuis la Libération aspirent à obtenir leur part d’une croissance économique qui prend son essor, d’autant plus que la forte inflation grignote leur pouvoir d’achat. Les traitements des fonctionnaires sont faibles, provoquant de fréquentes journées de grève de 1948 à 1950. Le 11 février 1950, une loi sur les conventions collectives permet aux entreprises de fixer librement leur salaire et un salaire minimum garanti (SMIG) est instauré, ce qui déclenche une vague de grèves dures dans tout le pays pour obtenir des hausses face à un patronat qui refuse de bouger. Avec une CGT forte et une CFTC offensive pratiquant l’unité d’action dans un certain nombre de villes et de pôles industriels, ces mouvements sociaux touchent la métallurgie le 21 février puis s’étendent du 3 au 20 mars à de nombreux secteurs, dont EDF-GDF, les transports, le bâtiment, puis aux dockers le 27. À Rennes, ces conflits durent entre une semaine et 19 jours (transports urbains rennais). Le 11 avril, les métallos de Saint-Nazaire organisent une marche sur Nantes.

  • 25 Le Moigne Alain, Marine et ouvriers de la construction navale à l’arsenal de Brest (1918-1970), thè (...)
  • 26 Le PCF avait appelé à la grève générale car sa députée Marie Lambert et deux dirigeants de l’UL CGT (...)
  • 27 Les deux députés communistes sont condamnés à 6 et 5 mois de prison avec sursis, peines confirmées (...)
  • 28 En totalité l’arsenal (7 500), le bâtiment (7 000), la métallurgie (1 000).
  • 29 Le journal communiste Ouest-Matin du 20 avril 1950 titre : « 80 000 personnes ont conduit É. Mazé à (...)

17La situation la plus tragique concerne Brest puisque l’ouvrier Édouard Mazé est tué lors d’une manifestation le 17 avril 1950. Dans le port du Ponant, la grève des ouvriers du bâtiment et des autres secteurs va de pair avec le mécontentement des ouvriers de l’arsenal dont la plupart jouissent d’un statut qui fait qu’ils ne sont pas directement concernés par les questions salariales. Mais en raison du coût de la guerre d’Indochine, pour des raisons budgétaires le ministre de la Défense nationale René Pleven décide le 28 février de diminuer les effectifs des arsenaux. L’arsenal de Brest doit perdre en un mois 10,6 % de ses ouvriers, passant de 7 240 à 6 47525. La CGT et la CFTC réagissent immédiatement, rejointes par le petit syndicat anarchiste de la CNT et même, exceptionnellement, la CGT-FO au sein d’un comité d’entente soutenu par les élus brestois. Les négociations avec le gouvernement échouent, d’autant plus que la seule solution proposée consisterait à envoyer les ouvriers licenciés « décharger le matériel de guerre américain » qui arrive par Brest. Or, la CGT, soutenue par le PCF, s’oppose violemment à cette solution qui signifierait aussi briser la grève des dockers. La journée de grève du 24 mars n’empêche pas 620 licenciements à l’arsenal. Au même moment, à partir du 9 mars 1950, un conflit très dur secoue tous les secteurs économiques brestois, dont « la grande grève du bâtiment » du 20 mars au 24 avril, secteur employant 8 500 ouvriers et artisans. Lors de la manifestation intersyndicale du 17 avril, interdite par le maire RPF Alfred Chupin, les affrontements avec les gardes mobiles sont très violents, faisant un mort, 23 blessés dont 8 grièvement, tous communistes. Parmi eux, Henri Menès, le secrétaire de l’UD CGT, blessé par balle26. La victime, tuée d’une balle en pleine tête, est Édouard Mazé, un manœuvre de 26 ans, frère de Pierre, conseiller municipal et dirigeant communiste et cégétiste. Vingt et un militants communistes sont arrêtés, quatre jugés immédiatement et condamnés, dont le député Alain Signor27. Précisons que le député MRP André Colin est alors secrétaire d’État à l’Intérieur du gouvernement Bidault. Le choc dans la classe ouvrière et la population est intense, renvoyant selon les discours militants aux méthodes nazies. Le lendemain, la ville est paralysée : 17 694 salariés sur 22 000 débraient28, tout l’arsenal est en grève ; les commerçants baissent leur rideau en signe de deuil. Il en est de même dans plusieurs villes du Finistère. Le 19 avril, 6 000 personnes assistent aux obsèques d’Édouard Mazé derrière la banderole syndicale unitaire du comité de grève ; des délégations ouvrières des villes de toute la région sont présentes29. Le PCF finistérien va immédiatement construire un « mythe rouge » autour de la mort d’Édouard Mazé. Mais, même s’il y a encore une grande grève sur des questions salariales à l’arsenal au printemps de 1951, du 22 mars au 23 avril, bénéficiant de la solidarité de nombreuses municipalités de l’agglomération, les dramatiques événements de 1950 marquent l’ultime convulsion violente de « Brest la rouge », après celles du début du xxe siècle et de l’été de 1935.

Crises au PCF en 1949-1950

  • 30 Picard Isabelle, Le PCF à Brest de la Libération à la fin de IVe République (1944-1958), op. cit., (...)
  • 31 Notice « Daniel Trellu » de Christian Bougeard, Le Maitron en ligne.
  • 32 Ils auraient eu une « attitude anti-ouvrière » lors d’une grève dans les conserveries de Concarneau
  • 33 Notice « Pierre Le Rose » de Christian Bougeard, Le Maitron en ligne.

18Signe des difficultés et d’une propagande qui tourne à vide, en 1949 et 1950, des fédérations bretonnes du PCF connaissent d’importants remaniements de leurs instances fédérales (bureaux et comités) lors de conférences fédérales qui visent en réalité à bolchéviser ou staliniser le fonctionnement d’un parti en perte de vitesse. En février 1949, Jeannette Vermeersch, la compagne du secrétaire général Maurice Thorez, vient ouvrir le bal dans le Finistère30. Vingt-quatre membres du comité fédéral sont remplacés, opération qualifiée de « purge » par Le Breton socialiste, le journal de la SFIO. Militant depuis 1936, chef des FTP du Finistère, secrétaire national à Paris de l’Union de la jeunesse républicaine française (UJRF) depuis 1945, l’instituteur Daniel Trellu devient secrétaire fédéral en remplacement de la députée Marie Lambert, tandis qu’Alain Signor est écarté du comité central31. Visé depuis 1948, ainsi que trois autres dirigeants syndicalistes, le secrétaire de l’UD CGT Ernest Miry est critiqué par Jeannette Vermeersch et perd son poste en juin 1949, puis il est exclu du Parti, semble-t-il sous la pression d’Alain Signor, car « d’esprit indépendant ». L’ancien secrétaire fédéral de 1945 à 1947, Alain Cariou, est critiqué pour avoir mené une politique « trop laïque ». En 1950, on veut bien le réintégrer mais Miry refuse de faire son autocritique. Le sectarisme gagne : critiques, autocritiques, exclusions s’enchaînent à Brest et dans tout le Finistère : les maires communistes de Lanriec, Albert Quelven, et de Trégunc, Michel Naviner, sont dans la charrette en août 195032. On fait la « chasse aux titistes », les partisans de Tito ; deux membres du comité central sont envoyés remettre de l’ordre en octobre 1950. Il faut trouver des responsables à la baisse des effectifs (voir le tableau III, chap. 1, p. 17) et des électeurs. Cette chasse aux sorcières va durer jusqu’en 1952 : on commence alors à s’interroger sur les ravages du « sectarisme » en en rendant responsable Daniel Trellu qui ne faisait qu’appliquer les directives du bureau politique (BP). On tente alors de renouer avec les militants exclus. Trellu doit faire son autocritique en 1952 et il est rétrogradé en mars 1953 et remplacé jusqu’en 1956 comme secrétaire politique par Pierre Le Rose, un ouvrier voilier de Concarneau33.

  • 34 ADCA. 1 W 12. Rapports des RG.
  • 35 Retière Jean-Noël, Identités ouvrières. Histoire sociale d’un fief ouvrier en Bretagne (1909-1990), (...)
  • 36 Notice « Roger Le Hyaric » d’Alain Prigent, Le Maitron en ligne.
  • 37 Notices sur les Guerlavas de Claude Geslin, ibid.

19De même, les 11 et 12 mars 1950, en présence de Waldeck-Rochet du bureau politique, Jean Le Jeune, le premier secrétaire fédéral (secrétaire politique) qui souhaitait d’ailleurs être déchargé de ses responsabilités (au comité central et au comité fédéral), et la fédération des Côtes-du-Nord, subissent « une sévère critique » pour « insuffisance de combativité34 ». Les campagnes de propagande de « la lutte pour la paix » et la signature de l’Appel de Stockholm sont insuffisantes, « les réunions de cellules sont rares » et les cotisations ne rentrent plus car seulement 800 militants ont repris leur carte sur 6 000 adhérents (selon les RG). La « main tendue » aux catholiques n’est pas encore pratiquée. Résultat : une partie des responsables sont renouvelés et on passe de trois permanents à un seul. Des crises internes secouent aussi la fédération communiste du Morbihan. Robert Boulay, dessinateur à l’arsenal qui a rendu beaucoup de services aux réfugiés en 1944-1945, a pris la mairie de Lanester détenue par les socialistes depuis 1909 en septembre 1945 avec plus de 60 % des suffrages. Sans avoir été résistant, cet ancien responsable des Jeunesses socialistes dirige une liste composée de résistants et de travailleurs de l’arsenal de Lorient (12 sur 23)35. Réélu au 1er tour en 1947, il est exclu en 1950 car lui aussi fait preuve de trop d’indépendance à l’égard du Parti. Du coup, le PCF est mis en difficulté aux élections municipales de 1953 (42 % des voix au 2e tour) mais un jeune militant de 27 ans, Jean Maurice, fils d’un communiste connu, parvient à garder ce bastion ouvrier entamant une carrière d’élu jusqu’aux années 1990. De même, en 1952, Roger Rio est écarté de la direction de la fédération au profit de l’ancien chef départemental des FTP Roger Le Hyaric, premier adjoint du maire communiste Le Samedy à Lorient (1952-1953) ; il va assumer cette fonction jusqu’en 1962 et se présenter à toutes les élections. Mais sa mauvaise entente avec le député Louis Guiguen n’arrange guère les choses36. En Ille-et-Vilaine, l’ouvrier peintre Émile Guerlavas, secrétaire-adjoint de l’UD CGT de 1945 à 1947, devient premier secrétaire en janvier 1950 jusqu’en 1962 en remplacement de Dupuis, limogé par le comité central pour son « manque de dynamisme ». Simone Guerlavas, l’épouse d’Émile, est secrétaire générale de l’UD CGT de 1952 à 197137. En Loire-Inférieure, c’est Gilles Gravoille, élu député en 1951, qui assume cette fonction. Au tournant des années 1950, dans une période difficile, en Bretagne les premiers secrétaires fédéraux sont remplacés par des hommes de confiance, en général des militants d’avant-guerre qui prennent la relève des résistants de la Libération, même s’ils ont pu être eux-mêmes des cadres de la Résistance communiste-FTP. Dès lors, une certaine stabilité de direction est assurée pour une dizaine d’années.

  • 38 Le Jeune Jean, Itinéraire d’un ouvrier breton, Saint-Brieuc, Imprimerie Jacq, 2002, p. 233-244. Édo (...)

20Vertement critiqués par le bureau politique, les communistes bretons se mobilisent en 1950 pour faire signer l’Appel de Stockholm (18 mars 1950) réclamant l’interdiction de l’arme nucléaire. En dépit de la mobilisation de toutes les organisations de masse, satellites du Parti, les objectifs ne sont pas atteints dans les Côtes-du-Nord (peu de monde aux réunions, lassitude des militants sans cesse sollicités), même si 32 personnalités l’ont signé. Le PCF veut aussi bloquer l’arrivée d’armes américaines en France ou l’embarquement d’armes pour l’Indochine. Les dockers de la CGT sont en première ligne, notamment à Marseille. Le 11 mai 1950, une centaine de militants communistes et cégétistes, conduits par Jean Le Jeune, qui vient de quitter le comité central au XIIe congrès du PCF à Gennevilliers et dont l’épouse est députée, et le secrétaire de l’UD CGT Roger Ruelleu bloquent un train d’armement venant de Brest en gare de Saint-Brieuc, action symbolique à un moment où le gouvernement a décidé de réprimer fermement les communistes. Une dizaine de militants (cheminots et d’EDF) dont trois femmes sont arrêtés et emprisonnés à Paris jusqu’en décembre. Les deux cadres passent dans la clandestinité et font de l’agitation dans l’ensemble des Côtes-du-Nord (réunions publiques sous la protection des militants), prenant même la parole à la fête de L’Aube nouvelle à Saint-Brieuc le 9 juillet à la barbe de la police qui tente de les arrêter38. Le lendemain, les deux fugitifs gagnent Paris où ils travaillent, l’un à L’Humanité, l’autre à la centrale de la CGT. Lors du renouvellement des instances fédérales, Jean Le Jeune n’est pas reconduit. En son absence et à l’instigation du député Marcel Hamon, il est remplacé par Guillaume Le Caroff, maire de Kergrist-Moëlou et conseiller général de Rostrenen. Les douze prévenus, y compris les deux semi-clandestins, se présentent devant le tribunal militaire de Paris en janvier 1951 où ils sont jugés pour « atteinte à la sûreté de l’État » et finalement acquittés.

  • 39 Le Moigne Alain, Marine et ouvriers de la construction navale à l’arsenal de Brest (1918-1970), op.(...)
  • 40 Henri Martin est finalement libéré en août 1953.

21Dans sa lutte contre la guerre d’Indochine, le PCF tente de mobiliser en faveur d’Henri Martin, ce marin militaire communiste arrêté en mars 1950 et condamné à cinq ans de réclusion le 20 octobre pour « propagande contre la guerre d’Indochine » par le tribunal militaire de Toulon. Les communistes bretons s’efforcent de créer des comités Henri Martin mais la propagande n’accroche pas39. Or, le 19 mai 1951, le jugement est cassé et un procès en révision doit se tenir à Brest du 17 au 19 juillet. À Brest, dans les syndicats, à l’arsenal, dans les quartiers, des comités dénoncent un procès politique, organisent des collages, des meetings, des manifestations conduites par les députés du Parti devant la prison réclamant l’acquittement du condamné. En dehors du noyau de militants cégétistes et communistes, assez peu de monde répond à l’appel en juin et juillet 1951 (150 personnes le premier jour du procès). Les peines d’Henri Martin et d’un autre marin sont confirmées. Cet échec est l’occasion, à l’automne de 1951, de mettre en accusation le secrétaire de la CGT Charles Cadiou qui doit faire son autocritique – il reconnaît n’avoir pas su « mobiliser les masses » –, prélude à son remplacement un an après en octobre 1952. Un comité départemental pour la libération d’Henri Martin est initié à la mi-août 1951 par le PCF et ses organisations satellites40.

  • 41 ADCA. 1 W 13. Rapports des RG.
  • 42 Une militante chrétienne progressiste figure au bureau.
  • 43 Selon les RG, la presse régionale (Ouest-Matin ?) en attendait 20 000.
  • 44 Notices « Jean Prual » et « Paul Frésil » d’Alain Prigent, Le Maitron en ligne.

22L’exemple des Côtes-du-Nord montre bien les difficultés des communistes à mobiliser en dehors de leurs cercles militants une fois la mobilisation en faveur des inculpés briochins de 1950 retombée41. Le 16 février 1951, le meeting des Combattants de la paix à Saint-Brieuc, mouvement présidé par l’ancien conseiller radical-socialiste Émile Le Gac très proche du PCF, a réuni 700 personnes en présence des trois principaux acquittés, de leur avocat et de l’abbé Boulier, chrétien progressiste, animateur du Mouvement de la Paix. Mais ensuite, ni l’UFF et ses comités féminins pour la paix42, ni le comité départemental du Mouvement de la Paix ne parviennent à mobiliser : tout au plus une dizaine de personnes assiste aux réunions en avril peu avant les élections législatives, et l’organisation d’assises populaires cantonales est un échec. De même, le 14 juillet, le Festival de la Paix à Saint-Brieuc est considéré comme un échec par les RG : défilé de 60 personnes, élus et cadres, assemblée générale de 25043. En 1952 et 1953, le fléchissement du militantisme est souligné même chez les instituteurs et les enseignants pourtant nombreux au PCF. La presse communiste fait état des progrès de placement des cartes mais en réalité, selon les RG, c’est peu crédible, d’autant plus que les cotisations rentrent difficilement si bien que dans la première fédération de Bretagne, en 1946, les effectifs auraient baissé des deux tiers de 1947 à 1952 : de 9 000 à 3 000, et peut-être 2 000 seulement en juillet 1952. On compterait 240 cellules mais une vingtaine seulement des 46 sections (une par canton) seraient actives. Le PCF met alors l’accent sur le renforcement des liens avec les petits noyaux de chrétiens progressistes, une dizaine dans les Côtes-du-Nord, et cherche à s’ouvrir aux militants de la JOC et de la JAC. Le professeur de lettres Édouard Prigent, adjoint au maire de Saint-Brieuc, dispense des formations au marxisme. Le métallurgiste et militant de l’Action catholique ouvrière (ACO) Jean Prual, « chrétien progressiste », secrétaire-adjoint de la CGT en 1952, est remplacé par Paul Frésil au profil identique en décembre 1954. Cette offensive communiste inquiète la CFTC et même le clergé. Car ces hommes et ces femmes ont d’abord milité à la JOC, au Mouvement populaire des familles (MPF), et ont eu des responsabilités importantes à la CFTC avant d’adhérer à la CGT (Prual en 1948, Frésil en 1951) et au PCF (1949 et 1953)44.

  • 45 ADIV. 508 W 106. Étude de 40 pages sur le communisme en Ille-et-Vilaine. 20 février 1952.

23En 1952, la situation n’est pas plus brillante en Ille-et-Vilaine où le Parti aurait perdu près des trois quarts de ses effectifs de 194845. Il y aurait 28 sections (deux à Rennes), dont six rurales considérées comme virtuelles par les RG. En fait, il resterait moins de 130 cellules sur les 260 annoncées, dont 50 vraiment actives dans les villes : 20 à Rennes (quatre à la SNCF) qui regroupent 900 militants, la moitié de l’effectif total, une dizaine à Saint-Malo – Dinard (650 militants), quatre à Fougères (100). Le stalinisme exacerbé frappe. Et l’affaire « Marty-Tillon », la même année, n’est pas faite pour attirer de nouveaux communistes. Marty, le numéro 3 du PCF en conflit depuis longtemps avec Maurice Thorez, et l’ancien chef des FTP et ancien ministre d’origine rennaise, sont violemment mis en cause, le premier étant exclu du Parti. Mais l’aura de Charles Tillon est forte dans des fédérations souvent dirigées par d’anciens chefs FTP (Trellu, Le Hyaric) : en septembre 1952, des membres du comité central doivent venir expliquer aux militants pourquoi on met à l’écart ces dirigeants prestigieux, anciens « mutins de la mer Noire ». Les cadres départementaux acceptent les sanctions, certains en rajoutent, d’autres se taisent lors des réunions, tel Louis Pétri, l’ancien chef des FTP d’Ille-et-Vilaine, conseiller municipal de Rennes depuis 1945.

  • 46 Cette liste n’est sans doute pas exhaustive.

24Signes des fortes réactions anticommunistes, durant cette période les locaux du PCF sont régulièrement la cible d’attentats de l’extrême droite et de militaires : à Saint-Brieuc pendant les grèves de 1947 (à la grenade) ; à Rennes, la permanence du député d’Astier de La Vigerie, proche du PCF, est visée en juillet 1948. La municipalité condamne l’attentat. Le journal communiste Le Réveil dénonce « les groupes armés fascistes » et réclame la dissolution de ceux du RPF. Un nouvel attentat vise cette fois la permanence du Parti en mars 1950. À Saint-Brieuc, nouvel incendie volontaire le 13 février 1952 ; cinq parachutistes sont arrêtés. À chaque fois, ces violences soudent les militants autour de leur parti (meetings, défilés, protestations à la préfecture) et permettent d’élargir les soutiens46.

25Climat de guerre froide, tensions politiques, question scolaire réactivée par les droites, volonté de prendre le pouvoir, Troisième Force affaiblie, nouvelle loi électorale, tel est le contexte des élections législatives de 1951. Vont-elles changer la donne politique ?

Les élections législatives du 17 juin 1951 : élimination des communistes et poussée contenue du RPF

26Dans les cinq départements bretons, 29 listes sont en compétition pour 39 sièges. Des apparentements ont été conclus dans les Côtes-du-Nord, partiellement en Ille-et-Vilaine, et entre la SFIO et le RGR dans le Morbihan, mais pas dans le Finistère ni en Loire-Inférieure. Le taux de participation oscille entre 78 et 82 % selon les départements.

  • 47 En incluant Georges Coudray réélu en novembre 1951 en Ille-et-Vilaine après la mort du socialiste A (...)
  • 48 Pascal Jean, Les députés bretons de 1789 à 1983, op. cit., p. 567-677.
  • 49 Voir la liste détaillée dans le tableau II, chap. 1, p. 15-16 et Sainclivier Jacqueline, La Bretagn (...)

27Le RPF provoque en Bretagne comme en France une redistribution des suffrages et des sièges, même si la majorité sortante sauve les meubles : avec 386 000 voix et 8 députés sur 121 dans le pays, le Rassemblement gaulliste est le principal gagnant alors que les grands partis du tripartisme sont affaiblis. La principale victime est le MRP qui tombe à onze députés et a perdu 248 000 voix (moins 41 %), ne conservant que 83 élus à l’Assemblée nationale47. Si la SFIO résiste avec sept députés sur 107, puis six après la mort d’Albert Aubry qui avait été réélu en Ille-et-Vilaine, elle perd 52 000 voix (moins 21 %). En raison des apparentements, le PCF ne conserve que quatre députés en Bretagne sur 103, plus l’apparenté Emmanuel d’Astier de La Vigerie, en perdant deux dans les Côtes-du-Nord et un dans le Finistère en raison de son recul en voix de 20 % (moins 68 000)48. En 1951, seize nouveaux députés (41 %) entrent à l’Assemblée nationale49.

Tableau II. – Résultats des principaux partis (en suffrages exprimés) aux élections législatives et nombre de députés en Bretagne en novembre 1946, juin 1951 et janvier 1956.

Tableau II. – Résultats des principaux partis (en suffrages exprimés) aux élections législatives et nombre de députés en Bretagne en novembre 1946, juin 1951 et janvier 1956.

*S = Nombre de sièges.

  • 50 Duhamel Éric, L’UDSR ou la genèse de François Mitterrand, Paris, CNRS Éditions, 2007, p. 155-162. T (...)

28Dans les Côtes-du-Nord, un apparentement a été conclu entre la liste de concentration républicaine de René Pleven, le MRP et la SFIO qui raflent les sept sièges. La liste Pleven est composée elle-même de trois forces politiques : l’UDSR, les radicaux-socialistes déjà alliés au sein du RGR et la droite proche du Centre national des indépendants et paysans (CNIP). À la veille du scrutin, Le Petit Bleu des Côtes-du-Nord du 16 juin 1951 annonçait clairement la couleur : « Oui pour la France, Oui pour la Paix, il faut battre les communistes » et « vous voulez que ça change ! Alors ne votez pas RPF ». Avec 23,2 % des suffrages exprimés, elle obtient trois députés et pas quatre, voire cinq, comme espéré à la veille du scrutin : René Pleven (UDSR), l’agriculteur Pierre Bourdellès (radical-socialiste, un temps RPF) maire de Louannec dans le Trégor et conseiller général, et Yves Le Cozannet, un revenant politique qui avait été député démocrate-chrétien de 1930 à 1932 et est passé au CNIP car le MRP l’a refusé sur sa liste en 1946. C’est un ancien de la Corporation paysanne représentant le puissant Office central de Landerneau dans les Côtes-du-Nord, président de la chambre d’agriculture. En dépit de ce beau résultat dans les Côtes-du-Nord, l’UDSR, le parti de René Pleven qui avait présenté 43 listes en métropole, dont 21 apparentées, recule de 23 députés et 4 apparentés en novembre 1946 à 13 et 5 apparentés en 1951, dont la moitié élus outre-mer50. Même si son président gouverne la France, les résultats sont maigres, l’UDSR faisant les frais du départ des gaullistes en 1949. En seconde position comme en 1946, Pierre Bourdellès apporte un second député en Bretagne au Parti radical sur un total de 74 puisque André Morice est réélu en Loire-Inférieure (14,9 % des voix). Yves Le Cozannet s’inscrit au groupe des républicains indépendants (RI) : 43 inscrits dont trois dans la région.

  • 51 Une 6e liste proche du PCF a recueilli 4 % des voix. Conduite par Émile Le Gac, ancien conseiller g (...)

29Avec 14,5 % des voix, le MRP perd 21,7 % de son électorat de 1946 et un siège, conservant ceux de Henri Bouret et de Marie-Madeleine Dienesch. Des tensions ont d’ailleurs marqué la formation de la liste : des opposants à l’alliance avec les socialistes ont contesté le maintien du sortant Henri Bouret, leader de l’aile gauche, comme tête de liste. Le 3 mars 1952, contrairement à la position de son parti, Henri Bouret s’abstient comme cinq RPF bretons lors du vote d’investiture d’Antoine Pinay. Une fêlure droite/gauche traverse le MRP des Côtes-du-Nord. La gagnante des apparentements est en réalité la SFIO qui, avec 13,7 % des voix (moins 6,3 % sur 1946), gagne un deuxième député : le Briochin Antoine Mazier est rejoint par Alexandre Thomas, le maire de Moustéru. En revanche, le PCF, qui conserve 26,6 % des suffrages (moins 4,9 % sur 1946) perd ses deux députés : Marcel Hamon et Hélène Le Jeune. Dans ce département, le recul des deux partis de gauche est marqué51.

Tableau III. – Les résultats départementaux (en %) des partis politiques aux élections législatives de 1951 en Bretagne.

Tableau III. – Les résultats départementaux (en %) des partis politiques aux élections législatives de 1951 en Bretagne.

] Apparentements de listes.

  • 52 Habib-Deloncle Michel, « Louis Terrenoire et le RPF », in Bernard Lachaise (dir.), De Gaulle et le (...)
  • 53 Georges Gallais est en 2e position.
  • 54 Sources : Pascal Jean, Les députés bretons de 1789 à 1983, op. cit., p. 569-671.

30De même, en dépit du parachutage au congrès départemental du 25 février 1951 d’une personnalité, Louis Terrenoire, député de l’Orne, ancien résistant et ancien MRP, membre du conseil de direction puis secrétaire général du RPF (6 juillet 1951), ce parti n’obtient aucun élu malgré 16,9 % des suffrages52. Une crise avait en effet traversé cette organisation qui, tombée de 4 000 adhérents en 1947 à 800 en 1950, selon les RG, nécessite une réorganisation complète en 1950-1951. Mais Louis Terrenoire, en mission pour combattre René Pleven à la demande expresse du général de Gaulle dans une lettre du 25 avril 1951, n’est pas parvenu à rallier Yves Le Cozannet, ce qui l’oblige à prendre lui-même la tête d’une liste RPF qu’il a beaucoup de mal à composer53. En raison de son échec, Louis Terrenoire renonce d’ailleurs à se présenter aux élections cantonales d’octobre 1951 contre le sénateur Cornu, conseiller général de Pléneuf et membre du gouvernement Pleven (voir le tableau III)54.

  • 55 Bougeard Christian, Tanguy Prigent, paysan ministre, op. cit., p. 234-238.

31La situation est quelque peu différente dans le Finistère où aucun apparentement n’a été conclu entre les six listes en lice. Chez les socialistes, le député Tanguy Prigent, qui préside la commission nationale agricole du parti de 1950 à 1954, participe au 43e congrès national de la SFIO à Paris (11-14 mai 1951). Il intervient pour dénoncer « le corporatisme, l’agrarisme et tous les partis soi-disant paysans55 ». Le maire de Saint-Jean-du-Doigt s’en prend violemment à la CGA et à la FNSEA qui sont le masque de « la droite réactionnaire », aux communistes « espions de Moscou », ainsi qu’au RPF. La presse socialiste appelle à ne voter « ni pour les menteurs », les communistes, ni pour le RPF car « le gaullisme, c’est la négation de la liberté, le régime du parti unique, le système du pouvoir personnel », comme Tanguy Prigent l’écrit dans Le Breton socialiste du 9 juin 1951. Il défend le régime républicain et s’efforce de justifier l’alliance de Troisième Force avec « la majorité centriste » et la politique menée depuis 1947. Cette campagne est d’autant plus virulente qu’elle est axée aussi sur la laïcité et la défense de l’école publique alors que l’Église a mobilisé ses troupes en faveur du financement de l’école privée. Les socialistes craignent de perdre leur second siège qu’ils parviennent à conserver pour le sortant Eugène Reeb avec 16,1 % des voix, et surtout une stabilisation des suffrages de 1946 (moins 1 379 voix). Ce n’est pas le cas du PCF qui, avec 20,9 % des voix, en a perdu 27 345 (27,8 % en 1946) et perd un siège, ne faisant réélire qu’Alain Signor et Gabriel Paul. Finalement, dans le Finistère, en sièges les gauches divisées résistent.

  • 56 La position de Chupin, un Brestois laïque qui a épousé une divorcée, pose problème à l’électorat ca (...)

32Mais le grand gagnant est le RPF qui obtient trois députés sur dix, avec plus du quart des suffrages, sans toutefois parvenir à faire réélire l’ancien député Jean Crouan (ex-PRL-RPF). La liste est conduite par le vétérinaire de droite (PRL-RPF) Joseph Pinvidic, maire et conseiller général de Landivisiau depuis 1945, suivi d’Alfred Chupin, industriel, maire (1947) et conseiller général de Brest (1949), deux « nordistes », puis de Joseph Halléguen, l’ancien aviateur Français libre maire de Quimper (1947), et de l’ancien député de droite Jean Crouan56. En 1948, Pinvidic avait déjà été élu sénateur RPF du Finistère. Il aurait souhaité un apparentement avec les indépendants mais il se plie à la discipline. D’ailleurs, une polémique avec le responsable des APEL (parents de l’école libre) lui aurait fait perdre des voix en faveur du MRP soutenu par une partie du clergé. Dans un département de sensibilité gaulliste, ayant amalgamé notables de droite et anciens résistants gaullistes, le RPF du Finistère fournit plus du tiers de sa représentation en Bretagne. Même s’il parvient à conserver un quart de l’électorat, du fait des nombreuses défections d’élus depuis 1947, le MRP accuse le coup, obtenant lui aussi trois députés. Ses dirigeants sortants André Colin et André Monteil sont réélus tout comme le Brestois Emmanuel Fouyet. Mais les cartes ont été redistribuées en faveur de la droite la plus dure au détriment de sa fraction centriste.

33En Ille-et-Vilaine où cinq listes s’affrontent, un apparentement a été conclu entre le RPF (23,4 %) et des républicains indépendants de la liste Guy La Chambre (21,1 %) sans parvenir à la majorité absolue, si bien que les sept sièges sont répartis à la proportionnelle. De son côté, pour barrer la route au RPF, le MRP s’est élargi sur sa droite vers le PRL et d’autres RI. Le MRP arrive en tête avec 26,1 % des voix, faisant réélire ses deux sortants : l’ancien ministre et dirigeant du parti Pierre-Henri Teitgen ainsi que le responsable agricole, de Vitré, Alexis Méhaignerie. Une élection partielle le 4 novembre 1951 après le décès du socialiste Albert Aubry permettra à Georges Coudray de récupérer son siège perdu en juin. Mais le MRP a perdu près de la moitié de son électorat de 1946 quand il obtenait 48,6 % des voix et quatre députés. Les droites sont là encore les gagnantes de la recomposition politique à l’œuvre. Le RPF obtient deux députés : l’ancien résistant et homme d’affaires Pierre de Bénouville, dirigeant national du Rassemblement parachuté en Ille-et-Vilaine et le cultivateur et maire de Saint-Méloir-des-Ondes Francis Samson. Conduisant une liste des « républicains d’action » soutenue par le CNIP, l’ancien député radical (élu en 1928) et ancien ministre avant-guerre Guy La Chambre, élu maire de Saint-Malo en 1947, revient à l’Assemblée. La bonne résistance électorale du PCF (perte de 1,2 % sur 1946) permet la réélection d’Emmanuel d’Astier de La Vigerie. De même, Albert Aubry, député une première fois de 1919 à 1924, réélu en 1945, garde un siège à la SFIO pour quatre mois seulement en dépit d’un recul de 4,7 % des voix. Totalisant 28 % des suffrages seulement, la gauche est faible dans ce département de Haute-Bretagne. Elle l’est plus encore dans le département voisin de Loire-Inférieure.

  • 57 Richard Gilles, « La Loire-Inférieure sous la IVe République : un bastion de la droite “modérée” », (...)

34En Loire-Inférieure, sept listes sans aucun apparentement sont en lice, ce qui permet à quatre des huit députés sortants de 1946 d’être réélus. Communistes et socialistes ne recueillent que 22,2 % des voix (12 % pour le PCF), au plus 25,7 % si on considère que la liste UDSR draine un électorat de centre gauche. Cette dernière a perdu la moitié de ses électeurs de 1946 (liste Jeune République-UDSR) sans doute passés au RPF. Le département conserve toutefois ses deux députés de gauche : l’ouvrier fraiseur Gilles Gravoille (PCF) qui remplace Henri Gouge et Jean-Baptiste Guitton (SFIO) réélu57. Chaque liste a perdu environ 2 % de ses voix par rapport à 1946 et il n’y a plus de liste trotskiste du Parti communiste internationaliste (PCI).

35Au centre, les radicaux-RGR laïques se renforcent gagnant 10 000 voix (15,1 %, plus 3,3 %). Leur liste est, il est vrai, tirée par l’entrepreneur de bâtiment nantais André Morice, un des dirigeants nationaux du Parti radical, ministre depuis 1947 qui va être chargé de la marine marchande d’août 1951 à février 1952 dans le 2e gouvernement Pleven, puis dans le gouvernement Edgar Faure. Le député MRP Édouard Moisan est lui aussi réélu mais son parti a perdu 28 657 voix, passant de 23,8 % des suffrages à 15,2 %. Du coup, le MRP perd son second député en Loire-Inférieure, Jean Martineau élu en juin puis en novembre 1946, et il retombe en voix à son niveau d’octobre 1945. La question scolaire situe le MRP à droite, pourtant le parti démocrate-chrétien se heurte à la forte concurrence des forces conservatrices, ce qui va obliger sa fédération départementale à s’emparer de la question sociale et à se tourner vers les mouvements d’action catholique (JAC, JOC, ACO) et vers le syndicalisme chrétien de la CFTC. Comme en 1946, les droites l’emportent, progressant fortement de 30,3 % des voix en 1946 à 37,5 % en 1951, et passant de trois à quatre députés pour leur liste d’Entente. En dépit de tensions, cette liste patronnée par le comité d’UNR-PRL bénéficie de la double investiture nationale du RPF et du Centre national des indépendants et paysans (CNIP) d’Antoine Pinay qui est ministre des gouvernements de Troisième Force depuis 1948, situation exceptionnelle que l’on ne retrouve que dans trois autres départements, dont la Vendée. Les PRL Olivier de Sesmaisons et Étienne Toublanc conservent leur siège rejoints par Michel Raingeard, candidat sur la liste du PRL en 1946, conseiller général de Nantes-2, et Maurice Grimaud. Deux PRL de 1946, de Sesmaisons et Raingeard, s’inscrivent au groupe RPF tandis que les deux autres appartiennent à deux groupes différents de républicains indépendants. Les réseaux de la droite conservatrice du Comité d’union nationale et républicaine (comité d’UNR) quadrillent largement le département comme le faisait le Comité de la droite avant-guerre. Mais l’union des droites n’est pas totale car une autre liste conduite pas le député sortant Jacques Chombart de Lauwe, écarté de la combinaison précédente, tente sa chance : elle recueille plus de 20 000 voix (6,5 %). Avec 46 % des suffrages, sans tenir compte du RGR, les droites dominent toujours la scène politique de Loire-Inférieure, mais sans être totalement hégémoniques car des tensions existent entre le courant conservateur, qui tient le conseil général, et le RPF.

  • 58 Rivière Christophe, « Les mouvements gaullistes dans le Morbihan, 1946-1958 », art. cité, p. 283-28 (...)
  • 59 Le résultat est clair : 74 voix pour, 9 contre, 2 abstentions.
  • 60 Elle est composée de deux conseillers généraux ruraux et de cadres du RPF. Les deux élus veulent se (...)
  • 61 Richard Gilles, « La renaissance de la droite modérée à la Libération. La fondation du CNIP », Ving (...)
  • 62 Bernard Mathias, « La mort du PRL », in Sylvie Guillaume et al. (dir.), « Le moment PRL », op. cit.(...)

36Dans le Morbihan, ces tensions au sein du RPF entre les notables de droite et les gaullistes ont éclaté lors de la préparation des élections législatives de 1951, affaiblissant le parti gaulliste car le général de Gaulle, refusant toute alliance avec les tenants « du régime », se montre intransigeant sur la question des apparentements et des alliances souhaités par bon nombre d’élus modérés58. Dans ce département, des rapprochements s’opèrent entre Raymond Marcellin, l’un des leaders nationaux du PRL, et certains RPF. Le délégué départemental RPF Georges Gougaud rencontre le général de Gaulle en avril pour tenter d’infléchir sa position et pense être parvenu à obtenir un accord sur une liste d’union avec Raymond Marcellin. Or, le 18 mai 1951, lors d’un conseil départemental élargi du RPF, le délégué régional Jacques Bruneau fait part de l’ordre de Jacques Soustelle de cesser les négociations. Georges Gougaud fait voter une motion favorable à l’union des droites mais sans le MRP59. Une liste modérés-RPF pouvait espérer trois sièges. Cette formule a le soutien de Paul Chenailler, l’un des fondateurs du RPF, des trois sénateurs élus sous cette étiquette et des conseillers généraux RPF. Georges Gougaud est exclu du Rassemblement le jour même et, selon Jacques Bruneau, il serait aussitôt passé chez Marcellin avec armes et bagages (fichiers et dossiers confidentiels). Raymond Marcellin, qui avait une étiquette « gaulliste » en 1946, est considéré comme « un traître », d’autant plus qu’il participe aux gouvernements de la IVe République. Dans le même temps, au nom du PRL, il est partie prenante des négociations nationales avec le CNIP de Roger Duchet et le RGR en vue d’une alliance électorale. La scission du RPF morbihannais paraît consommée, même si plusieurs élus (sénateurs et six conseillers généraux), au nom des valeurs catholiques, plaident encore en faveur d’une liste d’union des droites. Selon eux, il faut s’allier y compris au MRP pour prendre les deux sièges de députés détenus par le communiste Louis Guiguen (17,2 % des voix) et le socialiste Jean Le Coutaller apparenté aux radicaux-RGR (13,7 %) qui seront effectivement réélus. Le RPF morbihannais vole en éclats. Les sénateurs et sept conseillers généraux appuient la liste d’Union Action paysanne et sociale du MRP et des indépendants ; les premiers appellent même le 14 juin dans un tract à ne pas « voter pour la liste RPF, car c’est risquer de faire élire un communiste ». Cette liste d’union est composée de trois députés MRP sortants, de Raymond Marcellin et de trois candidats de droite venant du RPF. Elle recueille 42,1 % des suffrages et enlève quatre sièges : deux pour les MRP Paul Ihuel et Paul Hutin-Desgrées, deux pour les indépendants, Raymond Marcellin et l’ex-RPF Robert Bidart de la Noë, maire d’Elven et président de la FDSEA du Morbihan. En dépit de cette scission et de l’opposition d’une partie des notables modérés, la liste du RPF conduite par Victor Golvan venant du radicalisme obtient 21 % des voix et un siège de député60. Le cas du Morbihan illustre les contradictions d’un RPF composé de divers courants des droites aux intérêts antagonistes et souligne le fort ancrage territorial des notables dits modérés. C’est un avant-goût de ce qui va se produire au niveau national en 1952 et 1953. Le RPF est réorganisé autour d’un pôle lorientais plus social, tandis que le Dr Gilles Mabin de Vannes, proche de la famille de Gaulle, est nommé délégué départemental. Les dissidents sont exclus, renforçant d’autant les gaullistes orthodoxes. Lors de ces élections législatives, Raymond Marcellin et son Union des démocrates indépendants (UDI)-PRL se sont ralliés au Centre national des républicains indépendants (CNRI), la formation des modérés fondée en 1948 par René Duchet, qui va bientôt s’appeler le CNIP, le Centre national des indépendants et paysan (CNIP), lequel absorbe la plus grande partie du PRL61. Le 29 juin 1951, les dirigeants nationaux du PRL Joseph Laniel, Raymond Marcellin et Pierre André intègrent le comité directeur du CNIP62.

37Le climat de guerre froide, d’une part, et la réactivation de la guerre scolaire, de l’autre, se traduisent donc en 1951 par une poussée électorale des droites et un affaiblissement des centres, surtout du MRP, mais plus encore des gauches. La poussée du RPF n’est pas négligeable mais elle est inférieure aux espérances du général de Gaulle, tant au niveau national que régional. En effet, les notables de la droite traditionnelle, qui n’ont souvent adhéré au mouvement que par opportunisme électoral en 1947-1949, prennent déjà leurs distances et ont parfois rompu avec le Rassemblement avant même les élections législatives, comme dans les Côtes-du-Nord en 1950 et dans le Morbihan en 1951. Ces modérés vont appuyer la majorité d’Antoine Pinay qui a sauvé les meubles et renforcer le poids du CNIP, démontrant que la droite conservatrice peut gouverner sans dépendre du bon vouloir du général de Gaulle. Le RPF, qui n’est pas parvenu à s’imposer dans les urnes en 1951, entre en crise en 1952, ce qui débouche sur des réalignements lors des élections municipales de 1953 alors que la guerre d’Indochine et la question de la CED empoisonnent la vie politique.

La crise du RPF (1951-1953)

38Dans le Morbihan, celui qui tire les marrons du feu de la crise du RPF départemental est Raymond Marcellin. En effet, en juin 1951, il fonde une structure d’accueil des notables de droite en déshérence : l’Union pour la défense et le progrès des intérêts morbihannais. Ce mini parti local est soutenu par les trois sénateurs ex-RPF, une partie des conseillers généraux et même des cadres gaullistes. Paul Chenailler, ancien délégué départemental du RPF (1947-1949), met son quotidien La Liberté du Morbihan au service du ministre, c’est du moins ce que pense le nouveau délégué départemental Gilles Mabin (1951-1953) dans un rapport du 22 juin 1951 à la direction du parti. Georges Gougaud, qui a assumé la même fonction de 1949 à 1951, suit le même chemin : il est nommé secrétaire administratif de l’Union des indépendants en 1953. Auparavant coincé entre le MRP et le RPF, Raymond Marcellin dispose désormais d’un outil d’implantation qui va bien fonctionner lors des municipales de 1953 et après. Il va sans dire qu’en 1951 et 1952, de fortes tensions traversent des municipalités de droite entre élus qui restent fidèles au RPF et ceux qui l’ont quitté.

39Les élections sénatoriales du 18 mai 1952 enregistrent la première défaite nette du RPF dans le Morbihan. En raison de ses nombreux élus municipaux de 1947, il aurait dû conserver sa mainmise sur ce département. Mais ces trois sortants se représentent sur une liste de républicains indépendants et paysans contre la liste du RPF conduite par le maire de Vannes Francis Decker et une liste d’Union républicaine indépendante proche du MRP, sans oublier les listes socialiste (13,1 % des voix) et communiste (4,3 %). La liste gaulliste, qui n’a obtenu que 10,8 % des grands électeurs au premier tour, appelle à voter au second pour la liste conduite par un MRP (avec deux indépendants de droite), permettant l’entrée au Conseil de la République de l’ancien député MRP Joseph Yvon, non réélu en 1951. Le mouvement de Raymond Marcellin soutient activement les transfuges du RPF, conservant deux sénateurs sortants : Louis Le Léannec et Joseph Le Digabel. Mais le RPF a fait battre Jean de Gouyon. Raymond Marcellin profite de ce succès pour se faire élire conseiller général de Sarzeau lors d’une élection partielle en 1953. En 1952, il est revenu au gouvernement comme secrétaire d’État à la présidence du Conseil du gouvernement Pinay.

  • 63 Sur le second gouvernement Pleven, voir Bougeard Christian, René Pleven, op. cit., chap. x, p. 227- (...)

40Au niveau national, les modérés et indépendants de droite (87 députés) sont indispensables dans la nouvelle configuration sortie des urnes en juin 1951. La majorité dite parfois de Quatrième Force a glissé nettement vers la droite car les partis de la Troisième Force ne sont plus majoritaires. La nouvelle chambre est émiettée entre six groupes d’une centaine d’élus chacun. Il est très difficile de former le nouveau gouvernement, la crise ministérielle de plus d’un mois n’étant résolue que par l’investiture de René Pleven (2e cabinet) le 8 août 1951. Habile conciliateur, le leader de la petite UDSR qui n’a obtenu que neuf députés en métropole, mais 14 Outre-mer, est en position charnière mais son appui à l’école privée pose problème aux socialistes63. En perte de vitesse électorale depuis 1945, gênée par les progrès des partisans de l’école confessionnelle, la SFIO décide de soutenir le gouvernement Pleven mais sans y participer. Ce choix déporte le gouvernement Pleven vers le centre et la droite qui se partagent les 36 ministères. Parmi les nouveaux venus, le sénateur des Côtes-du-Nord André Cornu (radical), fidèle allié de Pleven, est nommé secrétaire d’État aux Beaux-Arts, un poste nouvellement créé. Le Nantais André Morice est ministre de la Marine marchande, un poste souvent dévolu à des Bretons.

  • 64 Jouan Carole, La question laïque dans le Finistère de 1946 à 1953, maîtrise d’histoire, Brest, UBO, (...)

41Les lois Marie-Barangé vont chercher à apaiser la guerre scolaire en donnant satisfaction aux partisans de l’école privée qui pèsent lourd dans la majorité (315 députés). Le 17 août 1951, le ministre André Marie (rad.) dépose un projet de loi (construction d’écoles en plein baby-boom scolaire, extension des bourses à l’enseignement secondaire privé). Mais ce n’est pas suffisant car le 21 août, le projet de loi Barangé (du nom du député du Maine-et-Loire, premier signataire) propose une allocation de 1 000 francs par trimestre pour tout enfant en âge scolaire, du public comme du privé. Les discussions à l’Assemblée sont très dures ; le gouvernement Pleven est sur la sellette : la gauche laïque (SFIO, PCF) s’y oppose, le RPF et une partie de la droite font de la surenchère. La majorité est menacée d’éclatement (opposition d’une majorité des radicaux laïques). Le gouvernement divisé s’abstient sur la loi Barangé qui est votée le 21 septembre par 327 voix contre 251, peu avant les élections cantonales. Vingt-quatre députés bretons votent pour, onze contre. Les organisations laïques affaiblies par l’affrontement entre communistes et socialistes réagissent tardivement : elles lancent avec la FEN et le SNI une pétition et une journée de grève le 9 novembre. Dans le Finistère, le 2 septembre, le Comité d’action laïque (CAL) est difficilement parvenu à rassembler 1 900 personnes dans quatre villes alors que les tenants de l’école privée en avaient rassemblé 15 000 au Folgoët en avril 1950, mais la grève est suivie par 95 % des instituteurs publics et 80 % des professeurs64. Il n’en reste pas moins que ce vote des lois Marie-Barangé signe la deuxième mort de la Troisième Force car le RPF a contraint le MRP à s’aligner sur les droites en se coupant de la SFIO.

  • 65 Les autres députés se sont abstenus.
  • 66 Richard Gilles, « La Loire-Inférieure sous la IVe République : un bastion de la droite “modérée” », (...)

42En difficulté sur sa politique économique et sociale, le 2e gouvernement Pleven tombe le 7 janvier 1952 sur la loi de finances car les socialistes votent contre avec les communistes et les gaullistes. À la suite d’un bref intermède de 40 jours d’Edgar Faure (rad.), la droite écartée de la direction du gouvernement depuis la Libération aspire à en prendre la tête. Le président de la République Vincent Auriol décide de « lever l’hypothèque de la droite » en prenant le risque d’une majorité axée sur le RPF dans une formule « d’union nationale ». Il appelle Antoine Pinay, le leader du CNIP, investi à la surprise générale le 6 mars 1952 avec 324 voix. Lors de cette « journée des dupes » (Vincent Auriol), l’investiture est acquise grâce au vote de 27 RPF sur 121, dont trois députés de Bretagne (de Sesmaisons, Raingeard et Samson), ce qui va précipiter la crise du Rassemblement gaulliste en reflux depuis les élections législatives65. Les deux députés RPF de Loire-Inférieure ont voté pour Pinay. Dans la nébuleuse des droites, les parcours et les motivations des hommes sont complexes, mais ce vote révèle les contradictions internes66. Le nouveau député Michel Raingeard, PRL-RPF, conseiller général de Nantes-2, ancien journaliste de L’Avenir de l’Ouest qui avait disparu, est secrétaire du Comité d’UNR et a été secrétaire parlementaire du groupe des Républicains indépendants (RI) du Sénat tout en adhérant au RPF (1948). Or, dans ses fonctions parisiennes, il s’est rapproché du RI René Duchet qui était en train de créer un nouveau parti, le CNIP. En 1951, Raingeard s’est bien inscrit au groupe du RPF, mais plus par tactique que par réelle adhésion, au moment où le PRL avait éclaté au niveau national, ses élus étant désormais considérés comme des indépendants de droite. L’hétérogénéité politique du Rassemblement gaulliste éclate au grand jour en mars 1952 : de plus en plus de parlementaires ne supportent plus l’opposition systématique du général de Gaulle au pouvoir en place.

  • 67 Il ne reste que Pinvidic, Chupin, de Bénouville et Golvan.
  • 68 Sainclivier Jacqueline, L’Ille-et-Vilaine, 1918-1958, op. cit., p. 321.
  • 69 Journal officiel, 12 janvier 1954 et 11 janvier 1955.

43La première fracture des parlementaires du RPF va s’élargir rapidement. Les responsables finistériens paraissent favorables à la conciliation avec les 27 dissidents et même à l’expérience Pinay. Quand, le 22 mai 1952, Louis Vallon réclame leur exclusion, Joseph Halléguen signe la lettre de 41 députés gaullistes qui se disent prêts à rejoindre la majorité, puis il fait partie des 26 qui rompent avec le RPF à l’issue du conseil national élargi de Saint-Maur (4-6 juillet). Ces députés fondent un nouveau groupe parlementaire, les Indépendants d’action républicaine et sociale (IARS), de droite, auquel adhèrent quatre députés bretons, réduisant de moitié les élus du RPF dans la région67. Or, en Ille-et-Vilaine, les assises départementales ont encore réuni 300 délégués en juillet 1952. Le député F. Samson, qui réaffirmait encore à la fin de juin « son entier et indéfectible attachement à de Gaulle » dans le journal Le Rassemblement, démissionne68. À l’Assemblée, les gaullistes se regroupent au sein de l’URAS, l’Union républicaine d’action sociale, qui ne conserve que deux députés en Bretagne sur 72 en janvier 1955 : Bénouville et Golvan. En effet, les deux Finistériens l’ont quittée : en mai 1953, Alfred Chupin s’apparente à l’UDSR et, au début de 1955, Joseph Pinvidic est apparenté aux Républicains indépendants69. Chacun retourne à sa famille politique d’origine.

  • 70 Cressard Jacques, Sociologie des compagnons du RPF en Bretagne, op. cit.
  • 71 À Morlaix, le seul cotisant est le maire Jean Le Duc qui cotise de 1948 à 1955 et à Plomodiern il n (...)
  • 72 Il reste 12 adhérents à Laillé où vit Mme Récipon, une des fondatrices du RPF.
  • 73 Sur les 23 adhérents de Saint-Nazaire, 18 travaillent aux chantiers navals, dont 5 ouvriers.
  • 74 Il n’y a que deux adhérents à Quiberon, la ville du député-maire gaulliste Victor Golvan.

44L’activité du RPF, déjà réduite depuis 1951, devient très faible dans le Finistère. Au congrès départemental de Quimper du 26 octobre 1952 en présence du député Joseph Pinvidic, de Jean Crouan et de 120 compagnons, Louis Terrenoire tente de relancer la mobilisation, mais bon nombre de notables de droite ont déjà (Gabriel de Poulpiquet) ou vont rejoindre les indépendants après les élections municipales. Signe des départs, le conseil départemental de 32 membres est aux trois quarts renouvelé. Dans les Côtes-du-Nord, un léger regain d’adhésions est enregistré en 1951 (environ 1 500 selon les RG). Mais en décembre 1952, le congrès départemental doit être reporté puis supprimé faute de délégués suffisants. Il resterait peut-être 600 adhérents (RG) ? L’ultime tentative de Terrenoire et du secrétaire Cardin de réunir un congrès départemental le 22 janvier 1954 (30 personnes) pour recontacter les anciens adhérents est vouée à l’échec. En effet, selon le fichier interne, en 1954 le RPF n’a plus que 1 256 cotisants en Bretagne, des fidèles puisque 60,7 % ont adhéré en 194770. Notons la proportion élevée de femmes (38,2 %, 46,4 % dans les Côtes-du-Nord), qui sont pourtant peu présentes dans les partis politiques sauf au PCF. 69 % des femmes (321) sont adhérentes depuis 1947 pour 55 % des hommes (414). Il n’y a pratiquement plus d’adhésions à partir de 1951. Faute d’argent et de militants, la permanence de Quimper a fermé ses portes. Les adhérents qui résident en ville (89,2 %) se répartissent ainsi : 257 dans le Finistère (64,2 % à Brest, 6,2 % à Quimper, 10,5 % à Landerneau)71, 181 dans les Côtes-du-Nord (35,3 % à Saint-Brieuc), 407 en Ille-et-Vilaine (28,2 % à Rennes, 46,9 % dans l’agglomération malouine, 6,4 % à Fougères)72. La Loire-Inférieure conserve 222 cotisants (53,6 % à Nantes, 10,4 % à Saint-Nazaire73, 8,1 % à La Baule). Le Morbihan qui avait 10 500 adhérents en 1947-1948 n’en conserve que 149 (40,3 % à Lorient, 20,8 % à Vannes, 14,8 % à Hennebont)74. D’après les fichiers, on peut mesurer l’évolution des effectifs et leur répartition géographique dans les Côtes-du-Nord de 1947-1948 à 1954 (voir le tableau IV). La perte est spectaculaire car il ne reste que 6,1 % des adhérents de 1947-1948. L’essor du RPF a été fort dans les villes et les zones communistes (Callac, Rostrenen, Plouaret) ou lié à des militants actifs comme le maire de Perros-Guirec, ville qui conserve 18,8 % des adhérents du département en 1954.

45Les données chiffrées internes permettent de relativiser l’ampleur des flux d’adhésions au RPF avancés par la propagande du Rassemblement gaulliste et souvent repris par les RG. Dès 1949, les adhésions se tarissent en raison des crises internes successives. Les résultats des élections municipales de 1953 sonnent le glas de l’aventure du RPF mis en sommeil par le général de Gaulle. Toutefois, il reste encore 676 adhérents en Bretagne en 1955 qui vont réactiver la formation gaulliste en 1958 et après.

Tableau IV. – Nombre et localisation des adhérents du RPF dans les Côtes-du-Nord de 1947-1948 à 1954.

Tableau IV. – Nombre et localisation des adhérents du RPF dans les Côtes-du-Nord de 1947-1948 à 1954.
  • 75 Le sénateur Abel Durand en fait partie et le maire de Nantes Henry Orrion entre au bureau.
  • 76 ADCA. 1 W 13.
  • 77 Camille Laurens a remplacé Paul Antier au ministère de l’Agriculture.
  • 78 Joseph Clément, maire de Saint-Glen et conseiller général de Moncontour, en fait partie. En 1956, i (...)

46C’est le parti de Pinay et Duchet, le CNIP, qui ramasse la mise puisque les 34 députés de l’IRAS y adhèrent en juillet 1954. En Loire-Inférieure, le comité d’UNR resté uni adhère en bloc au CNIP en mars 1953, à la veille des municipales, se transformant en fédération départementale, l’une des plus puissantes de France. Depuis un an, il est présidé par le comte du Bois de Maquillé, colonel en retraite, conseiller général de Nort-sur-Erdre. Michel Raingeard est à la manœuvre pour élargir ce comité des droites vers les milieux industriels et commerciaux nantais75. La situation des indépendants de droite paraît plus compliquée dans les Côtes-du-Nord. Un comité de liaison des indépendants et paysans présidé par le sénateur Cordier a été mis en place depuis les élections législatives. Le 17 janvier 1952, le Parti paysan des Côtes-du-Nord, toujours présidé par Frédéric Le Coq, tient son congrès fédéral avec 25 délégués seulement en présence de Cordier76. Il approuve la politique gouvernementale mais son dirigeant, favorable à la tendance de Camille Laurent, craint une scission des partisans de Paul Antier alors que les indépendants ont progressé aux élections cantonales77. Finalement, ce parti qui manque de leader d’envergure reconduit sa direction, mais il est difficile de savoir s’il appartient formellement au CNIP78. Quoi qu’il en soit, les élections municipales de 1953 vont être très favorables aux modérés.

Les élections municipales de 1953 : le retour à la normale

  • 79 2 819 candidats ont signé, 2 256 ont été élus (80 %).

47La question scolaire est réactivée en Bretagne lors de cette campagne municipale car l’Association des parents de l’école libre (APEL) est mécontente de l’application des lois Marie-Barangé. Aiguillonnés par les derniers militants du RPF, dans le Finistère les candidats doivent signer un engagement de soutien79. Après les élections, le 22 novembre 1953, un « grand rassemblement pour la justice scolaire » se tient à Châteaulin en présence de 110 maires ou de leurs délégués.

  • 80 Rivière Christophe, « Les mouvements gaullistes dans le Morbihan, 1946-1958 », art. cité, p. 291-29 (...)
  • 81 Rivière Christophe, « Les maires du Morbihan (1929-1959) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ou (...)

48Avec les réserves d’usage concernant les étiquettes des maires des petites communes attribuées par les préfets, les élections municipales d’avril-mai 1953 consacrent le très fort recul du nombre de municipalités RPF, même si les mêmes hommes restent souvent en place, ce qui signifie le retour au bercail des élus de droite avec des étiquettes souvent floues. Comme l’écrit le sous-préfet de Lannion, l’électorat de la droite traditionnelle « échappe enfin à un encadrement imposé par les circonstances (MRP en 1945, RPF en 1947) ». L’exemple du Morbihan illustre parfaitement ce processus (voir le tableau V, p. 71). Partout des listes d’union groupant MRP, indépendants de droite et radicaux se présentent, si bien qu’il ne reste que quatre communes ayant une liste uniquement RPF (Guer, Sarzeau). Le RPF, qui était devenu la première force municipale en 1947 avec 28,6 % des maires (75), en perd les deux tiers n’en conservant que 22 (8,36 %) et 5,6 % des conseillers municipaux (27 % en 1947)80. Paradoxalement, le MRP ne profite pas de ces reclassements politiques puisqu’il perd lui aussi 13 maires (un quart de 1947), n’en gardant que 37 (14 %). Pourtant, des sortants sont réélus, sauf qu’ils ont délaissé le MRP, surtout dans le sud-est du Vannetais, pour les républicains nationaux ou modérés81. Le taux de renouvellement des maires du Morbihan tombe à 22,4 %, inférieur à celui de 1935.

Tableau V. – Les étiquettes politiques des maires du Morbihan de 1945 à 1959.

Tableau V. – Les étiquettes politiques des maires du Morbihan de 1945 à 1959.
  • 82 Christophe Rivière cite l’exemple d’Eugène Denis, maire de Lanouë depuis 1919 dans l’arrondissement (...)

49Sous diverses étiquettes, les modérés redeviennent la première force politique avec 50,6 % des maires et 53 % des élus. Comme le notait le préfet le 23 janvier 1953, cette mouvance ne recouvre pas un parti politique mais « la réunion de tendances appartenant à la droite classique que rallie leur identité de vue au sujet des problèmes religieux et scolaires, lesquels demeurent toujours au premier plan des préoccupations dans le Morbihan ». Cette analyse vaut pour les autres départements : en 1953, l’étiquette « républicain national » est en vogue. Dans le Morbihan, on revient à la situation politique de l’entre-deux-guerres quand en 1929 et 1935 on avait 56 puis 55 % de maires URD et conservateurs, et donc à « l’ancien esprit conservateur ». La continuité politique et géographique (le Vannetais) est forte parfois avec les mêmes hommes qui changent d’étiquette en fonction de l’air du temps82. Les parenthèses de la Libération puis du RPF paraissent refermées.

50La redistribution des cartes s’est opérée au sein du camp des droites car à trois unités près (en plus, 71 maires), le centre gauche laïque et les gauches se sont stabilisés par rapport à 1947, même si le PCF a perdu deux de ses quatre mairies. À Lanester, Jean Maurice succède à Robert Boulay, maire depuis 1945 ; et le restant il le restera jusqu’en 1996. Suite à une crise déclenchée à Lorient par le maire SFIO Julien Le Pan, qui avait provoqué la dissolution de la municipalité par le préfet – socialistes et communistes ayant rejeté son budget –, la liste communiste avait porté l’ouvrier de l’arsenal Charles Le Samedy à la tête de la municipalité le 2 décembre 1951. Mais en 1953, Jean Le Coutaller, appuyé par le MRP et les modérés, reprend la municipalité pour la SFIO. Le parti socialiste compte 29 maires dans le Morbihan (11 %, 9 % des conseillers municipaux pour 2 % au PCF).

  • 83 Sainclivier Jacqueline, L’Ille-et-Vilaine, 1918-1958, op. cit., p. 342-343. Le MRP a 10 élus et le (...)
  • 84 Cloître Marie-Thérèse (dir.), Histoire de Brest, Brest, CRBC/UBO, 2000, p. 250.
  • 85 Moreau Régis, Les évolutions politiques de Quimper de la Libération à l’aube des années 1970, op. c (...)

51En Bretagne, le RPF perd la plupart des grandes villes conquises en 1947 : Rennes revient non sans mal à l’historien universitaire Henri Fréville (MRP) soutenu par Ouest-France. Quatre listes se sont affrontées, MRP, SFIO, PCF et une liste du maire d’avant-guerre et de l’Occupation François Château (droite, rad., ex-RPF) qui arrive en tête. Henri Fréville n’est élu maire au 3e tour que grâce à un accord avec le socialiste Le Strat qui devient premier adjoint83. À Brest, sa liste (24 % des voix) étant devancée par celle du MRP (28 %), le député RPF Alfred Chupin doit laisser le fauteuil de maire au sénateur Yves Jaouen84. Mais, refusant de voter le budget, les gaullistes provoquent la dissolution de la municipalité au début de 1954 : le 16 mai, Jaouen (31 % des voix) devance nettement Chupin (17 %). La gauche se redresse quelque peu, la SFIO (22 % des voix) dépasse même le PCF (20 %) affaibli par ses combats politiques et syndicaux et tombé à 500 militants. Mais une personnalité concurrente se profile à droite, l’avocat Georges Lombard, exclu du RPF : sa liste des indépendants est passée de 6 % des voix en 1953 à plus de 10 % en 1954, et il devient adjoint au maire. La situation est compliquée à Quimper avec pas moins de six listes en compétition, dont la liste dissidente du maire sortant Halléguen (indép.) contre une liste officielle du RPF menée par l’avocat Charles Le Bihan85. Halléguen arrive en tête (10 sièges sur 27). Comme à Rennes, l’élection du maire est compliquée et confuse : le MRP (sept élus) et la SFIO (quatre) s’allient et bénéficient des voix du seul RPF et du radical, ainsi que du vote blanc des communistes (quatre) permettant l’élection au 3e tour de l’avocat François Paugam (MRP). Contestant les résultats, les indépendants s’efforcent de bloquer les mesures de la majorité. Le décès du maire le 22 novembre relance la crise : les 10 indépendants veulent démissionner mais le préfet refuse. Le quorum n’est pas atteint en décembre mais le député MRP André Monteil (MRP), alors ministre, est finalement élu maire le 5 janvier 1955 en l’absence des dix opposants, dont la démission est cette fois acceptée. C’est donc une municipalité réduite qui va gérer la ville. Joseph Halléguen meurt brutalement le 31 janvier 1955, ce qui va apaiser la situation.

  • 86 Pencalet Françoise, Le PCF à Douarnenez (1944-1953), maîtrise d’histoire, Brest, UBO, 1989. Un cons (...)

52Alain Le Louédec est battu à Quimperlé par la SFIO qui reprend la ville. La situation est très compliquée à Douarnenez depuis 1947 car le maire Yves Caroff (12 communistes) a besoin des voix des deux socialistes contre les 13 élus de droite (MRP-RPF), mais en mars 1949 les opposants au PCF démissionnent. Signe de l’enjeu, Maurice Thorez se déplace en personne. Les nouvelles élections donnent le même rapport de force ; le communiste Joseph Trocmé n’est élu qu’au 3e tour au bénéfice de l’âge. Le résultat est contesté pendant deux ans86. En 1950, le budget ayant été rejeté, la municipalité est dissoute. Le nombre d’élus est identique mais cette fois la droite l’emporte au 3e tour en raison du maintien du socialiste : Marcel Arnous des Saulsays (MRP) est élu maire, réélu en 1953.

53Dans de nombreuses villes, les maires de droite sortants passés par le RPF ou alliés avec lui comme Guy La Chambre à Saint-Malo sont réélus : Henry Orrion à Nantes (17 élus pour sa liste sur 37) contre André Morice, mais les radicaux ont progressé (huit et 2 MRP), Francis Decker à Vannes (17 élus contre 10 de gauche comme en 1947), André Aubert à Dinan, Marcel Rupied à Vitré. Comme ailleurs, dans les Côtes-du-Nord l’effacement du RPF bénéficie aux républicains nationaux et aux centristes plévénistes. Le RPF, qui n’a présenté une liste homogène qu’à Saint-Brieuc (quatre élus), est rayé de la carte : 0,75 % des voix, 1,4 % des sièges. La cité briochine échoit d’ailleurs au MRP Victor Rault avec Antoine Mazier (SFIO) comme premier adjoint. Dans le Trégor, le RPF, qui contrôlait plusieurs communes, n’a plus que 9 conseillers municipaux sur 912 (moins de 1 %). Toutes les villes du département sont administrées par des coalitions de centristes RGR et de modérés. Mais le PCF résiste bien dans ses zones de force du Centre-Bretagne puisqu’il conserve 22 maires (5,6 %) en 1953.

  • 87 Dans l’arrondissement de Châteaulin, le sénateur Vourc’h et les conseillers généraux Lancien et Ber (...)
  • 88 Brigant Pierre, La fédération socialiste SFIO du Finistère (1908-1969), op. cit., t. 2, p. 532-533.

54Dans le Finistère, la résistance gaulliste paraît meilleure quoique le recul soit sévère : perte de 60 % des voix de 1947 et de 49,6 % des élus (moins 442). Le RPF ne conserve que 486 conseillers (10,1 %). Il perd dix des quatorze mairies encore détenues dans le Finistère Sud en en conservant dix-huit dans l’arrondissement de Brest et six dans celui de Morlaix, ville où le Dr Le Duc, cotisant jusqu’en 1955, est réélu. Dans l’arrondissement de Châteaulin, il n’y a plus qu’un seul maire RPF sur 64, celui de Crozon, le Dr Jacquin, contre sept en 1947. En 1953, le RPF perd donc la moitié des maires de 1947, n’en conservant que 29 principalement dans l’arrondissement de Brest et le Léon87. En fait, lors d’élections locales plus dépolitisées qu’en 1947, de nombreux élus abandonnent les étiquettes des partis politiques, sauf au PCF qui recule un peu (moins 65 conseillers municipaux). Des divers gauche ont abandonné la SFIO depuis 1947 qui conserve 60 maires en 1953 mais perd 22,8 % de ces conseillers municipaux, voire le Parti radical, alors que le RGR progresse dans le Finistère (plus 167 sièges)88. Comme dans les Côtes-du-Nord, les socialistes ont pratiqué des alliances à géométrie variable, ici avec le PCF malgré l’interdiction du parti, là avec les radicaux, le MRP, voire la droite contre des communistes. Les modérés ou républicains nationaux sont les grands vainqueurs : ils revendiquent 924 élus, près de dix fois plus qu’en 1947. C’est le résultat du recul du RPF mais aussi du MRP (moins 239 sièges) qui reste cependant la première force municipale du Finistère (1 414 conseillers, 34,5 %).

  • 89 Lollier Ronan, Élites politiques locales dans l’arrondissement de Châteaulin (1929-1953), op. cit., (...)
  • 90 Selon, les RG, elle se dit même « indépendante de gauche » dans une commune qui abrite des ouvriers (...)
  • 91 Égalité des deux camps, abstentions de deux chrétiens sociaux considérés comme exprimés par le préf (...)

55L’exemple de l’arrondissement de Châteaulin illustre les nouveaux rapports de force : sur 64 maires (36 % de nouveaux), ceux de gauche (20 socialistes, 8 communistes, 6 et 13 % des conseillers municipaux) et les centristes laïques (7 radicaux-socialistes, 9 RGR et divers gauche) restent majoritaires face à sept MRP (moins un, 18 % des conseillers municipaux), un RPF (4 %) et 12 modérés (20 %)89. L’implantation du PCF n’est pas négligeable dans la « Montagne », dans les cantons ruraux de l’arrière-pays à Carhaix, Le Huelgoat et Châteauneuf-du-Faou : en 1935, il avait deux conseillers municipaux communistes, 115 en 1945, 138 en 1947 (14 %), 129 en 1953 (13 %). Les autres partis résistent moins bien à l’érosion partisane car de nombreux conseillers, voire des maires sortants, ont abandonné leurs étiquettes politiques. Ainsi Suzanne Ploux, maire de Saint-Ségal puis de Pont-de-Buis (nouvelle commune) MRP en 1945 et 1947, est « indépendante » en 195390. À gauche, la question scolaire a permis des accords socialistes-radicaux, voire le retrait du PCF dans plusieurs communes, notamment à Châteaulin où Hervé Mao (SFIO) est réélu. Mais, contre la décision du congrès de son parti, « pas d’entente avec les staliniens ni avec les cléricaux », le socialiste Pierre Postollec reprend Carhaix au maire PCF Pierre Kerneis en s’alliant avec des MRP et des RPF. Charles Linement (SFIO) conserve Concarneau contre le PCF et Jean-Louis Rolland (SFIO) reprend Landerneau au prix d’un vote contesté par la droite91.

  • 92 En dépit de nos recherches aux archives départementales d’Ille-et-Vilaine, il n’a pas été possible (...)

56En Loire-Inférieure, le bloc modérés-CNIP remporte un très large succès renforçant d’autant plus son hégémonie qu’il se rapproche du RGR au niveau national et départemental, c’est-à-dire des radicaux d’André Morice92.

  • 93 Morin Gilles, « Les élus socialistes en Bretagne au temps de la SFIO », in Christian Bougeard (dir. (...)

57Selon un bilan national, en 1953 la SFIO a conservé 182 maires en Bretagne (sans la Loire-Inférieure), surtout dans les petites communes (132) et les petites cités (50), confortant son ancrage municipal alors qu’elle perd des adhérents, mais la question des élus classés socialistes indépendants ou divers gauche, encartés ou non, se pose93. En 1953, il n’y a donc que deux grandes villes dirigées par des maires socialistes : Lorient et Saint-Nazaire, et des villes plus petites comme Landerneau. Le gagnant est le MRP qui prend Rennes, Brest et Quimper au RPF et Douarnenez au PCF. La droite conservatrice – RPF en 1947 – conserve Nantes, Vannes, Saint-Malo, Vitré, Redon, Dinan, Loudéac, Morlaix.

Le recul de certains partis, le rebond de certains autres

58Suivant un mouvement amorcé dès 1947-1948, la plupart des forces politiques traditionnelles sont touchées au début des années 1950 par une baisse de leurs effectifs. L’afflux d’adhésions de la Libération a été de courte durée, ramenant à la situation classique en France de la faiblesse des partis. C’est vrai pour les partis de gauche mais aussi pour le MRP, et la flambée RPF a été brève. Tenant à leur liberté d’action, les notables qui se disent indépendants n’aiment guère être encartés. Faute de chiffres internes précis du PCF, il faut recourir aux estimations des RG. Ainsi dans le Finistère, on serait passé de 4 000 militants en 1950 à 2 500 en 1953. Par exemple à Douarnenez, ville communiste avant-guerre et depuis 1945, le nombre de militants passe de 287 en 1948 à 155 en 1952 selon des sources internes, alors que la SFIO a 40 adhérents. En 1951, la section socialiste de Concarneau, ville qui a un maire SFIO depuis 1947, n’a que 59 adhérents.

59La SFIO poursuit sa perte de substance, passant de 4 475 adhérents en Bretagne en 1950 à 3 240 en 1953, une baisse de 27,6 %, ne regagnant quelques maigres forces qu’en 1954-1955 lors de l’expérience de Pierre Mendès France, et surtout en 1956-1957 quand Guy Mollet revient au pouvoir avec le Front républicain (voir tableau IV, chap. 3, p. 99). En 1953, les fédérations des Côtes-du-Nord et du Finistère sont à égalité : 900 adhérents chacune. Sans en être la cause directe, des crises internes affaiblissent certaines fédérations comme celle du Morbihan qui passe de 1 000 adhérents en 1950 à 580 en 1953 en raison du conflit ouvert en 1950-1951 entre Julien Le Pan, le maire de Lorient, et le député Jean Le Coutaller venu s’installer dans la ville après avoir quitté Gourin. Mais, au-delà des questions de personnes, il y a l’attitude à l’égard du RPF dans la municipalité de Lorient : Le Pan s’appuie sur le MRP et le RPF pour contrer le PCF. Critiqué par son parti, il démissionne de la SFIO le 11 février 1951 avec son adjoint Robert Moysan et adhère rapidement au RPF, ce qui provoque une crise municipale en fin d’année et permet au PCF de prendre la mairie pour quelques mois. Toutes les fédérations bretonnes baissent, le parti socialiste tombant même à 300 adhérents en Ille-et-Vilaine en 1954. Comme pour tous les partis, l’écart entre les nombres d’électeurs et d’adhérents est considérable.

  • 94 Ibid., p. 91.

60Ces chiffres interrogent aussi sur le décalage entre des élus locaux socialistes, essentiellement ruraux, et des militants plutôt urbains. Ainsi en 1953, dans les quatre départements bretons, sans la Loire-Inférieure, 2 473 conseillers municipaux considérés comme socialistes ont été élus dans 536 communes sur 1 319, donc dans deux communes sur cinq (plus de la moitié dans les Côtes-du-Nord). Mais il n’y a que 86 élus dans les villes de plus de 9 000 habitants. Notons qu’il y a presque autant de conseillers municipaux que d’adhérents, 2 730. Or, la plupart des adhérents habitent en ville et ne sont pas élus, ce qui donne à penser que de nombreux conseillers des petites communes ne sont pas ou ne sont plus encartés (voir le tableau VI)94. Si tous l’étaient, dans trois départements sur quatre, il n’y aurait pas d’autres adhérents, et même en Ille-et-Vilaine moins d’adhérents que d’élus… De toute façon, ces chiffres traduisent la faiblesse militante de la SFIO en 1953, même après sa cure d’opposition contre les gouvernements Pinay et Mayer entamée en 1951, et la Loire-Inférieure n’est pas en mesure de modifier la donne car, en dehors de la ville de Saint-Nazaire, les socialistes n’administrent que deux autres communes : les cités ouvrières de Trignac et de Couëron.

Tableau VI. – Les conseillers municipaux socialistes bretons en 1953.

Tableau VI. – Les conseillers municipaux socialistes bretons en 1953.
  • 95 Duhamel Éric, L’UDSR ou la genèse de François Mitterrand, op. cit., p. 231-241.

61En revanche, les partis centristes qui tournent autour d’une forte personnalité politique peuvent se renforcer, comme l’UDSR dans les Côtes-du-Nord ou le Parti radical-socialiste en Loire-Inférieure. D’après les sources internes, l’UDSR nationale serait passée de 5 533 adhérents en 1949, année du départ des gaullistes, à 13 097 en 1952 et 16 033 en 195595. Mais comme pour les autres partis, les chiffres sont gonflés et sans doute plus proches des 5 000 adhérents. Au congrès de 1955, la fédération UDSR des Côtes-du-Nord serait donc la première de France (2 435 adhérents) à égalité avec celle de la Seine, bien avant celle de François Mitterrand dans la Nièvre (980). Au VIe congrès départemental du 4 mai 1952, le secrétaire fédéral Jacques Waron fait état de 1 800 cotisants, le maximum atteint dans une fédération qui compte 69 sections. Le Petit Bleu des Côtes-du-Nord rend compte des activités militantes : en mai 1952, le congrès départemental réunit 300 militants et même 350 en octobre 1955, autant que le congrès national. René Pleven est alors au pouvoir, et avec les succès électoraux de 1951 et 1953, son réseau d’élus s’étoffe, en alliance avec les radicaux du RGR. L’UDSR est passée de 52 conseillers municipaux en 1947 à 243 en 1953, ce qui est encore peu, et sept conseillers généraux sur 48. Des petites fédérations existent en 1955 lors du IXe congrès national dans trois autres départements bretons, mais avec de très faibles effectifs et bien peu d’élus : moins de 100 adhérents en Loire-Inférieure, entre 20 et 49 dans le Finistère et en Ille-et-Vilaine.

  • 96 Le comité directeur élit François Mitterrand à la présidence de l’UDSR par 50 voix et 11 bulletins (...)

62Pourtant, depuis 1949 François Mitterrand renforce son influence dans le parti en faisant adhérer des anciens prisonniers de guerre, et en 1951 il prend le contrôle de l’appareil dont son ami Joseph Perrin devient secrétaire général. Il profite de son absence du 2e gouvernement Pleven pour fourbir ses armes contre son président. En fait, le MRP s’est opposé à sa reconduction comme ministre de l’Outre-mer car les démocrates-chrétiens critiquent une politique qui prend trop en compte les intérêts des Africains et est marquée par le ralliement du RDA d’Houphouët-Boigny à l’UDSR. Au congrès de Nantes, en novembre 1953, René Pleven sachant qu’il a perdu la partie, ne se représente pas à la présidence de l’UDSR et refuse la présidence d’honneur96. Outre les enjeux de pouvoir, c’est aussi le fruit de divergences politiques sur la participation du parti aux gouvernements de droite d’Antoine Pinay, de René Mayer et de Joseph Laniel dont René Pleven est un pilier au ministère de la Défense nationale.

63Autre ministre très actif sur le terrain, André Morice s’affirme comme le leader régional de la principale fédération radicale de la région. En 1952, il est le ministre des Travaux publics d’Antoine Pinay où il fait figure de représentant des classes moyennes et du patronat.

  • 97 Richard Gilles, « La Loire-Inférieure sous la IVe République : un bastion de la droite “modérée” », (...)

64De même, en Loire-Inférieure, en raison de la mise à l’écart du RPF, la fédération MRP tirée par son député Édouard Moisan, ancien résistant et ancien responsable de l’UD CFTC, connaît un certain rebond en s’appuyant sur les mouvements d’action catholique tournés vers le mouvement ouvrier (JOC) et la CFTC. En 1949, des prêtres-ouvriers avaient prêché une mission à Saint-Nazaire. En 1952, la CFTC participe pleinement aux grèves tournantes dans la métallurgie à Nantes et à Saint-Nazaire. Le Nazairien Nestor Rombeaut est alors le secrétaire de la Fédération nationale de la métallurgie-CFTC. Cette année-là, le MRP embauche un secrétaire permanent issu de la CFTC chargé de développer les contacts sur le terrain, y compris dans les campagnes où s’activent de jeunes militants paysans de la JAC. Le MRP affronte le candidat de la droite lors de deux élections cantonales partielles. Dans le canton de Saint-Julien-de-Vouvantes, Francis Le Doze parvient à conquérir le siège détenu depuis 1921 par le comte de Charrette, peut-être parce que le Comité d’UNR en avait trop fait en enrôlant tous les maires et tous les curés du canton au service de son candidat. Au début de 1952, la fédération tombée à 670 adhérents en 1949 serait selon les RG remontée à 1 200, la moitié de ses effectifs de 194697. En réalité, même si elle est bien structurée autour de son député, en 1951 comme en 1954, elle n’apparaît pas dans les dix premières de France et serait au-dessous des 600 adhérents.

  • 98 Bougeard Christian, « Le MRP des Côtes-du-Nord sous la IVe République », art. cité, p. 439-440.

65Ce n’est pas le cas dans la fédération des Côtes-du-Nord qui est totalement désorganisée à l’été de 1951 et tiraillée entre une aile gauche emmenée par Henri Bouret, appuyée par des jeunes de la JAC et la CFTC, et une aile droite représentant les élus du pays gallo, dont le conseiller général de Caulnes Bernard Lemarié qui participe avec René Pleven à la gestion du conseil général98. Depuis le congrès du 14 mai, il n’y a plus de responsable du bureau fédéral et on compte sur le retour à Saint-Brieuc d’Albert Gortais, le secrétaire général adjoint du parti : Bouret voudrait lui proposer la présidence et lui serait secrétaire général, mais la majorité souhaite conserver Constant Montjaret. N’étant plus député, ce dernier doit quitter le département au début de 1952 pour chercher du travail. Afin d’éviter une scission de l’aile droite, Henri Bouret se met en retrait car, contrairement à son parti, il est hostile à la poursuite de la guerre d’Indochine et à la CED. La fêlure de 1951 est en train de se transformer en fracture, ce qui n’attire guère de nouveaux adhérents. Minoritaire dans sa fédération, le député démissionne du secrétariat fédéral en juin 1953.

  • 99 Letamendia Pierre, Le Mouvement républicain populaire, op. cit., p. 197 et 212.
  • 100 Selon Georges Guilleux, op. cit., les données internes sont contradictoires : il y aurait 132 secti (...)

66Durant les années 1950, selon les sources internes, le MRP regagne un peu de terrain dans le pays : le nombre d’adhérents tombé à 25 000 en 1950 remonte à 28 000 en 1952, 29 000 en 1953-1954 et se stabilise à 30 000 de 1955 à 1957. En 1954, seuls les départements de la Seine, du Nord et du Bas-Rhin dépassent les deux mille cotisants. De légers progrès sont enregistrés dans les deux principales fédérations MRP de Bretagne entre 1951 et 1954, 6e et 7e de France : celle du Finistère passe de 650 adhérents à 750 et celle d’Ille-et-Vilaine est stable à 55099. Selon les RG, la fédération du Finistère plafonnerait autour de 800-850 adhérents de 1949 à 1958, et en Ille-et-Vilaine les sources du MRP font état de 594 adhérents en 1956 et 564 en 1958, ce qui est assez proche des données nationales100. Dans le Morbihan, en dépit de ses deux députés, le parti démocrate-chrétien n’a guère que 100 à 200 adhérents essentiellement à Vannes et à Lorient, ce qui montre le fossé entre l’électorat et le recrutement. Néanmoins, deux députés de Bretagne ont des responsabilités nationales dans le MRP : André Colin, secrétaire général de 1944 à 1955, et Pierre-Henri Teitgen, président de 1952 à 1956. De ce fait, ils sont amenés à occuper plusieurs postes ministériels.

67Le tournant des années 1940-1950 est marqué par de fortes tensions politiques liées à la situation internationale (guerre froide, guerre coloniale d’Indochine) et à la virulente opposition des communistes et des gaullistes au régime en place. Ces tensions se répercutent sur les scrutins. Comme au niveau national, mais plus nettement en Bretagne, les résultats traduisent un glissement vers le centre et la droite alors que la IVe République semble consolidée à l’issue des élections législatives de 1951. Tous les partis politiques, sauf localement les formations centristes laïques, sont frappés par un dépérissement des forces militantes renforçant d’autant le poids des notables et des élus dans la vie politique. Les années 1953-1958 vont un peu redistribuer les cartes.

Notes

1 Bougeard Christian, René Pleven, op. cit., p. 186-187.

2 Bougeard Christian, « Les droites dans les élections cantonales de 1945 et de 1949 », in Gilles Richard et Jacqueline Sainclivier (dir.), La recomposition des droites en France à la Libération (1944-1948), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004, p. 257-269.

3 L’Année politique (L’AP), 1951, p. 252-254 et 712-717.

4 À Pleyben, le sortant MRP Jean Saliou a adhéré au RPF à la veille du scrutin pour éviter un concurrent.

5 L’AP, 1949, p. 44-47. Les indications d’étiquettes données par le ministère de l’Intérieur et publiées par L’AP ne correspondent pas toujours à celles des préfets. Par exemple, dans les Côtes-du-Nord, le tableau ci-dessus donne dix SFIO, le préfet huit seulement car il y a des socialistes indépendants non encartés.

6 AN. F1c II. 271. 1949. Cantonales. 15,4 % des élus de droite ont la double appartenance.

7 Sources : archives départementales et travaux cités rectifiant les statistiques électorales du ministère de l’Intérieur dans L’Année politique de 1949 et 1951.

8 AN. F1c II. 277. 1949. Cantonales. Ille-et-Vilaine.

9 2 PRL, 5 indépendants, 2 MRP.

10 Revanche politique, il est le neveu de Ferdinand Lancien, l’ancien député, sénateur et président du conseil général jusqu’en 1940 battu par Postollec en 1945.

11 Bougeard Christian, René Pleven, op. cit., p. 189.

12 Bougeard Christian, « Élites et notables des Côtes-du-Nord (années 1930-1950) », art. cité.

13 Georges Gallais était pourtant vice-président du conseil général.

14 En 1949, le PCF perd 150 élus de 1945 et la SFIO 149, n’en conservant respectivement que 222 et 712 ; mais le MRP n’est pas épargné (moins 56 sur 210). AN. F1c II. 266. Le PCF perd ses quatre présidences et la SFIO passe de 42 à 32.

15 AN. F1c II. 278. 1949. Cantonales. Morbihan.

16 AN. F1c II. 276. 1949. Cantonales. Finistère. Selon le préfet, Jaouen est élu par la Troisième Force (10 MRP, 5 SFIO, 4 RS) contre le Dr Vourc’h qui, n’étant pas candidat, avait eu 3 voix au 1er tour contre Alfred Chupin, le maire de Brest, candidat officiel du RPF, et l’avait remplacé au 3e tour. Il y a eu trois votes blancs et le préfet se demande où est passée la 4e voix communiste.

17 Dans le canton de Saint-Brieuc-Midi, c’est le MRP qui prend le siège à la SFIO.

18 Le RPF a présenté 13 candidats pour 22 cantons et obtenu 8 élus.

19 Crouan Erwan, Jean Crouan (1906-1985). Un notable finistérien dans la tourmente du xxe siècle, maîtrise d’histoire, Brest, UBO, 2001, p. 146-150. L’ancien député a battu au 1er tour Hervé Mao, le maire socialiste de Châteaulin, et un MRP.

20 En réalité, en 1950, Pierre Vautrain, un indépendant de droite venu du MRP, a pris la présidence.

21 Pour les enjeux internationaux et coloniaux de 1949-1951, voir Bougeard Christian, René Pleven, op. cit., chap. 9.

22 Le Moigne Frédéric, « 1945-1950 : les manifestations du militantisme scolaire catholique dans l’Ouest », art. cité, p. 209-211. Les trois autres lieux sont Pontmain (Mayenne), Saint-Laurent-sur-Sèvre (Vendée) et Château-la-Vallière (Indre-et-Loire). Ouest-France annonce un total de 240 000, dont 50 000 au Folgoët et 100 000 en Vendée.

23 ADF. 31 W 282 et 428. Cabinet du préfet.

24 Sainclivier Jacqueline, L’Ille-et-Vilaine, 1918-1958, op. cit., p. 354-358.

25 Le Moigne Alain, Marine et ouvriers de la construction navale à l’arsenal de Brest (1918-1970), thèse d’histoire, Brest, UBO, 2015, p. 538-557.

26 Le PCF avait appelé à la grève générale car sa députée Marie Lambert et deux dirigeants de l’UL CGT avaient été emprisonnés pour avoir molesté deux jours plus tôt le leader des patrons du BTP brestois qui refusait de négocier avec les grévistes. Les policiers ont sept blessés hospitalisés et 19 blessés légers.

27 Les deux députés communistes sont condamnés à 6 et 5 mois de prison avec sursis, peines confirmées en appel en 1951.

28 En totalité l’arsenal (7 500), le bâtiment (7 000), la métallurgie (1 000).

29 Le journal communiste Ouest-Matin du 20 avril 1950 titre : « 80 000 personnes ont conduit É. Mazé à sa dernière demeure. »

30 Picard Isabelle, Le PCF à Brest de la Libération à la fin de IVe République (1944-1958), op. cit., p. 49-62.

31 Notice « Daniel Trellu » de Christian Bougeard, Le Maitron en ligne.

32 Ils auraient eu une « attitude anti-ouvrière » lors d’une grève dans les conserveries de Concarneau.

33 Notice « Pierre Le Rose » de Christian Bougeard, Le Maitron en ligne.

34 ADCA. 1 W 12. Rapports des RG.

35 Retière Jean-Noël, Identités ouvrières. Histoire sociale d’un fief ouvrier en Bretagne (1909-1990), Paris, L’Harmattan, 1994, p. 153-180.

36 Notice « Roger Le Hyaric » d’Alain Prigent, Le Maitron en ligne.

37 Notices sur les Guerlavas de Claude Geslin, ibid.

38 Le Jeune Jean, Itinéraire d’un ouvrier breton, Saint-Brieuc, Imprimerie Jacq, 2002, p. 233-244. Édouard Quemper, permanent, est arrêté lors d’une réunion à Merdrignac.

39 Le Moigne Alain, Marine et ouvriers de la construction navale à l’arsenal de Brest (1918-1970), op. cit., p. 589-591.

40 Henri Martin est finalement libéré en août 1953.

41 ADCA. 1 W 13. Rapports des RG.

42 Une militante chrétienne progressiste figure au bureau.

43 Selon les RG, la presse régionale (Ouest-Matin ?) en attendait 20 000.

44 Notices « Jean Prual » et « Paul Frésil » d’Alain Prigent, Le Maitron en ligne.

45 ADIV. 508 W 106. Étude de 40 pages sur le communisme en Ille-et-Vilaine. 20 février 1952.

46 Cette liste n’est sans doute pas exhaustive.

47 En incluant Georges Coudray réélu en novembre 1951 en Ille-et-Vilaine après la mort du socialiste Albert Aubry.

48 Pascal Jean, Les députés bretons de 1789 à 1983, op. cit., p. 567-677.

49 Voir la liste détaillée dans le tableau II, chap. 1, p. 15-16 et Sainclivier Jacqueline, La Bretagne de 1939 à nos jours, Rennes, Éditions Ouest-France, p. 233.

50 Duhamel Éric, L’UDSR ou la genèse de François Mitterrand, Paris, CNRS Éditions, 2007, p. 155-162. Trois députés du Rassemblement démocratique africain (RDA) d’Houphouët-Boigny s’apparentent au groupe en 1952.

51 Une 6e liste proche du PCF a recueilli 4 % des voix. Conduite par Émile Le Gac, ancien conseiller général radical-socialiste apparenté PCF avec l’ancien député-maire radical-socialiste de Dinan Michel Geistdœrfer, elle avait sans doute pour but d’empêcher les trois listes apparentées de dépasser la moitié des suffrages et de se partager tous les sièges.

52 Habib-Deloncle Michel, « Louis Terrenoire et le RPF », in Bernard Lachaise (dir.), De Gaulle et le RPF (1947-1955), op. cit., p. 98-117.

53 Georges Gallais est en 2e position.

54 Sources : Pascal Jean, Les députés bretons de 1789 à 1983, op. cit., p. 569-671.

55 Bougeard Christian, Tanguy Prigent, paysan ministre, op. cit., p. 234-238.

56 La position de Chupin, un Brestois laïque qui a épousé une divorcée, pose problème à l’électorat catholique. Jean Crouan qui aurait menacé de rejoindre les indépendants accepte cependant sa 4e place.

57 Richard Gilles, « La Loire-Inférieure sous la IVe République : un bastion de la droite “modérée” », art. cité.

58 Rivière Christophe, « Les mouvements gaullistes dans le Morbihan, 1946-1958 », art. cité, p. 283-288.

59 Le résultat est clair : 74 voix pour, 9 contre, 2 abstentions.

60 Elle est composée de deux conseillers généraux ruraux et de cadres du RPF. Les deux élus veulent se retirer au dernier moment sous la pression de la droite, du MRP et de responsables du clergé.

61 Richard Gilles, « La renaissance de la droite modérée à la Libération. La fondation du CNIP », Vingtième siècle. Revue d’histoire, no 65, janvier-mars 2000.

62 Bernard Mathias, « La mort du PRL », in Sylvie Guillaume et al. (dir.), « Le moment PRL », op. cit., p. 135-145.

63 Sur le second gouvernement Pleven, voir Bougeard Christian, René Pleven, op. cit., chap. x, p. 227-246.

64 Jouan Carole, La question laïque dans le Finistère de 1946 à 1953, maîtrise d’histoire, Brest, UBO, 1999.

65 Les autres députés se sont abstenus.

66 Richard Gilles, « La Loire-Inférieure sous la IVe République : un bastion de la droite “modérée” », art. cité, p. 138-141.

67 Il ne reste que Pinvidic, Chupin, de Bénouville et Golvan.

68 Sainclivier Jacqueline, L’Ille-et-Vilaine, 1918-1958, op. cit., p. 321.

69 Journal officiel, 12 janvier 1954 et 11 janvier 1955.

70 Cressard Jacques, Sociologie des compagnons du RPF en Bretagne, op. cit.

71 À Morlaix, le seul cotisant est le maire Jean Le Duc qui cotise de 1948 à 1955 et à Plomodiern il n’y a plus que le Dr Vourc’h.

72 Il reste 12 adhérents à Laillé où vit Mme Récipon, une des fondatrices du RPF.

73 Sur les 23 adhérents de Saint-Nazaire, 18 travaillent aux chantiers navals, dont 5 ouvriers.

74 Il n’y a que deux adhérents à Quiberon, la ville du député-maire gaulliste Victor Golvan.

75 Le sénateur Abel Durand en fait partie et le maire de Nantes Henry Orrion entre au bureau.

76 ADCA. 1 W 13.

77 Camille Laurens a remplacé Paul Antier au ministère de l’Agriculture.

78 Joseph Clément, maire de Saint-Glen et conseiller général de Moncontour, en fait partie. En 1956, il sera candidat CNIP sur la liste Pleven.

79 2 819 candidats ont signé, 2 256 ont été élus (80 %).

80 Rivière Christophe, « Les mouvements gaullistes dans le Morbihan, 1946-1958 », art. cité, p. 291-292.

81 Rivière Christophe, « Les maires du Morbihan (1929-1959) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. 113, 2006/2, tableau p. 141 et p. 179-182. Par exemple, à Billiers, commune qui vote démocrate-chrétien depuis 1935, le maire Auguste Le Groumellec est étiqueté PDP (1945), MRP (1947), républicain national (1953).

82 Christophe Rivière cite l’exemple d’Eugène Denis, maire de Lanouë depuis 1919 dans l’arrondissement de Pontivy, réélu en 1929 (URD), 1935 (conservateur), 1945 (URD), 1947 (MRP), 1953 (républicain national), 1959 (modéré). Bizarrement, il ne semble pas être passé par le RPF. En fait, ces édiles de droite se méfient des partis trop hiérarchisés.

83 Sainclivier Jacqueline, L’Ille-et-Vilaine, 1918-1958, op. cit., p. 342-343. Le MRP a 10 élus et le SFIO 6, Henri Fréville obtient 15 voix contre 14 à Château (13 élus) et 8 à Cadieu (PCF).

84 Cloître Marie-Thérèse (dir.), Histoire de Brest, Brest, CRBC/UBO, 2000, p. 250.

85 Moreau Régis, Les évolutions politiques de Quimper de la Libération à l’aube des années 1970, op. cit., p. 50-54.

86 Pencalet Françoise, Le PCF à Douarnenez (1944-1953), maîtrise d’histoire, Brest, UBO, 1989. Un conseiller parti en mer est rentré trop tard pour désigner le maire car il n’aurait pas reçu de convocation.

87 Dans l’arrondissement de Châteaulin, le sénateur Vourc’h et les conseillers généraux Lancien et Bernard sont encore fidèles. Concernant Jean Crouan, les RG s’interrogent : il semble qu’il soit « plus indépendant que compagnon du général de Gaulle ».

88 Brigant Pierre, La fédération socialiste SFIO du Finistère (1908-1969), op. cit., t. 2, p. 532-533.

89 Lollier Ronan, Élites politiques locales dans l’arrondissement de Châteaulin (1929-1953), op. cit., p. 103-109.

90 Selon, les RG, elle se dit même « indépendante de gauche » dans une commune qui abrite des ouvriers de la poudrerie mais refuse d’adhérer à la Jeune République en 1955.

91 Égalité des deux camps, abstentions de deux chrétiens sociaux considérés comme exprimés par le préfet.

92 En dépit de nos recherches aux archives départementales d’Ille-et-Vilaine, il n’a pas été possible de trouver les étiquettes des maires de ce département en 1947 et en 1953, mais les municipalités sont contrôlées par la droite et le MRP.

93 Morin Gilles, « Les élus socialistes en Bretagne au temps de la SFIO », in Christian Bougeard (dir.), Un siècle de socialismes en Bretagne. De la SFIO au PS (1905-2005), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 88-93. On a 72 maires SFIO dans les Côtes-du-Nord, 63 dans le Finistère, 25 en Ille-et-Vilaine, 22 dans le Morbihan où les sources départementales en donnent 29.

94 Ibid., p. 91.

95 Duhamel Éric, L’UDSR ou la genèse de François Mitterrand, op. cit., p. 231-241.

96 Le comité directeur élit François Mitterrand à la présidence de l’UDSR par 50 voix et 11 bulletins blancs de la tendance Pleven Claudius-Petit.

97 Richard Gilles, « La Loire-Inférieure sous la IVe République : un bastion de la droite “modérée” », art. cité, p. 137-138.

98 Bougeard Christian, « Le MRP des Côtes-du-Nord sous la IVe République », art. cité, p. 439-440.

99 Letamendia Pierre, Le Mouvement républicain populaire, op. cit., p. 197 et 212.

100 Selon Georges Guilleux, op. cit., les données internes sont contradictoires : il y aurait 132 sections en 1946, 74 en 1949, 115 en 1951. Le congrès de 1950 annonce des sections et des groupes actifs dans 200 communes. En 1947, le fichier indiquait 1 258 adhérents dont 32,9 % à Rennes. Eugène Sylvie, Les démocrates-chrétiens dans le Finistère de 1945 à 1958, op. cit.

Table des illustrations

Titre Tableau I. – La répartition politique des conseillers généraux de Bretagne en 1945-1946, 1949 et 1951.
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Titre Tableau II. – Résultats des principaux partis (en suffrages exprimés) aux élections législatives et nombre de députés en Bretagne en novembre 1946, juin 1951 et janvier 1956.
Légende *S = Nombre de sièges.
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Titre Tableau III. – Les résultats départementaux (en %) des partis politiques aux élections législatives de 1951 en Bretagne.
Légende ] Apparentements de listes.
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Titre Tableau IV. – Nombre et localisation des adhérents du RPF dans les Côtes-du-Nord de 1947-1948 à 1954.
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Titre Tableau V. – Les étiquettes politiques des maires du Morbihan de 1945 à 1959.
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Titre Tableau VI. – Les conseillers municipaux socialistes bretons en 1953.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/163819/img-6.jpg
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